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Document 52020DC0779

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN sur le fonctionnement du mécanisme d'évaluation et de contrôle de Schengen, conformément à l'article 22 du règlement (UE) n° 1053/2013 du Conseil Premier programme d'évaluation pluriannuel (2015-2019)

COM/2020/779 final

Bruxelles, le 25.11.2020

COM(2020) 779 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

sur le fonctionnement du mécanisme d'évaluation et de contrôle de Schengen, conformément à l'article 22 du règlement (UE) n° 1053/2013 du Conseil




Premier programme d'évaluation pluriannuel (2015-2019)

{SWD(2020) 327 final}


1.Introduction

Le 14 juin 1985, la France, l’Allemagne et les trois États du Benelux ont signé l’accord de Schengen qui a supprimé les contrôles aux frontières intérieures entre ces États membres. Aujourd’hui, 35 ans plus tard, l’espace Schengen est l’une des plus grandes réussites de l’Union européenne. Il a accru la liberté de circulation, en permettant à 400 millions de citoyens de l’Union et de ressortissants de pays tiers se trouvant légalement sur le territoire, ainsi qu’aux biens et aux services, de circuler 1 sans être soumis à des contrôles aux frontières intérieures, apportant ainsi des avantages sociaux et économiques considérables 2 à nos sociétés.

Le bon fonctionnement de l’espace Schengen dépend de la mise en œuvre correcte et efficace de l’acquis de Schengen et d’une confiance mutuelle entre les États membres. Il nécessite une gestion moderne, uniforme et très efficace des frontières extérieures, ainsi qu’une série de mesures compensatoires (comme une coopération efficace des services répressifs, des politiques effectives en matière de visas et de retour et un système d’information Schengen complet), pour préserver la sécurité des citoyens, réduire le risque de mouvements non autorisés entre les États membres et améliorer les synergies entre les autorités nationales.

Il est primordial de disposer d’un système de contrôle solide pour vérifier la manière dont les pays mettent en œuvre l’acquis de Schengen et pour recommander des améliorations dans sa mise en œuvre. Telle est la raison pour laquelle, en 1998, dans le cadre de la convention de Schengen, les parties contractantes ont créé une commission permanente chargée de constater les manquements dans la mise en œuvre de l’acquis de Schengen et de proposer des solutions 3 . Après l’intégration de la convention de Schengen dans le cadre juridique de l’Union, le Conseil a repris le rôle de coordination, et des évaluations ont été effectuées à intervalles réguliers par des équipes composées d’experts des États membres, accompagnés d’un représentant du Conseil et d’un observateur de la Commission 4 .

En 2015, dans le cadre du nouveau «mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen» 5 , la responsabilité de la coordination et de l’organisation générale de l’exercice a été transférée à la Commission. Le mécanisme demeure toutefois une responsabilité partagée, la Commission effectuant les évaluations conjointement avec des experts des États membres. Ce contrôle par les pairs est essentiel aux évaluations de Schengen, car il renforce la responsabilisation, l’appropriation des résultats et la confiance. Le Conseil est chargé de formuler des recommandations à l’intention des États évalués, sur la base d’une proposition de la Commission, sur la manière de remédier à tout manquement constaté lors des évaluations.

Le mécanisme conserve plus que jamais toute sa pertinence. Depuis 2015, l’espace Schengen subit constamment des pressions et nous devons aujourd’hui faire face à une réalité différente de celle qui prévalait à l’époque de la création de cet espace. L’instabilité au sein du voisinage de l’Europe et au-delà, les conséquences des circonstances particulièrement exceptionnelles de la crise des réfugiés de 2015, la crise de la COVID‑19 et la menace terroriste nécessitent une réflexion et un suivi.

Le bon fonctionnement de l’espace Schengen repose en partie sur la nécessité de disposer d’un outil totalement efficace pour évaluer son fonctionnement et veiller à la mise en œuvre effective des améliorations. Tous les États concernés ont été évalués au titre du nouveau mécanisme, suivant le premier programme d’évaluation pluriannuel. Conformément aux obligations en matière de rapport prévues par le règlement SCH-EVAL 6 , le présent rapport fait le point sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’acquis de Schengen, sur la base des constatations, faites lors des évaluations, et des recommandations mises en œuvre. Ce rapport sert aussi de base aux réflexions nécessaires en ce qui concerne le réexamen du mécanisme afin que ce dernier puisse réaliser tout son potentiel d’outil d’évaluation du fonctionnement de l’espace Schengen et que les améliorations soient effectivement mises en œuvre.

Parmi les enseignements qui ont pu être tirés du passé, on observe que la mise en place et le maintien de l’espace Schengen nécessitent des efforts quotidiens combinés de la part des États membres et des institutions de l’UE pour permettre à tous les citoyens de l’Union de tirer pleinement parti de l’espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures. C’est précisément pour stimuler une coopération concrète sur des questions liées à Schengen entre tous les acteurs concernés et pour rétablir la confiance que la Commission a créé le forum Schengen. En faisant le point sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’acquis de Schengen et sur le fonctionnement du mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen, le présent rapport vise à jeter les bases nécessaires aux discussions qui se dérouleront lors du premier forum Schengen le 30 novembre.

2.Processus d’évaluation de Schengen

2.1.Processus d’évaluation de Schengen

L’acquis de Schengen comporte un vaste ensemble, en évolution rapide, de règles ainsi que des mesures compensatoires visant à contrebalancer l’absence de contrôles aux frontières intérieures. Le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen contrôle la mise en œuvre de l’acquis de Schengen par les pays qui l’appliquent partiellement ou pleinement 7 . Il évalue également la capacité des pays dans lesquels les contrôles aux frontières intérieures n’ont pas encore été supprimés à appliquer pleinement l’acquis de Schengen 8 . Le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen évalue en particulier la mise en œuvre des mesures dans les domaines des frontières extérieures, du retour, de la politique en matière de visas, de la coopération policière, du système d’information Schengen (SIS), de la protection des données et de l’absence de contrôle aux frontières intérieures.

La Commission effectue des évaluations sur un cycle de cinq ans, suivant des programmes pluriannuels et annuels, en collaboration avec des experts des États membres et avec des agences de l’Union qui participent en qualité d’observateurs. Chaque pays fait l’objet d’une évaluation au moins une fois tous les cinq ans. Au besoin, des évaluations ponctuelles supplémentaires sous la forme d’évaluations inopinées ou de nouvelles inspections peuvent être organisées. Les évaluations thématiques constituent un instrument supplémentaire pour évaluer la mise en œuvre de parties spécifiques de l’acquis de Schengen dans plusieurs pays en même temps. Le schéma ci-dessous illustre le processus d’évaluation quinquennal.

Examen par le Parlement européen

Examen par le Parlement européen

Les rapports d’évaluation sont présentés au comité Schengen (au sein duquel tous les États membres sont représentés) et, sous réserve de l’avis favorable de ce dernier, adoptés par la Commission 9 . Sur proposition de la Commission, le Conseil adopte les recommandations visant à remédier à tout manquement constaté dans les rapports d’évaluation, ce qui clôt la première phase de l’évaluation. En guise de suivi, le pays concerné doit soumettre un plan d’action énumérant les mesures correctives à prendre pour mettre en œuvre les recommandations du Conseil. La Commission apprécie les plans d’action en coopération avec les experts concernés chargés de l’évaluation. Le pays évalué est tenu de rendre compte des progrès accomplis tous les trois mois. Lorsque toutes les mesures correctives ont été prises, la Commission clôt la deuxième phase et, ce faisant, l’évaluation.

Si le rapport d’évaluation conclut à l’existence de manquements graves, la Commission doit en informer le Conseil immédiatement et des délais plus courts s’appliquent au suivi. Les pays évalués sont tenus de soumettre leur plan d’action dans un délai d’un mois à compter de la recommandation du Conseil. La Commission peut envisager de procéder à une nouvelle inspection pour vérifier la mise en œuvre des mesures prises en vue de remédier aux manquements constatés. En outre, s’il ressort du rapport d’évaluation que le pays évalué manque gravement à ses obligations et si la Commission constate, lors de son contrôle, que la situation perdure, elle peut déclencher l’application de la procédure prévue à l’article 29 du code frontières Schengen, qui peut, en définitive, déboucher sur une recommandation de réintroduction de contrôles aux frontières intérieures, pour autant que toutes les conditions nécessaires soient remplies.

2.2.Premier programme d’évaluation pluriannuel

Entre 2015 et 2019, plus de 200 visites d’évaluation 10 ont eu lieu au sein de l’espace Schengen 11 et dans 27 pays tiers 12 , les évaluations dans ces derniers ayant pour objet de vérifier la mise en œuvre de la politique des visas. Au total, 29 inspections inopinées et 8 nouvelles inspections ont été effectuées à l’égard de 15 pays dans tous les principaux domaines d’action, à l’exception de la protection des données et de la coopération policière. Deux évaluations thématiques ont été réalisées, en 2015 et en 2019/2020, respectivement sur la coopération locale au titre de Schengen dans le domaine de la politique des visas et sur les stratégies nationales pour la gestion intégrée des frontières.

Sur la base de ces visites d’évaluation, la Commission a adopté 198 rapports d’évaluation et le Conseil a adressé plus de 4 500 recommandations aux États membres. Seules 45 évaluations ont toutefois été menées à leur terme. Un certain nombre de rapports d’évaluation et les recommandations correspondantes doivent encore être adoptés en ce qui concerne les évaluations effectuées en 2019.

Au cours de ces cinq premières années, l’accent a surtout été mis sur l’élaboration de méthodes de travail destinées à améliorer la qualité, l’efficacité et la cohérence des évaluations. Compte tenu du rôle central des experts nationaux, il s’agissait principalement de poursuivre le développement de la formation adaptée qui existe depuis le précédent système d’évaluation. À l’heure actuelle, des formations destinées aux experts en vue de leur participation aux équipes d’évaluation sont proposées par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) et par l’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL), avec le soutien de formateurs de la Commission et de l’Agence des droits fondamentaux (FRA). Ces formations comportent des modules spécifiques axés sur les frontières extérieures, le retour, la coopération policière et le système d’information Schengen. Des listes de contrôle types ont également été élaborées afin de garantir une évaluation cohérente.

Les agences de l’Union 13 ont fortement contribué au processus en organisant des formations, en produisant des analyses des risques qui ont servi à la préparation des programmes annuels pour les évaluations de Schengen et en participant aux évaluations en qualité d’observateurs. En ce qui concerne la gestion des frontières extérieures, un instrument supplémentaire de contrôle de la qualité a été adopté en 2016 avec la mise en œuvre des évaluations de la vulnérabilité prévues par le règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) 14 . Ces évaluations annuelles de la vulnérabilité effectuées par Frontex complètent le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen, en donnant un aperçu de la capacité opérationnelle des pays à gérer les frontières extérieures. Elles sont prises en considération lors de l’évaluation d’un pays donné.

Le soutien financier octroyé au titre du Fonds pour la sécurité intérieure et du Fonds «Asile, migration et intégration» a facilité la mise en œuvre des recommandations. Les États membres ont été encouragés à (ré)affecter des ressources au titre de leurs programmes nationaux respectifs afin de privilégier les mesures visant à remédier aux manquements constatés dans les rapports d’évaluation 15 .

3.ÉTAT D’AVANCEMENT DE LA MISE EN ŒUVRE DE L’ACQUIS DE SCHENGEN

3.1.Principales constatations et progrès accomplis au cours du premier programme d’évaluation pluriannuel

Sur la base des constatations faites lors des évaluations effectuées au cours des cinq dernières années, on peut conclure que, dans l’ensemble, les États membres respectent les dispositions essentielles de l’acquis de Schengen dans tous les domaines d’action évalués. Les évaluations ont toutefois mis en évidence des manquements récurrents dans les États membres et des pratiques tout aussi divergentes entre les États membres en raison d’une mise en œuvre incohérente de l’acquis de Schengen. Ces divergences affaiblissent le degré d’harmonisation et de cohérence et pourraient, en définitive, avoir une incidence sur le bon fonctionnement de l’espace Schengen.

Les évaluations ont permis de déceler de nombreux manquements récurrents et d’y remédier. Plusieurs États membres ont adopté une attitude positive et proactive pour remédier aux manquements constatés lors des évaluations. Dans certains cas, les États membres se sont mis à travailler à des mesures correctives avant même que le Conseil ait adopté ses recommandations. En outre, lorsque le rapport a conclu à l’existence de «manquements graves», les nouvelles inspections ont montré que les États membres avaient agi rapidement pour remédier aux manquements les plus graves. Cela confirme que le contrôle étroit des obligations et responsabilités des États membres ainsi qu’une action rapide de la part de ces derniers sont d’une importance capitale pour la mise en œuvre correcte et efficace de l’acquis de Schengen.

Manquements récurrents et domaines d’amélioration

·Transposition, mise en œuvre et application incomplètes ou non conformes de l’acquis de Schengen pertinent;

·effectifs insuffisants et qualifications et/ou formation inadéquates;

·pratiques nationales divergentes et contradictoires dues à une mise en œuvre incohérente de l’acquis de Schengen;

·structures administratives fragmentées, avec une coordination et une intégration insuffisantes des différentes autorités; et

·obstacles pratiques, technologiques et réglementaires à la coopération au sein de l’espace Schengen.

Les constatations consécutives aux évaluations ont servi de base au renforcement de la politique de l’UE ces dernières années, en apportant une contribution essentielle à la poursuite du développement de l’acquis de Schengen et à sa mise en œuvre correcte et plus harmonisée. Ces constatations ont contribué à la formulation de la recommandation de la Commission du 7 mars 2017 visant à rendre les retours plus effectifs 16 et ont influencé la refonte de la directive «Retour» ainsi que la révision du manuel sur le retour 17 . Elles ont été largement utilisées aux fins des propositions législatives dans le domaine de la politique des visas et pour améliorer le manuel des visas. Elles ont joué un rôle essentiel dans l’amélioration du cadre juridique du système d’information Schengen et dans la modification du code frontières Schengen à la faveur de laquelle l’obligation de procéder à des vérifications systématiques a été introduite. En outre, les résultats de l’évaluation thématique des stratégies nationales des États membres pour la gestion intégrée des frontières permettront de soutenir la mise en place du cycle pluriannuel pour la gestion européenne intégrée des frontières afin de consolider l’approche stratégique de la gestion des frontières aux niveaux national et de l’UE.

3.2.Constatations spécifiques par domaine d’action

3.2.1.Gestion des frontières extérieures

Le bon fonctionnement d’un espace sans contrôles aux frontières intérieures nécessite une gestion commune, uniforme et très efficace de ses frontières extérieures. Tout manquement dans la gestion des frontières extérieures d’un pays peut avoir une incidence sur l’ensemble des États membres et, par conséquent, mettre en péril le fonctionnement de l’espace Schengen. Les évaluations de la gestion des frontières extérieures constituent donc un aspect essentiel du mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen.

Le principal acte législatif régissant ce domaine est le code frontières Schengen 18 . Ces cinq dernières années, sous l’influence des nouveaux défis auxquels l’UE est confrontée, des initiatives supplémentaires ont été lancées dans le but de renforcer ce cadre législatif, notamment les vérifications systématiques des citoyens de l’Union dans les bases de données pertinentes aux frontières extérieures 19 , l’adoption d’un nouveau règlement Frontex en 2016 20 et sa révision ultérieure en 2019 avec l’inclusion du règlement EUROSUR 21 , ainsi que la mise en place progressive d’un système intégré de gestion des frontières extérieures de l’UE (la gestion européenne intégrée des frontières extérieures).

Les évaluations de la gestion des frontières extérieures couvrent les principaux éléments suivants: les vérifications aux frontières extérieures maritimes et aériennes ainsi qu’aux points de passage frontaliers terrestres, la surveillance des frontières extérieures, les stratégies et concepts nationaux pour la gestion européenne intégrée des frontières extérieures, l’analyse des risques, la coopération interservices et internationale, le mécanisme national de contrôle de la qualité, les capacités de gestion des frontières extérieures (personnel et équipements) et les infrastructures.

En vertu des articles 21 et 29 du code frontières Schengen, le constat, dans un rapport d’évaluation de Schengen, de l’existence de manquements graves persistants liés au contrôle aux frontières extérieures peut conduire à la réintroduction de contrôles aux frontières intérieures. Ces dispositions ont été appliquées une seule fois au cours de ce premier programme d’évaluation pluriannuel. Lors d’une inspection inopinée effectuée dans un État membre 22 , en automne 2015, de graves manquements ont été constatés dans la gestion des frontières extérieures. Ceux-ci ont été considérés comme mettant en péril le fonctionnement global de l’espace sans contrôle aux frontières intérieures 23 . De ce fait, cinq États membres ont réintroduit conjointement des contrôles aux frontières intérieures 24 . Le Conseil a adopté des recommandations sur les mesures nécessaires devant être prises par l’État membre concerné, qui a soumis un plan d’action et des rapports d’étape comme l’exige le règlement SCH-EVAL 25 . L’évaluation effectuée en 2016 indiquait déjà que les manquements graves avaient été corrigés.

Sur la base des 42 évaluations effectuées en ce qui concerne la gestion des frontières extérieures, on peut conclure que, pour l’essentiel, les États membres mettent en œuvre le code frontières Schengen de façon adéquate et gèrent les frontières extérieures conformément à l’acquis. Des progrès décisifs ont également été accomplis quant à l’harmonisation des approches stratégiques des États membres en matière de gestion des frontières extérieures grâce à la mise en œuvre progressive d’un système de gestion intégrée des frontières. Des manquements graves ont été relevés dans quatre États membres 26 , mais ces derniers ont rapidement pris les mesures nécessaires pour remédier aux manquements les plus importants. Aujourd’hui, aucun État membre ne présente de manquements graves dans ce domaine, mais des défis particuliers demeurent dans quelques pays et doivent encore être rapidement relevés. Malgré ces éléments positifs, la gestion des frontières extérieures des États membres ne garantit pas encore un niveau de contrôle uniforme aux frontières extérieures de l’Union, compte tenu des pratiques et approches divergentes en matière de gestion des frontières extérieures sur une série de questions.

Certains manquements récurrents ont été constatés à cet égard. Dans divers États membres, la planification stratégique de la gestion intégrée des frontières n’est pas adéquate, ce qui entraîne une coopération interinstitutionnelle moindre, un chevauchement des compétences entre les différentes autorités chargées des frontières extérieures et une répartition éparse des ressources. Ces manquements pourraient nuire à l’efficacité opérationnelle de la gestion des frontières extérieures et à la capacité de réaction. Il subsiste, par ailleurs, des écarts en ce qui concerne la réalisation, par les États membres, d’analyses des risques, qui constituent l’un des principaux outils de gestion en matière de gestion des frontières extérieures. Les États membres n’effectuent pas tous une analyse approfondie des risques fondée sur le modèle harmonisé et existant d’analyse commune et intégrée des risques (CIRAM). Ce modèle garantit l’élaboration, par tous les États membres, de produits de qualité et unifiés d’analyse des risques aux fins de la gestion des frontières extérieures et du retour.

Bien que les contrôles aux frontières extérieures soient de bonne qualité générale, celle-ci varie encore au sein des États membres et entre ces derniers. La plupart des pays rencontrent des difficultés liées aux ressources, à la formation et à la planification opérationnelle pour garantir des vérifications uniformes et systématiques à tous les points de passage des frontières extérieures, ainsi qu’une surveillance efficace desdites frontières. Néanmoins, malgré ces difficultés, la plupart des États membres sont parvenus à maintenir la qualité générale du contrôle aux frontières extérieures. Les informations préalables à l’arrivée générées par la mise en œuvre de plusieurs systèmes d’information ainsi que les résultats des analyses des risques ne sont pas intégrés de manière efficace dans les procédures de contrôle aux frontières extérieures. Les évaluations ont également fait apparaître des manquements récurrents en matière de surveillance des frontières extérieures et de connaissance de la situation. Dans plusieurs États membres, les systèmes de surveillance ne couvrent pas toute la frontière extérieure, et les échanges d’informations entre les autorités concernées chargées des frontières extérieures sont limités, de même que la mise en œuvre du règlement EUROSUR 27 . Les allégations de violations des droits fondamentaux dans certains pays sont préoccupantes et nécessitent un contrôle étroit.

Un grand nombre des manquements constatés ont été corrigés au cours des cinq dernières années et la Commission a encouragé le recours à des contrôles de police ou à la coopération des services répressifs dans l’espace Schengen, comme solution de substitution efficace aux contrôles aux frontières intérieures 28 . Néanmoins, et malgré les progrès réalisés, des États membres ont, à plusieurs reprises, réintroduit des contrôles aux frontières intérieures en vertu des articles 25 et 28 du code frontières Schengen, qui permettent de rétablir immédiatement les contrôles aux frontières intérieures pour des motifs tirés d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure. Plus récemment, l’espace Schengen a encore une fois été mis à l’épreuve en raison de la pandémie de COVID‑19. Dans ce contexte, la Commission est intervenue pour apporter, en collaboration avec les États membres, une réaction coordonnée à la crise, notamment en organisant des visioconférences avec les ministres de l’intérieur et des réunions du groupe d’information «COVID‑19 – Affaires intérieures», ainsi qu’en publiant des lignes directrices 29 sur les mesures de gestion des frontières, les voies réservées et la facilitation du passage des travailleurs frontaliers et en présentant une proposition de recommandation du Conseil relative à une restriction temporaire des déplacements non essentiels de pays tiers vers l’UE 30 . Ces récents événements confirment à nouveau l’importance de disposer d’un espace Schengen plus résilient et plus efficace, y compris d’une gouvernance plus efficace.

3.2.2.Politique commune de visas

Intrinsèquement liée à la gestion des frontières extérieures, la politique commune de visas poursuit deux objectifs principaux. Premièrement, elle permet aux États membres de procéder à une évaluation complète en matière de migration et de sécurité à l’égard des ressortissants de pays tiers ayant besoin d’un visa pour se rendre dans l’espace Schengen pour de courts séjours (d’une durée maximale de 90 jours sur toute période de 180 jours). Deuxièmement, elle fournit également aux demandeurs des garanties juridiques quant à l’efficacité et l’équité de la procédure de visa, dans le but de faciliter les voyages effectués de façon légitime et les contacts interpersonnels.

Les principaux actes législatifs régissant ce domaine d’action sont le code des visas 31 , qui fixe des règles communes et harmonisées relatives au traitement des demandes de visa, le règlement concernant le système d’information sur les visas (VIS) 32 et le règlement (UE) 2018/1806 sur les visas 33 .

Sur la base des 29 évaluations effectuées en ce qui concerne la politique commune de visas, on peut conclure que, pour l’essentiel, les États membres mettent en œuvre la politique commune de visas de façon adéquate et que leurs décisions de délivrance ou de refus de visa sont, dans l’ensemble, bien motivées.

De graves manquements ont toutefois été constatés récemment dans deux États membres 34 . En outre, malgré un cadre réglementaire commun, les pratiques des États membres en matière de délivrance des visas continuent de diverger à plusieurs égards. Il arrive parfois que le personnel consulaire considère encore les visas Schengen comme des visas «nationaux». La concurrence entre les États sur les «marchés attractifs» et le «visa shopping» altèrent la perception de Schengen comme un espace de voyage commun.

En ce sens, des manquements récurrents ont été constatés. Les pratiques des États membres divergent encore lorsqu’il s’agit de déterminer la validité des visas ou les pièces justificatives à demander, et ce malgré l’adoption de listes harmonisées et juridiquement contraignantes par la Commission. L’examen des demandes ne s’est pas révélé suffisamment approfondi dans tous les cas, en particulier lorsque la prise de décision est centralisée. Une formation insuffisante du personnel et des pénuries de personnel ont été constatées dans de nombreux consulats, de sorte que, dans certains endroits, les consulats ne sont pas en mesure de respecter les délais fixés dans le code des visas. Le recours à des prestataires de services extérieurs est répandu, mais le contrôle de leurs activités n’a pas toujours été adéquat et les contrats et pratiques n’étaient pas toujours conformes aux exigences légales. Un autre manquement récurrent a été signalé: la collecte systématique des empreintes digitales, même si les empreintes des demandeurs avaient été relevées au cours des cinq années précédentes. Les informations mises à la disposition du public sur les conditions et procédures ont également été jugées incomplètes ou obsolètes dans certains cas.

L’introduction du système d’information sur les visas (VIS), une base de données permettant d’échanger des données relatives aux demandes de visa, représente une avancée considérable pour la procédure de visa. Tout le potentiel du système se retrouve cependant compromis par la qualité parfois insuffisante des données saisies dans le système d’information sur les visas, par le fait que les systèmes nationaux de traitement des dossiers ne sont pas toujours adaptés au flux de travail du code des visas et du système d’information sur les visas, par l’absence de formation informatique appropriée et par la connaissance limitée de certaines fonctionnalités du système.

Un grand nombre des manquements constatés ont été corrigés au cours des cinq dernières années. En outre, les modifications apportées au code des visas qui sont entrées en application en 2020 35 visent à résoudre plusieurs de ces problèmes et à renforcer la mise en œuvre harmonisée de la politique commune de visas grâce à l’instauration de procédures plus rapides et plus claires pour les voyageurs en règle 36 .

3.2.3.Retour

Un système équitable et efficace pour le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier est un rouage indispensable au bon fonctionnement du système européen de gestion de l’asile et de la migration.

La directive «Retour» 37 est le principal acte législatif régissant le retour. Elle fixe les normes et procédures communes en vue du retour efficace et équitable des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Cette directive laisse une grande latitude aux États membres quant aux mesures concrètes qu’il convient de prendre au niveau national pour la mettre en œuvre, de sorte que les États membres suivent des systèmes et des approches différents.

La directive «Retour» est un «instrument hybride»: elle s’applique tant aux ressortissants de pays tiers, présents sur le territoire d’un État membre, qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée énoncées dans le code frontières Schengen qu’aux cas dans lesquels il n’est pas satisfait à d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre. Dans la mesure où elle s’applique aux ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas, ou ne remplissent plus, les conditions d’entrée prévues dans le code frontières Schengen, la directive «Retour» constitue un développement des dispositions de l’acquis de Schengen 38 .

C’est la raison pour laquelle le nouveau mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen a également instauré des évaluations dans le domaine du retour, afin de garantir la bonne mise en œuvre, par les États membres, des dispositions de la directive «Retour» 39 .

Sur la base des 31 évaluations effectuées dans le domaine du retour, on peut conclure que, de manière générale, les systèmes de retour des États membres sont conformes à la directive «Retour». Aucun manquement grave n’a été constaté. Toutefois, dans certains pays, des obstacles pratiques et normatifs ont une incidence négative sur l’exécution des retours. En outre, les évaluations ont mis au jour des manquements spécifiques et des faiblesses structurelles dans les systèmes de retour des États membres évalués qui ont rencontré des difficultés importantes en raison du grand nombre de ressortissants de pays tiers entrés illégalement et se trouvant en séjour irrégulier sur leur territoire.

Un certain nombre de manquements récurrents ont été constatés. L’absence générale d’informations statistiques fiables sur les activités liées au retour, qui complique l’évaluation de l’efficacité des systèmes de retour nationaux, constitue un problème de taille. Toutefois, la modification du règlement relatif aux statistiques sur la migration 40 et l’entrée en service du système d’information Schengen aux fins du retour 41 contribueront à résoudre ce problème.

Des approches divergentes ont également été observées pour ce qui est de prendre des décisions de retour. Les États membres ne prennent pas tous systématiquement des décisions de retour à l’encontre des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, à la suite d’une décision négative sur des demandes d’asile. En outre, certaines décisions de retour ne précisent pas clairement que le ressortissant de pays tiers doit non seulement quitter l’État membre concerné, mais aussi l’UE et l’espace Schengen. Cette ambiguïté peut occasionner des déplacements non autorisés d’un État membre vers un autre. Des pratiques divergentes similaires ont été constatées en ce qui concerne les interdictions d’entrée qui ne sont pas systématiquement imposées lorsque les ressortissants de pays tiers ne respectent pas l’obligation de retour dans le délai de départ volontaire imposée par la directive «Retour».

Pour ce qui est de l’aide au retour volontaire, les évaluations ont montré qu’il était possible d’améliorer l’aide accordée aux migrants en situation irrégulière disposés à quitter le territoire volontairement, notamment en veillant à ce que les programmes d’assistance au retour volontaire et de réintégration aient une portée plus large (en faisant en sorte, par exemple, qu’ils ne concernent pas uniquement les demandeurs d’asile déboutés ou les ressortissants de pays tiers ayant perdu le droit de séjourner dans l’UE).

Plusieurs États membres ne prennent pas de mesures suffisantes pour garantir l’exécution des décisions de retour. Dans certains pays, aucun mécanisme ne permet d’assurer le suivi systématique des opérations de retour ou bien le mécanisme n’est pas adapté à sa finalité. Les mesures permettant de localiser systématiquement les personnes faisant l’objet d’une décision de retour afin d’éviter que celles-ci ne prennent la fuite et de garantir le respect des décisions font souvent défaut. Les États membres n’ont pas tous mis en place des systèmes efficaces de contrôle du retour forcé.

L’approche à l’égard des mineurs non accompagnés diffère d’un État membre à l’autre. La recherche de solutions durables, en tenant compte de toutes les possibilités, y compris le retour dans le pays d’origine et le regroupement avec des membres de la famille dans un pays tiers, joue un rôle essentiel dans la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, détermination qui n’est toutefois pas effectuée par tous les États membres. Le «retour» n’est donc pas apprécié comme une possibilité lors de l’évaluation, au cas par cas, de l’intérêt supérieur de l’enfant.

En matière de rétention, plusieurs problèmes ont été recensés. La disponibilité et l’utilisation de solutions de remplacement efficaces à la rétention sont inégales entre les différents États membres. L’insuffisance des capacités de rétention et le fait que certains États membres n’exploitent pas toutes les possibilités prévues par la directive en ce qui concerne la durée de la rétention contribuent à accroître le risque de fuite, ce qui nuit à l’efficacité du système de retour. Des problèmes récurrents ont été constatés quant à la garantie de conditions matérielles adéquates dans les centres de rétention, notamment la promiscuité des personnes placées en rétention et l’environnement carcéral des centres de rétention qui ne correspond pas totalement à la nature administrative de la privation de liberté.

La mise en œuvre des recommandations est lente. En 2018, la Commission a présenté une proposition de refonte de la directive «Retour» 42 . Cette proposition consiste à apporter des modifications ciblées visant à maximiser l’efficacité de la politique de l’UE en matière de retour, tout en préservant les droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière et en garantissant le respect du principe de non-refoulement. Elle s’appuie sur les informations recueillies lors des évaluations et remédie à plusieurs des manquements susmentionnés, notamment par l’obligation faite aux États membres d’établir des programmes d’aide au retour volontaire et la création d’une liste commune de critères objectifs permettant d’établir l’existence d’un risque de fuite. En outre, la proposition modifiée de règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale 43 prévoit qu’une décision de retour doit être immédiatement adoptée à l’égard d’un demandeur d’asile dont la demande a été rejetée 44 .

3.2.4.Coopération policière

La convention de Schengen de 1990 a introduit des dispositions visant à renforcer la coopération et l’échange d’informations entre les services de police des États membres afin de compenser la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Ces dispositions concernent la coopération en matière de prévention et de détection de la criminalité, la coopération opérationnelle, par exemple la possibilité d’étendre la surveillance ou de poursuivre des criminels par-delà les frontières intérieures («poursuite transfrontalière»), et le partage d’informations aux fins de la prévention et de la répression de la criminalité ou des menaces pour l’ordre et la sécurité publics.

Le cadre législatif de la coopération policière Schengen demeure toutefois plus fragmenté que d’autres éléments de l’acquis de Schengen et laisse aux parties une grande souplesse quant au choix des modalités de mise en œuvre. Une grande partie du cadre de coopération repose sur des documents non contraignants du Conseil, tels que des bonnes pratiques («Catalogue Schengen») et des lignes directrices. En outre, les dispositions fondamentales de la convention de Schengen sont principalement mises en œuvre au moyen d’accords bilatéraux ou multilatéraux conclus par les États membres. Depuis 1990, le cadre de l’UE relatif à l’échange d’informations et à l’accès aux données à des fins répressives ne cesse de se développer. Bien qu’une partie de ce cadre n’appartienne pas formellement à l’acquis de Schengen, elle y est étroitement liée. C’est la raison pour laquelle la mise en œuvre des décisions Prüm, du règlement Europol et d’autres instruments juridiques ne relevant pas de l’acquis de Schengen est également prise en considération lors des évaluations. Cette démarche contribue à évaluer la manière dont les États membres s’acquittent de leurs obligations générales d’échange d’informations prévues par la convention de Schengen.

Sur la base des 27 évaluations effectuées en ce qui concerne la coopération policière, on peut conclure que, d’une manière générale, les États membres respectent l’acquis de Schengen dans le domaine de la coopération policière. Aucun manquement grave n’a été observé et seuls quelques cas de non-conformité ont été constatés, pour la plupart dans le domaine de l’échange d’informations et, en particulier, de l’accès au système d’information sur les visas à des fins répressives.

Un certain nombre de manquements récurrents font toutefois obstacle à l’exploitation du plein potentiel de certains des outils de coopération policière et d’échange d’informations existants. Les améliorations les plus indispensables signalées concernaient le renforcement de l’échange d’informations en matière répressive, en particulier s’agissant du fonctionnement des points de contact uniques (PCU) 45 des États membres et de l’accès mobile aux bases de données policières des agents de police qui patrouillent dans les rues. D’autres domaines importants nécessitant des améliorations concernaient, d’une part, l’élaboration et le partage d’évaluations stratégiques de la menace posée par la criminalité et d’analyses des risques afin de mieux lutter conjointement contre la criminalité transfrontalière et, d’autre part, la révision des accords bilatéraux et multilatéraux conclus par les États membres en vue d’élargir et de faciliter les possibilités de coopération transfrontalière opérationnelle (en particulier l’observation transfrontalière et les «poursuites transfrontalières»).

3.2.5.Système d’information Schengen (SIS)

Le système d’information Schengen est l’une des principales mesures compensatoires à la suppression des contrôles aux frontières intérieures, étant donné qu’il apporte un soutien essentiel à la politique de sécurité dans l’ensemble de l’espace Schengen. Le SIS est un système d’information à grande échelle qui fournit des signalements concernant des personnes ou des objets présentant un intérêt pour des raisons de sécurité. Il sert également aux vérifications aux frontières extérieures, ainsi qu’à la coopération en matière répressive et judiciaire à travers l’Europe.

La portée du SIS est définie dans trois instruments juridiques portant sur la coopération des contrôles aux frontières, la coopération en matière répressive et la coopération relative à l’immatriculation des véhicules 46 . Le SIS de deuxième génération est entré en service le 9 avril 2013 dans 28 États membres; à l’heure actuelle, 30 États membres y sont connectés 47 . Le 28 novembre 2018, le Parlement européen et le Conseil ont adopté trois nouveaux règlements qui élargiront la portée et les fonctionnalités du SIS selon une mise en œuvre en trois phases d’ici 2021. Chaque État membre utilisant le SIS est chargé de mettre en place et d’exploiter son système national, d’en assurer la maintenance et de désigner un bureau SIRENE 48 , qui assure l’échange de toutes les informations supplémentaires relatives aux signalements introduits dans le SIS. L’agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) est chargée de la gestion opérationnelle du système central et de l’infrastructure de communication.

Sur la base des 32 évaluations effectuées en ce qui concerne le système d’information Schengen, on peut conclure que, d’une manière générale, les États membres mettent en œuvre et utilisent le SIS de manière efficace et uniforme. Des manquements graves ont certes été constatés en ce qui concerne la mise en œuvre du SIS dans quatre États membres 49 , mais ceux-ci s’emploient activement à y remédier. Dans l’un des cas, toutefois, la situation ne s’est pas améliorée.

Certains manquements récurrents ont été observés lors des évaluations, comme l’absence d’outils techniques ou de procédures obligatoires au niveau national pour télécharger des empreintes digitales et des photographies dans les signalements SIS, malgré la disponibilité des unes et des autres. Un autre manquement récurrent a été constaté quant à certaines des fonctionnalités introduites en 2013 par le SIS de deuxième génération, en particulier le fait que toutes les informations contenues dans les signalements SIS ne s’affichent pas sur l’écran des utilisateurs finaux. Il a également été constaté que l’intensification de l’échange des informations supplémentaires, due à l’utilisation intensive du système, a souvent amené les bureaux SIRENE à la limite de leurs capacités. Les bureaux SIRENE ne disposent pas toujours d’effectifs et de ressources techniques suffisants, notamment d’outils de gestion automatisée et intégrée des flux de travail, pour leur permettre d’échanger efficacement ces informations. Un grand nombre des manquements constatés ont été corrigés au cours des cinq dernières années.

3.2.6.Protection des données

Les règles relatives à la protection des données à caractère personnel constituent un autre volet important de l’acquis de Schengen. Le cadre juridique de l’UE en matière de protection des données a fait l’objet d’une réforme majeure en 2016 pour renforcer les droits des citoyens à l’ère numérique. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) 50  et la directive en matière de protection des données dans le domaine répressif 51 sont les principaux actes législatifs applicables dans ce domaine, en plus des dispositions spéciales relatives à la protection des données prévues par l’acquis relatif au système d’information Schengen (SIS) et au système d’information sur les visas (VIS).

Ces évaluations permettent d’apprécier les modalités de mise en œuvre et d’application, par les États membres, de l’acquis de Schengen, surtout en ce qui concerne le SIS et le VIS, au regard des exigences en matière de protection des données. Elles portent également sur le rôle des autorités chargées de la protection des données (APD) en ce qui concerne le contrôle des autorités qui gèrent et utilisent le SIS et le VIS.

Sur la base des 29 évaluations effectuées en rapport avec la protection des données, on peut conclure que, d’une manière générale, les États membres mettent en œuvre et appliquent les dispositions pertinentes relatives au SIS et au VIS dans le respect des exigences en matière de protection des données. Bien qu’aucun manquement grave n’ait été relevé, un certain nombre de problèmes récurrents doivent encore être résolus/sont en cours de résolution.

Les évaluations effectuées après mai 2018 (date d’entrée en application du nouveau cadre sur la protection des données) ont mis en évidence, dans certains pays, des retards dans la mise en œuvre du RGPD et/ou la transposition, dans le droit national, de la directive en matière de protection des données dans le domaine répressif, ainsi que dans l’adaptation en conséquence de la législation nationale relative au SIS et au VIS.

Dans certains États membres, on constate des manquements en ce qui concerne l’indépendance totale des APD, qui se traduisent par une influence directe ou indirecte du gouvernement sur les activités des APD. Certains de ces problèmes ont été résolus dans le cadre du suivi des évaluations de Schengen et lors de la réforme de la législation nationale relative à la protection des données visant à mettre en œuvre le RGPD et à transposer la directive en matière de protection des données dans le domaine répressif. Certaines APD ne disposent pas des ressources humaines et financières suffisantes pour accomplir toutes leurs tâches liées au SIS et au VIS.

Dans plusieurs États membres, des inspections plus fréquentes et approfondies par les APD ont été jugées nécessaires pour permettre à ces dernières de s’acquitter de leur mission de contrôle de la licéité du traitement des données figurant dans le SIS II et le VIS. Dans certains cas, les délais impartis pour la réalisation du premier audit des opérations de traitement des données contenues dans le SIS et dans le VIS n’ont pas été respectés.

Quant aux droits des personnes concernées par rapport au SIS et au VIS, le manque d’informations adéquates a été considéré comme un obstacle à l’exercice effectif de ces droits.

Dans certains cas, la durée de conservation des journaux de requêtes SIS et VIS n’était pas conforme à l’acquis de Schengen. Il n’y a souvent pas eu d’autocontrôle proactif du respect de la protection des données par les responsables du traitement des données ni d’examen régulier des journaux. En outre, les tâches et la répartition des responsabilités en matière de traitement des données à caractère personnel entre les différentes autorités intervenant dans la procédure de délivrance des visas et dans le traitement des données y afférentes manquent souvent de clarté. Certaines améliorations demeurent nécessaires en ce qui concerne les mesures de sécurité physique, organisationnelle et informatique à l’égard des données du VIS. Les délégués à la protection des données devraient, dans certains cas, participer plus activement à la supervision du traitement des données à caractère personnel dans le contexte spécifique de Schengen. On a souvent constaté l’absence de formation régulière et continue sur la protection et la sécurité des données pour l’ensemble du personnel opérationnel ayant accès au SIS II.

D’une manière générale, les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer le suivi des constatations et des recommandations. Si, dans l’ensemble, des progrès ont été accomplis pour remédier aux manquements constatés, la mise en œuvre des recommandations n’a pas été rapide.

4.FONCTIONNEMENT DU MÉCANISME D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DE SCHENGEN LORS DU PREMIER PROGRAMME PLURIANNUEL

4.1.Lacunes constatées

Au cours des cinq dernières années, le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen a permis d’améliorer considérablement la mise en œuvre de l’acquis de Schengen dans l’UE et a déjà démontré sa valeur ajoutée au service du bon fonctionnement de l’espace Schengen. Néanmoins, l’expérience acquise dans le cadre du premier programme d’évaluation pluriannuel (2015-2019) a mis en évidence une série de lacunes qui ont affaibli tout le potentiel du mécanisme. Tant le Parlement européen, dans son rapport de 2017 52 , que les États membres, dans le cadre de la consultation lancée par la présidence finlandaise du Conseil en 2019 53 , ont souligné la nécessité de revoir certains aspects du mécanisme. Il est donc important de mettre à profit l’expérience acquise lors du premier programme d’évaluation pluriannuel pour évaluer comment le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen pourrait être mis en œuvre de manière plus efficace, notamment du point de vue des ressources.

L’une des principales lacunes relevées est la durée excessive de la première phase du processus d’évaluation (adoption du rapport et des recommandations) qui a eu une incidence notable sur la rapidité et l’efficacité de la résolution des problèmes constatés. Dans 25 % des cas, cette phase a duré plus d’un an et, dans 12 cas, plus de 18 mois. Elle a été particulièrement longue lorsque l’équipe d’évaluation a relevé des «manquements graves» (constatation qui, en principe, devrait donner lieu à un suivi plus rapide). En moyenne, dix mois environ ont été nécessaires à la Commission pour adopter un rapport d’évaluation et il a fallu deux mois et demi de plus au Conseil pour adopter les recommandations, qui marquent la date à compter de laquelle les pays sont tenus de présenter un plan d’action pour remédier aux manquements constatés.

Les contributions des États membres en matière d’experts n’ont pas toujours été adaptées aux besoins. Le nombre d’experts disponibles était quelquefois insuffisant pour répondre aux besoins des évaluations en cours. Dans les évaluations relatives à la protection des données et à la politique des visas, les équipes n’étaient parfois composées que de quatre ou cinq experts (le nombre optimal étant de huit) en raison d’un nombre insuffisant de nominations par les pays. En outre, les experts ne possédaient pas toujours le profil requis ou l’expérience suffisante dans les domaines d’action concernés. Un déséquilibre géographique important a également été constaté. Au cours des cinq années, un tiers des experts n’ont été nommés que par cinq pays.

Les inspections inopinées n’ont pas eu l’efficacité escomptée au départ. À l’heure actuelle, le programme d’évaluation annuel des inspections inopinées est fixé au cours de l’année qui précède la réalisation des inspections, sur la base d’une analyse des risques effectuée un an avant l’inspection. Cette configuration n’a pas permis une adaptation rapide aux nouveaux défis. En outre, l’appel à nommer les experts deux semaines avant l’inspection et l’obligation de notifier l’inspection 24 heures à l’avance à l’État membre concerné, bien que facilitant la bonne organisation de l’évaluation, ont fragilisé l’objectif en tant que tel des inspections inopinées.

Le suivi et la mise en œuvre des plans d’action ont, dans l’ensemble, été lents et le contrôle n’a généralement pas été complet et cohérent. Depuis 2015, 201 évaluations ont été effectuées et, malgré les nets progrès accomplis, environ 25 % des plans d’action ont été menés à bien en moyenne au bout de 2,25 ans. De manière générale, les évaluations n’ont pas porté sur la mise en œuvre efficace et cohérente des principaux éléments de chaque domaine d’action spécifique de l’acquis de Schengen dans l’ensemble des États membres, qui sont essentiels au bon fonctionnement de l’espace Schengen. Les recommandations ont donc trop mis l’accent sur des détails très spécifiques et multiples plutôt que sur les éléments essentiels de l’acquis de Schengen, sans donner de calendrier précis de mise en œuvre. Le recours aux évaluations thématiques a, par ailleurs, été insuffisant, alors que celles-ci permettraient d’évaluer en même temps plusieurs États membres, voire l’ensemble de ceux-ci, sur un aspect particulier relevant de l’acquis de Schengen et de dégager les tendances et les manquements communs, ainsi que les meilleures pratiques. En outre, les obligations actuelles prévues par le règlement SCH-EVAL en matière de rapports engendrent un fardeau administratif important tant pour la Commission que pour les États membres. L’association de tous ces facteurs n’a pas permis de contrôler de manière systématique et rigoureuse la mise en œuvre des plans d’action.

Les recommandations n’ont pas été suffisamment efficaces pour faire en sorte que les États membres prennent rapidement des mesures. De manière générale, le comité Schengen n’a guère examiné les constatations faites lors des évaluations et les recommandations correspondantes proposées par la Commission, notamment en raison de la nature trop détaillée et spécifique des évaluations. Enfin, l’adoption des recommandations par le Conseil n’a pas créé la pression entre pairs qui était escomptée pour garantir un niveau élevé de mise en œuvre de l’acquis de Schengen. Le système n’a pas permis de susciter, par ailleurs, des débats politiques appropriés sur l’état de Schengen au sein d’autres enceintes compétentes, et la participation du Parlement européen n’a pas non plus été très régulière.

L’évaluation du respect des droits fondamentaux dans la mise en œuvre de l’acquis de Schengen a été insuffisamment intégrée dans le mécanisme d’évaluation.

4.2.Mesures opérationnelles susceptibles d’améliorer le fonctionnement du mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen

4.2.1.Écourter les évaluations et accroître leur caractère ciblé et stratégique

Tous les acteurs doivent consacrer des ressources financières et humaines suffisantes et adopter les mesures appropriées pour s’acquitter promptement de leurs tâches respectives pendant le processus d’évaluation. La simplification des flux de travail internes associée à des critères de référence devrait contribuer à réduire le temps nécessaire à la réalisation des évaluations.

L’achèvement du premier programme d’évaluation pluriannuel a permis à la Commission et au Conseil d’avoir une bonne vue d’ensemble de la situation dans tous les États membres. Sans compromettre la qualité de la procédure actuelle, les évaluations pourraient être modifiées de manière à être mieux adaptées aux besoins, sur la base des résultats des évaluations précédentes. Comme les États membres l’ont souligné, il est encore possible d’améliorer la qualité des rapports et des recommandations et de renforcer la cohérence des évaluations dans les différents domaines d’action. Des manquements ont été constatés tant entre les pays qu’à l’intérieur des domaines d’action. Les listes de contrôle actuellement utilisées aux fins des évaluations pourraient être revues afin qu’elles se concentrent sur les principaux éléments susceptibles d’avoir une incidence sur l’espace Schengen dans son ensemble.

Une utilisation plus stratégique et rationnelle des outils d’analyse disponibles est nécessaire. On pourrait recourir de façon systématique aux évaluations thématiques pour évaluer la mise en œuvre de modifications législatives importantes dès leur entrée en vigueur. Il est également essentiel de permettre l’organisation rapide d’inspections inopinées, s’il y a lieu. Il est primordial d’améliorer les synergies et la coopération avec d’autres acteurs et mécanismes d’évaluation. Il conviendrait, en particulier, de renforcer le rôle joué par les agences de l’UE (Frontex, eu-LISA, FRA, Europol), par le contrôleur européen de la protection des données et par les mécanismes nationaux de contrôle de la qualité. Il est possible d’y parvenir au moyen d’une participation accrue des agences aux évaluations et de l’instauration d’un échange d’informations plus régulier et systématique entre elles et la Commission. Il est particulièrement important d’accroître les synergies avec les évaluations de la vulnérabilité réalisées par Frontex et de veiller à ce que la FRA et Europol élaborent des analyses des risques plus ciblées qui permettraient de concevoir de meilleures évaluations.

Il importe également de faire en sorte que les États membres nomment suffisamment d’experts qualifiés qui couvrent tous les domaines d’action. Il convient d’envisager la création d’un mécanisme visant à mieux coordonner la nomination d’experts pour toutes les évaluations de Schengen. La Commission mettra à jour les programmes de formation existants et prévoira des formations sur la politique des visas. Des cours de recyclage à intervalles réguliers pourraient également être proposés.

Enfin, il est nécessaire d’accorder une attention particulière au respect des droits fondamentaux dans la mise en œuvre de l’acquis de Schengen, au cours de l’évaluation et du suivi. Il importe de réfléchir à la manière de mieux intégrer les droits fondamentaux dans l’évaluation. La mise à jour des listes de contrôle actuelles pour mieux intégrer les questions relatives aux droits fondamentaux, une participation accrue de l’Agence des droits fondamentaux aux évaluations et une utilisation plus étendue de ses lignes directrices pourraient jouer un rôle utile à cet égard.

4.2.2.Une mise en œuvre plus rapide et plus efficiente des recommandations

La rationalisation des recommandations faciliterait l’élaboration de plans d’action efficaces et leur prompte mise en œuvre. Les catalogues et manuels Schengen dans les domaines d’action pertinents représentent un instrument important que les États membres devraient prendre en considération lors de la mise en œuvre des recommandations formulées à la suite d’une évaluation de Schengen. Ils devront faire l’objet de mises à jour régulières et de nouvelles améliorations. Il convient de partager les meilleures pratiques mentionnées dans les rapports d’évaluation entre les États membres et de les utiliser dans la mise en œuvre des recommandations. Suivant les recommandations de la Cour des comptes 54 , il pourrait être envisagé de fixer des délais pour la mise en œuvre des recommandations.

L’apport du soutien financier nécessaire constitue un autre moyen important pour accélérer la mise en œuvre des recommandations. La proposition de cadre financier pluriannuel 55 et celle d’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas 56 conservent le lien entre le mécanisme d’évaluation et la définition des priorités nationales. La proposition de renforcement du volet thématique offre une plus grande souplesse pour réagir aux manquements auxquels il faut remédier d’urgence, en particulier pour les mesures prioritaires devant faire l’objet d’une mise en œuvre immédiate. Pour faciliter encore la reprogrammation et la définition d’éventuels besoins de financement supplémentaires, les pays pourraient systématiquement détailler, dans les plans d’action, leur évaluation de l’incidence financière des mesures correctives.

Pour accroître la pression des pairs, il est également nécessaire que les manquements constatés fassent l’objet d’une communication suffisante au niveau politique. Le règlement actuel prévoit la production par la Commission de rapports annuels, donnant ainsi l’occasion de présenter la situation de l’espace Schengen, de diffuser les meilleures pratiques et d’accroître la prise de conscience politique en permettant un débat sur les défis communs au niveau politique.

Un suivi efficace et rapide pour remédier aux manquements constatés par le mécanisme est essentiel à la crédibilité de l’ensemble du processus d’évaluation et de contrôle et à la réalisation de tout son potentiel. Cela est indispensable, en fin de compte, pour garantir le bon fonctionnement de l’espace Schengen. On sait par expérience que, dans certains cas, des États membres persistent à ne pas mettre en œuvre les recommandations du Conseil et à ne pas remédier aux manquements constatés. En pareil cas, un contrôle plus systématique de la Commission, notamment au moyen de procédures d’infraction, sera envisagé.

Mesures opérationnelles susceptibles d’améliorer le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen:

·simplifier les flux de travail internes et définir des critères de référence pour réduire la durée;

·mettre au point de nouvelles formations dans le domaine de la politique des visas et renforcer les formations existantes afin de promouvoir et d’accroître la participation;

·mettre à jour les listes de contrôle dans le but de mettre l’accent sur les principaux éléments susceptibles d’influer sur l’espace Schengen dans son ensemble;

·exploiter de manière plus stratégique les évaluations inopinées et les évaluations thématiques;

·améliorer les synergies et la coopération avec les agences de l’UE et les mécanismes nationaux de contrôle de la qualité;

·simplifier davantage les rapports et recentrer les recommandations;

·élaborer et mettre à jour les catalogues de meilleures pratiques; et

·adopter le rapport annuel afin de faciliter le débat politique.

Enfin, il est également devenu évident que, pour que le mécanisme fonctionne efficacement à l’avenir, il est essentiel d’assortir les améliorations opérationnelles des modifications législatives nécessaires pour clarifier et renforcer les règles et procédures existantes. Ces éléments s’inscriront dans le cadre du processus de réflexion qui commencera avec le premier forum Schengen le 30 novembre et qui aboutira à une proposition de révision du mécanisme que la Commission a l’intention de présenter l’année prochaine.

5.Conclusion

Le développement de l’espace Schengen est l’un des principaux moyens ayant contribué à renforcer les libertés des citoyens et ayant permis au marché intérieur de prospérer et de se développer. Depuis 2015, l’espace Schengen est sous pression. Plusieurs attentats terroristes ainsi que l’arrivée d’un grand nombre de migrants en situation irrégulière aux frontières extérieures de l’UE à la suite de la crise des réfugiés de 2015 et, plus récemment, la pandémie de COVID‑19 ont entraîné la réintroduction de contrôles aux frontières intérieures, dont certains sont toujours en place aujourd’hui. Depuis 2016, la Commission ne cesse d’affirmer que les contrôles aux frontières intérieures ne permettront pas de résoudre les problèmes actuels et qu’ils entraînent des coûts économiques, politiques et sociaux importants pour l’UE et chacun de ses États membres.

L’acquis de Schengen comporte un ensemble important de mesures visant à compenser l’absence de contrôles aux frontières intérieures et à garantir effectivement un degré élevé de sécurité. La gestion des frontières extérieures, les mesures compensatoires (comme une coopération efficace des services répressifs, des politiques effectives en matière de visas et de retour et un système d’information Schengen complet) et un mécanisme de contrôle solide sont les trois piliers essentiels de Schengen. La stabilité de cette architecture complexe dépend de la force de chaque pilier, ainsi que de sa cohérence et de sa cohésion.

Les problèmes rencontrés depuis 2015 ont mis en exergue la confiance fragile que les États membres ont dans le système Schengen et confirmé l’importance d’une coordination étroite au sein de l’espace Schengen, ainsi que la nécessité de renforcer sa gouvernance pour résoudre efficacement ces problèmes.

L’efficacité du mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen est essentielle pour rétablir la confiance et garantir l’amélioration et la cohérence de la mise en œuvre de l’acquis de Schengen et, partant, le bon fonctionnement de l’espace Schengen. Le Conseil reconnaît la valeur ajoutée et la nécessité de disposer d’un mécanisme d’évaluation et de contrôle de l’acquis de Schengen: «outre son rôle central de contrôle de la bonne application de l’acquis de Schengen, le processus d’évaluation a apporté d’autres avantages dans la plupart des États membres, notamment par l’intensification de la coordination nationale, par le renforcement du savoir-faire et des échanges par l’intermédiaire des experts participant aux évaluations et par l’intégration des recommandations dans les plans et stratégies nationaux» 57 . Le Parlement européen a également souligné la «grande utilité du nouveau mécanisme d’évaluation de Schengen, qui favorise la transparence, la confiance mutuelle et la responsabilité des États membres en contrôlant la façon dont ils mettent en œuvre les différents domaines de l’acquis de Schengen» 58 .

Le mécanisme a déjà apporté des améliorations tangibles. Sur la base des constatations faites lors des évaluations effectuées dans la pratique au cours des cinq dernières années par la Commission et les experts des États membres, on peut conclure qu’il a été rapidement remédié aux manquements graves. Dans l’ensemble, les États membres mettent en œuvre l’acquis de Schengen de façon appropriée. Toutefois, il subsiste encore des manquements dans des États membres et de nombreuses pratiques divergentes qui pourraient finir par avoir une incidence sur l’intégrité et le fonctionnement de l’espace Schengen. Il sera essentiel, pour le bon fonctionnement de l’espace Schengen, de garantir un niveau d’harmonisation plus élevé dans les années à venir.

Le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen continuera de jouer un rôle important à cet égard. Néanmoins, l’expérience acquise dans le cadre du premier programme d’évaluation pluriannuel a mis en évidence une série de lacunes qui empêchent le mécanisme de fonctionner aussi efficacement qu’il le pourrait et le devrait. Compte tenu de l’importance du mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen dans l’architecture de la gouvernance de Schengen, il est primordial d’agir pour combler les lacunes relevées ci-dessus et accroître l’efficacité du mécanisme. Certaines lacunes pourraient déjà être corrigées au niveau opérationnel; d’autres nécessiteront également des modifications législatives.

Il est en outre essentiel d’entretenir un dialogue politique plus régulier et structuré entre les acteurs intervenant dans le fonctionnement de l’espace Schengen. La Commission a créé le forum Schengen afin de stimuler une coopération plus concrète sur les moyens de rendre l’espace Schengen plus solide et plus résilient grâce à un dialogue politique renforcé sur les réponses qu’il convient d’apporter pour relever les défis actuels. Une meilleure diffusion des informations sur les résultats des évaluations et sur la mise en œuvre des recommandations faciliterait ce débat politique.

Comme les ministres de l’intérieur de l’UE l’ont souligné dans leur déclaration commune du 13 novembre 2020, le bon fonctionnement de l’espace Schengen nécessite une gestion moderne et efficace de ses frontières extérieures, ainsi que des mesures compensatoires solides pour garantir un niveau élevé de sécurité. Il est donc essentiel que le débat politique couvre l’ensemble des éléments de l’architecture complexe qui soutient le bon fonctionnement de l’espace Schengen. Les manquements constatés ne doivent pas être considérés isolément, mais dans le cadre de leur interaction avec d’autres domaines couverts par le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen et compte tenu du fait qu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’espace Schengen dans son ensemble.

Le présent rapport énonce les mesures opérationnelles envisageables pour remédier aux lacunes recensées et souligne la nécessité d’évaluer de la même manière les modifications législatives qui sont nécessaires pour rendre le mécanisme d’évaluation pleinement adapté à sa finalité. Les discussions qui auront lieu au sein du forum Schengen, le 30 novembre 2020, devraient enrichir la stratégie Schengen que la Commission a l’intention d’adopter en 2021. Dans le cadre de cette stratégie, la Commission réexaminera également le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen afin que ce dernier puisse réaliser tout son potentiel d’outil d’évaluation du fonctionnement de l’espace Schengen et que les améliorations soient effectivement mises en œuvre.

(1)

     Outre les États membres, l’espace Schengen englobe également l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein (les «pays associés à l’espace Schengen»). L’Irlande ne fait pas partie de l’espace Schengen, mais appliquera partiellement l’acquis de Schengen à partir du 1er janvier 2021. Le Royaume-Uni, qui n’en faisait pas non plus partie, appliquait partiellement l’acquis de Schengen. La Bulgarie, la Croatie, Chypre et la Roumanie sont liées par l’acquis de Schengen, mais les contrôles aux frontières intérieures n’ont pas encore été supprimés en ce qui concerne ces États membres. Tous ces pays sont appelés «États membres» dans le présent rapport.

(2)

     En 2016, la Commission a estimé que la réintroduction totale des contrôles aux frontières intérieures occasionnerait des coûts immédiats et directs se situant entre 5 000 000 000 et 18 000 000 000 EUR par an, COM(2016) 120 final.

(3)

     Décision du comité exécutif du 16 septembre 1998 concernant la création d’une Commission permanente d’évaluation et d’application de Schengen [SCH/Com-ex (98) 26 déf.], JO L 239 du 22.9.2000, p. 138.

(4)

     Voir les conclusions du Conseil du 5 décembre 2014 sur les enseignements à tirer de l’expérience du Conseil en matière d’évaluation Schengen et sur le rôle et les responsabilités futurs du Conseil dans le cadre du nouveau mécanisme.

(5)

     Règlement (UE) nº 1053/2013 du Conseil, JO L 295 du 6.11.2013, p. 27 (règlement SCH-EVAL), qui a commencé à s’appliquer en 2015.

(6)

     Articles 20 et 22 du règlement SCH-EVAL.

(7)

     Article 1er du règlement SCH-EVAL.

(8)

     C’est le cas de Chypre et de la Croatie. Comme indiqué au considérant 28 du règlement SCH-EVAL, l’évaluation de la Bulgarie et de la Roumanie a déjà été achevée en application de l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de 2005 et aucune évaluation ne sera effectuée au titre de l’article 1er, point b), du règlement SCH-EVAL.

(9)

     Règlement (UE) nº 182/2011, JO L 55 du 28.2.2011, p. 13.

(10)

     À quatre reprises, les évaluations ont été effectuées sur la base de questionnaires isolés et non de questionnaires et d’inspections sur place, à savoir en ce qui concerne l’évaluation du Liechtenstein dans le domaine du retour (2015), de Malte pour le SIS (2016), de la Croatie pour ce qui est du respect de la législation sur les armes à feu (2016) et de la coopération judiciaire en matière pénale (2017). Dans le domaine des frontières extérieures, il a été nécessaire, aux fins des évaluations, de réaliser plus d’une inspection sur place dans la plupart des cas.

(11)

     Outre les 26 États de l’espace Schengen, le mécanisme a également évalué l’état de préparation de la Croatie à appliquer l’acquis de Schengen dans son intégralité. L’évaluation de Chypre a commencé en 2019 et n’est pas encore terminée. L’Irlande et le Royaume-Uni ont été évalués respectivement dans les domaines de la protection des données et du SIS.

(12)

     Les évaluations dans le domaine de la politique commune de visas sont généralement conduites dans des pays tiers, étant donné que les demandes de visa Schengen sont, en règle générale, traitées par les consulats des États membres à l’étranger.

(13)

     Les agences qui participent actuellement sont Frontex (gestion des frontières extérieures, visas et retour), Europol et le CEPOL (coopération policière, SIS), eu-LISA (SIS) et l’Agence des droits fondamentaux (FRA) (retour). Bien qu’il ne soit pas une agence, le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) participe également en tant qu’observateur.

(14)

   JO L 251 du 16.9.2016, p. 1.

(15)

     Voir article 12 du règlement (UE) nº 515/2014, JO L 150 du 20.5.2014, p. 143.

(16)

     Recommandation (UE) 2017/432 de la Commission, JO L 66 du 11.3.2017, p. 15.

(17)

     C(2017) 6505.

(18)

     Règlement (UE) 2016/399, JO L 77 du 23.3.2016, p. 1, tel que modifié.

(19)

     Règlement (UE) 2017/458, JO L 74 du 18.3.2017, p. 1, modifiant le règlement (UE) 2016/399 en ce qui concerne le renforcement des vérifications dans les bases de données pertinentes aux frontières extérieures. Les vérifications systématiques des documents de voyage des personnes jouissant du droit à la libre circulation au titre du droit de l’Union dans les bases de données pertinentes ont été instaurées.

(20)

     Règlement (UE) 2016/1624, JO L 251 du 16.9.2016, p. 1. Abrogé en 2019 par le règlement (UE) 2019/1896, JO L 295 du 14.11.2019, p. 1.

(21)

     Règlement (UE) 1052/2013, JO L 295 du 6.11.2013, p. 11.

(22)

     La Grèce.

(23)

     COM(2016) 120.

(24)

     Décision d’exécution (UE) 2016/1989 du Conseil, JO L 306 du 15.11.2016, p. 13.

(25)

     COM(2017) 570.

(26)

     Outre la Grèce, des manquements graves dans la gestion des frontières extérieures ont également été constatés lors des évaluations de l’Espagne, de la Suède et de l’Islande en 2017. De nouvelles inspections ont été réalisées en Suède et en Islande en 2019.

(27)

     Règlement (UE) nº 1052/2013, JO L 295 du 6.11.2013, p. 11.

(28)

     C(2017) 3349.

(29)

     C(2020) 1753.

(30)

     COM(2020) 115.

(31)

     Règlement (CE) nº 810/2009, JO L 243 du 15.9.2009, p. 1.

(32)

     Règlement (CE) nº 767/2008, JO L 218 du 13.8.2008, p. 60.

(33)

     JO L 303 du 28.11.2018, p. 39

(34)

     De graves manquements ont été constatés lors de l’évaluation de la Finlande en 2018 et de l’évaluation inopinée des Pays-Bas en 2019.

(35)

     Règlement (UE) 2019/1155, JO L 188 du 12.7.2019, p. 25.

(36)

     Notamment en permettant d’introduire les demandes jusqu’à six mois, et au plus tard 15 jours, avant le voyage; en donnant la possibilité de compléter et de signer électroniquement le formulaire de demande; en introduisant une approche harmonisée de la délivrance de visas à entrées multiples, qui permettra aux voyageurs réguliers dont les antécédents en matière de visa satisfont aux conditions de bénéficier d’une durée de validité passant progressivement d’un à cinq ans.

(37)

     Directive 2008/115/CE, JO L 348 du 24.12.2008, p. 98.

(38)

     Voir considérants 25 à 30.

(39)

     Tous les États membres sont liés par la directive «Retour», à l’exception de l’Irlande en vertu du protocole (nº 19) sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne et du protocole (nº 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexés aux traités. Étant donné que la directive s’applique aux ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas, ou ne remplissent plus, les conditions d’entrée prévues dans le code frontières Schengen, le Danemark y participe en vertu de l’article 4 du protocole (nº 22) annexé aux traités, et l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein sont liés par cette directive sur la base des accords respectifs les associant à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen.

(40)

     Règlement (UE) 2020/851, JO L 198 du 22.6.2020, p. 1, modifiant le règlement (CE) 862/2007, JO L 199 du 31.7.2007, p. 23.

(41)

     Règlement (UE) 2018/1860, JO L 312 du 7.12.2018, p. 1.

(42)

     COM(2018) 634.

(43)

     COM(2020) 611.

(44)

     Voir considérant 31 bis et article 35 bis.

(45)

     Le PCU est le «guichet unique» national pour la coopération internationale en matière répressive: il dispose d’un seul numéro de téléphone et d’une seule adresse électronique pour toutes les demandes de coopération internationale en matière répressive traitées au niveau national. Il regroupe sous la même structure de gestion les différents bureaux ou points de contact nationaux des divers canaux de coopération et les représentants de tous les services répressifs du pays. Lignes directrices concernant un point de contact unique (PCU) (document 10492/14 du Conseil du 13 juin 2014).

(46)

     Règlement (CE) nº 1987/2006, JO L 381 du 28.12.2006, p. 4; décision 2007/533/JAI du Conseil, JO L 205 du 7.8.2007, p. 63, et règlement (CE) nº 1986/2006, JO L 381 du 28.12.2006, p. 1.

(47)

     Outre les 26 pays de l’espace Schengen, la Bulgarie, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Croatie sont connectés au SIS, bien que ces deux derniers pays restent soumis à certaines restrictions en ce qui concerne l’utilisation des signalements SIS valables dans tout l’espace Schengen aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour dans l’espace Schengen.

(48)

     SIRENE signifie «Supplementary Information Request at National Entry» ou «supplément d’information requis à l’entrée nationale».

(49)

     Des manquements graves ont été constatés dans les évaluations de la Belgique en 2015, de la France et de l’Espagne en 2016 ainsi que du Royaume-Uni en 2017. De nouvelles inspections ont été réalisées en Belgique en 2016 et en France en 2019. La Belgique, la France et l’Espagne sont considérées comme ayant remédié à tous les manquements graves.

(50)

     Règlement (UE) 2016/679, JO L 119 du 4.5.2016, p. 1.

(51)

     Directive (UE) 2016/680, JO L 119 du 4.5.2016, p. 89.

(52)

     Rapport sur le rapport annuel sur le fonctionnement de l’espace Schengen [2017/2256(INI)].

(53)

     Document 13244/2019 du Conseil.

(54)

     «Systèmes d’information de l’UE utilisés dans le cadre du contrôle aux frontières – Un outil solide, mais trop peu axé sur l’exhaustivité et la disponibilité en temps opportun des données», rapport spécial nº 20/2019.

(55)

     COM(2018) 472.

(56)

     COM(2018) 473.

(57)

     Document 13244/2019 du Conseil, point 1.7.

(58)

     Rapport sur le rapport annuel sur le fonctionnement de l’espace Schengen [2017/2256(INI)], point 7.

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