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Document 52005IE0385

    Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle de la société civile organisée — Lutte contre le travail non déclaré»

    JO C 255 du 14.10.2005, p. 61–66 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    14.10.2005   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 255/61


    Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle de la société civile organisée — Lutte contre le travail non déclaré»

    (2005/C 255/12)

    Le 28 janvier 2004, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29 paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «Le rôle de la société civile organisée dans la lutte contre le travail non déclaré».

    La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 15 mars 2005 (rapporteur: M. Erik HAHR).

    Le Comité économique et social européen, lors de sa 416ème session plénière des 6 et 7 avril 2005 (séance du 7 avril 2005), a adopté l'avis suivant par 112 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

    1.   Contenu essentiel de la résolution du Conseil

    1.1

    Le Conseil (Emploi et politique sociale, santé et consommateurs) a adopté le 20 octobre 2003 une résolution sur le travail non déclaré (1). Par cette résolution, le Conseil souhaite inviter les États membres à adopter une stratégie de lutte contre le travail non déclaré sur le territoire de l'Union européenne. Cette stratégie fera partie intégrante de la stratégie européenne en matière d'emploi. La neuvième ligne directrice sur l'emploi traite exclusivement du travail non déclaré. (2)

    1.2

    Le Conseil invite les États membres à faire de la présente résolution un cadre de référence à l'intérieur duquel les États membres peuvent élaborer et mettre en œuvre des politiques dans le contexte de la stratégie européenne pour l'emploi tout en respectant la situation et les priorités de chaque État. La résolution s'inspire en grande partie du contenu de la communication de la Commission de 1998 sur ce sujet (3).

    1.3

    Les États membres sont en outre invités à tenir compte des mesures décrites dans la présente résolution lorsqu'ils feront rapport, dans leurs futurs plans d'action nationaux, sur les principales mesures prises pour mettre en œuvre leur politique de l'emploi à la lumière de la ligne directrice spécifique relative au travail non déclaré.

    1.4

    Le Conseil préconise également que les États membres examinent ensemble quelles sont les caractéristiques communes du travail non déclaré dans les différents États membres qui se prêteraient le mieux à une approche commune dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi.

    1.5

    S'agissant des actions préventives et des sanctions, le Conseil recommande de mettre au point, conformément à la stratégie européenne pour l'emploi, une stratégie globale fondée sur des mesures de prévention, encourageant tous les employeurs et les employés à travailler dans l'économie officielle et dans le cadre d'un emploi régulier; ces mesures devraient respecter la viabilité des finances publiques et des systèmes de protection sociale, et pourraient notamment consister:

    à créer un environnement juridique et administratif propice à la déclaration de l'activité économique et de l'emploi, par la simplification des procédures et la réduction des coûts et des contraintes qui limitent la création et le développement des entreprises, en particulier des «jeunes pousses» et des petites entreprises;

    à renforcer les incitations et à supprimer les obstacles à la déclaration du travail, tant du côté de l'offre que de celui de la demande;

    en revoyant et, au besoin, en réformant le régime fiscal et le régime des prestations sociales et leurs interactions en vue de réduire les taux marginaux élevés d'imposition effective et, au besoin, la charge fiscale pesant sur les travailleurs à faible rémunération;

    en élaborant des politiques appropriées d'emploi à l'égard des bénéficiaires d'aides sociales, qui les aideront à participer au marché du travail régulier, et

    en réduisant le risque de pièges du chômage et de la pauvreté en supprimant les interactions néfastes entre le régime fiscal et le régime des prestations sociales.

    1.6

    Le Conseil préconise en outre un renforcement des contrôles, le cas échéant avec le soutien actif des partenaires sociaux, et l'application de sanctions appropriées, notamment à l'encontre de ceux qui organisent le travail clandestin ou qui en tirent profit. Il invite les États membres à favoriser la prise de conscience afin de renforcer l'efficacité de cet éventail de mesures, en informant le public sur les implications négatives du travail non déclaré pour la sécurité sociale et sur ses conséquences en termes de solidarité et d'équité. De même, il les invite à évaluer l'ampleur de l'économie informelle et du travail non déclaré.

    1.7

    Si l'on veut approfondir les connaissances sur l'étendue du travail non déclaré, il est nécessaire d'évaluer l'ampleur de l'économie informelle et du travail non déclaré au niveau national, à partir des données dont disposent les institutions de sécurité sociale, le fisc, les ministères ou les offices statistiques nationaux; de même, il est vital que les États membres contribuent au développement des mesures du travail non déclaré au niveau communautaire afin d'évaluer les progrès accomplis sur la voie de la réalisation de l'objectif que constitue la transformation du travail non déclaré en emploi régulier, de rechercher la coopération entre les offices statistiques nationaux en matière de méthodologie et de favoriser les échanges de compétences et de savoir-faire dans ce domaine.

    1.8

    Enfin, le Conseil invite les partenaires sociaux, au niveau européen, à examiner avec méthode le problème du travail non déclaré dans le cadre de leur programme de travail pluriannuel défini d'un commun accord; à poursuivre l'examen du travail non déclaré au niveau sectoriel, dans le cadre des comités de dialogue social sectoriels. Au niveau national, il les invite à promouvoir la déclaration d'activité économique et d'emploi et à lutter contre les effets du travail non déclaré par la sensibilisation et d'autres actions telles que, le cas échéant, les négociations collectives menées conformément aux traditions et à la pratique nationales, selon des voies qui contribuent notamment à la simplification de l'environnement professionnel, notamment à l'égard des petites et moyennes entreprises.

    2.   Introduction

    2.1

    Le travail non déclaré a pour conséquence de priver la collectivité des recettes des impôts, des taxes et des cotisations sociales. Les recettes, n'étant pas comptabilisées dans l'activité économique, échappent dès lors à l'impôt. La TVA n'est ni comptabilisée, ni perçue. Le travail est effectué contre paiement au noir. Les employeurs ne paient pas les charges patronales et les salaires sont payés au noir. De même, étant donné que les salariés ne déclarent pas ce qu'ils gagnent, ils ne paient pas non plus d'impôt sur le revenu.

    2.2

    Un tel système prive la société de recettes considérables, qui financent les systèmes de sécurité sociale dans les différents États membres. Les sommes en jeu se montent chaque année à plusieurs milliards.

    2.3

    Des entreprises efficaces et sérieuses sont exclues du marché ou éprouvent des difficultés à se maintenir à flot et à étendre leurs activités, alors que les entreprises qui recourent au travail au noir s'implantent et prospèrent. Cet état de fait menace l'efficacité de l'ensemble de l'économie. De ce fait, la productivité n'augmente pas, alors que la croissance est une condition essentielle au maintien d'une société de bien-être.

    2.4

    Le travail non déclaré est présent dans l'ensemble de la société — tant chez les employeurs que chez les travailleurs — et peut être subdivisé en trois catégories.

    2.5

    Le premier groupe se compose d'entreprises qui pratiquent le travail au noir de manière systématique et organisée — souvent en parallèle avec un emploi régulier. Le personnel employé est souvent rétribué au noir et non déclaré.

    2.6

    Le second groupe se compose de personnes exerçant deux ou plusieurs emplois dont l'un peut être non déclaré. L'on trouve dans ce groupe, par exemple, des travailleurs qualifiés qui désirent gagner de l'argent au noir en plus du revenu que leur procure un emploi sur le marché du travail régulier.

    2.7

    Enfin, le troisième groupe se compose de travailleurs au chômage qui, pour diverses raisons, sont contraints de travailler au noir faute d'obtenir un emploi sur le marché du travail officiel. Ce groupe est particulièrement exposé. Ces travailleurs sont souvent contraints de travailler dans de mauvaises conditions en échange de faibles salaires. Ils ne bénéficient généralement d'aucun système de protection sociale.

    2.8

    Outre ces trois groupes principaux, il existe d'autres formes de travail au noir:

    2.9

    Perception d'indemnités de chômage et d'assurance maladie, par exemple, en parallèle avec des revenus non déclarés.

    2.10

    Les propriétaires de maisons et d'appartements ont recours, pour les petites réparations, à des travailleurs qui ne déclarent pas les revenus provenant de ces activités. La même remarque vaut par exemple pour les entreprises de déménagements. La raison invoquée pour ce type de travail au noir est souvent que les entreprises concernées considèrent ces travaux comme trop peu rentables. Elles adressent alors le client à un employé disposé à se charger de tels travaux pendant son temps libre, moyennant une rétribution au noir.

    2.11

    S'agissant des nouveaux États membres de l'Union européenne, la situation est de même nature que celle qui prévaut dans l'ex-Europe des 15. Un phénomène particulier ressort toutefois du rapport publié en mai 2004: souvent, les employeurs ne déclarent qu'une partie des salaires versés, le reste étant payé au noir au salarié sous forme «d'enveloppes».

    2.12

    Il est important de constater que dans tous les exemples cités, l'on a affaire à des cas de travail non déclaré assortis, dans une mesure non négligeable, de fraude fiscale.

    2.13

    Ce manque de loyauté érode le moral de la société et mine le sens des responsabilités, deux éléments essentiels dans une société où une partie non négligeable des ressources est redistribuée sous forme de transferts et d'avantages sociaux. La fraude fiscale est également à l'origine de tensions au sein de la société. De larges couches de la population paient normalement leurs impôts alors que d'autres s'arrogent le droit de décider par eux-mêmes du montant de leurs impôts et de leurs taxes.

    2.14

    Le travail non déclaré cause un préjudice considérable à l'ensemble de la société. La nature de ce préjudice dépasse le simple aspect financier. La confiance diminue à tous les niveaux. Nombreux sont ceux qui acceptent le travail au noir ou qui lui trouvent des excuses — allocations chômage trop faibles, coût trop élevé des services, etc. — va croissant.

    2.15

    Ce sont les fondements juridiques sur lesquels reposent la société et le système d'État providence qui sont remis en cause lorsque le respect des lois et des règles n'est plus assuré. Il est dès lors nécessaire de s'attaquer à ce problème par des mesures globales et ciblées. Les partenaires sociaux, les responsables politiques et la société dans son ensemble prennent toutefois lentement conscience des conséquences négatives du travail non déclaré et de la nécessité de le transformer en travail régulier.

    3.   Observations générales

    3.1

    Le Comité s'est exprimé en 1999 sur la communication de la Commission sur ce sujet (4). La communication de la Commission avait pour objet à l'époque de susciter un large débat tant au sein de l'UE que dans les États membres. Elle a été suivie d'une étude effectuée à l'initiative de la Commission.

    3.2

    Le Comité se félicite de l'initiative du Conseil de replacer, par sa résolution, cette question au centre des débats.

    3.3

    Dans le même temps, le Comité constate que la Commission, en 2003, a entrepris une enquête approfondie sur le travail non déclaré dans l'Europe élargie. Les résultats de cette enquête, publiés en mai de cette année (5) constituent, de l'avis du Comité, un apport extrêmement précieux sur la connaissance du travail non déclaré et la manière de lutter contre ce phénomène. L'étude fournit aux gouvernements et aux pouvoirs publics des États membres une base de réflexion en ce qui concerne les méthodes de lutte contre le travail non déclaré.

    3.4   Un élément de la stratégie pour l'emploi

    3.4.1

    Selon le Conseil, la lutte contre le travail non déclaré doit faire partie intégrante de la stratégie européenne pour l'emploi, qui a pour but de créer davantage d'emplois de meilleure qualité. Cette ambition est partagée par la Commission; en juillet 2003, les ministres du travail et des affaires sociales des États membres de l'Union européenne se sont exprimés à ce sujet lors de leur réunion informelle de Varese. Ils ont rappelé que la transformation du travail non déclaré en emplois réguliers contribuerait à la réalisation du plein emploi, à l'amélioration de la qualité et de la productivité du travail, au renforcement de la cohésion sociale et de l'insertion, ainsi qu'à l'élimination des pièges de la pauvreté et à la limitation des distorsions du marché.

    3.4.2

    Dans son avis sur la communication de la Commission de 1998, le Comité se ralliait à l'approche consistant à s'attaquer au problème du travail non déclaré à partir de la perspective de l'emploi. Le Comité réitère sa position.

    3.4.3

    Pour parvenir à l'objectif fixé, à savoir la transformation du travail non déclaré en travail déclaré au sens où l'entend la loi, il convient d'adopter toute une série de mesures.

    3.4.4

    En premier lieu, il est nécessaire de distinguer entre les personnes qui peuvent être employées sur le marché du travail régulier et celles qui ont décidé de ne pas déclarer leurs activités.

    3.4.5

    Ensuite, il est nécessaire de déterminer clairement les activités susceptibles de passer du secteur informel non déclaré au secteur formel, déclaré.

    3.4.6

    Il est probable que la demande pour certaines activités ou certains services du secteur non déclaré disparaîtra s'ils entrent dans le secteur déclaré. De l'avis du Comité, il convient dès lors d'être particulièrement attentif à cette situation. Il est possible que grâce à des mesures de soutien, même ce type d'activités passe dans le secteur régulier.

    3.4.7

    L'application de la stratégie de Lisbonne suppose entre autres la création et le développement au sein de l'Union européenne d'entreprises dynamiques et concurrentielles afin d'accroître le nombre des emplois.

    3.4.8

    Le processus qui mène du projet de création d'une entreprise opérationnelle et productive employant du personnel à la création effective de cette entreprise est long et complexe.

    3.4.9

    Il est nécessaire dès lors de créer, pour les nouvelles entreprises, un climat favorable à la croissance et au développement qui satisfasse à toutes les conditions préalables.

    3.4.10

    Les employés doivent pouvoir exiger que l'entreprise dans laquelle ils travaillent connaisse et applique la législation en vigueur en matière de droit du travail et de droit fiscal.

    3.4.11

    Il est nécessaire de maintenir un équilibre entre les exigences des uns et des autres. Dans le cas contraire, un grand nombre d'entreprises risqueraient de ne jamais voir le jour et une foule de bonnes idées resteraient dans les cartons.

    3.4.12

    L'approche visionnaire de la déclaration des ministres du travail et des affaires sociales à Varese, en juillet 2003, peut facilement laisser croire que la question de la transformation du travail non déclaré en travail déclaré serait réductible à l'aspect de l'emploi. Or le travail non déclaré, surtout lorsqu'il est pratiqué de manière systématique et organisée, est souvent lié à d'autres formes de criminalité économique. Cette criminalité exige des efforts particuliers de la part de la société et doit être combattue.

    3.5   Définition du travail non déclaré

    3.5.1

    Le Conseil, pour distinguer entre le travail non déclaré et les autres types de criminalité économique, utilise la définition proposée par la Commission dans sa communication de 1999. Pour sa part, le Comité (avis CES 1240/98) considère comme travail non déclaré «toute activité rémunérée de nature légale mais non déclarée aux pouvoirs publics», formulation qu'il considère comme acceptable compte tenu de la nécessité de retenir une définition commune à l'ensemble des États membres. Le Comité réitère ce point de vue.

    3.6   Immigration illégale et travail non déclaré

    3.6.1

    Le Comité s'est exprimé à plusieurs reprises sur l'existence et les causes de l'immigration illégale; il a également abordé la question du rapport entre l'immigration illégale et le travail non déclaré. Le marché du travail «régulier» et la sécurité sociale étant fermés aux immigrants illégaux, les intéressés se tournent vers d'autres solutions pour gagner leur vie, ce qui les amène la plupart du temps sur le marché du travail au noir. Cette situation prévaut particulièrement, entre autres, dans le secteur du bâtiment, l'agriculture et le jardinage. Il en résulte souvent une difficile situation de dépendance pour l'immigrant(e) en situation illégale, exploité(e) par des employeurs peu scrupuleux.

    3.6.2

    Il serait dès lors souhaitable que les États membres de l'Union européenne prennent des mesures pour lutter contre l'immigration illégale dans le cadre de la politique commune en matière d'immigration (6). L'on pourrait imaginer de recourir à plusieurs stratégies différentes, dont la nature pourrait varier d'un État membre à l'autre. L'une de ces stratégies serait bien évidemment de veiller à ce que les immigrants illégaux retournent dans leur pays d'origine; une autre serait de renforcer les contrôles aux frontières.

    3.6.3

    Il convient toutefois de tenir compte du fait qu'une personne qui est prête à abandonner son pays pour refaire sa vie dans un autre est mue par une énergie difficile à contrer.

    3.6.4

    Il y a lieu également de considérer les personnes dont on a volé ou confisqué les papiers afin de les contraindre à rembourser leur «passage». La réduction en esclavage qui en résulte permet aux réseaux de passeurs d'obliger leurs victimes à rembourser leur «dette». Cela a pu concerner tant des personnes au service de particuliers (domestiques …) que des chantiers (de construction ordinaire ou navale, par exemple) ou encore l'agriculture, la restauration … Il est effrayant de constater que la criminalité peut se déployer sous nos yeux à différents niveaux de la société. Il conviendrait d'en avoir conscience et de reconnaître le fait pour pouvoir le combattre en protégeant chaque victime, en lui donnant des droits et en les faisant respecter.

    3.6.5

    En matière d'immigration illégale, il n'est généralement pas possible, pour des raisons d'ordre humanitaire, juridique ou pratique, de renvoyer l'intéressé dans son pays d'origine. Dans ce cas, il convient de tenter de l'intégrer à la société au moyen de diverses mesures.

    3.6.6

    Dans l'évaluation qui sera faite des mesures transitoires concernant «la libre circulation des travailleurs» ou plutôt l'absence de liberté, pour les ressortissants des pays de l'élargissement du 1er mai 2004, il conviendra de rendre compte des difficultés auxquelles ont été confrontés employeurs et travailleurs, en tenant compte des évolutions des qualifications, des évolutions démographiques et des évolutions culturelles et des évolutions de besoins de mobilité.

    3.6.7

    Dans le cas contraire, on risque de voir se constituer un réservoir de main-d'œuvre pour le travail au noir, avec les conséquences négatives que l'on connaît pour le marché du travail.

    3.6.8

    Le Comité, dans son avis d'initiative intitulé «L'immigration, l'intégration et le rôle de la société civile organisée» (avis CES 365/2002), mentionne un élément important en complément aux mesures de lutte contre le travail non déclaré: l'insertion des immigrants par une série de mesures visant à l'intégration dans la société civile et à l'acquisition de la citoyenneté. (7).

    3.6.9

    Les autorités ont le devoir d'informer sans ambiguïté l'immigrant de ses droits et de ses devoirs et de veiller à ce qu'il ait accès au marché du travail régulier ainsi qu'à la formation et à la formation continue. Il doit pouvoir bénéficier du système de santé et des autres prestations sociales à égalité avec la population du pays d'accueil. De même, il y a lieu de lutter contre la formation de ghettos en milieu urbain.

    3.7   Mesures de prévention

    3.7.1

    Dans sa résolution, le Conseil invite notamment les États membres à créer un environnement juridique et administratif propice à la déclaration de l'activité économique et de l'emploi. De manière générale, il s'agit de diminuer l'attrait du travail non déclaré.

    3.7.2

    Le Comité souhaite ici attirer l'attention sur un certain nombre de solutions qui, soit seules, soit en combinaison avec d'autres, sont susceptibles d'aider à la réalisation de l'objectif fixé.

    3.7.3

    Le Comité préconise d'effectuer des études comparatives afin d'établir les bases d'imposition particulièrement sensibles au travail non déclaré et les possibilités d'éliminer ce problème.

    3.7.4

    Les États membres doivent disposer de systèmes juridiques performants afin de démasquer, de poursuivre et de sanctionner les personnes qui se livrent au travail non déclaré. Cela est particulièrement important dans les cas où ces activités sont systématiques et où il y a exploitation des travailleurs.

    3.7.5

    Il y a lieu d'entreprendre des efforts d'envergure en matière d'information et de formation afin de montrer les effets pervers du travail non déclaré, tant pour la société que pour le citoyen.

    3.8   Le problème de l'impôt

    3.8.1

    Dans les enquêtes portant sur le travail au noir, l'on part généralement du principe que ce phénomène constitue un problème dans la mesure où il entraîne une perte de recettes fiscales.

    3.8.2

    Rien, cependant, dans les études effectuées sur l'ampleur du travail au noir dans divers pays, ne vient confirmer l'hypothèse selon laquelle il existerait un lien statistique entre l'ampleur de ce phénomène et le niveau global d'imposition.

    3.8.3

    Le lien entre le travail non déclaré et la pression fiscale est complexe. De l'avis du Comité, il n'est pas évident qu'une baisse de l'impôt conduise automatiquement à une diminution de la fraude fiscale. Même dans les pays où le taux d'imposition et les taxes sont faibles, le travail au noir existe.

    3.8.4

    Le Comité apprécierait grandement qu'une étude comparative approfondie soit effectuée sur le lien entre les impôts et les taxes et le phénomène du travail au noir.

    3.8.5

    L'expérience montre que le travail non déclaré est souvent le fait de très petites entreprises disposant de ressources administratives limitées; l'on est dès lors en droit de se demander si cela est dû à l'ignorance des règles en vigueur, à la complexité de ces règles, ou bien si le travail non déclaré constitue une action délibérée visant à obtenir des avantages concurrentiels.

    3.8.6

    Notre société demande beaucoup à la justice. C'est la raison pour laquelle nous avons des réglementations aussi détaillées. Le système fiscal illustre bien cette situation. Le niveau élevé des exigences en matière de justice suppose la mise en oeuvre de ressources considérables, notamment au sein des administrations chargées de veiller au respect des dispositions en vigueur.

    3.8.7

    Lorsque dans un secteur donné de l'économie, une partie non négligeable des chefs d'entreprise et des travailleurs s'abstient de déclarer revenus et salaires, le système fiscal ne peut être considéré comme juste par les entrepreneurs scrupuleux, lesquels sont parfois obligés de cesser leurs activités pour cause de concurrence déloyale.

    3.8.8

    Il existe dès lors des raisons d'envisager la possibilité d'un meilleur «calibrage», afin de parvenir à une simplification des systèmes tant pour les citoyens que pour les autorités. Les possibilités de manipuler le système s'en trouveront diminuées d'autant. Dans le même temps, les autorités pourront consacrer davantage de ressources à la lutte contre la criminalité économique grave.

    3.9   Surveillance et contrôle

    3.9.1

    L'une des principales thèses exposées dans la résolution du Conseil est qu'il est nécessaire de renforcer la surveillance et les sanctions afin de transformer le travail non déclaré en emplois réguliers. A ce sujet, le Comité estime que la lutte contre le travail non déclaré passe tout naturellement par un accroissement de la réglementation et du contrôle exercé par la société. La non-déclaration d'activités économiques ne doit pas être considérée comme une infraction sans gravité. Ainsi que le précisent les orientations actuelles en matière d'emploi, il y a lieu de renforcer les possibilités de contrôles et de les compléter par des sanctions efficaces afin que le recours au «travail au noir» ne soit plus rentable. Les mesures visant à mettre fin au travail non déclaré doivent toujours reposer sur deux piliers: sanctions et prévention. Ces deux piliers doivent se compléter et non se substituer l'un à l'autre. Cette double stratégie, assortie de mesures de contrôles et d'incitation, est également l'approche retenue par la résolution du Conseil et par les orientations actuelles en matière d'emploi. Le Comité partage cette position.

    3.9.2

    Les chefs d'entreprise ressentent souvent la réglementation et le contrôle comme une tutelle pesante. En général, le sens civique et moral n'est pas uniquement le résultat d'une augmentation du nombre des règles par les autorités. Il existe aujourd'hui, dans plusieurs secteurs de l'économie, une volonté de «faire le ménage» et les questions relatives à l'éthique revêtent une importance accrue dans plusieurs organisations. S'il y a lieu de se féliciter de ces mesures volontaires de lutte contre le travail au noir, elles ne sauraient toutefois se substituer au contrôle des autorités.

    3.10   Besoin d'information et de formation

    3.10.1

    Pour un travailleur, un emploi au noir est souvent synonyme de poste précaire et à court terme, sans possibilité d'évolution. Les entreprises qui font appel au travail au noir ne peuvent pas véritablement se développer par crainte de voir leur fraude découverte. Le travailleur qui se livre au travail non déclaré perd dès lors toute chance de faire carrière. L'évolution salariale ne suit pas celle du marché du travail régulier. Les prestations sociales (assurance maladie, pensions de retraite) sont inexistantes.

    3.10.2

    Toute personne qui se livre au travail non déclaré ou qui organise ce type d'activité a généralement pour objectif d'éviter les impôts et les charges sociales. Il est capital de renforcer la prise de conscience du lien qui existe entre le paiement des charges sociales et l'avenir des prestations sociales.

    3.10.3

    Ces deux exemples montrent, de l'avis du Comité, le besoin d'actions d'information et de formation. Il faut pour ce faire montrer les conséquences négatives du travail non déclaré à la fois pour le particulier et pour la société, et ce tant à court terme qu'à long terme..

    3.10.4

    Les partenaires sociaux, mais aussi les autres acteurs de la vie économique, ont ici un rôle de premier plan à jouer. Les partenaires sociaux peuvent, en veillant à la bonne application des conventions collectives et en faisant en sorte, avec les représentants des intérêts de l'entreprise, qu'aucun travailleur non déclaré ne soit employé, contribuer à faire disparaître les conditions qui favorisent le travail non déclaré. Les organisations patronales et syndicales peuvent exiger de leurs membres le respect de codes de conduite et prononcer des sanctions en cas de non-respect de ces codes.

    3.10.5

    Il faut se garder toutefois de placer la barre trop haut, sous peine de voir le travail au noir se répandre comme une traînée de poudre. Dans certains secteurs de l'économie le travail au noir est plus répandu que dans d'autres. Dans le même temps, il existe naturellement le risque qu'un certain nombre de secteurs soient montrés du doigt de façon routinière pour la simple raison que le travail au noir y est plus facile à déceler que dans d'autres branches d'activité.

    3.10.6

    En dernier lieu, c'est toujours à l'individu qu'il appartient de prendre position sur les questions qui relèvent de la morale, de l'éthique et du droit.

    4.   Résumé et conclusions

    4.1

    Le travail non déclaré se rencontre à tous les niveaux de la société. Il est toutefois extrêmement difficile d'en évaluer l'ampleur avec précision. Selon une estimation empruntée à certaines études, l'économie informelle constitue en moyenne de 7 à 16 % du PIB de l'Union européenne. L'on voit dès lors qu'il y a beaucoup à faire pour éliminer le travail non déclaré et les causes de son existence.

    4.2

    Le Comité souhaite ici attirer l'attention sur un certain nombre de domaines qu'il convient d'examiner de plus près et de prendre en considération afin de trouver la bonne approche à ce problème:

    Nécessité d'améliorer l'incitation à déclarer le travail.

    Les femmes, très souvent, sont en première ligne s'agissant du travail non déclaré à faible rémunération. Il est important dès lors de mieux identifier leur situation afin de pouvoir prendre des mesures appropriées.

    La législation relative aux entreprises doit être changée afin de réduire les lourdeurs bureaucratiques, surtout en ce qui concerne le démarrage de nouvelles entreprises. De même, les créateurs de nouvelles entreprises doivent posséder un certain nombre de connaissances fondamentales dans le domaine de l'économie de l'entreprise. Il est capital qu'ils connaissent les exigences juridiques posées par la société s'agissant de la gestion d'une entreprise, notamment en matière de droit du travail et de sécurité sociale pour le personnel salarié.

    Nécessité de consentir des efforts importants afin de mettre en évidence l'impact négatif du travail non déclaré pour les recettes de l'État, les systèmes de sécurité sociale et les autres prestations sociales, ainsi que les conséquences négatives de ce phénomène pour la solidarité et la justice.

    Nécessité de renforcer l'efficacité des contrôles exercés par les autorités responsables, notamment par un accroissement des poursuites, et par une collaboration entre les autorités concernées, tant au niveau national et international qu'au niveau transfrontalier.

    Le travail non déclaré ne doit pas être considéré comme une infraction sans gravité. Il y a lieu dès lors de renforcer l'efficacité des sanctions adoptées afin que le recours au «travail au noir» cesse d'être rentable.

    Le CESE attire l'attention sur le fait que certains pays tiers ne respectent pas les normes de responsabilité sociale universellement acceptées et recommande aux entrepreneurs des pays de l'UE de tenir compte de cette réalité lorsqu'ils développent une activité entrepreneuriale dans ces pays.

    4.3

    Enfin, le Comité souhaite souligner l'importance, pour les États membres, de réduire le plus possible leur taux de chômage. Un taux de chômage élevé est en effet une source importante de travail au noir et de travail non déclaré. Il est dès lors vital d'appliquer la stratégie européenne pour l'emploi en coordination avec les plans d'action nationaux. Un marché du travail performant, le plein emploi et des emplois de qualité constituent les principaux moyens de lutte contre la main-d'œuvre au noir et le travail non déclaré.

    Bruxelles, le 7 avril 2005.

    La Présidente

    du Comité économique et social européen

    Anne-Marie SIGMUND


    (1)  Résolution du Conseil no 135 38/1/03.

    (2)  Décision du Conseil du 22 juillet 2003 relative aux lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres, neuvième ligne directrice: «Les États membres devraient mettre au point et appliquer des actions et des mesures de grande ampleur pour éliminer le travail non déclaré, tout à la fois en simplifiant l'environnement professionnel, en supprimant les effets dissuasifs et en prévoyant des incitations appropriées dans les systèmes d'imposition et d'indemnisation, ainsi qu'en améliorant les moyens de faire respecter la législation et en appliquant des sanctions. Ils devraient consentir, aux niveaux national et communautaire, les efforts nécessaires pour mesurer l'étendue du problème et les progrès accomplis au niveau national».

    (3)  Communication de la Commission sur le travail non déclaré, COM(98) 219.

    (4)  COM(1998) 219 final, avis du Comité JO C 101 du 12 avril 1999 pp. 30-37 rapporteur: M. Daniel GIRON.

    (5)  «Le travail non déclaré dans l'Union élargie», Commission européenne, Direction générale Emploi et Affaires sociales (2004). Le rapport est disponible uniquement en anglais en version électronique, avec un résumé en français et en allemand.

    (6)  Voir le «Livre vert sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques» COM(2004) 811 final.

    (7)  JOCE C 125 du 27 mai 2002, pp. 112-122, rapporteur: M. Luis Miguel PARIZA CASTAÑOS, corapporteur: M. Vítor MELÍCIAS.


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