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Document 52013AE8066

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites COM(2013) 813 final — 2013/0402 (COD)

OJ C 226, 16.7.2014, p. 48–53 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

16.7.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 226/48


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites

COM(2013) 813 final — 2013/0402 (COD)

2014/C 226/09

Le 9 décembre 2013 et le 13 décembre 2013 respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites»

COM(2013) 813 final — 2013/0402 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 mars 2014.

Lors de sa 497e session plénière des 25 et 26 mars 2014 (séance du 25 mars 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 138 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Les secrets d’affaires visent dans les faits toute information (technologie, recette, données marketing…) dotée d’une valeur économique dont la confidentialité devrait être protégée. Ils font à ce titre partie des actifs immatériels des entreprises.

1.2

La protection de ces actifs immatériels est aussi vitale pour les entreprises, notamment les PME que pour les organismes de recherche non commerciaux, et nécessaire à la compétitivité de l’Union européenne, ne serait-ce que pour favoriser l’innovation et l’essor de nouveaux moyens d’entreprendre et encourager la recherche collaborative ou la coopération transfrontière.

1.3

La notion de secret d’affaires n’a dans l’Union ni de définition uniforme, ni de protection juridique harmonisée.

1.4

Le Comité soutient l’objectif que poursuit la Commission en proposant d’harmoniser la protection juridique des savoir-faire et des secrets d’affaires car ce sont des éléments essentiels pour promouvoir la capacité d’innovation des entreprises en général et leur compétitivité, et plus particulièrement celle des PME.

1.5

Le Comité relève que la protection des secrets d’affaires contre leur obtention et leur utilisation illicites telle qu’envisagée dans la proposition de directive est très proche de celle qui fut instaurée par la directive 2004/48/CE sur l’application des droits de propriété intellectuelle, comme les droits d’auteur, les marques commerciales, les dessins ou les brevets, notamment en ce qu’elle enjoint les États membres de prévoir qu’un recours civil efficace soit accessible au détenteur légitime du secret d’affaire.

1.6

Le Comité salue l’équilibre de la proposition de directive en ce qu’elle vise à garantir davantage de sécurité juridique, accroître la valeur des innovations contenues dans les secrets d’affaires grâce à une convergence législative renforcée compatible avec le droit international, dont notamment l’accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).

1.7

La définition du secret d’affaires bien que conforme à l’accord sur les ADPIC ne paraît pas assez fine pour couvrir toutes les catégories d’informations qui auraient vocation à être protégées au titre des secrets d’affaires.

1.8

Le Comité considère que la Commission pourrait préciser dans un considérant que les informations de valeur commerciale potentielle peuvent aussi être protégées au titre des secrets d’affaires.

1.9

Le CESE invite instamment la Commission à agir à cet égard sans plus tarder.

2.   Introduction

2.1

La protection des savoir-faire et des secrets d’affaires (informations commerciales non divulguées) est essentielle pour promouvoir la capacité d’innovation des entreprises et leur compétitivité.

2.2

La notion de secrets d’affaires vise dans les faits toute information (technologie, recette, données marketing…) dotée d’une valeur économique dont la confidentialité devrait être protégée.

2.3

Ce ne sont pas des titres de propriété intellectuelle exclusifs, mais ils en sont souvent à l’origine. Ainsi, un savoir-faire ou un secret d’affaires résultant de recherche et développement moyennant d’importants investissements financiers et humains est souvent à l’origine d’un brevet.

2.4

La notion même de secret d’affaires n’est pas uniforme dans l’Union européenne. La seule définition harmonisée des secrets d’affaires se trouve dans l’Accord ADPIC relevant de l’Organisation mondiale du commerce et repose sur trois conditions cumulatives:

Le caractère secret. On entend par là que le secret est généralement inconnu des milieux intéressés ou difficilement accessible;

La valeur commerciale. En réalité cette valeur commerciale découle du caractère confidentiel;

enfin, le détenteur légitime doit avoir pris des mesures raisonnables pour assurer la confidentialité du secret d’affaires.

2.5

Faute de conception uniforme de la notion de secret d’affaire dans l’Union, sa protection juridique se retrouve fragmentée dans les différents systèmes juridiques des Etats membres.

2.6

Or, une protection juridique européenne uniforme des secrets d’affaires prend d’autant plus de sens à une époque où l’espionnage industriel et les risques de piratage informatique atteignent des proportions préoccupantes, notamment dans des secteurs où la recherche et le développement, et l’investissement financier jouent un rôle majeur (automobile, télécommunications, pharmaceutiques…).

2.7

Le Comité avait d’ailleurs soutenu l’action de la Commission dans son action contre le piratage et fait part de ses réflexions sur le sujet (1).

3.   La proposition de la Commission

3.1

Elle résulte d’une consultation à l’issue de laquelle la Commission a pu constater la disparité des législations nationales des États membres, sur notamment la définition des secrets d’affaires et les voies de recours du détenteur de secrets d’affaires.

3.2

La proposition repose sur un double postulat: la disparité des législations nationales constituerait un frein à la recherche collaborative transfrontière et elle nuirait à la compétitivité des entreprises dont les secrets d’affaires pourraient être subtilisés dans les États membres les moins protecteurs.

3.3

Elle poursuit donc l’objectif d’harmoniser la protection de ces actifs immatériels qui ne sont pas considérés comme des droits de propriété intellectuelle.

3.4   Définition du secret d’affaire

3.4.1

La Commission s’inspire de la définition du secret d’affaires contenue dans les Accords sur les ADPIC et propose que trois conditions cumulatives soient réunies pour qu’une information soit «un secret d’affaires protégeable»:

elle doit être secrète, c’est-à-dire non connue ou non aisément accessible des milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question;

l’information doit avoir de la valeur du fait de son caractère secret;

le détenteur doit avoir pris des mesures raisonnables pour garder l’information secrète.

3.5   Notion d’appropriation illicite

3.5.1

Outre l’accès non autorisé à un support contenant le secret, le vol, la corruption, l’abus de confiance, la violation d’un accord de confidentialité, l’article 3 de la proposition ajoute: «tout comportement contraire aux usages commerciaux honnêtes».

3.5.2

Elle prévoit aussi que toute utilisation ou divulgation subséquente sont illicites dans les mêmes circonstances ou lorsque au moment d’utiliser ou de divulguer, une personne ne pouvait ignorer que sa source d’information avait obtenu le secret de façon illicite.

3.6   Obtention, utilisation et divulgation licites

3.6.1

L’article 4 de la proposition de directive exclut une série de cas de figure:

la découverte ou la création indépendante;

l’ingénierie inverse (reverse engineering): un secret d’affaires n’est plus protégé dès lors qu’il peut être dévoilé par le produit qui l’incorpore;

l’exercice du droit des représentants des travailleurs à l’information et à la consultation, y compris l’information desdits représentants par les travailleurs;

la liberté d’expression et d’information;

l’activité des lanceurs d’alerte, si des conditions additionnelles sont remplies: utilisation ou divulgation nécessaire et dans l’intérêt public;

la pratique conforme aux usages commerciaux honnêtes, le respect d’une obligation non contractuelle, la protection d’un intérêt légitime.

3.6.2

Il sauvegarde l’innovation car il précise expressément que la découverte indépendante et l’ingénierie inverse sont des moyens légitimes d’obtenir une information.

3.7   Recours du détenteur du secret d’affaires

3.7.1

Il revient aux États membres de prévoir un recours civil effectif contre les appropriations illicites des secrets d’affaires.

3.7.2

En lien avec les débats récurrents sur l’abus de la procédure de saisie-contrefaçon, la proposition de directive invite également les États membres à sanctionner le recours abusif destiné à retarder ou restreindre de façon inéquitable l’accès du défendeur au marché ou d’intimider, ou harceler celui-ci.

3.7.3

L’article 8 de la proposition de directive s’inspire également du droit de la concurrence en énonçant une série de mesures de protection pour éviter la divulgation des secrets d’affaires pendant la procédure judiciaire: restriction de l’accès à tout ou partie du document contenant le secret d’affaires, restriction de l’accès aux audiences, suppression des passages contenant des secrets d’affaires de la version non confidentielle de la décision judiciaire.

3.7.4

Au titre des mesures provisoires, le détenteur du secret d’affaires lésé doit pouvoir obtenir l’interdiction de divulgation ou d’utilisation du secret d’affaires, l’interdiction de produire, de commercialiser, d’utiliser les produits en infraction et la saisie ou la remise desdits produits.

3.7.5

La proposition prévoit de nombreuses autres garanties procédurales, ainsi, à titre subsidiaire, le tribunal doit pouvoir ordonner au défendeur de constituer une garantie pour permettre l’indemnisation du détenteur.

4.   Observations générales sur la proposition de directive

4.1

La proposition de directive donne une définition du secret d’affaires assez large pour couvrir notamment une recette, des recherches ou études qui ne sont pas encore l’objet d’un droit de propriété intellectuelle.

4.2

Elle vise à renforcer la compétitivité des entreprises et organismes de recherche européenne qui se fondent sur des savoir-faire et des secrets d’affaires qui ne peuvent pas faire l’objet d’une protection par les droits de propriété intellectuelle, en raison de l’impossibilité pour le titulaire d’obtenir un droit exclusif sur ces éléments.

4.3

En effet, les droits de propriété industrielle traditionnels tels les brevets, les marques, les dessins et modèles délaissent une grande partie de connaissances et informations pourtant nécessaires à la croissance économique des entreprises.

4.4

Les PME ont d’ailleurs souvent recours au secret d’affaires pour protéger ces informations vitales, faute de ressources humaines spécialisés ou capacité financière suffisante pour faire enregistrer, gérer, protéger et respecter leurs droits de propriété industrielle.

4.5

Afin de surmonter ces obstacles, les entreprises prévoient souvent des accords de non divulgation dans leurs contrats avec leurs employés ou sous-traitants. Les règles de protection des secrets d’affaires ne doivent pas limiter la liberté d’expression et la possibilité de dénoncer des irrégularités, ni restreindre la possibilité pour le travailleur de changer d’employeur et d’exploiter ensuite ses connaissances générales et l’expérience acquise.

4.6

La proposition prend donc tout son sens, d’autant plus que la vie économique actuelle incite de plus en plus souvent à la sous-traitance, impliquant que des prestataires de services puissent temporairement avoir accès à toutes sortes d’informations sensibles.

4.7

En outre, le perfectionnement des systèmes informatiques et de communication facilite le piratage, le détournement et la diffusion des secrets d’affaires, ce qui accroît le risque qu’ils soient utilisés dans des pays tiers pour produire des produits qui entreront ensuite en concurrence sur le marché européen, avec ceux de l’entreprise victime de l’appropriation illicite.

4.8

Le CESE attire l’attention sur le fait que le renforcement croissant des exigences en matière de reporting, pour les sociétés cotées notamment, met en péril le secret des affaires. Les informations qui figurent dans ces rapports deviennent de fait publiques, accessibles à tout investisseur, lequel peut se révéler ou devenir un concurrent.

4.9

Le CESE considère que la proposition de directive devrait également prendre en considération à l’article 4, le risque de divulgation de secrets d’affaires lié à l’obligation de «reporting» incombant aux membres de conseil d’administration ou de surveillance des sociétés cotées.

5.   Observations particulières sur la proposition de directive

5.1

La proposition prévoit de nombreuses garanties procédurales, notamment des mesures provisoires et conservatoires, mais aussi des mesures correctives et de réparation suite à la décision de justice constatant sur le fond la violation du secret d’affaires, telles que la destruction des informations détenues par le contrevenant, le rappel et la destruction des produits concernés, le calcul de dommages et intérêts devant intégrer le préjudice moral et la publication de la décision.

5.2

Les dommages et intérêts alloués sur demande de la partie lésée devront correspondre au préjudice réellement subi, en prenant en considération les aspects matériels et moraux.

5.3

Le juge pourra toutefois recourir à un montant forfaitaire, dans les «cas appropriés», par exemple calculé sur la base des redevances ou droits qui auraient dus en cas d’utilisation autorisée.

5.4

Le Comité souligne que les concepts de droit pénal «vol», «acte de corruption», «abus de confiance» contenus dans l’article 3 de la proposition de directive sont destinés à expliciter la notion d’«obtention, utilisation et divulgation illicites de secrets d’affaires».

5.5

L’intention de la Commission est bien d’opérer une harmonisation des voies de recours civils pour permettre aux entreprises innovantes de défendre efficacement leurs secrets d’affaires dans toute l’Union. L’article 5 «Obligation générale» est à cet égard éloquent puisqu’il dispose que les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations pour qu’un recours civil (le Comité souligne) soit disponible.

5.6

Il apparait par ailleurs que la proposition de directive assimile le secret d’affaires à une forme de propriété intellectuelle, mis à part le caractère exclusif. En effet, la protection mise en place est très proche des procédures prévues aux termes de la directive 2004/48/CE sur l’application des droits de propriété intellectuelle, comme les droits d’auteur et les droits voisins, les marques commerciales, les dessins ou les brevets a été adoptée en avril 2004, dont la révision est d’ailleurs à l’étude. S’agissant de l’article 4, le CESE estime très important qu’un employé puisse, sans qu’il passe pour avoir enfreint les règles à cet égard, consulter un délégué syndical s’il découvre une irrégularité ou toute autre situation sur un lieu de travail.

Le CESE considère que la directive doit comporter une protection contre toutes représailles pour les employés qui ont recours aux dispositions prévues à l’article 4.

5.7

À cet égard, le Comité se réjouit, en lien avec les débats récurrents sur l’abus de la procédure de saisie-contrefaçon (2), procédure non contradictoire, que la proposition s’éloigne néanmoins de la directive 2004/48/CE, en soulignant expressément dans l’article 10, paragraphe 2, que les autorités judiciaires des États membres devront évaluer le caractère proportionné des mesures provisoires et conservatoires.

5.8

L’assimilation du secret d’affaires à une forme de propriété intellectuelle va jusqu’à insérer la notion d’«usages commerciaux honnêtes» dans la proposition de directive. Cette notion existe déjà dans les Accords sur les ADPIC.

5.9

La Cour de justice de l’Union a pour sa part eu l’occasion d’interpréter la notion d’«usage honnête» (3) tirée de la directive 89/104/CEE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.

5.10

Malgré les avancées notables contenues dans la proposition, l’adoption de la directive ne dispensera pas les entreprises de mettre en œuvre toutes les mesures préventives utiles pour protéger ses secrets d’affaires, quant aux mesures techniques, organisationnelles et contractuelles.

5.11

Il semble ainsi trop réducteur de limiter les informations susceptibles de relever des secrets d’affaires aux informations ayant une valeur commerciale immédiate, car certaines informations de nature économique, industrielle, technique, ou scientifique peuvent ne pas avoir de valeur commerciale directe mais potentielle, notamment lorsque ces informations relèvent de données de recherche et développement technique ou scientifique.

5.12

Le CESE propose de compléter la liste définie à l’article 4.1 en ajoutant que l’obtention d’un secret d’affaires est considérée comme licite lorsqu’elle résulte:

e)

de l’exercice des obligations de reporting incombant aux membres du conseil d’administration ou de surveillance de sociétés cotées.

5.13

De même, le CESE propose de compléter la liste définie à l’article 4.2 en ajoutant que les États membres veillent à ce qu’il n’y ait pas de droit à l’application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation présumée du secret des affaires s’est produite dans l’une des circonstances suivantes:

f)

divulgation du secret des affaires dans le cadre de l’exercice d’obligations de reporting incombant aux membres du conseil d’administration ou de surveillance de sociétés cotées.

Bruxelles, le 25 mars 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 306 du 16.12.2009, p. 7; JO C 18 du 19.01.2011, p. 105.

(2)  Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 février 2013, 11-26.361 «Société Vetrotech Saint-Gobain international»; 3e chambre du TGI de Paris 15 novembre 2011«Sociétés JCB» commenté par Laurent Labatte, Marks & Clerk France, Conseils en propriété industrielle.

(3)  Voir notamment la directive 89/104/CEE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union sur l’interprétation de la notion «d’usage honnête» CJCE 15 mars 2005, aff. C 228/03 the Gillette Company Gillette group Finland Oy contre LA laboratories Oy.


ANNEXE

à l’avis du Comité économique et social européen

Le paragraphe suivant de l’avis de section a été modifié pour refléter l’amendement adopté par l’Assemblée bien que plus d’un quart des suffrages exprimés aient été en faveur du texte sous sa forme originale (article 54, paragraphe 4, du règlement intérieur):

Paragraphe 4.5

 

«4.5

Afin de surmonter ces obstacles, les entreprises prévoient souvent des accords de non divulgation dans leurs contrats avec leurs employés ou sous-traitants».

Résultat du vote de l’amendement

Voix pour

:

80

Voix contre

:

46

Abstentions

:

10


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