Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52016AE1578

    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des produits et services originaires de l’Union aux marchés publics des pays tiers» [COM(2016) 34 final — 2012/0060 (COD)]

    JO C 264 du 20.7.2016, p. 110–116 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    20.7.2016   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 264/110


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des produits et services originaires de l’Union aux marchés publics des pays tiers»

    [COM(2016) 34 final — 2012/0060 (COD)]

    (2016/C 264/15)

    Rapporteur:

    Mário SOARES

    Le 29 janvier 2016 et le 4 février 2016 respectivement, la Commission européenne et le Parlement européen ont décidé, conformément aux articles 207 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur la:

    «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des produits et services originaires de l’Union aux marchés publics des pays tiers»

    [COM(2016) 34 final — 2012/0060 (COD)].

    La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 avril 2016.

    Lors de sa 516e session plénière des 27 et 28 avril 2016 (séance du 27 avril 2016), le CESE a adopté le présent avis par 223 voix pour, 3 voix contre et 7 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    L’Union européenne a procédé à une intégration et à une libéralisation plus poussées des marchés publics européens lors de la révision de l’accord sur les marchés publics (AMP), au cours des négociations commerciales avec les pays tiers et dans le cadre des accords commerciaux récemment conclus par l’Union européenne. Ces réformes ont abouti à une plus grande ouverture des marchés publics européens aux entreprises des pays développés ou émergents, alors que ces pays n’ont pas répondu à cette ouverture par une offre équivalente et que les entreprises européennes sont toujours confrontées à des pratiques restrictives et discriminatoires dans les pays tiers. Cette ouverture est d’autant plus nécessaire que les marchés publics représentent environ 20 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et que, dans le contexte de crise actuel, les investissements publics dans les infrastructures et les marchés de travaux et de fournitures dans les économies développées et émergentes constituent un des leviers essentiels de la croissance économique pour les années à venir.

    1.2.

    Dans plusieurs de ses avis, le CESE s’est prononcé en faveur de l’objectif que s’est fixé l’Union européenne d’une plus grande ouverture des marchés publics de tous les pays à la concurrence internationale. Le Comité a également insisté sur la nécessité d’assurer la simplification des règles de passation des marchés publics, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME), mais aussi sur le respect des principes de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement. Il a en outre demandé, à plusieurs reprises, que les dimensions sociales et environnementales, ainsi que le respect des droits humains fondamentaux et la protection des consommateurs, soient dûment renforcées dans la conduite de la politique commerciale européenne, en conformité avec l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui appelle à plus de cohérence avec les principes et les objectifs de l’Union.

    1.3.

    Le Comité comprend la préoccupation de la Commission qui souhaite assurer une plus grande ouverture des marchés publics aux entreprises européennes dans les pays tiers et est conscient du levier que peut représenter la proposition de règlement modifiée concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l’Union, qui fait l’objet du présent avis.

    1.4.

    Le Comité estime que la proposition de règlement peut constituer un premier pas pour assurer une plus grande ouverture des marchés publics, notamment dans les négociations en cours dans le cadre du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) entre l’Union européenne et les États–Unis ainsi que dans le cadre des négociations d’un accord commercial avec le Japon ou dans celui des négociations d’adhésion de la Chine à l’accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ces pays ayant des marchés publics moins ouverts que ceux de l’Union européenne, mais également à l’égard de pays non signataires de l’AMP tels que l’Argentine, le Brésil ou la Russie.

    1.5.

    Cependant, le Comité est conscient des désaccords profonds qui existent au Parlement européen et au Conseil concernant tant la pertinence que l’efficacité de la proposition de règlement.

    1.6.

    Le Comité insiste sur l’absolue nécessité de garantir que la concurrence avec les entreprises des pays tiers dans le cadre de la passation de marchés publics soit libre et non faussée. Le CESE doute cependant que la proposition de règlement actuelle puisse atteindre l’objectif d’ouverture équilibrée des marchés publics dans les pays tiers. Le Comité considère notamment que la nouvelle proposition de règlement manque d’ambition du fait de son champ d’application limité à un simple ajustement de prix pour les contrats dont la valeur est supérieure ou égale à 5 millions d’EUR, et fait observer que seuls 7 % de tous les marchés publics ont une valeur supérieure à 5 millions d’EUR. De même, il estime que la pénalité pouvant atteindre 20 % du prix des offres n’est pas suffisante et doit être examinée au cas par cas. Le Comité suggère d’appliquer des mesures d’ajustement des prix pour les marchés dont la valeur estimée est égale ou supérieure à 2,5 millions d’EUR.

    1.7.

    Le Comité se demande également si l’interdiction faite aux États membres d’appliquer des mesures restrictives allant au-delà de celles fixées par le règlement n’équivaut pas à une libéralisation de facto et sans contrepartie des marchés publics en dessous du seuil de 5 millions d’EUR pour les entreprises des pays tiers. Le Comité plaide dès lors en faveur de la nécessité impérieuse d’une ouverture équilibrée et mutuellement réciproque des marchés publics entre l’Union européenne et les États tiers.

    1.8.

    Le Comité déplore que la proposition de règlement ne contienne aucune référence à l’objectif du développement durable, alors que la Commission a inscrit cet objectif comme un élément important de sa communication «Commerce pour tous» et qu’elle a annoncé à plusieurs reprises qu’elle tiendrait compte du développement durable dans tous les volets pertinents des accords de libre-échange (énergie, matières premières et marchés publics) (1).

    1.9.

    Le Comité regrette la suppression des articles 85 et 86 de la directive 2014/25/UE par le nouveau règlement, parce que ces dispositions sont ambitieuses et davantage en adéquation avec l’objectif de prise en compte du développement durable, car ils intègrent une dimension sociale relative aux difficultés des entreprises européennes à remporter des marchés publics dans les pays tiers du fait du non-respect des dispositions internationales en matière de droit du travail dans ces pays. Le Comité estime par ailleurs qu’il serait utile de se pencher davantage sur une possible intégration de certains de leurs éléments dans l’actuelle proposition de règlement.

    1.10.

    Le Comité est ainsi d’avis que le règlement doit développer une approche plus ambitieuse concernant la promotion des objectifs de développement durable, de respect des droits fondamentaux et de protection des consommateurs dans la procédure de passation de marchés publics dans les pays tiers. D’après le Comité, le non-respect de ces règles fondamentales peut avoir un impact négatif sur la compétitivité des entreprises européennes, et il considère que la définition de «mesure ou pratique restrictive» de l’article 2 de la proposition doit englober le non-respect de ces règles fondamentales. Le Comité estime également que le rapport que la Commission doit présenter le 31 décembre 2018 au plus tard, et au moins tous les trois ans (article 16 de la proposition), devrait porter non seulement sur l’accès des opérateurs économiques aux procédures de marchés publics dans les pays tiers, mais également sur le respect dans les procédures de passation de marchés dans les pays tiers des règles sociales et environnementales, ainsi que sur le respect des droits humains fondamentaux et sur la protection des consommateurs; les rapports de la Commission sur la mise en œuvre du règlement devra également dûment en tenir compte.

    1.11.

    Le CESE requiert que la proposition actuelle de règlement rappelle l’exigence selon laquelle les entreprises des pays tiers participant à des procédures de marchés publics dans l’Union européenne sont tenues par le respect des dispositions visant à promouvoir le respect du développement durable et le renforcement des dimensions sociales et environnementales ainsi que des droits humains fondamentaux, la protection des consommateurs et l’intégration ou la réintégration sociale et professionnelle des personnes handicapées, prévues dans les directives 2014/23/UE, 2014/24/UE et 2014/25/UE sur les marchés publics. Ce respect est essentiel pour une concurrence libre et non faussée sur le marché intérieur.

    1.12.

    Le Comité est tout à fait favorable à la non-application du règlement aux pays en développement les moins avancés et les plus vulnérables tels que définis par le règlement sur le système des préférences généralisées (2) (ci-après le «règlement SPG»), mais rappelle à la Commission que des mesures complémentaires doivent être prises pour promouvoir la participation des pays les moins avancés et les plus vulnérables aux marchés publics dans l’Union européenne.

    1.13.

    Le Comité approuve également la non-application du règlement aux PME européennes. Il souhaite cependant rappeler à la Commission que les PME ont besoin d’une aide particulière, tant pour accéder à des marchés «transfrontaliers» dans l’Union européenne que pour accéder à des marchés publics dans les pays tiers.

    2.   Contexte

    2.1.

    Le CESE a été saisi pour avis à la fois par la Commission européenne et par le Parlement européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des produits et services originaires de l’Union aux marchés publics des pays tiers.

    2.2.

    Les dépenses consacrées aux marchés publics sont généralement estimées à environ 20 % du PIB mondial. Dans le contexte de crise actuel, les investissements publics dans les infrastructures et les marchés de travaux et de fournitures dans les économies développées et émergentes constituent probablement un des leviers essentiels de la croissance économique au cours des prochaines années.

    2.3.

    L’Union européenne a progressivement assuré l’intégration de ses marchés publics et les a ouverts grâce à une plus grande libéralisation des marchés publics européens lors de la révision de l’AMP de l’OMC, qui est entré en vigueur en avril 2014, ainsi qu’au cours des négociations commerciales avec les pays tiers [en particulier dans le cadre des accords commerciaux récemment conclus par l’Union européenne (par exemple, les accords UE-Corée, UE-Amérique centrale, UE-Colombie/Pérou, UE-Moldavie, UE-Géorgie, UE-Ukraine)].

    2.4.

    Cependant, les entreprises européennes se heurtent toujours à des pratiques restrictives et discriminatoires dans les pays tiers. Ces pratiques sont dues à plusieurs facteurs:

    certains autres pays signataires de l’AMP (signé par 43 membres de l’OMC) n’ont pas pris des engagements aussi significatifs que l’Union européenne. Ainsi, l’Union européenne a ouvert 80 % de ses marchés publics, alors que les autres pays développés en ont ouvert seulement 20 %. L’Union ouvre ses marchés publics pour un montant de quelque 352 milliards d’EUR aux soumissionnaires originaires des pays parties à l’AMP, alors que les marchés publics au niveau mondial sont fermés à concurrence de plus de 50 % de leur valeur, ce qui conduit à ce que seulement 10 milliards d’EUR d’exportations en provenance de l’Union sont réalisées et que la perte en termes d’exportations est estimée à 12 milliards d’EUR,

    la Chine est toujours en train de négocier son adhésion à l’accord, même si elle s’est déjà engagée à veiller à l’intégrer lors de son adhésion à l’OMC en 2001. La Russie s’est également engagée à entamer des négociations pour adhérer à l’accord dans les quatre ans suivant son adhésion à l’OMC en 2012. L’intégration de la Russie dans l’AMP risque de prendre encore plus de temps que celle de la Chine;

    un certain nombre de grands acteurs, membres du G20 (Argentine, Brésil, Inde), ne souhaitent pas adhérer à l’AMP, et les négociations bilatérales avec ces pays ne risquent pas d’aboutir prochainement.

    2.5.

    Il faut aussi noter qu’un grand nombre de partenaires commerciaux de l’Union européenne maintiennent des préférences pour leurs producteurs ou produits nationaux ou des préférences en faveur des PME (par exemple, le «Buy American Act» aux États-Unis, la «Buy Chinese Policy» en Chine, des marges préférentielles imposées par la loi au Brésil, des préférences nationales au niveau régional en Australie), ce qui exclut de facto les entreprises de l’Union européenne d’une participation à ces marchés publics (3).

    2.6.

    S’agissant des marchés publics ouverts à la compétition dans les pays tiers, les entreprises européennes sont souvent empêchées de participer efficacement aux appels d’offres publics par des obstacles qui «dépassent les frontières» (tels que des règles de certification et de standardisation différentes, les procédures de licence, des procédures non transparentes ou discriminatoires, etc.) et qui sont encore plus complexes et posent davantage de problèmes du point de vue technique dans la mesure où leur identification, leur analyse et leur suppression sont plus longues et où les normes et pratiques les concernant sont restrictives. Cela a déjà été signalé dans un avis précédent du Comité.

    2.7.

    Dans ce contexte compliqué du fait de l’absence de levier pour obtenir une ouverture substantielle des marchés publics dans les pays tiers, l’Union européenne essaie depuis plusieurs années de concevoir un instrument prévoyant la possibilité d’introduire des restrictions en l’absence de réciprocité ou en cas de mesures restrictives et discriminatoires imposées aux entreprises européennes par les pays tiers.

    2.8.

    Il convient néanmoins de faire remarquer que l’Union européenne a disposé et dispose de la possibilité de restreindre l’accès aux marchés publics dans l’Union européenne pour les entreprises des pays qui n’accordent pas un traitement identique à celui que les entreprises de ces pays ont dans l’Union européenne s’agissant des marchés publics dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. Néanmoins, elle ne l’a jamais utilisée. En effet, la directive 2004/17/CE (révisée par la directive 2014/25/UE qui est entrée en vigueur le 18 avril 2016) prévoyait la possibilité de rejeter les offres contenant plus de 50 % de produits originaires d’un pays tiers avec lequel l’Union n’a pas conclu d’engagements internationaux (article 58) et la possibilité pour la Commission (article 59) de proposer au Conseil de décider de suspendre ou de restreindre, pendant une période, l’accès aux marchés publics dans l’Union européenne pour les entreprises des pays qui n’accordent pas un traitement identique à celui que les entreprises de ces pays ont dans l’Union européenne, ou pour les pays dans lesquels ces difficultés sont liées au non-respect des normes internationales liées au travail. Ces dispositions ont été reprises dans les articles 85 et 86 de la directive 2014/25/UE.

    2.9.

    De son côté, la directive générale sur les marchés publics 2004/18/CE (révisée par la directive 2014/24/UE) ne contient pas de dispositions similaires; de ce fait, des pratiques différentes existaient et existent dans les différents États membres quant aux soumissionnaires étrangers ou les offres contenant des produits et services originaires des pays tiers. Dans certains États membres, il y avait une égalité de traitement, dans d’autres, cela dépendait de l’existence ou non d’obligations internationales résultant de l’AMP de l’OMC ou de traités bilatéraux.

    2.10.

    Pour remédier à l’absence de dispositions dans la directive générale sur les marchés publics et au fait que certains pays tiers ne veulent pas ouvrir leurs marchés publics à la concurrence internationale mais profitent d’un accès relativement facile au marché européen, la Commission a fait, en 2012, une proposition de règlement pour introduire une certaine réciprocité dans l’accès aux marchés publics.

    2.11.

    La première proposition de la Commission de 2012 rappelait d’abord le principe général selon lequel, sur le marché intérieur de l’Union européenne, les produits et services étrangers bénéficiant d’engagements de l’Union européenne en matière d’accès au marché sont traités de la même manière que les produits et services originaires de l’Union européenne dans les procédures de passation de marchés; elle étendait en outre ce traitement aux produits et aux services originaires des pays les moins développés.

    Pour les produits et services ne bénéficiant pas d’engagements en matière d’accès au marché, la proposition se basait sur deux piliers:

    le pilier décentralisé (article 6), qui permettait à l’entité adjudicatrice de notifier à la Commission son intention de rejeter certaines offres dans lesquelles la valeur des produits et services non couverts par des engagements internationaux représentait plus de 50 % de la valeur totale des produits et services inclus dans l’offre. La Commission pouvait donner son approbation en cas d’existence d’un manque substantiel de réciprocité entre l’Union européenne et le pays dont les produits et services étaient originaires. Elle approuvait également l’exclusion lorsque les produits et services concernés tombaient sous le coup d’une réserve concernant l’accès au marché exprimée par l’Union européenne dans le cadre d’un accord international.

    Le mécanisme centralisé (articles 8 à 13), qui permettait à la Commission de commencer une investigation. Cette investigation pouvait être entamée par la Commission de sa propre initiative ou à la demande d’un État membre ou d’une partie intéressée pour vérifier l’existence de pratiques restrictives en matière de passation de marchés dans les pays tiers. La Commission pouvait se concerter avec le pays concerné en vue de résoudre ce problème et d’améliorer les conditions d’accès des entreprises de l’Union européenne au marché de ce pays ou, en cas d’échec, imposer des mesures restrictives à caractère temporaire. Ces mesures restrictives pouvaient, en principe, consister ou à exclure certaines offres composées à plus de 50 % de produits ou de services originaires du pays tiers en cause (fermeture du marché européen), ou à appliquer une pénalité financière obligatoire aux produits et aux services proposés originaires du pays tiers en cause. L’enquête de la Commission devait être conclue dans une période de neuf mois. Ce délai pouvait être prolongé de trois mois dans des cas justifiés.

    2.12.

    Le Parlement a adopté son rapport en 2014 (4) en exprimant une certaine opposition à la procédure décentralisée. D’après le Parlement, seule la Commission, et non les autorités locales, peut décider d’exclure une offre, parce que le commerce international est une compétence exclusive de l’Union européenne. Il a donc proposé une intégration de la procédure décentralisée dans la procédure centralisée. D’autres points de désaccord ont également été soulevés, tels que l’absence de réciprocité s’agissant du respect des règles sociales et environnementales et des normes de base de l’Organisation internationale du travail (OIT), la non-définition de l’absence de réciprocité substantielle. Le Parlement propose également une présomption de l’absence de réciprocité en cas de non-respect des dispositions internationales en matière de droit du travail. Le Parlement s’est aussi dit préoccupé du fait que le règlement ne défendait pas les règles environnementales et sociales européennes.

    2.13.

    De son côté, la première lecture au Conseil n’a pas abouti à une décision. Une quinzaine d’États membres n’approuvaient pas vraiment la proposition et ont constitué une minorité de blocage. Les plus importants parmi ceux-ci étaient l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni, ainsi que certains pays d’Europe orientale. Ils ont exprimé leur crainte qu’un tel instrument soit perçu comme protectionniste au niveau mondial. Les États soutenant la proposition, emmenés par la France, ont obtenu une discussion technique en 2014 et un espoir existait qu’il serait possible d’arriver à un consensus durant la présidence italienne (au deuxième semestre de 2014). Malheureusement cela n’a pas été le cas et la Commission a adopté une proposition révisée en janvier (5), avec l’espoir de débloquer la situation au Conseil.

    3.   Observations générales

    3.1.

    La Commission présente la nouvelle proposition comme visant à corriger certaines conséquences négatives de la précédente. Dans la nouvelle proposition, la Commission supprime la procédure décentralisée qui était critiquée car imposant une grande charge administrative et favorisant une certaine fragmentation du marché intérieur. Elle supprime aussi la possibilité de fermeture totale du marché européen, tout en conservant la possibilité d’imposer, après une enquête de la Commission, des pénalités financières de 20 % aux offres composées à plus de 50 % de produits et de services originaires des pays qui appliquent des pratiques restrictives ou discriminatoires. Cette mesure d’ajustement des prix s’applique uniquement aux marchés dont la valeur estimée est supérieure ou égale à 5 millions d’EUR, ce qui réduirait d’après la Commission le risque de rétorsion des pays tiers. La proposition prévoit également que la mesure d’ajustement des prix ne serait applicable ni aux PME européennes ni aux soumissionnaires ou aux produits originaires de pays en développement les moins avancés et les plus vulnérables tels que définis par le règlement SPG.

    3.2.

    À différentes occasions, le CESE s’est prononcé en faveur de l’objectif de l’Union européenne d’une plus grande ouverture des marchés publics de tous les pays à la concurrence internationale, mais le Comité a également souligné la nécessité de faire prévaloir les principes de simplification des règles en matière de passation des marchés publics, de transparence, de non-discrimination, d’égalité de traitement, de responsabilité sociale et environnementale, ainsi que le respect des droits fondamentaux (6).

    3.3.

    Le Comité comprend la préoccupation de la Commission qui souhaite assurer une plus grande ouverture des marchés publics aux entreprises européennes dans les pays tiers. Le Comité partage également l’avis selon lequel la proposition d’un tel règlement peut être un premier pas dans les négociations sur les marchés publics dans le cadre du PTCI entre l’Union européenne et les États-Unis ainsi que dans le cadre des négociations commerciales avec le Japon et dans celui des négociations d’adhésion de la Chine à l’AMP, ces pays ayant des marchés publics moins ouverts que ceux de l’Union européenne, mais également à l’égard de pays non signataires de l’AMP tels que l’Argentine, le Brésil ou la Russie.

    3.4.

    Le CESE doute cependant qu’une fois le règlement adopté, il puisse permettre d’atteindre l’objectif d’ouverture des marchés publics dans les pays tiers. Le Comité considère que la nouvelle proposition de règlement manque d’ambition du fait de son champ d’application réduit; son incidence sur l’ouverture de marchés publics dans les pays tiers est très incertaine et risque également d’être très limitée.

    3.5.

    D’après la Commission elle-même, seuls 7 % de tous les marchés publiés ont une valeur supérieure à 5 millions d’EUR. Ces marchés représentent toutefois 61 % des marchés publics de l’Union européenne en valeur. Cependant, vu que le règlement s’appliquera uniquement aux marchés non couverts par des engagements internationaux de l’Union européenne, il faudrait se demander quelle est la proportion de marchés publics qui sera couverte, surtout après une éventuelle adhésion de la Chine à l’AMP et une éventuelle finalisation des négociations avec les États-Unis et le Japon. Le risque que l’application soit réduite à un très petit nombre de marchés et à un très petit nombre de pays risque de fortement réduire l’intérêt du règlement. Le Comité suggère d’appliquer des mesures d’ajustement des prix pour les marchés dont la valeur estimée est égale ou supérieure à 2,5 millions d’EUR.

    3.6.

    Il est aussi regrettable qu’il n’y ait, dans la proposition de règlement, aucune référence au développement durable que la Commission met pourtant en évidence dans sa communication «Commerce pour tous» lorsqu’elle dit qu’elle «prendra en compte les considérations relatives au développement durable dans tous les domaines pertinents des accords de libre échange (par exemple, l’énergie et les matières premières, ou les marchés publics)» (7). Il est nécessaire que les dimensions sociales et environnementales, ainsi que le respect des droits humains fondamentaux et la protection des consommateurs, soient dûment renforcées dans la conduite de la politique commerciale européenne, en conformité avec l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui appelle à plus de cohérence avec les principes et les objectifs de l’Union.

    3.7.

    Les nouvelles directives 2014/23/UE, 2014/24/UE et 2014/25/UE sur les marchés publics et les concessions visent à promouvoir le respect du développement durable et le renforcement des dimensions sociales et environnementales ainsi que des droits humains fondamentaux, la protection des consommateurs et l’intégration ou la réintégration sociale et professionnelle des personnes handicapées. Ce respect est essentiel pour une concurrence libre et non faussée sur le marché intérieur. Le CESE estime qu’il sera utile que la proposition actuelle de règlement rappelle que les entreprises des pays tiers participant à des procédures de marchés publics dans l’Union européenne sont tenues par le respect de ces dispositions.

    3.8

    La Commission parle en effet des mesures ou pratiques restrictives, mais elle ne fait aucune référence à la difficulté de remporter des marchés publics dans les pays tiers en raison du non-respect par les entreprises concurrentes des règles sociales et environnementales, ainsi que du non-respect des droits humains fondamentaux et de la protection des consommateurs. D’après le Comité, le non-respect de ces règles fondamentales peut avoir un impact négatif sur la compétitivité des entreprises européennes et il considère que la définition de «mesure ou pratique restrictive» de l’article 2 de la proposition doit englober le non-respect de ces règles fondamentales. Le Comité estime également que le rapport que la Commission doit présenter le 31 décembre 2018 au plus tard, et au moins tous les trois ans (article 16 de la proposition), devrait porter non seulement sur l’accès des opérateurs économiques aux procédures de marchés publics dans les pays tiers, mais également sur le respect, dans les procédures de passation de marchés dans les pays tiers, des règles sociales et environnementales, ainsi que sur le respect des droits humains fondamentaux et sur la protection des consommateurs; les rapports de la Commission sur la mise en œuvre du règlement devront également dûment en tenir compte.

    3.9

    On peut douter du succès de ce nouveau règlement si on regarde la division enregistrée au sein du Conseil et qui est à l’origine de son blocage. En effet, l’élimination du pilier décentralisé pourrait conduire à un nouveau blocage vu, surtout, l’ensemble des autres changements.

    4.   Observations particulières

    4.1.

    Le Comité approuve la clarification apportée par l’article 1er, paragraphe 5, de la proposition de règlement, précisant que les États membres ne peuvent pas appliquer aux opérateurs économiques, aux produits et aux services des pays tiers des mesures restrictives allant au-delà de celles fixées par le règlement. Cela a pour avantage d’apporter plus d’uniformité dans l’application aux opérateurs étrangers des règles européennes en matière de marchés publics. Le Comité se demande cependant si cette interdiction n’équivaut pas à une libéralisation de facto et sans contrepartie des marchés publics européens pour les entreprises des pays tiers en dessous du seuil de 5 millions d’EUR. En effet, actuellement, certains États membres appliquent des restrictions concernant les marchés publics non couverts par des obligations internationales et l’article 85 de la directive 2014/25/UE relative à la passation des marchés publics dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et des services postaux prévoit expressément la possibilité de rejeter les offres qui comportent plus de 50 % de produits originaires des pays avec lesquels l’Union européenne n’a pas conclu d’engagements internationaux. Cet article sera supprimé par le règlement proposé.

    4.2.

    Le Comité approuve entièrement la non-application du règlement aux pays en développement les moins avancés et les plus vulnérables tels que définis par le règlement SPG (article 4) et, pour que cette exclusion soit effective et puisse bénéficier aux pays les moins avancés et à leurs entreprises, il appelle la Commission à inclure des explications concernant les marchés publics dans l’Union européenne ainsi qu’un lien vers les publications au Journal officiel (TED) dans l’Export Helpdesk destiné aux pays en voie de développement, et à assurer l’assistance technique nécessaire aux entreprises des pays en voie de développement qui souhaitent obtenir des informations sur le fonctionnement des règles relatives aux marchés publics dans l’Union européenne.

    4.3.

    Le Comité approuve également la non-application du règlement aux PME européennes (article 5). Il souhaite cependant rappeler à la Commission que les PME ont besoin d’une aide particulière, tant pour accéder à des marchés «transfrontaliers» dans l’Union européenne que pour accéder à des marchés publics dans les pays tiers. Cette approche est compatible avec l’attention particulière qui est accordée aux PME dans la communication de la Commission «Commerce pour tous». Un objectif d’amélioration de l’accès des PME aux marchés publics doit être stipulé dans le cadre du chapitre «PME» du PTCI notamment, ainsi que dans les futurs accords commerciaux comportant de tels chapitres. Le CESE s’est déjà prononcé contre l’établissement des quotas pour les PME dans les marchés publics, sur le modèle du Small Business Act aux États-Unis, mais plaide pour une politique volontariste d’accompagnement de la participation des PME afin de leur permettre d’accéder à un plus grand nombre de marchés publics (8). Le Comité a aussi déjà indiqué la nécessité d’améliorer la base de données sur l’accès aux marchés de la Commission (Market access Data base) afin, d’une part, qu’elle contienne des informations fiables et accessibles sur les appels d’offres, les formalités et les spécificités techniques du cahier des charges qui empêchent de fait une participation dans les pays tiers et, d’autre part, fournisse des bases statistiques et des indicateurs d’impact des phénomènes de distorsion (9).

    4.4.

    Le Comité comprend la préoccupation de la Commission concernant l’absence d’un instrument juridique lui permettant d’assurer un accès effectif des entreprises européennes aux marchés publics des pays tiers, car le règlement (UE) no 654/2014 concernant l’exercice des droits de l’Union pour l’application et le respect des règles du commerce international ne s’applique pas en l’absence d’un accord international. Cependant, la procédure d’enquête prévue aux articles 6 à 8 du règlement semble particulièrement lente et dépourvue d’efficacité. D’abord, le Comité exprime ses doutes quant au large pouvoir d’appréciation laissé à la Commission de décider de l’opportunité de mener ou non une enquête. Ensuite, en ce qui concerne la durée de l’enquête; contrairement à ce qu’affirme la Commission, elle n’a pas été réduite dans la nouvelle proposition et reste d’une durée totale possible de douze mois. Cela semble particulièrement long étant donné que dans un grand nombre de cas, et surtout dans les cas où la Commission engagera l’enquête de sa propre initiative, elle dispose déjà d’un certain nombre d’éléments et a souvent déjà abordé le sujet dans l’espace de dialogue existant avec les pays tiers. Le Comité comprend également le fait que l’enquête soit suspendue durant d’éventuelles négociations commerciales. Cependant, étant donné la durée des négociations commerciales et de leur mise en œuvre, il trouve souhaitable de définir un délai de suspension, qui ne doit pas excéder deux ans.

    4.5.

    Le Comité considère que le fait que l’enquête puisse aboutir uniquement à un ajustement du prix de 20 % pour les contrats de plus de 5 millions d’EUR, disposition assortie d’un grand nombre d’exceptions, n’est pas suffisant et prive le règlement de son efficacité.

    4.6.

    Le Comité regrette la suppression des articles 85 et 86 de la directive 2014/25/UE par le nouveau règlement, parce que ces dispositions sont ambitieuses et davantage en adéquation avec l’objectif de prise en compte du développement durable, car elles intègrent une dimension sociale et environnementale. Le Comité estime par ailleurs qu’il serait utile de se pencher davantage sur une possible intégration de certains de leurs éléments dans l’actuelle proposition de règlement.

    Bruxelles, le 27 avril 2016.

    Le président du Comité économique et social européen

    Georges DASSIS


    (1)  Voir COM(2015) 497 final.

    (2)  Règlement (UE) no 978/2012 du Parlement européen et du Conseil.

    (3)  Avis du Comité économique et social européen sur «Les entreprises publiques des pays tiers dans les marchés publics de l’Union européenne» (JO C 218 du 23.7.2011, p. 31).

    (4)  P7_TA (2014)0027.

    (5)  COM(2016) 34 final.

    (6)  Avis du Comité économique et social européen sur les «Marchés publics internationaux», adopté le 28 mai 2008, rapporteur M. Malosse (JO C 224 du 30.8.2008, p. 32), et avis du Comité économique et social européen sur «Les entreprises publiques des pays tiers dans les marchés publics de l’Union européenne» (JO C 218 du 23.7.2011, p. 31).

    (7)  Voir note 1.

    (8)  Avis du Comité économique et social européen sur «Les marchés publics internationaux», adopté le 28 mai 2008, rapporteur M. Malosse (JO C 224 du 30.8.2008, p. 32).

    (9)  Voir note 3.


    Top