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Document 52013XC0613(04)

    Communication de la commission relative à la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE

    JO C 167 du 13.6.2013, p. 19–21 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    13.6.2013   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 167/19


    Communication de la commission relative à la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

    (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    2013/C 167/07

    1.   INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE: LA DIFFICULTÉ DE LA QUANTIFICATION DU PRÉJUDICE SUBI

    1.

    Les infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne («TFUE») (ci-après les «règles de concurrence de l'UE») causent un préjudice important à l'économie dans son ensemble et entravent le bon fonctionnement du marché intérieur. Pour prévenir ce préjudice, la Commission a le pouvoir d'infliger des amendes aux entreprises et associations d'entreprises qui enfreignent les règles de concurrence de l'UE (1). Ces amendes ont un objectif dissuasif: elles visent à sanctionner les entreprises en cause (effet dissuasif spécifique) et à dissuader d'autres entreprises d'adopter des comportements contraires aux articles 101 et 102 du TFUE ou de persister dans de tels comportements (effet dissuasif général) (2).

    2.

    Les infractions à l'article 101 ou 102 du TFUE causent également un préjudice important aux consommateurs et aux entreprises. Toute personne ayant subi un préjudice du fait d'une infraction aux règles de concurrence de l'UE jouit d'un droit à réparation, que lui confère le droit de l'UE, comme la Cour de justice l'a souligné avec constance (3). Si la dissuasion constitue la finalité des amendes, la raison d'être des demandes de dommages et intérêts est quant à elle la réparation du préjudice subi du fait d'une infraction. Des voies de recours plus effectives permettant aux consommateurs et aux entreprises d'obtenir des dommages et intérêts produiraient aussi, intrinsèquement, des effets bénéfiques en matière de dissuasion des infractions futures et d'amélioration du respect des règles (4).

    3.

    Une difficulté majeure rencontrée par les cours, les tribunaux et les parties dans les actions en dommages et intérêts est la quantification du préjudice subi. Cette quantification repose sur une comparaison entre la situation réelle des demandeurs et celle dans laquelle ils se trouveraient si l'infraction n'avait pas été commise. Une telle appréciation hypothétique de la manière dont les conditions de marché et les interactions entre les acteurs du marché auraient évolué en l'absence d'infraction soulève souvent des questions économiques et liées au droit de la concurrence complexes et spécifiques. Les tribunaux et les parties doivent de plus en plus souvent affronter ces problèmes et s'intéresser aux méthodes et techniques disponibles pour les résoudre.

    2.   INTERACTION ENTRE LES RÈGLES ET PRINCIPES DU DROIT DE L'UE ET CEUX DU DROIT NATIONAL

    2.1.   Acquis de l'UE

    4.

    Les articles 101 et 102 du TFUE constituent des dispositions d’ordre public (5) et sont indispensables au fonctionnement du marché intérieur, qui comprend un système visant à garantir que la concurrence n'est pas faussée (6). Ces dispositions du traité engendrent des droits et des obligations dans le chef des justiciables, qu'il s'agisse d'entreprises ou de consommateurs. Ces droits entrent dans leur patrimoine juridique (7) et sont protégés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (8). Dans toute procédure engagée devant elles, les juridictions nationales sont tenues, en vertu du droit de l'UE, de faire respecter ces droits et obligations intégralement et effectivement.

    5.

    Parmi les droits garantis par le droit de l'UE figure celui de demander réparation d'un préjudice subi du fait d'une infraction à l'article 101 ou 102 du TFUE: la pleine efficacité des règles de concurrence de l'UE serait menacée si les parties lésées ne pouvaient demander des dommages et intérêts pour les pertes que leur causent les infractions à ces règles. Toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une entente ou une pratique interdite par les règles de concurrence de l'UE (9).

    6.

    La réparation du préjudice subi consiste à placer les parties lésées dans la situation où elles se seraient trouvées si l'infraction à l'article 101 ou 102 du TFUE n'avait pas été commise. Les parties lésées par une violation de règles de l'UE d'effet direct devraient donc voir l'intégralité de leurs pertes réelles indemnisée: le droit à réparation intégrale porte ainsi sur la perte subie (damnum emergens) et le manque à gagner (lucrum cessans) imputables à l'infraction (10), mais inclut aussi le paiement d'un intérêt courant à compter du moment où le dommage est survenu (11).

    7.

    Dans la mesure où il n'existe aucune réglementation de l'UE concernant les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du TFUE, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de définir les règles précises qui régissent l'exercice du droit à réparation garanti par le droit de l'UE. Ces règles ne doivent cependant pas rendre excessivement difficile ou pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par le droit de l'UE (principe d'effectivité). Elles ne doivent pas non plus être moins favorables que celles régissant les actions en réparation engagées pour violation de droits similaires conférés par l'ordre juridique interne (principe de l'équivalence) (12).

    2.2.   Le droit national et son interaction avec les principes du droit de l'UE

    8.

    En ce qui concerne la quantification du préjudice, dans la mesure où cet exercice n'est pas régi par le droit de l'UE, les règles de droit des États membres fixent le standard de preuve approprié et le degré de précision requis pour faire apparaître le montant du préjudice subi. Les règles nationales répartiront aussi la charge de la preuve et des responsabilités respectives des parties concernant les éléments de fait à soumettre au juge. Elles peuvent prévoir le renversement de la charge de la preuve dès lors que le demandeur a présenté un certain nombre d'éléments, ainsi que des règles de calcul simplifiées et des présomptions de nature réfragable ou irréfutable. Elles déterminent également la mesure dans laquelle les cours et tribunaux sont habilités à quantifier le préjudice subi sur la base des meilleures estimations approximatives ou à faire usage de considérations d'équité, ainsi que la manière de le faire. Toutes ces règles et procédures nationales régissant la quantification du préjudice devraient être précisées et appliquées dans chaque cas d'une manière qui permette aux parties lésées par des infractions aux règles de concurrence de l'UE d'obtenir la réparation intégrale du préjudice subi sans se heurter à des difficultés disproportionnées; elles ne sauraient en aucun cas être moins efficaces que lors d'actions similaires intentées sur la base du droit national.

    9.

    Il découle du principe d'effectivité que les règles de droit nationales applicables et leur interprétation devraient tenir compte des difficultés et des limites inhérentes à la quantification du préjudice dans les affaires de concurrence. La quantification de ce préjudice nécessite une comparaison entre la situation réelle de la partie lésée et celle dans laquelle elle aurait été en l'absence de l'infraction. Cette situation n'est pas observable dans la réalité; il est impossible de savoir avec certitude comment les conditions de marché et les interactions entre les acteurs du marché auraient évolué si l'infraction n'avait pas été commise. Il est uniquement possible d'estimer un scénario probable. La quantification du préjudice dans les affaires de concurrence est toujours soumise, par sa nature même, à des limites considérables en ce qui concerne le degré de certitude et de précision que l'on peut escompter. Parfois, seules des estimations approximatives sont possibles (13).

    3.   ORIENTATIONS CONCERNANT LA QUANTIFICATION DU PRÉJUDICE

    10.

    Dans ce contexte, les services de la Commission ont élaboré un guide pratique concernant la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du TFUE (le «guide pratique»).

    11.

    Ce guide pratique a pour objet d'offrir une aide aux juridictions nationales et aux parties engagées dans des actions en dommages et intérêts en diffusant plus largement les informations relatives à la quantification du préjudice causé par des infractions aux règles de concurrence de l'UE. Il fournit donc un aperçu des diverses formes de préjudice généralement causées par les pratiques anticoncurrentielles et, en particulier, contient des informations sur les méthodes et techniques utilisables pour quantifier ces préjudices. Une diffusion plus large de ces informations renforcera l'efficacité des actions en dommages et intérêts. Elle devrait également rendre ces actions plus prévisibles, ce qui accroîtra la sécurité juridique pour toutes les parties concernées. Le guide pratique peut également aider des parties à trouver un moyen consensuel de résoudre leurs litiges, que ce soit ou non dans le contexte de procédures judiciaires ou de modes alternatifs de résolution des conflits.

    12.

    Le guide pratique a un caractère purement informatif et ne lie nullement les juridictions nationales ou les parties. Il n'a donc aucune incidence sur les règles de droit des États membres régissant les actions en dommages et intérêts et ne porte nullement préjudice aux droits et obligations conférés par le droit de l'UE aux États membres ou aux personnes morales ou physiques.

    13.

    En particulier, le guide pratique ne doit pas être considéré comme visant à accroître ou à réduire le standard de preuve ou le niveau de détail exigés par l'ordre juridique interne des États membres en ce qui concerne la présentation des éléments de fait par les parties, ni comme ayant une incidence sur les règles et pratiques applicables dans les États membres en matière de charge de la preuve. Les juridictions nationales ont souvent adopté, au sein de leur système juridique, des approches pragmatiques pour déterminer le montant des dommages et intérêts à octroyer, notamment le recours aux présomptions, le renversement de la charge de la preuve ou la possibilité pour les tribunaux de réaliser des appréciations sur la base des meilleures estimations approximatives. Le guide pratique est destiné à fournir des informations utilisables dans le cadre des règles et pratiques juridiques nationales, non à leur place. Suivant les règles juridiques applicables et les spécificités de chaque cas, il peut donc tout à fait être suffisant pour les parties de fournir des éléments de fait et de preuve sur le quantum des dommages et intérêts qui sont moins précis que ceux nécessités par certaines des méthodes et techniques mentionnées dans le guide pratique.

    14.

    Le guide pratique présente les caractéristiques, notamment les avantages et les faiblesses, des diverses méthodes et techniques utilisables pour quantifier un préjudice causé par une infraction aux règles concernant les ententes ou les abus de position dominante. C'est le droit applicable qui déterminera la méthode de quantification qui convient dans les circonstances particulières d'une affaire donnée. Outre les règles applicables au standard de preuve et à la charge de la preuve, figurent parmi les éléments à prendre en considération la disponibilité des données, les ressources mobilisées en termes de coûts et de temps et leur proportionnalité par rapport à la valeur de la demande de dommages et intérêts.

    15.

    En outre, le guide pratique expose et analyse une série d'exemples concrets qui illustrent les effets caractéristiques que les infractions aux règles de concurrence de l'UE ont généralement et la manière dont les méthodes et techniques de quantification du préjudice susmentionnées peuvent être mises en pratique.

    16.

    Les éléments de nature économique concernant le préjudice causé par les infractions aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante et les méthodes et techniques de quantification de ce préjudice peuvent évoluer avec le temps, en fonction du développement des recherches théoriques et empiriques et de la pratique judiciaire dans ce domaine. Le guide pratique ne saurait donc être considéré comme donnant une image complète ou figée de l'ensemble des informations, méthodes et techniques disponibles.


    (1)  Voir l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO L 1 du 4.1.2003, p. 1). Le 1er décembre 2009, les articles 81 et 82 du traité CE sont devenus respectivement les articles 101 et 102 du TFUE. Dans les deux cas, les dispositions sont, en substance, identiques.

    (2)  Lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 (JO C 210 du 1.9.2006, p. 2), point 4.

    (3)  Arrêt du 20 septembre 2001 dans l'affaire C-453/99, Courage et Crehan (Recueil 2001, p. I-6297), arrêt du 13 juillet 2006 dans les affaires jointes C-295 à 298/04, Manfredi (Recueil 2006, p. I-6619), arrêt du 4 juin 2011 dans l'affaire C-360/09, Pfleiderer (Recueil 2011, p. I-5161) et arrêt du 6 novembre 2012 dans l'affaire C-199/11, Europese Gemeenschap/Otis NV et autres (non encore publié au Recueil).

    (4)  Arrêt du 20 septembre 2001 dans l'affaire C-453/99, Courage et Crehan (Recueil 2001, p. I-6297, point 27), et arrêt du 13 juillet 2006 dans les affaires jointes C-295 à 298/04, Manfredi (Recueil 2006, p. I-6619, point 91).

    (5)  Arrêt du 13 juillet 2006 dans les affaires jointes C-295 à 298/04, Manfredi (Recueil 2006, p. I-6619, point 31).

    (6)  Protocole (no 27) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sur le marché intérieur et la concurrence.

    (7)  Arrêt du 20 septembre 2001 dans l'affaire C-453/99, Courage et Crehan (Recueil 2001, p. I-6297, points 19 et 23); et arrêt du 13 juillet 2006 dans les affaires jointes C-295 à 298/04, Manfredi (Recueil 2006, p. I-6619, point 39).

    (8)  Voir l'article 17 de la charte en ce qui concerne la protection des biens des personnes; le droit à un recours effectif en cas de violation de droits garantis par le droit de l'Union est consacré à l'article 47 de la charte.

    (9)  Arrêt du 14 juin 2011 dans l'affaire C-360/09, Pfleiderer (Recueil 2011, p. I-5161, point 28); et arrêt du 6 novembre 2012 dans l'affaire C-199/11, Europese Gemeenschap/Otis NV et autres (non encore publié au Recueil, point 43).

    (10)  Arrêt du 13 juillet 2006 dans les affaires jointes C-295 à 298/04, Manfredi (Recueil 2006, p. I-6619, points 95 et 96); et arrêt du 5 mars 1996 dans les affaires jointes C-46/93 et C-48/93, Brasserie du Pêcheur et Factortame (Recueil 1996, p. I-1029, point 87).

    (11)  Arrêt du 13 juillet 2006 dans les affaires jointes C-295 à 298/04, Manfredi (Recueil 2006, p. I-6619, point 97), renvoyant à l'arrêt du 2 août 1993 dans l'affaire C-271/91, Marshall (Recueil 1993, p. I-4367, point 31).

    (12)  Arrêt du 20 septembre 2001 dans l'affaire C-453/99, Courage et Crehan (Recueil 2001, p. I-6297, point 29); et arrêt du 13 juillet 2006 dans les affaires jointes C-295 à 298/04, Manfredi (Recueil 2006, p. I-6619, point 62).

    (13)  Les limites de telles évaluations d'une situation hypothétique ont été reconnues par la Cour de justice dans le contexte de la quantification du manque à gagner dans une action en dommages et intérêts intentée contre la Communauté européenne; voir l'arrêt du 27 janvier 2000 dans les affaires jointes C-104/89 et C-37/90, Mulder e.a./Conseil (Recueil 2000, p. I-203, point 79).


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