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Document 52012AE2417

Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions sur le thème “Une vie décente pour tous: éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable” » COM(2013) 92 final

JO C 271 du 19.9.2013, p. 144–150 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

19.9.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 271/144


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions sur le thème “Une vie décente pour tous: éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable”»

COM(2013) 92 final

2013/C 271/28

Rapporteure: Mme PICHENOT

Le 18 mars 2013, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Une vie décente pour tous: éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable»

COM(2013) 92 final.

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 25 avril 2013.

Lors de sa 490e session plénière des 22 et 23 mai 2013 (séance du 23 mai 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 103 voix pour, aucune voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Faire converger dans le cadre post-2015 deux processus parallèles OMD/ODD

1.1.1

Pour la première fois de son histoire, l'humanité dispose de connaissances, de ressources et de techniques pour éradiquer la pauvreté, au niveau mondial à l'horizon 2030. C'est un immense espoir pour plus d'un milliard d'êtres humains encore victimes de l'extrême pauvreté. Pour la première fois aussi, les États seront redevables à l'horizon 2050 de mieux gérer le capital naturel de la planète reconnu comme une ressource limitée, à protéger et à partager avec les générations futures.

1.1.2

Le cœur de la négociation qui commencera en septembre 2013 à l'ONU consiste à parvenir à une définition universelle des Objectifs du Développement durable (ODD) pour concilier dans le long terme, lutte contre la pauvreté, production et consommation durables et préservation des ressources naturelles. Ce processus doit être inclusif et convergent pour intégrer la révision prévue en 2015 des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Acteurs de la société civile, institutions internationales et États membres au sein de l'ONU se mobilisent dès maintenant pour préparer et accompagner cette négociation internationale. Dès la conférence de Rio+20 (1), le CESE s'est inscrit dans ce débat pour contribuer à définir le rôle de la société civile face à ces défis. Il poursuivra la démarche jusqu'en 2015 à travers d'autres avis (2) et initiatives.

1.1.3

Le Comité partage l'orientation de la Commission d'engager le débat européen sur la nécessité de rechercher une convergence des processus OMD/ODD et une responsabilisation des États par une communication intitulée «Vie décente pour tous: éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable». Cependant s'il est possible de reconnaître que les Objectifs du Millénaire ont apporté un acquis sur des objectifs sociaux, il est encore prématuré de préciser des objectifs environnementaux et tout autant de cerner des objectifs économiques acceptables par tous les pays de la planète. Pour le Comité, il convient de mieux comprendre comment ces trois dimensions du développement durable interagissent afin de trouver des solutions équitables, sobres et efficaces.

1.2   Recommandations pour un processus convergent et inclusif

1.2.1

Au stade de l'élaboration d'une position commune européenne pour l'AG de l'ONU, le Comité considère que la communication de la Commission européenne constitue un jalon important pour nourrir le débat dans les institutions et au sein des États membres. Le Comité accueille avec satisfaction le travail conjoint des DG Environnement et DEVCO (3), témoignage d'une mise en cohérence qui englobe aussi l'apport du Service européen d'action extérieure en matière de sécurité dans la préparation de cette communication qui aurait toutefois, gagné à mieux intégrer la politique commerciale et agricole à cette démarche. Le Comité se félicite particulièrement du travail concerté au sein du Conseil européen, et encourage ce dernier à produire un document unique de conclusions lors du Conseil des Affaires étrangères de mai/juin 2013.

1.2.2

Le Comité relève que ce choix d'un cadre unique et global dont les objectifs doivent s'appliquer dans chaque pays mérite, un large consensus interne pour être présenté auprès des autres pays partenaires au sein de la communauté internationale et convaincre d'un traitement d'égal à égal en particulier avec les pays les plus pauvres, et la centaine de pays à revenu intermédiaire dont les pays émergents qui ont désormais un rôle prépondérant dans les négociations internationales. C'est en raison de la complexité de la négociation que le Comité considère la position européenne comme un jalon dans ce processus diplomatique qui va au-delà de l'ancienne distinction entre pays développés et pays en développement.

1.2.3

Le Comité plaide pour que l'UE fasse entendre sa voix dans les enceintes internationales sur la base de ce cadre de convergence des OMD/ODD y compris via le relais des États membres à l'ONU. Chaque pays devra élaborer avec la participation de la société civile une stratégie nationale inclusive de développement qui tiendra compte de son niveau de départ et participera ainsi à atteindre les objectifs communs de développement durable. Pour le Comité ce choix impliquera des procédures d'évaluation et de suivi des engagements nationaux consignés dans un registre mondial, assorti d'une amélioration nécessaire des indicateurs statistiques complémentaires au PIB.

1.2.4

L'Union européenne a des valeurs, sa pratique du consensus et des atouts qui devraient lui permettre, si la volonté politique est présente de s'engager résolument dans la transition vers le développement durable, et ainsi d'entraîner avec elle ses partenaires internationaux. L'Union européenne reste une référence comme le détaille les engagements concrets de l'annexe très importante de cette communication dans les domaines de politiques environnementales, du respect des droits de l'homme, de transferts internes en faveur de la cohésion territoriale ou de redistribution en matière de protection sociale. L'annexe amorce un cadre pour le suivi des engagements de Rio+20 au niveau européen et international.

1.2.5

Conçus comme des Objectifs universels, les ODD devront être déclinés par des politiques européennes et programmes nationaux de réforme des États membres. Le Comité recommande d'inscrire cette optique dans la préparation de la révision à mi-parcours de la stratégie UE2020 en conformité avec le suivi des engagements de Rio+20. L'écologisation du Semestre européen est attendue pour un nouvel élan (4). Pour le Comité cela implique une fusion de la Stratégie UE2020 et de la Stratégie de développement durable ainsi que la prise en compte d'une Union sociale  (5) étroitement liée à l'Union économique et monétaire européenne.

1.2.6

Un trait distinctif des nouveaux ODD est qu'ils sont conçus pour être universels, pour s'appliquer à tous les pays et tenir compte des limites de notre planète. Étant donné le caractère intrinsèquement limité des terres arables, de l'eau douce, des forêts et de nombreuses autres ressources naturelles du globe, il convient que les ODD comprennent des objectifs visant une utilisation plus efficace et un partage plus équitable de ces ressources. De même, les ODD doivent établir des objectifs définis sur une base équitable pour réduire le poids des émissions de gaz à effet de serre et des autres formes de pollution. Ces objectifs doivent être chiffrés et fixer des échéances pour atteindre l'objectif global convenu de longue date, de passer à des modèles de production et de consommation plus durables. À défaut de cette transition vers une économie plus durable au niveau mondial, il pourrait s'avérer impossible pour les pays en développement d'atteindre des objectifs du type des OMD, puisqu'à l'heure actuelle les problèmes d'épuisement des ressources, de changement climatique et d'autres formes de pollution qui sont croissants à l'échelle mondiale les empêchent déjà fréquemment d'obtenir des améliorations sur certains objectifs de développement traditionnels.

1.2.7

Les pays développés et les pays émergents sont responsables de la plus grande partie des problèmes croissants de surconsommation, de gaspillage et d'épuisement des ressources naturelles, ainsi que de pollution. Les ODD, qui se réfèrent à des modèles plus durables de consommation et de production, seront dès lors particulièrement pertinents pour eux et devraient comprendre des objectifs exigeants et ambitieux visant des améliorations au cours des quinze prochaines années. L'Union européenne, qui a toujours été active dans ce domaine, devrait servir de figure de proue pour définir, dans le cadre des ODD, des objectifs adaptés aux pays développés.

1.3   Recommandations pour un processus participatif ouvert aux sociétés civiles

1.3.1

Le Comité rappelle qu'à travers tous les avis cités se forment un noyau dur de recommandations portant sur le rôle de la société civile dans la bonne gouvernance, le soutien à une transition vers un nouveau modèle économique, la protection aux plus pauvres et aux plus vulnérables, l'accompagnement des mutations pour les travailleurs ainsi que la prise en compte de la lutte contre le réchauffement climatique et des limites des ressources de la Planète. En outre, le Comité considère qu'une société civile autonome et forte, et un système juridique garant de son indépendance forment ensemble, le socle fondamental de la démocratisation, d'un État de droit et contribue à la stabilité nécessaire à l'investissement et à la croissance durable (6).

1.3.2

Le Comité invite la Commission mais aussi les États membres à associer la société civile tout au long du processus d'élaboration puis de mise en œuvre et de suivi, notamment sur les ODD où cette participation est encore insuffisante. En 2013 et 2014 des débats nationaux y compris au sein des conseils économiques sociaux et environnementaux et/ou des conseils de développement durable incluant toutes les composantes de la société civile et aussi des débats organisés avec la société civile européenne et celle des pays partenaires devraient y contribuer. Ces travaux s'inscriront dans la préparation de l'Année européenne 2015 pour la coopération et le développement durable pour construire une vision partagée d'un monde futur et redonner aux citoyens du sens à l'action extérieure européenne (7). Concernant cette Année européenne pour le développement le Comité invite la Commission européenne à mobiliser des ressources suffisantes, à garantir un engagement actif de la société civile, à appuyer en priorité des initiatives existantes et portées par les partenaires de cette année européenne, et enfin à encourager des débats de fond sur les thèmes portés par le présent avis du CESE.

1.3.3

Les sociétés civiles ont un rôle de plaidoyer à assurer en faveur d'un autre modèle d'économie auprès des décideurs politiques nationaux et des diplomates internationaux avec en ligne de mire un découplage du niveau des activités économiques avec ceux du développement humain et de l'impact environnemental. Le Comité recommande de partager les connaissances et les apprentissages en particulier au cours de l'année thématique 2015 avec les autres sociétés civiles des pays et régions partenaires, domaine dans lequel le CESE a une expérience d'échanges féconds.

1.3.4

Le Comité invite les organisations de la société civile à participer et à se saisir des résultats des consultations internationales, nationales et thématiques en particulier celle actuellement lancée sur la durabilité environnementale par le PNUD et le PNUE accessible sur le site www.worldwewant2015.org/sustainability

1.3.5

Le Comité recommande que l'agenda post-2015 s'appuie plus systématiquement sur des études d'impact, des suivis effectués notamment avec le concours d'organisations de la société civile (par exemple sur droits humains, écosystèmes ou conditions de travail). De la même façon, l'intégration du dialogue social entre partenaires sociaux, l'un des marqueurs du respect des droits de l'homme au travail est un instrument essentiel de mise en œuvre et du suivi et de l'évaluation des OMD/ODD.

1.3.6

Le rôle de la société civile dans la planification, le suivi et l'évaluation sera majeur. La société civile européenne devra s'approprier l'information pertinente de manière à pouvoir agir à travers des mécanismes de surveillance sur la cohérence interne des politiques européennes en faveur du développement, principe inscrit dans le traité de Lisbonne. Le comité recommande d'associer la société civile aux choix des indicateurs complémentaires au PIB, à la lutte contre la corruption, aux négociations relatives au processus de paix, à l'élaboration des plans stratégiques nationaux et préconise de valoriser des innovations sociales qui émergent de façon pragmatique.

1.3.7

En vue de conforter un rôle de leadership européen vers un autre modèle d'économie, le Comité recommande de créer un forum  (8) multi-partie prenante de consultation dédiée à la promotion de la production et de la consommation durables au sein de l'UE. Dans chaque filière, il est indispensable de définir des étapes intermédiaires d'une transition négociée assortie de mesures d'accompagnement pour les secteurs, les entreprises, les territoires et les travailleurs concernés.

1.3.8

Dans la mise en œuvre de ce futur agenda, le comité recommande une approche fondée sur un renforcement des partenariats entre acteurs par exemple sur l'égalité de genre. Des coopérations fondées sur une contractualisation/partenariat volontaire entre acteurs pour des objectifs engageants à tous les niveaux territoriaux pourraient être encouragées. Par exemple, des initiatives conçues en synergie, entre des acteurs privés, publics ou associatifs qui s'engagent conjointement à atteindre des objectifs précis sur un champ territorial ou urbain. Ces approches innovantes paraissent indispensables pour prendre en compte l'aspect multidimensionnel de la pauvreté. Ces contractualisations seraient aussi propices à des coopérations Sud/Sud bénéficiant d'un appui financier du Nord.

1.4   Recommandations sur les perspectives d'un agenda post 2015

1.4.1

L'agenda post-2015 marque un changement de paradigme au-delà de l'aide et de la coopération internationale. Il devra être conçu comme un processus qui engage tous les pays dans la transition vers un modèle économique inclusif et vert, un changement de trajectoire vers une économie dé-carbonée. Le Comité souscrit à l'analyse de la communication qui juge «impératif de s'employer à parvenir à une économie verte inclusive grâce à des schémas de consommation et de production viables et à une meilleure utilisation des ressources qui passe par le recours à des systèmes énergétiques à faible taux d'émission».

1.4.2

Cohérence entre politique financière et politique économique et migratoire. Au-delà d'éléments économiques, il est indispensable de mettre en œuvre, selon le principe de cohérence, d'autres politiques qui ont une incidence majeure sur un changement de trajectoire vers le développement durable tels que l'imposition de taxes sur les émissions de carbone et toutes mesures incitatives à l'atténuation du changement climatique, un dispositif favorable à l'immigration temporaire ou circulaire en provenance des pays pauvres, le contrôle strict des ventes d'armes aux PED et une régulation financière pour réduire le blanchiment d'argent et stopper l'évasion fiscale.

1.4.3

Une définition d'Objectifs de développement durable doit prendre la mesure de la tension entre les questions de développement individuel et collectif et les questions de préservation des équilibres environnementaux de la planète. Pour le Comité, résoudre cette tension et trouver un équilibre entre les trois dimensions du développement durable, suppose la préservation des Biens communs globaux par des politiques publiques mondiales gérées par une communauté internationale formée d'États souverains. C'est le grand défi de l'agenda futur.

1.4.4

Cette thématique des biens publics mondiaux identifiés comme enjeu majeur post-2015 nécessite une cohérence plus importante entre les institutions internationales et les politiques mondiales. L'Union européenne doit y prendre sa place. Dans quelques avis, le CESE a amorcé des réponses à la prise en compte des Biens publics mondiaux notamment sur la sécurité alimentaire (9) le socle de protection sociale ou la régulation multilatérale du commerce et des investissements, le climat ou la biodiversité.

1.4.5

Le Comité regrette les allusions furtives à ce sujet dans la communication «Une vie décente pour tous» et considère que la prochaine communication au sujet des ressources financières annoncée à la mi-2013 doit inclure cette question pour bien s'assurer qu'elle sera assortie de sources de financement adéquates. L'aide publique au développement doit rester dédiée à la lutte contre la pauvreté. Il convient d'accorder une grande place aux avis du monde entier dans le cadre du processus de consultation sur la taxe européenne sur les transactions financières qui va se mettre en place en 2013 avec la participation initiale de onze pays.

1.4.6

En aucun cas, l'attente d'un accord international sur la définition des ODD ne peut servir de prétexte à différer ou à diminuer les engagements d'aide financière des pays développés. Le Comité se déclare très préoccupé du risque d'interruption dans la mise en œuvre de l'aide au développement faute d'un accord finalisé en 2015. Pour pallier ce risque, il recommande que des OMD révisés soient impérativement assortis des financements suffisants à cette échéance (10). Même en ce temps de difficulté budgétaire, le Comité exhorte l'Union et les États membres à maintenir leurs engagements et à faire le nécessaire pour atteindre en moyenne les 0,7 % dès la nouvelle étape.

1.4.7

Les objectifs du Millénaire nécessitent une actualisation et une adaptation aux nouveaux enjeux du XXIe siècle tenant compte des bilans et des leçons de l'expérience. Pour le CESE il convient d'ores et déjà d'ajouter au moins trois thématiques, l'accès à l'énergie pour tous  (11), le droit à l'alimentation et à l'eau, et le socle de protection sociale de base  (12). En outre, le travail décent intégré depuis la révision de 2006, doit être réaffirmé comme une priorité ainsi que l'impérieuse nécessité de remettre le développement agricole au cœur de la lutte contre toute pauvreté.

Aussi la convergence entre les deux agendas pourra se dessiner à partir de cette révision qui ne sera que la première étape d'un futur agenda global. Il faut reconnaitre la tension actuelle et l'incertitude entre l'ambition d'un agenda «idéal» et la réalité des «possibles».

1.4.8

Dans cette révision des OMD, le Comité suggère de développer une approche spécifique de développement pour les États fragiles ou affectés par des conflits en mettant la restauration institutionnelle au cœur des objectifs primordiaux pour ces pays afin d'apporter en préalable un effort de gouvernance ciblant sécurité et justice de proximité.

2.   Tirer les enseignements des objectifs du Millénaire

2.1

Pérennité de la Déclaration du Millénaire. Cette déclaration conserve toute sa valeur politique et symbolique comme pacte scellant un engagement même au-delà de 2015 entre tous les pays, riches et pauvres. Elle doit rester un fondement du futur agenda en caractérisant les grands défis et valeurs fondamentales qui doivent sous-tendre les relations internationales au XXIe siècle: paix, sécurité et désarmement, protection de notre environnement commun, droits de l'homme, démocratie et bonne gouvernance, protection des groupes vulnérables et la réponse aux besoins spécifiques de l'Afrique, ainsi que le droit au développement et la nécessité de créer un environnement favorable au développement. Cette déclaration avait déjà établi un lien clair entre les dimensions du développement durable en écho à la déclaration de Rio de 1992.

2.2

Malgré un bilan mitigé, par leur simplicité et leur lisibilité, les OMD ont contribué à la sensibilisation et la mobilisation des opinions publiques des pays développés. Reste à démontrer que ce soutien des opinions se soit traduit effectivement par une augmentation des volumes d'aide, par une lutte effective contre la corruption, par une réorientation vers les pays les plus en retard, voire ait été adapté aux pays en guerre ou fragilisés par des conflits internes.

2.3

Territoires, inégalités et pauvretés. Concernant l'indice de pauvreté, le Comité émet des réserves sur l'usage de revenu inférieur à 1,25 $ par jour utilisé pour apprécier la réduction de l'extrême pauvreté et le recours à des moyennes nationales. Ces outils masquent de profondes inégalités internes dans les sociétés nationales ainsi que les disparités territoriales en particulier au détriment des ruraux qui devraient pouvoir se maintenir dans les campagnes et accueillir par un développement rural, une partie de la croissance démographique des futures décennies. D'autre part, l'urbanisation mal maîtrisée accentue et alimente la pauvreté urbaine croissante et nécessite des analyses plus qualitatives.

2.4

L'égalité de genre reste une condition essentielle pour tout changement (13) pas seulement en raison du sort fait aux femmes mais aussi parce qu'il est au cœur de toutes les autres inégalités et en exacerbe les conséquences. Les réponses à la non-discrimination, à savoir les droits des femmes sont essentielles à la transition de nos sociétés. Les apports des femmes à la paix, au développement, aux activités économiques et à la sécurité deviennent des atouts majeurs d'un futur agenda. Ces valeurs doivent être reconnues par tous, hommes et femmes.

2.5

Résultats quantitatifs et outils méthodologiques. La feuille de route actualisée doit se traduire en objectifs et indicateurs d'avancement pertinents. La parution régulière des rapports de suivi des OMD ont fait apparaître des résultats substantiels et les carences. La qualité des évaluations constitue un acquis déterminant pour cette méthodologie de gouvernance par objectifs. Le futur agenda nécessitera une amélioration et une harmonisation des appareils statistiques nationaux en particulier concernant les données sexo-spécifiques et les personnes en situation de handicap. Pour cela il convient d'améliorer l'état-civil et de fournir des enquêtes qualitatives notamment en matière d'éducation

2.6

Au-delà du PIB. Pour l'agenda post-2015, des indicateurs de Développement durable (14) définissant le bien-être devront réunir dans un tableau restreint d'indicateurs économiques, sociaux et environnementaux plutôt qu'un indicateur unique agrégé. Associer au PIB d'autres indicateurs, est possible au niveau international comme cela existe déjà pour la définition des PMA qui comprend des critères de retard de développement humain et de vulnérabilité économique ou l'indicateur de développement humain et plus récemment celui sur les inégalités développé par le PNUD.

Pour combler le fossé entre politiques économiques, bien être et progrès social, il convient de s'appuyer sur des indicateurs complémentaires au PIB. Une nouvelle approche impose de cerner les composantes du progrès en entreprenant d'ouvrir la comptabilité nationale aux dimensions sociales et environnementales, d'utiliser des indicateurs composites et de créer des indicateurs-clés. Le chaînon manquant réside toutefois dans le développement d'instruments d'effectivité et de redevabilité qui sont nécessaires pour coupler, choix politiques et budgétaires avec performances des indicateurs. Mesurer le bien-être et le progrès ne constitue pas exclusivement un problème technique. La conception même de la notion de «bien être» révèle les préférences collectives et les valeurs fondamentales d'une société. Un moyen pour avancer dans le choix d'indicateurs consiste à associer aux travaux universitaires des citoyens et des organisations de la société civile pour les définir et voir leur usage.

2.7

Il incombe aux pouvoirs publics, gouvernement central et autorités locales de garantir la prestation effective d'un socle de protection sociale pour faire face aux risques majeurs de la vie notamment dans les domaines de la santé et du handicap, de la retraite et du chômage. Les organisations de la société civile (organisations syndicales, ONG, fondations, mutuelles, coopératives, PME, associations familiales ou de consommateurs) peuvent contractualiser avec les autorités publiques pour jouer un rôle déterminant dans la planification, le suivi, la fourniture des services et bénéficier d'aide publique, notamment dans le cas des PMA.

3.   Droits Humains, implication des sociétés civiles, démocratisation et contractualisation/partenariat entre acteurs, au cœur de l'agenda post-2015

3.1

Démocratisation et droits humains, socle des transitions vers des sociétés inclusives et des économies durables. L'appui permanent aux efforts de démocratisation reste la meilleure voie vers des sociétés transparentes et qui rendent compte à leurs citoyens. Dans les sociétés ouvertes du XXIe siècle, aucun changement d'envergure n'est atteignable sans participation, appropriation, adhésion et coresponsabilité des acteurs concernés. Dans le cadre de l'instrument financier pour la promotion de la Démocratie et des Droits de l'Homme et de la communication sur le rôle des sociétés civiles dans le développement, le Comité se félicite de l'importance accrue accordée à l'émergence d'une société civile indépendante (15) permettant ainsi de lutter contre la corruption quelle qu'en soit la source, de garantir la redevabilité auprès des citoyens, d'impliquer les acteurs économiques dans les études d'impact, dans le suivi des accords commerciaux ou de consolider la capacité d'alerte des défenseurs des droits des femmes ou encore de soutenir les défenseurs de l'environnement.

3.2

Transparence et redevabilité des pays partenaires, fondements du futur agenda. Les OMD puis l'agenda pour l'efficacité de l'aide qui en découle (Principes de Paris, Accra, Busan) ont contribué à renforcer la redevabilité au sein des pays partenaires et la prise en compte des situations particulières des États fragiles. Cependant, pour corriger les défauts majeurs de la coopération, le futur agenda doit permettre aux pays bénéficiaires d'être acteurs sur un pied d'égalité avec les pays donateurs. Il faudra surtout prendre en compte de façon spécifique les situations de conflits internes ou de guerre et de fragilité liée aux catastrophes naturelles en élaborant des réponses spécifiques pour ces pays par des objectifs préalables et prioritaires de rétablissement des institutions et de garantie de la sécurité, de la police et de la justice.

3.3

Une Coopération de sociétés à sociétés et la valorisation des échanges foisonnants d'acteurs et de réseaux internationaux. L'approche pluri-acteurs incite les partenaires du développement du Nord comme du Sud à dépasser le cadre diplomatique traditionnel d'engagements de gouvernements à gouvernements. Une vision plus inclusive de la société civile repose sur une contractualisation ou partenariat formalisé par un contrat d'objectifs et de moyens entre différents acteurs. Cela passe par une meilleure prise en compte des initiatives des villes et collectivités locales (réseaux de villes vertes, mouvement des villes en transition), ainsi que celles des organisations de la société civile (diplomatie non gouvernementale tel le Sommet à Rio) ou des entreprises de toutes formes (monde des affaires tels les réseaux d'entreprises responsables ou d'économie sociale)ou les confédérations syndicales internationales (acteurs-clés pour l'objectif de travail décent) ou encore d'universités et centres de recherche dès l'élaboration des objectifs mais aussi pour leur mise en œuvre et leur suivi. Le comité recommande de reconnaître et de valoriser dans le futur agenda les accords contractualisés entre partenaires privés, publics et associatifs sans négliger la multitude d'initiatives de solidarité internationale venant des citoyens eux-mêmes. Intégrer cette diversité d'acteurs sur un pied d'égalité est une condition clé d'une gouvernance plus efficace et plus inclusive qui prend en compte la voix des plus pauvres.

3.4

Pour cela le Comité comme bon nombre d'observateurs, préconise des améliorations primordiales en matière de bonne gouvernance et d'institutions démocratiques pour renforcer l'appropriation par les pays partenaires de leur propre stratégie nationale de développement. Les Objectifs du Millénaire ont permis à certaines sociétés civiles de pays en développement de renforcer leur position d'acteurs ou d'interpeller leurs gouvernements sur des choix d'investissements et de dépenses publiques. Dans le futur agenda plus inclusif, leur participation à l'élaboration de ces documents stratégiques de réduction de la pauvreté devra être renforcée et faire émerger des solutions innovantes sur le travail décent ou la protection sociale tout en acquérant expertise et planification, éléments contribuant à une meilleure gouvernance des États. Le comité préconise d'orienter en partie, l'aide au commerce pour renforcer les capacités des partenaires sociaux et organisations de la société civile en matière commerciale afin qu'ils contribuent à intégrer le commerce et la sécurité alimentaire dans leur stratégie nationale de développement.

4.   Refonder un consensus large pour un changement de trajectoire vers le Développement durable

4.1

Gouvernance mondiale et Biens collectifs environnementaux, sociaux, ou économiques. Parce qu'ils concernent l'ensemble de la planète, des biens ou services sont reconnus dans cette communication comme «des piliers essentiels de la vie» comme l'air, l'eau, les océans, les écosystèmes, le travail décent, la protection sociale, la sécurité alimentaire ou les règles commerciales… et présentés dans l'annexe. Ces Biens publics mondiaux (16) devront être intégrés dans l'agenda post 2015 par des politiques publiques mondiales sur les trois dimensions du Développement durable. Ils doivent être abordés dans un cadre concerté global mais doivent surtout être soutenus par des engagements internationaux conventionnels, des financements et des actions nationales, elles-mêmes déclinées en une multitude d'actions collectives et individuelles plus localement.

4.2

Diversité des Financements mondiaux adaptés au changement de trajectoire à l'horizon 2050. Les Nations Unies estiment qu'un montant évalué à 800 milliards d'euros chaque année serait nécessaire pour traiter durablement de la pauvreté et des défis environnementaux soit 1,5 % du PIB mondial. L'Aide publique au développement ne peut couvrir que 10 % à 15 % de ces besoins de financements internationaux. D'autres ressources domestiques et internationales s'avèrent donc indispensables. Dans le cadre de la future communication sur les sources de financement, il conviendra d'aborder sérieusement la question des ressources fiscales internationales qui permettront de mobiliser dans la transparence et la prévisibilité les financements nécessaires, à l'éradication de la pauvreté, à la préservation de l'environnement et à la gestion des Biens publics mondiaux. Les financements innovants et la taxe sur les transactions financières, prémices d'une telle politique, devraient être alloués en priorité à ces défis globaux. En outre la mobilisation de ressources fiscales domestiques ainsi que l'orientation vers l'activité productive du transfert de l'argent des migrants reste une condition indispensable à des avancées vers des objectifs déterminés localement.

4.3

Plus d'emplois dans une économie verte et inclusive. Le ralentissement économique actuel menace sérieusement l'atteinte des OMD en 2015 en raison de son profond impact sur les emplois et sur les entreprises. Mais la crise pourrait être l'occasion de mobiliser davantage en faveur d'une économie verte capable de provoquer des changements de trajectoire vers le développement durable. À cet égard le Pacte mondial pour l'emploi de l'OIT est un nouvel instrument destiné à accélérer une trajectoire riche en emplois en stimulant la demande de travail et de qualification, en instaurant un socle de protection sociale au niveau mondial et en intégrant le secteur informel par un plan national de travail décent.

4.4

L'agriculture mondiale a été particulièrement négligée par les institutions financières internationales pendant cet exercice du Millénaire. Il y a une urgence absolue à rééquilibrer des investissements porteurs d'emplois en faveur d'une agriculture familiale et agrobiologique.

4.5

Rôle des entreprises dans la transition vers un rapport annuel de soutenabilité. Au sein des Nations Unies, le secteur privé est représenté par le Pacte Global créé en 2000 pour faire de la Responsabilité sociale des entreprises, un outil au service des OMD en regroupant aujourd'hui 8 700 entreprises intervenant dans 130 pays qui ont souscrit un engagement sur les droits au travail, les droits de l'homme, l'environnement et la lutte contre la corruption. Des engagements volontaires comme traduction du DD à l'échelle de l'entreprise peuvent jouer un rôle majeur dans les chaînes de sous-traitance. Le Comité considère que les initiatives d'écoconception, d'écoproduction, de sobriété écologique ou de commerce équitable ainsi que celles économes en ressources naturelles sont des solutions innovantes pour la réalisation d'objectifs de développement durable (17). Le comité préconise donc la mise en œuvre de la recommandation incluse dans la déclaration de RIO+2012 qui prévoit de généraliser le reporting durable par un «Corporate Sustainability Report» annuel fourni par les entreprises au même titre que le rapport financier.

5.   Développement économique durable: responsabiliser et conforter le rôle des acteurs privés

5.1

En dépit de tentations d'un retour au protectionnisme au début de la crise, le système international a évité globalement des pratiques commerciales restrictives. Cependant l'impasse de la négociation multilatérale dite du «Développement» crée un profond malaise quant aux divergences d'intérêt avec les PED. Les pays émergents sont les grands bénéficiaires de la croissance des échanges tout en accentuant leurs inégalités internes sauf dans quelques pays comme au Brésil grâce à des politiques redistributives et de lutte contre la pauvreté.

5.2

En revanche l'ouverture commerciale n'a pas apporté les résultats attendus dans nombre de pays en développement pourvus en produits agricoles et matières premières faute de diversification, de transformation et d'infrastructures. Le Comité déplore les blocages autour des Accords de Partenariat Économique avec les pays ACP. Le comité souligne que l'accès préférentiel  (18) de l'UE accordé aux Pays les moins avancés (PMA) apporte des résultats très modestes tout autant que le recours à l'aide au commerce qui constitue un mode de coopération multilatérale de plus en plus important. Le CESE recommande d'encourager l'adoption d'une facilitation au commerce déjà conclue en leur faveur à l'OMC et de promouvoir l'ouverture commerciale généralisée sans droits et sans quotas des émergents aux PMA.

5.3

Le CESE préconise que l'UE intègre structurellement les principes du droit à l'alimentation  (19) dans ses pratiques commerciales et lance une action de concertation appropriée au sein de l'OMC et auprès des autres grands partenaires commerciaux afin que ces principes deviennent partie intégrante des politiques commerciales multilatérales et bilatérales. En outre le CESE préconise une libéralisation des Biens et services environnementaux dissociés de l'éventuel accord de Doha ainsi qu'une facilitation des transferts de technologies vertes dans les accords commerciaux bilatéraux (20).

5.4

Les acteurs économiques mais aussi les infrastructures doivent résolument se projeter dans le développement durable. À ce titre, la mise en place d'infrastructures  (21) et de réseaux d'échanges constituent un levier tant pour attirer des investissements étrangers que pour soutenir le développement des PME, promouvoir des industries de transformation de matières premières ainsi que développer le commerce électronique.

Bruxelles, le 23 mai 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Conférence CESE février 2012 «Déclaration Pensons durable, soyons responsables ! La société civile en route pour Rio».

(2)  Avis du CESE sur «Rio+20: bilan et perspectives» (supplément d'avis), JO C 44 du 15.2.2013, p. 64–67.

(3)  Développement et coopération-EuropeAid.

(4)  Avis du CESE sur «L'économie verte-promouvoir le développement durable en Europe 2013» (Voir page 18 du présent Journal officiel).

(5)  Avis du CESE sur le thème «Pour une dimension sociale de l'Union économique et monétaire européenne» (Voir page 1 du présent Journal officiel).

(6)  Avis du CESE – Vers une politique européenne globale en matière d'investissements internationaux, rapporteur PEEL, JO C 318 du 29.10.2011, p. 150–154.

(7)  À l'échelon international «Beyond 2015» est une plateforme d'associations de développement qui anime une campagne de sensibilisation sur les enjeux de ce débat et collecte des contributions sur leur site, www.beyond2015.org

(8)  Avis exploratoire du CESE sur «La promotion de la production et de la consommation durables dans l'UE», rapporteure Mme LE NOUAIL MARLIÈRE, JO C 191 du 29.6.2012, p. 6–10.

(9)  Avis du CESE sur le «Commerce et sécurité alimentaire», rapporteur: M. CAMPLI, corapporteur: M. PEEL, JO C 255 du 22.9.2010, p. 1–9.

(10)  Rapport européen sur le Développement 2013. «Après2015: une action mondiale pour un avenir inclusif et durable».

(11)  Avis du CESE sur le thème «Connecter les «îlots énergétiques» de l'UE: croissance, compétitivité, solidarité et développement durable au sein du marché unique européen de l'énergie», rapporteur M. COULON, JO C 44 du 15.2.2013, p. 9–15.

(12)  du CESE sur la «Protection sociale dans la politique de développement», rapporteur M. ZUFIAUR, JO C 161 du 6.6.2013, p. 82–86.

(13)  Égalité de genre dans la politique de développement de l'UE plan 2010-2015.

(14)  Avis du CESE sur «Le PIB et au-delà – L'implication de la société civile dans le processus de sélection d'indicateurs complémentaires», rapporteur M. PALMIERI, JO C 181 du 21.6.2012, p. 14–20.

(15)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant un instrument financier pour la promotion de la démocratie et des droits de l'homme dans le monde», rapporteur IULIANO, JO C 11 du 15.1.2013, p. 81–83.

(16)  L'annexe de la communication présente une typologie des principaux Biens Publics mondiaux.

(17)  Étude Concord: Apport du secteur privé au développement, décembre 2012.

(18)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées», rapporteur M. PEEL, JO C 43 du 15.2.2012, p. 82–88.

(19)  Avis du CESE sur le «Commerce et sécurité alimentaire», rapporteur: M. CAMPLI, corapporteur: M. PEEL, JO C 255 du 22.9.2010, p. 1–9.

(20)  Avis du CESE sur «Le commerce international et le changement climatique», rapporteure Mme PICHENOT, JO C 21 du 21.1.2011, p. 15–20.

(21)  Avis du CESE sur «La stratégie UE-Afrique», rapporteur M. DANTIN, JO C 77 du 31.3.2009, p. 148–156.


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