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Document 52002AE0352

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers" (COM(2001) 447 final — 2001/0182 (CNS))

OJ C 125, 27.5.2002, p. 28–31 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52002AE0352

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers" (COM(2001) 447 final — 2001/0182 (CNS))

Journal officiel n° C 125 du 27/05/2002 p. 0028 - 0031


Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers"

(COM(2001) 447 final - 2001/0182 (CNS))

(2002/C 125/08)

Le Conseil a décidé, le 30 août 2001, conformément aux dispositions de l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section "Emploi, affaires sociales, citoyenneté", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis à l'unanimité le 27 février 2002 (rapporteur: M. Sharma).

Lors de sa 389e session plénière des 20 et 21 mars 2002 (séance du 20 mars), le Comité a adopté l'avis suivant par 79 voix pour, une voix contre et 3 abstentions.

1. Introduction

1.1. La proposition de la Commission à l'examen porte sur un règlement du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers.

1.2. Destinée à remplacer la Convention de Dublin, la présente proposition de règlement ne vise pas simplement à mettre en oeuvre l'article 63, paragraphe 1, point a) du traité CE. L'objectif est également de répondre au voeu exprimé par le Conseil européen de Tampere que les critères et mécanismes de détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile reposent sur "une méthode claire et opérationnelle" s'inscrivant dans le contexte d'une procédure d'asile "équitable et efficace". Le règlement vise à transposer la Convention de Dublin en droit communautaire.

1.3. Après avoir envisagé différentes autres solutions, la Commission a décidé de maintenir les critères et mécanismes (actuels) de détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile.

1.4. Le principe général est le suivant: la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile incombe à l'État membre qui a pris la plus grande part dans l'entrée ou le séjour du demandeur sur les territoires des États membres, avec des exceptions tendant à protéger l'unité des groupes familiaux. Il convient de noter que le dispositif de détermination de l'État responsable ne s'applique qu'aux personnes qui sollicitent la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et ne couvre pas les formes de protection subsidiaire pour lesquelles il n'existe encore aucune harmonisation.

1.5. La proposition vise à assurer aux demandeurs d'asile un accès effectif aux procédures de détermination de la qualité de réfugié, prévenir l'abus des procédures d'asile, combler les lacunes et corriger les imprécisions constatées dans la Convention de Dublin, adapter le dispositif aux nouvelles réalités résultant des progrès réalisés dans l'établissement d'un espace sans frontières intérieures, permettre de mener à bien la détermination de l'État responsable aussi rapidement que possible et augmenter l'efficacité du dispositif.

1.6. La proposition comprend une série d'innovations:

Des dispositions nouvelles mettent l'accent sur la responsabilité que prend chaque État membre vis-à-vis de l'ensemble de ses partenaires de l'Union en laissant perdurer des situations de séjour clandestin sur son territoire, sur des délais de procédure beaucoup plus brefs, sur des délais allongés pour la mise en oeuvre des transferts vers l'État responsable et sur la préservation de l'unité de la famille des demandeurs d'asile.

2. Observations générales

2.1. Le Comité souhaite que son avis sur la proposition de règlement soit pris en compte dans le contexte de deux avis qu'il a émis précédemment dans ce domaine.

2.2. Le premier de ces avis est celui qu'il a élaboré sur la proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres(1). Dans cet avis, le Comité précisait que il faut garder présent à l'esprit que la Convention de Genève constitue un instrument au service des droits de l'homme. Les références, contenues dans les considérants, à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 renforcent l'idée que la protection des réfugiés doit être considérée comme faisant partie intégrante de la protection des droits de l'homme dans la mesure où elle trouve son origine et son fondement dans la protection de la dignité et des droits fondamentaux de tous les êtres humains.

2.3. Outre la Convention citée ci-dessus, le Comité estime que la proposition de directive devrait comporter une référence à d'autres conventions internationales pertinentes en la matière comme la Convention européenne des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention des droits de l'enfant et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination vis-à-vis des femmes.

2.4. Le second de ces avis du Comité est celui qui porte sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen "Vers une procédure d'asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l'Union, pour les personnes qui se voient accorder l'asile"(2). "Dans cet avis, le Comité faisait valoir ce qui suit: il est clair qu'à la lumière de l'ensemble de la nouvelle réglementation proposée par la Commission, une révision de la Convention de Dublin tenant compte des nécessités suivantes s'impose:

- faire de la position commune du 4 mars 1996 un instrument juridique contraignant, proposant une interprétation unique de la notion de 'réfugié', après avoir rectifié la définition du concept de persécution dans le sens où celle-ci peut être le fait d'acteurs autres que l'État;

- fournir la possibilité pour le demandeur d'asile de choisir le pays auquel il adresse sa demande, compte tenu des considérations culturelles et sociales qui président à son choix et qui sont déterminantes pour une intégration plus rapide;

- garantir le droit à la protection juridique, à l'information et à l'appel;

- définir des règles minimales en matière d'accueil;

- remédier à l'extrême lenteur des transferts et à l'insuffisance des informations fournies aux demandeurs d'asile."

2.5. La Convention de Dublin a été établie avec pour double objectif de réduire le nombre des demandes d'asile multiples (c'est-à-dire des demandes présentées par une même personne dans plusieurs États membres), et de résoudre le problème des demandeurs d'asile refoulés d'un pays à l'autre.

2.6. L'expérience a démontré que ce mécanisme ne fonctionne pas comme il devrait, et qu'il crée davantage de problèmes qu'il n'en résout. Le volume de travail et les coûts qui en découlent ne sont pas proportionnels aux résultats atteints, et le nombre de demandeurs d'asile qui disparaissent avant le transfert, venant grossir les files d'immigrants clandestins, est très élevé.

2.7. Il n'y a que 6 % des cas qui suscitent un débat quant à savoir quel État membre a la responsabilité d'examiner la demande. De surcroît, dans 95 % des cas, c'est l'État membre où la demande a été introduite en premier qui assume la responsabilité de cet examen. Le mécanisme laborieux de la Convention de Dublin ne s'applique donc qu'à une très faible proportion de tous les cas de demande d'asile, et parmi ceux-ci, seuls 1,7 % sont effectivement transférés à un État membre autre que celui dans lequel la demande a été introduite. En 1998 et 1999, sur 655000 demandeurs d'asile, seuls 10988 ont vu leur demande transférée à un État membre autre que celui dans lequel ils l'avaient introduite. Les chiffres montrent donc que seules 5000 personnes environ sont en fait transférées/reprises en charge chaque année.

2.8. La conclusion du Comité est que le règlement à l'examen transpose en droit communautaire les principaux éléments d'une Convention de Dublin aux défauts substantiels. En effet, même après les améliorations proposées par la Commission, nous ne disposerons pas d'un règlement clair, viable, efficace, équitable ni humain.

2.9. Le Comité reconnaît toutefois qu'il pourrait être politiquement impératif d'aller de l'avant en ce moment. Il prend donc acte de l'accent placé sur le principe qu'un État membre est responsable des personnes qui entrent illégalement sur son territoire et de celles qui y résident illégalement depuis longtemps. Le Comité se félicite également de l'importance accrue accordée à l'unité des groupes familiaux, quoique cela reste nettement en deçà des propositions de la Commission en matière de regroupement familial. De même, le Comité accueille favorablement les délais de procédure beaucoup plus brefs, lesquels mèneront il l'espère à une résolution plus rapide des demandes d'asile.

3. Observations spécifiques

3.1. Article 3

L'article 3 porte sur les critères de détermination de l'État responsable de l'examen des demandes d'asile. Il convient de noter qu'à la différence de la Convention de Dublin, cette disposition ne fait pas référence aux obligations internationales des États membres. Le Comité est soucieux que les États membres se voient rappeler leurs obligations au titre du droit international, comme la Convention européenne des droits de l'homme et la Convention contre la torture, lorsqu'ils procèdent à l'examen des demandes d'asile.

3.2. Article 6

L'article 6 vise la situation des mineurs non accompagnés. Il est proposé qu'un État membre où un membre de sa famille est déjà présent et susceptible de le prendre en charge soit responsable de la résolution de la demande d'asile. Le Comité reconnaît que le traitement d'une demande présentée par un mineur non accompagné peut susciter de nombreux problèmes, et que dans le meilleur intérêt du mineur et en vue de mener à bien les procédures le plus rapidement possible, la définition des personnes susceptibles de le prendre en charge ne doit pas être trop restrictive. La définition proposée exclut les grands-parents, les oncles et les tantes ainsi que les frères et soeurs d'âge adulte, alors que chacun d'entre eux pourrait être tout aussi susceptible de prendre l'enfant en charge. Le Comité propose donc que, dans le meilleur intérêt du mineur, la définition de membre de la famille soit élargie à tout membre de la famille ou autre parent qui soit à la fois susceptible et désireux de prendre le mineur en charge.

3.3. Article 16

L'article 16 concerne les circonstances dans lesquelles un État membre peut tenir compte du critère de regroupement familial pour déterminer s'il convient qu'il examine une demande d'asile d'une personne dépendante de l'assistance d'une autre. Selon la proposition de règlement, "Les États membres considèrent comme un motif justifiant le rapprochement du demandeur d'asile avec un membre de sa famille présent sur le territoire de l'un des États membres dans les cas non prévus par les dispositions du présent règlement les situations où l'une des personnes concernées est dépendante de l'assistance de l'autre du fait d'une grossesse ou d'une maternité, de son état de santé ou de son grand âge". Le Comité propose que la définition de "membre de la famille" soit étendue afin d'inclure les termes "ou autre parent".

3.4. Article 18, paragraphe 1

L'article 18 concerne les délais dans lesquels il peut être demandé à un autre État membre de prendre en charge le traitement d'une demande d'asile. Il est proposé qu'une requête en ce sens doive être formulée dans un délai de soixante-cinq jours ouvrés. Le Comité estime que ces délais sont trop courts lorsqu'il s'agit d'examiner les demandes d'asile émanant de mineurs non accompagnés. Le Comité propose que les délais soient suspendus et que les 65 jours ouvrés ne commencent à courir que:

- au terme d'une évaluation de l'aptitude d'un membre de la famille ou d'un autre parent à prendre l'enfant en charge; et

- le cas échéant, après l'issue de la procédure d'admissibilité relative à la demande d'asile d'un membre de la famille ou d'un autre parent.

3.5. Article 20

Cette disposition prévoit une possibilité de recours juridictionnel contre une décision relative à l'irrecevabilité d'une demande. Toutefois, ce recours n'aurait pas de caractère suspensif, car "un transfert vers un autre État membre n'étant pas de nature à causer à la personne concernée un préjudice grave et difficilement réparable, il n'est pas nécessaire que l'exécution du transfert soit suspendue dans l'attente du résultat de la procédure contentieuse". Le Comité n'accepte pas ce raisonnement, car il est très difficile pour un demandeur d'asile de maintenir le contact avec les avocats qui auraient à mener à bien la procédure de recours. La plupart des demandeurs d'asile vivent une existence précaire, et les communications internationales sont susceptibles d'être impossibles.

4. Conclusion

4.1. Quoique le Comité accueille favorablement les améliorations qu'il est proposé d'apporter à la Convention de Dublin au moyen du règlement à l'examen, il n'en continue pas moins à estimer qu'il conviendrait de procéder à une harmonisation des procédures d'asile, des conditions d'accueil, de l'interprétation de la définition de réfugié et d'autres formes complémentaires de protection avant de mettre sur pied un système d'attribution de la responsabilité entre États membres pour l'examen des demandes d'asile. De l'avis du Comité, cette harmonisation atténuerait toute mesure semblant pouvoir inciter les demandeurs d'asile à choisir entre plusieurs États membres avant d'introduire leur demande. Aucun système d'attribution de la responsabilité pour l'examen des demandes d'asile ne saurait fonctionner équitablement sans harmonisation des lois et des procédures.

4.2. Le Conseil européen de Tampere a réaffirmé l'importance que tant l'Union européenne que les États membres individuellement respectent le droit de chercher asile et offrent des garanties à ceux qui cherchent à obtenir protection dans l'Union européenne ou à y accéder.

4.3. Le droit de chercher asile inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme est compromis par un système qui lie l'attribution de la responsabilité pour le traitement des demandes d'asile à la responsabilité pour les contrôles d'entrée. Un tel système encourage les États à empêcher les demandeurs d'asile d'atteindre leur territoire au moyen d'une panoplie de plus en plus vaste de mesures de contrôle.

4.4. Loin de contribuer à protéger les droits des demandeurs au niveau national, le règlement proposé les affaiblit. Il encourage les États membres à externaliser leurs frontières et à prendre des mesures de répression contre ceux qui cherchent à pénétrer sur leur territoire, de sorte que les demandeurs d'asile sont jetés dans les bras des criminels qui organisent la traite des êtres humains.

Bruxelles, le 20 mars 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) JO C 193 du 10.7.2001, points 2.1.1.1 et 2.1.2.

(2) JO C 260 du 17.9.2001, point 2.3.4.3.

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