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Document 62016CC0284

    Conclusions de l'avocat général M. M. Wathelet, présentées le 19 septembre 2017.
    Slowakische Republik contre Achmea BV.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.
    Renvoi préjudiciel – Traité bilatéral d’investissement conclu en 1991 entre le Royaume des Pays‑Bas et la République fédérale tchèque et slovaque et toujours applicable entre le Royaume des Pays‑Bas et la République slovaque – Disposition permettant à un investisseur d’une partie contractante de saisir un tribunal arbitral en cas de litige avec l’autre partie contractante – Compatibilité avec les articles 18, 267 et 344 TFUE – Notion de “juridiction” – Autonomie du droit de l’Union.
    Affaire C-284/16.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:699

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. MELCHIOR WATHELET

    présentées le 19 septembre 2017 ( 1 )

    Affaire C‑284/16

    Slowakische Republik

    contre

    Achmea BV

    [demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

    « Renvoi préjudiciel – Principes du droit de l’Union – Traité bilatéral d’investissement conclu en 1991 entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale tchèque et slovaque et toujours applicable entre le Royaume des Pays-Bas et la République slovaque – Compatibilité du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États instauré par un traité bilatéral d’investissement interne à l’Union européenne avec l’article 18, paragraphe 1, TFUE et les articles 267 et 344 TFUE »

    Table des matières

     

    I. Introduction

     

    II. Le cadre juridique

     

    A. Le traité FUE

     

    B. Le TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie

     

    C. Le droit allemand

     

    III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

     

    IV. La procédure devant la Cour

     

    V. Analyse

     

    A. Observations liminaires

     

    B. Sur la troisième question préjudicielle

     

    1. Sur la recevabilité

     

    2. Sur le fond

     

    C. Sur la deuxième question préjudicielle

     

    1. L’origine légale des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI

     

    2. La permanence des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI

     

    3. Le caractère obligatoire de la juridiction des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI

     

    4. La nature contradictoire de la procédure devant les tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI, l’application par eux de règles de droit dans la résolution des litiges qui leur sont soumis ainsi que l’indépendance et l’impartialité des arbitres

     

    D. Sur la première question préjudicielle

     

    1. Un différend entre un investisseur et un État membre, tel que celui visé par l’article 8 dudit TBI, est-il visé par l’article 344 TFUE ?

     

    2. Le différend en cause est-il « relatif à l’interprétation ou à l’application des traités » ?

     

    a) La compétence du tribunal arbitral se limite à statuer sur des violations du TBI

     

    b) Le champ d’application dudit TBI et les normes juridiques introduites par celui-ci ne sont pas identiques à ceux des traités UE et FUE

     

    1) Le champ d’application dudit TBI est plus large que celui des traités UE et FUE

     

    2) Les normes juridiques dudit TBI qui sont sans équivalent dans le droit de l’Union et qui ne sont pas incompatibles avec celui-ci

     

    i) La clause NPF

     

    ii) La clause de respect des engagements contractuels, dite « umbrella clause »

     

    iii) La clause sunset

     

    iv) Le recours à l’arbitrage international en tant que mécanisme de RDIE

     

    3) Le chevauchement des autres dispositions dudit TBI avec certaines dispositions des traités UE et FUE n’est que partiel

     

    i) La protection et la sécurité pleines et entières des investissements

     

    ii) Le traitement juste et équitable des investissements

     

    iii) L’interdiction des expropriations illégales

     

    3. Le TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie a-t-il, au regard de sa finalité, pour effet de porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et, partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union ?

     

    VI. Conclusion

    I. Introduction

    1.

    La présente demande de décision préjudicielle a été soumise dans le cadre d’un recours introduit devant les juridictions allemandes en vue de l’annulation de la sentence finale du 7 décembre 2012, rendue par le tribunal arbitral composé par M. Vaughan Lowe, QC (président), MM. Albert Jan van den Berg et V. V. Veeder, QC (arbitres), et constitué conformément à l’accord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale tchèque et slovaque (ci-après le « TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie ») ( 2 ) et au règlement d’arbitrage de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI), la Cour permanente d’arbitrage (CPA) faisant fonction de greffe ( 3 ).

    2.

    Cette demande offre à la Cour la première opportunité de s’exprimer sur la question épineuse de la compatibilité des TBI ( 4 ) conclus entre États membres ( 5 ), et notamment des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (ci-après les « RDIE ») instaurés par ceux-ci, avec les articles 18, 267 et 344 TFUE.

    3.

    Cette question revêt une importance primordiale au vu des 196 TBI internes à l’Union qui sont en vigueur à présent ( 6 ) et des nombreuses procédures arbitrales entre investisseurs et États membres lors desquelles la Commission européenne est intervenue en tant qu’amicus curiae afin de soutenir sa thèse selon laquelle les TBI internes à l’Union sont incompatibles avec le traité FUE, thèse que les tribunaux arbitraux ont systématiquement rejetée comme non fondée ( 7 ).

    II. Le cadre juridique

    A. Le traité FUE

    4.

    L’article 18, premier alinéa, TFUE dispose que, « [d]ans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ».

    5.

    L’article 267, premier à troisième alinéas, TFUE dispose :

    « La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

    a)

    sur l’interprétation des traités,

    b)

    sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.

    Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

    Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. »

    6.

    L’article 344 TFUE prévoit que « [l]es États membres s’engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci ».

    B. Le TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie

    7.

    Le TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie a été conclu le 29 avril 1991 et est entré en vigueur le 1er octobre 1992 ( 8 ). La République slovaque, en tant qu’ayant droit de la République fédérale tchèque et slovaque, a succédé aux droits et aux obligations de cette dernière le 1er janvier 1993 et est devenue membre de l’Union le 1er mai 2004.

    8.

    Ce TBI a été conclu en langues tchèque, anglaise et néerlandaise, la version en langue anglaise faisant foi en cas de différence d’interprétation.

    9.

    L’article 2 dudit TBI prévoit que « [c]haque partie contractante promeut dans son territoire les investissements des investisseurs de l’autre partie contractante et admet pareils investissements conformément aux dispositions de son droit» ( 9 ).

    10.

    L’article 3 dudit TBI dispose ce qui suit :

    « 1)   Chaque partie contractante assure un traitement juste et équitable aux investissements des investisseurs de l’autre partie contractante et n’empêchera pas, par des mesures irraisonnables et discriminatoires, l’opération, la gestion, l’usage, la jouissance ou la cession de ceux-ci par ces investisseurs [ ( 10 )].

    2)   Plus particulièrement, chaque partie contractante accordera à pareils investissements une protection et une sécurité pleines qui, de toute façon, ne seront pas moindres que celles accordées soit aux investissements de ses propres investisseurs soit aux investissements de n’importe quel État tiers, selon ce qui est plus favorable à l’investisseur concerné [ ( 11 )].

    3)   Les dispositions de cet article ne doivent pas être interprétées comme obligeant chacune des parties contractantes à accorder aux investissements des investisseurs de l’autre partie contractante des préférences et avantages semblables à ceux accordés à des investisseurs d’un État tiers.

    (a)

    en vertu de la participation de ce dernier à des unions douanière ou économique ou à des institutions similaires existantes ou à venir […] [ ( 12 )].

    4)   Chacune des parties contractantes assure le respect de tout engagement qu’elle aura pris envers les investisseurs de l’autre partie contractante [ ( 13 )].

    5)   Si les dispositions du droit de chacune des parties contractantes ou les obligations au titre du droit international existant à présent ou établies ci-après entre les parties contractantes outre le présent accord contiennent des règles, générales ou spécifiques, accordant à des investissements des investisseurs de l’autre partie contractante un traitement plus favorable que celui qui est prévu par le présent accord, ces règles priment sur le présent accord dans la mesure où elles sont plus favorables [ ( 14 )]. »

    11.

    L’article 4 dispose que « [c]hacune des parties contractantes garantira que les paiements relatifs à un investissement peuvent être transférés. Les transferts se feront en monnaie librement convertible sans restriction ou retard injustifié […]» ( 15 ). Le libre transfert des paiements couvre, entre autres, les bénéfices, intérêts et dividendes.

    12.

    L’article 5 prévoit qu’« [a]ucune des parties contractantes ne prendra de mesures privant, directement ou indirectement, des investisseurs de l’autre partie contractante de leurs investissements» ( 16 ) à moins que trois conditions ne soient remplies, à savoir que les mesures soient prises dans l’intérêt général et conformément à la procédure légale requise, qu’elles ne soient pas discriminatoires et qu’elles soient accompagnées d’une provision pour le paiement d’une juste compensation. Selon cette disposition, l’indemnité doit représenter la valeur réelle (genuine value) de l’investissement.

    13.

    L’article 8 énonce :

    « 1)   Tout différend entre l’une des parties contractantes et un investisseur de l’autre partie contractante relatif à un investissement de ce dernier est, autant que possible, réglé à l’amiable [ ( 17 )].

    2)   Chacune des parties contractantes consent par la présente à ce qu’un différend au sens du paragraphe 1 du présent article soit soumis à un tribunal arbitral s’il n’a pas été réglé à l’amiable dans un délai de six mois à partir de la date à laquelle l’une des parties au différend en a demandé le règlement amiable [ ( 18 )].

    3)   Le tribunal arbitral visé au paragraphe 2 du présent article est constitué pour chaque cas de la manière suivante : chaque partie au différend désigne un arbitre et les deux arbitres ainsi désignés choisissent ensemble un troisième arbitre, ressortissant d’un État tiers, qui sera président du tribunal. Chaque partie au différend désigne son arbitre dans les deux mois à compter de la date à laquelle l’investisseur a notifié à l’autre partie contractante sa décision de soumettre le différend à un tribunal arbitral, et le président est désigné dans un délai de trois mois à compter de la même date [ ( 19 )].

    4)   Si les désignations n’ont pas eu lieu dans les délais susindiqués, chaque partie au différend peut inviter le président de l’Institut d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm à procéder aux désignations nécessaires. Si le président est ressortissant de l’une des parties contractantes ou s’il est dans l’impossibilité d’exercer ladite fonction pour toute autre raison, le vice-président est invité à procéder aux désignations nécessaires. Si le vice-président est un ressortissant de l’une des parties contractantes ou s’il est également dans l’impossibilité d’exercer ladite fonction, le membre le plus âgé de l’Institut d’arbitrage qui n’a pas la nationalité de l’une des parties contractantes est invité à procéder aux désignations nécessaires [ ( 20 )].

    5)   Le tribunal arbitral fixe ses propres règles de procédure conformément au règlement d’arbitrage de la [CNUDCI] [ ( 21 )].

    6)   Le tribunal arbitral statue en droit, en tenant compte notamment, mais non exclusivement :

    du droit en vigueur de la partie contractante concernée ;

    des dispositions du présent accord et de tout autre accord pertinent entre les parties contractantes ;

    des dispositions d’accords spéciaux relatifs à l’investissement ;

    des principes généraux du droit international [ ( 22 )].

    7)   Le tribunal statue à la majorité des votes ; sa décision est définitive et obligatoire pour les parties au différend [ ( 23 )]. »

    14.

    L’article 13 dispose :

    « 1)   Le présent accord […] reste en vigueur pour une période de dix ans [ ( 24 )].

    2)   À moins qu’un préavis de dénonciation ne soit donné par l’une ou l’autre des parties contractantes au moins six mois avant la date d’expiration de sa validité, le présent accord sera tacitement renouvelé pour une période de dix ans, chacune des parties contractantes se réservant le droit de dénoncer l’accord par préavis d’au moins six mois avant l’expiration de la présente période de validité [ ( 25 )].

    3)   À l’égard des investissements réalisés avant la date à laquelle le présent accord prendra fin, les articles précédents restent effectifs pour une période supplémentaire de quinze ans à partir de cette date [ ( 26 )].

    […] »

    C. Le droit allemand

    15.

    L’article 1040 de la Zivilprozessordnung (code de procédure civile), intitulé « Compétence du tribunal arbitral pour statuer sur sa propre compétence », dispose :

    « (1)

    Le tribunal peut statuer sur sa propre compétence, y compris sur toute exception relative à l’existence ou à la validité de la convention d’arbitrage. […]

    (2)

    L’exception d’incompétence du tribunal arbitral peut être soulevée au plus tard lors du dépôt des conclusions en défense. […]

    (3)

    Si le tribunal arbitral estime qu’il est compétent, il statue sur l’exception visée au paragraphe 2 en règle générale par une sentence intérimaire. […] »

    16.

    L’article 1059 du code de procédure civile, intitulé « Demande d’annulation », énonce :

    « (1)

    Le recours formé devant un tribunal étatique contre une sentence arbitrale ne peut prendre la forme que d’une demande d’annulation conformément aux paragraphes 2 et 3.

    (2)

    La sentence arbitrale ne peut être annulée que si

    1.

    la partie en faisant la demande est fondée à faire valoir

    a)

    […] que [la convention d’arbitrage] n’est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l’ont subordonnée ou, à défaut d’une indication à cet égard, en vertu de la loi allemande ou

    […]

    2.

    si le juge national compétent constate

    […]

    b)

    que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence conduirait à un résultat contraire à l’ordre public.

    […] »

    III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

    17.

    Achmea BV, anciennement Eureko BV, est une entreprise appartenant à un groupe d’assurances néerlandais.

    18.

    Dans le cadre d’une réforme de son système de santé, la République slovaque a, au cours de l’année 2004, ouvert le marché slovaque aux opérateurs nationaux et étrangers offrant des prestations d’assurance maladie privée. Après avoir obtenu l’agrément en tant qu’organisme d’assurance maladie, Achmea a établi en Slovaquie une filiale (Union Healthcare), à laquelle elle a apporté des capitaux (environ 72 millions d’euros) et par l’intermédiaire de laquelle elle offrait des assurances maladie privées.

    19.

    Après un changement de gouvernement en 2006, la République slovaque est partiellement revenue sur la libéralisation du marché de l’assurance maladie. Elle a interdit d’abord l’intervention de courtiers d’assurances, ensuite la distribution des bénéfices générés par les activités d’assurance maladie et enfin la vente de portefeuilles d’assurance. Par un arrêt du 26 janvier 2011, l’Ústavný súd Slovenskej republiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque) a jugé que l’interdiction légale de distribuer les bénéfices était contraire à la Constitution. Par une loi portant réforme de l’assurance maladie entrée en vigueur le 1er août 2011, la République slovaque a de nouveau autorisé la distribution des bénéfices.

    20.

    Estimant que les mesures législatives de la République slovaque constituaient des violations de l’article 3, paragraphes 1 et 2, et des articles 4 et 5 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie, Achmea a, dès le mois d’octobre 2008, initié contre cet État une procédure arbitrale, en application de l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie, et a demandé des dommages et intérêts d’un montant de 65 millions d’euros.

    21.

    Le tribunal arbitral et les parties ont convenu que la CPA fasse fonction de greffe et que la langue de procédure soit l’anglais. Par son ordonnance procédurale no 1, le tribunal arbitral a fixé le lieu d’arbitrage à Francfort-sur-le-Main (Allemagne).

    22.

    Dans le cadre de la procédure arbitrale, la République slovaque a soulevé une exception d’incompétence du tribunal arbitral. Elle a fait valoir que le traité FUE régissait la même matière que le TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie et que par conséquent ce dernier devait être considéré comme inapplicable ou ayant pris fin conformément aux articles 30 et 59 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (ci-après la « convention de Vienne ») ( 27 ). La République slovaque a également soutenu que, en conséquence, la convention d’arbitrage contenue à l’article 8, paragraphe 2, de ce TBI ne pouvait donc être appliquée puisqu’elle était incompatible avec le traité FUE. À cet égard, elle ajoute que la Cour a une compétence exclusive sur les demandes d’Achmea et que certaines dispositions dudit TBI comme son article 4 concernant le libre transfert des paiements ont été jugées incompatibles avec le traité FUE par la Cour ( 28 ).

    23.

    Par sa sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, le tribunal arbitral a rejeté cette exception d’incompétence et s’est déclaré compétent ( 29 ). Le recours en annulation contre cette sentence introduit par la République slovaque devant les juridictions allemandes n’a pas prospéré.

    24.

    Par sentence finale du 7 décembre 2012, le tribunal arbitral a jugé qu’une partie des mesures prises par la République slovaque, à savoir l’interdiction de distribution des bénéfices ( 30 ) et l’interdiction de transferts ( 31 ), violait l’article 3 (traitement juste et équitable) et l’article 4 (libre transfert des paiements) dudit TBI et a condamné la République slovaque à payer à Achmea des dommages et intérêts d’un montant de 22,1 millions d’euros majoré d’intérêts ainsi que les frais d’arbitrage et les frais et honoraires d’avocat d’Achmea ( 32 ).

    25.

    Le lieu d’arbitrage se situant à Francfort-sur-le-Main, la République slovaque a introduit un recours en annulation de la sentence finale devant l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main, Allemagne). Celui-ci ayant décidé de rejeter ce recours, la République slovaque a formé un pourvoi contre cette décision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne).

    26.

    Dans ce contexte, la République slovaque soutient que la sentence finale doit être annulée parce qu’elle est contraire à l’ordre public et que la convention d’arbitrage ayant donné lieu à cette sentence est également nulle et contraire à l’ordre public ( 33 ).

    27.

    Quant à la contrariété de la sentence finale avec l’ordre public, la République slovaque soutient que le tribunal arbitral, n’ayant pas la possibilité de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, n’a pas tenu compte de dispositions de rang supérieur du droit de l’Union en matière de libre circulation des capitaux et a violé ses droits de la défense lorsqu’il a établi le montant du préjudice.

    28.

    En ce qui concerne la nullité de la convention d’arbitrage instaurée par l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie, la République slovaque soutient que cette convention est contraire aux articles 267 et 344 TFUE ainsi qu’au principe de non-discrimination énoncé à l’article 18 TFUE.

    29.

    Même si le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) ne partage pas les doutes émis par la République slovaque quant à la compatibilité de l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie avec les articles 18, 267 et 344 TFUE, il a constaté que la Cour ne s’était pas encore prononcée sur ces questions et qu’il serait impossible de déduire la réponse de la jurisprudence existante avec une certitude suffisante, surtout compte tenu de la position de la Commission qui est intervenue au soutien de la République slovaque tant lors de l’arbitrage en cause que dans la procédure d’annulation devant les juridictions allemandes.

    30.

    Pour ces raisons, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    L’article 344 TFUE fait-il obstacle à l’application d’une clause d’un accord bilatéral d’investissement entre États membres de l’Union (ce qu’il est convenu d’appeler un “TBI interne à l’Union”), prévoyant qu’un investisseur d’un État contractant peut, en cas de litige concernant des investissements dans l’autre État contractant, introduire une procédure contre ce dernier État devant un tribunal arbitral, lorsque ledit accord a été conclu avant l’adhésion de l’un des États contractants à l’Union européenne, mais que la procédure arbitrale ne sera introduite qu’après cette date ?

    En cas de réponse négative à la première question :

    2)

    L’article 267 TFUE fait-il obstacle à l’application d’une telle disposition ?

    En cas de réponse négative aux première et deuxième questions :

    3)

    Dans les conditions décrites dans la première question, l’article 18, premier alinéa, TFUE fait-il obstacle à l’application d’une telle disposition ? »

    IV. La procédure devant la Cour

    31.

    La présente demande de décision préjudicielle a été déposée à la Cour le 23 mai 2016. La République slovaque, Achmea, les gouvernements tchèque, estonien, grec, espagnol, chypriote, hongrois, néerlandais, autrichien, polonais, roumain et finlandais ainsi que la Commission ont déposé des observations écrites.

    32.

    Une audience s’est tenue le 19 juin 2016 lors de laquelle la République slovaque, Achmea, les gouvernements tchèque, allemand, estonien, grec, espagnol, français, italien, chypriote, letton, hongrois, néerlandais, autrichien, polonais, roumain et finlandais ainsi que la Commission ont présenté leurs observations orales.

    V. Analyse

    A. Observations liminaires

    33.

    Avant d’aborder les trois questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, j’aimerais faire quelques remarques liminaires.

    34.

    Les États membres qui sont intervenus dans la présente affaire se divisent en deux groupes. Le premier se compose de la République fédérale d’Allemagne, de la République française, du Royaume des Pays-Bas, de la République d’Autriche et de la République de Finlande, qui sont essentiellement des pays d’origine des investisseurs et, par conséquent, jamais ou rarement cités comme parties défenderesses dans des procédures arbitrales lancées par des investisseurs, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande ne l’ayant jamais été ( 34 ), la République fédérale d’Allemagne l’ayant été dans trois cas ( 35 ) et la République française ( 36 ) ainsi que la République d’Autriche ne l’ayant été que dans un seul cas ( 37 ).

    35.

    Le second groupe est formé par la République tchèque, la République d’Estonie, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République italienne, la République de Chypre, la République de Lettonie, la Hongrie, la République de Pologne, la Roumanie et la République slovaque. Ces États ont tous été cités comme parties défenderesses dans plusieurs procédures d’arbitrage d’investissement internes à l’Union, la République tchèque l’ayant été 26 fois, la République d’Estonie 3 fois, la République hellénique 3 fois, le Royaume d’Espagne 33 fois, la République italienne 9 fois, la République de Chypre 3 fois, la République de Lettonie 2 fois, la Hongrie 11 fois, la République de Pologne 11 fois, la Roumanie 4 fois et la République slovaque 9 fois ( 38 ).

    36.

    Face à ces réalités économiques, il n’est guère étonnant que les États membres du second groupe soient intervenus pour soutenir la thèse de la République slovaque, elle-même partie défenderesse à l’arbitrage d’investissement en cause dans la présente affaire.

    37.

    Il est, en revanche, étonnant que, dans ce second groupe qui défend l’incompatibilité des TBI internes à l’Union avec les traités UE et FUE, seule la République italienne ait mis fin à ses TBI internes à l’Union à l’exception du TBI Italie/Malte, alors que les autres États membres de ce groupe les maintiennent, tous ou la majorité d’entre eux, en vigueur, permettant ainsi à leurs propres investisseurs d’en bénéficier. En effet, les arbitrages d’investissement lancés par des investisseurs de ces États membres sont nombreux et sont très souvent dirigés contre un autre État membre du même groupe ( 39 ).

    38.

    Interrogée lors de l’audience sur la raison pour laquelle elle ne dénonçait pas au moins les TBI signés avec les États membres qui, dans la présente affaire, plaidaient comme elle qu’ils étaient incompatibles avec le droit de l’Union ( 40 ), la République slovaque a invoqué l’objectif que ses propres investisseurs ne soient pas victimes d’une discrimination par rapport aux investisseurs des autres États membres dans les États membres avec lesquels elle n’aurait plus de TBI. Toutefois, ce souci ne l’a pas empêchée de mettre fin à son TBI avec la République italienne. En même temps, ses propres investisseurs continuent à bénéficier des TBI conclus avec des États membres du même groupe, comme le démontre, par exemple, la procédure arbitrale Poštová banka, a.s. et Istrokapital SE c/ République hellénique (affaire CIRDI no ARB/13/8).

    39.

    La thèse de la Commission m’interpelle également.

    40.

    En effet, pendant une très longue période, la thèse des institutions de l’Union, y compris de la Commission, consistait à dire que, loin d’être incompatibles avec le droit de l’Union, les TBI étaient des instruments nécessaires pour préparer l’adhésion à l’Union des pays de l’Europe centrale et orientale. Les accords d’association signés entre l’Union et les pays candidats comprenaient d’ailleurs des dispositions prévoyant la conclusion de TBI entre les États membres et les pays candidats ( 41 ).

    41.

    Lors de l’audience, la Commission a essayé d’expliquer cette évolution de sa position sur l’incompatibilité des TBI avec les traités UE et FUE, en soutenant qu’il s’agissait d’accords nécessaires pour préparer l’adhésion des pays candidats. Toutefois, si ces TBI ne se justifiaient que pendant la période d’association et si chaque partie savait qu’ils deviendraient incompatibles avec les traités UE et FUE dès que l’État tiers concerné serait devenu membre de l’Union, pourquoi les traités d’adhésion n’ont-ils pas prévu de mettre fin à ces accords, les laissant ainsi dans une incertitude juridique qui perdure pour certains États membres depuis plus de 30 ans et pour beaucoup d’autres depuis 13 ans ?

    42.

    De plus, dans l’Union il n’y a pas de traités d’investissement uniquement entre pays d’économie de marché et pays qui auparavant avaient connu une économie dirigée ( 42 ) ou entre États membres et pays candidats à l’adhésion ( 43 ), comme l’a laissé croire la Commission.

    43.

    De plus, tous les États membres et l’Union ont ratifié le traité sur la charte de l’énergie, signé à Lisbonne le 19 décembre 1994 ( 44 ). Ce traité multilatéral en matière d’investissement dans le domaine de l’énergie opère même entre les États membres, puisqu’il a été conclu non pas comme un accord entre, d’une part, l’Union et ses États membres ( 45 ) et, d’autre part, des pays tiers, mais comme un accord multilatéral ordinaire auquel toutes les parties contractantes participent sur un pied d’égalité. En ce sens, les dispositions matérielles pour la protection de l’investissement prévues par ce traité ainsi que le mécanisme de RDIE opèrent également entre les États membres. Je note que, si aucune institution de l’Union ni aucun État membre n’a demandé un avis à la Cour sur la compatibilité de ce traité avec les traités UE et FUE, c’est parce qu‘aucun d’entre eux n’avait le moindre soupçon au sujet d’une prétendue incompatibilité.

    44.

    J’ajoute que le risque systémique que les TBI internes à l’Union poseraient, selon la Commission, pour l’uniformité et l’efficacité du droit de l’Union est largement exagéré. Les statistiques de la CNUCED ( 46 ) montrent que, sur 62 procédures arbitrales internes à l’Union qui, sur une période de plusieurs décennies, ont été clôturées, les investisseurs n’ont eu gain de cause que dans 10 affaires ( 47 ), ce qui représente 16,1 % de ces 62 affaires, à savoir un taux sensiblement inférieur aux 26,9 % de « victoires » pour les investisseurs au niveau mondial ( 48 ).

    45.

    Les tribunaux arbitraux ont très largement donné la possibilité à la Commission d’intervenir dans les arbitrages et, à ma connaissance, dans aucune de ces 10 affaires, les tribunaux arbitraux n’ont été amenés à contrôler la validité des actes de l’Union ou la compatibilité d’actes des États membres au regard du droit de l’Union. Dans leurs observations écrites, plusieurs États membres ainsi que la Commission n’ont fait état que d’un seul exemple, à savoir l’arbitrage Ioan Micula e.a. c/ Roumanie (affaire CIRDI no ARB/05/20), qui aurait donné lieu à une sentence arbitrale prétendument incompatible avec le droit de l’Union. Même si cet exemple n’est pas, à mon avis, pertinent en l’occurrence ( 49 ), le fait qu’il existerait un seul exemple conforte mon idée que la crainte de certains États membres et de la Commission d’un risque systémique que créeraient les TBI internes à l’Union est largement exagérée.

    46.

    Enfin, il convient de souligner que, depuis l’adhésion de la République slovaque à l’Union, le TBI Pas-Bas/Tchécoslovaquie ne relève plus du champ d’application de l’article 351 TFUE ( 50 ).

    47.

    Toutefois, cela n’implique pas que ce TBI soit automatiquement devenu caduc ou incompatible avec les traités UE et FUE. Comme la Cour l’a jugé, « les dispositions d’une convention liant deux États membres ne peuvent s’appliquer dans les relations entre ces États si elles se révèlent contraires aux règles du traité [FUE]» ( 51 ). Autrement dit, les dispositions de pareille convention sont applicables entre États membres dans la mesure où elles sont compatibles avec les traités UE et FUE.

    48.

    Il convient donc d’examiner si l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie est incompatible avec le traité FUE, et notamment avec ses articles 18, 267 et 344 TFUE.

    B. Sur la troisième question préjudicielle

    49.

    Je propose d’aborder les trois questions dans l’ordre inverse de celui adopté par la juridiction de renvoi car il sera inutile de répondre aux première et deuxième questions si l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie constitue une discrimination fondée sur la nationalité interdite par l’article 18 TFUE.

    50.

    Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 18 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un mécanisme de RDIE tel que celui instauré par l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie et qui confère aux investisseurs néerlandais le droit de recourir à l’arbitrage international contre la République slovaque, droit dont ne jouissent pas les investisseurs d’autres États membres.

    1.   Sur la recevabilité

    51.

    Achmea ainsi que les gouvernements néerlandais, autrichien et finlandais contestent la recevabilité de cette question en ce qu’elle n’est pas pertinente pour la solution du litige au principal, dans la mesure où Achmea ne se plaint aucunement d’avoir été discriminée. Au contraire, si l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie constituait une discrimination, Achmea en aurait bénéficié.

    52.

    À mon avis, cette exception d’irrecevabilité doit être rejetée puisque la réponse à la troisième question est nécessaire afin d’apprécier la compatibilité de l’article 8 de ce TBI avec les traités UE et FUE.

    53.

    La juridiction de renvoi est saisie d’un recours en annulation de la sentence finale du 7 décembre 2012 rendue dans la procédure arbitrale Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13) pour, entre autres motifs, invalidité de la clause compromissoire sur laquelle le tribunal arbitral a fondé sa compétence. En ce sens, il importe peu qu’Achmea soit ou non victime d’une discrimination.

    2.   Sur le fond

    54.

    À titre liminaire, je note que plusieurs intervenants ainsi que la Commission relèvent que, par sa troisième question, la juridiction de renvoi devrait cibler non pas l’article 18 TFUE, mais les articles 49 et 63 TFUE qui constituent, par rapport à l’article 18 TFUE, des règles spéciales.

    55.

    En effet, il est bien établi que « l’article 18 TFUE n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination» ( 52 ).

    56.

    Toutefois, le mécanisme de RDIE instauré par l’article 8 dudit TBI ne relève pas du champ d’application ratione materiae, ni de la liberté d’établissement, ni de la libre circulation des capitaux, ni d’une autre disposition du traité FUE, puisque le droit de l’Union ne crée pas de voies de recours qui permettent aux justiciables d’attraire les États membres devant la Cour ( 53 ).

    57.

    De plus, comme je l’expliquerai aux points 183 à 198 et 210 à 228 des présentes conclusions, le champ d’application matériel dudit TBI dépasse largement les limites de la liberté d’établissement consacrée à l’article 49 TFUE et de la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 63 TFUE.

    58.

    Cela est illustré dans le cas d’espèce où le tribunal arbitral a jugé dans sa sentence finale que, en adoptant les interdictions de transfert et de distribution des bénéfices ( 54 ), la République slovaque avait violé l’article 3 (traitement juste et équitable) et l’article 4 (libre transfert de paiements) dudit TBI. Alors que l’article 4 dudit TBI correspond en substance à l’article 63 TFUE, l’article 3 dudit TBI n’a pas de disposition équivalente en droit de l’Union, malgré son chevauchement partiel avec plusieurs dispositions du droit de l’Union ( 55 ).

    59.

    Il faut donc examiner la compatibilité de l’article 8 dudit TBI avec le principe général du droit de l’Union, exprimé à l’article 18 TFUE, qui interdit les discriminations fondées sur la nationalité.

    60.

    À cet égard, la République slovaque, les gouvernements estonien, grec, espagnol, italien, chypriote, hongrois, polonais et roumain ainsi que la Commission soutiennent que les dispositions matérielles dudit TBI, y compris son article 8, sont discriminatoires en ce qu’elles accordent, en l’occurrence, un traitement préférentiel aux investisseurs du Royaume des Pays-Bas qui ont investi en République slovaque, alors que les investisseurs des États membres qui n’ont pas conclu un TBI avec la République slovaque ( 56 ) ne bénéficient pas de ce traitement ( 57 ).

    61.

    Une observation liminaire s’impose sur l’étendue qu’aurait la prétendue discrimination. La République slovaque a conclu un TBI avec la majorité des États membres, à savoir avec le Royaume de Belgique, la République de Bulgarie, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République de Croatie, la République de Lettonie, le Grand-Duché de Luxembourg, la Hongrie, la République de Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République portugaise, la Roumanie, la République de Slovénie, la République de Finlande, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Ces TBI sont actuellement en vigueur.

    62.

    Certes, les investisseurs de ces États membres ne relèvent pas de l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie. Toutefois, les TBI que leurs États membres d’origine ont conclu avec la République slovaque prévoient tous l’arbitrage international en tant que mode de RDIE. Il n’existe donc pas de différence de traitement à leur égard.

    63.

    La République slovaque a également conclu un TBI avec la République tchèque et un autre avec la République italienne, mais les parties ont mis fin à ceux-ci ( 58 ). Si, donc, il y a différence de traitement à l’égard des investisseurs tchèques et italiens, c’est parce que leurs États membres ont décidé de leur retirer ce bénéfice que leur donnait précisément le TBI.

    64.

    Cela étant, les investisseurs estoniens, irlandais, chypriotes et lituaniens ne bénéficient pas d’une disposition équivalente à l’article 8 dudit TBI à l’égard de la République slovaque, sauf pour des investissements dans le domaine de l’énergie, cas dans lequel le traité sur la charte de l’énergie leur offre pareille opportunité.

    65.

    À mon avis, même pour ces investisseurs, il n’existe pas de discrimination interdite par le droit de l’Union.

    66.

    En effet, la Cour a déjà traité la question de savoir si une discrimination peut exister à l’égard d’un ressortissant d’un État membre engagé dans un investissement transfrontalier lorsque l’État membre d’accueil de l’investissement ne lui accorde pas un avantage (fiscal) qu’il accorde aux ressortissants d’un autre État membre sur la base d’un accord bilatéral conclu avec ce dernier.

    67.

    L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 juillet 2005, D. (C‑376/03, EU:C:2005:424) ( 59 ), concernait le refus des autorités néerlandaises d’accorder le bénéfice d’un abattement en matière d’impôt sur la fortune à un ressortissant allemand qui avait investi dans des biens immobiliers situés aux Pays-Bas. M. D. alléguait l’existence d’une discrimination en ce que cet avantage était accordé aux ressortissants belges ayant effectué des investissements similaires aux Pays-Bas, et ce en vertu des articles 24 et 25 de la convention signée le 19 octobre 1970 entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et à régler certaines autres questions en matière fiscale (ci-après la « CDI Pays-Bas/Belgique »).

    68.

    La Cour a d’abord rappelé que « la […] question posée par la juridiction de renvoi part de la prémisse qu’un non–résident tel que M. D. n’est pas dans une situation comparable à celle d’un résident des Pays-Bas. La question vise à savoir si la situation de M. D. peut être comparée à celle d’un autre non-résident qui bénéficie d’un traitement particulier en vertu d’une convention préventive de la double imposition» ( 60 ).

    69.

    À cet égard, la Cour a jugé que « [l]e fait que [l]es droits et obligations réciproques [créés par la CDI Pays-Bas/Belgique] ne s’appliquent qu’à des personnes résidentes de l’un des deux États membres contractants est une conséquence inhérente aux conventions bilatérales préventives de la double imposition. Il en découle qu’un assujetti résident de la Belgique ne se trouve pas dans la même situation qu’un assujetti résidant en dehors de la Belgique en ce qui concerne l’impôt sur la fortune établi à raison de biens immobiliers situés aux Pays-Bas» ( 61 ).

    70.

    La Cour a ensuite ajouté qu'« [u]ne règle telle que celle prévue à l’article 25, paragraphe 3, de la convention belgo-néerlandaise ne saurait être analysée comme un avantage détachable du reste de la convention, mais en fait partie intégrante et contribue à son équilibre général» ( 62 ).

    71.

    Il ressort clairement de cet arrêt non seulement que le traité FUE ne contient pas une clause de la nation la plus favorisée (NPF) comme celle que contient ledit TBI à son article 3, paragraphe 2 ( 63 ), mais également qu’il n’y a pas de discrimination lorsqu’un État membre n’accorde pas aux ressortissants d’un autre État membre le traitement qu’il accorde par convention aux ressortissants d’un troisième État membre.

    72.

    Le fait que le traité FUE ne contient pas de clause NPF est confirmé par la jurisprudence de la Cour sur l’article 18 TFUE selon laquelle « [l’article 18 TFUE] exige la parfaite égalité de traitement de personnes se trouvant dans une situation régie par le droit [de l’Union], avec les ressortissants de l’État membre» ( 64 ), c’est-à-dire avec les ressortissants nationaux.

    73.

    À mon avis, l’analogie entre la présente affaire et l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 juillet 2005, D. (C‑376/03, EU:C:2005:424), est parfaite puisque la comparaison faite par la République slovaque et la Commission concerne également deux investisseurs non slovaques, l’un (en l’occurrence néerlandais) bénéficiant de la protection matérielle accordée par ledit TBI et l’autre n’en bénéficiant pas.

    74.

    En effet, comme la CDI Pays-Bas/Belgique, ledit TBI est un traité international dont « le champ d’application […] est limité aux personnes physiques ou morales mentionnées dans [celui-ci]» ( 65 ), à savoir les personnes physiques ayant la nationalité de l’une des parties contractantes et les personnes morales constituées conformément à leur droit ( 66 ).

    75.

    En ce sens, le fait que les droits et obligations réciproques créés par ledit TBI ne s’appliquent qu’à des investisseurs de l’un des deux États membres contractants est une conséquence inhérente à la nature bilatérale des TBI. Il en découle qu’un investisseur non néerlandais ne se trouve pas dans la même situation qu’un investisseur néerlandais en ce qui concerne un investissement effectué en Slovaquie.

    76.

    De plus, tout comme l’article 25, paragraphe 3, de la CDI Pays-Bas/Belgique auquel se réfère la Cour au point 62 de son arrêt du 5 juillet 2005, D. (C‑376/03, EU:C:2005:424), l’article 8 dudit TBI n’est pas un avantage détachable du reste dudit TBI, mais en fait partie intégrante à tel point qu’un TBI sans mécanisme de RDIE n’aurait aucun sens puisqu’il n’atteindrait pas son but qui est d’encourager et d’attirer l’investissement étranger.

    77.

    En effet, comme la Cour l’a jugé au point 292 de l’avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017 (EU:C:2017:376), la disposition de l’accord de libre-échange avec la République de Singapour qui instaure l’arbitrage international comme mécanisme de RDIE « ne saurait revêtir un caractère purement auxiliaire ». Selon une jurisprudence arbitrale constante, le droit des investisseurs de recourir à l’arbitrage international est la disposition la plus essentielle des TBI puisque, malgré son contenu procédural, elle est en soi une garantie indispensable qui incite et protège les investissements ( 67 ). Il n’est donc guère étonnant que les « anciens » TBI ( 68 ) qui ne contiennent pas un mécanisme RDIE équivalent à l’article 8 dudit TBI n’aient pas été particulièrement utiles aux investisseurs.

    78.

    La Commission prétend toutefois distinguer la présente affaire de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 juillet 2005, D. (C‑376/03, EU:C:2005:424), en raison de la matière fiscale de cette dernière ( 69 ).

    79.

    À mon avis, cette distinction n’est guère convaincante. Je relève d’abord que les TBI se rapprochent des conventions préventives de la double imposition en ce qu’elles visent les mêmes activités économiques, à la fois l’entrée et la sortie de capital. En effet, un État peut attirer l’entrée de capital étranger sur son territoire en octroyant un haut niveau de protection juridique à l’investissement dans le cadre d’un TBI ainsi qu’en accordant des avantages fiscaux ( 70 ). Comme dans les conventions préventives de la double imposition, qui n’ont jamais été jugées, en principe, incompatibles avec les traités UE et FUE, la réciprocité des engagements des États est une composante essentielle des TBI ( 71 ).

    80.

    De plus, contrairement à ce que soutient la Commission, les conventions préventives de la double imposition entre États membres n’ont pas comme base juridique l’article 293, deuxième tiret, CE. Si tel était le cas, sur quel article devraient-ils fonder celles qu’ils négocient aujourd’hui, étant donné que l’article 293 CE ne se retrouve pas dans le traité de Lisbonne ?

    81.

    Cela dit, rien n’exclut la possibilité de remplacer les TBI internes à l’Union par un seul TBI multilatéral ou un acte de l’Union, en fonction de la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres, qui serait applicable aux investisseurs de tous les États membres, comme l’ont proposé par leur non-paper du 7 avril 2016, la République fédérale d’Allemagne, la République française, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la République de Finlande ( 72 ).

    82.

    Pour ces raisons, je propose à la Cour de répondre à la troisième question qu’un mécanisme de RDIE tel que celui instauré par l’article 8 dudit TBI qui confère aux investisseurs néerlandais le droit de recours à l’arbitrage international à l’encontre de la République slovaque ne constitue pas une discrimination fondée sur la nationalité interdite par l’article 18 TFUE.

    83.

    Ce n’est que si la Cour est d’accord avec cette proposition de réponse qu’elle devra examiner les première et deuxième questions préjudicielles.

    C. Sur la deuxième question préjudicielle

    84.

    Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 267 TFUE, en tant que clef de voûte du système juridictionnel de l’Union qui garantit l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et l’autonomie du système juridique de l’Union, fait obstacle à l’application d’une disposition telle que l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie.

    85.

    J’examine cette question avant la première, car j’estime qu’un tribunal arbitral constitué conformément à l’article 8 de ce TBI constitue une juridiction au sens de l’article 267 TFUE, commune à deux États membres, à savoir le Royaume des Pays-Bas et la République slovaque, et donc habilitée à interroger la Cour à titre préjudiciel. Cela impliquerait automatiquement l’absence de toute incompatibilité avec l’article 344 TFUE, ce qui fait l’objet de la première question préjudicielle.

    86.

    Selon une jurisprudence constante, pour qu’un organisme juridictionnel ait le caractère d’une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE, il faut tenir compte d’un ensemble d’éléments, à savoir « l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance» ( 73 ). Il faut en plus qu’« un litige [soit] pendant devant [elle] et [qu’elle soit appelée] à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel» ( 74 ).

    87.

    Sur la base de ces critères, les tribunaux arbitraux ne sont pas automatiquement exclus de la notion de « juridiction d’un État membre » au sens de l’article 267 TFUE. En effet, si la Cour a, plusieurs fois, refusé de répondre à une question préjudicielle posée par des arbitres ( 75 ), elle a également, sur la base d’un examen au cas par cas, déclaré recevables les questions préjudicielles déposées par des tribunaux arbitraux dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 17 octobre 1989, Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark (109/88, EU:C:1989:383), et du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), ainsi que à l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92).

    88.

    Les deux derniers cas laissent entrevoir une ouverture des critères de recevabilité vers l’arbitrage particulier-État (arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta, C‑377/13, EU:C:2014:1754) ( 76 ), et vers l’arbitrage international (ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada, C‑555/13, EU:C:2014:92) ( 77 ).

    89.

    J’examinerai donc les caractéristiques des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI au regard des critères énoncés au point 86 des présentes conclusions. À mon avis, l’ensemble de ces critères est réuni en l’occurrence ( 78 ).

    1.   L’origine légale des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI

    90.

    La majorité des affaires issues d’un arbitrage qui ont été soumises à la Cour ne concernaient qu’un type particulier d’arbitrage, à savoir l’arbitrage commercial dit « conventionnel » dans la jurisprudence de la Cour puisque sa base juridique est une clause compromissoire incluse dans un contrat de droit privé ( 79 ).

    91.

    Il y a d’autres types d’arbitrage. Outre les arbitrages prévus à l’article 272 TFUE, il y a l’arbitrage entre États sur la base d’une convention internationale ( 80 ) ou l’arbitrage entre particuliers et États, ces deux derniers types étant très différents des arbitrages entre particuliers sur le plan de l’origine légale.

    92.

    Dans ce dernier cas, la compétence du tribunal arbitral tire son origine non pas d’une loi, mais d’une clause compromissoire contenue dans un contrat.

    93.

    Tel était notamment le cas de l’arbitrage qui a donné lieu à l’arrêt du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107), lequel concernait un contrat de « pool » conclu entre plusieurs entreprises privées et avait pour objet, dans le cadre d’un programme commun de construction de treize navires-usines pour la pêche, de répartir entre elles tous les concours financiers qu’elles recevraient de la part du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA). Le tribunal arbitral saisi conformément à ce contrat avait émis des doutes sur la compatibilité du contrat avec le droit de l’Union et avait interrogé la Cour sur cette question.

    94.

    La Cour s’est considérée « incompétente» ( 81 ), en jugeant que ce tribunal arbitral n’était pas une juridiction de l’un des États membres au sens de l’article 267 TFUE pour deux raisons. En premier lieu, « il n’y avait aucune obligation, ni en droit ni en fait, pour les parties contractantes de confier leurs différends à l’arbitrage» ( 82 ) puisqu’elles avaient fait ce choix par voie contractuelle. En second lieu, « les autorités publiques allemandes ne sont pas impliquées dans le choix de la voie de l’arbitrage, et […] ne sont pas appelées à intervenir d’office dans le déroulement de la procédure devant l’arbitre» ( 83 ).

    95.

    Le fait que l’origine de la compétence du collège arbitral était une clause compromissoire conclue dans un contrat entre un consommateur et une agence de voyages a suffi dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 janvier 2005, Denuit et Cordenier (C‑125/04, EU:C:2005:69), pour exclure ce collège de la notion de juridiction au sens de l’article 267 TFUE, même si la clause compromissoire faisait partie des conditions générales imposées par l’agence de voyages et que le consommateur ne pouvait négocier ce point.

    96.

    En revanche, l’origine légale d’un tribunal arbitral constitué et saisi conformément à l’article 8 dudit TBI ne peut être contestée. Elle se trouve non seulement dans un traité international, mais également dans les lois néerlandaise et tchécoslovaque d’assentiment dudit TBI par lesquelles il est entré dans leurs ordres juridiques. Contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107), l’implication des autorités publiques dans le choix de la voie de l’arbitrage ainsi que dans la procédure arbitrale elle-même (puisque, en l’espèce, la République slovaque était la partie défenderesse) est manifeste.

    97.

    Cette appréciation est renforcée par l’arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), et l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92).

    98.

    Le tribunal arbitral ayant interrogé la Cour à titre préjudiciel dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), satisfaisait au critère d’origine légale puisqu’une loi portugaise prévoyait l’arbitrage comme moyen de résolution juridictionnelle des litiges en matière fiscale et attribuait une compétence générale aux tribunaux arbitraux en matière fiscale pour apprécier la légalité de la liquidation de tout impôt ( 84 ).

    99.

    De la même manière, la Cour a jugé que le tribunal arbitral dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92), satisfaisait au critère d’origine légale puisque « [sa] compétence […] résult[ait] non pas de la volonté des parties, mais de la loi [portugaise] no 62/2011» ( 85 ) qui instaurait l’arbitrage comme mécanisme de règlement de différends en matière de droits de propriété industrielle concernant les médicaments génériques et de référence.

    2.   La permanence des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI

    100.

    L’arbitrage international peut être un arbitrage institutionnel, dans lequel la procédure est prise en charge et administrée par une institution d’arbitrage ( 86 ) selon son règlement et en contrepartie d’une rémunération, ou un arbitrage ad hoc, dans lequel les parties administrent elles-mêmes la procédure sans avoir recours au soutien d’une institution arbitrale.

    101.

    Il ressort des points 25 et 26 de l’arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), et du point 24 de l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92), que le critère de permanence vise non pas la composition du tribunal arbitral en tant que telle, mais l’institutionnalisation de l’arbitrage comme voie de règlement des différends. Autrement dit, c’est par rapport à l’institution arbitrale qui administre la procédure arbitrale, et non au tribunal arbitral dont la composition est éphémère, que le critère de permanence doit être apprécié.

    102.

    En ce sens, la Cour a jugé au point 26 de l’arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), que, « bien que la composition des formations de jugement du Tribunal Arbitral Tributário [tribunal fiscal arbitral, Portugal)] soit éphémère et que l’activité de celles-ci s’achève après qu’elles [aient] statué, il n’en demeure pas moins que, dans son ensemble, le Tribunal Arbitral Tributário [tribunal fiscal arbitral] présente, en tant qu’élément dudit système, un caractère de permanence ». Le système auquel se réfère la Cour est l’institution arbitrale « Centro de Arbitragem Administrativa » (CAAD) [Centre d’arbitrage administratif, Portugal].

    103.

    De même, au point 24 de l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92), la Cour a jugé que le critère de permanence était satisfait parce que le tribunal arbitral « [était] institué sur une base législative, qu’il dispos[ait], à titre permanent, d’une compétence obligatoire et que, en outre, la législation nationale défini[ssait] et encadr[ait] les règles procédurales qu’il appliqu[ait] », et cela même s’il pouvait varier dans ses formes, compositions et règles de procédure selon le choix des parties et même s’il était dissous après avoir rendu sa décision.

    104.

    Dans cette affaire, il était clair que le tribunal arbitral était un tribunal ad hoc et qu’il n’y avait pas d’institution arbitrale qui en assurait la permanence, mais la Cour a déduit la permanence de l’article 2 de la loi portugaise no 62/2011 qui instituait l’arbitrage comme seul moyen de règlement des différends en matière de droits de propriété industrielle concernant des médicaments génériques et de référence.

    105.

    La même conclusion peut être tirée pour les tribunaux arbitraux constitués et saisis conformément à l’article 8 dudit TBI puisque, comme dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), et à l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92), le Royaume des Pays-Bas et la République slovaque ont instauré l’arbitrage comme mode de règlement de différends entre l’un d’eux et un investisseur de l’autre État.

    106.

    D’autres éléments d’institutionnalisation de l’arbitrage sont également présents dans ledit TBI.

    107.

    En effet, l’article 8, paragraphe 4, dudit TBI confère le pouvoir de nomination des arbitres à la chambre de commerce de Stockholm (CCS), qui est une institution arbitrale permanente, et son paragraphe 5 rend le règlement de la CNUDCI applicable à la procédure arbitrale.

    108.

    De plus, la procédure devant le tribunal arbitral en cause dans la présente affaire s’est déroulée sous l’égide d’une institution arbitrale permanente. En effet, la CPA, établie à La Haye et créée par les conventions pour le règlement pacifique des conflits internationaux, conclues à La Haye en 1899 et en 1907 ( 87 ), a été désignée comme institution faisant fonction de greffe par la lettre de mission signée par celle-ci et les parties dans l’affaire au principal.

    109.

    Par conséquent, le critère de permanence me paraît également rempli.

    3.   Le caractère obligatoire de la juridiction des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI

    110.

    Selon une jurisprudence constante, « [le caractère obligatoire de la juridiction] fait défaut dans le cadre d’un arbitrage conventionnel, dès lors qu’il n’y a aucune obligation, ni en droit ni en fait, pour les parties contractantes de confier leurs différends à l’arbitrage et que les autorités publiques de l’État membre concerné ne sont ni impliquées dans le choix de la voie de l’arbitrage ni appelées à intervenir d’office dans le déroulement de la procédure devant l’arbitre» ( 88 ).

    111.

    Il n’est évidemment pas surprenant que la Cour ait jugé que les tribunaux arbitraux dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 17 octobre 1989, Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark (109/88, EU:C:1989:383), et à l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92), satisfaisaient à la condition de juridiction obligatoire puisque le droit danois et le droit portugais rendaient le recours à l’arbitrage obligatoire.

    112.

    Toutefois, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), le fait que le recours à l’arbitrage était facultatif et que le contribuable avait choisi d’y recourir contre la République portugaise, alors qu’il aurait pu saisir directement les juridictions ordinaires, n’a pas exclu le tribunal arbitral de la notion de juridiction d’un État membre au sens de l’article 267 TFUE.

    113.

    En effet, selon la Cour, « [ses] décisions [étaient] contraignantes pour les parties en vertu de l’article 24, paragraphe 1, du décret-loi no 10/2011 [et] sa compétence résult[ait] directement des dispositions du décret-loi no 10/2011 et n’[était], partant, pas subordonnée à l’expression préalable de la volonté des parties de soumettre leur différend à l’arbitrage […] Ainsi, lorsque le contribuable requérant soumet son différend à l’arbitrage fiscal, la juridiction du [tribunal arbitral] a […] un caractère obligatoire pour l’autorité fiscale et douanière» ( 89 ).

    114.

    Il en va de même pour les tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI.

    115.

    Le paragraphe 7 dudit article 8 dispose que la décision d’un tribunal arbitral constitué conformément à cet article est « définitive et obligatoire pour les parties au différend» ( 90 ). Il n’y a donc aucun doute que la sentence rendue par pareil tribunal arbitral est contraignante pour les parties au sens de la jurisprudence de la Cour.

    116.

    De plus, le paragraphe 2 de cette disposition prévoit que « [c]hacune des parties contractantes consent par la présente à ce qu’un différend [entre investisseur et État] soit soumis à un tribunal arbitral s’il n’a pas été réglé à l’amiable dans un délai de six mois à partir de la date à laquelle l’une des parties au différend en a demandé le règlement amiable» ( 91 ).

    117.

    Le fait que l’investisseur peut choisir d’ester en justice soit devant les juridictions de l’État membre concerné, soit devant le tribunal arbitral ( 92 ) n’affecte pas le caractère obligatoire de la juridiction du tribunal arbitral puisque ce choix était aussi celui du contribuable dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754).

    118.

    La République slovaque ayant donné au préalable son consentement à l’arbitrage, comme l’avait fait la République portugaise dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754), la juridiction du tribunal arbitral instauré a, conformément à l’article 8, paragraphe 2, dudit TBI, un caractère obligatoire pour cet État membre et pour l’investisseur.

    119.

    Par conséquent, les tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI satisfont également au critère de juridiction obligatoire.

    4.   La nature contradictoire de la procédure devant les tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI, l’application par eux de règles de droit dans la résolution des litiges qui leur sont soumis ainsi que l’indépendance et l’impartialité des arbitres

    120.

    En ce qui concerne la nature contradictoire de la procédure devant les tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI, il convient de noter que, aux termes de son paragraphe 5, « [l]e tribunal arbitral fixe ses propres règles de procédure conformément au règlement d’arbitrage de la [CNUDCI]» ( 93 ).

    121.

    L’article 15, paragraphe 1, de ce règlement, dans sa version de 1976 et applicable au moment où ledit TBI a été conclu, énonçait que, « [s]ous réserve des dispositions du [r]èglement, le tribunal arbitral peut procéder à l’arbitrage comme il le juge approprié, pourvu que les parties soient traitées sur un pied d’égalité et qu’à tout stade de la procédure chaque partie ait toute possibilité de faire valoir ses droits et proposer ses moyens» ( 94 ). Cette garantie est reprise à l’article 17, paragraphe 1, dudit règlement dans sa version de 2010 et de 2013.

    122.

    Le respect du principe du contradictoire est également assuré par plusieurs dispositions dudit règlement qui visent l’échange des mémoires, l’organisation d’une audience et la participation des parties à celle-ci ainsi que la clôture de la phase orale, à savoir les articles 18 à 20, 22, 24, 25 et 29 du règlement de 1976 et les articles 20 à 22, 24, 28 et 31 du règlement modifié en 2010 et en 2013.

    123.

    Concernant le critère d’application par les tribunaux arbitraux de règles de droit, l’article 8, paragraphe 6, dudit TBI dispose que « [l]e tribunal arbitral statue en droit » et prévoit une série de règles de droit que le tribunal doit prendre en compte. La possibilité de statuer ex æquo et bono est donc exclue.

    124.

    En ce qui concerne, enfin, le critère d’indépendance et d’impartialité, il est de jurisprudence constante que « [l]es garanties d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de ladite instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent [...] Afin de considérer la condition relative à l’indépendance de l’organisme de renvoi comme remplie, la jurisprudence exige notamment que les cas de révocation des membres de cet organisme soient déterminés par des dispositions législatives expresses» ( 95 ).

    125.

    Je note, d’abord, que la Cour n’a contesté l’indépendance et l’impartialité des arbitres dans aucune des affaires qu’elle a traitées et, ensuite, que le règlement d’arbitrage de la CNUDCI garantit l’indépendance et l’impartialité des arbitres en leur imposant une obligation claire de signaler toutes circonstances de nature à soulever des doutes légitimes sur leur impartialité ou sur leur indépendance ( 96 ) ainsi qu’en instaurant une procédure de récusation des arbitres lorsque existent pareilles circonstances ( 97 ).

    126.

    Au vu de ce qui précède, les tribunaux arbitraux instaurés par l’article 8 dudit TBI constituent des juridictions au sens de l’article 267 TFUE, mais sont-ils également des juridictions « d’un des États membres » au sens de cette disposition ?

    127.

    À mon avis, oui.

    128.

    La question de la qualité d’une juridiction internationale établie dans le cadre d’une organisation internationale créée par traité international conclu entre États membres a été examinée à propos de la Cour Benelux dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 novembre 1997, Parfums Christian Dior (C‑337/95, EU:C:1997:517).

    129.

    Dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’« il n’existe aucun motif valable qui justifierait qu’une telle juridiction commune à plusieurs États membres ne puisse soumettre des questions préjudicielles à la Cour à l’instar des juridictions relevant de chacun de ces États membres» ( 98 ).

    130.

    Tel est également le cas des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI puisqu’ils sont instaurés comme mécanisme de résolution de différends par le Royaume des Pays-Bas et la République slovaque.

    131.

    Pour ces raisons, je propose à la Cour de répondre à la deuxième question que l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition telle que l’article 8 dudit TBI qui permet le règlement des différends entre investisseurs et États par un tribunal arbitral qui doit être considéré comme « une juridiction d’un des États membres » au sens de l’article 267 TFUE.

    D. Sur la première question préjudicielle

    132.

    Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 344 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à l’application de dispositions des TBI internes à l’Union, telles que l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie, qui permettent le règlement par un tribunal arbitral des différends entre investisseurs et États.

    133.

    Il convient de noter d’emblée que, si la Cour juge, comme je le propose, que les tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 de ce TBI sont des juridictions des États membres au sens de l’article 267 TFUE, ils s’inscrivent alors dans le dialogue juridictionnel visé par le point 176 de l’avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454) et ils sont tenus d’appliquer le droit de l’Union. Par conséquent, le recours à l’arbitrage international dans les conditions prescrites par l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie ne peut porter atteinte ni à l’article 344 TFUE ni à l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et, partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union.

    134.

    Dans ce cas, en effet, les tribunaux arbitraux sont obligés, sous peine de nullité pour contrariété à l’ordre public, de respecter les principes énoncés par la Cour aux points 65 à 70 de l’avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123), et aux points 157 à 176 de l’avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454), dont notamment la primauté du droit de l’Union ( 99 ) sur les droits des États membres et sur tout engagement international pris entre États membres, l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes, la confiance mutuelle entre eux dans la reconnaissance de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée et l’application ainsi que le respect pleins et entiers du droit de l’Union.

    135.

    Par ailleurs, la non-application ou la mauvaise application du droit de l’Union par les tribunaux arbitraux créés par les États membres non seulement engagerait la responsabilité des États membres concernés, et ce conformément à l’arrêt du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513), puisque ce sont eux qui les ont créés, mais pourrait, le cas échéant, mener à la constatation d’un manquement de la part des États concernés conformément aux articles 258 et 259 TFUE ( 100 ).

    136.

    Si, toutefois, la Cour juge que les tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI ne constituent pas des juridictions des États membres au sens de l’article 267 TFUE, il s’imposerait encore d’examiner si l’article 344 TFUE fait obstacle à l’application de l’article 8 dudit TBI et, le cas échéant, si ce dernier est incompatible avec l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et l’autonomie du système juridique de l’Union.

    137.

    Dans ce contexte, trois analyses s’imposent, la deuxième ne s’imposant que, si la première se conclut par une réponse affirmative et la troisième ne s’imposant que si la première ou la deuxième question reçoit une réponse négative :

    Un différend entre un investisseur et un État membre, tel que celui visé par l’article 8 dudit TBI, est-il visé par l’article 344 TFUE ?

    L’objet de pareil différend permet-il de le caractériser comme « relatif à l’interprétation et à l’application des traités » au sens de l’article 344 TFUE ?

    Ledit TBI a-t-il, au regard de sa finalité, pour effet de porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et, partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union ?

    1.   Un différend entre un investisseur et un État membre, tel que celui visé par l’article 8 dudit TBI, est-il visé par l’article 344 TFUE ?

    138.

    À mon avis, la réponse doit être négative pour les raisons suivantes.

    139.

    Aux termes de l’article 344 TFUE, « [l]es États membres s’engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci ».

    140.

    La Cour a souvent eu l’opportunité d’interpréter l’article 344 TFUE et de se prononcer sur la compatibilité avec cet article des accords internationaux même s’il s’agissait d’accords internationaux conclus par l’Union et ses États membres avec des États tiers ( 101 ).

    141.

    Selon une jurisprudence constante, « un accord international ne saurait porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités et, partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union dont la Cour assure le respect. Ce principe est notamment inscrit dans l’article 344 TFUE selon lequel les États membres s’engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci» ( 102 ).

    142.

    Selon la Cour, l’article 344 TFUE prévoit « l’obligation des États membres […] de recourir au système juridictionnel [de l’Union] et de respecter la compétence exclusive de la Cour qui en constitue un trait fondamental[,] [obligation qui] doit être comprise comme une manifestation spécifique de leur devoir plus général de loyauté qui découle de l’article [4, paragraphe 3, TUE]» ( 103 ).

    143.

    Il convient de noter d’emblée que le tribunal arbitral ayant rendu la sentence en cause dans l’affaire au principal a minutieusement examiné les arguments de la République slovaque et de la Commission tirés de l’article 344 TFUE. À cet égard, il a jugé, sur la base de l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345), que les différends entre investisseurs et États contractants à la TBI ne relevaient pas de l’article 344 TFUE ( 104 ).

    144.

    La République slovaque, soutenue par plusieurs États membres et par la Commission, conteste cette appréciation du tribunal arbitral. Pour elle, l’article 344 TFUE doit recevoir une interprétation extensive qui le rend applicable à des litiges opposant un particulier à un État membre, spécialement au vu de son libellé qui, contrairement à l’article 273 TFUE, ne limiterait pas expressément son champ d’application aux litiges « entre États membres ».

    145.

    Je ne partage pas cette thèse.

    146.

    Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que les différends entre États membres ( 105 ) ainsi qu’entre des États membres et l’Union ( 106 ) sont visés par l’article 344 TFUE. En revanche, les litiges entre particuliers ne le sont pas, même si la juridiction appelée à les résoudre est amenée à prendre en compte ou à appliquer le droit de l’Union.

    147.

    En effet, comme la Cour l’a jugé à propos du projet d’accord sur la juridiction du brevet européen et du brevet communautaire, « [l]a création de la [juridiction du brevet européen et du brevet communautaire] ne saurait non plus se heurter à l’article 344 TFUE, étant donné que cet article se borne à interdire aux États membres de soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci. Or, les compétences que le projet d’accord vise à attribuer à la [juridiction du brevet européen et du brevet communautaire] ne porteraient que sur les seuls litiges entre particuliers dans le domaine des brevets» ( 107 ).

    148.

    En ce qui concerne les différends entre particuliers et États membres, la Commission relève que le système juridictionnel visé par l’avis 1/91 (Accord EEE – I), du 14 décembre 1991 (EU:C:1991:490), incluait aussi des recours formés par des personnes privées contre l’autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) en matière de concurrence ( 108 ).

    149.

    Toutefois, ces recours n’auraient pas été dirigés contre un État membre et, de toute façon, il n’y a aucun passage dans l’avis de la Cour qui pourrait faire croire qu’elle a trouvé que cet aspect particulier du projet d’accord sur l’Espace économique européen (EEE) était problématique.

    150.

    Il convient encore de souligner que l’Union devait devenir partie à l’accord visé par cet avis et que, par conséquent, cet accord devait faire partie du droit de l’Union, ce qui n’est évidemment pas le cas dudit TBI. Par ailleurs, comme il ressort clairement des points 13 à 29 de cet avis, la Cour était préoccupée par l’existence d’un risque systémique créé par l’article 6 du projet d’accord pour l’homogénéité de l’interprétation et de l’application du droit dans l’EEE ( 109 ) et non par le fait que des recours formés en matière de concurrence par des particuliers contre l’autorité de surveillance de l’AELE auraient été de la compétence d’une juridiction située en dehors de l’architecture juridictionnelle de l’Union.

    151.

    L’avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454), est d’une importance particulière à cet égard, puisque même si l’article 6, paragraphe 2, TUE prévoit l’adhésion de l’Union à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), celle-ci serait incompatible avec l’article 344 TFUE si les différends entre particuliers et États membres, qui sont les différends les plus typiques portés devant la Cour européenne des droits de l’homme, relevaient de cette disposition.

    152.

    C’est pour cette raison que, aux points 201 à 214 de cet avis, la Cour n’a examiné sous l’angle de l’article 344 TFUE que les différends entre États membres et entre États membres et l’Union ( 110 ), alors qu’elle était consciente du fait que, par son adhésion à la CEDH, l’Union serait liée par l’article 34, première phrase, de celle-ci qui prévoit que la Cour européenne des droits de l’homme « peut être saisie d’une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation par l’une des [Parties contractantes] des droits reconnus dans la convention ou ses protocoles» ( 111 ).

    153.

    Pour ces raisons, je pense qu’un différend entre un investisseur et un État membre tel que celui visé par l’article 8 dudit TBI ne relève pas de l’article 344 TFUE.

    154.

    Cette conclusion ne peut être affectée par l’argument de la Commission selon lequel les différends entre investisseurs et États membres sont effectivement des différends entre États membres, puisque, en entamant une procédure arbitrale contre un État membre sur la base d’une disposition telle que l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie, l’investisseur exerce non pas un droit qui est le sien, mais un droit que ce TBI confère à son État d’origine.

    155.

    La Commission s’appuie à cet égard sur deux sentences arbitrales citées au point 81 de ses observations écrites ( 112 ). Toutefois, sa thèse est contredite par cette même jurisprudence arbitrale ( 113 ) et, de toute façon, est loin de recueillir une approbation générale ( 114 ).

    156.

    En effet, il est bien établi en droit international que les dispositions d’un traité international peuvent, sous certaines conditions, conférer des droits aux particuliers ( 115 ). En ce sens, plusieurs juridictions arbitrales ( 116 ) ainsi qu’étatiques ( 117 ) ont jugé que les TBI conféraient directement des droits aux investisseurs ( 118 ).

    157.

    Cela est certainement le cas de l’article 3 dudit TBI, dont la violation a été constatée par le tribunal arbitral dans la sentence arbitrale en cause au principal, puisqu’il mentionne explicitement les investisseurs des parties contractantes comme ayant droit à un traitement juste et équitable ainsi qu’au traitement de la nation la plus favorisée.

    158.

    De plus, le droit applicable aux différends visés par l’article 8, paragraphe 6, dudit TBI ( 119 ) est différent du droit applicable aux différends entre les deux États parties audit TBI, conformément à son article 10, paragraphe 7 ( 120 ).

    159.

    Je conclus de ce qui précède qu’un différend entre un investisseur et un État membre, tel que celui visé par l’article 8 dudit TBI, n’est pas visé par l’article 344 TFUE, ce qui dispense de s’interroger sur la question de savoir si pareil différend est « relatif à l’interprétation ou à l’application des traités [UE et FUE] ». Pour le cas où la Cour ne partagerait pas ma conclusion sur le premier point, j’analyse aussi cette question.

    2.   Le différend en cause est-il « relatif à l’interprétation ou à l’application des traités » ?

    160.

    En citant les points 140, 149 et 151 à 153 de l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345), la juridiction de renvoi estime qu’une violation de l’article 344 TFUE ne peut être constituée que si la sentence arbitrale en cause a pour objet l’interprétation et l’application des dispositions du droit de l’Union elles-mêmes, ce qui, selon elle, n’est pas le cas de la sentence arbitrale en cause dans l’affaire au principal.

    161.

    La République slovaque, soutenue par plusieurs États membres et par la Commission, conteste cette appréciation de la juridiction de renvoi. Elle estime que l’article 344 TFUE est applicable à un différend tel que celui opposant Achmea et la République slovaque, en ce qu’il concerne bien l’interprétation et l’application des traités UE et FUE, y compris aussi au sens de l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345).

    162.

    Je ne suis pas de cet avis.

    163.

    Certes, dans son arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345), et son avis l’avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454), la Cour a jugé que des différends étaient relatifs à l’interprétation et à l’application des traités UE et FUE même s’ils relevaient d’accords internationaux (à savoir, respectivement, la convention des Nations unies sur le droit de la mer, conclue à Montego Bay, le 10 décembre 1982, et la CEDH).

    164.

    Toutefois, ce n’était le cas que parce que l’Union était partie à l’accord en cause (la convention des Nations unies sur le droit de la mer), lequel faisait donc partie du droit de l’Union, ou parce qu’il était envisagé qu’elle adhère à l’accord en cause (CEDH), lequel devait donc faire partie du droit de l’Union.

    165.

    En effet, comme la Cour l’a jugé aux points 126 et 127 de l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345) :

    « Il a été établi que les dispositions de la convention [des Nations unies sur le droit de la mer] qui interviennent dans le différend relatif à l’usine MOX relèvent d’une compétence de [l’Union] que celle-ci a exercée en adhérant à la convention, de sorte que lesdites dispositions font partie intégrante de l’ordre juridique [de l’Union].

    Partant, il s’agit bien, en l’espèce, d’un différend relatif à l’interprétation ou à l’application du traité [TFUE], au sens de l’article [344 TFUE]. »

    166.

    De la même manière, dans l’avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454), la Cour a jugé que « la CEDH ferait partie intégrante du droit de l’Union. Par conséquent, lorsque celui-ci est en cause, la Cour est exclusivement compétente pour connaître de tout litige entre les États membres ainsi qu’entre ces derniers et l’Union au sujet du respect de cette convention ». Sur cette base, la Cour a jugé que l’adhésion de l’Union à la CEDH était susceptible d’affecter l’article 344 TFUE ( 121 ).

    167.

    Toutefois, contrairement aux accords en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345), et dans l’avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454), l’Union n’est pas partie audit TBI, lequel ne fait donc pas partie du droit de l’Union, ce qui est le critère défini dans ces deux décisions de la Cour.

    168.

    Par conséquent, la compétence exclusive de la Cour garantie par l’article 344 TFUE n’est pas remise en cause.

    169.

    Cette constatation n’est pas affectée par l’argument de la Commission selon lequel le droit de l’Union fait partie du droit applicable aux différends entre investisseurs et États parties audit TBI et que, en l’espèce, Achmea avait fait valoir une violation du droit de l’Union dans la procédure arbitrale.

    170.

    À cet égard, le tribunal arbitral en cause dans la présente affaire a jugé que, « [l]oin d’être empêché de prendre en considération et d’appliquer le droit de l’Union, il [était tenu] de l’appliquer dans la mesure où il fai[sai]t partie du droit applicable, que ce soit conformément à l’article 8 du TBI, au droit allemand, ou autrement» ( 122 ). Il a ajouté que la Cour possédait le « monopole de l’interprétation finale faisant autorité du droit de l’Union» ( 123 ).

    171.

    J’ajoute qu’un tribunal arbitral constitué conformément à l’article 8 dudit TBI peut également être amené à appliquer le droit de l’Union conformément à l’article 3, paragraphe 5, dudit TBI qui prévoit, entre autres, que, si un traité qui interviendrait dans le futur entre les parties ( 124 ) contenait des règles, générales ou spécifiques, accordant à des investissements d’investisseurs de l’autre partie contractante un traitement plus favorable que celui prévu par ledit TBI, ces règles primeraient sur ce dernier dans la mesure où elles seraient plus favorables ( 125 ).

    172.

    En outre, les traités UE et FUE feraient, de toute façon, partie des règles de droit dont les tribunaux arbitraux devraient tenir compte, même en l’absence d’une disposition telle que l’article 8, paragraphe 6, dudit TBI, parce que cette obligation résulte par défaut de l’article 31, paragraphe 3, sous a) et c), de la convention de Vienne ( 126 ).

    173.

    Toutefois, le fait que le droit de l’Union fasse partie du droit applicable aux différends entre investisseurs et États conformément à l’article 8, paragraphe 6, du TBI n’implique pas que ces différends soient relatifs à l’interprétation et à l’application des traités UE et FUE, et cela pour deux raisons : en premier lieu, la compétence du tribunal arbitral se limite à statuer sur des violations dudit TBI et, en second lieu, le champ d’application dudit TBI et les normes juridiques introduites par celui-ci ne sont pas identiques à ceux des traités UE et FUE.

    a)   La compétence du tribunal arbitral se limite à statuer sur des violations du TBI

    174.

    Comme l’a jugé le tribunal arbitral en cause dans la présente affaire, « sa compétence se limite à statuer sur des prétendues violations du TBI. Le tribunal n’a pas de compétence pour statuer sur de prétendues violations du droit de l’Union en tant que telles» ( 127 ).

    175.

    En effet, la mission du tribunal n’est pas d’établir si, par son comportement contesté par l’investisseur, l’État membre a violé ses obligations découlant des traités UE et FUE ou, plus généralement, du droit de l’Union. Au contraire, sa mission est de constater des violations dudit TBI par l’État d’accueil de l’investissement, le droit de l’Union étant l’un des éléments pertinents à prendre en compte afin d’apprécier le comportement de l’État au regard dudit TBI ( 128 ).

    176.

    C’est en ce sens que « [l]e droit de l’Union peut avoir une incidence sur l’étendue des droits et des obligations découlant du TBI dans la présente affaire, en vertu de son rôle en tant que partie du droit applicable conformément à l’article 8, paragraphe 6, du TBI et du droit allemand qui est la lex loci arbitri» ( 129 ).

    177.

    Cela étant dit, le droit de l’Union n’a eu aucune incidence sur le fond du différend entre Achmea et la République slovaque. En effet, il ne ressort pas des deux sentences arbitrales rendues dans l’affaire en cause au principal qu’Achmea ait invoqué devant le tribunal arbitral des actes du droit de l’Union en vue de leur interprétation et de leur application dans le cadre d’une procédure tendant à faire constater une violation des dispositions desdits actes par la République slovaque ( 130 ). Au contraire, Achmea prétendait que les mesures législatives prises par la République slovaque dans le secteur des assurances maladie ( 131 ), qui ne trouvaient en rien leur origine ou leur fondement dans le droit de l’Union, violaient les articles 3 à 5 dudit TBI.

    178.

    De plus, comme l’a jugé le tribunal arbitral, ni Achmea ni la République slovaque ne se sont appuyées sur des dispositions du droit de l’Union qui auraient pu avoir une incidence sur le raisonnement ou la décision du tribunal sur le fond de leur différend. Sa sentence ne pourrait donc avoir aucune incidence sur des questions de droit de l’Union ( 132 ).

    b)   Le champ d’application dudit TBI et les normes juridiques introduites par celui-ci ne sont pas identiques à ceux des traités UE et FUE

    179.

    La thèse de la Commission, comme elle l’a exprimé dans ses observations écrites ( 133 ) et lors de l’audience, repose sur la prémisse que le droit de l’Union offre aux investisseurs, notamment à travers les libertés fondamentales et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), une protection complète en matière d’investissements.

    180.

    Je ne sais pas ce que la Commission entend par les termes « protection complète », mais la comparaison dudit TBI avec les traités UE et FUE démontre que la protection accordée aux investissements par ceux-ci est encore loin d’être complète. À mon avis, les TBI internes à l’Union, et plus particulièrement le TBI en cause dans l’affaire au principal, instaurent des droits et des obligations qui ne reproduisent ni ne contredisent les garanties de protection des investissements transfrontaliers offertes par le droit de l’Union ( 134 ).

    181.

    Le TBI en cause dans l’affaire au principal peut être analysé à la lumière de trois perspectives. En premier lieu, son champ d’application est plus large que celui des traités UE et FUE (1). En deuxième lieu, certaines des normes juridiques introduites par ledit TBI sont sans équivalent dans le droit de l’Union (2). En troisième lieu, certaines de ses normes présentent un chevauchement partiel avec le droit de l’Union sans toutefois aboutir à des résultats incompatibles avec les traités UE et FUE (3).

    182.

    Avant de faire cette analyse, j’identifie les principales normes juridiques contenues dans ce TBI :

    le principe de légalité de l’investissement ( 135 ) (article 2) ;

    le traitement juste et équitable (article 3, paragraphe 1) ;

    la protection et la sécurité pleines et entières (article 3, paragraphe 2) ;

    la clause NPF (article 3, paragraphes 2 et 3) ;

    la clause de respect des engagements contractuels dite « umbrella clause» ( 136 ) (article 3, paragraphe 4) ;

    le libre transfert des paiements (article 4) ;

    l’interdiction des expropriations illégales (article 5) ;

    l’indemnisation en cas de guerre, conflit armé, cas d’urgence ou autres circonstances extraordinaires (article 6) ;

    la subrogation de l’assureur aux droits de l’investisseur dans le cas d’assurance pour risques non commerciaux (article 7) ;

    le mécanisme de RDIE (article 8) ;

    le mécanisme de règlement des différends entre États (article 10), et

    la clause de temporisation dite « sunset» ( 137 ) (article 13, paragraphe 3).

    1) Le champ d’application dudit TBI est plus large que celui des traités UE et FUE

    183.

    Sauf limitation expresse, les TBI couvrent tout acte ou toute omission de l’État qui a une incidence sur un investisseur étranger et son investissement. En ce sens, ils s’appliquent à des situations qui ne relèvent pas des traités UE et FUE.

    184.

    Les meilleurs exemples sont ceux du mécanisme qui garantit la stabilité de la zone euro, du droit pénal et de la fiscalité directe.

    185.

    Je me réfère ainsi aux procédures arbitrales lancées sur la base des TBI internes à l’Union, auxquelles se sont référées lors de l’audience la République hellénique et la République de Chypre, à propos de mesures qu’elles ont prises en conformité avec les termes de conditionnalité de leur facilité d’assistance financière fixés dans les protocoles d’accord et d’autres instruments négociés soit dans le cadre du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES), soit sous le régime précédant le MES [à savoir le Fonds européen de stabilité financière (FESF)]. Ces mesures relèvent soit du MES, soit de la compétence des États membres, mais non des traités UE et FUE ( 138 ), dans le cadre desquels elles ne peuvent être contestées par les particuliers au titre de leur incompatibilité avec le droit de l’Union.

    186.

    En ce sens, les mesures prises par le gouvernement grec connues sous la dénomination en langue anglaise « Private Sector Involvement » (ci-après le « PSI ») et consistant, en substance, à la ponction unilatérale et rétroactive des obligations émises par ce gouvernement contrairement à la volonté de certains de leurs détenteurs ont donné lieu à la procédure arbitrale entre, d’une part, un investisseur slovaque et un investisseur chypriote et, d’autre part, la République hellénique ( 139 ). Selon ces investisseurs, leur participation « forcée » à la ponction des obligations prévue par le PSI constituait une expropriation indirecte ainsi qu’un traitement injuste et non équitable contraire aux TBI Grèce/Tchécoslovaquie et Grèce/Chypre.

    187.

    Le PSI avait été négocié entre le gouvernement grec et la « troïka » [Commission, BCE et Fonds monétaire international (FMI)] et ensuite approuvé par l’Eurogroupe ( 140 ). Comme cela a été jugé par la Cour, la participation de la Commission et de la BCE dans la troïka se fait en dehors des traités UE et FUE et l’Eurogroupe n’est pas un organe de l’Union ( 141 ). Les TBI ne connaissent pas pareille limitation. Ils s’appliquent à toute action de l’État.

    188.

    Il en va de même des mesures de contrôle des capitaux imposées par la République de Chypre lors de la crise bancaire qui font l’objet de la procédure arbitrale Theodoros Adamakopoulos e.a. c/ République de Chypre (affaire CIRDI no ARB/15/49). Lors de l’audience, le gouvernement chypriote a admis qu’il avait lui-même adopté ces mesures sur la base de l’article 65, paragraphe 1, TFUE qui permet, et donc n’impose pas, aux États membres d’introduire des restrictions à la libre circulation des capitaux.

    189.

    Comme l’a relevé le président de la BCE, même si la prise de ces mesures peut être tolérée comme restriction à la libre circulation des capitaux par l’article 65, paragraphe 1, TFUE, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de « mesures nationales […] unilatérales et souveraines prises par le Parlement chypriote, le gouvernement chypriote et/ou la banque centrale de Chypre» ( 142 ). Même si les États membres doivent exercer les compétences d’une manière qui ne viole pas le droit de l’Union, le TBI peut offrir une protection utile aux investisseurs, là où les mesures relevant de la compétence exclusive des États membres leur portent préjudice sans toutefois entraver le droit de l’Union.

    190.

    Pareillement, les mesures d’assainissement du secteur bancaire chypriote convenues dans le cadre du MES et approuvées par l’Eurogroupe comprenaient le démantèlement de la banque Laïki, sa scission en une structure de défaisance et une banque assainie ainsi que l’intégration de cette dernière à la banque Trapeza Kyprou ( 143 ). Laïki a également fait l’objet des mesures adoptées par le gouvernement chypriote qui, selon son actionnaire Marfin Investment Group, ont entraîné l’augmentation de la participation de la République de Chypre dans le capital de Laïki à son détriment. Des procédures pénales ont été ouvertes à l’encontre des dirigeants de Laïki nommés par Marfin Investment Group et des saisies provisoires de biens appartenant à Marfin Investment Group et à ses dirigeants ont été effectuées. En considérant que ces mesures constituaient une expropriation indirecte de son investissement dans la banque Laïki ainsi qu’un traitement arbitraire et discriminatoire contraire au TBI Grèce/Chypre, Marfin Investment Group a initié une procédure arbitrale contre la République de Chypre ( 144 ).

    191.

    Il est évident que le différend en cause dans cet arbitrage ne relève pas non plus du champ d’application des traités UE et FUE tant dans sa partie pénale que dans sa partie d’assainissement. Lors de l’audience, le gouvernement chypriote a reproché au tribunal arbitral de lui avoir ordonné « de ne pas émettre et de ne pas exécuter certains mandats d’arrêt européens » à l’encontre de certains ressortissants grecs, même si c’était dans le but de leur permettre de participer en tant que témoins aux audiences devant le tribunal arbitral.

    192.

    Toutefois, comme il ressort du communiqué de presse émis par le service juridique de la République de Chypre, la décision d’émettre ou non pareils mandats d’arrêt relève de la compétence exclusive des États membres. Je ne vois donc pas comment la décision du tribunal arbitral aurait empêché la République de Chypre d’exécuter ses obligations découlant de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ( 145 ), qui vise en substance l’exécution dans les autres États membres des mandats émis par un État membre (en l’occurrence la République de Chypre) ainsi que les procédures de remise des personnes visées. Quant à la suspension de l’exécution des mandats, cette décision-cadre ne contient pas de disposition visant l’exécution des mandats dans le pays de leur émission. En ce sens, cette question relève également de la compétence exclusive des États membres. De toute façon, il apparaît que le tribunal arbitral en cause a, à la suite de la demande du procureur général de Chypre, retiré sa décision, obligeant ainsi les ressortissants grecs concernés à comparaître devant les juridictions chypriotes, ce qui était l’objet des mandats d’arrêt européens concernés ( 146 ).

    193.

    En ce qui concerne le domaine de la fiscalité directe, ledit TBI s’applique pleinement. Cela n’est pas le cas des traités UE et FUE puisque la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, même si ces derniers sont obligés de l’exercer dans le respect du droit de l’Union ( 147 ). La protection offerte par les libertés fondamentales en matière de fiscalité directe ( 148 ) n’inclut que l’interdiction de différence de traitement entre des contribuables se trouvant dans des situations objectivement comparables ou de traitement identique de contribuables se trouvant dans des situations différentes ( 149 ).

    194.

    Lors de l’audience, la Commission s’est référée à l’arrêt du 5 février 2014, Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2014:47), alors que cet arrêt prouve que, contrairement à la thèse de la Commission, le droit de l’Union n’offre pas une protection « complète » en matière d’investissements ( 150 ). En effet, il ressort clairement des points 23 et 30 dudit arrêt que le droit de l’Union n’offre une protection que contre les discriminations dans le domaine concerné par ce même arrêt, à savoir la fiscalité directe.

    195.

    De plus, conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, ses dispositions ne s’adressent aux États membres que lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Comme la Cour l’a jugé, pour autant que les mesures de fiscalité directe en cause ne relèvent pas des dispositions du traité FUE ou des directives relatives à la fiscalité, les dispositions de la Charte ne leur sont pas applicables ( 151 ).

    196.

    En revanche, la protection accordée aux investisseurs par les TBI dans le domaine de la fiscalité directe est plus étendue qu’en droit de l’Union en ce qu’elle vise non pas uniquement un traitement fiscal discriminatoire, mais également toute imposition qui violerait les garanties de traitement juste et équitable, de traitement de la NPF, de protection et de sécurité pleines et entières ainsi que toute expropriation indirecte réalisée sous couvert d’imposition ( 152 ).

    197.

    Par exemple, un actionnaire minoritaire dans une société établie dans un autre État membre et qui y est expropriée ( 153 ) par voie de fiscalité directe n’est pas protégé par les libertés fondamentales garanties par le traité FUE puisque sa participation ne lui donne pas le contrôle de la société ciblée par les mesures d’expropriation et, de ce fait, ne relève pas de la liberté d’établissement. De plus, comme les mesures fiscales visent la seule société, elles s’appliqueraient à une situation purement interne, ce qui rendrait inapplicables les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des capitaux. Les dispositions du droit de l’Union n’étant pas applicables, la Charte et son article 17 ne s’appliqueraient pas non plus.

    198.

    En revanche, une participation minoritaire étant un investissement direct au sens dudit TBI, un actionnaire minoritaire pourrait bénéficier pleinement de l’article 5, interdisant les expropriations illégales ( 154 ).

    2) Les normes juridiques dudit TBI qui sont sans équivalent dans le droit de l’Union et qui ne sont pas incompatibles avec celui-ci

    199.

    Plusieurs normes juridiques dudit TBI n’ont pas d’équivalent en droit de l’Union. Il s’agit de la clause NPF, de la clause de respect des engagements contractuels, de la clause sunset ainsi que du mécanisme RDIE.

    i) La clause NPF

    200.

    L’article 3, paragraphe 2, dudit TBI instaure le principe selon lequel chaque partie contractante accordera aux investissements des investisseurs de l’autre partie une protection et une sécurité pleines et entières qui, de toute façon, ne seront pas plus faibles que celles accordées soit aux investissements de ses propres investisseurs, soit aux investissements de n’importe quel autre État, selon ce qui est le plus favorable à l’investisseur concerné.

    201.

    Même si le droit de l’Union reconnaît le principe de traitement national ( 155 ), il ne contient pas de clause NPF qui permettrait aux ressortissants d’un État membre de bénéficier dans un autre État membre du traitement que ce dernier accorde aux ressortissants d’un troisième État membre sur la base d’un accord bilatéral ( 156 ).

    ii) La clause de respect des engagements contractuels, dite « umbrella clause »

    202.

    La clause de respect des engagements contractuels dite « umbrella clause » de l’article 3, paragraphe 5, dudit TBI a pour effet de transformer en violation du TBI une violation par l’État d’un engagement contractuel qu’il a souscrit à l’égard d’un investisseur. Il n’y a rien d’équivalent en droit de l’Union qui transformerait la violation d’un engagement contractuel en une violation des traités UE et FUE.

    iii) La clause sunset

    203.

    Contrairement à l’article 13, paragraphe 3, dudit TBI, les traités UE et FUE ne contiennent pas de clause sunset. Au contraire, l’article 50, paragraphe 3, TUE prévoit que « [l]es traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2 », sauf si ce délai est prorogé. Par conséquent, les ressortissants de l’Union cesseront immédiatement de bénéficier de la protection accordée par le droit de l’Union à leurs activités économiques dans l’État membre qui décide de se retirer de l’Union, même si leurs investissements ont été réalisés pendant la période où les traités étaient en vigueur dans cet État membre, et vice versa.

    iv) Le recours à l’arbitrage international en tant que mécanisme de RDIE

    204.

    L’article 8 dudit TBI contient l’offre permanente (standing offer) du Royaume des Pays-Bas et de la République slovaque aux investisseurs de l’autre partie contractante de soumettre à l’arbitrage international tout différend relatif à leurs investissements, conformément au règlement d’arbitrage de la CNUDCI, l’Institut d’arbitrage de la CCS agissant en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination.

    205.

    Selon le tribunal arbitral saisi de l’arbitrage en cause dans l’affaire au principal, le droit de recourir à l’arbitrage international ne peut tout simplement pas être assimilé aux recours devant les juridictions ordinaires de l’État ( 157 ), en sachant que les traités UE et FUE (comme les droits des États membres) n’instaurent pas une voie de recours équivalente au mécanisme RDIE. Même si l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose aux États membres l’obligation d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, les traités UE et FUE ne créent pas de voies de recours qui permettraient aux justiciables d’attraire directement les États membres devant la Cour ( 158 ). De plus, le champ d’application dudit TBI est plus large que celui des traités UE et FUE et, donc, s’applique aussi là où les obligations découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ne s’appliquent pas.

    206.

    En outre, les tribunaux arbitraux sont le for le plus approprié pour régler des différends entre investisseurs et États sur la base de TBI, puisque les juridictions étatiques imposent souvent aux investisseurs des conditions d’invocabilité du droit international qui sont en réalité impossibles à remplir ( 159 ) ainsi que des délais difficilement conciliables avec la vie des affaires et les montants qui sont en jeu.

    207.

    Par conséquent, s’il ne prévoyait pas le recours à l’arbitrage international comme mode de RDIE, ledit TBI entier serait privé de tout effet utile. À cet égard, les États membres intervenant dans la présente procédure ainsi que la Commission n’ont pas donné un seul exemple d’un investisseur qui aurait introduit un recours devant des juridictions étatiques sur la base des anciens TBI, qui, comme les TBI Allemagne/Grèce et Allemagne/Portugal, ne contiennent pas de mécanismes de RDIE.

    208.

    Il n’est donc guère étonnant que le droit des investisseurs de recourir à l’arbitrage international soit reconnu en droit international des investissements comme la disposition la plus essentielle des TBI puisque celle-ci, au-delà de son contenu procédural, est aussi, en elle-même, une garantie qui incite et protège les investissements ( 160 ).

    209.

    La Cour a confirmé cette appréciation en jugeant, au point 292 de l’avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017 (EU:C:2017:376), que les mécanismes RDIE « ne saurai[ent] revêtir un caractère purement auxiliaire ».

    3) Le chevauchement des autres dispositions dudit TBI avec certaines dispositions des traités UE et FUE n’est que partiel

    210.

    En ce qui concerne les autres normes de protection matérielle des investissements, à savoir la protection et la sécurité pleines et entières, le traitement juste et équitable des investissements ainsi que l’interdiction des expropriations illégales, il convient de souligner que leur chevauchement avec le droit de l’Union n’est que partiel sans toutefois donner lieu à une incompatibilité avec celui-ci. Au contraire, tout comme les libertés fondamentales, ces normes encouragent également les mouvements des capitaux entre États membres. Elles sont a priori compatibles avec le marché intérieur.

    i) La protection et la sécurité pleines et entières des investissements

    211.

    Cette norme impose à l’État l’obligation positive de prendre des mesures afin de protéger les investissements, ce qui inclut la protection physique de l’investisseur et de son investissement contre les actions violentes de la part de particuliers ( 161 ) ou des organes de l’État ( 162 ) ainsi que la protection juridique ( 163 ) de l’investisseur et de son investissement ( 164 ).

    212.

    Il n’y a pas de norme directement équivalente en droit de l’Union ( 165 ). Certes, les libertés fondamentales peuvent être applicables dans les mêmes cadres factuels que la garantie de protection et de sécurité pleines et entières, puisqu’elles ont un effet direct vertical et horizontal ( 166 ). Toutefois, les contenus sont différents, qu’il s’agisse de la protection physique de l’investisseur ou de la protection juridique qui inclut l’obligation de l’État d’assurer que le niveau de protection et de sécurité des investissements convenu avec les investisseurs étrangers ne sera pas supprimé ou diminué que ce soit par une modification de ses lois ou par des actions de son administration ( 167 ). On ne trouve rien d’aussi spécifique en droit de l’Union.

    ii) Le traitement juste et équitable des investissements

    213.

    Le traitement juste et équitable des investissements est une notion large qui inclut le droit à un procès équitable et les garanties fondamentales de bonne foi, de non-discrimination ( 168 ) et de proportionnalité ( 169 ) ainsi que les notions de transparence, d’absence d’ambiguïté et de traitement arbitraire, de protection de la confiance légitime ainsi que de protection contre la coercition et le harcèlement ( 170 ). Enfin, la notion de traitement juste et équitable protège l’investisseur contre un déni de justice ( 171 ) par les juridictions étatiques ( 172 ).

    214.

    Les points communs avec plusieurs principes du droit de l’Union, comme les principes de non-discrimination, de proportionnalité et de protection de la confiance légitime ainsi que les droits à une bonne administration, à un recours judiciaire effectif et à un tribunal impartial, sont évidents.

    215.

    Toutefois, ces normes du droit de l’Union, même prises dans leur ensemble, n’impliquent pas que le droit de l’Union connaisse le principe de traitement juste et équitable en tant que tel. Par exemple, comme cela a été jugé par plusieurs tribunaux arbitraux, un traitement peut être injuste et inéquitable, même s’il vise tous les opérateurs économiques, indépendamment de leur nationalité ou d’autres caractéristiques distinctives ( 173 ), comme un impôt forfaitaire sur les sociétés. Il convient de souligner que, lors de la procédure arbitrale en cause dans l’affaire au principal, la République slovaque a accepté que pareil impôt pourrait être contraire au traitement juste et équitable exigé par le TBI, alors qu’il ne serait pas incompatible avec le droit de l’Union ( 174 ).

    216.

    Un autre exemple est la protection contre les dénis de justice qui inclut également le cas d’une mauvaise application du droit national qui est claire et malveillante. Le droit de l’Union n’offre pas de protection comparable, puisque les juridictions de l’Union ne sont pas compétentes pour interpréter le droit national.

    iii) L’interdiction des expropriations illégales

    217.

    Conformément à l’article 5 dudit TBI, une expropriation n’est légale que si elle est justifiée par l’intérêt général, respecte la procédure légale requise, n’est pas discriminatoire et est accompagnée d’une provision pour le paiement d’une juste compensation.

    218.

    Le chevauchement avec le droit de propriété garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte est évident ( 175 ). Aux termes de cette disposition, « [n]ul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte ».

    219.

    Toutefois, ce chevauchement n’est que partiel, puisque la protection contre l’expropriation accordée par les TBI est plus étendue que celle du droit de l’Union à deux égards au moins.

    220.

    En premier lieu, conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, son article 17 ne s’adresse aux États membres que lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Son application est donc exclue dans les autres cas. Si, donc, la Commission s’est référée, lors de l’audience, aux affaires SEGRO et Horváth (C‑52/16 et C‑113/16), pendantes devant la Cour, comme exemples d’affaires où le droit de l’Union offre une protection contre les expropriations, cette protection est loin d’être complète, parce qu’elle ne s’applique jamais de manière autonome ( 176 ). En revanche, l’interdiction des expropriations illégales par l’article 5 dudit TBI est autonome et lie l’État sans limitation.

    221.

    En deuxième lieu, les TBI protègent non pas uniquement des expropriations directes ( 177 ), mais également des expropriations indirectes, à savoir les expropriations par voie réglementaire et les expropriations dites « larvées »(creeping expropriations) ( 178 ).

    222.

    La notion d’« expropriation indirecte » est plus floue et envisage des mesures d’ingérence, sans dépossession, dans le droit de propriété et de jouissance de l’investissement. Les tribunaux arbitraux ont établi plusieurs critères afin de distinguer une expropriation indirecte de l’usage normal du pouvoir régulateur de l’État, à savoir le degré d’ingérence dans le droit de propriété, le but et le contexte des mesures étatiques en cause et la violation par ces mesures des attentes raisonnables quant à la performance économique de l’investissement ( 179 ).

    223.

    Il en va de même pour les expropriations larvées, c’est‑à‑dire des expropriations indirectes qui se déroulent de manière progressive et qui passent par une série de mesures, dont aucune ne constitue en soi une expropriation mais dont l’effet cumulatif est de détruire la valeur de l’investissement ( 180 ).

    224.

    La jurisprudence de la Cour au regard de l’article 17 de la Charte n’est pas si développée. Il n’est donc pas du tout certain qu’elle protégerait les investisseurs contre des expropriations indirectes de manière comparable aux TBI.

    225.

    En troisième lieu, l’article 17 de la Charte ne prévoit qu’une juste indemnité alors que l’article 5, sous c), dudit TBI prévoit que l’indemnité doit représenter la valeur réelle de l’investissement.

    226.

    Enfin, la Commission ne donne pas même un seul exemple d’une affaire menée devant la Cour soit par recours en annulation, soit par demande de décision préjudicielle dans laquelle un investisseur aurait revendiqué son droit à la propriété contre une expropriation illégale de son investissement ( 181 ).

    227.

    De plus, la Commission n’explique pas du tout en quoi l’interdiction des expropriations illégales serait incompatible avec les traités UE et FUE.

    228.

    Il ressort de ce qui précède que le champ d’application dudit TBI est plus large que celui des traités UE et FUE et que les garanties de protection des investissements introduites par celui-ci sont différentes de celles accordées en droit de l’Union sans être incompatibles avec lui. Pour cette raison, un différend entre un investisseur néerlandais et la République slovaque relevant dudit TBI n’est pas un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités UE et FUE.

    3.   Le TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie a-t-il, au regard de sa finalité, pour effet de porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et, partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union ?

    229.

    Si la Cour juge qu’un différend tel que celui entre Achmea et la République slovaque dans l’affaire au principal n’est pas un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités visé par l’article 344 TFUE, il conviendrait encore d’examiner si l’article 8 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie a pour effet de porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par lesdits traités et à l’autonomie du système juridique de l’Union ( 182 ).

    230.

    Je rappelle d’abord les principes essentiels énoncés à ce sujet par la Cour aux points 65 à 70 de l’avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123), et aux points 157 à 176 de l’avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454).

    231.

    Il est constant que les traités fondateurs de l’Union ont institué un nouvel ordre juridique, doté d’institutions propres, au profit duquel les États ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants, le droit de l’Union se caractérisant par sa primauté sur les droits des États membres ainsi que par l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes ( 183 ).

    232.

    L’ordre juridique et le système juridictionnel de l’Union reposent sur la prémisse fondamentale que chaque État membre partage avec tous les autres, et reconnaît que ceux-ci les partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, ce qui implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les États membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union qui les met en œuvre ( 184 ).

    233.

    En vertu du principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, les États membres assurent, sur leurs territoires respectifs, l’application et le respect du droit de l’Union. En outre, en vertu du deuxième alinéa du même paragraphe, les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union ( 185 ).

    234.

    Pour garantir la préservation des caractéristiques spécifiques et de l’autonomie du système juridique de l’Union, les traités ont institué un système juridictionnel destiné à assurer la cohérence et l’unité dans l’interprétation du droit de l’Union, qui confie aux juridictions nationales et à la Cour la mission de garantir la pleine application du droit de l’Union dans l’ensemble des États membres ainsi que la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent dudit droit ( 186 ).

    235.

    Dans ce contexte, « la clef de voûte du système juridictionnel ainsi conçu est constituée par la procédure du renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE qui, en instaurant un dialogue de juge à juge précisément entre la Cour et les juridictions des États membres, a pour but d’assurer l’unité d’interprétation du droit de l’Union […], permettant ainsi d’assurer sa cohérence, son plein effet et son autonomie ainsi que, en dernière instance, le caractère propre du droit institué par les traités […]» ( 187 ).

    236.

    Enfin, dans l’exercice de leur rôle de gardiennes du droit de l’Union, les juridictions des États membres veillent au respect des normes et des principes qui relèvent des fondements mêmes de l’ordre juridique de l’Union, tels que la primauté du droit de l’Union, les quatre libertés fondamentales, la citoyenneté de l’Union, l’espace de liberté, de sécurité et de justice, le droit de la concurrence et des aides d’État ainsi que les droits fondamentaux ( 188 ).

    237.

    À mon avis, la possibilité offerte par l’article 8 dudit TBI aux investisseurs néerlandais et slovaques de recourir à l’arbitrage international n’enfreint ni l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE ni l’autonomie du système juridique de l’Union, même dans le cas où la Cour jugerait que les tribunaux arbitraux constitués conformément à cet article ne sont pas des juridictions des États membres au sens de l’article 267 TFUE.

    238.

    Il convient d’abord de noter que, malgré leur nature contraignante, aucune sentence arbitrale ne peut être exécutée sans le concours de l’État qui met, dans le cas de l’arbitrage d’investissement, ses mécanismes d’exécution à la disposition de l’investisseur.

    239.

    Dans le cas de l’article 8 dudit TBI, les sentences rendues par les tribunaux arbitraux ne peuvent échapper au contrôle des juridictions étatiques. Ce contrôle peut s’effectuer dans le cadre d’un recours en annulation contre la sentence arbitrale devant les juridictions du siège de l’arbitrage ou dans le cadre d’une opposition à une demande de reconnaissance et d’exécution de celle-ci devant les juridictions des pays où la reconnaissance et l’exécution de la sentence sont demandées conformément à la convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, signée à New York le 10 juin 1958 ( 189 ) (ci-après la « convention de New York »).

    240.

    Comme la Cour l’a jugé à plusieurs reprises, « si un arbitrage conventionnel soulevait des questions de droit [de l’Union], les juridictions ordinaires pourraient être amenées à examiner ces questions, notamment dans le cadre du contrôle de la sentence arbitrale, plus ou moins étendu selon le cas, qui leur revient en cas de saisine en appel, en opposition, pour exequatur, ou par toute autre voie de recours ou forme de contrôle prévue par la législation nationale applicable» ( 190 ).

    241.

    Sur cette constatation se base la jurisprudence constante selon laquelle « il appartient à ces juridictions nationales de vérifier si elles doivent saisir la Cour en application de l’article [267 TFUE] pour obtenir l’interprétation ou l’appréciation de validité des dispositions de droit [de l’Union] qu’elles peuvent être amenées à appliquer dans le cadre du contrôle juridictionnel d’une sentence arbitrale» ( 191 ), ces juridictions étant en définitive chargées de garantir l’uniformité d’application du droit de l’Union et le respect des normes d’ordre public européen ( 192 ).

    242.

    La Cour n’a pas même estimé utile de rappeler expressément ce point dans le corps de ses arrêts du 13 mai 2015, Gazprom (C‑536/13, EU:C:2015:316), et du 7 juillet 2016, Genentech (C‑567/14, EU:C:2016:526), où elle a directement jugé le fond de la question qui, dans les deux affaires, visait à savoir si la sentence arbitrale en cause était incompatible avec le droit de l’Union en matière de concurrence.

    243.

    Dans ces affaires, ni les États membres ni la Commission n’ont considéré que les questions de droit de la concurrence soulevées devant les arbitres n’étaient pas arbitrables ou qu’il y avait la moindre incompatibilité entre le droit de l’Union et les clauses compromissoires que les parties privées avaient insérées dans leurs contrats ( 193 ).

    244.

    De plus, les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269), et du 7 juillet 2016, Genentech (C‑567/14, EU:C:2016:526), s’inscrivaient dans le cadre de recours en annulation d’une sentence arbitrale alors que celle ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mai 2015, Gazprom (C‑536/13, EU:C:2015:316), faisait suite à une opposition à la demande de reconnaissance et d’exécution d’une sentence arbitrale. Cela démontre que, quelles que soient les procédures, les juridictions des États membres et de l’Union ont la possibilité d’assurer l’uniformité d’interprétation du droit de l’Union et le respect des normes d’ordre public européen, que ce soit en matière de concurrence ( 194 ) ou dans les autres domaines du droit de l’Union.

    245.

    Les caractéristiques des tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI, et notamment du tribunal arbitral en cause dans la présente affaire, sont telles qu’elles permettent aux juridictions ordinaires des États membres d’assurer le respect de ces principes, comme elles le font dans le cadre de l’arbitrage international commercial.

    246.

    L’article 8 dudit TBI confie au président de l’Institut d’arbitrage de la CCS, établie dans un État membre, le soin de nommer les arbitres, si les nominations n’interviennent pas dans les délais fixés par l’article 8, paragraphe 3, dudit TBI. Il prévoit également que le règlement d’arbitrage de la CNUDCI sera applicable aux procédures arbitrales qui se dérouleront conformément à cet article. Selon l’article 16 du règlement d’arbitrage de 1976, il appartient au tribunal arbitral lui–même de fixer le siège de l’arbitrage et de choisir l’institution qui fera fonction de greffe, après avoir entendu les parties ( 195 ).

    247.

    Par son ordonnance procédurale du 19 mars 2009, le tribunal arbitral a fixé le siège de l’arbitrage sur le territoire d’un État membre, à savoir à Francfort-sur-le-Main. Sa sentence serait donc, conformément à l’article 1059 du code allemand de procédure civile, susceptible d’un recours en annulation devant les juridictions allemandes qui pourront donc veiller dans ce cadre à assurer l’uniformité d’interprétation du droit de l’Union et le respect des normes d’ordre public européen. C’est dans le cadre de ce type de recours que la juridiction de renvoi et la Cour ont été saisies.

    248.

    De plus, la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales rendues par les tribunaux arbitraux constitués conformément à l’article 8 dudit TBI relèvent de la convention de New York à laquelle tous les États membres ont adhéré. Conformément à celle-ci, les juridictions étatiques peuvent refuser la reconnaissance et l’exécution de ces sentences pour tous les motifs prévus à son article V, y inclus le fait que la procédure arbitrale n’a pas été conforme à la convention des parties ( 196 ) et la contrariété à l’ordre public ( 197 ), y compris l’ordre public européen.

    249.

    À supposer donc qu’Achmea tendrait à obtenir la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale en cause dans la présente affaire dans un autre État membre, les juridictions de l’État requis seraient également chargées de garantir que la sentence n’est pas incompatible avec le droit de l’Union.

    250.

    Il en va de même dans le cadre d’un recours en annulation comme dans la présente affaire. L’uniformité d’application du droit de l’Union peut être assurée sur la base de plusieurs motifs, dont les plus pertinents sont la non-conformité de la procédure arbitrale à la convention des parties et la contrariété à l’ordre public ( 198 ), y compris l’ordre public européen.

    251.

    La Commission évoque également le risque que le siège d’un arbitrage soit potentiellement fixé dans un pays tiers ou que la reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale incompatible avec le droit de l’Union soient demandées dans un pays tiers, cas dans lesquels les juridictions de l’Union ne seraient pas impliquées et, de ce fait, la Cour ne serait jamais saisie à titre préjudiciel.

    252.

    Il en va de même, selon la Commission, des TBI internes à l’Union qui désignent le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), établi à Washington, D.C., en tant qu’institution faisant fonction de greffe de l’arbitrage. Dans un tel cas, la sentence arbitrale serait obligatoire à l’égard des parties et ne pourrait faire l’objet d’aucun appel ou autre recours que ceux prévus dans la convention CIRDI ( 199 ). Il en découle qu’il n’y aurait aucun moyen en droit qui permettrait aux juridictions des États membres de contrôler la compatibilité d’une sentence arbitrale CIRDI avec le droit de l’Union.

    253.

    Même si j’estime que les États membres devraient éviter le choix du CIRDI dans leurs TBI, les risques auxquels se réfère la Commission sont, en l’occurrence, purement hypothétiques puisque le TBI en cause ne désigne pas le CIRDI comme institution faisant fonction de greffe de l’arbitrage, que les parties ont choisi la CPA à La Haye comme institution remplissant cette fonction, que le tribunal arbitral a fixé le siège de l’arbitrage sur le territoire d’un État membre et qu’il y a non pas une demande de reconnaissance et d’exécution de la sentence arbitrale dans des pays tiers ( 200 ), mais un recours en annulation contre la sentence arbitrale devant les juridictions d’un État membre dont l’une a saisi la Cour à titre préjudiciel.

    254.

    De plus, il n’y a aucune question d’incompatibilité quant au fond de la sentence arbitrale avec le droit de l’Union, les arguments de la République slovaque devant la juridiction de renvoi ne ciblant que la compatibilité du mécanisme de règlement des différends instauré par l’article 8 dudit TBI avec les traités UE et FUE.

    255.

    Cela étant dit, l’efficacité du système juridictionnel de l’Union resterait intacte même dans l’hypothèse où un État membre ne serait pas disposé à contester l’incompatibilité d’une sentence arbitrale avec les traités UE et FUE par un recours en annulation ou une opposition à la demande de reconnaissance et d’exécution. En effet, dans une telle hypothèse, les articles 258 et 260 TFUE permettraient à la Commission de poursuivre cet État membre qui se serait conformé à une sentence arbitrale incompatible avec le droit de l’Union ( 201 ).

    256.

    Pour ces raisons, je considère que l’article 8 dudit TBI ne porte pas atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et, partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union.

    257.

    Cette constatation n’est pas affectée par l’argumentation de plusieurs gouvernements et de la Commission tirée du risque de décisions rendues par les tribunaux arbitraux qui seraient incompatibles avec le droit de l’Union ainsi que du principe de confiance mutuelle.

    258.

    Cette argumentation vaut non seulement pour l’arbitrage international d’investissement, mais également pour l’arbitrage international commercial puisque ce dernier peut aussi conduire à des sentences incompatibles avec le droit de l’Union et être fondé sur une prétendue absence de confiance à l’égard des juridictions des États membres. Malgré ces risques, la Cour n’a jamais contesté sa validité alors que l’arbitrage des questions du droit de l’union en matière de concurrence entre particuliers n’est pas inconnu ( 202 ).

    259.

    Si, donc, l’arbitrage international entre particuliers ne porte pas atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et, partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union, même lorsque l’État est partie à la procédure arbitrale ( 203 ), je pense qu’il doit en être de même pour l’arbitrage international entre investisseurs et États, d’autant plus que la présence inévitable de l’État implique une plus grande transparence ( 204 ) et que demeure la possibilité de l’obliger à respecter les obligations découlant du droit de l’Union par une procédure en anquement sur la base des articles 258 et 259 TFUE.

    260.

    Si devait être suivie la logique de la Commission, tout arbitrage serait susceptible de porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et, partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union.

    261.

    Par ailleurs, je ne vois pas en quoi la procédure arbitrale en cause dans l’affaire au principal heurterait le principe de confiance mutuelle étant donné qu’elle n’a eu lieu que grâce au consentement des États membres concernés et au choix d’Achmea, librement exprimé, d’utiliser la faculté que ces États membres lui ont offerte.

    262.

    En effet, le principe de confiance mutuelle « impose, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces États de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit» ( 205 ).

    263.

    Je ne vois pas le lien entre ce principe et l’article 8 dudit TBI. Comme l’a relevé le gouvernement néerlandais lors de l’audience, l’arbitrage international en tant que mode de RDIE n’implique nullement que le Royaume des Pays-Bas et la République slovaque aient eu des doutes sur le respect par l’autre partie du droit de l’Union et des droits fondamentaux qu’il reconnaît.

    264.

    Comme tous les mécanismes RDIE contenus dans les TBI, l’article 8 dudit TBI crée un for où l’investisseur peut attraire l’État afin de revendiquer les droits qui lui sont conférés, en droit international public, par le TBI, possibilité qui sans cet article ne lui serait pas ouverte ( 206 ).

    265.

    De plus, il n’est pas sûr qu’un particulier puisse invoquer les dispositions d’un traité international devant les juridictions étatiques puisque celles-ci excluent d’office cette possibilité en considérant que les traités ne créent des droits et des obligations qu’entre États, ou encore imposent des conditions d’invocabilité plus ou moins strictes selon le cas, qui ne garantissent pas aux particuliers la possibilité d’invoquer les dispositions des traités ( 207 ).

    266.

    Par conséquent, loin d’exprimer une méfiance envers le système juridique de l’autre État membre, le recours à l’arbitrage international est le seul moyen pour donner un effet plein et utile aux TBI en créant un for spécialisé où les investisseurs peuvent invoquer les droits qui leur sont conférés par les TBI.

    267.

    Par conséquent, je n’estime pas que l’article 8 dudit TBI heurte le principe de confiance mutuelle.

    268.

    Enfin, je ne suis guère convaincu par l’argumentation de la Commission selon laquelle l’inexistence des TBI entre les États membres qui ont fondé l’Union ou qui y ont adhéré avant 2004 est la preuve que ces traités sont fondés sur une absence de confiance mutuelle.

    269.

    En premier lieu, il n’est pas vrai que les États membres fondateurs et les États membres qui ont adhéré à l’Union avant 2004 ne sont pas liés par des accords semblables aux TBI autres que les traités UE et FUE ( 208 ).

    270.

    En second lieu, les TBI sont beaucoup moins utiles entre États exportateurs de capitaux. Ainsi, pour prendre un exemple, l’on constate que, selon les dernières statistiques, la France ne fait partie ni des dix premiers pays récipiendaires de flux de capitaux allemands ni des dix premiers pays émetteurs de flux de capitaux en direction de l’Allemagne, alors que la Pologne occupe la dixième place en termes de flux sortants de l’Allemagne ( 209 ).

    271.

    Je me demande donc si l’absence de TBI entre les anciens États membres ne s’explique pas plutôt par le fait que la majorité des États membres de cette catégorie sont davantage des exportateurs importants de capitaux que des pays d’accueil d’investissements et que, en ce sens, ils n’ont pas eu vraiment besoin de conclure de TBI entre eux.

    272.

    Pour ces raisons, je considère que le mécanisme de règlement des différends instauré par l’article 8 dudit TBI est compatible avec l’article 344 TFUE ainsi qu’avec l’ordre des compétences fixé par les traités UE et FUE et l’autonomie du système juridique de l’Union.

    VI. Conclusion

    273.

    Je propose donc à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) de la manière suivante :

    Les articles 18, 267 et 344 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne font pas obstacle à l’application d’un mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État instauré au moyen d’un accord bilatéral d’investissement conclu avant l’adhésion de l’un des États contractants à l’Union européenne et prévoyant qu’un investisseur d’un État contractant peut, en cas de litige concernant des investissements dans l’autre État contractant, introduire une procédure contre ce dernier État devant un tribunal arbitral.


    ( 1 ) Langue originale : le français.

    ( 2 ) L’acronyme TBI signifie « traité bilatéral d’investissement ».

    ( 3 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence finale du 7 décembre 2012, disponible sur le site Internet de l’Investment Policy Hub de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) http://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/323.

    ( 4 ) Ce type de TBI est connu comme « TBI interne à l’Union européenne »(intra-EU BIT).

    ( 5 ) Les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 3 mars 2009, Commission/Autriche (C‑205/06, EU:C:2009:118) ; du 3 mars 2009, Commission/Suède (C‑249/06, EU:C:2009:119), et du 19 novembre 2009, Commission/Finlande (C‑118/07, EU:C:2009:715), concernaient des TBI conclus entre États membres et pays tiers. L’arrêt du 15 septembre 2011, Commission/Slovaquie (C‑264/09, EU:C:2011:580), concernait un différend entre un investisseur en provenance d’un pays tiers, à savoir la Confédération suisse, et la République slovaque sur la base du traité sur la charte de l’énergie, signé à Lisbonne le 17 décembre 1994. Alors que, dans les trois premiers recours, la Cour a constaté l’existence d’un manquement, elle a rejeté le dernier recours sur le fond.

    ( 6 ) Le plus ancien est le TBI Allemagne/Grèce (1961) et le plus récent est le TBI Lituanie/Croatie (2008).

    ( 7 ) Je cite ici les procédures arbitrales entre investisseurs et États membres les plus importantes dans lesquelles les tribunaux arbitraux ont été amenés à se prononcer sur la question de la compatibilité avec le traité FUE d’un TBI interne à l’Union ou d’un traité multilatéral d’investissement (comme le traité sur la charte de l’énergie) auquel l’Union et ses États membres sont parties : Eastern Sugar BV c/ République tchèque (CNUDCI) [affaire de la chambre de commerce de Stockholm (CCS) no 088/2004], sentence partielle du 27 mars 2007 ; Rupert Joseph Binder c/ République tchèque (CNUDCI), sentence du 6 juin 2007 sur la compétence ; Jan Oostergetel & Theodora Laurentius c/ République slovaque (CNUDCI), décision du 30 avril 2010 sur la compétence ; AES Summit Generation Limited & AES-Tisza Erömü Kft. c/ Hongrie [affaire du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) no ARB/07/22], sentence du 23 septembre 2010 ; Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension et sentence finale du 7 décembre 2012 ; European American Investment Bank AG c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2010-17), sentence du 22 octobre 2012 sur la compétence ; Electrabel SA c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/07/19), décision du 30 novembre 2012 sur la compétence, le droit applicable et la responsabilité et sentence du 25 novembre 2015 ; Charanne BV et Construction Investments Sàrl. c/ Royaume d’Espagne (affaire CCS no 062/2012), sentence finale du 21 janvier 2016 ; RREEF Infrastructure (G. P.) Limited and RREEF Pan-European Infrastructure Two Lux Sàrl c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/13/30), décision du 6 juin 2016 sur la compétence ; Isolux Infrastructure Netherlands B.V. c/ Royaume d’Espagne (affaire CCS V 2013/153) sentence du 12 juillet 2016 ; WNC Factoring Ltd c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2014-34), sentence du 22 février 2017 ; Anglia Auto Accessories Limited c/ République tchèque (affaire CCS V 2014/181), sentence finale du 10 mars 2017 ; I. P. Busta et J. P. Busta c/ République tchèque (affaire CCS V 2015/014), sentence finale du 10 mars 2017, ainsi que Eiser Infrastructure Limited et Energía Solar Luxembourg Sàrl c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/13/36), sentence du 4 mai 2017. Toutes les sentences arbitrales auxquelles je me réfère dans les présentes conclusions sont disponibles sur le site Internet de la CNUCED http://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS. Je me référerai également à des sentences arbitrales rendues sur des TBI entre États membres et pays tiers ou même entre pays tiers dans la mesure où les principes du droit international s’appliquent à tous ces cas indistinctement.

    ( 8 ) Le texte est disponible en langue anglaise sur le site Internet de la CNUCED http://investmentpolicyhub.unctad.org/IIA/mostRecent/treaty/2650.

    (

    9

    )

    « Each Contracting Party shall in its territory promote investments by investors of the other Contracting Party and shall admit such investments in accordance with its provisions of law. »

    ( 10 ) « Each Contracting Party shall ensure fair and equitable treatment to the investments of investors of the other Contracting Party and shall not impair, by unreasonable or discriminatory measures, the operation, management, maintenance, use, enjoyment or disposal thereof by those investors. »

    ( 11 ) « More particularly, each Contracting Party shall accord to such investments full security and protection which in any case shall not be less than that accorded either to investments of its own investors or to investments of investors of any third State, whichever is more favourable to the investor concerned. »

    ( 12 ) « The provisions of this Article shall not be construed so as to oblige either Contracting Party to accord preferences and advantages to investors of the other Contracting Party similar to those accorded to investors of a third State (a) by virtue of membership of the former of any existing or future customs union or economic union, or similar institutions ; […] »

    ( 13 ) « Each Contracting Party shall observe any obligation it may have entered into with regard to investment of investors of the other Contracting Party. »

    ( 14 ) « If the provisions of law of either Contracting Party or obligations under international law existing at present or established hereafter between the Contracting Parties in addition to the present Agreement contain rules, whether general or specific, entitling investments by investors of the other Contracting Party to a treatment more favourable than is provided for by the present Agreement, such rules shall to the extent that they are more favourable prevail over the present Agreement. »

    (

    15

    )

    « Each Contracting Party shall guarantee that payments related to an investment may be transferred. The transfers shall be made in a freely convertible currency, without undue restriction or delay. »

    (

    16

    )

    « Neither Contracting Party shall take any measures depriving, directly or indirectly, investors of the other Contracting Party of their investments […] »

    ( 17 ) « All disputes between one Contracting Party and an investor of the other Contracting Party concerning an investment of the latter shall if possible, be settled amicably. »

    ( 18 ) « Each Contracting Party hereby consents to submit a dispute referred to in paragraph (1) of this Article, to an arbitral tribunal, if the dispute has not been settled amicably within a period of six months from the date either party to the dispute requested amicable settlement. »

    ( 19 ) « The arbitral tribunal referred to in paragraph (2) of this Article will be constituted for each individual case in the following way: each party to the dispute appoints one member of the tribunal and the two members thus appointed shall select a national of a third State as Chairman of the tribunal. Each party to the dispute shall appoint its member of the tribunal within two months, and the Chairman shall be appointed within three months from the date on which the investor has notified the other Contracting Party of his decision to submit the dispute to the arbitral tribunal. »

    ( 20 ) « If the appointments have not been made in the above mentioned periods, either party to the dispute may invite the President of the Arbitration Institute of the Chamber of Commerce of Stockholm to make the necessary appointments. If the President is a nation al of either Contracting Party or if he is otherwise prevented from discharging the said function, the Vice-President shall be invited to make the necessary appointments. If the Vice-President is a national of either Contracting Party or if he too is prevented from discharging the said function, the most senior member of the Arbitration Institute who is not a national of either Contracting Party shall be invited to make the necessary appointments. »

    ( 21 ) « The arbitration tribunal shall determine its own procedure applying the arbitration rules of the United Nations Commission for International Trade Law (UNCITRAL). »

    ( 22 ) « The arbitral tribunal shall decide on the basis of the law, taking into account in particular though not exclusively : the law in force of the Contracting Party concerned ; the provisions of this Agreement, and other relevant Agreements between the Contracting Parties ; the provisions of special agreements relating to the investment ; the general principles of international law. »

    ( 23 ) « The tribunal takes its decision by majority of votes ; such decision shall be final and binding upon the parties to the dispute. »

    ( 24 ) « The present Agreement […] shall remain in force for a period of ten years. »

    ( 25 ) « Unless notice of termination has been given by either Contracting Party at least six months before the date of the expiry of its validity, the present Agreement shall be extended tacitly for periods of ten years, each Contracting Party reserving the right to terminate the Agreement upon notice of at least six months before the date of expiry of the current period of validity. »

    ( 26 ) « In respect of investments made before the date of the termination of the present Agreement the foregoing Articles thereof shall continue to be effective for a further period of fifteen years from that date. »

    ( 27 ) Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331.

    ( 28 ) Voir jurisprudence citée à la note en bas de page 5.

    ( 29 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension.

    ( 30 ) Selon la loi no 530/2007 du 25 octobre 2007, les bénéfices tirés des assurances maladie devaient être utilisés pour les besoins du système de santé du pays. Cette loi a été jugée contraire à la Constitution par l’Ústavný súd Slovenskej repubkiky (Cour constitutionnelle de la République slovaque), raison pour laquelle le tribunal arbitral a jugé que, contrairement à ce que soulevait Achmea, l’interdiction de distribution des bénéfices ne constituait pas une expropriation de son investissement. Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence finale du 7 décembre 2012, point 288.

    ( 31 ) La loi no 192/2009 du 30 avril 2009 avait mis fin à la possibilité pour une société d’assurance maladie de vendre son portefeuille d’assurances à une autre société d’assurances. En outre, selon cette loi, en cas d’insolvabilité de pareille société, son portefeuille d’assurances devait être cédé à l’une des deux sociétés d’assurances appartenant à l’État, et ce sans aucune contrepartie.

    ( 32 ) Le tribunal arbitral a rejeté l’argument d’Achmea selon lequel les mesures prises par la République slovaque constituaient une expropriation contraire à l’article 5 dudit TBI.

    ( 33 ) Voir article 1059, paragraphe 2, point 1, sous a), et article 1059, paragraphe 2, point 2, sous b), du code de procédure civile.

    ( 34 ) Voir statistiques disponibles sur le site Internet de l’Investment Policy Hub de la CNUCED http://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS.

    ( 35 ) Il s’agit de la procédure arbitrale pendante Vattenfall AB e.a. c/ République fédérale d’Allemagne (II) (affaire CIRDI no ARB/12/12) initiée par un investisseur suédois sur la base du traité sur la charte de l’énergie et de procédures arbitrales qui ont fait l’objet d’une transaction, à savoir Ashok Sancheti c/ République fédérale d’Allemagne initiée par un investisseur indien sur la base du TBI Allemagne/Inde et Vattenfall AB e.a. c/ République fédérale d’Allemagne (I) (affaire CIRDI no ARB/09/6) initiée par un investisseur suédois sur la base du traité sur la charte de l’énergie.

    ( 36 ) Il s’agit de la procédure arbitrale pendante Erbil Serter c/ République française (affaire CIRDI no ARB/13/22) initiée par un investisseur turc sur la base du TBI France/Turquie.

    ( 37 ) En ce qui concerne la République d’Autriche, il s’agit de l’arbitrage pendant BV Belegging-Maatschappij Far East c/ République d’Autriche (affaire CIRDI no ARB/15/32) initié sur la base du TBI Autriche/Malte.

    ( 38 ) Voir statistiques disponibles sur le site Internet de l’Investment Policy Hub de la CNUCED http://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS.

    ( 39 ) Voir, notamment, Indrek Kuivallik c/ République de Lettonie (CNUDCI) sur la base du TBI Estonie/Lettonie ; UAB E energija c/ République de Lettonie (affaire CIRDI no ARB/12/33) sur la base du TBI Lituanie/Lettonie ; Spółdzielnia Pracy Muszynianka c/ République slovaque (CNUDCI) sur la base du TBI Pologne/Slovaquie ; ČEZ a.s. c/ République de Bulgarie (affaire CIRDI no ARB/16/24) et ENERGO-PRO a.s. c/ République de Bulgarie (affaire CIRDI no ARB/15/19) sur la base du TBI République tchèque/Bulgarie ; Poštová banka, a.s. et Istrokapital SE c/ République hellénique (affaire CIRDI no ARB/13/8) sur la base des TBI Grèce/Slovaquie et Grèce/Chypre ; MOL Hungarian Oil and Gas Company plc c/ République de Croatie (affaire CIRDI no ARB/13/32) sur la base du TBI Hongrie/Croatie ; Theodoros Adamakopoulos e.a. c/ République de Chypre (affaire CIRDI no ARB/15/49), Cyprus Popular Bank Public Co. Ltd c/ République hellénique (affaire CIRDI no ARB/14/16) et Marfin Investment Group Holdings SA e.a. c/ République de Chypre (affaire CIRDI no ARB/13/27) sur la base du TBI Grèce/Chypre ; WCV Capital Ventures Cyprus Limited et Channel Crossings Limited c/ République tchèque (CNUDCI), Forminster Enterprises Limited c/ République tchèque (CNUDCI) et WA Investments-Europa Nova Limited c/ République tchèque (CNUDCI) sur la base du TBI République tchèque/Chypre ; Juvel Ltd and Bithell Holdings Ltd c/ République de Pologne (CCI) et Seventhsun Holding Ltd e.a. c/ République de Pologne (CCS) sur la base du TBI Chypre/Pologne ; Natland Investment Group NV e.a. c/ République tchèque (CNUDCI) sur la base, entre autres, du TBI Chypre/République tchèque ; Mercuria Energy Group c/ République de Pologne (CCS) sur la base du traité sur la charte de l’énergie liant la République de Chypre et la République de Pologne ; Vigotop Limited c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/11/22) sur la base du TBI Chypre/Hongrie ; Impresa Grassetto SpA, en liquidation c/ République de Slovénie (affaire CIRDI no ARB/13/10) sur la base du TBI Italie/Slovénie ; Marco Gavazzi et Stefano Gavazzi c/ Roumanie (affaire CIRDI no ARB/12/25) sur la base du TBI Italie-Roumanie, ainsi que Luigiterzo Bosca c/ République de Lituanie (affaire CPA no 2011-05) sur la base du TBI Italie/Lituanie.

    ( 40 ) Il s’agit de la République hellénique, du Royaume d’Espagne, de la République de Lettonie, de la Hongrie, de la République de Pologne et de la Roumanie.

    ( 41 ) Voir, notamment, article 72, paragraphe 2, premier tiret, de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Hongrie, d’autre part, signé à Bruxelles, le 16 décembre 1991 (JO 1993, L 347, p. 2) ; article 73, paragraphe 2, premier tiret, de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Pologne, d’autre part, signé à Bruxelles, le 16 décembre 1991 (JO 1993, L 348, p. 2) ; article 74, paragraphe 2, deuxième tiret, de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Roumanie, d’autre part, signé à Bruxelles le 1er février 1993 (JO 1994, L 357, p. 2) ; article 74, paragraphe 2, deuxième tiret, de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République slovaque, d’autre part, signé à Luxembourg le 4 octobre 1993 (JO 1994, L 359, p. 2), et article 85, paragraphe 2, deuxième tiret, de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Croatie, d’autre part, signé à Luxembourg le 29 octobre 2001 (JO 2005, L 26, p. 3).

    ( 42 ) Voir, notamment, les TBI Belgique et Luxembourg/Chypre, Belgique et Luxembourg/Malte et Chypre/Malte.

    ( 43 ) Voir, notamment, les TBI Chypre/Malte, Estonie/Lettonie, Estonie/Lituanie, Estonie/Pologne, Pologne/Bulgarie, Pologne/Slovaquie, Hongrie/Slovénie, Hongrie/Slovaquie, Hongrie/Pologne, République tchèque/Bulgarie et République tchèque/Lettonie.

    ( 44 ) Voir décision 98/181/CE, CECA, Euratom du Conseil et de la Commission du 23 septembre 1997 concernant la conclusion par les Communautés européennes du traité sur la charte de l’énergie et du protocole de la charte de l’énergie sur l’efficacité énergétique et les aspects environnementaux connexes (JO 1998, L 69, p. 1).

    ( 45 ) La République italienne a récemment dénoncé ce traité en citant un examen global des coûts résultant des contributions financières au titre de sa participation à plusieurs organisations internationales, y inclus le secrétariat de la charte de l’énergie ayant son siège à Bruxelles. Voir https://www.senato.it/application/xmanager/projects/leg17/attachments/documento_evento_procedura_commissione/files/000/002/788/2015__06_03_-_audizione_risposte_senatori_-_VICARI.pdf, à la page 7.

    ( 46 ) Voir son site Internet http://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS.

    ( 47 ) Voir Eastern Sugar BV c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire de la chambre de commerce de Stockholm CCS no 088/2004), sentence partielle du 27 mars 2007 ; Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence finale du 7 décembre 2012 ; Les Laboratoires Servier, SAS e.a. c/ République de Pologne (CPA), sentence du 14 février 2012 ; EDF International SA c/ Hongrie (affaire CPA), sentence du 3 décembre 2014 ; EDF International SA c/ Hongrie (CNUDCI) sentence du 3 décembre 2014 ; Dan Cake (Portugal) SA c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/12/9), décision du 24 août 2015 sur la compétence et la responsabilité ; Edenred SA c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/13/21), sentence du 13 décembre 2016 ; Eiser Infrastructure Limited et Energía Solar Luxembourg S.à.r.l. c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/13/36) sentence du 4 mai 2017 ; Horthel Systems BV e.a. c/ République de Pologne (affaire CPA no 2014-31) sentence rendue en 2017, ainsi que Marco Gavazzi & Stefano Gavazzi c/ Roumanie (affaire CIRDI no ARB/12/25) sentence du 13 juillet 2017.

    ( 48 ) Voir statistiques de la CNUCED disponibles sur son site Internet http://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS.

    ( 49 ) Il ne s’agissait pas d’un différend relevant d’un TBI interne à l’Union puisque la Roumanie n’avait pas encore adhéré à l’Union en 2005, moment où l’arbitrage a commencé et où le différend s’est cristallisé. Par conséquent, le droit de l’Union n’était pas applicable aux faits visés par cette procédure arbitrale.

    ( 50 ) Voir arrêt du 8 septembre 2009, Budějovický Budvar (C‑478/07, EU:C:2009:521, points 97 à 99), qui visait des traités bilatéraux, conclus les 11 juin 1976 et 7 juin 1979 entre la République d’Autriche et la République socialiste tchécoslovaque. Au moment des faits de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la République d’Autriche était déjà un État membre alors que la République tchèque ne l’était pas, mais l’adhésion de cette dernière à l’Union a eu lieu au cours de l’affaire.

    ( 51 ) Arrêt du 20 mai 2003, Ravil (C‑469/00, EU:C:2003:295, point 37). Voir également, en ce sens, arrêt du 10 novembre 1992, Exportur (C‑3/91, EU:C:1992:420, point 8). Cette position est conforme à l’article 30, paragraphe 3, de la convention de Vienne, selon lequel, « [l]orsque toutes les parties au traité antérieur sont également parties au traité postérieur, sans que le traité antérieur ait pris fin ou que son application ait été suspendue en vertu de l’article 59, le traité antérieur ne s’applique que dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles du traité postérieur ». Voir, en ce sens, Electrabel SA c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/07/19), décision du 30 novembre 2012 sur la compétence, le droit applicable et la responsabilité, points 4.182 à 4.191.

    ( 52 ) Arrêt du 5 février 2014, Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2014:47, point 25). Voir également, en ce sens, arrêt du 11 mars 2010, Attanasio Group (C‑384/08, EU:C:2010:133, point 37 et jurisprudence citée).

    ( 53 ) Voir point 205 des présentes conclusions.

    ( 54 ) Voir point 24 des présentes conclusions.

    ( 55 ) Voir points 213 à 216 des présentes conclusions.

    ( 56 ) Cet argument renforce la thèse d’absence de contrariété entre les traités UE et FUE et ledit TBI que je présenterai aux points 174 à 228 des présentes conclusions puisqu’il sous-entend que, en principe, la protection juridique accordée par ce dernier aux investissements néerlandais en Slovaquie est supérieure et donc complémentaire à la protection accordée à ces investissements par les traités UE et FUE. Le droit de l’Union n’interdit une discrimination, par un État membre, d’un ressortissant d’un autre État membre que au regard du traitement que le premier État membre accorde à ses propres ressortissants. En revanche, les discriminations à rebours et les avantages accordés aux ressortissants d’un autre État membre ne sont pas visés ni ne sont incompatibles avec le droit de l’Union.

    ( 57 ) Aucun des intervenants dans la présente affaire ne prétend qu’il y a discrimination entre les investisseurs étrangers et les investisseurs nationaux. À mon avis, cette différence ne constitue pas une discrimination parce qu’elle répond au double motif d’intérêt général tenant, d’un côté, à créer, de manière réciproque, un cadre protecteur pour les investissements néerlandais en Slovaquie et les investissements slovaques aux Pays-Bas et, d’un autre côté, encourager et promouvoir les investissements entre ces deux pays. Voir, en ce sens, points 37 à 40 de la décision no 2017-749-DC du Conseil constitutionnel, du 31 juillet 2017, sur l’accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part (JORF du 18 août 2017, texte 1).

    ( 58 ) La question se pose toujours de savoir si, grâce à une clause sunset, ces TBI continuent à produire des effets pour les investissements effectués pendant la période où ils étaient en vigueur.

    ( 59 ) Voir également, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (C‑374/04, EU:C:2006:773, points 84 et 88 à 93) ; du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund (C‑194/06, EU:C:2008:289, points 50 et 51), ainsi que du 30 juin 2016, Riskin et Timmermans (C‑176/15, EU:C:2016:488, point 31).

    ( 60 ) Point 58 de cet arrêt.

    ( 61 ) Point 61 de cet arrêt.

    ( 62 ) Point 62 de cet arrêt.

    ( 63 ) Voir points 200 et 201 des présentes conclusions.

    ( 64 ) Arrêt du 2 février 1989, Cowan (186/87, EU:C:1989:47, point 10). C’est moi qui souligne. Voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2016, Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:630, points 29 à 33), où la situation de M. Petruhhin a été comparée avec celle d’un ressortissant de son État membre d’accueil.

    ( 65 ) Arrêt du 5 juillet 2005, D. (C‑376/03, EU:C:2005:424, point 54).

    ( 66 ) Voir article 1er, sous b), dudit TBI.

    ( 67 ) Voir, en ce sens, Emilio Agustín Maffezini c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/97/7), décision du tribunal du 25 janvier 2000 sur les exceptions d’incompétence, points 54 et 55 ; Gas Natural SDG SA c/ République argentine (affaire CIRDI no ARB/03/10), décision du tribunal du 17 juin 2005 sur les exceptions d’incompétence, point 31 ; Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona SA et InterAguas Servicios Integrales del Agua SA c/ République argentine (affaire CIRDI no ARB/03/17), décision du 16 mai 2006 sur la compétence, point 59 ; Eastern Sugar BV c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CCS no 088/2004), sentence partielle du 27 mars 2007, points 165 et 166 ; Rupert Joseph Binder c/ République tchèque (CNUDCI), sentence du 6 juin 2007 sur la compétence, point 65 ; Jan Oostergetel & Theodora Laurentius c/ République slovaque (CNUDCI), décision du 30 avril 2010 sur la compétence, points 77 et 78 ; Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 264 ; WNC Factoring Ltd c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2014-34), sentence du 22 février 2017, point 300 ; Anglia Auto Accessories Limited c/ République tchèque (affaire CCS V 2014/181), sentence finale du 10 mars 2017, point 116, et I. P. Busta et J. P. Busta c/ République tchèque (affaire CCS V 2015/014), sentence finale du 10 mars 2017, point 116.

    ( 68 ) Voir, par exemple, les TBI Allemagne/Grèce (1961), Italie/Malte (1967), Allemagne/Malte (1974), France/Malte (1976) et Allemagne/Portugal (1980).

    ( 69 ) La Commission tente d’établir que, à la différence de la protection des investissements, la matière fiscale est restée de compétence purement nationale, citant notamment l’arrêt du 16 juillet 2009, Damseaux (C‑128/08, EU:C:2009:471), qui, avec d’autres, n’interdit pas la double imposition juridique. Je note que les conventions préventives de double imposition ont précisément pour objet de conférer cette protection non offerte par les traités UE et FUE. Il en est de même des TBI car pour la protection d’investissements comme pour la fiscalité directe le droit de l’Union n’intervient essentiellement qu’au travers des dispositions sur les grandes libertés de circulation.

    ( 70 ) La convention entre le Royaume des Pays Bas et la République socialiste tchécoslovaque tendant à éviter la double imposition et pour la prévention de l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Prague le 4 mars 1974, prévoit 10 % de retenue à la source sur les dividendes, 0 % sur les intérêts et 5 % sur les redevances.

    ( 71 ) Les États y négocient plusieurs éléments comme la notion d’investissement, l’application ou non de la clause NPF au mécanisme de RDIE, la présence ou non d’une clause de carve-out pour les mesures fiscales et la durée de la clause sunset.

    ( 72 ) Disponible sur le site Internet du Transnational Institute https://www.tni.org/files/article-downloads/intra-eu-bits2-18-05_0.pdf. C’est ce qui a été fait en matière fiscale au travers de quelques directives comme les directives 2003/49/CE du Conseil, du 3 juin 2003, concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents (JO 2003, L 157, p. 49), 2009/133/CE du Conseil, du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre (JO 2009, L 310, p. 34), et 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 2011, L 345, p. 8), qui constituent en réalité des conventions multilatérales préventives de la double imposition bien plus que des mesures d’harmonisation.

    ( 73 ) Arrêt du 31 janvier 2013, Belov (C‑394/11, EU:C:2013:48, point 38 et jurisprudence citée). Voir également, en ce sens, arrêts du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754, point 23), et du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme (C‑203/14, EU:C:2015:664, point 17).

    ( 74 ) Arrêt du 31 janvier 2013, Belov (C‑394/11, EU:C:2013:48, point 39 et jurisprudence citée). Voir également, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754, point 23).

    ( 75 ) Voir, notamment, arrêts du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107), ainsi que du 27 janvier 2005, Denuit et Cordenier (C‑125/04, EU:C:2005:69).

    ( 76 ) Il s’agissait d’un arbitrage entre un contribuable et la République portugaise en matière fiscale.

    ( 77 ) Il s’agissait d’un arbitrage en matière de brevets pharmaceutiques, et international en ce sens qu’il opposait une société canadienne à deux sociétés portugaises, une société anglaise, une société grecque et une société néerlandaise.

    ( 78 ) Voir, en ce sens, Basedow, J., « EU Law in International Arbitration : Referrals to the European Court of Justice », 2015, vol. 32(4), Journal of International Arbitration, p. 367 ; Paschalidis, P., « Arbitral tribunals and preliminary references to the EU Court of Justice », 2016, Arbitration International, p. 1 ; Szpunar, M., « Referrals of Preliminary Questions by Arbitral Tribunals to the CJEU », publié dans Ferrari, F. (éd.), The Impact of EU Lax on International Commercial Arbitration, JurisNet, 2017, p. 85 à 123.

    ( 79 ) Voir, notamment, les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107) ; du 25 juillet 1991, Rich (C‑190/89, EU:C:1991:319) ; du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269) ; du 27 janvier 2005, Denuit et Cordenier (C‑125/04, EU:C:2005:69) ; du 26 octobre 2006, Mostaza Claro (C‑168/05, EU:C:2006:675) ; du 10 février 2009, Allianz et Generali Assicurazioni Generali (C‑185/07, EU:C:2009:69) ; du 13 mai 2015, Gazprom (C‑536/13, EU:C:2015:316), ainsi que du 7 juillet 2016, Genentech (C‑567/14, EU:C:2016:526).

    ( 80 ) Il convient de noter que quelques accords internationaux conclus entre États membres prévoient que le président de la Cour agira comme autorité de nomination des arbitres pour les différends entre États membres ou entre une entité publique et ces États membres. Voir, en ce sens, article 27 de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, signé à Rome le 30 janvier 2012. À mon avis, ces tribunaux arbitraux sont aussi des juridictions de l’un des États membres au sens de l’article 267 TFUE.

    ( 81 ) À mon avis, il s’agit d’une question non pas de compétence, mais de recevabilité.

    ( 82 ) Voir arrêt du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107, point 11). Voir également, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2005, Denuit et Cordenier (C‑125/04, EU:C:2005:69, point 13).

    ( 83 ) Voir arrêt du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107, point 12). Voir également, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2005, Denuit et Cordenier (C‑125/04, EU:C:2005:69, point 13).

    ( 84 ) Voir point 24 de cet arrêt.

    ( 85 ) Voir point 19 de cette ordonnance.

    ( 86 ) Voir, par exemple, la CPA à La Haye (Pays-Bas), le CIRDI à Washington DC (États-Unis), la CCS en Suède, la Chambre de commerce internationale (CCI) à Paris (France) et la Cour d’arbitrage international de Londres (CAIL) (Royaume-Uni).

    ( 87 ) Tous les États membres de l’Union sont parties à ces conventions. En ce qui concerne la présente affaire, le Royaume des Pays-Bas est un État membre de la CPA depuis sa fondation, alors que la République slovaque est devenue un État membre de celle-ci en 1993.

    ( 88 ) Arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754, point 27). Voir également, en ce sens, arrêts du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107), et du 27 janvier 2005, Denuit et Cordenier (C‑125/04, EU:C:2005:69, point 13), ainsi que ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92, point 17).

    ( 89 ) Point 29 de cet arrêt. Voir également, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme (C‑203/14, EU:C:2015:664, point 23).

    ( 90 ) C’est moi qui souligne.

    ( 91 ) C’est moi qui souligne.

    ( 92 ) Ledit TBI ne contient pas de clause d’option irrévocable (fork-in-the-road) qui prévoirait que, lorsqu’un investisseur fait son choix de for (entre les juridictions internes de l’État concerné et un tribunal arbitral international), l’option qu’il a choisie devient irrévocable.

    ( 93 ) Le règlement d’arbitrage est disponible sur le site Internet de la CNUDCI http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/2010Arbitration_rules.html.

    ( 94 ) C’est moi qui souligne.

    ( 95 ) Arrêt du 9 octobre 2014, TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 32 et jurisprudence citée). Il convient de préciser que, contrairement aux juges, les arbitres n’occupent pas de postes permanents. Il n’y a donc pas, en droit d’arbitrage international, de règles de révocation des arbitres.

    ( 96 ) Voir article 9 du règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 1976 et article 11 du règlement d’arbitrage de la CNUDCI modifié en 2010 et en 2013.

    ( 97 ) Voir articles 10 à 12 du règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 1976 ainsi qu’articles 12 et 13 du règlement d’arbitrage de la CNUDCI modifié en 2010 et en 2013. Voir, également, les lignes directrices de l’Association internationale des barreaux (AIB) sur les conflits d’intérêts dans l’arbitrage international (disponibles sur le site Internet de l’AIB http://www.ibanet.org/Publications/publications_IBA_guides_and_free_materials.aspx) qui précisent les motifs de conflits d’intérêts qui peuvent mener à la récusation des arbitres.

    ( 98 ) Point 21. Voir également, en ce sens, arrêt du 14 juin 2011, Miles e.a. (C‑196/09, EU:C:2011:388, point 40).

    ( 99 ) Plusieurs tribunaux arbitraux statuant sur des différends entre investisseurs-ressortissants de l’Union et États membres, dont le tribunal arbitral en cause dans la présente affaire, ont déjà reconnu la primauté du droit de l’Union. Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 289 ; Electrabel SA c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/07/19), décision du 30 novembre 2012 sur la compétence, le droit applicable et la responsabilité, points 4.189 à 4.191 ; Charanne BV et Construction Investments Sàrl c/ Royaume d’Espagne (affaire CCS no 062/2012), sentence finale du 21 janvier 2016, points 439 et 443, ainsi que RREEF Infrastructure (G. P.) Limited and RREEF Pan-European Infrastructure Two Lux Sàrl c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/13/30), décision du 6 juin 2016 sur la compétence, point 72 (ce serait différent si des investisseurs venaient d’un États tiers, voir points 74 à 76).

    ( 100 ) Voir, en ce sens, Electrabel SA c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/07/19), décision du 30 novembre 2012 sur la compétence, le droit applicable et la responsabilité, points 4.160 à 4.162.

    ( 101 ) Voir avis 1/91 (Accord EEE – I), du 14 décembre 1991 (EU:C:1991:490) ; 1/92 (Accord EEE – II), du 10 avril 1992 (EU:C:1992:189) ; 2/94 (Adhésion de la Communauté à la CEDH), du 28 mars 1996 (EU:C:1996:140) ; 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123), et avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454). Voir, également, arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345).

    ( 102 ) Avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 201). Voir également, en ce sens, avis 1/91 (Accord EEE ‑ I), du 14 décembre 1991 (EU:C:1991:490, point 35), ainsi que arrêts du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, point 123), et du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 282).

    ( 103 ) Arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, point 169).

    ( 104 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 276. Voir également, en ce sens, European American Investment Bank AG c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2010-17), sentence du 22 octobre 2012 sur la compétence, points 248 à 267 ; Electrabel SA c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/07/19), décision du 30 novembre 2012 sur la compétence, le droit applicable et la responsabilité, points 4.150 à 4.152 ; Charanne BV et Construction Investments Sàrl c/ Royaume d’Espagne (affaire CCS no 062/2012), sentence finale du 21 janvier 2016, points 441 à 445 ; RREEF Infrastructure (G. P.) Limited and RREEF Pan-European Infrastructure Two Lux Sàrl c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/13/30), décision du 6 juin 2016 sur la compétence, point 80, et Eiser Infrastructure Limited et Energía Solar Luxembourg Sàrl c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/13/36), sentence du 4 mai 2017, point 204.

    ( 105 ) Voir arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, point 128).

    ( 106 ) Voir avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, points 202 et 205).

    ( 107 ) Avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123). C’est moi qui souligne.

    ( 108 ) Voir point 6 de cet avis.

    ( 109 ) L’article 6 du projet d’accord disposait que, pour leur mise en œuvre et leur application, les dispositions de l’accord devaient être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour antérieure à la date de signature de l’accord et relative aux dispositions correspondantes du traité CEE, du traité CECA et des actes dérivés, ce qui bien sûr créait un risque de divergences entre la jurisprudence de la Cour et celle de la Cour EEE. Voir avis 1/91 (Accord EEE – I), du 14 décembre 1991 (EU:C:1991:490, points 6 et 25 à 29).

    ( 110 ) Voir, en particulier, points 204, 205, 207 et 212.

    ( 111 ) Voir avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, points 17 et 18).

    ( 112 ) Voir Loewen Group & Raymond L. Loewen c/ États-Unis d’Amérique [affaire CIRDI no ARB(AF)/98/3], sentence du 26 juin 2003, point 233, et Archer Daniels Midland Company et Tate & Lyle Ingredients Americas Inc. c/ Les États-Unis mexicains [affaire CIRDI no ARB(AF)/04/05], sentence du 21 novembre 2007, point 178.

    ( 113 ) Voir Loewen Group & Raymond L. Loewen c/ États-Unis d’Amérique [affaire CIRDI no ARB(AF)/98/3], sentence du 26 juin 2003, point 223, où le tribunal arbitral a accepté que le chapitre 11 de l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA) constitue un développement progressif du droit international en ce qu’il permet à l’investisseur de revendiquer ses propres droits et de soumettre sa propre demande à l’arbitrage international (Chapter Eleven of NAFTA represents a progressive development in international law whereby the individual investor may make a claim on its own behalf and submit the claim to international arbitration).

    ( 114 ) Voir Douglas, Z., The International Law of Investment Claims, Cambridge University Press, 2009, p. 17 à 38.

    ( 115 ) Outre l’exemple du traité FUE et de la CEDH, je cite la convention de Vienne sur les relations consulaires, du 24 avril 1963. Voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2001, affaire LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), CIJ, Recueil 2001, p. 466, point 78.

    ( 116 ) Voir, en ce sens, American Manufacturing & Trading Inc. c/ République de Zaïre (affaire CIRDI no ARB/93/1), sentence du 21 février 1997, point 6.06 ; CMS Gas Transmission Company c/ République d’Argentine (affaire CIRDI no ARB/01/8), décision du tribunal du 17 juillet 2003 sur les exceptions à sa compétence, point 45 ; Corn Products International, Inc. c/ Les États-Unis mexicains [affaire CIRDI no ARB(AF)04/01], sentence du 15 janvier 2008, points 174 à 176 ; Cargill Inc. c/ Les États-Unis mexicains [affaire CIRDI no ARB(AF)05/2], sentence du 18 septembre 2009, points 424 à 426, et European American Investment Bank AG c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2010-17), sentence du 22 octobre 2012 sur la compétence, point 445. Voir également, en ce sens, Burdeau, G., « Nouvelles perspectives pour l’arbitrage dans le contentieux économique intéressant l’État », 1995, Revue de l’arbitrage, p. 3 à 12 ; Paulsson, J., « Arbitration Without Privity », 1995, vol. 10, ICSID Review – Foreign Investment Law Journal, p. 232 à 256 ; Wälde, T., « Investment Arbitration under the Energy Charter Treaty », 1996, Arbitration International, p. 429 et 435 à 437, ainsi que Douglas, Z., The International Law of Investment Claims, Cambridge University Press, 2009, p. 32 à 38.

    ( 117 ) Voir Occidental Exploration & Production Company v Republic of Ecuador [2005] EWCA Civ 1116, [2006] QB 432, point 22, où la Court of Appeal (England & Wales) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles), Royaume-Uni] qualifie le point 233 de la sentence du 26 juin 2003 dans l’arbitrage Loewen Group & Raymond L. Loewen c/ États-Unis d’Amérique [affaire CIRDI no ARB(AF)/98/3] de « controverse » en ajoutant qu’elle ne partagerait pas une interprétation de cette sentence selon laquelle les TBI conféreraient des droits non pas aux investisseurs, mais à leur État d’origine.

    ( 118 ) Certes, les TBI contiennent systématiquement des conventions d’arbitrage pour les différends entre les États contractants (voir, en l’occurrence, article 10 du TBI Pays-Bas/Tchécoslovaquie). Toutefois, à ma connaissance, pareil arbitrage entre États n’a jamais eu lieu depuis la signature du premier TBI en 1959. Cela est certainement le cas des TBI entre États membres.

    ( 119 ) Selon cette disposition, « [l]e tribunal arbitral statue en droit, en tenant compte notamment, mais non exclusivement : du droit en vigueur de la partie contractante concernée ; des dispositions du présent accord et de tout autre accord pertinent entre les parties contractantes ; des dispositions d’accords spéciaux relatifs à l’investissement, et des principes généraux du droit international ».

    ( 120 ) « Le tribunal statue sur la base du présent accord ainsi que sur la base des autres accords pertinents entre les deux parties contractantes, les principes généraux du droit international et les règles générales du droit que le tribunal considère applicables. Les dispositions précédentes sont sans préjudice du pouvoir du tribunal de statuer ex æquo et bono si les parties en sont d’accord »(The tribunal shall decide on the basis of the present Agreement and other relevant Agreements between the two Contracting Parties, the general principles of international law, as well as such general rules of law as the tribunal deems applicable. The foregoing provisions shall not prejudice the power of the tribunal to decide the dispute ex æquo et bono if the Parties so agree).

    ( 121 ) Voir points 205 à 214 de l’avis.

    ( 122 ) Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence sur la compétence, la recevabilité et la suspension du 26 octobre 2010, point 281 [« Far from being precluded from considering and applying EU law the Tribunal is bound to apply it to the extent that it is part of the applicable law(s), whether under BIT Article 8, German law or otherwise »]. Voir également, en ce sens, Isolux Infrastructure Netherlands B.V. c/ Royaume d’Espagne (affaire CCS V 2013/153) sentence du 12 juillet 2016, point 654.

    ( 123 ) Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence sur la compétence, la recevabilité et la suspension du 26 octobre 2010, point 282 (« What the ECJ has is a monopoly on the final and authoritative interpretation of EU law »).

    ( 124 ) Comme les traités UE et FUE.

    ( 125 ) Voir en ce sens, à propos d’une disposition similaire (article 16, paragraphe 2, du traité sur la charte de l’énergie), Eiser Infrastructure Limited et Energía Solar Luxembourg Sàrl c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/13/36), sentence du 4 mai 2017, point 202.

    ( 126 ) Selon cette disposition, aux fins de l’interprétation d’un traité, il faut tenir compte de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions (en l’occurrence les traités UE et FUE) ainsi que de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties (en l’occurrence le droit de l’Union).

    ( 127 ) Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13, sentence sur la compétence, la recevabilité et la suspension du 26 octobre 2010, point 290 (« the Tribunal notes that its jurisdiction is confined to ruling upon alleged breaches of the BIT. The Tribunal does not have jurisdiction to rule on alleged breaches of EU law as such »). Voir également, en ce sens, Isolux Infrastructure Netherlands B.V. c/ Royaume d’Espagne (affaire CCS V 2013/153) sentence du 12 juillet 2016, point 651.

    ( 128 ) Voir, notamment, Emilio Agustín Maffezini c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/97/7), sentence du 13 novembre 2000, points 65 à 71, où un investisseur invoquait l’existence d’une violation par le Royaume d’Espagne de l’obligation d’accorder à son investissement un traitement juste et équitable. Selon lui, son investissement avait encouru des coûts additionnels sous la forme d’une étude d’impact environnementale. Le tribunal arbitral a rappelé que l’obligation de faire pareille étude découlait du droit de l’Union et que le Royaume d’Espagne n’avait rien fait d’autre que s’assurer que cette obligation était respectée. Il a donc rejeté sa demande à cet égard.

    ( 129 ) Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 279 [« EU law may have a bearing upon the scope of rights and obligations under the BIT in the present case, by virtue of its role as part of the applicable law under BIT Article 8(6) and German law as the lex loci arbitri »]. De toute façon, je ne vois pas pourquoi on devrait interdire aux tribunaux arbitraux de prendre en compte le droit de l’Union, étant donné que pareille interdiction leur enlèverait la possibilité de procéder, le cas échéant, à une interprétation du TBI conforme au droit de l’Union dans le but d’éviter des conflits avec ce dernier.

    ( 130 ) Au contraire, comme il ressort du point 151 de l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345), « l’Irlande a[vait] soumis des instruments de droit communautaire au Tribunal arbitral en vue de leur interprétation et de leur application dans le cadre d’une procédure tendant à faire constater une violation des dispositions desdits instruments par le Royaume-Uni ».

    ( 131 ) Voir point 24 des présentes conclusions.

    ( 132 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence finale du 7 décembre 2012, points 275 et 276.

    ( 133 ) Voir points 13, 18, 57, 101 et 130 de ses observations écrites.

    ( 134 ) Voir également, en ce sens, Eastern Sugar BV c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CCS no 088/2004), sentence partielle du 27 mars 2007, points 159 à 172 ; Rupert Joseph Binder c/ République tchèque (CNUDCI), sentence du 6 juin 2007 sur la compétence, point 63 ; Jan Oostergetel & Theodora Laurentius c/ République slovaque (CNUDCI), décision du 30 avril 2010 sur la compétence, points 74 à 79 ; Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, points 245 à 267 ; European American Investment Bank AG c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2010-17), sentence du 22 octobre 2012 sur la compétence, points 178 à 185 ; WNC Factoring Ltd c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2014-34), sentence du 22 février 2017, points 298 à 308 ; Anglia Auto Accessories Limited c/ République tchèque (affaire CCS V 2014/181), sentence finale du 10 mars 2017, points 115 et 116 ; I. P. Busta et J. P. Busta c/ République tchèque (affaire CCS V 2015/014), sentence finale du 10 mars 2017, points 115 et 116.

    ( 135 ) Selon ce principe, un investisseur ne peut bénéficier de la protection du TBI que pour un investissement qui respectait le droit de l’État d’accueil au moment où il a été fait. Voir, notamment, Salini Costruttori SpA et Italstrade SpA c/ Royaume du Maroc (affaire CIRDI no ARB/00/4), sentence du 31 juillet 2001 sur la compétence, point 46, et Tokios Tokelés c/ Ukraine (affaire CIRDI no ARB/02/18), sentence du 29 juin 2004 sur la compétence, point 84.

    ( 136 ) La violation d’un contrat conclu entre un État et un investisseur étranger ne constitue pas en elle-même une violation du droit international. Une clause de respect des engagements contractuels que l’État d’accueil des investissements a souscrits à l’égard des investisseurs de l’autre État partie au TBI a donc l’effet d’intégrer au TBI l’obligation de respecter ces engagements. Par conséquent, lorsqu’ils estiment qu’il y a violation de ces engagements, les investisseurs peuvent bénéficier des protections accordées par le TBI, dont notamment le droit de recours à l’arbitrage international, ce qui aurait été impossible sans la clause de respect des engagements, dans la mesure où le droit international ne l’impose pas.

    ( 137 ) Selon cette clause, les investissements faits pendant la durée du TBI continuent à bénéficier de la protection matérielle accordée par celui-ci, même s’il n’est plus en vigueur, et ce pour une période supplémentaire qu’il fixe. Cette période commence à la date à laquelle le TBI prend fin.

    ( 138 ) Selon la jurisprudence de la Cour, même si les mesures spécifiques imposées aux États membres et qui conditionnent l’assistance financière qu’ils avaient demandée dans le cadre du traité MES doivent respecter le droit de l’Union, elles ne relèvent pas de ce droit. Voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, points 151, 164, 179 et 180), ainsi que du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, notamment points 59 et 61). En effet, le protocole d’accord signé au nom du mécanisme européen de stabilité (MES) par la Commission et la Banque centrale européenne (BCE) est un acte du MES et en tant que tel n’est pas susceptible d’un contrôle de légalité par les juridictions de l’Union. La constatation que ces mesures ne relèvent pas du droit de l’Union n’est cependant pas affectée par la possibilité d’agir en indemnité contre l’Union dans la mesure où la Commission et la BCE ont signé ce protocole d’accord, ce qui pourrait constituer de leur part une violation caractérisée du droit de l’Union ayant entraîné un dommage. Voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 52 à 55).

    ( 139 ) Voir Poštová banka, a.s. et Istrokapital SE c/ République hellénique (affaire CIRDI no ARB/13/8), sentence du 9 avril 2015, points 60 à 76.

    ( 140 ) Voir déclaration de presse de l’Eurogroupe du 21 février 2012.

    ( 141 ) Voir arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 52), ainsi que du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, points 52 à 61).

    ( 142 ) Voir lettre du 13 juillet 2015 adressée par M. Mario Draghi, président de la BCE, au membre du Parlement européen, M. Sven Giegold, disponible sur le site Internet de la BCE https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/150714letter_giegold.en.pdf ?1a6b3fcf462edc2c155fec04e0f9d475. C’est moi qui souligne.

    ( 143 ) Ces mesures ne relèvent pas du droit de l’Union. Voir arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702).

    ( 144 ) Voir arbitrage pendant Marfin Investment Group Holdings SA, Alexandros Bakatselos e.a. c/ République de Chypre (affaire CIRDI no ARB/13/27). Voir, également, communiqué de presse du service juridique de la République de Chypre disponible sur le site Internet de son Bureau de presse et informations (http://www.pio.gov.cy/moi/pio/pio2013.nsf/All/4D30C42F4FB53EB7C225802E00436251?OpenDocument&L=G).

    ( 145 ) JO 2002, L 190, p. 1. La décision-cadre définit les crimes pour lesquels un mandat d’arrêt européen peut être émis, mais elle ne vise pas les autres conditions du droit pénal qui doivent être respectées dans pareille procédure, qui relèvent exclusivement de la compétence de l’État membre de l’émission du mandat d’arrêt.

    ( 146 ) Voir article de presse « Bouloutas et Foros ont comparu devant les juridictions » sur le site Internet du journal Politis https://politis.com.cy/article/parousiastikan-sto-dikastirio-mpouloutas-ke-foros.

    ( 147 ) Voir arrêts du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31, point 21) ; du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (C‑374/04, EU:C:2006:773, point 36), ainsi que du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a. (C‑338/11 à C‑347/11, EU:C:2012:286, point 14).

    ( 148 ) À l’exception des rares cas où le traité FUE le prévoit (articles 110 à 112 TFUE) et où l’Union a légiféré. À titre d’exemple, je cite les directives 2003/49; 2009/133/CE ; 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (JO 2011, L 64, p. 1) ; 2011/96/, et (UE) 2015/2060 du Conseil, du 10 novembre 2015, abrogeant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts (JO 2015, L 301, p. 1). Voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire C (C‑122/15, EU:C:2016:65, points 42 à 50). Rien n’empêcherait les institutions de l’Union ou les États membres, selon la répartition de leurs compétences dans les domaines concernés, de mettre en place un cadre juridique unique pour la protection des investissements sur le territoire entier de l’Union qui remplacerait les TBI.

    ( 149 ) Voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson (C‑484/93, EU:C:1995:379, points 12 à 19) ; 1er avril 2014, Felixstowe Dock and Railway Company e.a. (C‑80/12, EU:C:2014:200, points 20, 21 et 25) ; du 17 juillet 2014, Nordea Bank Danmark (C‑48/13, EU:C:2014:2087, points 19 et 24) ; du 3 février 2015, Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2015:50, points 21 et 24), ainsi que du 24 novembre 2016, SECIL (C‑464/14, EU:C:2016:896, point 54).

    ( 150 ) En se référant à cet arrêt qui concerne la fiscalité directe afin de démontrer l’existence d’une protection complète en matière d’investissements en droit de l’Union, la Commission se contredit puisqu’en même temps elle défend la thèse selon laquelle l’arrêt du 5 juillet 2005, D. (C‑376/03, EU:C:2005:424), qui concerne également l’existence d’une discrimination interdite par le traité FUE en matière de fiscalité directe, n’est pas pertinent afin d’apprécier la compatibilité de l’article 8 dudit TBI avec l’article 18 TFUE parce que la fiscalité directe relève de la compétence des États membres. Voir point 78 des présentes conclusions.

    ( 151 ) Voir arrêt du 2 juin 2016, C (C‑122/15, EU:C:2016:391, points 28 et 29), ainsi que ordonnance du 15 avril 2015, Burzio (C‑497/14, EU:C:2015:251, points 26 à 33).

    ( 152 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 251. Pour le cas d’expropriation, voir, notamment, Marvin Feldman c/ États-Unis mexicains [affaire CIRDI no ARB(AF)/99/1], sentence du 16 décembre 2002, points 101 à 107 ; EnCana Corporation c/ République d’Équateur (CNUDCI), sentence du 3 février 2006, points 173 et 177, ainsi que Occidental Petroleum Corporation et Occidental Exploration and Production Company c/ République d’Équateur (affaire CIRDI no ARB/06/11), sentence du 5 octobre 2012, point 455.

    ( 153 ) Pour plus de détails sur la comparaison de la protection contre les expropriations illégales entre ledit TBI et les traités UE et FUE, voir points 217 à 226 des présentes conclusions.

    ( 154 ) Voir, en ce sens, Quasar de Valores SICAV SA e.a. c/ Fédération de Russie (affaire CCS no 24/2007), sentence du 20 juillet 2012, et RosInvestCo UK Ltd c/ Fédération de Russie (SCC affaire no V 079/2005), sentence finale du 12 septembre 2010, annulées par les juridictions suédoises pour d’autres motifs.

    ( 155 ) Voir, notamment, arrêt du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN (C‑307/97, EU:C:1999:438, point 59).

    ( 156 ) Voir points 66 à 72 des présentes conclusions.

    ( 157 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 264. Voir également, en ce sens, WNC Factoring Ltd c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2014-34), sentence du 22 février 2017, point 300.

    ( 158 ) Voir Eastern Sugar BV c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CCS no 088/2004), sentence partielle du 27 mars 2007, point 180 ; Rupert Joseph Binder c/ République tchèque (CNUDCI), sentence sur la compétence du 6 juin 2007, point 40 ; Jan Oostergetel & Theodora Laurentius c/ République slovaque (CNUDCI), décision sur la compétence du 30 avril 2010, point 77 ; WNC Factoring Ltd c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2014-34), sentence du 22 février 2017, point 299 ; Anglia Auto Accessories Limited c/ République tchèque (affaire CCS V 2014/181), sentence finale du 10 mars 2017, point 116 , ainsi que I. P. Busta et J. P. Busta c/ République tchèque (affaire CCS V 2015/014), sentence finale du 10 mars 2017, point 116.

    ( 159 ) Voir, notamment, Conseil d’État (France), arrêt du 21 décembre 2007, no 280264, qui a jugé que les stipulations de l’article 3 de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Alger le 13 février 1993, ne créaient d’obligations qu’entre les deux États signataires et que, par conséquent, les particuliers ne pouvaient les invoquer. Le parallèle peut être fait avec le contrôle de validité des actes de l’Union au regard du droit international. Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a. (C‑366/10, EU:C:2011:864).

    ( 160 ) Voir Emilio Agustín Maffezini c/ Royaume d’Espagne (affaire CIRDI no ARB/97/7), décision du tribunal du 25 janvier 2000 sur les exceptions d’incompétence, points 54 et 55 ; Gas Natural SDG SA c/ République argentine (affaire CIRDI no ARB/03/10), décision du tribunal du 17 juin 2005 sur les exceptions d’incompétence, point 31 ; Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona SA et InterAguas Servicios Integrales del Agua SA c/ République argentine (affaire CIRDI no ARB/03/17), décision du 16 mai 2006 sur la compétence, point 60 ; Eastern Sugar BV c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CCS no 088/2004), sentence partielle du 27 mars 2007, points 165 et 166 ; Rupert Joseph Binder c/ République tchèque (CNUDCI), sentence du 6 juin 2007 sur la compétence, point 65 ; Jan Oostergetel & Theodora Laurentius c/ République slovaque (CNUDCI), décision du 30 avril 2010 sur la compétence, points 77 et 78 ; Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 264 ; WNC Factoring Ltd c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2014-34), sentence du 22 février 2017, point 300 ; Anglia Auto Accessories Limited c/ République tchèque (affaire CCS V 2014/181), sentence finale du 10 mars 2017, point 116, ainsi que I. P. Busta et J. P. Busta c/ République tchèque (affaire CCS V 2015/014), sentence finale du 10 mars 2017, point 116.

    ( 161 ) Voir, notamment, Wena Hotels Ltd c/ République arabe d’Égypte (affaire CIRDI no ARB/98/4), sentence du 8 décembre 2000, point 84, et Técnicas Medioambientales TECMED SA c/ États-Unis mexicains [affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2], sentence du 29 mai 2003, points 175 à 177.

    ( 162 ) Voir, notamment, Biwater Gauff (Tanzania) Ltd c/ République-Unie de Tanzanie (affaire CIRDI no ARB/05/22), sentence du 24 juillet 2008, point 730, et Eureko BV c/ République de Pologne (Arbitrage ad hoc), sentence partielle du 19 août 2005, points 236 et 237.

    ( 163 ) Voir CME Czech Republic BV c/ République tchèque (CNUDCI), sentence partielle du 13 septembre 2001, point 613, et Compañiá de Aguas del Aconquija SA et Vivendi Universal SA c/ République argentine (affaire CIRDI no ARB/97/3), sentence du 20 août 2007, points 7.4.15 et 7.4.16.

    ( 164 ) Pour une analyse plus complète, voir Schreuer, C., « Full Protection and Security », 2010,Journal of International Dispute Settlement, p. 1.

    ( 165 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 260.

    ( 166 ) Voir, notamment, arrêt du 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union (C‑438/05, EU:C:2007:772, points 56 à 59, 62 et 66). Il en va de même pour les règlements, mais pas pour les directives.

    ( 167 ) Voir Saluka Investments BV c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2001‑04), sentence partielle du 17 mars 2006, point 484.

    ( 168 ) La notion de discrimination en droit international des investissements est semblable à celle du droit de l’Union en ce qu’elle vise un traitement défavorable à l’investisseur qui ne peut être raisonnablement justifié. Voir, en ce sens, Elettronica Sicula SpA (ELSI), arrêt, CIJ Recueil 1989, p. 15, point 122 ; Saluka Investments BV c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2001-04), sentence partielle du 17 mars 2006, point 460, et Biwater Gauff (Tanzania) Ltd. c/ République-Unie de Tanzanie (affaire CIRDI no ARB/05/22), sentence du 24 juillet 2008, point 695.

    ( 169 ) Voir MTD Equity Sdn. Bhd. et MTD Chile SA c/ République du Chili (affaire CIRDI no ARB/01/7), sentence du 25 mai 2004, point 109 ; Saluka Investments BV c/ République tchèque (CNUDCI) (affaire CPA no 2001-04), sentence partielle du 17 mars 2006, points 303 et 460 ; Plama Consortium Limited c/ République de Bulgarie (affaire CIRDI no ARB/03/24), sentence du 27 août 2008, point 184, et EDF (Services) Limited c/ Roumanie (affaire CIRDI no ARB/05/13), sentence du 8 octobre 2009, point 303.

    ( 170 ) Voir Técnicas Medioambientales TECMED SA c/ États-Unis mexicains [affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2], sentence du 29 mai 2003, point 154, Waguih Elie George Siag et Clorinda Vecchi c/ République arabe d’Égypte (affaire CIRDI no ARB/05/15), sentence du 1er juin 2009, point 450, et Rumeli Telekom A.S. et Telsim Mobil Telekomunikasyon Hizmetleri A.S. c/ République du Kazakhstan (affaire CIRDI no ARB/05/16), sentence du 29 juillet 2008, point 609. Voir également, en ce sens, Dolzer, M., et Schreuer, C., Principles of International Investment Law, Oxford University Press, 2008, p. 133 à 149 ; Yannaca-Small, K., « Fair and equitable Treatment Standard » publié dans Yannaca-Small, K. (éd.), Arbitration under International Investment Agreements – A Guide to the Key Issues, Oxford University Press, 2010, p. 385 et 393 à 410. Voir, également, avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017 (EU:C:2017:376, point 89).

    ( 171 ) La notion de « déni de justice » en droit international englobe l’obligation de l’État de ne pas administrer la justice d’une manière notoirement injuste. Voir, en ce sens, Paulsson, J., Denial of Justice in International Law, Cambridge University Press, 2005, p. 67. Cette obligation est violée si, par exemple, les juridictions étatiques refusent de traiter une affaire, si elles la soumettent à des retards déraisonnables, si la justice est administrée de façon nettement inadéquate ou même s’il y a une mauvaise application du droit national qui est claire et malveillante. Voir Robert Azinian e.a. c/ États-Unis mexicains [affaire CIRDI no ARB(AF)/97/2], sentence du 1er novembre 1999, points 102 et 103.

    ( 172 ) Voir Rumeli Telekom A.S. et Telsim Mobil Telekomunikasyon Hizmetleri A.S. c/ République du Kazakhstan (affaire CIRDI no ARB/05/16), sentence du 29 juillet 2008, point 651, et Victor Pey Casado et President Allende Foundation c/ République du Chili (affaire CIRDI no ARB/98/2), sentence du 8 mai 2008, points 653 à 657. Voir également, en ce sens, McLachlan, C., Shore, L., et Weiniger, M., International Investment Arbitration – Substantive Principles, Oxford University Press, 2007, p. 227.

    ( 173 ) Voir S. D. Myers Inc. c/ Canada (CNUDCI), sentence partielle du 13 novembre 2000, point 259 ; LG&E Energy Corp., LG&E Capital Corp., et LG&E International, Inc. c/ République argentine (affaire CIRDI no ARB/02/1), décision sur la responsabilité du 3 octobre 2006, point 162, et Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence sur la compétence, la recevabilité et la suspension du 26 octobre 2010, points 250 et 251.

    ( 174 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, points 119 et 251.

    ( 175 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 261.

    ( 176 ) Voir conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans les affaires jointes SEGRO et Horváth (C‑52/16 et C‑113/16, EU:C:2017:410, point 121), où il propose de ne pas répondre aux questions préjudicielles portant sur l’article 17 de la Charte parce que « la violation alléguée [de cet article] ne peut pas être examinée indépendamment de la question de la violation des libertés de circulation ». Voir également, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis (C‑201/15, EU:C:2016:972, point 65).

    ( 177 ) Par expropriation directe, on entend des mesures de nationalisation ou de dépossession par transfert formel du titre de propriété ou une saisie physique.

    ( 178 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 261. Voir également, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2011, Commission/Slovaquie (C‑264/09, EU:C:2011:580, points 47 à 50), où la Cour a jugé que la résiliation par la République slovaque d’un contrat qu’elle avait conclu avec un investisseur suisse, nécessaire pour se conformer à ses obligations découlant de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO 2003, L 176, p. 37), pourrait constituer une expropriation au sens de l’article 6 du TBI Suisse/Slovaquie.

    ( 179 ) Voir, en ce sens, résumé de la jurisprudence internationale pertinente disponible dans Yannaca-Small, K., « “Indirect expropriation” and the “Right to Regulate” in International Investment Law », OECD Working Papers on International Investment 2004/04, p. 10 à 20.

    ( 180 ) Voir, par exemple, Técnicas Medioambientales TECMED SA c/ États-Unis mexicains [affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2], sentence du 29 mai 2003, point 114, et Generation Ukraine Inc. c/ Ukraine (affaire CIRDI no ARB/00/9), sentence du 16 septembre 2003, point 20.22.

    ( 181 ) Lors de l’audience, le gouvernement chypriote s’est référé aux points 62 à 76 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701) où la Cour ne s’est prononcée que sur la question de savoir si, en ayant signé le protocole d’accord au nom du MES, la Commission avait contribué à une violation du droit de propriété des requérants garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. La question de l’existence d’une violation de ce droit par la République de Chypre n’a pas été tranchée, puisque de toute façon la Charte n’est pas applicable aux États membres en dehors de la mise en œuvre du droit de l’Union (voir point 67 de cet arrêt).

    ( 182 ) Voir avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123, points 63 à 89) ; 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 183), et 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017 (EU:C:2017:376, point 301).

    ( 183 ) Voir, en ce sens, arrêts du 5 février 1963, van Gend & Loos (26/62, EU:C:1963:1, p. 12) ; du 15 juillet 1964, Costa (6/64, EU:C:1964:66, p. 593) ; du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft (11/70, EU:C:1970:114, point 3) ; avis 1/91 (Accord EEE – I), du 14 décembre 1991 (EU:C:1991:490, point 21), et 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123, point 65) ; arrêt du 26 février 2013, Melloni (C‑399/11, EU:C:2013:107, point 59), ainsi que avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 166).

    ( 184 ) Voir avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 168).

    ( 185 ) Voir arrêt du 16 juillet 1998, Oelmühle et Schmidt Söhne (C‑298/96, EU:C:1998:372, point 23), ainsi que avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123, point 68), et 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 173).

    ( 186 ) Voir article 19, paragraphe 1, TUE. Voir, également, avis 1/91 (Accord EEE – I), du 14 décembre 1991 (EU:C:1991:490, point 35) ; arrêt du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, EU:C:2007:163, point 38), ainsi que avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123, points 66 et 68), et 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 173).

    ( 187 ) Avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 176). Voir également, en ce sens, arrêts du 16 janvier 1974, Rheinmühlen-Düsseldorf (166/73, EU:C:1974:3, points 2 et 3), et du 12 juin 2008, Gourmet Classic (C‑458/06, EU:C:2008:338, point 20), ainsi que avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123, point 83).

    ( 188 ) Voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, points 36 à 39) ; du 28 mars 2000, Krombach (C‑7/98, EU:C:2000:164, point 21) ; du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 304), et avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 172). Pour une analyse plus détaillée de la notion d’ordre public européen, je renvoie à mes conclusions dans les affaires visant également des sentences arbitrales Gazprom (C‑536/13, EU:C:2014:2414, points 166 à 177) et Genentech (C‑567/14, EU:C:2016:177, points 55 à 72).

    ( 189 ) Recueil des traités des Nations unies, vol. 330, p. 3.

    ( 190 ) Arrêt du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107, point 14). Voir également, en ce sens, arrêts du 27 avril 1994, Almelo (C‑393/92, EU:C:1994:171, points 22 et 23), ainsi que du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, point 32).

    ( 191 ) Arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, point 33). Voir également, en ce sens, arrêt du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107, point 15).

    ( 192 ) Voir, en ce sens, points 59 à 62 de mes conclusions dans l’affaire Genentech (C‑567/14, EU:C:2016:177).

    ( 193 ) Voir également, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide (C‑352/13, EU:C:2015:335, points 57 à 72), où la Cour n’a pas suivi le point de vue de l’avocat général Jääskinen exprimé au point 124 de ses conclusions dans l’affaire CDC Hydrogen Peroxide (C‑352/13, EU:C:2014:2443), selon lequel le renvoi à l’arbitrage pourrait, en tant que tel, porter atteinte à l’article 101 TFUE.

    ( 194 ) Voir arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, points 37 et 40).

    ( 195 ) Voir Achmea BV (antérieurement Eureko BV) c/ République slovaque (CNUDCI) (affaire CPA no 2008-13), sentence du 26 octobre 2010 sur la compétence, l’arbitrabilité et la suspension, point 16.

    ( 196 ) Voir article V, paragraphe 1, sous d), de la convention de New York, ce qui pourrait être le cas si un tribunal arbitral, contrairement à l’article 8, paragraphe 6, dudit TBI, ne prenait pas en compte le droit de l’Union.

    ( 197 ) Voir article V, paragraphe 2, sous b), de la convention de New York et arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, point 38).

    ( 198 ) Voir article 1059, paragraphe 2, point 1, sous d), et point 2, sous b), du code allemand de procédure civile.

    ( 199 ) Voir article 53, paragraphe 1, de cette convention. Je relève toutefois que ces soucis n’ont pas empêché les institutions de l’Union de choisir le CIRDI comme institution arbitrale à l’article 9.16 de l’accord de libre-échange UE-Singapour.

    ( 200 ) Même dans cette hypothèse, un risque ne pourrait véritablement exister que si l’État membre défendeur à l’arbitrage possédait des actifs sis sur le territoire d’un pays tiers et qui ne bénéficieraient pas des immunités reconnues en droit international aux États étrangers. En réalité, même si le siège de l’arbitrage est fixé dans un pays tiers ou si la reconnaissance et l’exécution de la sentence sont demandées dans un pays tiers, l’investisseur ne pourrait pas éviter de demander la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale devant les juridictions de l’État membre défendeur.

    ( 201 ) Voir Electrabel SA c/ Hongrie (affaire CIRDI no ARB/07/19), décision sur la compétence, le droit applicable et la responsabilité du 30 novembre 2012, points 4.160 à 4.162.

    ( 202 ) Voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269) ; du 7 juillet 2016, Genentech (C‑567/14, EU:C:2016:526), et arrêt du Tribunal fédéral suisse du 8 mars 2006, 4P.278/2005, concernant le recours en annulation d’une sentence arbitrale rendue en Suisse entre deux sociétés italiennes pour violation du droit de la concurrence de l’Union.

    ( 203 ) Voir procédure arbitrale entre Gazprom et le ministère lituanien de l’Énergie qui a fait l’objet de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mai 2015, Gazprom (C‑536/13, EU:C:2015:316).

    ( 204 ) La majorité des sentences sont publiques alors que ce n’est pas le cas en arbitrage international commercial. Il est donc encore plus difficile de vérifier s’il y a violation du droit de l’Union.

    ( 205 ) Avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 191 et jurisprudence citée).

    ( 206 ) Voir, en ce sens, Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne), ordonnance du 8 mai 2007 du deuxième sénat, 2 BvM 1/03, ECLI:DE:BVerfG:2007:ms20070508.2bvm000103, point 54.

    ( 207 ) Voir point 206 des présentes conclusions.

    ( 208 ) Voir les exemples que j’ai donnés aux points 42 et 43 des présentes conclusions.

    ( 209 ) Voir note du 1er mars2017 de l’ambassade de France en Allemagne sur l’investissement direct étranger en Allemagne en 2014/2015 créée sur la base de statistiques compilées par la CNUCED et la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne) et disponible sur le site Internet http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/434035. Voir, notamment, tableau 5.

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