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Document 52018IE1717

Avis du Comité économique et social européen sur «Le “chemin de la colombe blanche” (WhiteDoveWay) — Proposition en faveur d’une stratégie de consolidation de la paix à l’échelle mondiale menée par l’Union européenne» (Avis d’initiative)

EESC 2018/01717

OJ C 228, 5.7.2019, p. 31–36 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

5.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/31


Avis du Comité économique et social européen sur «Le “chemin de la colombe blanche” (WhiteDoveWay) — Proposition en faveur d’une stratégie de consolidation de la paix à l’échelle mondiale menée par l’Union européenne»

(Avis d’initiative)

(2019/C 228/05)

Rapporteure: Jane MORRICE

Décision de l’assemblée plénière

15.2.2018

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

15.1.2019

Adoption en session plénière

20.3.2019

Session plénière no

542

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

160/3/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’Union européenne s’est construite autour d’une mission de paix. Si elle a remporté le prix Nobel de la paix, elle ne saurait se permettre pour autant de se reposer sur ses lauriers. Au contraire, le plus grand projet de paix de l’époque moderne doit assumer la place qui lui revient en tant que chef de file et modèle à suivre pour le reste du monde, œuvrant pour la paix en Europe comme ailleurs. Dans le contexte des défis existentiels aux implications majeures qui se posent aujourd’hui pour l’Europe, et d’un renouvellement complet des institutions de l’Union, un siècle après la fin de la Première Guerre mondiale, le moment n’a jamais été aussi propice, dans l’histoire de l’intégration européenne, pour que l’Union européenne montre la voie en fixant un nouveau cap pour la consolidation de la paix partout dans le monde.

1.2.

Le «chemin de la colombe blanche» (WhiteDoveWay) est un itinéraire physique et métaphorique traçant la voie à suivre. Il propose une nouvelle stratégie dynamique de consolidation de la paix à l’échelle mondiale menée par l’Union européenne, axée sur la prévention des conflits, la participation de la société civile et une communication efficace, par l’éducation et l’information, et il déploie un «chemin européen de la paix», depuis l’Irlande du Nord jusqu’à Nicosie, afin d’inviter les citoyens à participer physiquement au processus européen de paix et de leur donner les moyens d’en atteindre l’objectif.

1.3.

Pour y parvenir, le Comité économique et social européen (CESE) demande que la part consacrée à la prévention des conflits dans les ressources affectées par le nouveau budget de l’Union européenne aux programmes pour la paix dans le cadre des relations extérieures de l’Union soit sensiblement augmentée, et il préconise plus de cohérence et de cohésion dans les politiques en matière de commerce intérieur et extérieur, d’aide, de développement et de sécurité.

1.4.

Le CESE recommande vivement d’associer davantage la société civile au processus décisionnel, à l’image des initiatives de consolidation de la paix que l’Union européenne mène partout dans le monde, telles que son programme PEACE en Irlande du Nord, initiatives qui bénéficient de la contribution active d’entreprises, de syndicats et d’organismes de bénévoles.

1.5.

Dans le droit fil du succès rencontré par le programme Erasmus, le CESE réclame un sérieux effort de communication pour promouvoir le rôle de l’éducation et de l’information afin de faire passer le message de l’Union en matière de consolidation de la paix, de faciliter les apprentissages entre les organisations non gouvernementales (ONG) d’Europe et d’ailleurs, et de créer une marque «Colombe blanche» à apposer aux projets de paix de l’Union européenne, de manière à en accroître la visibilité en Europe et dans le reste du monde.

1.6.

Afin d’associer activement les citoyens, le CESE propose un itinéraire de la paix qui s’étendra de l’Irlande du Nord jusqu’à Nicosie, reliant ainsi deux îles divisées, d’un bout à l’autre de l’Europe. Comme en témoigne le succès des itinéraires culturels européens, tel que celui de Compostelle, les voyageurs envisagent ces circuits comme une forme de pèlerinage, ou comme un moyen d’en apprendre plus sur différentes cultures en échangeant avec d’autres personnes. En empruntant le chemin de la colombe blanche, ils apprendront aussi à connaître l’héritage de paix qui a donné naissance à l’Union européenne.

1.7.

Le nom «colombe blanche», white dove en anglais, fait référence à Colomban, le pèlerin irlandais décrit comme le saint patron de l’unité européenne. Il est aussi le saint patron des motards. Prolongeant l’itinéraire jadis emprunté par le pèlerin, depuis l’Irlande jusqu’en France, en Suisse, en Autriche et en Italie, le chemin de la colombe blanche traversera des territoires qui furent le théâtre de guerres et de conflits, comme le front de l’Ouest, le Tyrol du Sud et les Balkans. Il offrira aussi un circuit «virtuel», tel un manuel d’histoire retraçant, à l’aide des technologies les plus modernes, le chemin parcouru par l’Union, de la guerre à la paix, pour encourager un mode de vie et d’apprentissage reflétant les valeurs de l’Union européenne que sont le respect, la tolérance et la compréhension mutuelle.

1.8.

Le CESE invite instamment l’Union européenne à élaborer une nouvelle stratégie de consolidation de la paix à l’échelle mondiale, qui inclurait les trois volets ci-après:

Volet no 1 — Prévention des conflits, société civile, cohérence

Le doublement des financements consacrés à la consolidation de la paix dans toutes les politiques afférentes de l’Union européenne, en mettant l’accent sur la prévention des conflits, la réconciliation et le dialogue interculturel pour promouvoir la tolérance et le respect, en Europe comme ailleurs dans le monde;

la participation structurée de la société civile à tous les niveaux décisionnels dans les politiques et les programmes relevant des relations extérieures de l’Union et présentant un lien avec la consolidation de la paix;

une cohésion et une cohérence accrues des stratégies que l’Union européenne déploie, dans l’ensemble des pays du monde dans lesquels elle est présente, en matière de défense, d’aide, de commerce et de résolution des conflits;

l’inclusion, dans les programmes à destination de la jeunesse tels que le programme Erasmus et le corps européen de solidarité, de composantes relatives à la consolidation de la paix, à la citoyenneté européenne, au respect mutuel et à la tolérance;

une plus grande coordination entre organismes et entre États, et un échange d’expériences avec les organisations qui œuvrent pour la paix sur le terrain, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, étatiques ou non gouvernementales.

Volet no 2 — Information, communication, éducation

La formation à la médiation, à la négociation et au dialogue entre les ONG locales, nationales et internationales qui œuvrent pour la paix;

des incitations pour encourager l’apprentissage et l’enseignement de l’intégration européenne, de la consolidation de la paix et de l’engagement civique dans les établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur de toute l’Union européenne;

la création de centres européens pour la consolidation de la paix à Belfast et à Nicosie, et de «pôles» d’apprentissage pour relier des sites stratégiques le long du chemin de la colombe blanche;

la reconnaissance officielle par l’Union européenne du symbole de la colombe blanche comme la «marque» de tous les projets de paix de l’Union, et l’obligation accrue pour les projets d’assurer la publicité du soutien apporté par l’Union européenne;

un effort accru, de la part de la Commission européenne, pour porter à la connaissance du public les projets de paix de l’Union européenne en utilisant la «marque» de la colombe blanche.

Volet no 3 — Itinéraire européen de la paix

La création d’un groupe de travail «Colombe blanche» de l’Union européenne pour amorcer et soutenir:

la consultation des conseils locaux, des organes régionaux, des autres circuits établis, comme le sentier du front de l’Ouest, des musées et des sites culturels reliés par le chemin de la colombe blanche;

une collaboration plus étroite avec des organisations internationales telles que les Nations unies, l’Unesco, l’OSCE et le Conseil de l’Europe;

le travail en réseau avec des initiatives de citoyens proposant des marathons, des randonnées pédestres ainsi que des circuits à vélo, à moto ou d’autres activités;

un soutien à la demande de l’association Friends of Columbanus au Conseil de l’Europe en vue de sa reconnaissance officielle comme un itinéraire culturel européen, qui serait l’un des embranchements du chemin de la colombe blanche;

les préparatifs logistiques permettant d’établir un sentier reliant l’Irlande à Chypre en passant par d’anciennes zones de conflits, avec des «bifurcations» vers des lieux qui ont apporté une contribution significative à la paix, comme les pays scandinaves et l’Europe centrale et orientale;

un soutien financier et technique pour un chemin de la colombe blanche sous forme de «réalité virtuelle», qui serait utilisé par les écoles et les universités de toute l’Europe et servirait de manuel d’histoire du futur, utilisant les technologies les plus modernes;

un soutien à la version en ligne interactive du chemin de la colombe blanche, qui en relierait les différents sites à des pôles de consolidation de la paix, en proposant notamment des récits à destination des personnes qui ne peuvent pas emprunter l’itinéraire pédestre.

2.   Contexte

2.1.

Les défis majeurs auxquels l’Union européenne est confrontée aujourd’hui menacent l’essence même de l’idéal européen. L’afflux de réfugiés et d’immigrants, les séquelles de la crise financière, l’austérité, l’extrémisme, les menaces sur le plan de la sécurité, l’accentuation des clivages politiques et les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ont ébranlé les fondements mêmes de l’Union. Si celle-ci entend préserver la plus longue période de paix que l’Europe ait connue, elle ne doit pas rester dans l’inaction face à ces menaces. L’Union européenne doit répondre à cette situation éminemment instable par des actions positives, ambitieuses, créatives et constructives, et par une vision qui reflète la mission fondamentale du projet européen, à savoir la promotion et le maintien de la paix.

2.2.

Le succès rencontré par le projet de paix de l’Union européenne a pour conséquence que les nouvelles générations d’européens sont très éloignées des réalités de la guerre. En rappelant aux citoyens ce que furent ses origines, l’Union européenne pourra restaurer un idéal qui rassemble et asseoir ainsi sa crédibilité et celle de sa mission. Pour y parvenir, elle doit intensifier ses efforts en matière de consolidation de la paix, pas seulement dans le reste du monde mais aussi au sein de l’Europe elle-même. En échangeant des récits illustrant la résolution de conflits et la recherche de compromis et de consensus sur le terrain entre des cultures, des communautés et des nations différentes, l’Union européenne pourrait conforter et promouvoir ses valeurs fondamentales que sont la liberté, la justice, l’égalité, la tolérance, la solidarité et la démocratie, en Europe comme dans d’autres pays.

2.3.

L’Union doit être perçue par le monde extérieur comme un champion mondial de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme. Toutefois, les conflits en Syrie, en Afghanistan, au Yémen ou ailleurs nous forcent à porter un regard critique sur la réponse que l’Union européenne apporte aux crises humanitaires qui surviennent aux interventions militaires. Pour satisfaire aux objectifs et aux principes qu’elle s’est fixés, l’Union a le devoir moral, au-delà de toute considération économique ou géopolitique, de protéger la vie des victimes innocentes qui tombent en proie à des conflits, en particulier les enfants. Si les fonds de l’Union européenne peuvent contribuer de manière significative à améliorer l’existence des personnes présentes dans ces zones, les résultats en sont toutefois limités. En mettant l’accent sur la prévention des conflits dans les zones où la paix et la sécurité sont menacées, et en collaborant étroitement avec la société civile, l’Union peut assurer une participation accrue des acteurs du terrain et augmenter les chances d’obtenir une paix durable.

2.4.

Partant du principe que chaque euro investi dans la paix permet d’en économiser sept dans la défense, le CESE invite instamment l’Union européenne à donner la priorité à la consolidation de la paix dans ses propositions pour son nouveau budget (CFP pour la période 2021-2027). La nouvelle «facilité européenne pour la paix» dotée de 10 milliards d’EUR que propose la Commission européenne devrait prévoir un volet qui soit véritablement consacré à la consolidation de la paix et qui associe activement les parties prenantes de la société civile locale et internationale, des échanges réciproques entre acteurs de terrain, des pôles de transfert des connaissances ainsi qu’une stratégie pour communiquer son message partout dans le monde. Le CESE réclame aussi la pleine mise en œuvre de la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de 2016, visant à «prévenir les conflits, favoriser la sécurité humaine, endiguer les causes profondes de l’instabilité et œuvrer à l’avènement d’un monde plus sûr».

3.   La mise en contexte — Commémorer, célébrer, communiquer

3.1.

Durant l’année qui a marqué le centième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, les citoyens de l’Union européenne n’ont pas seulement commémoré les morts, mais ont aussi rappelé le coût de ce conflit. Comprendre le chemin qui a mené à la paix est une façon pour les responsables politiques de tirer de leçons de l’histoire et d’appréhender la manière dont les processus de paix se sont installés. La commémoration des temps forts de la paix évoque l’héritage de la guerre et l’esprit de solidarité qui a prévalu à son lendemain. Dans les années à venir, plusieurs événements marquants seront célébrés, comme les 30 ans depuis la chute du mur de Berlin et la paix au Liban, en 2019, et les 25 ans de l’accord de paix de Dayton, en 2020; l’année 2018 a aussi marqué les 20 ans de l’accord du Vendredi saint ou accord de Belfast, et le deuxième anniversaire de l’accord de paix en Colombie. En mettant en avant le soutien qu’elle a apporté à ces accords, l’Union européenne défend aux yeux du monde la valeur des efforts qu’elle déploie.

3.2.

Afin de tenir compte de l’Année européenne du patrimoine culturel, toutes les actions visant à exploiter les enseignements que l’Europe a tirés des conflits pour les mettre au service du bien commun devraient comporter une nouvelle composante culturelle, dont l’importance est fondamentale. La diplomatie culturelle a été mise en exergue par la haute représentante de l’Union européenne, Mme Federica Mogherini, en tant qu’outil essentiel pour les relations diplomatiques internationales de l’Union. L’on peut en citer des exemples, depuis la protection des sites du patrimoine jusqu’à la promotion des identités culturelles et des langues, qui contribuent à créer des structures politiques stables dans lesquelles différents groupes ethniques, nationaux, religieux ou linguistiques se sentent en sécurité et sont davantage disposés à interagir pacifiquement. Si les mérites de la diplomatie culturelle dans les relations extérieures sont reconnus, il est tout aussi envisageable, compte tenu de l’accentuation des clivages intra-européens, d’appliquer la même démarche pour éteindre les discordes qui règnent dans l’Union. Le pèlerin irlandais du VIe siècle Colomban (1), qui est décrit comme le «saint patron d’une Europe unie», incarne l’héritage, le récit et le lien culturel nécessaires à une nouvelle stratégie de l’Union européenne pour promouvoir à l’échelle mondiale une vision et une action communes fondées sur la paix. C’est à ce titre que l’initiative dont il est question ici fait référence, dans son intitulé, au symbole international de la paix qu’est la colombe blanche.

4.   Le «chemin de la colombe blanche» (WhiteDoveWay)

En combinant des méthodes modernes d’interaction sociale avec des formes ancestrales de transmission des récits, le «chemin de la colombe blanche» fixe un nouveau cap pour l’Union européenne, l’invitant à établir un lien entre son passé, son présent et son avenir.

4.1.    Tracer la voie — Donner à l’Union européenne un rôle moteur dans la consolidation de la paix au niveau mondial

En soutenant activement la création de sociétés stables, justes, équitables et prospères partout dans le monde, l’Union européenne fait bien plus que promouvoir la paix. Si les efforts qu’elle déploie ne sont peut-être pas toujours à la hauteur de ses attentes, le fait de promouvoir ses valeurs encourage les pays qui sont en proie à la guerre à dépasser le stade de la violence. Le programme PEACE que l’Union européenne a mis en place en Irlande du Nord et le soutien qu’elle a apporté au processus de paix en Colombie en offrent de précieux exemples. D’autres modèles d’action sont aussi offerts par la stratégie de l’Union européenne de 2015 en faveur de la jeunesse, dont l’objectif est de prévenir la marginalisation des jeunes dans ses États membres. En renforçant également la cohérence et la cohésion des stratégies en matière de culture, de défense, d’aide, de commerce et de résolution des conflits qu’elle déploie, aux côtés d’organisations internationales, l’Union européenne pourrait s’imposer comme le chef de file de la consolidation de la paix à l’échelle mondiale.

4.2.    Montrer la voie — Par l’information, la communication et l’éducation

En donnant l’exemple et en promouvant ses valeurs fondamentales, l’Union peut montrer la voie à suivre en s’impliquant de manière plus créative dans des stratégies d’information, de communication et d’éducation. Les échanges d’expériences avec les militants pour la paix sur le terrain, en Europe mais aussi au-delà, revêtent une importance fondamentale. La création de centres européen pour la paix proposant des formations à la médiation, à la négociation, au dialogue et à la recherche de consensus, comme le Comité l’a suggéré dans des avis antérieurs (2), et le travail en partenariat avec les militants pour la paix issus de la société civile sont essentiels. En faisant connaître son action grâce à des programmes d’éducation et d’information bien ciblés et adossés à des moyens suffisants, l’Union européenne assure une meilleure compréhension du rôle qui est le sien et justifie ses efforts auprès de ses citoyens, en leur montrant la valeur d’un engagement multiculturel et en contribuant à les réconcilier avec l’idée de départ du projet européen.

4.3.    Emprunter la voie — Un itinéraire culturel accessible à tous

4.3.1.

Ce sentier permanent de la paix, reliant l’Irlande du Nord à Nicosie, rassemblera des personnes de tous horizons autour d’un effort physique et mental en vue de forger de nouvelles amitiés et d’aller à la rencontre d’autres individus désireux de partager leur expérience des conflits. Dans le sillage de Colomban, cet itinéraire culturel s’étendra sur 5 000 kilomètres à travers l’Europe, prolongeant ainsi la route jadis empruntée par le pèlerin, depuis l’Irlande jusqu’en Italie, en traversant des territoires profondément marqués par les guerres et les conflits, comme le front de l’Ouest, le Tyrol du Sud et les Balkans, et en reliant entre eux les peuples et les territoires tout au long de son tracé. Les promeneurs pourront entendre des récits sur l’héritage durable des conflits, mais aussi et surtout sur les mécanismes qui rendent possible l’émergence de la paix. Le chemin de la colombe blanche mettra également en place des pôles didactiques ainsi que des bifurcations vers l’Europe du Nord, de l’Est, du Centre et du Sud, qui permettront aux promeneurs de choisir leur itinéraire et le nombre de sites qu’ils souhaitent visiter. Le chemin de la colombe blanche encouragerait une extension de ces «bifurcations» aussi bien à l’intérieur de l’Union qu’au-delà de ses frontières, en reconnaissant non pas seulement des sentiers physiques, mais aussi des liens culturels, par exemple avec l’Écosse et en particulier avec l’île d’Iona, et des liens en matière de consolidation de la paix qui le rattachent à des territoires comme l’Ukraine et le Moyen Orient. Il pourrait aussi trouver des moyens de relier d’autres itinéraires bien établis, comme le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

4.3.2.

Il s’accompagnera aussi d’un portail en ligne qui compilera, dans le cadre d’une expérience virtuelle et interactive, des extraits sonores et visuels tirés de chacun des sites, et les mêmes récits historiques oraux que ceux qui pourront être entendus le long du trajet, à destination des personnes qui, pour des raisons de mobilité, ne peuvent emprunter physiquement le chemin. Le sentier virtuel servirait d’outil éducatif pour enseigner la consolidation de la paix dans les écoles et pour aménager plus de moments de créativité et d’entente en puisant dans les chapitres pertinents de l’histoire locale et en établissant de possibles liens avec l’itinéraire, afin d’encourager une large appropriation de ses enjeux dans toute l’Union européenne et au-delà. Inspiré des techniques utilisées pour former les élèves officiers à la protection civile et à la prévention des conflits, il offrira une expérience des conflits et de la consolidation de la paix sous forme de réalité virtuelle. Cet outil technologique servirait de manuel pédagogique répondant aux exigences éducatives qui sont celles de l’ère du numérique, en complément des méthodes d’enseignement traditionnelles, qui mettent davantage l’accent sur les personnes qui déclenchent les guerres que sur celles qui œuvrent pour la paix.

5.   Le nouveau budget de l’Union européenne (CFP) doit accorder un maximum de ressources à la consolidation de la paix et à l’inclusion de la société civile

5.1.

Bien qu’il n’existe pas de réponse simple lorsqu’il s’agit de trouver des solutions pour consolider la paix, différents moyens permettent de modifier les stratégies et les priorités pour atténuer les conséquences les plus graves des conflits. Le renouvellement du budget de l’Union européenne offre une précieuse occasion à cet effet en assurant «la cohérence, la coordination et la complémentarité» entre les politiques de consolidation de la paix de l’Union européenne et au sein de la Commission européenne, où la complexité des structures rend la coordination entre le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et d’autres instances difficile dans la pratique. De même, les politiques de l’Union européenne dans les domaines du commerce, de l’aide, de la sécurité et du développement doivent être cohérentes et il convient de reconnaître la nécessité de «faire le lien» entre les politiques et les pratiques des institutions de l’Union européenne, des États membres et des autres grands bailleurs de fonds.

5.2.    Mettre l’accent sur la prévention des conflits

Les propositions relatives au nouveau budget de l’Union européenne pour la période 2021-2027 relatives à l’action extérieure doivent accorder une plus grande priorité à la consolidation de la paix. Ces mesures incluent notamment une augmentation de 40 % de l’enveloppe consacrée à la sécurité, pour la porter à 4,8 milliards d’EUR, un nouveau Fonds de la défense doté de 13 milliards d’EUR, un budget de 6,5 milliards d’EUR affecté à la «mobilité militaire» dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ainsi qu’une hausse de 26 % du financement de l’action extérieure, qui s’élèverait à 120 milliards d’EUR. Surtout, la Commission propose une «facilité européenne pour la paix» dotée d’une enveloppe extrabudgétaire de 10,5 milliards d’EUR aux fins d’un engagement commun dans les pays tiers, qui constitue le levier idéal pour veiller à ce que l’action de l’Union soit véritablement orientée vers la prévention des conflits. En 2017, l’Union européenne a adopté un règlement établissant un nouveau soutien dans le cadre de l’instrument contribuant à la stabilité et à la paix (IcSP), afin de favoriser le renforcement des capacités des acteurs militaires (renforcement des capacités à l’appui de la sécurité et du développement — RCSD). Le Bureau européen de liaison pour la construction de la paix (EPLO) fait régulièrement état d’inquiétudes dans ce domaine et signale la nécessité d’une plus large contribution de la société civile.

5.3.    L’inclusion de la société civile — Mettre l’accent sur les femmes et les jeunes

Il est de plus en plus communément admis que la société civile joue un rôle crucial pour assurer l’efficacité et la pérennité de toute stratégie de consolidation de la paix. En contribuant à favoriser une consolidation de la paix et un renforcement positif qui tiennent davantage compte des situations de conflit, la coopération avec les acteurs de terrain est non seulement utile pour améliorer la compréhension des conflits du point de vue de la base, mais aussi pour que les acteurs locaux s’«approprient» le processus. La résolution 2419 des Nations unies souligne le rôle joué par les jeunes dans la négociation et la mise en œuvre d’accords de paix, tout comme la résolution 1325 met en avant celui des femmes. L’action des syndicats et les entreprises, petites et grandes, ont également une importance cruciale pour mobiliser la société civile. Les groupes vulnérables, en particulier les victimes, doivent bénéficier d’une attention éclairée, et il importe également d’appréhender les relations dans le tissu local et sur le lieu de travail dans le cadre d’une approche «de bon voisinage». Le «dialogue structuré» entre l’Union européenne et la société civile permet aussi d’établir des relations novatrices et durables, comme l’ont montré les travaux du CESE dans le cadre de ses relations avec les pays voisins de l’Union européenne, en Afrique, en Asie et ailleurs.

5.4.    La sensibilisation au niveau de l’Union européenne

Puisque que les citoyens n’ont que peu connaissance des travaux de l’Union européenne en matière de consolidation de la paix, le nouveau budget doit accorder une plus grande importance aux stratégies d’information, de communication et d’éducation, et en particulier à l’utilisation tout aussi bien des médias traditionnels que des médias sociaux. Si les préoccupations concernant les dangers des médias sociaux et la menace qu’ils pourraient représenter pour les démocraties sont bien réelles, la capacité des médias à amener des changements positifs est sous-exploitée. Le journalisme de paix, la diplomatie culturelle et le dialogue interculturel devraient bénéficier de dotations accrues dans le nouveau budget de l’Union européenne. L’éducation joue elle aussi un rôle important en apprenant aux jeunes et aux enfants non seulement à «tolérer», mais aussi à respecter les différences. L’organe des programmes particuliers de l’Union européenne et le mouvement pour une éducation intégrée en Irlande du Nord en offrent de bons exemples.

5.5.    Le partage des bonnes pratiques

L’Union européenne est riche de nombreuses expériences acquises dans des régions telles que l’Asie du Sud-est, le Moyen-Orient, l’Amérique centrale, les Balkans et l’Afrique subsaharienne. Certaines de ces actions y ont été largement couronnées de succès, d’autres moins. L’Union européenne se doit de tirer les leçons de l’histoire et de respecter et promouvoir une approche éthique de l’intervention, comme l’illustre l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (3) qui, en encourageant des processus pleinement participatifs auxquels la société civile participe, contribue à lutter contre l’exploitation et la corruption et à promouvoir la bonne gouvernance. Ces leçons, qu’elles soient positives ou négatives, doivent étayer les politiques menées. S’il n’existe pas de panacée en la matière, un certain nombre de principes fondamentaux communs aux zones de conflit ne peuvent être ignorés. Le partage des expériences devrait être mieux institué, en particulier pour ce qui concerne le lien entre action interne et externe de l’Union européenne, qui n’a donné lieu à aucune approche systématique de partage des enseignements jusqu’à présent. Il s’agit d’une occasion manquée et d’un échec politique majeur sur lequel il convient de se pencher.

5.6.    La voie à suivre

La commémoration des cent ans depuis la fin de la guerre et la célébration de la paix et du patrimoine culturel offrent à l’Union européenne une occasion idéale pour redorer son blason aux yeux du monde, pas seulement en tant que puissance économique mais aussi comme acteur mondial de premier plan dans la construction, le maintien et la promotion de la paix. En faisant de la paix une priorité face aux menaces terroristes, sur son territoire comme dans d’autres pays, l’Union peut s’inspirer de sa propre expérience, comme d’un exemple de ce qu’il est possible de réaliser, mais qu’il faut en permanence entretenir, pour encourager le dialogue interculturel, la tolérance, la solidarité et le respect mutuel.

En établissant une feuille de route pour une stratégie de consolidation de la paix à l’échelle mondiale menée par l’Union européenne, et en proposant aux voyageurs un itinéraire à la fois physique et virtuel sur le thème de la paix, le chemin de la colombe blanche servirait de phare pour leur indiquer comment vivre, apprendre et interagir dans un monde sans cesse plus mondialisé. Venues de toute l’Union européenne comme d’ailleurs, jeunes et vieux confondus, de tous horizons sociaux, économiques, générationnels, confessionnels, culturels et géographiques, des personnes se rassembleront pour découvrir des cultures et des traditions différentes et pour nouer des liens nouveaux, sur la base d’une meilleure compréhension de ce que sont les valeurs de l’Union européenne.

En utilisant le symbole de la colombe blanche pour indiquer la voie à suivre, ce chemin rendrait hommage aux efforts de consolidation de la paix entrepris par l’Union européenne partout dans le monde, mais serait également porteur d’une nouvelle vision pour l’Union européenne, ainsi que d’un message d’espoir en ces temps de plus en plus difficiles.

Lorsqu’il s’agit d’asseoir politiquement la paix, les personnes de bonne volonté peuvent toujours emprunter la voie de la colombe.

Bruxelles, le 20 mars 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Pèlerin irlandais du VIe siècle, que Robert Schuman, l’un des pères fondateurs de l’Union européenne, décrivait comme le «saint patron de tous ceux qui aujourd’hui cherchent à construire une Europe unie».

(2)  Avis du CESE sur «Le rôle de l’Union européenne dans le processus de paix en Irlande du Nord», 23.10.2008 (JO C 100 du 30.4.2009, p. 100).

Avis du CESE sur «Le rôle de l’Union européenne dans la consolidation de la paix dans les relations extérieures: meilleures pratiques et perspectives», 19.1.2012 (JO C 68 du 6.3.2012, p. 21).

(3)  Comme indiqué dans l’avis du CESE sur le thème «Garantir les importations essentielles pour l’Union européenne par la politique commerciale actuelle de l’Union européenne et ses autres politiques connexes», 16.10.2013 (JO C 67 du 6.3.2014, p. 47).


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