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Document 52004IE0955

    Avis du Comité économique et social européen sur «La fusion nucléaire»

    JO C 302 du 7.12.2004, p. 27–34 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    7.12.2004   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 302/27


    Avis du Comité économique et social européen sur «La fusion nucléaire»

    (2004/C 302/07)

    Le 29 janvier 2004, le Comité économique et social européen a décidé conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème: «La fusion nucléaire».

    La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 10 juin 2004 (rapporteur: M. WOLF).

    Lors de sa 410ème session plénière des 30 juin et 1er juillet 2004 (séance du 30 juin 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 141 voix pour et 9 abstentions.

    Le présent avis vient compléter des avis antérieurs adoptés par le Comité sur les politiques énergétique et de la recherche. Il porte sur le développement de réacteurs visant à l'utilisation de l'énergie de fusion et sur les avantages que l'on en espère sur le plan de la sécurité et de la protection de l'environnement. Cette réflexion est menée dans le contexte mondial de la question énergétique. L'avis évoquera et évaluera brièvement les travaux de R&D indispensables à cet égard. Il traitera également de la position européenne dans les négociations menées actuellement sur le choix du site d'ITER.

    SOMMAIRE

    1.

    La question énergétique

    2.

    L'énergie nucléaire: fission et fusion

    3.

    Historique

    4.

    Vers la création de centrales à fusion

    5.

    Choix du site d'ITER

    6.

    Conclusions et recommandations du Comité

    1.   La question énergétique

    1.1

    La société moderne et notre mode de vie actuels reposent sur les sources d'énergie exploitables (1). Seule la mise à disposition d'énergie en quantités suffisantes nous a permis d'atteindre le niveau de vie que nous connaissons aujourd'hui, caractérisé par une espérance de vie, un approvisionnement en denrées alimentaires, une prospérité générale et une liberté personnelle sans précédent dans les nations industrialisées importantes ou émergentes. Un approvisionnement énergétique insuffisant mettrait ces acquis en danger.

    1.2

    Le besoin d'un approvisionnement en énergie utilisable qui soit sûr, économique, non préjudiciable à l'environnement et durable est à la croisée des objectifs de Lisbonne, de Göteborg et de Barcelone. C'est pourquoi l'Union européenne poursuit avec sa politique énergétique trois objectifs étroitement liés et d'égale importance, à savoir protéger et améliorer 1) la compétitivité, 2) la sécurité d'approvisionnement et 3) l'environnement, tout ceci dans la perspective d'un développement durable.

    1.3

    Dans de nombreux avis, le Comité a constaté toutefois que des obstacles de taille s'opposaient à ces objectifs et s'est penché à de multiples reprises sur les problèmes énergétiques que cela engendrait, leurs divers aspects et les solutions envisageables (2). On peut citer ici l'avis du Comité sur le «Livre vert — Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique» (3) ainsi que son avis sur «Les besoins en recherche pour la sécurité et la durabilité de l'approvisionnement énergétique» (4).

    1.4

    Le Comité y soulignait déjà que l'approvisionnement énergétique et l'utilisation de cette énergie polluaient l'environnement, comportaient des risques, épuisaient les ressources, impliquaient un problème de dépendance à l'égard de pays tiers et étaient liés à toute une série d'impondérables, et que la première mesure à prendre afin de réduire les risques liés à l'approvisionnement ou autres consistait à garantir une utilisation aussi diversifiée et équilibrée que possible des différents types et formes d'énergie, tout en s'efforçant d'économiser au maximum l'énergie et de la gérer de la manière la plus rationnelle. Le Comité y exposait (5) également brièvement les avantages et les inconvénients des divers procédés, sur lesquels nous ne reviendrons pas par manque de place.

    1.5

    Aucune des options et techniques susceptibles de contribuer à l'approvisionnement énergétique futur n'est parfaite, exempte de tout effet perturbateur sur l'environnement, en mesure de couvrir tous les besoins et n'a un potentiel suffisamment prévisible à long terme. C'est pourquoi une politique européenne de l'énergie responsable et orientée vers l'avenir ne peut pas non plus partir de l'hypothèse qu'il est possible de garantir un approvisionnement énergétique suffisant au sens des critères ci-dessus, en ayant seulement recours à quelques sources d'énergie. C'est également vrai si l'on considère la nécessité d'assurer une utilisation rationnelle de l'énergie et des économies d'énergie.

    1.6

    Un approvisionnement énergétique compatible avec les exigences écologiques et économiques n'est donc garanti à long terme ni en Europe ni au niveau mondial (6). La poursuite intensive de la recherche et du développement est le seul facteur susceptible de résoudre le problème énergétique. La recherche dans le secteur de l'énergie (7) est l'élément stratégique et le nécessaire fondement de toute politique énergétique s'inscrivant dans une perspective de réussite à long terme. Dans l'avis mentionné précédemment, le Comité a recommandé de mettre en place un programme européen de recherche cohérent dans le secteur de l'énergie, dont l'essentiel il est vrai est déjà couvert par le 6ème programme-cadre de R&D ou le programme d'EURATOM de recherche et d'enseignement, mais dont il conviendrait d'augmenter substantiellement l'enveloppe budgétaire consacrée à la recherche et au développement.

    1.7

    En outre, le Comité a insisté sur le fait qu'en matière de recherche de solutions au problème énergétique, il convenait d'adopter une approche plus globale et à beaucoup plus long terme dans la mesure où l'évolution du secteur énergétique est relativement lente, où les émissions de gaz à effet de serre ne constituent pas un problème régional mais mondial et où l'on se doit de prévoir que les problèmes s'aggraveront encore dans la seconde moitié du siècle.

    1.8

    Aux restrictions en matière de ressources et au problème des émissions (gaz à effet de serre) s'ajoute un facteur aggravant, le fait que selon les prévisions, les besoins mondiaux en énergie doubleront, voire tripleront probablement d'ici à 2060, en raison de la croissance démographique et du retard que doivent rattraper les pays moins développés. Les stratégies développées et les axes de développement doivent donc s'inscrire dans une perspective à plus long terme.

    1.9

    De même, dans son récent avis sur l'utilisation durable des ressources naturelles, le Comité a une nouvelle fois insisté sur le fait que toute stratégie en faveur du développement durable devait se poursuivre sur une période nettement plus longue.

    1.10

    Comme le Comité a déjà pu le constater, les observations ci-dessus ne trouvent toutefois pas un écho suffisant dans la perception de ce problème par les citoyens ni dans les débats publics sur ce thème. Au contraire: entre ceux qui sous-estiment les risques et les possibilités et ceux qui les surestiment, l'éventail des points de vue est vaste. Les avis vont de l'opinion selon laquelle il n'y a pas de problème énergétique, que tout a bien fonctionné jusqu'à présent, qu'en cas de besoin, on trouvera de nouveaux gisements (on prédit du reste depuis des décennies déjà le dépérissement des forêts ou l'on affirme que les réserves de gaz et de pétrole seront épuisées dans 40 ans), jusqu'à la croyance selon laquelle les sources d'énergie renouvelables pourraient parfaitement couvrir l'ensemble des besoins énergétiques de la planète, à condition de concentrer tous les moyens de la recherche sur ces énergies et que la société s'adapte en conséquence.

    1.11

    Par conséquent, il n'existe pas encore de politique énergétique globale suffisamment harmonisée et les États membres de l'Union eux-mêmes n'adoptent pas tous la même attitude vis-à-vis du problème énergétique.

    2.   L'énergie nucléaire: fission et fusion

    2.1

    Tant la fission d'atomes très lourds que la fusion d'atomes très légers sont des processus qui, par rapport à la conversion de masse nécessaire, permettent de libérer des quantités d'énergie environ un million de fois supérieures aux quantités d'énergie libérées par les réactions chimiques.

    2.2

    On a tout d'abord découvert (autour de 1928) que la fusion nucléaire constituait la source d'énergie jusque-là inexpliquée du soleil et de la plupart des étoiles. Grâce au rayonnement solaire, l'énergie issue de cette fusion est donc également la source de toute vie sur la terre, à la base par exemple de la croissance des plantes, de la formation des sources d'énergie fossiles mais aussi de la production de formes d'énergie renouvelables.

    2.3

    Lorsqu'on découvrit ensuite la fission nucléaire (en 1938) et que l'on s'aperçut qu'elle possédait également un potentiel extraordinaire à des fins pacifiques en tant que source d'énergie terrestre, le développement dynamique de son utilisation suscita de nombreux espoirs.

    2.4

    Au fil du temps, il s'est avéré que la fission nucléaire a permis de parvenir au but recherché avec une rapidité étonnante, alors que l'on n'a pas encore pu concrétiser toutes les espérances soulevées par la fusion nucléaire en tant que source d'énergie terrestre pratiquement illimitée.

    2.5

    L'utilisation concrète de l'énergie nucléaire sous ces deux formes a pour objectif d'une part de produire de l'électricité sans émission de gaz à effet de serre et d'autre part de limiter la consommation des hydrocarbures (pétrole et gaz naturel), carburants importants dans le secteur des transports, dont la combustion produit moins de CO2 que celle du charbon et qui de ce fait sont de plus en plus pris en compte, voire déjà utilisées pour la production d'électricité (8).

    2.6

    Fission et fusion nucléaires sont deux procédés qui diffèrent fondamentalement en ce qui concerne les modalités et les conditions d'exploitation, les aspects environnementaux et de sécurité, l'étendue des ressources et leur disponibilité, etc. A tous égards, la fusion nucléaire présenterait des avantages sur le plan conceptuel (cf. paragraphes 2.11 et suivants).

    2.7

    La fission nucléaire est utilisée depuis des dizaines d'années dans la production d'énergie. Les centrales à fission nucléaire ont déjà largement contribué à limiter les émissions de gaz à effet de serre (CO2) ainsi que la dépendance énergétique liée à la consommation et l'importation de pétrole et de gaz. Cela a contribué à relancer le débat sur l'énergie nucléaire, notamment dans le contexte de la diminution des émissions de CO2 et des instruments prévus à cet effet (incitations/sanctions). Cette question a fait très récemment l'objet d'un avis du Comité (9).

    2.8

    Les combustibles de la fission nucléaire sont constitués d'isotopes (10) des éléments particulièrement lourds du tableau périodique des éléments, à savoir le thorium, l'uranium et le plutonium. Les neutrons libérés par la fission induisent dans le noyau des atomes de ces éléments de nouveaux processus de fission, de telle sorte que cela entraîne une réaction en chaîne qui libère de l'énergie et dont on peut contrôler l'ampleur. Les produits radioactifs de fission et les actinides ainsi générés, qui ont parfois une durée de vie très longue, doivent être isolés de la biosphère pendant des milliers d'années. Cela suscite des inquiétudes et pousse une partie de la population à rejeter globalement l'utilisation de l'énergie nucléaire. La fission génère parallèlement de nouvelles matières fissiles comme le plutonium (issu de l'uranium 238) qui, en tant qu'armes nucléaires potentielles, sont soumises à des contrôles.

    2.9

    Les réacteurs à fission nucléaire fonctionnent sur le principe d'une pile. La réserve de combustible nucléaire pour plusieurs années (pour une centrale nucléaire, l'ordre de grandeur est de 100 tonnes) se trouve au cœur du réacteur; des processus régulateurs permettent de maintenir le nombre de réactions de fission nécessaire pour libérer la puissance souhaitée. Malgré les techniques parfaitement au point qui ont été mises en place pour contrôler le processus et garantir la sécurité, la quantité d'énergie emmagasinée constitue en elle-même un facteur d'inquiétude supplémentaire. S'y ajoute le fait que la fission produit une chaleur résiduelle considérable; c'est pourquoi la plupart des types de réacteurs nécessitent un refroidissement intensif pendant une longue période après leur arrêt pour éviter une surchauffe des gaines.

    2.10

    Tenant compte de ces inquiétudes, le Comité a déjà indiqué, dans l'avis qu'il a adopté récemment sur la question (11), qu'on en était désormais, pour ce qui concerne la fission nucléaire, au développement de la quatrième génération de centrales nucléaires. Il s'agit pour celles-ci d'optimiser encore les normes déjà très élevées des installations actuelles en termes de sécurité passive.

    2.11

    Mesurée à la conversion de masse nécessaire, la fusion nucléaire représente le processus énergétique le plus efficace des processus potentiellement utilisables sur terre. Les réacteurs à fusion sont des appareils permettant le déroulement contrôlé de processus de fusion et l'utilisation de l'énergie ainsi libérée, qui fonctionnent en continu (12) comme centrales électriques, de préférence en charge de base. Ce sont les isotopes lourds de l'hydrogène (cf. plus bas) qui servent de combustible. L'hélium, un gaz rare (13) inoffensif qui a de nombreuses applications pratiques, représente les «cendres» du réacteur à fusion.

    2.12

    Néanmoins la réaction de fusion, qui n'a lieu que lorsque les agents réactifs se rencontrent à une vitesse très élevée (14), libère également des neutrons, qui produisent de la radioactivité dans les matériaux de l'enceinte du réacteur (et qui peuvent en modifier les propriétés mécaniques). C'est pourquoi les programmes de R&D correspondants ont pour objectif de développer des matériaux dont la radiotoxicité (15) redescend au niveau de celle des poussières de charbon après une centaine ou tout au plus quelques centaines d'années, ce qui offrirait notamment la possibilité de réutiliser une grande partie de ces matériaux. Cela permettrait de limiter substantiellement les problèmes liés au stockage définitif des produits radioactifs.

    2.13

    Les conditions scientifiques et techniques requises pour la production d'énergie de fusion sont extrêmement exigeantes. Pour l'essentiel, il s'agit de la tâche difficile consistant à chauffer un gaz constitué d'isotopes de l'hydrogène (c'est-à-dire un mélange deutérium-tritium) à des températures supérieures à 100 millions de degrés (ce qui le transforme en plasma (16)) afin que les noyaux atomiques qui entrent en collision possèdent une vitesse suffisamment élevée pour induire le processus de fusion souhaité, et de maintenir cet état pendant un laps de temps suffisamment long pour ensuite récupérer et utiliser l'énergie ainsi libérée.

    2.14

    Ce processus a lieu dans la chambre de combustion du réacteur de fusion, la quantité de combustible qui est injectée en permanence (de l'ordre de quelques grammes dans une installation) n'est suffisante, sans alimentation continue, que pour quelques minutes à chaque fois, de telle sorte que toute excursion de puissance indésirable est exclue. En outre, le fait même que toute erreur entraîne le refroidissement et l'arrêt du processus de combustion «thermonucléaire» (17) est un facteur de sécurité intrinsèque supplémentaire.

    2.15

    Ces caractéristiques sécuritaires intrinsèques, la possibilité de réduire fortement les déchets radiotoxiques — sans produits de fission ni composants à longue durée de vie particulièrement dangereux (actinides) — et la réserve presque illimitée de ressources disponibles permettrait à la fusion thermonucléaire de devenir un élément essentiel très intéressant et déterminant d'un futur approvisionnement énergétique durable et contribuerait ainsi à résoudre les problèmes qui se posent actuellement.

    2.16

    Par conséquent, le Comité a déjà indiqué à plusieurs reprises dans des avis antérieurs que les travaux de R&D sur l'utilisation de l'énergie de fusion constituaient un élément important de la future politique énergétique et un exemple sans pareil d'intégration européenne, et devaient donc bénéficier d'aides substantielles au titre des programmes-cadres européens de R&D ou des programmes de recherche et d'enseignement d'Euratom.

    3.   Historique

    3.1

    Les premières réflexions sur l'utilisation pacifique de la fusion nucléaire datent d'il y a presque 50 ans. Alors que certains États disposaient déjà de la technique nécessaire pour transformer les processus de fusion en arme (bombes à hydrogène), en envisager l'utilisation pacifique paraissait une idée prometteuse mais aussi extraordinairement longue et difficile à mettre en oeuvre.

    3.2

    Deux citations de l'époque encore utilisées aujourd'hui viennent illustrer cette réflexion et sont caractéristiques de la dichotomie, dont on a pris très tôt conscience, entre les grandes espérances que la fusion suscitait et les problèmes extrêmement complexes qu'elle posait sur le plan physique et technique. La première est tirée du discours d'introduction de H.J. BHABHA à la première conférence «Atomes pour la paix» à Genève en 1955: «I venture to predict that a method will be found for liberating fusion energy in a controlled manner within the next two decades» (18). La seconde est extraite du premier article de fond publié aux États-Unis sur la fusion nucléaire par R.F. Post en 1956 (19): «However, the technical problems to be solved seem great indeed. When made aware of these, some physicists would not hesitate to pronounce the problem impossible of solution» (20).

    3.3

    Cependant, on peut dire a posteriori que parmi les multiples idées lancées à l'époque figuraient déjà des projets relatifs à ce que l'on appelle aujourd'hui la technique du confinement magnétique qui s'est révélée entre-temps l'un des procédés les plus prometteurs pour remplir les conditions requises. Mais les recherches pour développer et optimiser le processus se sont heurtées à de nombreux obstacles et ont subi de nombreux revers avant que l'on parvienne à cette conclusion. On citera le TOKAMAK (abréviation russe pour chambre magnétique toroïdale (21)) et le STELLARATOR; il s'agit de deux variantes d'un même concept de base, à savoir piéger le plasma chaud dans des champs magnétiques toroïdaux de façon à le maintenir dans les conditions de confinement requises.

    3.4

    C'est le projet communautaire européen JET (Joint European Torus), dont la conception technique (22) a débuté environ vingt ans plus tard (23), qui a joué le rôle de pionnier. Au cours de la phase expérimentale de JET, il a non seulement été pour la première fois possible de chauffer le plasma aux températures nécessaires mais aussi, dans les années 90, grâce à la fusion du deutérium avec le tritium, de libérer des quantités non négligeables (environ 20 MJ par test) d'énergie de fusion de manière contrôlée. Cette fusion a permis d'extraire brièvement du plasma presque autant d'énergie que celle qui lui avait été apportée pour le chauffer.

    3.5

    L'union de tous les efforts au sein du programme de recherche communautaire sur la fusion, dans le cadre du programme d'Euratom, a été un facteur de réussite essentiel. Ce réseau a réuni autour d'une identité commune les divers laboratoires des États membres associés à Euratom, avec leurs installations de recherche et leurs contributions dans leur domaine spécifique, dans le cadre de leur participation au projet JET. L'espace européen de la recherche a donc été concrétisé très tôt et démontré ainsi toute son efficacité.

    3.6

    Cela a permis de franchir une première étape décisive et de démontrer la faisabilité du principe physique de la production et du confinement magnétique des plasmas de fusion.

    3.7

    Ces progrès ont pu être réalisés grâce également à une coopération exemplaire au niveau mondial, entre autres sous l'égide d'organisations telles que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'Agence internationale de l'énergie (AIE). La contribution de la recherche européenne fut à cet égard décisive. Le travail acharné qu'elle a effectué pour rattraper son retard, notamment sur les États-Unis, lui permet aujourd'hui d'occuper la place reconnue de leader mondial.

    3.8

    Le projet international commun visant à développer, construire et exploiter, éventuellement de manière communautaire, ITER (24), premier réacteur expérimental capable de présenter un bilan énergétique positif du plasma (c'est-à-dire que l'énergie libérée par le plasma dans les processus de fusion est bien supérieure à celle qui lui est apportée) a vu le jour sur la base d'une initiative lancée il y a déjà 17 ans par les Présidents Gorbatchev et Reagan, rejoints ensuite par le Président Mitterrand. ITER doit montrer à l'échelle d'une centrale qu'il est techniquement et scientifiquement possible de libérer de l'énergie utilisable grâce à la fusion nucléaire au moyen d'un plasma en combustion.

    3.9

    Par «combustion» (dite aussi «combustion thermonucléaire»), on entend l'état dans lequel l'énergie libérée par les processus de fusion (ou plus exactement l'énergie transportée par les noyaux d'hélium ainsi générés) contribue de manière essentielle à maintenir le plasma au niveau de température extrêmement élevé requis. Les résultats des expériences réalisées jusqu'ici ont montré que cela n'est possible qu'avec des installations d'une taille suffisante, c'est-à-dire de la taille d'une centrale électrique. C'est dans cette optique que les dimensions d'ITER ont été fixées.

    3.10

    Le programme ITER se trouve donc actuellement dans une phase de transition entre recherche et développement, sans qu'il soit possible de distinguer clairement entre ces deux aspects. Pour parvenir aux objectifs d'ITER, il faut d'une part répondre aux questions qui se posent au niveau de la physique, ce qui ne sera possible que lorsqu'on parviendra à maintenir un plasma de fusion pendant un temps suffisamment long, et d'autre part disposer des composants techniques (par exemple aimants supraconducteurs de très grande taille, chambre de combustion capable de résister au plasma (25), antenne de chauffage du plasma, etc.) nécessaires, présentant les mêmes spécifications et la même taille que ceux qui seraient utilisés ultérieurement pour un réacteur de fusion opérationnel. C'est donc le premier pas de la physique vers la technique des centrales électriques.

    3.11

    Les efforts de planification d'ITER au niveau international ont abouti à la présentation de données explicatives et de dossiers de construction très complets, ainsi qu'à la mise au moins de prototypes et de composants types testés. Ceux-ci tirent les enseignements de toutes les expérimentations précédentes dont ils extrapolent les données, JET constituant l'étendard à la fois du programme européen et du programme mondial de fusion nucléaire.

    3.12

    Les dimensions linéaires d'ITER (grand rayon moyen de l'anneau de plasma: 12 m, volume de la chambre de combustion: environ 1.000 cm3) sont donc presque deux fois supérieures à celles de JET. ITER devrait permettre d'obtenir, avec un bilan énergétique multiplié par dix (26), une énergie d'environ 500 MW pendant des durées de combustion d'au moins 8 minutes chacune pour commencer (avec un bilan énergétique moindre pour des durées de combustion en théorie illimitées).

    3.13

    Les coûts de construction d'ITER sont estimés à environ 5 milliards d'euros (27).

    3.13.1

    La construction d'ITER bénéficiera essentiellement aux entreprises qui se verront adjuger la réalisation et le montage des divers composants de l'installation expérimentale. Une participation majoritaire de l'Europe à la construction d'ITER représenterait donc pour l'industrie européenne un gain sur le plan de la force d'innovation et du savoir-faire technique de manière générale, et irait donc dans le sens des objectifs de la stratégie de Lisbonne.

    3.13.2

    Par le passé, l'industrie européenne a déjà bénéficié des diverses retombées technologiques du programme de fusion (28). Pour la construction d'ITER, on peut s'attendre à ce que cet effet bénéfique important soit particulièrement prononcé.

    3.13.3

    Pendant toute la phase de construction d'ITER, les coûts européens (c'est-à-dire ceux de l'Union européenne et des États membres) pour l'ensemble du programme de fusion seraient inférieurs à 0,2 % des coûts liés à la consommation d'énergie finale en Europe.

    3.14

    Le partenariat pour ITER, qui a débuté entre l'UE, le Japon, la Russie et les États-Unis et qui a vu, au cours d'une histoire pleine de revirements (29), les États-Unis se retirer il y a environ cinq ans pour finalement décider de revenir en 2003, et la Chine et la Corée rejoindre les partenaires a permis non seulement de répartir les coûts de planification sur les épaules de tous les grands partenaires de la recherche internationale dans le secteur de l'énergie mais aussi d'intégrer dans le projet les résultats enregistrés partout dans le monde.

    3.15

    Cela a permis de souligner l'importance de l'entreprise en tant que projet mondial visant à résoudre à un problème mondial.

    3.16

    De même, la construction et la gestion communes d'ITER représenteraient pour tous les pays partenaires un gain substantiel sur le plan des connaissances et des capacités techniques (cf. également le chapitre 5), non seulement pour ce qui concerne ce système de production d'énergie d'un genre nouveau mais aussi en termes d'innovations générales dans le secteur des technologies de pointe.

    3.17

    Le fait de ne construire dans le monde qu'une seule machine ayant les objectifs d'ITER, c'est-à-dire de renoncer à ce stade à développer et à tester des variantes en concurrence et au même point de développement, ce qui a souvent été le cas pour des développements dans le secteur aéronautique, astronautique ou pour des réacteurs de fission nucléaire, représenterait en tout état de cause une première en matière de développement technologique.

    3.18

    Un tel renoncement, motivé par des soucis d'économie, devrait donc être compensé par l'adoption d'un programme d'accompagnement particulièrement efficace accordant aussi une place aux idées innovatrices et aux variantes (30) permettant de limiter les risques liés au développement du concept, qui cependant seraient tous explorées au départ à une échelle réduite, et donc à un coût moindre.

    4.   Vers la création de centrales à fusion

    4.1

    Les résultats attendus et accumulés environ 20 ans après la construction d'ITER, devront fournir les données de base nécessaires à la conception et la construction de DEMO, premier réacteur à fusion de démonstration produisant de l'électricité. La construction de DEMO pourrait ainsi débuter d'ici 20 à 25 ans.

    4.2

    En l'état actuel des choses, on pourrait concevoir une centrale à fusion qui présente les propriétés suivantes:

    production d'énergie électrique en charge de base et avec des unités de la taille des centrales électriques actuelles; possibilité de produire également de l'hydrogène;

    besoin horaire en combustible (31), par exemple d'un bloc d'1 GW (32) (production d'électricité): environ 14 g d'hydrogène lourd (deutérium) présent dans environ 420 kg d'eau naturelle, et environ 21 g d'hydrogène très lourd (tritium) obtenu à partir d'environ 42 g de lithium-6 présent dans environ 570 g de lithium naturel;

    abondance des réserves de combustibles sur la planète, qui vont bien au-delà dans le temps des périodes historiques (33);

    production horaire de poussières d'un bloc de ce type: environ 56 g d'hélium (34);

    cycle interne (35) du tritium radioactif (d'une demi-vie de 12,5 ans) généré dans l'enveloppe (paroi) de la chambre de combustion à partir du lithium;

    radioactivité neutronique des matériaux de la chambre de combustion dont la radiotoxicité, en fonction des matériaux choisis, peut redescendre au niveau de la radiotoxicité des poussières de charbon après une centaine ou quelques centaines d'années;

    aucun risque d'une excursion de puissance incontrôlée; le combustible est injecté, comme pour un carburateur à gaz, de l'extérieur et n'assure que quelques minutes de combustion après arrêt de l'installation;

    pas de scénarios catastrophes où la radioactivité libérée (poussières, tritium, etc.) serait si élevée que cela pourrait contraindre à prendre des mesures d'évacuation en dehors du site de l'installation;

    en raison des caractéristiques sécuritaires intrinsèques et de la faible proportion des substances radiotoxiques facilement libérables, dommages aussi relativement limités en cas d'attaques terroristes;

    taille de l'installation (volume) équivalente à celle des centrales actuelles;

    structure de coûts semblable à celle des centrales électriques actuelles: les coûts découlent pour l'essentiel des coûts d'investissement pour la construction de l'installation, tandis que les coûts d'approvisionnement en combustible sont pratiquement négligeables.

    4.3

    Le développement de DEMO requiert — outre de répondre à des questions essentielles sur le rendement énergétique et les processus qui limitent la durée de combustion, aspects qu'ITER doit déjà permettre d'examiner et de démontrer, et de mettre au point les procédés ambitieux déjà existants ou à améliorer — la poursuite et le renforcement d'autres développements technologiques importants afin de les améliorer.

    4.4

    Cela concerne notamment le cycle interne du combustible (génération et traitement du tritium), l'extraction de l'énergie, la résistance des matériaux soumis à la pression du plasma (interaction plasma-paroi) et au bombardement de neutrons, les techniques de réparation, le perfectionnement des commandes à distance ainsi que les techniques d'augmentation de la durée de combustion, jusqu'à obtenir une combustion parfaitement continue. L'un des objectifs particulièrement importants consiste également à développer des matériaux de structure appropriés à faible activation ou activés uniquement pendant un court laps de temps. Il convient de s'atteler à cette tâche en raison de la longue durée d'expérimentation et de validation de ces matériaux.

    4.5

    Il serait cependant parfaitement illusoire de croire que DEMO mettra fin aux activités de R&D. L'histoire de la technique prouve que très souvent, les travaux de recherche et développement ne s'intensifient vraiment qu'après la conception du premier prototype.

    4.5.1

    L'histoire de la technique montre aussi que les premiers prototypes d'une nouvelle technologie n'ont été souvent que des appareils grossiers et bien imparfaits par rapport aux machines élégantes qui les ont progressivement remplacés.

    4.5.2

    L'optimisation actuelle du moteur diesel n'a ainsi pu se faire que près de 100 ans après sa conception. Les centrales à fusion devront elles aussi être améliorées, optimisées et adaptées aux exigences qui se poseront alors.

    5.   Choix du site d'ITER

    5.1

    À l'heure actuelle, il s'agit de départager au plus haut niveau gouvernemental le site de Cadarache (36) en Europe et celui de Rokkasho-Mura (37) au Japon, tous deux candidats pour accueillir ITER; de ce choix dépendra tant la participation financière des différents partenaires que la structure du programme d'accompagnement indispensable.

    5.2

    Avant que les États-Unis ne reprennent leur place dans le projet ITER et que la Chine et la Corée ne rejoignent à leur tour le partenariat, il n'y avait pas réalistement de motifs de douter que le site d'ITER serait construit en Europe, d'autant plus que ce choix semblait le mieux à même de garantir la réussite du projet ITER, comme cela avait été le cas pour JET.

    5.3

    Mais les États-Unis et la Corée ont changé la donne en indiquant à l'heure actuelle leur préférence pour le site de Rokkasho-Mura au Japon, malgré les avantages techniques évidents du site de Caradache, que chacun s'accorde à reconnaître. Si le site japonais devait l'emporter, l'Europe perdrait sa position de leader et du même coup le fruit des efforts et des investissements qu'elle a consentis jusqu'ici, avec toutes les conséquences que cela implique pour la recherche et l'industrie européennes.

    5.4

    C'est pourquoi le CESE prend acte, se félicite et appuie la décision du Conseil européen des 25 et 26 mars 2004 dans lequel «réaffirmant son soutien unanime à la candidature européenne pour le projet ITER, le Conseil européen invite la Commission à faire avancer les négociations pour que ce projet puisse être lancé rapidement sur le site européen candidat».

    6.   Conclusions et recommandations du Comité

    6.1

    Le Comité partage l'avis de la Commission qui estime que l'utilisation pacifique de l'énergie de fusion possède le potentiel nécessaire pour contribuer très largement à résoudre durablement la question de l'approvisionnement énergétique dans une perspective de durabilité, de respect de l'environnement et de compétitivité.

    6.1.1

    Cette opinion se base sur les avantages potentiels de ces technologies d'avenir, à savoir:

    réserves illimitées, à l'échelle de périodes historiques, de deutérium et de lithium;

    pas d'émission de gaz responsables des changements climatiques ni produits de fission ou actinides;

    aucun risque d'une excursion de puissance incontrôlée (38) grâce aux caractéristiques sécuritaires intrinsèques;

    radioactivité des matériaux de la chambre de combustion qui peut redescendre au niveau de la radiotoxicité des poussières de charbon après une centaine ou tout au plus quelques centaines d'années, ce qui permet de limiter substantiellement les problèmes liés au stockage définitif des produits radioactifs;

    en raison des propriétés citées précédemment et de la faible proportion des substances radiotoxiques facilement libérables, dommages relativement limités même en cas d'attaques terroristes.

    6.1.2

    Le potentiel de l'énergie de fusion vient s'ajouter notamment à celui des sources d'énergie renouvelables, tout en présentant par rapport à l'énergie éolienne et l'énergie solaire l'avantage de n'être pas dépendant des conditions climatiques ni de connaître de variations quotidiennes ou annuelles. C'est également vrai pour ce qui concerne un rapport adapté aux besoins entre systèmes centralisés et systèmes décentralisés.

    6.1.3

    C'est pourquoi dans plusieurs de ses avis (39), le Comité s'est déjà prononcé en faveur d'une promotion claire et accrue du programme de recherche et développement sur la fusion nucléaire.

    6.2

    Le Comité se félicite que l'on ait franchi, principalement grâce au programme européen de fusion et à son projet expérimental européen JET, une première étape décisive dans la recherche mondiale sur la fusion nucléaire, c'est-à-dire que l'on soit parvenu à démontrer la faisabilité du principe physique de production d'énergie par fusion nucléaire, jetant ainsi les bases du réacteur expérimental ITER dans lequel il devrait être possible pour la première fois de produire et d'étudier un plasma de fusion qui produirait largement plus d'énergie qu'il ne lui en serait injecté.

    6.3

    Par conséquent, les années de R&D et les investissements qui ont été consentis dans le secteur grâce à une coopération mondiale ont permis d'arriver jusqu'au stade décisionnel en ce qui concerne les travaux de planification et les mesures politiques relatifs à la construction et à l'exploitation du réacteur expérimental ITER, dont les dimensions s'apparentent déjà à celles d'une centrale électrique.

    6.4

    Le CESE souligne à cet égard le travail de pionnier du programme européen Fusion nucléaire, sans lequel le projet ITER n'aurait jamais vu le jour.

    6.5

    Les premiers résultats d'ITER devront fournir les données de base nécessaires à la conception et la construction de DEMO, premier réacteur à fusion de démonstration produisant de l'électricité. La construction de DEMO pourrait ainsi débuter d'ici 20 à 25 ans.

    6.6

    Le Comité soutient la Commission dans sa volonté de préparer l'Europe sur le plan stratégique à occuper aussi une position de force dans la phase d'exploitation commerciale et donc de recentrer dès aujourd'hui une partie de son programme de recherche sur la fusion sur «l'après ITER», en vue de DEMO.

    6.7

    Le développement de DEMO requiert de s'interroger sur les aspects essentiels, qu'ITER doit déjà permettre d'examiner et de démontrer, mais aussi de progresser encore dans d'autres domaines importants, notamment l'optimisation de la configuration magnétique, le développement des matériaux (améliorations par exemple en ce qui concerne l'érosion induite par le plasma, les dommages causés par les neutrons, la décroissance de la radioactivité induite), le cycle du combustible, l'extraction d'énergie, l'activation des flux de plasma et le contrôle de leur distribution interne, le rendement ainsi que la fiabilité des composants.

    6.7.1

    Le Comité souligne que de telles améliorations ne seront possibles que via un programme européen d'accompagnement de R&D à grande échelle, qui intègre les États membres et requiert la mise en place d'un réseau d'expérimentations et de grandes installations physiques et surtout techniques, qui devra venir appuyer et compléter ITER.

    6.8

    Le Comité estime qu'il est particulièrement important que l'Europe continue sur sa lancée et s'engage avec fermeté, détermination et les moyens nécessaires pour faire face aux défis que pose un objectif aussi ambitieux sur le plan scientifique et technique et aussi crucial pour l'approvisionnement énergétique à long terme. Cela montrerait également que l'Europe s'engage sérieusement à remplir les objectifs des stratégies de Lisbonne et de Göteborg.

    6.8.1

    Pour y parvenir, il convient d'une part de dégager les moyens nécessaires à la recherche dans le secteur de l'énergie en général et à la réussite du programme Fusion dans le cadre du futur 7ème programme-cadre de R&D et du programme EURATOM en particulier, en y consacrant des moyens beaucoup plus importants, et en exploitant pleinement les autres possibilités de financement d'ITER.

    6.8.2

    Il s'agit d'autre part de garantir la présence de ressources humaines suffisantes en ce qui concerne les experts en physique et en technique afin de disposer du nombre suffisant d'experts européens nécessaire au fonctionnement d'ITER et au développement de DEMO. À cet égard, le Comité renvoie également à son avis récent sur la question (40).

    6.8.3

    Cela suppose que les établissements d'enseignement supérieur et les centres de recherche restent dans le réseau: d'une part pour inculquer aux jeunes scientifiques et ingénieurs les connaissances techniques nécessaires, d'autre part pour participer, munis de leur expertise et de leurs équipements, aux missions à venir et enfin, pour que ceux-ci puissent jouer un rôle de passerelle avec la société civile.

    6.8.4

    Enfin, une autre tâche essentielle consiste à rechercher et à s'assurer en temps utile l'engagement, dont la nécessité se fait de plus en plus sentir, de l'industrie européenne dans ce domaine caractérisé par de multiples développements scientifiques et technologiques de pointe. Alors que dans le programme de fusion actuel, l'industrie européenne avait joué essentiellement un rôle de concepteur et fournisseur de composants hautement spécialisés et sophistiqués — expériences qu'il convient de cultiver et de préserver — il conviendrait qu'elle assume progressivement, au fur et à mesure que se rapproche la mise en application des réacteurs de fusion, un rôle plus indépendant et plus décisionnel.

    6.8.5

    Les investissements conséquents, qui bénéficieront à l'industrie, prévus pour la construction d'ITER et le développement de DEMO induiront non seulement une relance économique mais aussi, et c'est plus important, un accroissement des compétences et de l'innovation dans un domaine techniquement ambitieux et encore largement inexploré. Cette réflexion se voit confortée par les nombreuses retombées technologiques qu'a eues le programme de fusion jusqu'à maintenant.

    6.9

    Au niveau international, l'Europe se trouve placée devant des défis multiples: elle doit d'une part affirmer son rôle de leader dans la recherche sur la fusion tant face au secteur de la recherche très performant des États-Unis que face à la montée en puissance des trois partenaires asiatiques (41) d'ITER. D'autre part, elle doit préserver et renforcer du mieux possible la coopération internationale exemplaire qui s'est mise en place jusqu'à maintenant.

    6.10

    C'est pourquoi le Comité ne peut qu'encourager la Commission à relever ce défi. Il invite instamment le Conseil, le Parlement et les États membres à se rallier à cet objectif et à ne pas céder aussi facilement la position de leader de l'Europe dans ce secteur d'avenir, ce qui ne semble pas toujours être le cas actuellement.

    6.11

    Avant que les États-Unis ne reprennent leur place dans le projet ITER et que la Chine et la Corée ne rejoignent à leur tour le partenariat, il n'y avait pas réalistement de motifs de douter que le site d'ITER serait construit en Europe, d'autant plus que ce choix semblait le mieux à même de garantir la réussite du projet ITER, comme cela avait été le cas pour JET.

    6.12

    Mais les États-Unis et la Corée ont changé la donne en indiquant à l'heure actuelle leur préférence pour le site de Rokkasho-Mura au Japon, malgré les avantages techniques évidents du site de Caradache, que chacun s'accorde à reconnaître. Si le site japonais devait l'emporter, l'Europe perdrait sa position de leader et du même coup le fruit des efforts et des investissements qu'elle a consentis jusqu'ici, avec toutes les conséquences que cela implique pour la recherche et l'industrie européennes.

    6.13

    C'est pourquoi le CESE prend acte, se félicite et appuie la décision du Conseil européen des 25 et 26 mars 2004 dans lequel «réaffirmant son soutien unanime à la candidature européenne pour le projet ITER, le Conseil européen invite la Commission à faire avancer les négociations pour que ce projet puisse être lancé rapidement sur le site européen candidat».

    6.14

    Pour résumer et dans le même esprit, le Comité invite instamment le Conseil, le Parlement et la Commission à prendre l'initiative, à épuiser véritablement toutes les possibilités et à proposer le cas échéant de nouveaux concepts structurels de division internationale du travail pour que le projet ITER, étant donné son rôle stratégique clé dans le développement d'une importante source d'énergie durable, puisse en tout état de cause être réalisé en Europe.

    Bruxelles, le 30 juin 2004.

    Le Président

    du Comité économique et social européen

    Roger BRIESCH


    (1)  L'énergie n'est pas consommée mais simplement transformée pour être utilisée. Cette transformation se fait selon des procédés appropriés, par exemple la combustion de charbon, la transformation de l'énergie éolienne en électricité ou la fission nucléaire (conservation de l'énergie; E = mc2). On parle alors également «d'approvisionnement en énergie», «de production d'énergie» ou de «consommation d'énergie».

    (2)  «Promouvoir les énergies renouvelables: moyens d'action et instruments de financement», «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de la cogénération sur la base de la demande de chaleur utile dans le marché intérieur de l'énergie», «Proposition de directive (Euratom) du Conseil définissant les obligations de base et les principes généraux dans le domaine de la sûreté des installations nucléaires» et «Proposition de directive (Euratom) du Conseil sur la gestion du combustible nucléaire irradié et des déchets radioactifs», «Les enjeux du nucléaire pour la production d'électricité».

    (3)  «Livre vert — Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique».

    (4)  «Les besoins en recherche pour la sécurité et la durabilité de l'approvisionnement énergétique».

    (5)  «Les besoins en recherche pour la sécurité et la durabilité de l'approvisionnement énergétique».

    (6)  Les crises pétrolières précédentes (par exemple en 1973 et 1979) annonçaient déjà toute cette problématique, de même que la controverse actuelle, caractéristique du conflit qui existe entre économie et écologie, sur l'attribution de certificats d'émission.

    (7)  Citation extraite du document: «Aussi le Comité recommande-t-il que la Commission élabore une stratégie de recherche européenne intégrée dans le secteur de l'énergie, qui servira de base à un futur programme complet de recherche européen dans ce secteur».

    (8)  C'est ainsi que l'on peut craindre une pénurie inquiétante de carburants plus tôt que prévu.

    (9)  «Les enjeux du nucléaire pour la production d'électricité».

    (10)  Des isotopes sont des atomes d'un même élément mais qui ont une masse différente (un nombre différent de neutrons dans le noyau).

    (11)  «Les enjeux du nucléaire pour la production d'électricité».

    (12)  Le cas échéant, le processus de fusion, et lui seul, doit être brièvement interrompu environ toutes les heures.

    (13)  L'hélium a un noyau extrêmement stable et est chimiquement inerte (d'où son nom de gaz rare).

    (14)  Généralement 1000 km/s.

    (15)  La radiotoxicité est la mesure de la nocivité d'une certaine quantité de radionucléides ayant pénétré dans l'organisme humain sur la base de leur effet de radiation.

    (16)  À ces températures, un gaz est totalement ionisé (c'est-à-dire que les électrons chargés négativement ne sont plus liés à l'enveloppe électronique mais se déplacent librement comme le noyau chargé positivement) est donc un bon conducteur d'électricité et peut notamment être confiné dans un champ électromagnétique. C'est cet état de la matière que l'on nomme «plasma».

    (17)  Pour l'explication du processus de combustion thermonucléaire, cf. le paragraphe 3.9.

    (18)  «Je suis prêt à parier que nous trouverons dans les vingt prochaines années une méthode de libération de l'énergie de fusion de manière contrôlée».

    (19)  Rev. Mod. Phys. 28, 338 (1956).

    (20)  Mais les problèmes techniques paraissent presque insurmontables. Certains physiciens, quand ils en prendront conscience, n'hésiteront pas à affirmer que le problème est insoluble.

    (21)  Toroïdal: en forme d'anneau.

    (22)  Inspirée d'une variante du principe du TOKAMAK.

    (23)  C'est donc le projet JET qui a permis de concrétiser la méthode visionnaire de BHABHA et de montrer que son hypothèse était exacte.

    (24)  À l'origine abréviation de International Thermonuclear Experimental Reactor, devenue un acronyme.

    (25)  Interaction plasma-paroi.

    (26)  C'est-à-dire que le plasma (de fusion) libère une énergie (de fusion) 10 fois supérieure à celle qui lui est apportée de l'extérieur par des antennes de chauffage spéciales comme des injecteurs de neutres très puissants ou des émetteurs haute fréquence.

    (27)  D'après le document COM(2003) 215 final, les coûts d'ITER sont évalués pour la phase de construction à 4.570 millions d'euros (valeur 2002).

    (28)  Cf. par exemple: «Spin-off benefits from Fusion R&D» EUR 20229-Fusion energy-Moving forward ISBN 92-894-4721-4 ainsi que la brochure intitulée «Making a Difference» du Culham Science Centre, Abingdon, Oxfordshire OX14 3DB, U.K.

    (29)  Par manque de place, il est impossible ici de donner une description détaillée de l'histoire politique complexe et pleine de rebondissements du projet.

    (30)  On citera ici notamment le Stellarator.

    (31)  Par comparaison, une centrale à charbon nécessite près de 1000 t de charbon pour y parvenir.

    (32)  1 GW (Gigawatt) égale 1 000 MW (Megawatt).

    (33)  Le lithium se trouve dans certaines roches, dans l'eau des lacs salés, dans les sources géothermiques et minérales, dans l'eau pompée dans des puits de pétrole et dans l'eau de mer. Les réserves connues à l'heure actuelle sont dix fois supérieures à la quantité nécessaire pour combler l'ensemble des besoins énergétiques mondiaux pendant plusieurs milliers d'années.

    (34)  Par comparaison, une centrale à charbon émet environ 1 000 t de CO2 pour la même production d'énergie.

    (35)  À l'exception des premières installations, qui pourraient par exemple faire appel aux réacteurs à fission qui utilisent l'eau lourde comme modérateur (au Canada).

    (36)  Près d'Aix-en-Provence, au nord-ouest de Marseille, en France.

    (37)  Dans le nord du Japon.

    (38)  ou de libération d'énergie dans le temps.

    (39)  «…et en encourageant le développement de la filière de la fusion».

    (40)  Avis du Comité sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Les chercheurs dans l'espace européen de la recherche: une profession, des carrières multiples».

    (41)  La Chine, le Japon et la Corée (du Sud).


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