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Document 52020AE5719

    Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE [COM(2020) 611 final — 2016/0224-COD], la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures et modifiant les règlements (CE) n° 767/2008, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/817 [COM(2020) 612 final — 2020/0278-COD] et la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’«Eurodac» pour la comparaison des données biométriques aux fins de l’application efficace du règlement (UE) XXX/XXX [règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration] et du règlement (UE) XXX/XXX [règlement relatif à la réinstallation], pour l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives et modifiant les règlements (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/818 [COM(2020) 614 final — 2016/0132 (COD)]

    EESC 2020/05719

    JO C 155 du 30.4.2021, p. 64–72 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    30.4.2021   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 155/64


    Avis du Comité économique et social européen sur

    la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE

    [COM(2020) 611 final — 2016/0224-COD]

    la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures et modifiant les règlements (CE) no 767/2008, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/817

    [COM(2020) 612 final — 2020/0278-COD]

    la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’«Eurodac» pour la comparaison des données biométriques aux fins de l’application efficace du règlement (UE) XXX/XXX [règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration] et du règlement (UE) XXX/XXX [règlement relatif à la réinstallation], pour l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives et modifiant les règlements (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/818

    [COM(2020) 614 final — 2016/0132 (COD)]

    (2021/C 155/10)

    Rapporteur: Panagiotis GKOFAS

    Consultation

    Commission européenne, 27.11.2020

    Base juridique

    Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

     

     

    Compétence

    Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

    Adoption en section

    8.2.2021

    Adoption en session plénière

    25.2.2021

    Session plénière no

    558

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    210/9/28

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    Le CESE prend note du nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui vise à gérer un phénomène complexe et à ressorts multiples, et considère que les nouveaux règlements apportent une contribution positive pour une sécurité à l’efficacité renforcée aux frontières de l’UE. Si une procédure plus sûre et plus efficace est en train d’être mise en place pour contrôler les entrées dans l’UE, il est néanmoins nécessaire de disposer d’une stratégie européenne intégrée et commune, robuste face aux chocs et tournée vers l’avenir, et elle était attendue depuis bien longtemps déjà. Malheureusement, en ce qui concerne la question de la migration et de l’asile dans son ensemble, les propositions à l’examen ne peuvent être considérées comme l’avancée manifeste qui est éminemment nécessaire. Bien plus, les quatre ou cinq États membres concernés vont devoir créer des «centres fermés», où, sur la base du principe de non-entrée (1) , des êtres humains séjourneront pour des délais pouvant atteindre six ou sept mois, voire davantage, jusqu’à ce que soit connu le résultat des procédures qu’ils ont introduites, de sorte que l’on aboutira à des situations bien plus graves qu’auparavant.

    1.2.

    La Commission européenne et les États membres doivent consentir des efforts accrus et supplémentaires. Dans de récents avis qu’il a élaborés en la matière [SOC/649 (2) et SOC/669 (3)], le CESE critique des éléments essentiels tant du règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration que de celui portant sur les procédures d’asile. Il entend par ailleurs souligner qu’après l’examen des neuf règlements différents proposés et les contacts qu’il a eus avec la Commission, la mise en œuvre de ces textes s’annonce problématique à maints égards. Une stratégie plus globale en matière de migration s’impose pour améliorer les synergies entre les différents règlements de l’UE et répondre aux importants problèmes qui se posent dans les États membres les plus touchés par la migration.

    1.3.

    Le CESE souhaite exprimer sa préoccupation par rapport aux nouvelles procédures à la frontière, notamment au regard de la nécessité de protéger le droit de demander l’asile et des aspects suivants:

    la notion bancale de «pays dans lesquels le taux de décisions positives relatives aux demandes d’asile est faible»,

    l’utilisation de notions juridiques mal définies («menace pour la sécurité», «ordre public»), qui sont source d’insécurité juridique,

    le cas des enfants étrangers âgés de douze à dix-huit ans, qui doivent eux aussi être considérés comme des «enfants» en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989,

    les modalités de rétention des demandeurs pendant la procédure aux frontières et le lieu où ils sont retenus, ainsi que la manière d’éviter une situation de flou juridique en garantissant le droit à une protection juridictionnelle effective.

    1.4.

    Le CESE reconnaît la valeur ajoutée, ainsi que la nécessité de procédures d’asile communes, complètes et efficaces, qui respectent les conventions internationales et offrent les garanties juridiques voulues afin de susciter la confiance de l’UE et de ses États membres, grâce à des mécanismes de solidarité tangibles et à un partage équitable des responsabilités et des engagements. La proposition de la Commission ne comporte toutefois pas un tel régime commun d’asile, qui serait complet, témoignerait d’une solidarité et opérerait une répartition équitable des responsabilités entre les États membres. Le mécanisme de solidarité devrait s’appliquer également dans le cadre du règlement relatif aux procédures d’asile, immédiatement après le filtrage et avec le soutien informatique d’Eurodac. Si le mécanisme de «solidarité obligatoire» ne prend pas la forme d’une «relocalisation obligatoire» au sens des dispositions du règlement relatif aux procédures d’asile, ou si des procédures ne sont pas mises en place afin qu’il soit possible de demander l’asile dans les États membres de l’UE sans devoir en franchir les frontières, il s’ensuivra dans la pratique que ledit règlement ne sera pas opérationnel. Il convient en outre de prévoir des mesures d’incitation et de dissuasion en matière de relocalisation et, en tout état de cause, le processus prévu par le règlement relatif aux procédures d’asile ne devrait pas s’effectuer exclusivement dans le pays de première entrée, mais pouvoir être mené également dans d’autres États membres.

    1.5.

    Le CESE souligne que l’efficacité des nouvelles procédures proposées doit être soumise à une évaluation permanente, au moyen de dispositifs de suivi qui portent sur le respect des droits fondamentaux, en particulier ceux des personnes vulnérables et des enfants, sur l’évaluation des demandes d’asile au cas par cas et sur l’efficacité des recours. La question qui se pose, toutefois, est de déterminer où et comment le nouveau pacte et les propositions dont il est assorti vont être mis en œuvre, et de quels types seront les dispositifs de solidarité, de relocalisation et de réinstallation qui le complèteront.

    1.6.

    Le CESE est favorable à un système informatique de gestion des migrations qui soit plus intégré et équilibré, fondé sur une base de données Eurodac qui aura été améliorée et centrée sur les demandes et les demandeurs. Le CESE a eu l’impression que, si la Commission reconnaît la nécessité de disposer d’une approche commune pour le filtrage préalable à l’entrée en ce qui concerne le contrôle des empreintes digitales et des risques sanitaires ou sécuritaires, le système proposé, en dépit de sa sophistication, n’offre malheureusement pas, comme il le devrait, la possibilité de déposer une demande d’asile dans un autre État membre que celui de première entrée. Les règles relatives à la détermination de l’État membre responsable du traitement d’une demande d’asile, qui sont actuellement énoncées dans le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, devraient être exposées dans le règlement relatif aux procédures d’asile afin que d’autres États membres puissent également traiter les demandes d’asile au moyen d’Eurodac.

    1.7.

    Bien qu’étant favorable à ce que soient instaurées aux frontières de l’Union européenne, des procédures de prise de décision nouvelles et accélérées qui respectent l’ensemble des droits fondamentaux, des droits humains et des procédures juridiques le CESE observe que toute une série de questions se posent: comment allons-nous appliquer et garantir lesdites procédures? comment mettrons-nous en œuvre les retours? dans le règlement relatif aux procédures d’asile, sans parler de celui concernant la gestion de l’asile et de la migration, où réside la solidarité, si tant est qu’il comporte effectivement des dispositions en la matière? la personne à laquelle l’asile a été octroyé pourra-t-elle se rendre dans un autre État membre que celui de première entrée (4)? les États membres peuvent-ils accorder l’asile à des personnes dans le besoin pour les protéger, ou devront-ils commencer par le leur refuser? En conséquence, le CESE appelle la Commission à vérifier minutieusement et à expliquer chaque élément de sa proposition et, en particulier, à répondre à la question suivante: en quoi ce nouveau pacte améliore-t-il la procédure commune en matière d’asile et respecte-t-il le droit de demander l’asile?

    1.8.

    Le CESE est préoccupé par la mise en œuvre des nouvelles procédures de filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures. Ce nouveau mécanisme accroît la pression sur les États membres de l’UE qui sont situés le long de ses frontières maritimes extérieures et favorise la création de centres fermés à ces limites ou dans leur voisinage. De tels centres ont suscité de vives inquiétudes pour ce qui est d’assurer la protection des droits humains et de garantir que les personnes qui y séjournent bénéficient de conditions de vie acceptables.

    1.9.

    Les procédures à la frontière déboucheront soit sur l’octroi de l’asile, soit sur le rejet de la demande déposée en ce sens et sur le retour du demandeur débouté. S’il est accordé, l’État membre qui l’a octroyé sera responsable de l’intégration de la personne concernée. Dans le scénario prévu par le nouveau pacte, il en résultera toutefois qu’elle devra être intégrée dans les pays du Sud de l’Europe, sans qu’aucune possibilité soit offerte pour qu’elle soit relocalisée dans d’autres États membres ou qu’une quelconque forme de solidarité se manifeste de leur part. En cas de refus de l’asile, l’État membre devra renvoyer le demandeur d’asile débouté. Dans cette approche, il sera nécessaire d’examiner les moyens de passer des accords entre l’UE et les pays tiers d’origine et de transit, et de garantir des procédures opérantes, telles que prévues par le droit international et les instruments en vigueur en matière de droits de l’homme. Les États membres ne peuvent conclure entre eux des conventions particulières, et la Commission ne fait aucune mention d’une quelconque procédure de ce type.

    1.10.

    Les difficultés de la gestion de la migration, s’agissant en particulier d’identifier rapidement les personnes qui ont besoin d’une protection internationale ou de réaliser en pratique le retour de celles qui n’en n’ont pas besoin, sont censées être traitées de manière uniforme par l’UE dans son ensemble mais on ne peut pas considérer que tel soit le cas dans les propositions à l’examen. Dans la réalité des faits, c’est le seul État membre de première entrée qui aura à gérer la question, sans qu’il y ait un partage équitable des charges, par exemple grâce à une relocalisation obligatoire des demandeurs d’asile pendant l’application du règlement relatif aux procédures d’asile et l’examen de la demande d’asile.

    1.11.

    Il importe, en particulier, d’établir une procédure plus intelligente permettant de déterminer quelles sont les personnes qui, vraisemblablement, ne pourront pas recevoir la protection de l’Union européenne (5). La proposition de la Commission met en place un filtrage préalable à l’entrée qui devrait s’appliquer à tous les ressortissants de pays tiers qui sont présents aux frontières extérieures sans remplir les conditions d’entrée ou après un débarquement faisant suite à une opération de recherche et de sauvetage. Malheureusement, c’est sur le territoire du pays de première entrée que s’effectuera ce «filtrage préalable à l’entrée», à la frontière de l’UE. Ce terme «préalable» signifie que la personne concernée sera placée en «centre de rétention fermé» et qu’elle y restera, en étant privée de toute possibilité de se déplacer, jusqu’à ce que les autorités de l’État membre d’arrivée décident soit de lui accorder l’asile (6), soit de la renvoyer dans son pays d’origine ou de transit, et ce, seulement si ce renvoi est possible, alors qu’il ne l’est pas dans la plupart des cas.

    1.12.

    Le CESE est favorable au cadre européen instaurant des règles uniformes pour le filtrage des migrants en situation irrégulière qui sont appréhendés sur le territoire et ont échappé aux contrôles aux frontières à leur entrée dans l’espace Schengen. Pareille mesure protège cet espace et assure une gestion efficace de la migration irrégulière.

    1.13.

    Le CESE appelle les institutions, les agences et les partenaires sociaux de l’Union européenne à prendre part aux efforts destinés à élaborer davantage de politiques et programmes (comme les partenariats destinés à attirer les talents), échanges de bonnes pratiques et dispositifs de jumelages multilatéraux concernant les «corridors humanitaires» existants. Il demande également de développer de nouveaux cadres juridiques, d’instaurer des procédures rapides grâce auxquelles le visa humanitaire puisse être utilisé plus largement, et pour un nombre accru de personnes, en procédant à des ajustements dans les dispositions actuelles de l’article 25 du règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil (7), et d’inclure également le «parrainage» parmi les voies d’entrée légales ordinaires qui, dans le domaine des politiques d’immigration, sont applicables aux ressortissants de pays tiers au départ d’États situés hors Union européenne. Le CESE fait observer aux colégislateurs que la législation de l’UE qui est en vigueur, comme les accords de Schengen et le traité de Lisbonne, prévoient déjà «une protection subsidiaire et temporaire» pour les personnes qui fuient la guerre ou une catastrophe naturelle. Ce constat montre comment il est possible, en utilisant les instruments législatifs dont les États membres de l’Union européenne disposent d’ores et déjà, de garantir l’entrée sur son territoire aux personnes vulnérables qui ont besoin d’une protection internationale.

    2.   Observations et préoccupations d’ordre général

    2.1.

    Le nouveau pacte européen sur la migration et l’asile préconise de suivre, en matière d’élaboration des politiques, une approche intégrée, rassemblant dans une approche de gouvernance globale celles qui concernent l’asile, la migration, les retours, la protection des frontières extérieures, la lutte contre le trafic de migrants et les relations avec les principaux pays tiers. En dernière analyse, toutefois, les règlements proposés qui font l’objet du présent avis auront pour résultat de faire peser une charge disproportionnée sur les épaules des États membres du Sud de l’Europe, de sorte qu’inévitablement, ils seront inapplicables et n’atteindront pas le résultat escompté. Il est à prévoir qu’après un certain laps de temps, les États membres seront en fait contraints de rejeter nombre de demandes d’asile, même lorsqu’elles réuniront les conditions requises pour une issue favorable, afin d’éviter d’augmenter le nombre de personnes rassemblées dans des conditions inhumaines.

    2.2.

    Les États membres du Sud de l’Europe n’auront d’autre choix que de se transformer en plates-formes où ces demandeurs d’asile seront détenus ou en attente de renvoi.

    2.3.

    Le présent avis concentre son attention sur trois des neuf instruments prévus par le nouveau pacte, à savoir i) un règlement sur un nouveau processus de filtrage, ii) une proposition modifiée de révision du règlement relatif aux procédures d’asile, et iii) une proposition modifiée de refonte du règlement Eurodac.

    3.   Observations spécifiques sur le règlement relatif à un nouveau processus de filtrage

    3.1.

    Le nouveau règlement sur le filtrage propose une procédure de filtrage préalable à l’entrée, qui devrait avoir lieu dans l’État membre de première arrivée et s’appliquer à tous les ressortissants de pays tiers qui sont présents aux frontières extérieures sans remplir les conditions d’entrée ou après le débarquement faisant suite à une opération de recherche et de sauvetage.

    3.2.

    Les données disponibles démontrent que des flux d’arrivants mixtes ont remplacé en partie l’arrivée de ressortissants de pays tiers qui ont manifestement besoin d’une protection internationale, telle qu’elle avait pu être observée en 2015-2016.

    3.3.   Observations spécifiques sur les objectifs et les principaux éléments de la procédure de filtrage

    3.3.1.

    L’objectif du filtrage est de contribuer à la nouvelle approche globale de la migration et des flux migratoires mixtes, en veillant à établir rapidement l’identité des personnes, mais aussi d’éventuels risques liés à la santé et à la sécurité, et à renvoyer sans délais vers la procédure applicable tous les ressortissants de pays tiers qui se présentent aux frontières extérieures sans remplir les conditions d’entrée ou après un débarquement faisant suite à une opération de recherche et de sauvetage. Le but poursuivi consiste aussi à fournir un outil qui soit utile et à donner à d’autres pays de l’UE la possibilité de participer à la démarche et de procéder également à une évaluation concernant le demandeur dans le cadre de la mise en œuvre du règlement relatif aux procédures d’asile.

    3.3.2.

    La proposition prévoit que les droits fondamentaux des personnes concernées doivent être protégés par un mécanisme de contrôle qui sera mis en place par les États membres.

    3.3.3.

    Le filtrage doit notamment comprendre:

    a)

    un contrôle préliminaire en matière de santé et de vulnérabilité;

    b)

    un contrôle d’identité par rapport aux informations contenues dans les bases de données européennes;

    c)

    s’il n’a pas encore été effectué, l’enregistrement dans les bases de données correspondantes des données biométriques, en l’occurrence les données dactyloscopiques et celles d’image faciale;

    d)

    un contrôle de sécurité par une interrogation des bases pertinentes de données des États membres et de l’Union, en particulier le système d’information Schengen (SIS), afin de vérifier que la personne ne représente pas une menace pour la sécurité intérieure.

    3.3.4.

    Le filtrage devrait être obligatoire et s’appliquer non seulement dans les pays de première entrée, mais aussi dans chaque État membre, en vertu du principe de la solidarité au sein de l’UE. Tel qu’il est décrit dans le nouveau pacte, le processus du règlement relatif aux procédures d’asile ne sera mené que dans les pays de première entrée. Si le mécanisme de «solidarité obligatoire» ne prend pas la forme d’une «relocalisation obligatoire» au sens des dispositions du règlement relatif aux procédures d’asile, ou si des procédures ne sont pas mises en place afin qu’il soit possible de demander l’asile dans les États membres de l’UE sans devoir en franchir les frontières, il s’ensuivra dans la pratique que ledit règlement ne sera pas opérationnel. Il convient en outre de prévoir des mesures d’incitation et de dissuasion en matière de relocalisation et, en tout état de cause, le processus relevant du règlement relatif aux procédures d’asile ne devrait pas s’effectuer exclusivement dans le pays de première entrée, mais pouvoir être mené également dans d’autres États membres.

    3.3.5.

    Le filtrage proposé est censé apporter une valeur ajoutée aux procédures actuelles et, il s’imposerait que, hormis le cas des questions de santé, il n’ait pas lieu uniquement dans les pays dont le tracé frontalier comporte des frontières extérieures de l’UE.

    3.3.6.

    Il conviendrait qu’un mécanisme de contrôle indépendant, efficace et permanent vérifie en particulier que les droits fondamentaux ont été respectés en ce qui concerne le filtrage, de même que les règles nationales applicables en cas de rétention, et que le principe de non-refoulement a été observé. Il devrait en outre garantir que les plaintes fassent l’objet d’un traitement rapide et approprié.

    3.3.7.

    La proposition reconnaît le rôle des agences de l’UE, en l’occurrence Frontex et l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, lesquelles peuvent accompagner et soutenir les autorités compétentes dans l’ensemble de leurs tâches liées au filtrage; néanmoins, toute la clarté voulue n’a pas été faite sur ce point. Le texte à l’examen confère également un rôle, important mais totalement opaque, à l’Agence des droits fondamentaux pour aider les États membres à développer des mécanismes indépendants de contrôle des droits fondamentaux en ce qui concerne le filtrage et pour ce qui est du respect des règles nationales applicables en cas de rétention, ainsi que de la conformité avec le principe de non-refoulement.

    4.   La proposition modifiée de révision du règlement sur les procédures d’asile

    4.1.

    Le CESE considère qu’il est judicieux d’avoir opté pour une nouvelle proposition législative modifiée de règlement de l’UE, plutôt que pour une directive, qui est l’instrument en vigueur aujourd’hui. Il considère toutefois qu’un problème réel se pose quant à la manière dont ledit règlement pourra être appliqué et mis en œuvre dans tous les États membres, notamment ceux qui ont fait l’objet de procédures en infraction. Il ne peut lui donner son approbation que s’il n’a pas pour effet de transformer les États membres du Sud de l’Union en centres où des êtres humains sont détenus ou attendent leur renvoi.

    4.2.

    Le CESE se félicite que la proposition de la Commission entende améliorer la coordination et les procédures communes pour octroyer la protection internationale ou la retirer, ainsi que pour procéder à une harmonisation plus poussée des décisions en matière d’asile et de retour. Il regrette toutefois que, par rapport à celles émises à propos du régime commun d’asile, elle n’ait pas formulé des propositions supplémentaires pour coordonner la réalisation de centres fermés de rétention dans les pays de première arrivée, de sorte que l’obligation de gérer les demandeurs d’asile repose sur leurs seules épaules. Ce constat donne immanquablement l’impression que les propositions à mettre en œuvre ne s’adressent qu’aux États membres du Sud, sans qu’il soit fait la moindre allusion à une relocalisation lors de l’application des «procédures à la frontière».

    4.3.

    En outre, le CESE déplore que le texte n’ait pas correctement cerné les problèmes qui pourraient se poser dans l’exécution des programmes de retour, en particulier pour ce qui est des dispositions que les pays tiers, d’origine ou de transit, montreront en pratique pour coopérer avec l’UE.

    4.4.

    Le CESE insiste sur la nécessité impérieuse de présenter une stratégie plus globale, fondée sur un système de responsabilités équilibrées et partagées entre l’UE et les pays tiers pour la gestion des flux migratoires.

    4.5.

    En outre, le CESE souligne qu’il y a lieu de fournir une protection adéquate aux familles avec enfants, et presse la Commission d’accorder une attention toute particulière à la question des mineurs non accompagnés, à l’efficacité d’ensemble du «guide sur la procédure d’asile: normes opérationnelles et indicateurs» et sa compilation d’exemples de bonnes pratiques, tels que publiés par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO). Il n’est pas acceptable qu’un enfant ne soit considéré comme tel que s’il est âgé de moins de douze ans, et non de dix-huit, comme le prévoit le droit international. Aux termes de la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989, la notion d’enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans.

    4.6.

    Lors de consultations menées récemment, les organisations de la société civile ont préconisé de revoir certaines règles concernant l’établissement de la responsabilité, et de prévoir un mécanisme de solidarité obligatoire, y compris pour les personnes débarquées à la suite d’une opération de recherche et de sauvetage. Par ailleurs, elles ont recommandé d’établir une définition commune de la notion de «responsabilité» entre les États membres et ont demandé que les règles de Dublin révisées comportent un mécanisme de relocalisation qui présente un caractère plus durable (8) . Le CESE souhaite savoir comment il sera possible, au titre de la nouvelle proposition modifiée, d’assurer une mise en œuvre réaliste d’un mécanisme de solidarité entre les États membres qui soit réellement opérant. Les règles relatives à la détermination de l’État membre responsable du traitement d’une demande d’asile, qui sont actuellement énoncées dans le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, devraient être exposées dans celui portant sur les procédures d’asile, afin que d’autres États membres puissent également traiter les demandes d’asile au moyen d’Eurodac.

    5.   Modification de la proposition de 2016 relative à la refonte du règlement Eurodac

    5.1.

    Les changements qui ont été soumis concernant la proposition de 2016 pour une refonte du règlement Eurodac visent à établir un lien clair et cohérent entre des personnes concrètes et les procédures auxquelles elles sont soumises, afin d’améliorer le contrôle de la migration irrégulière et de mieux détecter les mouvements non autorisés.

    5.2.

    Eurodac a pour objectif premier d’identifier les demandeurs d’asile et de faciliter, par l’utilisation des empreintes digitales et de l’image faciale, ou «données biométriques», la collecte de preuves qui aideront à déterminer quel sera l’État membre chargé d’examiner une demande d’asile déposée dans l’Union européenne.

    5.3.

    Le CESE n’est pas convaincu qu’Eurodac (9) soit l’instrument approprié auquel recourir pour combattre la migration irrégulière, ni qu’il aidera réellement les États membres à contrôler l’aide octroyée pour le retour volontaire et la réintégration (10).

    5.4.

    La proposition à l’examen, qui modifie celle de 2016, s’appuie sur l’accord provisoire conclu entre les colégislateurs, complète les changements convenus et vise à transformer Eurodac en une base de données européenne commune à l’appui des politiques de l’UE en matière d’asile, de réinstallation et de migration irrégulière.

    5.5.

    Par ailleurs, elle a pour but de recueillir des données plus exactes et plus complètes afin d’éclairer l’élaboration des politiques et, partant, de mieux contribuer au contrôle de la migration irrégulière et à la détection des mouvements non autorisés en comptabilisant les demandeurs individuels en plus des demandes. Le CESE considère toutefois que ce système sophistiqué doit également offrir au migrant la possibilité de déposer une demande d’asile dans un État membre autre que celui d’entrée, plutôt que de ne l’autoriser à le faire que dans ce seul pays.

    5.6.

    Eurodac entend également soutenir la recherche de modes d’intervention appropriés dans ce domaine, en permettant l’élaboration de statistiques à partir de données tirées de plusieurs bases de données.

    5.7.

    Le CESE considère lui aussi comme une nécessité que tous les États membres appliquent de la même manière des règles communes concernant le relevé des empreintes digitales de ressortissants de pays tiers et la capture de leur image faciale aux fins d’Eurodac.

    5.8.

    Le CESE est favorable à la création d’un outil de renseignement qui fournisse à l’Union européenne des données sur le nombre de ressortissants de pays tiers qui entrent sur son territoire de manière irrégulière ou à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage et y demandent une protection internationale, car ces données sont indispensables pour qu’elle conçoive, en matière de migration et de visas, des politiques qui soient viables et fondées sur des éléments factuels.

    5.9.

    Eurodac a également pour objectif d’apporter un soutien supplémentaire aux autorités nationales qui sont responsables des demandeurs d’asile dont la demande a déjà été rejetée dans un autre État membre, en signalant celles qui ont donné lieu à un refus, mais il convient que ces autorités nationales disposent du droit de réexaminer une demande traitée par un autre pays de l’UE.

    Bruxelles, le 25 février 2021.

    La présidente du Comité économique et social européen

    Christa SCHWENG


    (1)  On retrouve la notion de «non-entrée» tant dans l’acquis de Schengen que dans celui en matière d’asile (article 43 de la directive sur les procédures d’asile).

    (2)  JO C 123 du 9.4.2021, p. 15.

    (3)  Voir page 58 du présent Journal officiel.

    (4)  En vertu des dispositions du règlement relatif aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile, les droits et avantages découlant du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire sont liés à l’État membre qui l’a accordé.

    (5)  La proportion de migrants arrivant de pays pour lesquels le taux de reconnaissance des demandes d’asile est inférieur à 25 % est passée de 14 % en 2015 à 57 % en 2018.

    (6)  S’agissant du recours à la rétention durant la procédure à la frontière, voir les paragraphes 179 et 183 de l’arrêt C-808/18 de la Cour de justice de l’Union européenne: «les États membres sont, en effet, autorisés à placer en “rétention”, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33, les demandeurs de protection internationale se présentant à leurs frontières, avant de leur accorder un droit d’entrée sur leur territoire, dans les conditions que ledit article 43 énonce et afin de garantir l’effectivité des procédures que le même article 43 prévoit»; «il résulte de l’article 43, paragraphe 1, de la directive 2013/32 qu’une rétention fondée sur cette disposition n’est justifiée qu’afin de permettre à l’État membre concerné d’examiner, avant de reconnaître au demandeur de protection internationale le droit d’entrer sur son territoire, si sa demande n’est pas irrecevable […], ou si celle-ci ne doit pas être rejetée comme étant non fondée […]».

    (7)  Règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO L 243 du 15.9.2009, p. 1).

    (8)  Rapport du projet CEPS, Search and rescue, disembarkation and relocation arrangements in the Mediterranean..Sailing Away from Responsibility? («Dispositifs de recherche et de sauvetage, de débarquement et de relocalisation en Méditerranée: une responsabilité esquivée à toute voile?»).

    (9)  Il améliorera les capacités de surveillance des États membres dans ce domaine et empêchera que d’aucuns ne «fassent leur marché» dans les aides au retour volontaire et à la réintégration (AVRR), étant donné que les États membres auront un accès immédiat à ces informations et qu’une personne à laquelle une assistance a été accordée dans un État membre ne pourra pas se rendre dans un autre dans le but d’y obtenir un soutien d’un type différent ou plus avantageux. À l’heure actuelle, les États membres ne disposent d’aucune base de données commune ni d’aucun moyen de savoir si une personne faisant l’objet d’une décision de retour a déjà bénéficié d’une aide au retour et à la réintégration. Ces informations sont essentielles pour lutter contre les abus et les doublons dans les aides octroyées.

    (10)  Le système d’entrée et de sortie permet aux États membres de détecter les ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier bien qu’ils soient entrés légalement dans l’UE. En revanche, il n’existe pas de dispositif de ce type pour identifier ceux qui sont en séjour irrégulier et sont arrivés de manière illégale dans l’UE par ses frontières extérieures. Le système Eurodac actuel est la base de données idéale pour recueillir ces informations, étant donné qu’il contient déjà ce type de données. À l’heure actuelle, la collecte de ces informations s’effectue aux seules fins de faciliter la détermination de l’État membre qui sera responsable de l’examen d’une demande d’asile. L’identification des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et de ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire de l’Union européenne par les frontières extérieures aidera notamment les États membres à délivrer de nouveaux documents à ces personnes à des fins de retour.


    ANNEXE

    La proposition d’amendement suivante, qui a recueilli plus d’un quart des suffrages exprimés, a été rejetée au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

    Paragraphe 2.2

    Modifier comme suit:

    2.2.

    Les États membres du Sud de l’Europe n’auront d’autre choix que de se transformer en plates-formes d’aménager des centres fermés de pré-départces les demandeurs d’asile seront détenus ou en attente de renvoi seront dans une situation très critique du point de vue des conditions de vie et des droits.

    Exposé des motifs

    Le texte actuel se prête très aisément à être mal interprété: ce ne sont pas les pays eux-mêmes qui sont transformés en centres de détention ou quoi que ce soit, mais des centres de pré-départ seront aménagés sur leur territoire.

    Résultat du vote:

    Voix pour:

    96

    Voix contre:

    100

    Abstentions:

    47

    Les paragraphes suivants de l’avis de section ont été modifiés pour refléter l’amendement adopté par l’assemblée, mais ils avaient recueilli plus d’un quart des votes exprimés sous leur forme originale (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

    1.1.

    Le CESE prend note du nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui vise à gérer un phénomène complexe et à ressorts multiples, et considère que les nouveaux règlements apportent une contribution positive pour une sécurité à l’efficacité renforcée aux frontières de l’UE. Si une procédure plus sûre et plus efficace est en train d’être mise en place pour contrôler les entrées dans l’UE, il est néanmoins nécessaire de disposer d’une stratégie européenne intégrée et commune, robuste face aux chocs et tournée vers l’avenir, et elle était attendue depuis bien longtemps déjà. Malheureusement, en ce qui concerne la question de la migration et de l’asile dans son ensemble, la Commission ne fait que nous réchauffer sa vieille soupe, qui plus est en la déversant toute refroidie, comme à l’accoutumée, dans l’écuelle des pays du Sud de l’Europe. Bien plus, les quatre ou cinq États membres concernés vont se transformer en «centres de rétention fermés»  (1) , où des êtres humains seront détenus pour des délais de six ou sept mois, voire davantage, jusqu’à ce que soit connu le résultat des procédures qu’ils ont introduites, de sorte que l’on aboutira à des situations bien plus graves qu’auparavant .

    Résultat du vote:

    Voix pour:

    105

    Voix contre:

    99

    Abstentions:

    43

    1.2.

    Le CESE tient à souligner que la Commission semble faire preuve de mauvaise volonté à l’égard de ses propositions. Dans tous les avis qu’il a élaborés en la matière, (SOC/649, SOC/669 et SOC/670), il critique l’adoption tant du règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration que du règlement relatif aux procédures d’asile. Il entend par ailleurs souligner qu’après l’examen des neuf règlements différents proposés et ses contacts avec la Commission, il estime que la mise en œuvre de ces textes s’annonce chaotique. Ne pas traiter l’immigration comme une problématique unique, mais affirmer plutôt que toute proposition ou suggestion relèvera d’une autre réglementation est une approche typique de la Commission. Il devient dès lors impossible d’établir un lien substantiel entre les différentes questions, chacune d’entre elles étant considérée isolément dans le cadre d’un règlement distinct. En d’autres termes, à chaque observation, «la balle est renvoyée» vers une autre règle, ou encore la Commission rejette purement et simplement toutes les remarques au motif qu’elles relèvent chaque fois de règles différentes.

    Résultat du vote:

    Voix pour:

    101

    Voix contre:

    97

    Abstentions:

    41


    (1)  On retrouve la notion de «non-entrée» tant dans l’acquis de Schengen que dans celui en matière d’asile (article 43 de la directive sur les procédures d’asile).


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