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Document 52002AE0836

Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen des contrats" (COM(2001) 398 final)

OJ C 241, 7.10.2002, p. 1–7 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52002AE0836

Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen des contrats" (COM(2001) 398 final)

Journal officiel n° C 241 du 07/10/2002 p. 0001 - 0007


Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen des contrats"

(COM(2001) 398 final)

(2002/C 241/01)

Le 11 juillet 2001, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la communication susmentionnée.

La section "Marché intérieur, production et consommation", chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 juin 2002 (rapporteur: M. Retureau).

Lors de sa 392e session plénière des 17 et 18 juillet 2002 (séance du 17 juillet), le Comité économique et social a adopté l'avis suivant par 114 voix pour, 3 voix contre et 3 abstentions.

1. Vers un droit de la globalisation?

1.1. Le droit du commerce international se situe dans le contexte de la mondialisation des échanges de biens et de services et a pour objet de régler les relations entre parties à une opération commerciale ou financière internationale ou à une prestation transfrontière de services. Les contrats commerciaux relèvent de ce droit et éventuellement de conventions spécifiques pertinentes lorsqu'ils comportent un ou des éléments d'extranéité. La Convention de Rome de 1980(1) sur la loi applicable aux obligations contractuelles et qui unifie les règles de conflit de loi, par exemple, s'applique dans tous les États membres de L'Union européenne.

1.2. Ce droit, encore incomplet, résulte d'initiatives interétatiques, comme dans le cadre de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), et d'initiatives privées venant de praticiens du commerce et du droit ou venant d'universitaires et d'autres experts, qui proposent des analyses et des solutions doctrinales ou des règles et principes volontaires, des lignes de conduite.

1.3. Le droit commercial international a fait l'objet de travaux de recherche intensifs, en particulier par l'Institut international pour l'unification du droit privé (UNIDROIT, Rome) et au niveau européen par une Commission sur le droit européen des contrats qui a produit au cours des deux dernières décennies un ensemble de principes et de dispositions visant à unifier les principes et pratiques des droits des pays communautaires, en particulier le droit "continental" et le common law anglo-saxon ainsi que par une Commission d'experts (dont certains appartiennent aux deux commissions) à laquelle le Parlement a confié une étude comparative des droits nationaux en vue de dégager les principes communs du droit des contrats en Europe.

1.4. Les principes directeurs élaborés par ces commissions de juristes ou par des organisations professionnelles restent d'application volontaire par les parties. Ils forment des éléments d'une sorte de lex mercatoria supplétive, qui veut être utile aux parties et aux juges. Mais le problème se pose en Europe de la reconnaissance par le juge national de ces "codes" privés dans l'interprétation des clauses des contrats, ou lorsqu'il doit clarifier la volonté des parties ou trancher un différend alors qu'ailleurs le droit non étatique peut être pris en considération, comme dans le cadre de la Convention de Mexico (CIDIP).

1.5. Il existe une certaine contradiction entre le principe de liberté contractuelle et de choix du droit applicable par les parties et le droit territorial de référence du juge étatique, ce qui encourage le recours aux arbitres privés en cas de différends; les arbitres se prononcent en droit, cependant la mise en oeuvre forcée des décisions arbitrales implique le recours à un juge national qui en assume en quelque sorte l'exequatur; dans d'autres cas, en pratique assez rares, le juge national peut encore exercer une compétence de contrôle des décisions arbitrales, comparable à la cassation; là encore, il y a contradiction. Une solution pourrait consister à permettre aux juges nationaux d'utiliser un corps européen unifié de principes et de règles si telle était la volonté des parties, pour interpréter les clauses du contrat, ou à titre supplétif pour se prononcer sur des questions obscures ou non prévues par les parties.

1.6. Il convient de souligner que des conventions internationales importantes existent dans ce domaine, impulsées par les travaux d'UNIDROIT et formées notamment sous l'égide de la CNUDCI.

1.7. La Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandises, ratifiée par un grand nombre d'Etats, et par tous les Etats membres à l'exception du Royaume-Uni, du Portugal et de l'Irlande, constitue une référence très complète, de nature supplétive, qui peut se substituer aux droits nationaux, si les parties la choisissent pour régler leurs relations; elle est largement utilisée dans le commerce global de marchandises.

1.8. Cependant, dans cette Convention, la formation du contrat n'envisage pas la phase précontractuelle, et les Etats qui la ratifient peuvent exclure d'être liés par certaines parties de la convention (formation du contrat, effets du contrat). Le coeur de la convention est formé par les obligations réciproques des parties, obligatoirement des professionnels, ce qui en limite la portée. Les contrats de la consommation ne sont donc notamment pas couverts.

1.9. La vente de marchandises constitue un des contrats essentiels du commerce international; cependant, elle s'accompagne en général d'un ou plusieurs contrats de transport, la majorité des transports s'effectuant par voie maritime, et de contrats d'assurance des marchandises, etc.

1.10. Les services, notamment financiers, les investissements, les assurances n'ont pas fait l'objet de conventions ratifiées et en vigueur des Nations Unies, en dépit d'initiatives de la CNUDCI, mais une soft law importante existe dans ces domaines. Sur ces questions se développent aussi des règles de l'OMC et une jurisprudence de son organe de règlement des différends (ORD), qui ne s'adressent cependant qu'aux Etats, et non pas directement aux personnes privées.

1.11. Les licences, les transferts de technologie, impliqués dans certains contrats internationaux, relèvent essentiellement des conventions de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) sur la propriété intellectuelle et des accords sur les droits de propriété intellectuelle liés aux échanges commerciaux internationaux (ADPIC/TRIPs) de l'OMC.

1.12. Un code de commerce international, d'application universelle, transcendant les systèmes juridiques et les cultures reste encore un mythe. On constate, d'ailleurs, le long chemin restant à parcourir en examinant les faibles taux de ratification des conventions internationales concernant des points de droit matériel des contrats, citées dans l'Annexe II de la Communication.

1.12.1. Mais il est indéniable que les opérateurs internationaux ressentent le besoin d'un cadre universel utilisable, stable, prévisible, favorisant la sécurité et la loyauté des opérations ainsi que le respect des dispositions et principes pertinents de l'ordre public international, inscrits dans les grandes conventions internationales et dans le droit coutumier (principes généraux du droit: garanties de procédure, principe de loyauté dans les contrats, respect des droits humains et des normes fondamentales du travail). Un tel jus commune serait certainement en cohérence avec l'internationalisation des affaires et des contrats relatifs à ces affaires.

1.13. Une harmonisation à certains niveaux régionaux ou sous-régionaux peut paraître plus aisée à accomplir, en tant qu'alternative ou étape vers un droit économique de la globalisation, qui ne dispose pas de pouvoir législatif souverain ou de juge comparable à ceux des Etats, bien que l'existence de l'OMC et de son ORD ainsi que l'existence d'un mécanisme international, la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (ICC) tendent à combler ce vide.

1.14. Le Comité tient à remarquer que les questions du droit des contrats dans les pays candidats et des problèmes éventuels d'incompatibilités ne sont pas soulevés dans la Communication. Il conviendrait d'évoquer la situation juridique dans les pays candidats dans le livre vert (ou le livre blanc) que prépare la Commission.

2. Harmonisation du droit des contrats en Europe

2.1. Considérations générales

2.1.1. L'harmonisation du droit des contrats dans la Communauté européenne s'avère encore plus souhaitable en raison de l'existence du Marché unique; depuis une vingtaine d'années des juristes éminents se sont attachées à définir un droit européen des contrats qui concilie les droits "continentaux" avec ce qu'on a coutume d'appeler le common law anglais, mais qu'il conviendrait plutôt d'appeler, compte tenu de l'applicabilité directe du droit européen, des réformes et des statute laws récents, notamment sur la procédure civile et les droits de l'homme, le droit de l'Angleterre et du Pays de Galles, ou le droit anglais pour simplifier. Il y a quelques différences en Irlande du Nord et surtout en Ecosse qui dispose d'un droit et d'un système juridique distincts (néanmoins placés sous l'autorité supérieure des juges de la House of Lords) et d'un Parlement autonome ayant certaines compétences législatives. L'Irlande dispose également d'un système de "common law" propre, qui s'exerce pour sa part dans le cadre d'une constitution.

2.1.2. Comme aux Etats-Unis d'Amérique, où existe un Code de Commerce Uniforme (UCC) qui peut servir de référence aux parties et aux juges, mais dont chaque Etat dispose d'un droit distinct, on trouve au Royaume-Uni une certaine différenciation juridique au sein d'un même pays. L'unité du droit n'apparaît donc pas comme une nécessité absolue pour un marché unifié dans ces deux cas de figure; c'est aussi la situation qui prévaut actuellement au sein du Marché unique, mais sans Code uniforme, dont le rôle pourrait être joué à l'avenir par une législation communautaire résultant des travaux de la Commission, appuyés sur ceux de la commission pour le droit européen des contrats et d'autres commissions travaillant sur ce thème, en ce qui concerne les contrats transfrontaliers passés dans l'espace économique régi par le droit communautaire.

2.1.3. Avec l'existence d'une monnaie unique dans la majorité des pays et de son Marché unique, l'Espace économique communautaire constitue en effet un terrain favorable pour la création d'un droit uniforme des contrats, mais la Commission s'interroge - et nous interroge - sur la faisabilité et sur la pertinence d'une initiative européenne concernant cette branche essentielle du droit commercial international, qu'il faudrait éventuellement élargir d'ailleurs, pour rester cohérents, à un droit européen des obligations contractuelles (avec des éléments éventuels de responsabilité civile et pénale, au-delà de la responsabilité contractuelle, dans certaines circonstances d'inexécution ou d'exécution fautive du contrat, ou de clauses contraires à l'ordre public).

2.1.4. Tout en tenant compte de l'existant dans les différents pays concernés, y compris les pays candidats, il conviendrait d'encourager la Commission à constituer un droit unitaire, applicable à tous les types de contrats et à tous les contractants, y compris les consommateurs finaux. Un droit européen des contrats serait pleinement justifié pour les contrats transfrontaliers.

2.1.5. Ne conviendrait-il pas, en même temps, de s'attacher à compléter le droit universel et le droit européen existants, utilisés comme fondements de l'exercice, et de tenir compte des pratiques et des contrats-types largement utilisés par les parties dans les contrats internationaux, dans la mesure où le commerce intra-européen et le commerce extra-européen relèvent largement de règles et de principes contractuels communs, et que nombre d'entreprises opèrent dans ces deux sphères.

2.2. Eléments préexistants d'un droit européen des contrats

2.2.1. Il convient de souligner l'existence d'un acquis communautaire déjà important dans le domaine du droit privé, qui va dans le sens d'une harmonisation des règles nationales en matière de contrat, selon les cas de manière directe, ou de manière plus indirecte; cet acquis est énuméré dans l'Annexe I de la Communication, et l'Annexe III donne une vision structurée de cet acquis et des engagements internationaux ayant force obligatoire en matière de contrats.

2.2.1.1. On pourrait se demander si la Communauté dispose de compétences lui donnant la faculté d'élaborer un droit européen des contrats (l'expression étant entendue au sens large du droit de la consommation, du droit des contrats commerciaux, ainsi que du droit des obligations et de la responsabilité qui en découle). Mais ses obligations en matière de défense des consommateurs et ses compétences pour la réalisation du Marché unique lui donnent indubitablement une base solide pour proposer des initiatives dans le domaine des contrats transfrontaliers.

2.2.2. Le droit européen de la consommation est particulièrement développé en ce qui concerne les contrats relatifs aux biens et services, dans une perspective large, allant souvent de l'offre à la responsabilité civile contractuelle. L'obligation d'information imposée au vendeur (étiquetage, information), la responsabilité du fait des produits, sont précises, détaillées. La protection des consommateurs fait désormais l'objet d'un corpus juridique important, quoique encore incomplet dans certains domaines (crédit à la consommation, crédit immobilier, par exemple).

2.2.3. Les relations contractuelles entre professionnels sont envisagées dans divers droits nationaux et par le droit européen, dans quelques circonstances spécifiques, sous l'angle de la protection de la partie la plus faible ou économiquement dépendante du "maître" du contrat. Il s'agit en sorte, comme dans le droit de la consommation, d'assurer une protection renforcée à une partie estimée plus vulnérable, pour rétablir entre les contractants une égalité indispensable à l'exercice de la liberté contractuelle, qui constitue un principe universel du droit des contrats dans les économies libérales.

2.3. Problèmes de rédaction des législations

2.3.1. Ces problèmes sont récurrents, tant au niveau communautaire qu'au niveau national. Les textes juridiques peuvent être le produit de consensus politiques, leur économie initiale peut être bouleversée par divers amendements et leur formulation n'est pas toujours suffisamment claire et précise.

2.3.2. Au niveau européen, la nature même des directives, qui fixent des buts à atteindre, laisse une large place aux notions et concepts juridiques nationaux, qui recouvrent parfois, dans les différents systèmes de droit, des contenus différents. Les textes sont traduits de et en diverses langues, porteuses chacune de leur propre culture juridique, les compromis favorisant parfois les expressions vagues, interprétables selon une géométrie variable dans les droits internes, ce qui risque d'aller à l'encontre de l'harmonisation recherchée.

2.3.3. Le caractère sectoriel de la plupart des textes communautaires peut éventuellement nuire à l'harmonie du droit interne de chaque pays, si les modifications apportées par la transposition conduisaient à une superposition de règles sectorielles mal coordonnées dans une branche du droit. La rédaction du droit interne peut aussi rencontrer des problèmes de même nature qu'en droit communautaire (amendements, compromis, formules vagues laissées à la sagacité des lecteurs et à l'interprétation ou à l'appréciation du juge).

2.3.4. Ainsi la charge de la recherche d'une cohérence indispensable est-elle laissée aux commentaires doctrinaux, à l'exposition pédagogique des professeurs d'université ou aux recueils de principes "guides" comme ceux élaborés par UNIDROIT et d'autres commissions ad hoc et surtout en pratique à la jurisprudence, qui peut éventuellement s'inspirer des travaux de la doctrine.

2.3.5. A partir d'un certain degré d'accumulation de règles, il serait souhaitable que les commissions chargées des lois au sein des institutions parlementaires s'interrogent sur la cohérence d'une branche ou d'une matière, notamment à des fins de regroupement et de codification ou de simplification, de mise en harmonie des règles d'origine internationale, européenne et nationale, et fassent un effort de clarté de rédaction, afin de rendre le droit réellement accessible aux citoyens, liés par la règle "nemo censitur ..." (nul n'est censé ignorer la loi), devenue face à la multitude des textes une véritable fiction juridique; chaque année des dizaines de milliers de pages sont publiées aux différents journaux officiels, et les textes ainsi publiés peuvent aussi prendre la forme d'amendements très nombreux à des textes antérieurs, dont il faudrait plutôt donner alors une nouvelle version consolidée, permettant ainsi une compréhension plus immédiate du nouveau droit applicable. Le Comité a déjà appelé, à diverses reprises, à une simplification des textes dans l'intérêt des usagers du droit(2).

2.3.6. Des recommandations ou l'information réciproque sur des bonnes pratiques pourraient aussi contribuer à une meilleure rédaction des textes juridiques.

2.3.7. En matière de droit des contrats, la responsabilité de la clarté ou de l'obscurité de la rédaction des clauses du contrat revient aux parties, au moins pour les clauses non impératives, et au moins à l'une des parties dans le cas des contrats d'adhésion. La directive sur les clauses abusives(3) a mis fin à certaines pratiques critiquables, dans les contrats d'adhésion en particulier. Ces derniers sont parfois malheureusement rédigés en termes difficilement compréhensibles pour l'autre partie, ou bien certaines clauses importantes sont rédigées en caractères minuscules, ce qui demande l'édiction de règles formelles et de fond spécifiques pour protéger la partie la plus faible.

2.4. Convergences et divergences dans les instruments et entre les institutions

Ces considérations offrent des voies de réflexion et d'action complémentaires pour essayer de surmonter certaines difficultés juridiques. Elles devraient faire l'objet de développements plus consistants, par exemple à l'occasion de la parution annoncée d'un livre blanc ou d'un livre vert par la Commission ou d'une proposition législative ultérieure.

a) Unification

- Traités (clauses unificatrices: domaines qui relèvent de la compétence communautaire);

- règlements;

- décisions;

- CJCE (arrêts et réponses aux questions préjudicielles);

- contrats et clauses types.

b) Harmonisation

- Traités (clauses d'harmonisation: domaines de compétences partagées et piliers ou domaines principalement intergouvernementaux ou nationaux);

- directives affectant directement ou indirectement le droit des contrats (par exemple, directives sur la responsabilité du fait des produits défectueux ou sur les clauses abusives dans les contrats);

- recommandations, résolutions;

- importation en droit interne de concepts juridiques externes (transferts horizontaux), avec des risques de transfert incomplet, ou de notions mal comprises, plaquées sur et non véritablement intégrées au droit national;

- conventions internationales (transferts verticaux);

- propositions d'uniformisation internationales ou régionales: UNIDROIT, Commission sur le droit européen des contrats, offrant des règles cohérentes de référence aux parties et aux juges et arbitres;

- jurisprudence des cours internationales (peu de solutions intéressent le droit privé, s'agissant essentiellement d'un droit interétatique) et jurisprudence des juridictions européennes (TPI, CJCE, CEDH);

- doctrine, colloques européens de juristes, formation continue des professionnels du droit et du commerce;

- arbitrages internationaux (liste ICC, cabinets privés d'experts); problème de la portée de la jurisprudence arbitrale, et d'accès à sa connaissance, faute de publication (elle peut aussi rester confidentielle si telle est la volonté des parties) et de traitement par la doctrine;

- "Soft law" (jurisprudence des organes de contrôle des Organisations internationales, guides, recueils de principes d'institutions professionnelles ou intergouvernementales internationales et régionales ayant une influence sur le contenu des contrats, le règlement des différends ...).

c) Différenciation, divergences

- Traités: compétences limitées à certains domaines spécifiques (concurrence, consommation ...);

- pluralisme juridique (historique, culturel) et variété des concepts juridiques nationaux et de ceux du droit des contrats; différences en matière de droit international privé;

- augmentation de la diversité des actes juridiques, tout particulièrement en matière de contrats (vente de biens et services dématérialisés via internet, signature électronique, propriété partagée, affacturage ...);

- formation et recrutement des juges, diversité des cursus, des expériences, ainsi que des juridictions compétentes selon les cas (tribunal pénal, civil, commercial, voire administratif dans certains pays en matière de contrats de marchés publics);

- enseignement universitaire: connaissance des autres systèmes, place du droit comparé et du droit international privé et européen dans le tronc commun des cursus; cet aspect est fondamental pour favoriser l'harmonisation - ou y faire obstacle si cet enseignement est absent ou négligé;

- rédaction des textes européens: qualité de la rédaction qui doit être claire dans toutes les langues, en dépit des difficultés à tenir compte de la compréhension différente des termes utilisés et des réalités qu'ils recouvrent dans les divers systèmes juridiques nationaux. On court le risque d'un droit susceptible d'interprétations différentes pour sa transposition et son application judiciaire; il revient alors à la CJCE de jouer un rôle déterminant d'interprétation et d'unification, mais son intervention peut être éventuellement précédée d'une période d'incertitude ou d'insécurité juridiques;

- rédaction du droit interne, qui peut dériver, en particulier dans la transposition des directives, par rapport au sens initial voulu par le législateur européen. La transposition peut provoquer une rupture possible de l'harmonie juridique interne de la branche du droit national affectée partiellement par le droit dérivé, voire créer un dualisme ou des solutions divergentes, si le législateur national a une vision restrictive de la transposition et ne prend pas en compte la nécessité d'un équilibre juridique entre les dispositions internes modifiées par la transposition et celles qui ne le sont pas. Le droit interne peut alors devenir plus complexe, moins cohérent.

2.5. Le Comité exprime sa préoccupation face à l'inflation continue, voire exponentielle, des textes et parfois leur inutile complexité constituent un sujet de préoccupation pour les professionnels du droit, les entreprises pour lesquelles cette inflation peut conduire à des coûts importants, et pour les citoyens qui ne connaissent que de manière incomplète le droit existant.

2.6. Le développement d'interventions législatives détaillées dans le droit des contrats surtout en ce qui concerne la consommation et le travail vise, au-delà des dispositions d'ordre public, communes aux contrats et assez proches entre les pays membres, à garantir le respect du principe d'égalité entre les parties. Cette interprétation peut aussi s'appliquer à d'autres types de contrats où une partie est en situation de faiblesse relative ou de subordination par rapport à l'autre (le maître du contrat), comme en matière de sous-traitance, de franchisage ou de distribution exclusive, par exemple.

2.7. Le principe d'égalité est un principe fondamental du droit originaire, qui a servi de base à l'introduction de nombreux textes contre les discriminations, et a une influence notable en ce qui concerne la formation progressive d'un droit européen des contrats. Il traverse tout le droit dérivé et peut constituer une justification supplémentaire à des initiatives législatives communautaires.

2.8. En ce qui concerne le droit européen de la consommation, l'idée selon laquelle les consommateurs sont dans une situation subordonnée par rapport aux vendeurs - en position de maîtres du contrat - et qui doivent à ce titre bénéficier de protections adéquates, traverse très justement tous les textes communautaires.

3. Eléments de réflexion et recommandations

3.1. On assiste, du fait de la globalisation, au développement d'une "soft law" et de mécanismes de règlement des différends essentiellement privés, avant tout entre entreprises, mais aussi parfois entre entreprises et Etats en matière de contrats économiques internationaux. La Convention de Vienne de 1980 sur la Vente internationale de Marchandises (CVIM) offre un cadre supplétif dans une réalité juridique dominée par la "volonté des parties" (qui peut exprimer en pratique un rapport de forces sur le marché).

3.2. Les contractants-législateurs, dans les limites évidemment de l'effet relatif des contrats, ont aussi le choix du juge (en général un arbitre, de nature quasi-judiciaire, qui a pouvoir de dire le droit et, moins souvent, un juge participant d'une souveraineté nationale pouvant rendre la décision exécutoire avec recours éventuel à des formes de contrainte). Ces tendances, largement régulées de manière non contraignante par la CCI, concernent surtout les entreprises transnationales et sont liées à la nouvelle division internationale du travail et au développement des échanges, mais concernent aussi de plus en plus souvent des entreprises moyennes dans certains secteurs économiques (finances internationales, services liés aux nouvelles technologies, courtage international, consulting international, etc.).

3.3. Les valeurs morales et sociales d'un pays donné n'ont plus leur place dans le droit-référence ou le droit supplétif. Elles tendent à céder le pas devant les principes, plus universels mais moins liés à une culture ou à une société particulières, de bonne foi et de coopération dans l'exécution des contrats qui n'intéressent que les parties, dans une perspective plus individualiste et autonome. Les Principes européens du Droit des Contrats élaborés par la commission ad hoc ne se réfèrent pas à un ordre public économique et social européen, qui existe pourtant et manquent de l'enracinement du droit dans un cadre souverain, qui n'existe que de façon limitée à l'échelle de l'Europe.

3.3.1. Le droit européen des contrats à venir devrait s'efforcer d'éviter ces écueils et représenter un pas en avant tout en restant fermement enraciné dans les principes juridiques de droit privé communs à tous les Etats membres, sur l'ordre public socio-économique et le modèle social européens, et en faisant appel aux juges nationaux qui devraient avoir compétence pour contrôler ces contrats et pour régler les différends sur la base du droit européen des contrats.

3.4. Les actes-types et le droit du commerce international sont de mieux en mieux connus des PME-PMI, et leur utilisation s'étend dans leurs activités transfrontières. Il conviendrait de ne pas intervenir sans nécessité dans ces relations, sauf pour éviter des abus éventuels, ni de créer trop de particularismes européens qui pourraient constituer une entrave à des relations économiques entre entreprises européennes et non européennes.

3.5. L'élaboration d'un droit européen uniforme et général des contrats, par exemple sous la forme d'un règlement, solution que le Comité estime préférable afin d'éviter les divergences, pourrait demander des délais et des études complémentaires, mais devrait s'appuyer sur les travaux déjà effectués par les commissions et institutions évoquées précédemment et sur les règles et pratiques internationales en vigueur.

3.6. Dans une première étape, à moyen terme, les parties pourraient choisir, si elles le souhaitent, le droit européen comme droit de leur contrat. Dans une étape ultérieure, à plus long terme, après évaluation et modifications éventuelles, le droit européen des contrats deviendrait le droit commun, mais les parties pourraient cependant choisir un autre droit, pour conserver le principe de liberté contractuelle.

3.7. Un droit européen des contrats devrait couvrir la phase pré-contractuelle, la formation du contrat, les conditions de validité, l'exécution ou l'inexécution des obligations, les moyens de paiement etc. Il constituerait une référence pour les propositions législatives ultérieures touchant d'une façon ou d'une autre aux questions contractuelles. Son existence pourrait, outre la certitude juridique qu'elle apporterait, diminuer certains coûts de transaction.

3.8. Tout en formant une base de principes juridiques et de règles applicables à tous les contrats, des dispositions spécifiques ou plus détaillées relatives à certains contrats ou concernant la protection des consommateurs devraient être inclues dans le projet d'un droit européen des contrats.

3.9. Le juge national devrait alors trancher les éventuels différends sur la base de ce droit, si les parties se sont soumises au nouveau droit européen dans leurs engagements contractuels.

3.10. Les microentreprises et les entreprises artisanales, tout particulièrement celles d'entre elles qui sont insérées dans un marché presque exclusivement limité à une aire locale ou régionale, manquent des moyens financiers et des connaissances spécialisées nécessaires lorsqu'elles ont occasionnellement besoin de passer des contrats transfrontaliers. Un droit européen leur permettrait d'envisager avec plus de certitude juridique leurs relations économiques au sein du Marché unique.

3.11. Pour les consommateurs, le choix du droit européen des contrats, à défaut de leur droit national, représenterait une garantie importante en matière de sécurité juridique dans les opérations transfrontalières particulières où leur droit national ne serait pas obligatoirement d'application.

3.12. Si le Comité partage pleinement l'approche de la Commission en ce qui concerne l'exclusion du droit de la famille et du droit du travail, intimement liés aux traditions juridiques, à l'histoire et à la structure sociale de la société de chacun des pays membres, il est néanmoins d'avis que les contrats de travail transfrontaliers ne devraient pas être exclus totalement de la réflexion, car ils posent des problèmes non négligeables de conflits de lois et/ou de juridictions. Les organisations européennes d'employeurs et de travailleurs pourraient, si elles le jugeaient approprié, se saisir de la question et faire des propositions à ce sujet.

Bruxelles, le 17 juillet 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) JO C 27 du 26.1.1998.

(2) JO C 48 du 21.2.2002; JO C 125 du 27.5.2002; CES 634/2002 fin.

(3) JO C 116 du 20.4.2001.

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