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Document 62005CJ0229

    Sommaire de l'arrêt

    Affaire C-229/05 P

    Osman Ocalan, au nom du Kurdistan Workers' Party (PKK), et Serif Vanly, au nom du Kurdistan National Congress (KNK)

    contre

    Conseil de l'Union européenne

    «Pourvoi — Mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Recours en annulation — Recevabilité»

    Conclusions de l'avocat général M me J. Kokott, présentées le 27 septembre 2006   I-444

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 janvier 2007   I-470

    Sommaire de l'arrêt

    1. Pourvoi – Moyens – Simple répétition des moyens et arguments présentés devant le Tribunal – Absence d'identification de l'erreur de droit invoquée – Irrecevabilité – Contestation de l'interprétation ou de l'application du droit communautaire faite par le Tribunal – Recevabilité

      (Art 225 CE)

    2. Pourvoi – Moyens – Appréciation erronée des faits – Irrecevabilité – Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de preuve – Exclusion sauf cas de dénaturation

      (Art 225 CE)

    3. Pourvoi – Moyens – Moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi – Irrecevabilité

      (Règlement de procédure de la Cour, art 42, §2, et 118)

    4. Pourvoi – Moyens – Possibilités d'argumentation – Restriction

      (Statut de la Cour de justice, art 58; règlement de procédure de la Cour, art 113, § 2)

    5. Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement

      (Art 230, al 4, CE; règlement du Conseil n° 2580/2001)

    6. Droit communautaire – Principes – Droit à une protection juridictionnelle effective

      (Règlement du Conseil n° 2580/2001)

    7. Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Qualité pour agir

      (Art 230, al 4, CE)

    1.  Un pourvoi est irrecevable si, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l'erreur de droit dont serait entachée la décision attaquée, il se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal En revanche, dès lors qu'un requérant conteste l'interprétation ou l'application du droit communautaire faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d'une partie de son sens.

      (cf. point 32)

    2.  Sont recevables au stade du pourvoi des griefs relatifs à la constatation des faits et à leur appréciation dans la décision attaquée lorsque le requérant allègue que le Tribunal a effectué des constatations dont l'inexactitude matérielle résulte des pièces du dossier ou qu'il a dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis. Une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l'appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée.

      (cf. points 35, 37)

    3.  En vertu de l'article 118 du règlement de procédure de la Cour, l'article 42, paragraphe 2, du même règlement, qui interdit en principe la production de moyens nouveaux en cours d'instance, s'applique à la procédure devant la Cour ayant pour objet un pourvoi contre une décision du Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est ainsi limitée à l'examen de l'appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui.

      (cf. point 61)

    4.  Il résulte des dispositions combinées des articles 58 du statut de la Cour de justice et 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour que, dans le cadre d'un pourvoi, il est loisible au requérant d'invoquer tout argument pertinent sous la seule réserve que le pourvoi ne modifie pas l'objet du litige devant le Tribunal. Il n'existe aucune obligation que chaque argument invoqué dans le cadre du pourvoi ait préalablement fait l'objet d'une discussion en première instance. Une restriction en ce sens aurait pour effet de priver la procédure de pourvoi d'une partie importante de son sens.

      (cf. point 66)

    5.  Les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. À cet effet, la Cour s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) revêt, à cet égard, une signification particulière. Or, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans son état actuel semble indiquer qu'une organisation ne figurant pas sur la liste des personnes, des groupes et des entités auxquels s'appliquent les mesures restrictives prévues par le règlement n° 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ne pourrait pas établir qu'elle a la qualité de victime au sens de l'article 34 de la CEDH et, par conséquent, ne serait pas recevable à saisir cette juridiction.

      Par voie de conséquence, lorsque le juge communautaire conclut qu'une telle organisation n'est pas individuellement concernée au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE, tel qu'interprété par la jurisprudence, et que son recours en annulation est dès lors irrecevable, il n'existe aucune contradiction entre la CEDH et ledit article 230, quatrième alinéa, CE.

      (cf. points 74, 76, 82, 83)

    6.  La Communauté européenne est une communauté de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes avec le traité et les principes généraux du droit dont font partie les droits fondamentaux. Dès lors, les particuliers doivent pouvoir bénéficier d'une protection juridictionnelle effective des droits qu'ils tirent de l'ordre juridique communautaire, le droit à une telle protection faisant partie des principes généraux du droit qui découlent des traditions constitutionnelles communes aux États membres. Ce droit a également été consacré par les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

      À cet égard, en ce qui concerne le règlement n° 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l'effectivité de cette protection juridictionnelle est d'autant plus importante que les mesures restrictives prévues par ledit règlement entraînent des conséquences graves. Non seulement toute opération financière et tout service financier s'en trouvent empêchés dans le chef d'une personne, d'un groupe ou d'une entité visés par ce règlement, mais la réputation et l'action politique de ceux-ci sont lésées par le fait qu'ils sont qualifiés de terroristes.

      Selon l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, lu en combinaison avec l'article 1 er, paragraphes 4 à 6, de la position commune 2001/931, une personne, un groupe ou une entité ne peut être inclus dans la liste des personnes, groupes et entités auxquels ledit règlement s'applique qu'en présence de certains éléments probants et sous réserve de l'identification précise des personnes, groupes ou entités visés. En outre, il est précisé que le nom d'une personne, d'un groupe ou d'une entité ne peut être maintenu sur ladite liste que moyennant un réexamen périodique de sa situation par le Conseil Tous ces éléments doivent pouvoir être contrôlés par un juge.

      Il en résulte que, si le législateur communautaire estime qu'une entité a une existence suffisante pour faire l'objet des mesures restrictives prévues par le règlement n° 2580/2001, la cohérence et la justice imposent de reconnaître que cette entité jouit d'une existence suffisante pour contester ces mesures. Toute autre conclusion aurait pour résultat qu'une organisation pourrait être incluse dans la liste de personnes, de groupes et d'entités auxquels ledit règlement s'applique sans pouvoir former un recours contre cette inclusion.

      (cf. points 109-112)

    7.  Les dispositions du statut de la Cour de justice, notamment son article 21, du règlement de procédure de la Cour, notamment son article 38, et du règlement de procédure du Tribunal, notamment son article 44, n'ont pas été conçues en vue de l'introduction de recours par des organisations n'ayant pas de personnalité juridique. Dans cette situation exceptionnelle, les règles procédurales gouvernant la recevabilité d'un recours en annulation doivent être appliquées en les adaptant dans la mesure nécessaire aux circonstances de l'espèce. Il s'agit, en effet, d'éviter un formalisme excessif qui reviendrait à nier toute possibilité d'agir en annulation alors même que l'entité en question a fait l'objet de mesures restrictives communautaires.

      (cf. point 114)

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