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Document 52008IE0496

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil prévoyant des sanctions à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (avis d'initiative)

OJ C 204, 9.8.2008, p. 70–76 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

9.8.2008   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 204/70


Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil prévoyant des sanctions à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (avis d'initiative)

(2008/C 204/16)

Le 27 septembre 2007, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur:

«La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil prévoyant des sanctions à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier»

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 février 2008 (rapporteuse: Mme ROKSANDIC; corapporteur: M. ALMEIDA FREIRE).

Lors de sa 443e session plénière des 12 et 13 mars 2008 (séance du 12 mars 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 118 voix pour, 56 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité exprime sa déception de ne pas avoir été consulté sur la proposition de directive de la Commission européenne prévoyant des sanctions à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, même si le préambule du texte fait état d'une telle saisine. Si le document ne fait pas partie des matières sur lesquelles sa consultation est obligatoire, le Comité n'en estime pas moins que pour ce type de dossiers et ceux qui s'en rapprochent, il s'impose de prendre l'avis des représentants des organisations de la société civile au sein du CESE, car il s'agit de réglementer un domaine important, qui ne ressortit pas seulement du champ de la liberté, de la sécurité et de la justice mais a également une incidence sur celui de l'emploi et de la politique sociale.

1.2

Le Comité a décidé d'élaborer un avis d'initiative sur la proposition de directive. Il estime que la société civile organisée et, en particulier, les partenaires sociaux, exerceront une influence importante sur l'élaboration et la mise en œuvre de la directive de la Commission européenne prévoyant des sanctions à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

1.3

Dans ses avis antérieurs (1), le Comité avait insisté sur la nécessité d'une action qui donne la possibilité, tout à la fois, d'instaurer les conditions d'une immigration légale et de supprimer les causes de celle qui est «non autorisée».

1.4

Le Comité soutient la proposition de texte de directive, étant donné qu'elle va en pratique dans le sens de la défense des droits de l'homme. Toutefois, le Comité émet des doutes quant au contenu de la directive proposée, le moment auquel elle a été élaborée et l'ordre d'adoption des propositions législatives. L'emploi des immigrés en situation irrégulière étant une question étroitement liée au fonctionnement du marché du travail et à l'emploi illégal en général, l'on ne peut l'empêcher seulement en sanctionnant les employeurs.

1.5

En ce qui concerne l'articulation globale entre les deux domaines d'action distincts de la Commission européenne concernant les migrations à l'échelon communautaire, à savoir l'espace de liberté, de sécurité et de justice, d'une part, et la politique sociale et de l'emploi, de l'autre, le Comité insiste sur l'importance que revêt l'harmonisation des dispositions communautaires existantes avec celles qui sont en cours d'élaboration sur l'immigration légale et illégale. Le Comité estime que le problème de l'immigration clandestine ne peut être résolu simplement en fermant les frontières et en appliquant des mesures coercitives.

1.6

Il est nécessaire de disposer d'une réglementation des migrations et de l'immigration légales au niveau de l'UE. Le Comité suggère à la Commission d'étudier la possibilité d'intensifier la lutte contre le travail non déclaré.

1.7

Les expériences internationales montrent que la manière la plus efficace de lutter contre le phénomène du travail non déclaré est d'agir simultanément sur plusieurs plans. C'est pourquoi, parallèlement à la mise en place de possibilités pour l'immigration légale des personnes qui souhaitent travailler dans les secteurs de l'économie les plus largement touchés par le travail des immigrés clandestins, il est nécessaire de réaliser une campagne d'information et d'éducation montrant les effets du travail non déclaré. Quant à la politique de sanctions à l'égard des employeurs, il conviendrait qu'elle revête un caractère uniforme, indépendamment de la nationalité du travailleur non déclaré. Aussi la directive en projet devrait-elle être l'une des composantes d'un train de mesures plus large visant à combattre le phénomène du travail non déclaré, y compris chez les immigrés clandestins, et non l'instrument de base proposé par la Commission.

1.8

Le Comité attire l'attention sur l'importance d'une mise en œuvre efficace de la directive dans les États membres, laquelle ne sera toutefois pas aisée, étant donné que les organes administratifs de contrôle ne disposent pas en effectifs suffisants des agents qualifiés pour ce faire, que les compétences sont partagées entre des instances distinctes et que les entreprises qu'il est prévu de suivre sont nombreuses.

1.9

Le Comité pense qu'il convient de renforcer les dispositions de la directive qui permettront d'obtenir un effet concret sur le terrain. Dans la partie «Observations particulières» du présent avis, il a rassemblé des modifications et adjonctions qui visent à aboutir à une répartition plus appropriée des responsabilités et à conforter la situation des travailleurs sans papiers. L'exploitation qu'ils subissent pourrait s'aggraver encore s'il n'était pas tenu compte de ces propositions.

2.   Introduction

2.1

La directive à l'examen constitue l'une des propositions législatives présentées par la Commission européenne en lien avec ses communications de 2005 et de juillet 2006 portant respectivement sur un programme d'action relatif à une politique d'immigration légale (2), et sur les priorités d'action en matière de lutte contre l'immigration clandestine de ressortissants de pays tiers (3). Dans le second de ces textes, la Commission a proposé de réduire les facteurs qui encouragent l'immigration clandestine dans l'Union européenne et dont le plus important consiste en ce qu'il leur est possible d'y trouver du travail. La Commission préconise que les États membres instaurent des sanctions identiques pour les employeurs des ressortissants de pays tiers et les appliquent de manière effective. Le Conseil européen a adopté en décembre 2006 la proposition afférente de la Commission (4).

2.2

En 2007, cette proposition de directive a eu pour prolongement les textes suivants:

la communication de la Commission relative aux migrations circulaires et aux partenariats pour la mobilité entre l'Union européenne et les pays tiers (5),

la proposition de directive du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié (6),

la proposition de directive du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d'un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d'un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre (7),

la communication de la Commission «Intensifier la lutte contre le travail non déclaré» (8).

3.   Synthèse de la proposition de la Commission

3.1

La directive a pour objectif de rendre le travail proposé par les employeurs moins attrayant pour les immigrants dépourvus des autorisations appropriées, ainsi que de faire en sorte que, sur la base des mesures qui y existent déjà, les États membres procèdent tous à l'instauration de pénalités identiques à l'encontre des employeurs qui occupent des ressortissants de pays tiers non dotés du permis de séjour voulu et qu'ils les concrétisent effectivement.

3.2

La directive se rapporte à la politique de l'immigration et non à celle de l'emploi ou à celle menée en matière sociale; sa base juridique étant constituée par l'article 63, point 3 b), du traité sur l'Union européenne, qui fait référence à la réduction de l'immigration clandestine dans l'UE.

3.3

La proposition de directive ne couvre ni les personnes qui sont en situation légale du point de vue de l'immigration et du travail mais contreviennent à leurs conditions de séjour (par exemple dans le cas d'étudiants ou de touristes), ni le travail non déclaré de ressortissants de pays tiers.

4.   Contenu de la proposition

4.1

La directive interdit d'employer des ressortissants de pays tiers qui se trouvent en séjour irrégulier dans l'UE. Les infractions seront sanctionnées par des peines, le cas échéant de nature administrative, qui prendront la forme d'amendes ou, éventuellement, dans le cas d'entreprises, d'autres mesures, consistant notamment à leur ôter la possibilité de percevoir des subventions publiques ou à recouvrer celles qui leur ont déjà été octroyées, ainsi qu'à les exclure de la participation à des marchés publics. Dans les cas les plus graves, des sanctions pénales pourront être prévues.

4.2

L'article 2 procède à la définition de la notion d'emploi aux fins de la directive. Les employeurs y sont définis comme les personnes physiques et morales qui emploient un ressortissant d'un pays tiers contre rémunération du travail accompli.

4.3

Avant d'embaucher un ressortissant de pays tiers, les employeurs sont tenus de vérifier s'il dispose d'un permis de séjour légal dont la période de validité couvre au moins la durée de l'emploi envisagé et ils doivent par ailleurs conserver une copie de ce document en vue d'un éventuel contrôle. Ils sont réputés avoir satisfait à leurs obligations dès lors que le document présenté par ledit ressortissant n'est pas un faux manifeste. L'obligation d'informer les autorités compétentes, dans un délai de huit jours, du début et de la fin de l'engagement dudit ressortissant, quant à elle, ne s'applique qu'aux entreprises et aux personnes morales.

4.4

L'employeur qui ne respecte pas l'interdiction d'employer des ressortissants de pays tiers en séjour illégal s'expose à des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Toute infraction est punie d'amendes et de l'imputation de tous les frais de retour au pays, l'employeur devant verser tous les salaires impayés au travailleur, ainsi que l'ensemble des impôts et cotisations de sécurité sociale. Dans des conditions déterminées, précisées à l'article 10, le non-respect de l'interdiction d'emploi est sanctionné au titre d'infraction pénale, lorsqu'on se trouve en présence d'un acte délibéré.

4.5

Les États membres instaurent également des sanctions financières (amendes et remboursement des frais de retour des ressortissants concernés) et autres mesures (exclusion de la possibilité de bénéficier de ressources publiques pour un certain laps de temps ou de participer à des marchés publics, restitution des fonds communautaires déjà perçus, fermeture temporaire ou définitive d'installations). Il est également prévu que les personnes morales puissent être tenues responsables et soient sanctionnées. Les dispositions sur la responsabilité des personnes morales qui sont déjà en vigueur dans les États membres peuvent être maintenues.

4.6

Quand l'employeur travaille en sous-traitance, les États membres veillent à ce qu'une redevabilité solidaire existe entre le contractant principal et tous les sous-traitants éventuels pour le paiement de l'intégralité des amendes et arriérés.

4.7

L'employeur est tenu de verser aux ressortissants de pays tiers concernés toutes les prestations échues; en outre, les États membres doivent instituer des mécanismes efficaces afin que les procédures de recouvrement de salaires se déclenchent automatiquement, sans que les personnes ainsi lésées doivent déposer une demande en ce sens. Sauf preuve du contraire fournie par l'employeur, il est présumé que la relation de travail dure au moins 6 mois. Les États membres doivent faire le nécessaire pour que ces ressortissants de pays tiers employés illégalement reçoivent toutes les sommes qui leur sont dues au titre du recouvrement d'impayés, y compris s'ils sont retournés ou ont été contraints de retourner dans leur pays. En cas d'infraction pénale, il n'est pas procédé à leur rapatriement tant qu'ils n'ont pas perçu tous leurs arriérés de salaire.

4.8

Les États membres font en sorte de soumettre chaque année au moins 10 % des sociétés implantées sur leur territoire à des inspections et de vérifier si elles n'emploient pas de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Le choix des entreprises concernées s'effectue sur la base d'une évaluation de probabilités, où il est tenu compte de leurs activités et d'éventuelles infractions antérieures.

4.9

La directive doit être transposée dans un délai de deux années à compter de sa publication au Journal officiel de l'UE.

5.   Observations générales

5.1

Dans les travaux de la Commission européenne, la proposition de directive susmentionnée ressortit à deux secteurs distincts, quoique étroitement liés pour la mise en œuvre de la politique d'immigration: il s'agit, d'une part, de celui de la liberté, de la sécurité et de la justice et, d'autre part, de celui de l'emploi et de la politique sociale. Le Comité n'est pas hostile à l'idée que développe ce texte, qui est de faire pression sur les employeurs malhonnêtes, ainsi que sur les organisations illégales qui s'adonnent à la traite des sans-papiers. Il soutient la proposition du document dans la mesure où il défend les droits de l'homme.

5.2

Le Comité estime cependant aussi qu'il serait nécessaire que les institutions européennes tiennent compte des décisions prises et:

assurent la cohérence entre les textes communautaires existants et ceux qui sont en cours d'élaboration concernant l'immigration légale et illégale,

mettent en lumière les implications et effets produits, selon que les immigrés concernés proviennent ou non de l'Union européenne.

Il y a lieu de faire preuve de clarté sur ces questions sensibles, étant donné qu'il s'agit de problématiques qui touchent tant à la sécurité et à la justice qu'à la politique de concurrence et aux droits de l'homme et concernent dès lors le marché, les quatre libertés, la force de travail, la dimension collective et individuelle, tout à la fois, et parce que l'immigration est nécessaire pour l'UE. Dans les avis qu'il a adoptés jusqu'à présent, le Comité a insisté sur la nécessité d'une action qui donne la possibilité, tout à la fois, de créer les conditions d'une immigration légale et de supprimer les causes de celle qui est «non autorisée».

5.3

Il est nécessaire de disposer d'une réglementation des migrations et de l'immigration légales au niveau de l'UE. Les restrictions imposées aux mouvements migratoires dans certains pays de l'Union ont créé des difficultés; elles ont contrecarré la libre circulation des travailleurs entre États membres et abouti à ce que des ressortissants tant extracommunautaires que communautaires soient embauchés en violation des réglementations et dans des conditions d'exploitation. La lutte contre le travail non déclaré dans l'UE et les pays dont elle se compose devrait s'appliquer de manière égale à toutes les personnes qui le pratiquent, qu'elles soient issues d'un État membre ou d'un pays tiers. Le Comité suggère dès lors à la Commission d'étudier la possibilité d'élargir la base juridique de la directive proposée afin qu'elle inclue également l'action contre le travail au noir pour toutes les personnes qui exercent une activité sans l'autorisation ou les documents requis.

5.4

Le Comité est d'avis que le facteur d'attraction que la directive se donne pour but de réduire réside non pas dans la possibilité d'exercer un travail non autorisé mais dans celle de décrocher un emploi: telle est la perspective que les migrants poursuivent dans un autre pays. En conséquence, une contribution en ce sens serait indubitablement de simplifier les procédures applicables pour l'obtention d'une autorisation unique de séjour et de travail. Les États membres eux-mêmes devraient cependant apporter eux aussi leur pierre à cette simplification.

5.5

La lutte contre le travail au noir et la concurrence déloyale intéresse les employeurs, car ceux qui emploient des travailleurs non déclarés concurrencent de manière injuste et inéquitable ceux qui sont honnêtes.

5.6

Bien que l'exécution de la directive incombe aux États membres, il convient d'avertir la Commission que cette mission ne sera pas aisée, parce qu'il manque d'organes administratifs de contrôle, que des problèmes se posent dans la répartition des compétences entre instances distinctes et que les entreprises à suivre sont nombreuses. La force de la directive dépendra donc de sa mise à exécution effective.

5.7

Les institutions européennes devraient utiliser une terminologie conforme aux normes des organisations internationales et régionales, qui est usitée dans le droit international et bénéficie d'une reconnaissance à ce niveau, comme «travailleur migrant sans autorisation» ou «travailleur migrant sans papiers» et non «travailleur illégal» et «migration illégale», d'autant que l'expression «immigrant illégal» possède une connotation péjorative marquée. La directive est susceptible de peser dans la même direction: il se pourrait qu'elle accentue la discrimination et la xénophobie envers tous les travailleurs migrants, qui pourraient être contrôlés sur la seule base de leur physique étranger.

5.8

Le Comité pense qu'il convient de renforcer les dispositions de la directive qui permettront d'obtenir un effet concret sur le terrain, malgré ses préoccupations sur certains points. On en trouvera la liste dans les observations particulières ci-après.

6.   Observations particulières

6.1

Article 1 — Il conviendrait de compléter cet article en ajoutant que les États membres qui ont légiféré sur l'immigration illégale peuvent conserver leurs dispositions nationales qui sont plus favorables pour les travailleurs.

6.2

Article 2 — Compléter les définitions comme suit:

«emploi» (article 2, lettre b), l'exercice d'activités rémunérées pour le compte et sous la direction d'une autre personne ou l'exercice d'activités sous la dépendance économique de cette autre personne;

pour les notions d''«employeur» (article 2, lettre e) et de «sous-traitant» (article 2, lettre f), il y a lieu de mentionner aussi les agences de travail intérimaire, car la définition actuelle n'est pas claire. Un grand nombre de travailleurs de pays tiers sont employés par des intermédiaires, parmi lesquels figurent notamment ces officines.

6.3

Article 4, paragraphe 1, lettre c — Il conviendrait que la copie de l'autorisation de séjour soit conservée par l'employeur durant un laps de temps plus long que la durée de l'emploi, car dans certaines activités, les embauches concernées se font généralement pour de courtes périodes et donnent souvent lieu à des changements de patrons.

6.4

Article 5

Qu'un employeur se soit conformé aux prescriptions interdisant l'emploi illégal et ait entrepris, comme il le lui est imposé, de vérifier les permis de séjour, d'en prendre une copie et de la conserver ne peut avoir d'incidence sur l'obligation qui lui est faite de verser tous les salaires échus et les autres engagements découlant de l'article 7 de la directive à l'examen s'il est démontré que le ressortissant de pays tiers se trouvait dans l'État concerné sans permis de séjour légal. Il conviendrait de compléter le texte de cet article par la phrase suivante: «Il n'en résulte aucune incidence quant à leur obligation de payer tous les arriérés de salaires et autres obligations au titre de l'article 7.»

Une disposition devrait être ajoutée à cet article pour imposer aux employeurs de se conformer aux procédures de recrutement prescrites dans leur État membre. Il pourrait arriver en l'occurrence que des employeurs ne contrôlent que le permis de séjour mais non l'autorisation de travail qui est prévue par la loi dans beaucoup d'États membres. Dans un tel cas de figure, alors même que la directive aurait été respectée, le travail non déclaré de ressortissants de pays tiers pourrait s'étendre.

6.5

Article 6

S'agissant des sanctions prévues au paragraphe 2, lettre a, il serait indiqué de mentionner que l'amende est d'un montant tel qu'elle couvre également les profits que l'employeur a réalisés grâce à chacun des ressortissants de pays tiers qu'il a employés illégalement. Grâce à cette disposition, la sanction financière atteindrait un niveau déterminé par personne employée illégalement et pourrait être majorée en fonction du nombre de ressortissants de pays tiers qui auront fait l'objet d'une embauche illégale. Il existe en effet une différence fondamentale, en ce qui concerne les bénéfices réalisés, entre l'employeur qui engage illégalement un travailleur pour l'assister, par exemple, dans des travaux ménagers ou agricoles et ceux qui en recrutent trois, quatre, voire davantage, en vue d'exécuter des activités destinées à produire un gain.

Il serait opportun de prévoir que l'amende puisse être alourdie lorsque les employeurs persistent ou récidivent dans l'emploi illégal de ressortissants de pays tiers. Elle devrait augmenter substantiellement à chaque occurrence de pareille récidive ou persistance, de manière à déclencher un effet dissuasif.

Il serait déraisonnable qu'en plus de verser une amende, l'employeur doive également acquitter les frais de retour de chaque ressortissant de pays tiers employé illégalement: ce serait lui transférer une charge qui ressortit aux autorités qui, dans l'État membre concerné, sont responsables de l'immigration. Il ne devrait être redevable de ces dépenses que dans le cas d'une infraction pénale au sens de l'article 10.

6.6

Article 7

Cet article devrait mentionner clairement que l'obligation de paiement des arriérés s'applique dès le jour où une demande est déposée en ce sens et non à la date où la décision afférente prend force exécutoire.

Les droits dont bénéficie le travailleur au titre du contrat d'emploi qu'il a conclu restent en vigueur, qu'ils soient ou non habilités à séjourner ou travailler dans l'État concerné.

Il convient de noter que le versement des arriérés de salaire peut poser des difficultés sur le plan pratique lorsque le travailleur a déjà regagné son pays. On se devra de s'assurer que le paiement s'effectue en faveur de la bonne personne.

Il y a lieu de préciser encore que le calcul par l'employeur des salaires dont il est redevable pour l'emploi concerné doit s'effectuer conformément aux lois, règlements, décisions administratives ou conventions collectives qui sont applicables pour un poste de travail comparable.

6.7

L'article 8 mentionne encore d'autres mesures que doivent prendre les États membres.

Il serait indiqué d'établir une liste contraignante de ces dispositions.

Celle qui figure sous la lettre d, concernant la fermeture temporaire ou définitive d'établissements ayant servi à commettre une infraction n'apparaît pas judicieuse, en particulier parce qu'elle peut toucher aussi des travailleurs employés légalement. En ce qui la concerne, il faudrait prévoir une concertation avec les travailleurs des installations concernées et leurs représentants.

6.8

L'article 9 définit la redevabilité du contractant principal et de tous ses éventuels sous-traitants intermédiaires. Sur ce point, il serait bon d'expliciter à quels types de rapports il s'applique ou ne s'applique pas. Dans certains secteurs caractérisés par de longues chaînes de sous-traitance, comme l'industrie automobile, une responsabilité commune des producteurs et des sous-traitants qui montent des composantes spécifiques dans des sites et des pays différents serait difficile à mettre en œuvre. Le Comité estime qu'un contractant principal devrait pouvoir s'exempter de sa responsabilité en prenant des mesures de précaution raisonnables.

6.9

Article 10

Cet article porte sur l'infraction qui, aux termes de l'article 3, a qualification pénale dès lors qu'elle a été commise de manière intentionnelle. Comme il est difficile d'apporter pareille preuve, l'infraction pénale pourrait être définie comme celle dont l'employeur concerné «savait» ou «aurait pu savoir» qu'elle constituait une infraction.

En ce qui concerne les infractions visées au paragraphe 1, lettre a, il serait approprié de donner la qualification d'infraction pénale à toute réitération de celle mentionnée dans l'article 3.

Il conviendrait de s'assurer que dans le cas des infractions définies au paragraphe 1, lettre a, de cet article 10, il ait été tenu compte, si l'infraction pénale a été commise intentionnellement, de l'éventualité de procédures judiciaires de longue durée. Un tel cas de figure pourrait avoir pour conséquence que la disposition concernée s'avérerait finalement inutilisable si les États membres adoptent, comme norme établissant l'infraction, la décision découlant d'un verdict judiciaire pleinement valide ou d'une décision des autorités nationales dans un espace de deux ans. La longueur du processus et l'exploitation de toutes les voies de recours légales pourraient avoir pour effet que la disposition concernée n'aurait qu'une portée purement théorique.

Lors de la transposition de cet article, les différents États membres se devront de veiller, en ce qui concerne les sanctions, à répartir clairement les attributions entre les instances administratives et les tribunaux spécifiques responsables de ces matières, afin d'éviter l'apparition de conflits de compétence.

6.10

Article 14

Dans un souci d'efficacité des mécanismes évoqués dans cet article, il serait avantageux d'y mentionner que les États membres les instaurent sous une forme telle que les procédures puissent se conclure rapidement et à moindres frais.

Les États membres seraient également bien inspirés de prescrire aux instances chargées des sanctions de communiquer immédiatement aux représentants des intérêts en présence une information sur les procédures intentées.

Dans le paragraphe 3, il serait bénéfique qu'un statut particulier soit instauré non seulement pour les ressortissants de pays tiers qui sont ou ont été soumis à des conditions de travail abusives et qui coopèrent aux poursuites engagées à l'encontre de leur employeur mais qu'il soit étendu également aux témoins.

6.11

Si l'article 15, qui fait obligation aux États membres de réaliser chaque année des visites d'inspection dans au moins 10 % des entreprises présentes sur leur territoire, constitue une disposition louable, c'est de son exécution réelle que dépendra aussi l'efficacité de la directive proposée. Pour y arriver, il sera nécessaire de dégager, dans la plupart des États membres, des ressources humaines et financières supplémentaires, à défaut de quoi le résultat de ces obligations supplémentaires serait immanquablement d'infliger une inégalité de traitement des ressortissants concernés.

Bruxelles, le 12 mars 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Dimitris DIMITRIADIS


(1)  Avis du CESE du 15 décembre 2004 sur la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Étude sur les liens entre immigration légale et immigration clandestine» (rapporteuse: Mme PARIZA CASTAÑOS; JO C 157 du 28 juin 2005).

Avis du CESE du 9 juin 2005 sur le livre vert «Sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques» (rapporteuse: Mme PARIZA CASTAÑOS; JO C 286 du 17 novembre 2005).

Avis du CESE du 15 décembre 2005 sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen «Programme de La Haye: Dix priorités pour les cinq prochaines années — Un partenariat pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice» (rapporteuse: Mme PARIZA CASTAÑOS; JO C no 65, du 17 mars 2006).

(2)  COM(2005) 669 final.

(3)  COM(2005) 402 final.

(4)  Communication de la Commission sur les priorités d'action en matière de lutte contre l'immigration clandestine de ressortissants de pays tiers, COM(2006) 402 final.

(5)  COM(2007) 248 final.

(6)  COM(2007) 637 final.

(7)  COM(2007) 638 final.

(8)  COM(2007) 628 final.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des votes exprimés, ont été rejetés au cours du débat (article 54, paragraphe 3, du règlement intérieur):

Paragraphe 1.7

Modifier comme suit:

«Les expériences internationales montrent que la manière la plus efficace de lutter contre le phénomène du travail non déclaré est d'agir simultanément sur plusieurs plans. C'est pourquoi, parallèlement à la mise en place de possibilités pour l'immigration légale des personnes qui souhaitent travailler dans les secteurs de l'économie les plus largement touchés par le travail des immigrés clandestins, il est nécessaire de réaliser une campagne d'information et d'éducation montrant les effets du travail non déclaré. Quant à la politique de sanctions à l'égard des employeurs, il conviendrait qu'elle revête un caractère uniforme, indépendamment de la nationalité du travailleur non déclaré. Aussi la directive en projet devrait-elle être coordonnée avec des l'une des composantes d'un train de mesures plus large visant à combattre le phénomène du travail non déclaré, y compris chez les immigrés clandestins, et non l'instrument de base proposé par la Commission.»

Résultat du vote

Voix pour: 64 Voix contre: 101 Abstentions: 9

Paragraphe 5.3

Modifier comme suit:

«Il est nécessaire de disposer d'une réglementation des migrations et de l'immigration légales au niveau de l'UE. Les restrictions imposées aux mouvements migratoires dans certains pays de l'Union ont créé des difficultés; elles ont contrecarré la libre circulation des travailleurs entre États membres et abouti à ce que des ressortissants tant extracommunautaires que communautaires soient embauchés en violation des réglementations et dans des conditions d'exploitation. La lutte contre le travail non déclaré dans l'UE et les pays dont elle se compose devrait s'appliquer de manière égale à toutes les personnes qui le pratiquent, qu'elles soient issues d'un État membre ou d'un pays tiers. Le Comité suggère dès lors à la Commission d'étudier la possibilité d'élargir la base juridique de la directive proposée afin qu'elle inclue également l'action contre le travail au noir pour toutes les personnes qui exercent une activité sans l'autorisation ou les documents requis est inscrite à l'agenda de la Commission et des partenaires sociaux, et des mesures destinées à combattre ce phénomène négatif sont actuellement à l'examen. Le Comité recommande que les mesures visant à éradiquer l'immigration clandestine et le travail non déclaré soient étroitement coordonnées

Résultat du vote

Voix pour: 56 Voix contre: 102 Abstentions: 10

Paragraphe 6.6

Ajouter les paragraphes soulignés:

«Article 7

Cet article devrait mentionner clairement que l'obligation de paiement des arriérés s'applique dès le jour où une demande est déposée en ce sens et non à la date où la décision afférente prend force exécutoire.

Les droits dont bénéficie le travailleur au titre du contrat d'emploi qu'il a conclu restent en vigueur, qu'ils soient ou non habilités à séjourner ou travailler dans l'État concerné.

Il convient de noter que le versement des arriérés de salaire peut poser des difficultés sur le plan pratique lorsque le travailleur a déjà regagné son pays.

On se devra de s'assurer que le paiement s'effectue en faveur de la bonne personne.

Dans la plupart des États membres, les travailleurs de l'UE doivent introduire une plainte auprès des organismes compétents pour obtenir des arriérés. La disposition de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 7 selon laquelle il n'est pas nécessaire aux ressortissants de pays tiers employés illégalement d'introduire une demande afin d'engager les procédures nécessaires au recouvrement des salaires impayés créerait une distinction injustifiée entre ces ressortissants de pays tiers, d'une part, et les ressortissants de l'UE ou les ressortissants de pays tiers employés légalement, d'autre part.

Toutefois, le Comité est d'avis que les États membres doivent garantir aux travailleurs de pays tiers en situation irrégulière tout l'appui nécessaire pour réclamer leurs arriérés et que cette garantie doit être expressément mentionnée dans l'avis.

Le Comité estime que l'établissement de la présomption de durée (six mois) de la relation de travail prévue dans cet article 7, paragraphe 2, alinéa b) peut avoir un effet d'appel et constituer un nouveau facteur, éventuellement décisif, d'émigration irrégulière vers le territoire de l'UE, dès lors qu'il place le travailleur clandestin dans une situation très avantageuse par comparaison aux autres travailleurs. En outre, c'est une solution manifestement inadaptée aux relations de travail de courte et très courte durée (campagnes agricoles, par exemple). Aussi, tout bien considéré, le Comité est d'avis que la disposition en question (alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 7) doit être supprimée».

Résultat du vote

Voix pour: 59 Voix contre: 111 Abstentions: 11

Paragraphe 6.8

Ajouter:

«L'article 9 définit la redevabilité du contractant principal et de tous ses éventuels sous-traitants intermédiaires. Sur ce point, il serait bon d'expliciter à quels types de rapports il s'applique ou ne s'applique pas. Le contractant principal et les sous-traitants qui n'emploient pas directement les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier devraient être passibles conjointement et séparément, des sanctions prévues par l'article 6 et l'article 7, uniquement au cas où il serait établi qu'ils avaient connaissance du fait que leur sous-traitant employait des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Dans certains secteurs caractérisés par de longues chaînes de sous-traitance, comme l'industrie automobile, une responsabilité commune des producteurs et des sous-traitants qui montent des composantes spécifiques dans des sites et des pays différents serait difficile à mettre en œuvre. Il en va de même du secteur du bâtiment. Le Comité estime qu'un contractant principal devrait pouvoir s'exempter de sa responsabilité en prenant des mesures de précaution raisonnables.»

Résultat du vote

Voix pour: 57 Voix contre: 106 Abstentions: 8

Paragraphe 6.9

Modifier comme suit:

« Article 10

Cet article porte sur l'infraction qui, aux termes de l'article 3, a qualification pénale dès lors qu'elle a été commise de manière intentionnelle. Comme il est difficile d'apporter pareille preuve, l'infraction pénale pourrait être définie comme celle dont l'employeur concerné “savait” ou “aurait pu savoir” qu'elle constituait une infraction.

En ce qui concerne les infractions visées au paragraphe 1, lettre a, il serait approprié de donner la qualification d'infraction pénale à toute réitération de celle mentionnée dans l'article 3.

Il conviendrait de s'assurer que dans le cas des infractions définies au paragraphe 1, lettre a, de cet article 10, il ait été tenu compte, si l'infraction pénale a été commise intentionnellement, de l'éventualité de procédures judiciaires de longue durée. Un tel cas de figure pourrait avoir pour conséquence que la disposition concernée s'avérerait finalement inutilisable si les États membres adoptent, comme norme établissant l'infraction, la décision découlant d'un verdict judiciaire pleinement valide ou d'une décision des autorités nationales dans un espace de deux ans. La longueur du processus et l'exploitation de toutes les voies de recours légales pourraient avoir pour effet que la disposition concernée n'aurait qu'une portée purement théorique.

Lors de la transposition de cet article, les différents États membres se devront de veiller, en ce qui concerne les sanctions, à répartir clairement les attributions entre les instances administratives et les tribunaux spécifiques responsables de ces matières, afin d'éviter l'apparition de conflits de compétence.»

Résultat du vote

Voix pour: 66 Voix contre: 100 Abstentions: 10

Paragraphe 6.11

Modifier comme suit:

«Article 15

Si l'article 15, L'efficacité de la disposition proposée, qui fait obligation aux États membres de réaliser chaque année des visites d'inspection dans au moins 10 % des entreprises présentes sur leur territoire, constitue une disposition louable, dépendra c'est de son exécution réelle que dépendra aussi l'efficacité de la directive proposée. Les États membres doivent sélectionner les entreprises à inspecter sur la base d'une évaluation de risque qui tienne compte, parallèlement à d'autres critères pertinents, de facteurs tels qu'une plus ou moins grande vulnérabilité du secteur d'activité au phénomène de recrutement d'immigrants en situation irrégulière et l'existence d'antécédents en la matière dans les entreprises elles-mêmes. L'article devrait refléter ces critères qualitatifs et stipuler qu'il est souhaitable que les États membres parviennent à garantir une inspection annuelle de 3 % au moins de l'ensemble des entreprises ainsi sélectionnées. Pour y arriver, il pourra s'avérer sera nécessaire de dégager, dans la plupart des États membres, des ressources humaines et financières supplémentaires. , à défaut de quoi Sans cela, le résultat de ces nouvelles obligations serait immanquablement d'infliger pourraient entraîner une inégalité de traitement des ressortissants concernés.»

Résultat du vote

Voix pour: 65 Voix contre: 105 Abstentions: 8


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