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Document 52017DC0751

    RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification

    COM/2017/0751 final

    Bruxelles, le15.11.2017

    COM(2017) 751 final

    RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

    sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification

    {SWD(2017) 701 final}


    1.    INTRODUCTION

    Le mécanisme de coopération et de vérification (MCV) a été mis en place lors de l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne en 2007 1  afin de remédier aux lacunes au niveau des réformes de la justice et de la lutte contre la corruption. Depuis, les rapports établis au titre du MCV s’emploient, au moyen de recommandations spécifiques, à orienter les efforts déployés par les autorités roumaines et dessinent la carte des progrès effectués par la Roumanie. Ainsi que le Conseil l'a souligné 2 , le MCV cessera de s'appliquer lorsque les quatre objectifs de référence applicables à la Roumanie auront été remplis de manière satisfaisante.

    Dans le rapport MCV de janvier 2017 3 , la Commission a fait le bilan, au moyen d'un aperçu des résultats obtenus, des défis encore à relever ainsi que des étapes restant à franchir aux fins de la concrétisation des objectifs du mécanisme. À cette fin, la Commission a formulé 12 grandes recommandations qui, pourvu qu’elles soient suivies d’effets, mettront un terme au processus lancé au titre du MCV. Dans le rapport, la Commission a souligné que la rapidité du processus dépendrait de la vitesse à laquelle la Roumanie serait en mesure de satisfaire à ces recommandations de manière irréversible, tout en évitant les mesures négatives remettant en cause les progrès réalisés ces dix dernières années.

    C’est pourquoi, à ce stade du MCV, le présent rapport présente les progrès accomplis dans le suivi donné aux recommandations formulées dans le rapport de janvier 2017. À l'instar des années précédentes, il est le fruit d'un processus d'analyse approfondi entrepris par la Commission sur la base d'une coopération étroite avec les autorités roumaines, ainsi que des contributions de la société civile et d'autres parties prenantes, notamment d'autres États membres.

    Dans son discours sur l’état de l’Union de septembre 2017, le président Juncker a souligné l’importance de l’état de droit et de l’indépendance du système judiciaire 4 : un impératif valable pour tous les États membres de l’UE, pas seulement pour ceux concernés par le MCV. Cela montre l’importance qu’il y a à éviter tout climat de confrontation entre les différents niveaux de pouvoir de l’État, dont les conséquences peuvent être dommageables pour l’indépendance de la justice, un problème déjà soulevé dans le rapport de janvier 2017 et qui a persisté durant la période de référence du présent rapport.

    Se fondant sur son analyse des progrès réalisés par la Roumanie sur l’ensemble du processus lancé au titre du MCV, soit depuis 2007, et sur les progrès réalisés depuis le rapport de janvier 2017, la Commission reste d'avis que, si la Roumanie instaure un climat de coopération loyale entre institutions de l’État et garde résolument le cap politique qu’elle s’est fixé, en s’attachant à préserver les progrès déjà accomplis, tout en respectant l’indépendance de la justice, elle sera à même de satisfaire, dans un avenir proche, aux recommandations auxquelles elle doit encore donner suite dans le cadre du MCV.

    La Commission a l'intention d’évaluer les progrès accomplis d’ici fin 2018 et est disposée à fournir à la Roumanie une aide supplémentaire pour l’aider à satisfaire aux recommandations auxquelles elle doit encore donner suite en vue de renforcer le caractère irréversible des progrès et, partant, mettre fin au mécanisme.

    2.    SITUATION GÉNÉRALE

    Le rapport de janvier 2017 prenait acte des progrès substantiels accomplis par la Roumanie sur la voie de la réalisation des objectifs de référence du MCV au cours de ces dix dernières années. Un certain nombre d'institutions clés ont ainsi été établies et de nombreux actes législatifs importants promulgués au cours de cette période. Les réformes des codes civils et pénaux étaient sur le point d’aboutir. Le rapport avait confirmé que le système judiciaire roumain s’était profondément réformé, tout en faisant constamment preuve de professionnalisme, d'indépendance et de responsabilité. Il avait aussi pris acte d’un certain nombre de garde-fous internes destinés à éviter tout retour en arrière soudain. Les 12 grandes recommandations du rapport de janvier 2017 visaient à combler les lacunes restantes. La plupart d'entre elles sont axées sur la responsabilité et l'obligation de rendre compte attendues de la part des autorités roumaines, ainsi que sur les garde-fous internes nécessaires pour garantir le caractère irréversible des résultats.

    Le gouvernement roumain a exprimé sa satisfaction à l'égard de cette approche et affirmé à plusieurs reprises sa détermination à satisfaire aux recommandations du MCV. Au Parlement, tant la majorité parlementaire que l’opposition s’étaient également montrées disposées à établir un dialogue constructif et avaient répondu favorablement à certaines recommandations.

    Pourtant, en dépit de l’engagement pris par le gouvernement de s’employer à clôturer le MCV dans les meilleurs délais, la situation politique a eu des répercussions sur la réalisation de progrès dans la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport MCV de janvier 2017. Au cours des neuf mois écoulés depuis ledit rapport, la Roumanie a connu deux gouvernements et la coopération entre pouvoirs publics (Parlement, gouvernement et système judiciaire) est devenue de plus en plus difficile, en raison de tensions grandissantes.

    De plus, les avancées obtenues et les bons résultats constamment affichés par les institutions judiciaires dans la lutte contre la corruption ont été largement remis en cause par diverses initiatives, dont l’adoption, en janvier 2017, par le précédent gouvernement, d’une ordonnance gouvernementale d'urgence dépénalisant certains faits de corruption, tels que l’abus de pouvoir, et la proposition de loi sur le pardon 5 . Ces mesures ont déclenché des manifestations de grande ampleur dans tout le pays. Bien que l’ordonnance d'urgence ait été abrogée par le gouvernement et par le Parlement, ces initiatives ont laissé la population dans le doute.

    Une controverse est née également de l’examen, depuis la fin du mois d’août, de propositions de révision de lois sur la justice. Consulté, le Conseil supérieur de la magistrature a rejeté par deux fois les propositions en question, y relevant des problèmes, notamment en matière d’indépendance de la justice 6 . Le président roumain et la société civile roumaine ont également fait part de leurs inquiétudes. Cette affaire a aussi donné lieu à la signature, par une majorité des magistrats roumains, d’une pétition exigeant que l’avis du Conseil supérieur soit respecté. Les trois lois sur la justice, qui remontent à 2004, régissent le statut des juges et des procureurs, ainsi que l’organisation et le fonctionnement des tribunaux, des bureaux de procureurs et du Conseil lui-même. Elles ont une incidence directe sur l’indépendance de la justice et sur le système judiciaire en général et ont largement contribué, dans leur état actuel, à l’évaluation positive de la Commission en janvier dernier. Certaines des modifications proposées concernaient des questions telles que le rôle de l’inspection judiciaire et la responsabilité personnelle des magistrats, ainsi que la nomination des procureurs principaux, toutes questions ayant trait à l’indépendance de la justice et dont la modification conduit à se demander si l’évaluation du rapport de janvier 2017 relative aux progrès en matière d’indépendance du système judiciaire ne doit pas être remise en cause. Les réactions très négatives du système judiciaire et d’une partie de la société civile ont essentiellement porté sur la question de l’indépendance de la justice.

    La capacité du gouvernement et du Parlement à garantir un processus législatif ouvert, transparent et constructif concernant les lois sur la justice jouera un rôle essentiel. En général, un processus dans lequel l’indépendance de la justice et l’avis des institutions du système judiciaire sont tenus en haute estime et dûment pris en considération 7 , de même que l’avis de la Commission de Venise, est une condition préalable à la viabilité des réformes, ainsi qu’un élément important dans la réalisation des objectifs de référence du MCV.

    Le débat public reste malheureusement marqué par des critiques contre le système judiciaire et les décisions de justice 8 . Elles contredisent les conclusions positives de la Commission sur le rôle du juge dans la mise en œuvre des réformes 9 , conclusions ayant reçu l’appui du Conseil 10 , et la nécessité de respecter l’indépendance de la justice. Le fait d’accepter et de respecter les arrêts définitifs des tribunaux et de permettre aux magistrats de mener à bien leur mission sans entraves est essentiel, notamment pour satisfaire aux conditions établies dans le rapport de janvier.

    3.    ÉVALUATION DES PROGRÈS ACCOMPLIS DANS LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE RÉFÉRENCE DU MCV SUR LA BASE DES RECOMMANDATIONS FORMULÉES DANS LE RAPPORT MCV DE JANVIER 2017

    3.1.    Premier objectif de référence: indépendance de la justice et réforme du système judiciaire

    3.1.1.    Indépendance de la justice

    Recommandation nº 1: mettre en place un système de nomination des hauts procureurs solide et indépendant, fondé sur des critères clairs et transparents, en s'appuyant sur le soutien de la Commission de Venise.

    Recommandation nº 2: veiller à ce que le code de conduite des parlementaires à l'étude au Parlement contienne des dispositions claires relatives au respect mutuel entre institutions et énonçant clairement que les parlementaires et le processus parlementaire sont tenus de respecter l'indépendance du pouvoir judiciaire. Un code de conduite similaire pourrait être adopté pour les ministres.

    Nominations

    En janvier, la Commission a réitéré sa recommandation de mettre en place un système de nomination à des fonctions de procureurs de rang élevé qui soit transparent et fondé sur le mérite, tout en offrant suffisamment de garde-fous contre la politisation. La procédure de nomination de procureurs de haut rang occupe une place centrale dans le débat sur les modifications proposées des lois sur la justice depuis le mois d’août. Elle a fait partie du premier avis négatif du Conseil supérieur de la magistrature en septembre et a encore subi des modifications dans le projet en cours.

    La Commission de Venise a reconnu qu’il existait différents modèles en ce qui concerne les nominations au poste de procureur général (ou à des fonctions similaires). Elle a toutefois souligné la nécessité de parvenir à un équilibre «de nature à obtenir la confiance du public et le respect de ce dernier à l’égard du système judiciaire et des professions juridiques 11 Le rôle du président et le pouvoir d’appréciation dont dispose le ministre de la justice dans la sélection de candidats ont été au cœur des discussions, de même que la mesure dans laquelle la même procédure de nomination et de révocation s’appliquerait aux niveaux inférieurs de l'encadrement au sein du ministère public.

    La recommandation de janvier précisait qu’il était nécessaire de s'appuyer sur la Commission de Venise pour essayer de clore ce long débat 12 . Le fait de demander conseil à la Commission de Venise demeure une exigence de la recommandation.

    La mise en œuvre de cette recommandation devra aussi garantir des garde-fous adéquats en matière de transparence, d’indépendance et de contre-pouvoirs, même dans les cas où le dernier mot reviendrait au politique.

    Codes de conduite

    Depuis le dernier rapport MCV, les critiques à l’encontre du système judiciaire et des magistrats ont été particulièrement virulentes dans les médias. Elles démontrent le bien-fondé de recommandations visant à garantir que des mesures sont prises pour décourager les comportements de nature à mettre ouvertement en cause l’indépendance de la justice et l’autorité des décisions de justice. Des recours ont été tentés dans le cadre du Conseil supérieur de la magistrature et par l’intermédiaire de différents magistrats ayant intenté un procès de leur propre chef. La recommandation de la Commission avait toutefois pour but d’obtenir une reconnaissance institutionnelle du problème et de parvenir à une décision concernant la prise de mesures pour résoudre ce dernier. D’où la recommandation en faveur d’un code de conduite parlementaire comprenant des dispositions sur le respect de l’indépendance de la justice.

    Le 11 octobre 2017, le Parlement a adopté un code de conduite. L’insertion d’une importante disposition relative au respect de la séparation des pouvoirs constitue une mesure positive. Bien que le code n’ait pas suivi la recommandation de la Commission de faire spécifiquement référence à l’indépendance de la justice, sa mise en œuvre pourrait avoir le même effet de diverses manières. La prochaine étape consistera donc à examiner en quoi le code influence en pratique la définition des actions susceptibles d’outrepasser les limites qu’il a fixées et des mesures à prendre en pareil cas. Le code de conduite pourrait gagner, par exemple, à être assorti d’orientations, d’exemples et d’actions de sensibilisation sur la manière de traiter certaines situations concrètes 13 , afin d’en faire un outil efficace de réduction des critiques proférées à l’endroit des magistrats et de renforcement du respect à l’égard du système judiciaire et des décisions de justice. Ainsi, à chaque fois que le Conseil supérieur de la magistrature condamne les déclarations critiques d’un membre du Parlement à l’égard d’un magistrat ou du système judiciaire, des procédures de suivi claires pourraient être mises en place au Parlement pour examiner si les dispositions du code ont été violées.

    Le rapport de janvier a également laissé entendre que le gouvernement pourrait utilement adopter un code de conduite à l’attention des ministres. En juillet 2017, le gouvernement nouvellement nommé a adopté un code de conduite ministériel comportant une disposition similaire sur le respect de la séparation des pouvoirs.

    L’application pratique de ces codes de conduite est donc importante également, en ce qu’elle donne la possibilité de réagir aux critiques adressées par des membres du Parlement et du gouvernement au système judiciaire.

    3.1.2.    Réforme du système judiciaire

    Recommandation nº 3: la phase actuelle de la réforme des codes pénaux roumains doit être conclue, le Parlement faisant avancer ses plans en vue de l’adoption des modifications présentées par le gouvernement en 2016 après consultation des autorités judiciaires. Le ministre de la justice, le Conseil supérieur de la magistrature et la Haute Cour de cassation et de justice doivent mettre la dernière main à un plan d'action pour que le nouveau délai de mise en œuvre des dispositions restantes du code de procédure civile puisse être respecté.

    Recommandation nº 4: afin d'améliorer davantage la transparence et la prévisibilité du processus législatif, et de renforcer les garde-fous internes dans l'intérêt de l'irréversibilité des résultats, le gouvernement et le Parlement doivent garantir la transparence totale et tenir dûment compte des consultations avec les autorités concernées et les parties prenantes dans le cadre du processus décisionnel et des activités législatives relatives au code pénal et au code de procédure pénale, aux lois sur la corruption, aux lois sur l'intégrité (incompatibilités, conflits d'intérêts, enrichissement injustifié), aux lois sur la justice (concernant l'organisation du système judiciaire), ainsi qu'au code civil et au code de procédure civile, en s'inspirant de la transparence du processus décisionnel mis en place par le gouvernement en 2016.

    Nouveaux codes

    En 2017, le code de procédure pénale et le code pénal ont connu un certain nombre de changements. Si certains de ces changements vont dans le sens des objectifs fixés par les recommandations de la Commission, d’autres en revanche contrarient l’objectif consistant à apporter davantage de certitude et de stabilité dans la réforme des codes. Il convient de noter que nombre de débats autour de ces codes portent sur les dispositions relatives aux délits de corruption à haut niveau.

    La recommandation de conclure la phrase actuelle de la réforme des codes pénaux roumains est restée lettre morte. À ce jour, le Parlement n’a encore adopté aucun des projets de modification proposés par le gouvernement en 2016, qui étaient le fruit de larges consultations avec l’appareil judiciaire 14 . Le Parlement a toutefois adopté d’autres modifications du code pénal, notamment celles visant à dépénaliser le conflit d’intérêts 15 .

    La succession rapide des décisions de la Cour constitutionnelle déclarant inconstitutionnelles certaines dispositions des codes a encore aggravé le manque de stabilité. Le ministère de la justice a commencé à s’attaquer à ce problème en lançant des consultations auprès du système judiciaire, des professions juridiques et de la société civile, tandis que le gouvernement a fait part de son intention d’adopter les modifications pertinentes. Toutefois, aucun des changements proposés n’a encore donné lieu à des modifications législatives et ces retards peuvent engendrer des différences d’interprétation. La nécessité d’adapter les lois pour tenir compte des arrêts de la Cour constitutionnelle devrait bénéficier d’un traitement rapide et cohérent et constituer une priorité importante, sans compromettre la qualité de la préparation des modifications. Le gouvernement a fait part de son intention de traduire les décisions de la Cour constitutionnelle sous la forme d’une nouvelle série de modifications.

    La recommandation porte aussi sur la finalisation de la réforme du code de procédure civile. En décembre 2016, une nouvelle échéance a été arrêtée, en l’occurrence janvier 2019, pour la mise en application des dispositions restantes de ce code. Des discussions entre le ministre de la justice, le Conseil supérieur de la magistrature et la Haute Cour de cassation et de justice sont en cours. Les premières mesures à fournir pour l’infrastructure nécessaire des nouvelles chambres du Conseil ont été prises et le ministre de la justice met actuellement la dernière main à un plan en vue de leur adoption par le gouvernement. Les décisions de la Cour constitutionnelle posent aussi des problèmes pour la stabilité des codes civils. Un arrêt récent de la Cour constitutionnelle, en particulier, concernant le seuil précédemment en vigueur pour limiter les possibilités d’appels en deuxième instance pourrait faire augmenter sensiblement le nombre de dossiers à traiter par la Haute Cour de cassation et de justice 16 . Le ministre de la justice s’emploie actuellement à atténuer l’incidence sur la charge de travail de la Haute Cour en faisant en sorte que davantage de dossiers soient confiés aux juridictions inférieures. La Haute Cour doit déjà faire face à une importante charge de travail et le rapport de janvier a souligné l’importance de son travail en matière de cassation et d’interprétation de la loi 17 .

    Transparence et prévisibilité du processus législatif pour la législation sur la réforme du système judiciaire et la lutte contre la corruption

    Depuis le rapport de janvier, un certain nombre d’affaires suscitant des inquiétudes quant à la transparence et à la prévisibilité du processus législatif sont apparues, tantôt à l’initiative du gouvernement, tantôt à celle du Parlement. Plusieurs mesures et modifications ont été adoptées par le Parlement sans consultation ni débat public, pour ainsi dire. 18 D’autres propositions problématiques et non coordonnées (comme la loi relative au pardon et celle sur la responsabilité des magistrats) ont été introduites et si certaines n’ont jamais fait leur chemin dans le processus parlementaire, le simple fait qu’elles demeurent à l’ordre du jour du Parlement génère un important degré d’incertitude.

    La société civile a également fait entendre très largement sa voix, en s’attachant à souligner les possibles conséquences sur la réforme du système judiciaire et la lutte contre la corruption. La controverse en cours relative aux lois sur la justice sera un test important pour déterminer dans quelle mesure les intérêts légitimes du système judiciaire et d’autres parties prenantes ont la possibilité d’être exprimés et sont pris suffisamment en compte dans les décisions finales.

    Une initiative visant à remédier à cette situation a été proposée par le président de la commission des questions juridiques du Sénat, qui a invité le ministre de la justice et le Conseil supérieur de la magistrature à établir un dialogue permanent entre les institutions de l’État sur les modifications apportées aux codes pénaux et à d’autres actes législatifs importants. L’objectif était de mettre en place un processus de modifications prévisible, propre à garantir la tenue de débats publics et l’organisation de consultations. Le Parlement a repris ce principe et a institué, début octobre, une commission parlementaire spéciale chargée de garantir la systématisation, l’unification et la stabilité législative au sein du système judiciaire.

    Pour mettre en œuvre la recommandation nº 4, cette commission devra démontrer sa capacité à instaurer la confiance entre le Parlement, le gouvernement et le système judiciaire, tout en facilitant une coopération constructive sur les lois importantes. Elle a la possibilité de remédier à l’incertitude entourant les codes et sous-tendant la recommandation nº 3 au moyen d’une adoption consensuelle de modifications préservant les progrès apportés par les réformes de ces quatre codes. Cette commission pourrait aussi contribuer à garantir la cohérence d’un processus apportant une certaine certitude juridique à la suite des décisions de la Cour constitutionnelle.

    Recommandation nº 5: le gouvernement doit mettre en place un plan d'action adéquat visant à traiter le problème posé par l'exécution des décisions de justice et l'application de la jurisprudence des cours et tribunaux par l'administration publique, comprenant notamment un mécanisme fournissant des statistiques exactes pour permettre le suivi de ces questions à l'avenir. Il doit aussi élaborer un système de suivi interne associant le Conseil supérieur de la magistrature et la Cour des comptes afin de garantir la mise en œuvre correcte du plan d'action.

    Recommandation nº 6: les responsables stratégiques du système judiciaire, c'est-à-dire le ministre de la justice, le Conseil supérieur de la magistrature, la Haute Cour de cassation et de justice et le procureur général doivent garantir la mise en œuvre du plan d'action tel qu'il a été adopté, et rendre régulièrement compte, de manière coordonnée, au public de l’avancement de cette mise en œuvre, en apportant notamment des solutions aux problèmes de pénurie de greffiers, de charge de travail excessive et de retard dans la motivation des décisions.

    Respect des décisions de justice

    Cette recommandation porte sur l’application de décisions contre l’État, dans lesquelles un organisme public doit verser une certaine somme d’argent ou effectuer une action à la suite d’une décision de justice. Le ministre de la justice a reconnu qu’il était essentiel de mettre en œuvre effectivement toutes les décisions de justice contre l’État.

    Fin août, la Roumanie a actualisé son plan d’action 2016, élaboré pour le Conseil de l’Europe afin de régler les problèmes structurels de la non-application des décisions de justice contre l’État recensés par la Cour européenne des droits de l'homme 19 .

    La mise en œuvre de ce plan d’action permettrait de satisfaire dans une large mesure à la recommandation nº 5. Afin d’évaluer la mesure des progrès accomplis dans la mise en œuvre de cette recommandation, la Commission espère obtenir des solutions concrètes et recevoir un calendrier détaillé en vue de régler les problèmes détectés.

    L’autre action nécessaire à la mise en œuvre de cette recommandation consiste à élaborer des procédures au sein de l’administration publique pour faire en sorte que celle-ci applique de manière cohérente la solution fournie par les tribunaux dans des cas similaires, en cas de décision définitive sur un recours ou de décision interprétative de la Haute Cour de cassation et de justice. Pareille procédure réduirait le risque de devoir juger des affaires répétitives et renforcerait la confiance des citoyens et des entreprises dans les décisions des administrations publiques.

    Réformes structurelles du système judiciaire

    Après avoir dû être reportée, au début de l’année, la réunion du conseil des responsables stratégiques du système judiciaire s’est tenue en juin et en septembre 2017. Lors de la dernière réunion, un suivi général de la mise en œuvre du plan d’action relatif à la stratégie de développement du système judiciaire 2015-2020 a été mis en place. Il comprendra des rapports trimestriels. Certaines institutions judiciaires signalent qu’elles sont en train de mettre en œuvre le plan d’action et le ministre de la justice a pu obtenir les fonds structurels de l’UE qu’il avait demandés aux fins de son financement. Ces mesures devraient être assorties de mécanismes clairs de contrôle et prévoir un recours régulier au Conseil, en tant que véritable instance de coordination pour favoriser le dialogue et la coopération sur les questions communes ayant une incidence sur le système judiciaire.

    Recommandation nº 7: le nouveau Conseil supérieur de la magistrature doit préparer un programme collectif pour son mandat, comprenant des mesures visant à promouvoir la transparence et la responsabilité. Ce programme doit inclure une stratégie de sensibilisation, comportant des réunions ouvertes et régulières avec des assemblées de juges et de procureurs à tous les niveaux, ainsi qu'avec la société civile et les organisations professionnelles, et prévoir un compte rendu annuel à débattre au sein des assemblées générales des cours et tribunaux et des parquets.

    Transparence et obligation de rendre compte du Conseil supérieur de la magistrature 

    Le nouveau Conseil est opérationnel depuis le 6 janvier 2017 20 . Il a dû faire face à des circonstances difficiles. Il n’en a pas moins montré qu’il était disposé à prendre des décisions délicates en rendant un avis négatif sur l’ordonnance de l’exécutif en février, puis sur les modifications des lois sur la justice, en septembre et en novembre. Le Conseil a également dû faire face à la nécessité de défendre l’indépendance et la réputation des magistrats, en particulier des procureurs, et a dû gérer la situation complexe consistant à recevoir de la part d’autres pouvoirs publics des griefs disciplinaires et administratifs répétés contre ces mêmes magistrats. On peut donc affirmer que le Conseil a rempli sa mission et démontré la puissance et la résilience de cette institution.

    En vertu de la recommandation, le Conseil supérieur de la magistrature a arrêté fin février 2017 les priorités de son mandat (2017–2022). Elles fournissent les premiers éléments de base en faveur de la promotion de la responsabilisation de l’institution. Le Conseil a pris des mesures pour promouvoir la transparence et l’ouverture, dont la création d’un nouveau site web et la participation directe de représentants des tribunaux, d’associations professionnelles de magistrats ou d’ONG à ses réunions. Le Conseil a aussi organisé les consultations en cours de tribunaux et de bureaux de procureurs, qui se sont révélées constituer un circuit de communication et de consultation important. Le Conseil travaille également à l’élaboration d’un programme et d’une stratégie collectifs, qui comprendront notamment des mesures de sensibilisation, ainsi que des mesures visant à améliorer l’image publique du système judiciaire, les relations avec les médias et la coopération avec le gouvernement et le Parlement.

    Le Conseil devrait continuer à consolider ses actions de défense de la réputation de la magistrature de manière cohérente et efficace, et à contribuer à établir un dialogue constructif et transparent avec le gouvernement et le Parlement. Le Conseil devrait aussi promouvoir le renforcement de la coopération entre institutions judiciaires sur certaines questions essentielles restées en suspens, comme le fonctionnement de l’inspection judiciaire.

    Après avoir analysé les recommandations nos 1 à 7, la Commission estime que davantage d’efforts doivent être consentis pour réaliser le premier objectif de référence. Plusieurs avancées ont été observées, notamment en ce qui concerne les codes de conduite et les codes civils, ainsi que les mesures prises pour mettre en œuvre la stratégie de développement du système judiciaire, et pour ce qui est des activités du nouveau Conseil supérieur de la magistrature. La situation politique et les propositions législatives susceptibles d’avoir un effet négatif sur les réformes ont toutefois entravé les progrès. L’analyse des recommandations met en exergue plusieurs initiatives et processus qui, pour peu qu’ils soient menés à bien, pourraient offrir à la Roumanie des possibilités intéressantes de progresser à nouveau rapidement sur la voie de la réalisation du premier objectif de référence.

    3.2.    Deuxième objectif de référence: le cadre d'intégrité et l'Agence nationale pour l'intégrité

    Recommandation nº 8: assurer la mise en service du système PREVENT. L'Agence nationale pour l'intégrité et l'Agence nationale des marchés publics doivent prévoir l'établissement de comptes rendus au sujet des vérifications ex ante des procédures de passation de marchés publics et de leur suivi, y compris des vérifications ex post, ainsi que des affaires de conflit d'intérêts ou de corruption mises au jour, et organiser des débats publics de sorte que le gouvernement, les autorités locales, le système judiciaire et la société civile puissent exprimer leur avis.

    Recommandation nº 9: le Parlement doit faire montre de transparence dans son processus décisionnel en ce qui concerne le suivi des décisions définitives et irrévocables prises contre ses membres pour des cas d'incompatibilités, de conflits d'intérêts et d'enrichissement injustifié.

    Le système PREVENT est conçu pour prévenir les conflits d’intérêts dans les procédures de marchés publics en élaborant un mécanisme de vérification ex ante et en permettant aux autorités contractantes de remédier à ces situations avant l’octroi du marché. Ce système est opérationnel depuis fin juin. Il est le fruit d’une collaboration étroite entre l’Agence nationale pour l’intégrité, l'Agence nationale des marchés publics, l’Agence de la stratégie numérique et le gouvernement. Après quatre mois d’activité, il commence à obtenir ses premiers résultats.

    Les rapports MCV successifs ont souligné les retards et les incohérences dans l’application des sanctions infligées aux membres du Parlement jugés incompatibles ou dans une situation de conflit d’intérêts à l’issue d’une décision de justice définitive concernant un rapport de l’Agence nationale pour l’intégrité. La Commission avait recommandé en conséquence au Parlement de faire montre de transparence dans son processus décisionnel en ce qui concerne le suivi des décisions définitives et irrévocables prises contre ses membres pour des cas d'incompatibilités, de conflits d'intérêts et d'enrichissement injustifié. Elle a reçu des informations sur les procédures applicables et sur la publicité des débats parlementaires, mais pas encore sur l’organisation ou non de débats ni sur la prise ou non de décisions sur les affaires en instance. Bien que les règles et les procédures parlementaires relatives à l’application de sanctions semblent claires, l’Agence nationale pour l’intégrité fait état de trois affaires en cours concernant des membres du Parlement pour lesquelles des décisions de justice définitives portant sur des questions d'intégrité et rendues par des tribunaux en 2017 n’auraient toujours pas été mises en œuvre. Il n’est pas certain qu’une échéance ait été fixée pour la prise de sanctions par le Parlement. On recense en outre trois affaires concernant des membres du Parlement dont les mandats ont été confirmés après les élections de fin 2016, en dépit du fait qu’une décision de justice définitive leur interdit pendant trois ans d’occuper une fonction élue. En février 2017, l’Agence nationale pour l’intégrité a informé le Parlement de ces trois affaires, mais ce dernier n’a encore pris aucune mesure pour y remédier.

    Des mesures concrètes, de nature à rendre effective la transparence proposée dans la recommandation, pourraient être prises. Il suffirait, par exemple, que le président de chaque chambre du Parlement concernée prenne publiquement acte de la décision de justice définitive (ou d’un rapport de l’Agence nationale pour l’intégrité qui n'a pas fait l'objet de recours), qu’un calendrier décisionnel soit annoncé et que des informations soient communiquées au public et à l’Agence nationale pour l’intégrité, une fois le processus décisionnel achevé. Une action du Parlement sur ces six affaires permettrait de progresser rapidement sur cette recommandation.

    Après avoir analysé les recommandations nos 8 et 9, la Commission estime que, dans l’ensemble, la Roumanie a réalisé d'importants progrès pour ce qui est du deuxième objectif de référence. La mise en œuvre de la recommandation nº 8 est satisfaisante. Une décision rapide sur toutes les affaires en instance concernant des membres du Parlement sous le coup de décisions de justice définitives portant sur des questions d'intégrité devrait permettre de progresser rapidement sur la voie de la réalisation du deuxième objectif de référence.

    3.3    Troisième objectif de référence: lutte contre la corruption à haut niveau

    Recommandation nº 10: adopter des critères objectifs pour la prise de décisions relatives à la levée de l'immunité des parlementaires et pour leur motivation et veiller à ce que l'immunité ne soit pas utilisée pour éviter de faire l'objet d'enquêtes et échapper aux poursuites pour délits de corruption. Le gouvernement pourrait également envisager de modifier la loi afin de restreindre l'immunité des ministres à la durée de leur mandat. Il pourrait être aidé à cet effet par la Commission de Venise et le GRECO 21 . Le Parlement doit mettre en place un système afin de rendre régulièrement compte des décisions prises par ses chambres en réponse aux demandes de levée de l'immunité et pourrait organiser un débat public afin que le Conseil supérieur de la magistrature et la société civile puissent donner leur avis.

    La recommandation nº 10 porte sur l’obligation du Parlement de rendre des comptes pour ses décisions relatives aux demandes du ministère public d’autorisation de mesures préventives, telles que les perquisitions et les arrestations, et aux demandes d’autorisation d’enquêtes sur des membres du Parlement qui sont ou ont été ministres (la «levée d’immunité»). Les rapports MCV précédents ont mis en évidence le fait que de telles décisions avaient été perçues par le public comme des tentatives de se soustraire aux enquêtes et aux poursuites pour délits de corruption ou d’en limiter l’ampleur. Le fait, par conséquent, de disposer de critères pour rendre des décisions concernant ce genre de demandes du ministère public est un moyen de montrer que ces décisions ont une base objective 22 .

    Trois demandes récentes de levée d’immunité pour des membres du Parlement ont été rejetées. Dans le cadre d’une mesure destinée à améliorer la transparence, la Chambre des députés a commencé à diffuser les arguments défendus par la commission des questions juridiques en faveur d’un rejet ou d’un accord avant le vote en séance plénière. Dans deux affaires, l’argument invoqué par la commission des questions juridiques en faveur d’un rejet était que les actes n’avaient aucun fondement légal, ce que les partis d’opposition ont toutefois contesté au motif que seuls les juges étaient compétents pour apprécier si une personne a ou non commis un délit. La Commission salue le fait qu’il est tenu compte du besoin d’une plus grande transparence dans la suite réservée aux demandes du ministère public, tout en considérant que davantage d’efforts doivent encore être consentis en ce qui concerne la recommandation nº 10. Elle réitère son conseil de demander l’aide de la Commission de Venise et du GRECO, qui sont à même d’apporter leur précieux savoir-faire sur les pratiques dans ce domaine.

    Dans son rapport de janvier, la Commission a fait clairement savoir que toute mesure ayant pour effet d'affaiblir ou de réduire le caractère infractionnel de la corruption, ou qui poserait un problème majeur pour l'indépendance et l'efficacité du parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption, constituerait un retour en arrière.

    La Commission estime que davantage d’efforts doivent encore être consentis en ce qui concerne la recommandation nº 10. Dans l’ensemble, une évaluation positive des progrès accomplis dans le cadre du troisième objectif de référence va de pair avec une Direction nationale anticorruption indépendante, capable d’exercer ses activités à l’aide de tous les outils dont elle dispose et de préserver son bilan. Dans les rapports précédents, le fait que la Direction nationale anticorruption ait maintenu les résultats obtenus tout en subissant de fortes pressions a été vu comme un signe de viabilité. C’est pourquoi la Commission s’est limitée à une recommandation unique dans le cadre du troisième objectif de référence. Si ces pressions venaient à nuire à la lutte contre la corruption, la Commission pourrait être amenée à revoir sa conclusion.

    3.4    Quatrième objectif de référence: lutte contre la corruption à tous les niveaux

    Recommandation 11: continuer de mettre en œuvre la stratégie nationale de lutte contre la corruption, dans le respect des délais impartis par le gouvernement en août 2016. Le ministre de la justice doit mettre en place un système afin de rendre compte de la mise en œuvre effective de la stratégie nationale de lutte contre la corruption (y compris statistiques sur les incidents en matière d’intégrité au sein de l’administration publique, détails des procédures et sanctions disciplinaires et informations sur les mesures structurelles appliquées dans les domaines vulnérables).

    Recommandation 12: faire en sorte que l’Agence nationale de gestion des avoirs saisis soit pleinement et véritablement opérationnelle de sorte qu’elle puisse publier un premier rapport annuel contenant des informations statistiques fiables au sujet de la confiscation d’avoirs d’origine criminelle. L’Agence doit établir un système afin de rendre compte régulièrement du renforcement de ses capacités administratives, ainsi que de ses résultats en matière de confiscation et de gestion des avoirs d’origine criminelle.

    La stratégie nationale de lutte contre la corruption

    La stratégie nationale de lutte contre la corruption 2016-2020, présentée par le gouvernement en août 2016, a le potentiel pour devenir une politique efficace de prévention de la corruption pour autant qu’elle soit correctement mise en œuvre et suivie d’effets sur le terrain. Elle s’adresse aux institutions publiques centrales et locales. Au niveau technique, sa mise en œuvre est assurée par le secrétariat technique de la stratégie au sein du ministère de la justice. Une évolution positive réside dans le fait qu’un grand nombre d’institutions publiques ont décidé de prendre part à la stratégie de lutte contre la corruption. Une grande partie de l’année a été consacrée à la mise en place de plans d’intégrité au sein de chaque institution publique ainsi qu’à celle du premier cycle de suivi par les pairs. D’autres institutions telles que l’Agence nationale pour l’intégrité et la police judiciaire anticorruption au sein du ministère de l’intérieur participent également aux mesures de prévention 23 . La stratégie bénéficiera aussi de fonds de l’UE. Le premier rapport sur la mise en œuvre des mesures sera présenté au début de l’année 2018, ce qui permettra ensuite d’obtenir une vision globale des progrès accomplis.

    La mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la corruption ayant débuté au niveau technique, la stratégie doit maintenant recevoir le soutien politique visible du gouvernement et des autorités locales afin que des progrès soient réalisés, comme ce fut le cas lors de la mise en œuvre de la stratégie initiale, lorsque des efforts ont été déployés pour diffuser les bonnes pratiques et encourager les organismes publics à consacrer des ressources et de l’attention à la lutte contre la corruption. Les ministres responsables de l’administration centrale et publique et les ministres chargés de secteurs clés tels que l’éducation ou la santé pourraient jouer un rôle particulièrement important. En juin, le ministre de la justice a invité les deux chambres du Parlement à signer une déclaration commune en faveur de la stratégie nationale de lutte contre la corruption 2016-2020. Cette déclaration n’a pas encore vu le jour. De manière générale, il conviendrait de faire de la prévention de la corruption une priorité politique, notamment en mettant en place les mesures nécessaires pour soutenir pleinement la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption aux niveaux central et local, en assurant la stabilité du cadre juridique applicable ainsi qu’en maintenant le bilan positif du procureur général.

    L’Agence nationale de gestion des avoirs saisis

    L’Agence nationale de gestion des avoirs saisis est à présent pleinement opérationnelle. Elle a publié son premier rapport annuel en février 2017 et, avec l’aide de l’administration fiscale, elle a réussi à déterminer avec précision les sommes totales issues de la vente d’avoirs confisqués en 2016 (environ 5 000 000 EUR), dont une partie doit être redistribuée à des fins sociales et publiques. Le premier appel à propositions sera lancé en 2018.

    Le rapport de janvier 2017 soulignait que l’Agence devait, à terme, contribuer à accroître la proportion d’avoirs effectivement recouvrés. Les travaux à cet effet sont déjà en cours, avec la collecte de données auprès de tous les tribunaux et le lancement d’un projet visant à garder la trace de toutes les décisions de justice pertinentes en matière de confiscation d’avoirs d’origine criminelle, en établissant des liens avec la base de données en matière d’exécution de l’administration fiscale. Ce projet, qui devrait être achevé d’ici à la fin de 2018, devrait fournir une vision plus claire de la situation, afin que des mesures appropriées puissent être prises pour accroître la proportion d’avoirs effectivement recouvrés.

    Le prochain rapport annuel de l’Agence nationale de gestion des avoirs saisis, attendu pour 2018, devrait donner des indications claires concernant les résultats obtenus par l’Agence en 2017.

    La Commission estime que davantage d’efforts doivent encore être consentis pour progresser vers la réalisation du quatrième objectif de référence. La Commission considère qu’une plus grande priorité politique devrait être accordée à la promotion de la prévention de la corruption et au soutien de la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, et que des signes concrets d’enracinement de la prévention de la corruption sont nécessaires aux fins de l’application de la recommandation 11. S’agissant de la recommandation 12, si les bons résultats opérationnels se confirment, la Commission pourrait conclure qu’elle est satisfaite.

    4. CONCLUSION

    Durant les neuf mois qui se sont écoulés depuis le rapport de janvier 2017 présentant les recommandations essentielles à suivre pour atteindre l’ensemble des objectifs de référence du MCV, des progrès ont été réalisés concernant un certain nombre de recommandations, en particulier la recommandation 8, qui a été mise en œuvre de manière satisfaisante, et, sous réserve de l’application pratique des mesures adoptées, les recommandations 2, 7 et 12. Bien que les travaux tendant à donner suite à certaines recommandations aient bien avancé, la dynamique de réforme a globalement disparu au cours de l’année 2017, ce qui a ralenti les efforts relatifs aux autres recommandations et risque de faire resurgir des problèmes qui étaient considérés comme réglés dans le rapport de janvier 2017. L’indépendance de la justice a aussi continué d’être remise en cause de manière préoccupante.

    Sur cette base, bien que des progrès aient permis de se rapprocher de certains des objectifs de référence, la Commission conclut qu’aucun d’entre eux n’est encore atteint de manière satisfaisante à ce stade. La Commission reste d’avis que, si la Roumanie instaure un climat de coopération loyale entre les institutions de l’État, garde résolument le cap politique qu’elle s’est fixé, en s’attachant à préserver les progrès accomplis, et assure le respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire, elle sera à même de satisfaire, dans un avenir proche, aux recommandations auxquelles elle doit encore donner suite dans le cadre du MCV.

    La Commission invite la Roumanie à mettre en œuvre les mesures nécessaires et à se conformer à toutes les recommandations; elle évaluera à nouveau les progrès réalisés vers la fin de l’année 2018.

    (1)

         Conclusions du Conseil des ministres du 17 octobre 2006 (13339/06); décision de la Commission du 13 décembre 2006 établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d'atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption [C(2006) 6569 final].

    (2)

         Conclusions du Conseil sur le MCV.

    (3)

         COM(2017) 44.

    (4)

         http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-17-3165_fr.htm

    (5)

         Ordonnance d'urgence 13/2017 sur la modification du code pénal et du code de procédure pénale.

    (6)

         Le 9 novembre dernier, le Conseil supérieur de la magistrature a émis un second avis négatif sur les projets de lois sur la justice actuellement devant le Parlement, même si les motivations de cette décision n’ont pas encore été publiées.

    (7)

         Le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) du Conseil de l'Europe a recommandé dans des avis précédents que «le juge devrait pouvoir être consulté, et participer activement à l’élaboration des dispositions législatives concernant son statut et plus généralement, le fonctionnement de la justice». «La place du système judiciaire et ses relations avec les autres pouvoirs de l’État dans une démocratie moderne», avis nº 18 (2015).

    (8)

         Par exemple, les déclarations publiques des autorités faisant état d’un dysfonctionnement dans l'ensemble du système judiciaire ou affirmant qu’il convient de «revenir à une situation normale».

    (9)

         Rapport MCV de janvier 2017, COM(2017) 44 final.

    (10)

         Conclusions du Conseil sur le MCV de mars 2017 (https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/st-7048-2017-init_en.pdf).

    (11)

         Rapport sur les normes européennes relatives à l'indépendance du système judiciaire - Partie II: le ministère public [CDL-AD(2010) 040].

    (12)

         La Commission de Venise a dressé la liste des normes européennes: http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2010)040-e  

    (13)

         Une analyse similaire a été réalisée lors de la 4e évaluation effectuée par le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round4/Eval IV/GrecoEval4(2015)4_Romania_FR.pdf.pdf

    (14)

         Les rapports d’avancement du gouvernement et du Parlement ne mentionnent aucun progrès concernant ces propositions en instance.

    (15)

         Trois actes sur quatre ont été dépénalisés. Voir aussi le rapport technique SWD(2017) 701. Cette modification n’a pas donné lieu à consultation des autorités judiciaires.

    (16)

         Décision nº 369/2017, publiée dans le journal officiel roumain, partie I, nº 582, le 20 juillet 2017.

    (17)

         COM(2016) 41 et COM(2017) 16.

    (18)

         La modification du régime d'incompatibilité des parlementaires et la dépénalisation de la plupart des conflits d’intérêts, par exemple. Il existe en outre d’autres exemples de législations adoptées sans consultation qui ont aussi une incidence sur le système judiciaire et la lutte contre la corruption, comme la loi sur le statut des administrations locales, la loi sur le financement des partis politiques et une proposition visant à autoriser le réexamen de l’ensemble des décisions des 20 dernières années, cette dernière ayant finalement été battue en brèche par la Cour constitutionnelle.

    (19)

    Rapport technique SWD(2017) 701. Proposition faite par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe.

    (20)

         Après plusieurs ajournements, le Sénat a nommé, début septembre, deux membres du Conseil supérieur de la magistrature chargés de représenter la société civile.

    (21)

         Le Groupe d'États contre la corruption (GRECO), institué en 1999 par le Conseil de l'Europe, a pour mission de surveiller le respect des normes anticorruption de l'organisation.

    (22)

         Sur la base des orientations de la Commission de Venise et du GRECO.

    (23)

    Comme indiqué dans un rapport relatif aux progrès accomplis par la Roumanie dans le cadre du mécanisme de coopération et de vérification publié par le ministère de la justice en septembre 2017.

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