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Document 62017CJ0064

    Arrêt de la Cour (septième chambre) du 8 mars 2018.
    Saey Home & Garden NV/SA contre Lusavouga-Máquinas e Acessórios Industriais SA.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal da Relação do Porto.
    Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 25 – Existence d’une clause attributive de juridiction – Accord verbal sans confirmation écrite – Clause contenue dans les conditions générales de vente mentionnées dans des factures – Article 7, point 1, sous b) – Contrat de concession commerciale entre sociétés établies dans deux États membres distincts ayant pour objet le marché d’un troisième État membre – Article 7, point 1, sous b), second tiret – Détermination de la juridiction compétente – Lieu d’exécution de l’obligation caractéristique d’un tel contrat.
    Affaire C-64/17.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:173

    ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

    8 mars 2018 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 25 – Existence d’une clause attributive de juridiction – Accord verbal sans confirmation écrite – Clause contenue dans les conditions générales de vente mentionnées dans des factures – Article 7, point 1, sous b) – Contrat de concession commerciale entre sociétés établies dans deux États membres distincts ayant pour objet le marché d’un troisième État membre – Article 7, point 1, sous b), second tiret – Détermination de la juridiction compétente – Lieu d’exécution de l’obligation caractéristique d’un tel contrat »

    Dans l’affaire C‑64/17,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal da Relação do Porto (cour d’appel de Porto, Portugal), par décision du 10 novembre 2016, parvenue à la Cour le 7 février 2017, dans la procédure

    Saey Home & Garden NV/SA

    contre

    Lusavouga-Máquinas e Acessórios Industriais SA,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. A. Rosas, président de chambre, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,

    avocat général : M. M. Bobek,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et P. Lacerda, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin ainsi que par Mmes P. Costa de Oliveira et M. Heller, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 7, point 1, et de l’article 25 du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Saey Home & Garden NV/SA, établie en Belgique, à Lusavouga-Máquinas e Acessórios Industriais SA (ci-après « Lusavouga »), établie au Portugal, au sujet d’une demande d’indemnisation liée à la résiliation du contrat de concession commerciale, conclu entre ces sociétés, et portant sur le marché espagnol.

    Le cadre juridique

    3

    L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 prévoit :

    « Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

    4

    L’article 7 de ce règlement énonce :

    « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

    1)

    a)

    en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;

    b)

    aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

    pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

    pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

    c)

    le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ;

    [...]

    5)

    s’il s’agit d’une contestation relative à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement, devant la juridiction du lieu de leur situation ;

    [...] »

    5

    Aux termes de l’article 25, figurant à la section 7, intitulée « Prorogation de compétence », du chapitre II dudit règlement :

    « 1.   Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :

    a)

    par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;

    b)

    sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou

    c)

    dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

    [...] »

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    6

    Il résulte du dossier soumis à la Cour que Lusavouga a son siège à Cacia, Aveiro (Portugal) et que ses locaux sont implantés au Portugal. Son activité consiste en l’importation, l’exportation et le commerce de gros de machines, d’outils et d’autres équipements. Son réseau commercial couvre notamment le territoire espagnol, sur lequel elle ne possède aucune succursale ou établissement.

    7

    Saey Home & Garden est une société ayant son siège à Courtrai (Belgique), dédiée à la fabrication et à la vente, notamment, d’équipements et d’ustensiles de cuisine portant la marque « Barbecook ». Cette société ne dispose pas non plus de succursale ou d’établissement sur le territoire espagnol.

    8

    À la fin de l’année 2013 ou au début de l’année 2014, les parties en cause au principal ont conclu un contrat de concession commerciale, dont l’objet était la promotion et la distribution en exclusivité (à l’exception d’un client), en Espagne, auprès de détaillants et de consommateurs finaux, de produits fabriqués sous la marque précitée.

    9

    Si aucun écrit constatant la conclusion de ce contrat n’a été rédigé, la juridiction de renvoi considère l’existence dudit contrat établie. Dans le cadre de ce contrat, Lusavouga a, du mois de janvier au mois de juillet 2014, passé commande de ces produits auprès de Saey Home & Garden et les a commercialisés en Espagne.

    10

    Par courriel du 17 juillet 2014, Saey Home & Garden a informé Lusavouga qu’elle avait décidé de mettre fin à leur partenariat.

    11

    Le 19 juin 2015, Lusavouga a assigné Saey Home & Garden devant le Tribunal de Comarca de Aveiro (tribunal d’arrondissement d’Aveiro, Portugal) en vue de faire condamner cette dernière à lui payer, notamment, la somme de 24000 euros correspondant, d’une part, à la somme de 10000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des agissements de Saey Home & Garden ainsi que de la rupture précoce et soudaine du contrat de concession commerciale et, d’autre part, à la somme de 14000 euros au titre de l’indemnité de clientèle.

    12

    Saey Home & Garden a soulevé une exception d’incompétence des juridictions portugaises pour connaître du litige au principal, en faisant valoir, d’une part, que les produits concernés ont été chargés en Belgique et que Lusavouga s’est occupée du transport et, d’autre part, que le point 20 des conditions générales auxquelles étaient soumises les ventes de ces produits contenait une clause attributive de juridiction précisant que les litiges seraient tranchés par les tribunaux de Kortrijk (Courtrai, Belgique).

    13

    Le Tribunal de Comarca de Aveiro (tribunal d’arrondissement d’Aveiro) a rejeté l’exception d’incompétence et a estimé que les juridictions portugaises étaient internationalement compétentes sur le fondement de l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012.

    14

    Saey Home & Garden a interjeté appel de cette décision devant la juridiction de renvoi, le Tribunal da Relação do Porto (cour d’appel de Porto, Portugal), en faisant valoir, notamment, que le contrat de concession commerciale en cause au principal implique l’exécution d’une prestation de services en Espagne, ce dernier État membre étant dès lors le lieu d’exécution des obligations contractuelles. En outre, selon Saey Home & Garden, la résiliation abusive d’un contrat relève de la « matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012, ce qui exclut la compétence des juridictions portugaises.

    15

    La juridiction de renvoi souligne que la question à trancher est celle de savoir lesquelles des juridictions portugaises, belges ou espagnoles ont une compétence internationale pour connaître du litige en cause au principal. Par ailleurs, dans l’hypothèse où les juridictions portugaises seraient incompétentes pour connaître du litige au principal, ladite juridiction estime qu’elle devra déterminer lesquelles des juridictions belges ou des juridictions espagnoles sont compétentes pour connaître de ce litige.

    16

    Estimant que la résolution du litige au principal dépend de l’interprétation des dispositions du règlement no 1215/2012, le Tribunal da Relação do Porto (cour d’appel de Porto) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions belges, conformément au principe de base énoncé à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, au motif que la Belgique est le pays où la défenderesse a son siège et est effectivement domiciliée ?

    2)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises, conformément à l’article 7, [point] 1, sous a) et sous c), du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat de concession commerciale et où les obligations mutuelles de ce contrat devaient être exécutées au Portugal ?

    3)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles, conformément à l’article 7, [point] 1, sous a) et sous c), du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat de concession commerciale et où les obligations mutuelles de ce contrat devaient être exécutées en Espagne ?

    4)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises, conformément à l’article 7, [point] 1, sous a) et sous b), premier tiret, du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, se décompose en plusieurs contrats de vente et où tous les biens vendus devaient être livrés au Portugal, comme ce fut le cas de la livraison effectuée le 21 janvier 2014 ?

    5)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions belges, conformément à l’article 7, [point] 1, sous a) et sous b), premier tiret, du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, se décompose en plusieurs contrats de vente et où tous les biens vendus ont été livrés par la défenderesse à la requérante en Belgique ?

    6)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles, conformément à l’article 7, [point] 1, sous a) et sous b), premier tiret, du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, se décompose en plusieurs contrats de vente et où tous les biens vendus étaient destinés à être livrés en Espagne et concernaient des opérations effectuées en Espagne ?

    7)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises, conformément à l’article 7, [point] 1, sous a) et sous b), [second] tiret, du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, correspond à une prestation de services effectuée par la requérante au bénéfice de la défenderesse par laquelle la requérante favorise le développement de certaines opérations qui concernent indirectement la défenderesse ?

    8)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles, conformément à l’article 7, [point] 1, sous a) et sous b), [second] tiret, du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, correspond à une prestation de services effectuée par la requérante au bénéfice de la défenderesse par laquelle la requérante favorise le développement de certaines opérations qui concernent indirectement la défenderesse et qui se déroulent en Espagne ?

    9)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises, conformément à l’article 7, [point] 5, du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat de concession commerciale et où le litige entre la requérante et la défenderesse doit être assimilé à un litige entre un mandant (lire “concédant”) et un agent situé au Portugal ?

    10)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles, conformément à l’article 7, [point] 5, du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat de concession commerciale et où le litige entre la requérante et la défenderesse doit être assimilé à un litige entre un mandant (lire “concédant”) et un agent que l’on doit considérer comme étant domicilié en Espagne dès lors que c’est dans ce pays que l’agent devra exécuter ses obligations contractuelles ?

    11)

    La demande doit-elle être introduite devant les juridictions belges, en particulier devant un tribunal de Kortrijk (Courtrai), conformément à l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), étant donné qu’au point 20 des conditions générales régissant toutes les ventes réalisées entre la défenderesse et la requérante, ces parties ont conclu une convention attributive de juridiction, par écrit et pleinement valable au regard du droit belge, précisant que “any dispute of any nature whatsoever shall be the exclusive jurisdiction of the courts of Kortrijk” [toute contestation de quelque nature que ce soit sera de la compétence exclusive des tribunaux de Kortrijk] ?

    12)

    Conformément aux règles des sections 2 à 7 du chapitre II du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), la demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises dans la mesure où les principaux critères de rattachement de la relation contractuelle établie entre la requérante et la défenderesse concernent le territoire et l’ordre juridique portugais ?

    13)

    Conformément aux règles des sections 2 à 7 du chapitre II du règlement no 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), la demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles dans la mesure où les principaux critères de rattachement de la relation contractuelle établie entre la requérante et la défenderesse concernent le territoire et l’ordre juridique espagnols ? »

    Sur les questions préjudicielles

    Sur la recevabilité

    17

    Dans leurs observations écrites, le gouvernement portugais et la Commission européenne émettent des doutes sur la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle, aux motifs, en particulier, qu’elle comporterait certaines lacunes, telles que, notamment, une présentation elliptique des faits du litige au principal, l’absence de prise de position de la juridiction de renvoi sur les considérations l’ayant motivée à formuler cette demande ainsi que la répétition de certaines questions posées.

    18

    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Il n’est possible pour la Cour de refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale, au sens de l’article 267 TFUE, que lorsque, notamment, les exigences concernant le contenu de la demande de décision préjudicielle figurant à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour ne sont pas respectées ou lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de la validité d’une règle de l’Union, demandées par la juridiction nationale, n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou lorsque le problème est de nature hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, points 50 et 155 ainsi que jurisprudence citée).

    19

    Il résulte également d’une jurisprudence constante que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit en outre indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour (arrêt du 14 juin 2017, Online Games e.a., C‑685/15, EU:C:2017:452, point 43 et jurisprudence citée).

    20

    En l’occurrence, l’interprétation sollicitée de certaines dispositions du règlement no 1215/2012 présente un lien réel et direct avec l’objet du litige au principal, lequel est expliqué à suffisance, et les réponses que la Cour pourra apporter aux questions posées permettront à la juridiction de renvoi de lever ses doutes et de résoudre ce litige.

    21

    Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle doit être déclarée recevable.

    Sur le fond

    22

    La compétence d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre, convenue par des cocontractants dans une clause attributive de juridiction, est, selon le libellé de l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, en principe exclusive. Il importe donc de répondre en premier lieu à la onzième question, portant sur l’existence d’une compétence judiciaire en vertu d’une telle clause.

    Sur la onzième question

    23

    Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une clause attributive de juridiction stipulée dans des conditions générales de vente, lesquelles sont mentionnées dans des factures émises par l’une des parties contractantes, satisfait aux exigences de cette disposition.

    24

    Selon une jurisprudence constante, les dispositions de l’article 25 du règlement no 1215/2012, du fait qu’elles excluent tant la compétence déterminée par le principe général du for du défendeur consacré à l’article 4 de ce règlement que les compétences spéciales visées aux articles 7 à 9 de celui-ci, sont d’interprétation stricte quant aux conditions y fixées (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2017, Leventis et Vafeias, C‑436/16, EU:C:2017:497, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

    25

    Plus particulièrement, le juge saisi a l’obligation d’examiner, in limine litis, si la clause attributive de juridiction a effectivement fait l’objet d’un consentement entre les parties, qui doit se manifester d’une manière claire et précise, les formes exigées par l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 ayant, à cet égard, pour fonction d’assurer que le consentement soit effectivement établi (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2017, Leventis et Vafeias, C‑436/16, EU:C:2017:497, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

    26

    L’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012 prévoit que la convention attributive de juridiction peut être conclue par écrit ou verbalement avec une confirmation écrite.

    27

    En outre, il y a lieu de relever que, lorsqu’une clause attributive de juridiction est stipulée dans des conditions générales, la Cour a dit pour droit qu’une telle clause est licite dans le cas où, dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi exprès est fait à des conditions générales comportant ladite clause (arrêt du 7 juillet 2016, Hőszig, C‑222/15, EU:C:2016:525, point 39 et jurisprudence citée).

    28

    En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que le contrat de concession commerciale en cause au principal a été conclu verbalement, sans confirmation ultérieure par écrit, et que les conditions générales contenant la clause attributive de juridiction concernée n’ont été mentionnées que dans les factures émises par la défenderesse au principal.

    29

    Au vu de ces éléments, et eu égard à la jurisprudence rappelée au point 27 du présent arrêt, une clause attributive de juridiction, telle que celle en cause au principal, ne satisfait pas aux exigences de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

    30

    Par ailleurs, il est constant, selon la juridiction de renvoi, que l’objet du litige en cause au principal concerne un contrat de concession commerciale pour lequel il est réclamé la réparation du préjudice résultant de la rupture précoce et soudaine, ainsi qu’une indemnité de clientèle pour le non-respect de l’exigence de quasi-exclusivité y afférente. Dès lors, il importe de vérifier, ce qui incombe également à la juridiction de renvoi, que la clause attributive de juridiction en cause au principal concerne ce rapport de droit. En effet, une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat ne peut, en principe, produire ses effets que dans les rapports entre les parties qui ont donné leur accord à la conclusion de ce contrat (arrêt du 7 février 2013, Refcomp, C‑543/10, EU:C:2013:62, point 29).

    31

    Il convient d’ajouter que, en dehors des deux options prévues à l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012, cet article 25, paragraphe 1, dispose, à ses points b) et c), qu’une clause attributive de juridiction peut également être conclue, respectivement, sous une forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou sous une forme conforme à un usage dont les parties avaient ou étaient censées avoir connaissance. Il incomberait, le cas échéant, à la juridiction de renvoi de vérifier si une clause attributive de juridiction a été conclue entre les parties au principal sous une de ces formes.

    32

    Il s’ensuit que l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, une clause attributive de juridiction, telle que celle en cause au principal, stipulée dans des conditions générales de vente mentionnées dans des factures émises par l’une des parties contractantes, ne satisfait pas aux exigences de cette disposition.

    Sur les deuxième à huitième questions

    33

    Par ces questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur l’interprétation à donner à l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012, afin de déterminer quelle juridiction est compétente pour connaître d’une demande indemnitaire relative à la résiliation d’un contrat de concession commerciale, conclu entre deux sociétés établies et opérant chacune dans un État membre différent, pour la commercialisation de produits sur le marché national d’un troisième État membre, sur le territoire duquel aucune de ces sociétés ne dispose de succursale ou d’établissement.

    34

    À titre liminaire, il convient de préciser que les critères de rattachement à la juridiction compétente prévus à l’article 7, point 1, sous b), du règlement no 1215/2012 sont applicables uniquement dans la mesure où la juridiction nationale, saisie d’un litige survenu entre les parties ayant établi entre elles des relations commerciales, viendrait à conclure que ces relations sont fondées sur un « contrat de vente de marchandises » ou un « contrat de fourniture de services », au sens de cette disposition. Une telle qualification exclurait l’application de la règle de compétence prévue à l’article 7, point 1, sous a), dudit règlement. En effet, compte tenu de la hiérarchie que le point c) de cette disposition établit entre les points a) et b) de celle-ci, la règle de compétence prévue à ce point a) n’a vocation à intervenir que de façon alternative et par défaut par rapport aux règles de compétence figurant audit point b) (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Granarolo, C‑196/15, EU:C:2016:559, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée).

    35

    En premier lieu, il importe d’interpréter l’article 7, point 1, sous b), premier et second tirets, du règlement no 1215/2012 afin de déterminer si un contrat de concession commerciale, tel que celui en cause au principal, constitue un « contrat de vente de marchandises » ou un « contrat de fourniture de services » au sens de cette disposition.

    36

    À cet effet, il convient de retenir l’obligation caractéristique de ces contrats en tant que critère de rattachement pour déterminer la juridiction compétente (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 2010, Car Trim, C‑381/08, EU:C:2010:90, points 31 et 32, ainsi que du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472, point 40 et jurisprudence citée).

    37

    Ainsi, un contrat dont l’obligation caractéristique est la livraison d’un bien doit être qualifié de « vente de marchandises », au sens de l’article 7, point 1, sous b), premier tiret, du règlement no 1215/2012 (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Granarolo, C‑196/15, EU:C:2016:559, point 34 et jurisprudence citée).

    38

    Quant au point de savoir si un contrat peut être qualifié de « contrat de fourniture de services », au sens de l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 1215/2012, il y a lieu de rappeler que la notion de « services » implique, pour le moins, que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472, point 35 et jurisprudence citée).

    39

    Concernant le critère relatif à l’existence d’une activité, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il requiert l’accomplissement d’actes positifs, à l’exclusion de simples abstentions. Ce critère correspond, dans le cas d’un contrat de concession, à la prestation caractéristique fournie par le concessionnaire qui, en assurant la distribution des produits du concédant, participe au développement de leur diffusion. Grâce à la garantie d’approvisionnement dont il bénéficie en vertu du contrat de concession et, le cas échéant, à sa participation à la stratégie commerciale du concédant, notamment aux opérations promotionnelles, éléments dont la constatation relève de la compétence du juge national, le concessionnaire est en mesure d’offrir aux clients des services et des avantages que ne peut offrir un simple revendeur et, ainsi, de conquérir, au profit des produits du concédant, une plus grande part du marché local (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Corman-Collins, C‑9/12, EU:C:2013:860, point 38 et jurisprudence citée).

    40

    S’agissant du critère de la rémunération accordée en contrepartie d’une activité, il convient de souligner qu’il ne saurait être entendu au sens strict du versement d’une somme d’argent. Il y a lieu de tenir compte, d’une part, de l’avantage concurrentiel conféré au concessionnaire par le bénéfice, en raison du contrat conclu entre les parties, d’une exclusivité ou quasi-exclusivité de vendre les produits du concédant sur un marché donné et, d’autre part, d’une aide éventuelle octroyée au concessionnaire en matière d’accès aux supports de publicité, de transmission d’un savoir-faire au moyen d’actions de formation, ou encore de facilités de paiement, l’ensemble de ces avantages pouvant être considéré comme étant constitutif d’une rémunération du concessionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Corman-Collins, C‑9/12, EU:C:2013:860, points 39 et 40).

    41

    La Cour a déjà jugé que, aux fins de la détermination de la compétence judiciaire, un contrat de concession exclusive ou quasi-exclusive relève, en principe, de la notion de « contrat de fourniture de services » (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Corman-Collins, C‑9/12, EU:C:2013:860, points 27, 28 et 41).

    42

    En second lieu, sous réserve de la vérification par la juridiction de renvoi que le contrat de concession commerciale en cause au principal peut être effectivement qualifié de « contrat de fourniture de services », il convient de déterminer le lieu d’exécution de l’obligation caractéristique d’un tel contrat et la juridiction compétente pour connaître des litiges y relatifs.

    43

    À cet égard, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, le contrat de concession commerciale en cause au principal est un contrat de distribution exclusive (à l’exception d’un client) conclu entre une société établie en Belgique et une autre société établie au Portugal, pour la commercialisation de produits sur le marché espagnol, sans qu’aucune de ces sociétés ne dispose de succursale ou d’établissement sur le territoire espagnol.

    44

    Il résulte de la jurisprudence de la Cour que, en cas de pluralité de lieux d’exécution de l’obligation caractéristique d’un contrat de fourniture de services, il faut entendre par lieu d’exécution de celle-ci, au sens de l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 1215/2012, le lieu qui assure le lien de rattachement le plus étroit entre ce contrat et la juridiction compétente, ce lien de rattachement le plus étroit se vérifiant, en règle générale, au lieu de fourniture principale des services (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2010, Wood Floor Solutions Andreas Domberger, C‑19/09, EU:C:2010:137, points 33 et 34).

    45

    Par conséquent, la juridiction compétente, en vertu de cette disposition, pour connaître des demandes fondées sur un contrat de fourniture de services, en cas de fourniture de services dans plusieurs États membres, est celle de l’État membre où se trouve le lieu de la fourniture principale des services, tel qu’il découle des dispositions du contrat ainsi que, à défaut de telles dispositions, de l’exécution effective de ce contrat et, en cas d’impossibilité de le déterminer sur cette base, celui du domicile du prestataire (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2010, Wood Floor Solutions Andreas Domberger, C‑19/09, EU:C:2010:137, point 43).

    46

    Cette interprétation, qui doit également s’appliquer dans des circonstances telles que celles en cause au principal, répond aux objectifs de prévisibilité et de proximité poursuivis par le législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 2010, Car Trim, C‑381/08, EU:C:2010:90, point 48 et jurisprudence citée, ainsi que du 11 mars 2010, Wood Floor Solutions Andreas Domberger, C‑19/09, EU:C:2010:137, points 41 et 42).

    47

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième à huitième questions que l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que la juridiction compétente, en vertu de cette disposition, pour connaître d’une demande indemnitaire relative à la résiliation d’un contrat de concession commerciale, conclu entre deux sociétés établies et opérant dans deux États membres différents, pour la commercialisation de produits sur le marché national d’un troisième État membre, sur le territoire duquel aucune de ces sociétés ne dispose de succursale ou d’établissement, est celle de l’État membre où se trouve le lieu de la fourniture principale des services, tel qu’il découle des dispositions du contrat ainsi que, à défaut de telles dispositions, de l’exécution effective de ce contrat et, en cas d’impossibilité de le déterminer sur cette base, celui du domicile du prestataire.

    Sur les autres questions

    48

    Eu égard aux réponses apportées aux deuxième à huitième questions ainsi qu’à la onzième question, il n’y a pas lieu de statuer sur les première, neuvième, dixième, douzième et treizième questions.

    Sur les dépens

    49

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

     

    1)

    L’article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, une clause attributive de juridiction, telle que celle en cause au principal, stipulée dans des conditions générales de vente mentionnées dans des factures émises par l’une des parties contractantes, ne satisfait pas aux exigences de cette disposition.

     

    2)

    L’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que la juridiction compétente, en vertu de cette disposition, pour connaître d’une demande indemnitaire relative à la résiliation d’un contrat de concession commerciale, conclu entre deux sociétés établies et opérant dans deux États membres différents, pour la commercialisation de produits sur le marché national d’un troisième État membre, sur le territoire duquel aucune de ces sociétés ne dispose de succursale ou d’établissement, est celle de l’État membre où se trouve le lieu de la fourniture principale des services, tel qu’il découle des dispositions du contrat ainsi que, à défaut de telles dispositions, de l’exécution effective de ce contrat et, en cas d’impossibilité de le déterminer sur cette base, celui du domicile du prestataire.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le portugais.

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