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Document 52015AE6711

Avis du Comité économique et social européen sur la «Recommandation de recommandation du Conseil sur la création de conseils nationaux de la compétitivité dans la zone euro» [COM(2015) 601 final]

OJ C 177, 18.5.2016, p. 35–40 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

18.5.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 177/35


Avis du Comité économique et social européen sur la «Recommandation de recommandation du Conseil sur la création de conseils nationaux de la compétitivité dans la zone euro»

[COM(2015) 601 final]

(2016/C 177/06)

Rapporteur:

Thomas DELAPINA

Corapporteur:

David CROUGHAN

Le 11 novembre 2015, la Commission a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur la:

«Recommandation de recommandation du Conseil sur la création de conseils nationaux de la compétitivité dans la zone euro»

[COM(2015) 601 final].

La section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du CESE en la matière, a adopté son avis le 3 mars 2016.

Lors de sa 515e session plénière des 16 et 17 mars 2016 (séance du 17 mars 2016), le CESE a adopté le présent avis par 200 voix pour, 3 voix contre et 11 abstentions.

1.   Synthèse et recommandations

1.1.

Le CESE examine dans quelle mesure les conseils nationaux de la compétitivité peuvent, au sein de la zone euro, contribuer à l’amélioration nécessaire de la gouvernance économique, en permettant de réduire les écarts entre les membres de l’union monétaire et d’éviter leur apparition à l’avenir, en reflétant la politique économique et sociale, et en renforçant la perspective européenne via l’intégration d’un réseau propre à la zone euro.

1.2.

La compétitivité n’est pas une fin en soi. Elle ne constitue un objectif pertinent que si elle accroît de manière concrète la prospérité des citoyens. Le CESE estime qu’il n’est pas envisageable de poursuivre la politique actuelle. La stratégie centrée exclusivement sur la réduction des coûts et la croissance des exportations afin de renforcer la compétitivité au sein de l’Union économique et monétaire (UEM) a plutôt contribué à intensifier les effets de la crise, car elle repose sur une définition bien trop étroite de la compétitivité.

1.3.

Le CESE recommande donc d’utiliser à l’avenir une définition actualisée de la compétitivité («compétitivité 2.0») et de tenir compte des concepts proposés dans le cadre du projet WWWforEurope, financé par la Commission européenne. Cette nouvelle définition s’inscrit dans le contexte des objectifs de la stratégie Europe 2020, qui couvrent également les objectifs «au-delà du PIB»: la compétitivité est ainsi définie comme «la capacité pour un pays (région, lieu) d’atteindre, au bénéfice de ses citoyens, les objectifs “au-delà du PIB”». Selon cette approche, la compétitivité s’appuie sur trois piliers: les revenus, les facteurs sociaux et la durabilité. En conséquence, le CESE recommande d’élargir le débat, qui ne devrait plus porter sur les «conseils de la compétitivité», mais sur les «conseils de la compétitivité, de la cohésion sociale et de la durabilité».

1.4.

Le CESE demande également à la Commission de clarifier un certain nombre de points pour que les activités de ces nouveaux conseils de la compétitivité, de la cohésion sociale et de la durabilité puissent être évaluées. Il reste encore à résoudre un certain nombre de questions techniques, telles que la nomination des membres, les dispositions relatives à la responsabilité, etc.

1.4.1.

Le CESE souscrit à la démarche de la Commission, qui permet aux États membres d’établir leurs conseils nationaux soit en créant de nouvelles institutions, soit en adaptant le mandat d’organismes existants, pour autant qu’ils soient indépendants et qu’ils n’aient pour objectif ni d’interférer avec le processus de fixation des salaires et le rôle des partenaires sociaux, ni d’harmoniser les systèmes nationaux de fixation des salaires. Comme il convient d’éviter tout chevauchement avec des organes et des travaux existants, le CESE invite la Commission à effectuer un état des lieux complet à ce sujet [travaux réalisés par le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développemement économiques (OCDE), les comités existants, les organismes nationaux ou autres pouvant s’avérer utiles, etc.]. Un tel aperçu global constituerait un outil précieux d’aide à la décision, qui permettrait d’estimer la valeur ajoutée des conseils proposés, d’entamer une analyse coûts-bénéfices et d’évaluer la nécessité de structures supplémentaires.

1.4.2.

Le CESE invite la Commission à présenter des propositions concrètes sur la manière de maintenir les exigences nécessaires suivantes:

la responsabilité, la légitimité et la transparence, en associant pleinement les institutions démocratiquement légitimes telles que les parlements, les partenaires sociaux et d’autres organisations représentant la société civile;

la représentation d’une expertise mesurée et impartiale, afin de refléter la diversité des opinions existantes;

le caractère non contraignant des propositions du conseil, en particulier en préservant pleinement l’autonomie des partenaires sociaux;

la prise en compte, lors de l’évaluation de la compétitivité selon la nouvelle définition, de la double nature des salaires, qui sont un facteur de coût pour les entreprises et le principal élément déterminant de la demande intérieure.

1.5.

Avant que la Commission ne publie son dernier train de mesures, le CESE avait déjà présenté des propositions concrètes sur l’approfondissement de l’UEM, propositions qu’il convient de mettre en œuvre.

Ce sont non pas des stratégies nationales concurrentielles qui sont nécessaires, mais un cadre stratégique européen commun. Dans ce contexte, il est essentiel de renforcer le dialogue macroéconomique et de mettre un tel dialogue en place pour la zone euro. C’est à ce niveau qu’il y a lieu de coordonner les politiques économiques et les trois grands facteurs de la politique macroéconomique.

À l’échelon national, le rôle des partenaires sociaux doit être consolidé et les structures d’un dialogue macroéconomique doivent être établies, voire renforcées.

Le rôle des parlements nationaux et du Parlement européen doit être accru pour garantir la responsabilité démocratique, et non usurpé par des groupes d’experts technocratiques.

Le CESE insiste sur l’importance de placer sur un pied d’égalité les objectifs économiques et sociaux, ainsi que d’évaluer l’incidence sociale de toutes les mesures relatives au semestre européen.

La promotion des investissements publics et privés joue un rôle crucial dans la réduction des déséquilibres, ce qui requiert une politique budgétaire plus favorable à la croissance et à la création d’emplois de haute qualité.

Ce dernier point concerne d’une part les recettes et donc un aménagement approprié des systèmes fiscaux, permettant d’assurer une base de financement suffisante. D’autre part, le CESE voit également sur le front des dépenses la nécessité de prendre des mesures davantage axées sur la croissance. En particulier, une «règle d’or» plus large en matière de financement des investissements publics semblerait compatible avec les mesures existantes permettant de répartir sur plusieurs générations les coûts de financement des investissements futurs.

2.   Recommandation de la Commission

2.1.

Dans sa communication relative aux mesures à prendre pour compléter l’Union économique et monétaire, la Commission propose de renforcer la zone euro d’ici le début de l’année 2017 (phase 1 — «Approfondissement par la pratique», lancée le 15 juillet 2015), puis, sur la base de critères définissant une nouvelle convergence vers le haut des économies de la zone euro, d’engager des réformes plus fondamentales en adoptant une vision à moyen et à long terme en vue de nouvelles perspectives de croissance (phase 2 — «Achèvement de l’UEM»). L’un des éléments clés de la phase 1 consiste en une panoplie améliorée de mesures en faveur de la gouvernance économique, notamment la proposition formulée à l’attention du Conseil afin qu’il recommande de mettre en place des autorités nationales de la compétitivité au sein des États membres de la zone euro (tout en encourageant les autres États membres à créer des organes similaires).

2.2.

La Commission souhaite que la mobilisation d’une expertise nationale indépendante encourage les États membres à assumer eux-mêmes la responsabilité des mesures et des réformes nécessaires au niveau national. L’objectif est la création de conseils nationaux de la compétitivité chargés de suivre les performances obtenues et les politiques menées dans le domaine de la compétitivité, au sens global du terme, afin de favoriser une convergence économique soutenue et une appropriation plus large, au niveau national, des réformes nécessaires. Les États membres sont invités à mettre en œuvre les principes énoncés dans la recommandation et, au plus tard douze mois après l’adoption de cette dernière, la Commission est invitée à établir un rapport décrivant les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la recommandation et son adéquation, et notamment la nécessité ou non d’adopter des dispositions contraignantes.

2.3.

Chaque conseil suivrait l’évolution de la compétitivité dans l’État membre concerné, et notamment les facteurs susceptibles d’influer à court terme sur les prix et la qualité des biens et des services par rapport à ceux des concurrents mondiaux. Les compétences des conseils de la compétitivité engloberaient «non seulement la dynamique des salaires, mais aussi les facteurs non salariaux, les déterminants de la productivité et les paramètres évolutifs liés à l’investissement, à l’innovation et à l’attrait de l’économie aux yeux des entreprises». Les conseils analyseraient et évalueraient les mesures concernées, et formuleraient des recommandations stratégiques, en tenant compte des particularités nationales et des pratiques établies. Ils fourniraient également des informations pertinentes pour étayer les processus de fixation des salaires au niveau national, sans porter atteinte aux droits de négociation et de convention collectives, tels qu’énoncés à l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2.4.

Les conseils jouiraient d’une indépendance fonctionnelle et structurelle vis-à-vis des entités publiques des États membres. Ils devraient consulter les parties prenantes concernées (par exemple les acteurs ou groupes d’acteurs nationaux, dont les partenaires sociaux, qui participent régulièrement au dialogue économique et social de l’État membre), sans pour autant communiquer uniquement ou principalement les opinions et les intérêts d’un groupe particulier.

2.5.

Les conseils seraient tenus d’établir des rapports annuels. Pour assurer la prise en compte des objectifs de la zone euro et de l’Union, la Commission entend coordonner les activités des conseils; elle se concerterait avec eux pour l’établissement des rapports et lors des missions d’information dans les États membres. Ces rapports éclaireraient également les analyses effectuées par la Commission dans le cadre du semestre européen et de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques.

3.   Observations générales

3.1.

À l’instar de la Commission, le CESE est convaincu de la nécessité d’améliorer et d’approfondir l’UEM; il s’est exprimé et a formulé des propositions précises à cet égard dans nombre de ses avis. Le Comité fait aussi l’éloge des mesures positives prises par la Commission et partage son point de vue selon lequel une coordination accrue des politiques économiques nationales est absolument indispensable si l’on veut supprimer les déséquilibres existants et réduire la probabilité d’apparition de nouveaux déséquilibres à l’avenir. Une partie importante de la valeur ajoutée de ces conseils nationaux serait leur appartenance à un réseau propre à la zone euro, comprenant d’autres conseils de ce type, qui renforcerait la perspective européenne des débats politiques entre les États membres et la Commission.

3.2.

Cependant, les politiques actuelles ne s’attaquent pas correctement à ce problème: des instruments plus efficaces sont indispensables pour gérer les déséquilibres macroéconomiques. Par conséquent, le CESE se félicite vivement que la Commission reconnaisse enfin la nécessité de mettre davantage l’accent sur les performances des États membres en matière d’emploi et d’objectifs sociaux, ainsi que de renforcer l’«appropriation» des efforts de réforme. La Commission a également raison de préconiser une participation accrue des partenaires sociaux nationaux à l’élaboration des programmes nationaux de réforme et, par l’intermédiaire des représentations de la Commission, au processus du semestre européen au niveau national. Les conseils nationaux, établis avec la participation pleine et entière de toutes les parties prenantes, pourraient servir à refléter l’incidence économique et sociale des mesures politiques actuelles et futures.

3.3.

Pour les États membres qui se sont engagés dans une politique monétaire unique (une seule monnaie, un seul taux d’intérêt), dont il est peu probable qu’elle donne lieu, à moyen terme ou même jamais, à une union économique, sociale et budgétaire intégrale comparable à une véritable union fédérale, il n’est plus envisageable de corriger les déséquilibres en dévaluant la monnaie nationale. Jusqu’à présent, les efforts visant à stimuler la compétitivité dans la zone euro se sont limités, pour l’essentiel, à un objectif étroitement défini, à savoir l’amélioration des résultats à l’exportation et de la balance courante, souvent via une réduction des coûts pouvant être contre-productive. La politique actuelle n’a pourtant pas été en mesure d’éliminer les déséquilibres et les conséquences négatives de la crise. Au contraire, certaines mesures ont aggravé ces conséquences (1) en mettant trop l’accent sur une politique d’austérité axée exclusivement sur l’offre, qui a affaibli la demande et accru le chômage, les déficits publics et les inégalités sociales. Sachant que les déséquilibres sont susceptibles de provoquer des situations difficiles s’ils ne sont pas corrigés dans les meilleurs délais, il est nécessaire de mettre en place de nouveaux instruments politiques pour éviter que la charge de l’adaptation ne retombe entièrement sur les salaires et les marchés de l’emploi.

3.4.

Bien que, dans sa recommandation, la Commission plaide pour le «concept de compétitivité dans une acception large», le CESE tient à rappeler qu’en 2002, elle a publié une définition beaucoup plus étendue du terme, à savoir «la capacité d’une économie à assurer de façon durable à sa population un taux d’emploi élevé et un niveau de vie élevé et en progression» (2). Dans le cadre du projet WWWforEurope (3), financé par la Commission, cette définition a été élargie pour couvrir les objectifs «au-delà du PIB», tels que l’insertion sociale et un environnement durable dans le contexte de la stratégie Europe 2020 (4). La compétitivité est ainsi définie comme «la capacité pour un pays (région, lieu) d’atteindre, au bénéfice de ses citoyens, les objectifs “au-delà du PIB”» (5). La compétitivité est mesurée sur la base de trois piliers: le pilier des revenus (y compris le revenu disponible des ménages et les dépenses des consommateurs), le pilier social (effets socio-économiques d’un système, comme le risque de pauvreté, les inégalités et le chômage des jeunes) et le pilier environnemental, qui mesure la productivité des ressources, l’intensité des émissions de gaz à effet de serre, l’intensité énergétique et la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité. Il y a également lieu de tenir compte de la stratégie numérique. Cela ne signifie pas que les déséquilibres (tels que celui de la balance des paiements courants) peuvent être négligés, comme ce fut le cas au lendemain de la crise financière.

3.5.

Pour garantir la bonne compréhension d’une définition globale de la compétitivité («compétitivité 2.0»), le CESE propose que les futures discussions portent non pas sur les «conseils de la compétitivité», mais sur les «conseils pour la compétitivité, la cohésion sociale et la viabilité».

4.   Observations particulières

4.1.

Il existe, au niveau international, de nombreuses procédures et institutions (notamment le FMI et l’OCDE, ainsi que la Commission européenne) qui assurent le suivi de la compétitivité et émettent des recommandations stratégiques à cet égard. De même, au niveau national, de nombreux organes, tels que les instituts indépendants de recherche économique, les bureaux des statistiques et les conseils économiques et sociaux, traitent de ces questions. La Commission fait observer que des institutions et des travaux existants pourront être exploités lors de la mise en place des conseils de la compétitivité, étant donné que certains États membres possèdent déjà des organes de ce type et que d’autres disposent d’entités qu’ils pourraient utiliser à cette fin. Il importe toutefois que les conseils soient indépendants et que leur rôle consultatif reflète adéquatement les avis d’experts formulés dans l’intérêt général.

4.2.

Le CESE note que la Commission propose de réaliser, dans les douze mois suivant l’adoption de la recommandation sur la création de conseils nationaux de la compétitivité, en s’appuyant sur les informations pertinentes communiquées par les États membres, un rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de cette recommandation et sur son adéquation. Avant de créer les conseils, il conviendrait de réaliser un état des lieux évaluant les activités et l’efficacité des organes existants et de ceux susceptibles d’être créés à l’avenir. Cet examen complet, reposant notamment sur l’expertise des partenaires sociaux, faciliterait la prise de décision, car il permettrait d’estimer la valeur ajoutée de ces conseils, d’effectuer une analyse des coûts et avantages, ainsi que d’évaluer la nécessité de prévoir des organes supplémentaires.

4.3.

La Commission continue, à juste titre, d’insister sur le besoin d’améliorer la transparence et la légitimité démocratique des politiques grâce à la pleine participation du Parlement européen, des parlements nationaux et des acteurs de la société civile concernés, et notamment des partenaires sociaux. Le CESE préconise dès lors que les organes démocratiquement responsables soient dûment associés au traitement des questions qui devront être clarifiées si les conseils voient le jour, à savoir: la nomination et l’approbation des membres des conseils, les compétences, l’élaboration des programmes de travail, la présentation de rapports et de comptes rendus, etc.

4.4.

Avant que la mise en place de conseils de la compétitivité puisse être approuvée, la Commission doit définir les critères de leur indépendance et de la représentation d’une expertise impartiale et mesurée reflétant la diversité des opinions, y compris celles des partenaires sociaux, afin de dissiper tout doute qui pourrait subsister quant à l’existence d’une expertise neutre et indépendante. Il convient également de clarifier la question de la responsabilité en cas d’analyses ou de prévisions incorrectes émises par les conseils.

4.5.

Prenant note du caractère consultatif de ces organes, le CESE demande à la Commission de fournir des éclaircissements et d’être explicite sur le caractère non contraignant des recommandations formulées par les conseils de la compétitivité. La question du caractère non contraignant se pose notamment au regard de la protection de l’autonomie des parties engagées dans les négociations salariales. Dans sa recommandation, la Commission fait valoir que le droit de négocier et de conclure des conventions collectives ne devrait pas être touché, mais cette affirmation, qui ne concerne que le droit garanti par le traité (6), est trop faible. Toute tentative d’influencer directement la fixation des salaires est absolument exclue du champ de compétence des conseils de la compétitivité.

4.6.

Le CESE prend note de la réflexion plus large au sujet de la compétitivité, au-delà de la compétitivité des coûts. D’autres considérations sur la prévention de l’apparition de déséquilibres doivent tenir compte de la double nature des salaires (facteur de coût pour les entreprises, facteur déterminant la demande intérieure; voir paragraphe 5.5). En outre, il est nécessaire d’adopter une approche symétrique vis-à-vis des excédents et des déficits pour remédier de façon adéquate aux déséquilibres (7).

5.   Propositions du CESE

5.1.

Le CESE est convaincu de la nécessité d’approfondir l’UEM. Ayant relevé, dans l’examen de la recommandation de la Commission ci-dessus, de nombreuses questions non résolues nécessitant une analyse plus approfondie et des éclaircissements, le Comité propose ci-après une synthèse des propositions qu’il a déjà formulées dans ce domaine. Au cours des dernières années, le Comité a adopté plusieurs avis sur le thème «approfondir l’union économique et monétaire» (8), le plus récent étant l’avis ECO/380 sur «La méthode communautaire pour une UEM démocratique et sociale», adopté en 2015 (9).

5.2.

Dans son avis ECO/380, le CESE formule des propositions en vue de futures initiatives de la Commission dans le domaine de l’UEM. Le CESE est convaincu que ce type de mesures contribuera à mettre un terme aux divergences en matière de fonctionnement des marchés du travail et des systèmes sociaux et de fixation des salaires, systèmes qui sont nécessaires pour stabiliser l’UEM et l’approfondir d’un point de vue démocratique et social. L’approche du CESE s’appuie sur l’idée que, dans le cadre général de la politique monétaire, budgétaire et salariale, il est possible de renforcer la confiance et d’assurer une plus grande convergence sans porter atteinte à l’indépendance des négociations collectives.

5.3.

Cela nécessitera des mesures visant à promouvoir le dialogue macroéconomique (MED) et, avant tout, à mettre en place un dialogue macroéconomique dans la zone euro (MED-EURO). Le MED a été lancé en 1999 en vue de parvenir à un dosage macroéconomique durable, axé sur la croissance et la stabilité, c’est-à-dire à une interaction sans heurts entre l’évolution des salaires et les politiques monétaire et budgétaire. Ce forum de coordination des trois grands acteurs de la politique macroéconomique, qui associe directement les partenaires sociaux, pourrait contribuer de manière essentielle à assurer la coordination nécessaire, le respect de l’objectif commun de stabilité et le développement démocratique et social de l’UEM. Ses constatations et conclusions devraient être prises en compte tant dans l’examen annuel de la croissance que dans les recommandations par pays.

5.4.

Le Comité souligne une fois de plus combien il importe de promouvoir le rôle des partenaires sociaux et leur participation à l’élaboration des politiques. Une forme de dialogue macroéconomique est également utile au niveau national. On a constaté une forte croissance de la compétitivité et de la productivité, principalement dans les pays où le dialogue social et les relations de travail sont solides et où un haut niveau de protection sociale et de cohésion sociale est garanti.

5.5.

Le système de fixation des salaires doit être laissé aux partenaires de la négociation collective, sans aucune intervention extérieure. Leur autonomie doit être pleinement respectée et garantie. Ce sont eux qui comprennent le mieux la situation réelle en matière de fixation des salaires et de marché du travail. Les partenaires de la négociation collective tiennent compte du fait que l’évolution des salaires a des répercussions à la fois sur les coûts et sur la demande. Ils ont bien conscience du fait qu’aligner les augmentations salariales sur la croissance de la productivité nationale à moyen terme et le taux d’inflation cible de la Banque centrale européenne a une incidence neutre sur les prix, la compétitivité, la demande intérieure et la répartition des revenus (10). La nécessité de renforcer le dialogue macroéconomique repose sur le fait que cette prise de conscience diffère d’un État membre à l’autre et ne trouve parfois aucune expression concrète, ce qui donne lieu à des déséquilibres.

5.6.

Dans le cadre de la gouvernance de la zone euro, il conviendrait de veiller à une participation plus active des parlements nationaux et du Parlement européen. Le CESE est favorable à la création d’une vaste commission du Parlement européen réunissant tous les députés des pays de la zone euro et des pays qui souhaitent la rejoindre, associée à une coordination renforcée entre parlementaires nationaux de la zone euro concernant les questions liées à l’UEM (COSAC+).

5.7.

Le CESE fait observer que les objectifs de politique économique devraient être plus en phase avec les objectifs de politique sociale de l’Union européenne énoncés à l’article 4, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et qu’il convient de résoudre les éventuels conflits entre objectifs économiques et sociaux. Au titre de la clause sociale horizontale, toutes les mesures du semestre européen doivent faire l’objet d’une évaluation de leur impact social (11).

5.8.

En outre, le Comité estime que la gestion de la demande à court terme et un programme d’investissement efficace visant à générer des revenus grâce à la croissance, à la cohésion sociale et à la solidarité sont essentiels. Cela nécessite une politique budgétaire favorable à l’emploi et à la croissance. Une coordination fiscale efficace est indispensable pour s’assurer que les pays disposent d’une base imposable adéquate. Des mesures vigoureuses pour lutter contre la fraude fiscale, les paradis fiscaux et la planification fiscale agressive sont également nécessaires.

5.9.

Du côté des dépenses également, le Comité considère qu’il est possible de mettre en place des politiques budgétaires plus favorables à la croissance. L’investissement public est un outil essentiel à la relance économique. Les investissements nécessaires dans les domaines de pointe et le domaine social (recherche, éducation, accueil de la petite enfance, services sociaux, logement social, etc.) favoriseront non seulement la croissance et l’emploi à court terme, mais renforceront aussi la production potentielle à long terme. Les investissements et la croissance, en particulier dans les pays frappés par la crise, sont indispensables au processus de rattrapage et, partant, de suppression des déséquilibres.

5.10.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission de ne pas inclure les contributions des États membres au Fonds européen pour les investissements stratégiques dans le calcul des déficits budgétaires. Dans la mesure où il s’agit de dépenses stimulant le potentiel de croissance et dont le produit profitera aussi aux générations futures, leur financement devrait également être étalé sur plusieurs générations. S’appuyant sur le même raisonnement, le CESE s’interroge une fois de plus (12) sur les motifs pour lesquels les investissements tournés vers l’avenir ne pourraient pas bénéficier d’un traitement identique en utilisant le budget général sous la forme d’une règle d’or de l’investissement.

Bruxelles, le 17 mars 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Pour une description détaillée, consulter l’avis du CESE sur la «Recommandation du Conseil concernant la mise en œuvre des grandes orientations des politiques économiques des États membres dont la monnaie est l’euro» (JO C 133 du 9.5.2013, p. 44), paragraphes 3.8 et suivants.

(2)  COM(2002) 714 final.

(3)  http://www.foreurope.eu/.

(4)  WWWforEurope, document de travail no 84, «Competitiveness and Clusters: Implications for a New European Growth Strategy» (Compétitivité et pôles: répercussions sur la nouvelle stratégie européenne de croissance), février 2015.

(5)  Ibidem, p. 9.

(6)  Article 153, paragraphes 1 («En vue de réaliser les objectifs visés à l’article 151, l’Union soutient et complète l’action des États membres dans les domaines suivants: […]») et 5 («Les dispositions du présent article ne s’appliquent ni aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out»), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(7)  Voir l’avis du CESE «Réexamen de la gouvernance économique» (JO C 268 du 14.8.2015, p. 33), paragraphe 3.2.3.

(8)  Sur le pilier politique en particulier, voir l’avis du CESE sur le thème «Achever l’UEM: le pilier politique» (JO C 332 du 8.10.2015, p. 8).

(9)  Et, précédemment, l’avis du CESE sur le thème «Achever l’UEM: le pilier politique» (JO C 332 du 8.10.2015, p. 8).

(10)  Voir l’avis du CESE «Examen annuel de la croissance» (JO C 132 du 3.5.2011, p. 26), paragraphe 2.3.

(11)  Voir l’avis du CESE «La méthode communautaire pour une UEM démocratique et sociale» (JO C 13 du 15.1.2016, p. 33), paragraphe 1.5.

(12)  Voir l’avis du CESE «Un plan d’investissement pour l’Europe», JO C 268 du 14.8.2015, p. 27 (paragraphe 4).


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