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Document 52001IE0726
Opinion of the Economic and Social Committee on the "Preparation of a European Union strategy for Sustainable Development"
Avis du Comité économique et social sur la "Préparation d'une stratégie de l'Union européenne en matière de développement durable"
Avis du Comité économique et social sur la "Préparation d'une stratégie de l'Union européenne en matière de développement durable"
OJ C 221, 7.8.2001, p. 169–177
(ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)
Avis du Comité économique et social sur la "Préparation d'une stratégie de l'Union européenne en matière de développement durable"
Journal officiel n° C 221 du 07/08/2001 p. 0169 - 0177
Avis du Comité économique et social sur la "Préparation d'une stratégie de l'Union européenne en matière de développement durable" (2001/C 221/27) Les 24 et 25 janvier 2001, le Comité économique et social a décidé, conformément aux dispositions des articles 11, paragraphe 4, et 23, paragraphe 3, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème "Préparation d'une stratégie de l'Union européenne en matière de développement durable". Le sous-comité "développement durable", chargé de préparer les travaux en la matière, a élaboré son projet d'avis le 17 mai 2001 (Rapporteur: M. Ehnmark; corapporteur: M. Ribbe). Au cours de sa 382e session plénière des 30 et 31 mai 2001 (séance du 31 mai 2001), le Comité économique et social a adopté le présent avis à l'unanimité. 0. Résumé de l'avis 0.1. Le Comité économique et social soutient totalement l'intention de lancer, lors du sommet européen de Göteborg au mois de juin de cette année, un changement politique à long terme en faveur du développement durable. Le Comité estime que ce projet répond aux préoccupations et aux inquiétudes de nombreuses catégories de citoyens, bien que la société dans son ensemble ne dispose pas d'une information suffisante. Il est urgent que la politique dans ce domaine prenne une direction nouvelle, et le moment actuel est propice pour démarrer ce processus. 0.2. Le Comité est conscient du fait que les politiques en faveur du développement durable contiennent en partie, en raison de leur nature même, une approche radicale du développement de la société à l'avenir. Des décisions difficiles devront être prises au cours du processus. C'est pourquoi il est tout à fait capital que les ajustements politiques soient bien ancrés dans l'opinion publique. Sans un soutien fort de la part des citoyens, aucune politique de développement durable ne pourra réussir. 0.3. Le Comité déplore largement que le processus de consultation publique sur le développement initial d'une stratégie d'une telle importance et d'une telle ampleur ait été limité à une durée, manifestement insuffisante, d'à peine plus d'un mois. La question du développement durable est bien trop importante pour être traitée de cette façon. 0.4. Le Comité recommande de fournir un effort soutenu après le sommet de Göteborg, afin de sensibiliser le public, d'inspirer un débat à l'échelon local et de canaliser les remarques et les suggestions relatives au développement de la stratégie de développement durable. Le Comité considère cet effort comme une manière idéale de favoriser une plus grande participation des citoyens sur une question cruciale de politique européenne. 0.5. Le Comité va maintenant entreprendre, en coopération avec d'autres acteurs de la société civile organisée, la tâche consistant à lancer et à appuyer un large débat public sur les questions concernées. Le Comité accueille favorablement le projet de la Commission relatif à l'organisation d'une manifestation bisannuelle dénommée "forum des intéressés", dont l'objet sera d'évaluer la stratégie de l'UE; il se déclare disposé à y participer en tant que coorganisateur. 0.6. Le Comité souligne qu'en raison du délai limité, il est à présent dans l'incapacité de fournir toute la contribution qu'il aurait souhaitée. Pour la même raison, le sommet de Göteborg ne pourra être que le début d'un processus stratégique, et non le stade final dans le processus d'adoption d'une politique communautaire. Le Comité ajoutera donc par la suite des éléments plus substantiels à l'évolution de la stratégie de développement durable. 0.7. Le sommet de Göteborg devrait, tout en gardant à l'esprit le délai très court de préparation, se concentrer sur un petit nombre d'objectifs généraux et demander à la Commission et aux autres organes concernés de présenter davantage de propositions concrètes aux sommets de Laeken et de Barcelone. 0.8. La SDD de l'UE doit consolider l'interconnexion entre les trois piliers - économique, social et environnemental - et à cet égard, le Comité souligne la nécessité que tous les niveaux de gouvernement mettent en place de nouvelles structures pour assurer la planification et le suivi de la SDD. 0.9. Le Comité propose que soient définis des objectifs de durabilité en matière de transports, de production d'énergie, d'agriculture et de changement climatique. 0.10. Le Comité remarque qu'une société caractérisée par une SDD doit être une société fondée sur la connaissance, et qui consente d'importants investissements en R& D ainsi que pour l'éducation, la formation et l'apprentissage tout au long de la vie. 0.11. Le Comité est surpris de constater que la question du vieillissement de la population ne soit pas plus clairement mise en relation avec la faiblesse et la diminution des taux de fertilité dans les États membres. Un volet destiné à une politique active de soutien des familles au niveau national, donnant aux parents de réelles possibilités économiques et sociales de combiner les enfants et la carrière, fait partie intégrante de la SDD. 0.12. Le Comité soutient totalement le protocole de Kyoto et il demande à l'UE d'agir avec vigueur pour le prolonger dans une stratégie mondiale, tout en soulignant la nécessité de fixer de nouvelles limites plus strictes. 0.13. Le Comité indique qu'il souhaite être impliqué dans les travaux d'évaluation et de suivi de la stratégie de développement durable. En particulier, le Comité est prêt à mobiliser ses organisations membres pour renforcer la communication de proximité et afin de développer une fonction de vigilance centrée sur une analyse de la qualité de la mise en oeuvre du DD. 1. Introduction 1.1. Une stratégie européenne en matière de développement durable (DD) 1.1.1. Par cet avis, le Comité économique et social entend contribuer à la discussion et à la préparation du projet de stratégie en matière de développement durable (SDD) de l'UE. Cette stratégie, actuellement en cours d'élaboration à la Commission et au Conseil, en réponse au mandat que leur a confié le Conseil européen d'Helsinki du mois de décembre 1999, constituera le morceau de résistance du Conseil européen de Göteborg, qui se tiendra les 15 et 16 juin 2001. 1.1.2. Ce Conseil européen devrait mettre en marche un processus de DD qui sera mené à bien sous les prochaines présidences de l'UE, en adoptant un ensemble de priorités et d'objectifs politiques et en dégageant un accord sur les procédures. L'intention est de coordonner la SDD de l'UE avec le suivi de Lisbonne. Ainsi, l'objectif de cette stratégie n'est pas de démarrer un processus similaire à celui de "Lisbonne" ou "Luxembourg", mais plutôt d'apporter une nouvelle dimension élargie à l'étape de Lisbonne. Dans ce sens, il existe un lien évident entre le sommet de Stockholm (en mars) et de Göteborg (en juin). 1.1.3. L'inscription dans le temps de la SDD est envisagée à long terme, jusqu'à 20 ou 25 ans pour certains objectifs. En outre, cette stratégie mettra en lumière la nécessité de procéder à une évaluation continue et de poursuivre le développement des objectifs et des procédures. 1.1.4. La SDD inclura également la réponse au sommet de Rio de 1992 et les décisions prises à la conférence Rio+5, et servira pour l'UE de contribution à la conférence internationale Rio+10 qui se tiendra en Afrique du Sud en 2002. Elle doit en outre être considérée dans la perspective des travaux de l'OCDE dans ce domaine, effectués sur la base d'un mandat de trois ans depuis le Conseil des ministres de l'OCDE en 1998. Ces travaux ont trouvé leur point culminant au Conseil des ministres de l'OCDE les 17 et 18 mai 2001. 1.2. Le Comité économique et social a produit de nombreux avis sur des questions environnementales, économiques et sociales. Le Comité a contribué aux objectifs fixés au sommet européen de Lisbonne en mars 2000, et lors de son suivi au Conseil de Stockholm. Le Comité, de par son caractère largement représentatif de la société civile, se trouve donc particulièrement à même de contribuer à la préparation et au suivi d'une stratégie de développement durable. 1.3. La notion de développement durable 1.3.1. Le rapport 1987 de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement (Commission Brundtland) contenait ce qui est devenu la définition la plus largement acceptée du développement durable, décrit comme "un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pourvoir à leurs propres besoins". 1.3.2. Dans cet esprit, et en accord avec les conclusions du sommet européen d'Helsinki, la SDD de l'UE sera "une stratégie à long terme destinée à assurer la concordance des politiques combinées ayant pour objet un développement durable du point de vue économique, social et environnemental". C'est donc un concept qui vise à réconcilier une croissance et une stabilité économiques continues avec une protection sociale durable, et des exigences en matière de protection de l'environnement sur des questions telles que la sécurité alimentaire et la santé publique. En d'autres termes, le SDD consiste à essayer de résoudre certains problèmes à long terme de déficit de dimension durable présentant des dimensions économiques, sociales et environnementales. 1.3.3. Le Comité économique et social ajoute ces quelques observations au sujet de la notion de développement durable: 1.3.3.1. Ce concept n'est pas nouveau, et ses implications politiques sont connues. Un certain nombre de pays ont pris des décisions, en particulier lors de la conférence de Rio et de son suivi, relatives à la nécessité de mettre en place des politiques de développement durable. 1.3.3.2. Toutefois, les actions concrètes ont été jusqu'à présent plutôt rares. Il y a un certain nombre de raisons à cela. La principale est probablement la suivante: le développement durable est une notion très vaste, ce qui implique de prendre parallèlement des mesures au niveau national, international, et local, et il est signe d'un changement dans le mode de vie et de consommation des citoyens. Cette notion a en effet des implications très précises pour le citoyen. 1.3.4. Néanmoins, le processus doit être lancé, des mesures concrètes doivent être décidées, et l'ambition de lancer une stratégie européenne de développement durable pourra représenter, à long terme, une réelle contribution à la mise en oeuvre des grandes ambitions de la conférence de Rio. 1.3.5. Cette stratégie européenne devrait contribuer à assurer une qualité de la vie durable et meilleure. C'est une vision qui projette un développement de nos sociétés fondé sur une série de responsabilités, à la fois envers les citoyens et envers la nature. Il s'agit d'un thème d'actualité, si on garde à l'esprit l'attention accrue accordée aux questions de qualité de vie par de nombreuses catégories de citoyens. Le développement durable est un concept et une vision qui gagnent en importance, dans l'UE et à l'échelle mondiale. 1.3.6. Le Comité souligne que la notion de développement durable présente une approche assez radicale des politiques de développement de nos sociétés sur le long terme. Ces mesures comprendront inévitablement certaines décisions désagréables. Nos sociétés sont toutefois en train de faire l'expérience d'un certain nombre de tendances qui ne sont absolument pas durables, si nous voulons maintenir notre croissance économique, des finances publiques saines et un système de protection sociale pour tous. 1.3.7. Essentiellement, il s'agit de choisir entre deux options: prendre des décisions d'une manière rationnelle et planifiée, ou être obligé de les prendre dans l'urgence. 2. État des travaux préparatoires de la Commission sur la SDD 2.1. La Commission a présenté son document consultatif sur le développement durable le 27 mars. Ce document vise à être le point de départ de vastes débats et discussions. Le délai pour faire part d'éventuelles observations a été fixé à la fin avril, afin qu'elles puissent être prises en compte dans l'élaboration finale de la proposition de stratégie européenne. 2.1.1. Le document consultatif ne comprend pas de propositions concernant la future stratégie. Il fournit par contre une structure permettant d'analyser et de rendre opérationnelles certaines questions importantes. Il comporte une analyse des facteurs qui ont jusqu'à présent empêché d'accomplir des progrès substantiels dans ce domaine, et il esquisse un possible "ensemble d'instruments" permettant la mise en oeuvre d'une SDD. Afin de présenter la notion en termes de pratique, le document se concentre sur un nombre limité de questions cruciales pour le moment, sélectionnées à partir de trois critères: "importance/impact", "échelle de temps" (irréversibilité, aspects trans-générationnels) et "dimension européenne/internationale". Ceci a conduit la Commission à retenir six questions prioritaires: - exclusion sociale/pauvreté; - santé publique; - démographie/vieillissement; - changements climatiques/énergie propre; - diminution des ressources naturelles; - mobilité et aménagement du territoire. 2.1.2. Pour chacun de ces six domaines, le document consultatif identifie les tendances non durables en termes de développement économique, social et environnemental. Le document consultatif invite donc à un large débat sur les aspects positifs et négatifs des tendances de la société, indépendamment du fait qu'elles aient ou non adopté une stratégie de développement durable. 2.2. Le point fort de ce document consultatif est l'analyse des tendances non durables. Comme il est souligné dans ce texte, il existe un large consensus sur le fait que la notion de développement durable englobe au minimum deux idées importantes: - le développement a une dimension économique, sociale et environnementale. Il ne sera durable que si un équilibre est trouvé entre les différents facteurs qui contribuent à la qualité de vie globale; - la génération actuelle a l'obligation de laisser aux générations futures des ressources sociales, environnementales et économiques suffisantes pour que ces générations puissent jouir d'un niveau de bien-être au moins aussi élevé que le nôtre. 2.3. Le Comité a considéré ce document consultatif comme une bonne base de discussion. Le problème central est que sa publication tardive a laissé trop peu de temps pour effectuer une vaste consultation. Le Comité exprime ses remarques au chapitre 6. 3. Audition conjointe CES/Commission 3.1. En coopération avec la Commission européenne, le Comité a organisé à la fin du mois d'avril une audition répartie sur deux jours au sujet du document consultatif à l'examen. Cette audition a rassemblé environ 200 représentants des organisations de professionnels et de la société civile, des gouvernements et des institutions européennes. Les débats ont été animés, concrets, et ont apporté un certain nombre de suggestions dans la perspective des décisions du sommet de Göteborg. 3.2. Trois observations principales ont été dégagées. 3.2.1. La première concerne la nécessité d'une vision et d'un leadership politiques. On a souligné à de nombreuses reprises que les gouvernements et les responsables politiques doivent prendre la direction des opérations pour élaborer une vision politique, en manifestant leur leadership politique et en fixant des priorités. 3.2.2. La seconde porte sur la nécessité d'un travail approfondi de R& D qui formerait la base des décisions relatives à la SDD. Une société caractérisée par une SDD doit être avant tout une société qui présente un niveau élevé d'investissements en R& D ainsi qu'en matière d'éducation et de formation. 3.2.3. La troisième considère la dimension mondiale, qui ne fait pas l'objet d'une longue discussion dans le document de la Commission. Il est nécessaire que l'UE prenne la direction, dans un contexte mondial, des décisions concernant la SDD en inspirant les autres pays. 3.3. On peut ajouter quelques remarques supplémentaires. 3.3.1. Il n'y a pas de solution unique. La manière juste de procéder est donc de prendre en compte le principe de développement durable dans tous les domaines politiques actuels, au-delà du processus de Cardiff. L'agriculture et la pêche représentent des domaines importants dans lesquels des politiques non durables mettent en danger la diversité, la santé publique et enfin notre survie même. 3.3.2. Le rôle de l'industrie dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'une SDD a été très débattu. Conformément à ce qui a été dit, l'industrie est actuellement considérée en règle générale comme une alliée dans la mise en oeuvre d'une SDD. 3.3.3. La nécessité de disposer de finances publiques durables représentait un autre sujet important, en particulier dans le contexte d'une population vieillissante et d'une demande croissante en soins à destination des personnes âgées. 3.3.4. D'autre part, la question de la baisse de la fertilité a été plus ou moins laissée de côté, bien qu'elle constitue une donnée absolument incontestable de l'équation globale réunissant la population vieillissante et des finances publiques durablement assainies. La question d'une politique de la famille plus dynamique - comprenant les enfants, les parents et les personnes âgées - à l'échelon national n'a pas été abordée; or, une politique soutenant activement les familles pourrait donner aux parents de réelles possibilités de concilier les enfants, les soins à leurs proches et une carrière. 4. Remarques sur les travaux préparatoires 4.1. Le Comité économique et social considère les décisions à venir en matière de développement durable comme le début d'un long processus. 4.2. Même ainsi, le CES déplore que le document consultatif de la Commission soit présenté si tard au cours du processus préparatoire, n'accordant qu'un délai très limité pour procéder à une vaste consultation. Le sommet européen d'Helsinki de 1999 a décidé que la question du développement durable devait être une question centrale du sommet de Göteborg. L'intervalle de temps aurait dû permettre de lancer un vaste processus de consultation avant toute décision. On aurait pu ainsi garantir un large soutien de l'opinion publique. La société civile organisée aurait été impliquée activement dans la préparation de la stratégie. 4.3. Compte tenu du fait que l'élaboration d'une stratégie de développement durable est sans aucun doute très difficile, elle ne peut être élaborée et décidée selon une procédure d'urgence. 4.4. Un vaste processus de consultation et de participation aurait dû être mis en place. Un document consultatif, comme celui qui a été présenté le 27 mars 2001, aurait tout à fait pu constituer le résultat intermédiaire d'un processus de ce type. Après avoir débattu des raisons des erreurs passées, le développement d'une stratégie faisant partie d'un processus de dialogue visant à corriger ces erreurs aurait été une manière valable de développer une politique qui aurait rencontré une approbation générale. 4.5. Le Comité apprécie toutefois le fait que la Commission et le CES aient eu la possibilité d'organiser conjointement une audition de deux jours à la fin du mois d'avril. 4.6. La Commission attire elle-même l'attention sur l'importance du processus de consultation et d'information, étant donné qu'elle vient de présenter à ce sujet un document intitulé "Gouvernance". Cependant, la proposition de stratégie intitulée "Une stratégie européenne pour un monde meilleur"(1), rédigée après l'audition conjointe (cf. paragraphe 4.5), insiste sur le rôle crucial d'un dialogue précoce et systématique. 5. Une vaste consultation publique 5.1.1. Le Comité économique et social considère la décision concernant la stratégie de développement durable comme l'une des décisions les plus importantes prises par l'Union européenne ces dernières années. Elle aura de profondes conséquences sur nos sociétés. Elle concerne les changements de modes de vie comme de consommation. 5.1.2. Étant donné leur importance, les questions de développement durable doivent être soutenues et mises en oeuvre par la base, et non être imposées d'en haut. 5.1.3. L'Union a rarement été confrontée à des questions politiques nécessitant une telle adhésion de la part de l'ensemble des citoyens. 5.2. Le Comité, qui garde à l'esprit le manque de temps disponible pour procéder à une large consultation et permettre une vaste formation de l'opinion, afin de construire à l'avance le soutien aux futures décisions, recommande avec insistance que le sommet de Göteborg soit suivi d'un effort systématique d'information et de consultation dans l'ensemble des États membres. Cet effort offrirait à différentes organisations ainsi qu'aux partis politiques la possibilité de participer, et de canaliser les opinions et les observations émanant des citoyens. 5.3. Ceci aurait des conséquences sur le processus décisionnel. Le sommet de Göteborg pourrait fixer un certain nombre d'objectifs très généraux pour les dix ou vingt prochaines années, en indiquant la manière d'adapter les objectifs de Lisbonne à la nouvelle stratégie, et en demandant de repousser au sommet de Barcelone, en mars 2002, les autres travaux préparatoires. 5.4. Ainsi, le sommet de Göteborg invitera les citoyens et les organisations à participer activement aux discussions qui auront lieu d'ici au sommet de Barcelone, au cours duquel des décisions plus concrètes seront suffisamment préparées. Naturellement, les travaux préparatoires devront se poursuivre également ensuite. 5.5. Le Comité propose de transformer la question du développement durable en expérience d'une nouvelle et vaste participation aux politiques clés de l'Union. 6. Cadre d'une décision relative à une SDD L'analyse de la Commission conclut qu'une stratégie de développement durable est non seulement nécessaire mais aussi urgente si nous souhaitons changer certaines tendances qui représentent de facto une menace pour notre potentiel vital et celui de nos enfants. Le CES soutient pleinement cette conclusion. Un processus de changement doit commencer quelque part à un certain moment et selon toute probabilité, il est à présent temps de lancer ce processus. Nous disposons actuellement d'une multitude d'analyses sur lesquelles baser les décisions et d'un potentiel de recherche et de développement considérable. Par ailleurs, la situation économique dans l'Union n'a jamais été aussi bonne depuis de nombreuses années. En outre, d'importants groupes au sein de notre société sont très préoccupés par des questions fondamentales liées à la santé et à l'alimentation, pour ne mentionner que deux aspects. Il est donc probable que le grand public soutiendra le lancement d'un processus de changement allant dans le sens d'un développement durable. 6.1. Équilibrer les trois piliers 6.1.1. Le concept de stratégie durable peut être décrit comme la stratégie de Lisbonne (durabilité économique et sociale) à laquelle est venu s'ajouter un troisième pilier, la durabilité environnementale. La stratégie de développement durable devrait renforcer l'interconnexion entre ces trois piliers. Elle devrait combiner une économie dynamique à une société offrant à chacun sa chance, tout en améliorant l'efficacité des ressources et en dissociant la croissance de la dégradation de l'environnement. 6.1.2. Le document consultatif propose une liste de six domaines d'actions possibles. L'emploi, qui constitue l'un des éléments-clés de la stratégie de Lisbonne, ne figure pas expressément parmi ceux-ci. En l'absence de taux élevés d'emploi, la durabilité économique et sociale ne sera pas possible. L'emploi est à la fois un moyen et une fin en lui-même. Le Comité recommande que l'emploi soit ajouté à la liste, ainsi que la question de la démographie. 6.1.3. Le pilier social devrait en outre comprendre d'autres thèmes. La cohésion au sein de l'Union dépendra non seulement de facteurs économiques mais également de la compréhension et des échanges culturels. En fait, l'héritage culturel européen fait partie intégrante du modèle social européen. Une politique de développement durable doit tenir compte de la nécessité d'une plus grande prise de conscience de l'héritage de valeurs culturelles européennes dans les coutumes et les schémas comportementaux. 6.1.4. Le modèle social européen est en perpétuelle évolution, car les temps et les sociétés changent. Le développement durable viendra renforcer cette évolution, en particulier en ce qui concerne le besoin de solidarité entre les peuples et les générations. 6.2. Thèmes majeurs 6.2.1. En raison de sa complexité, le développement durable est un phénomène difficile à décrire ou à identifier. Il ne fait aucun doute que sa présentation à l'opinion publique devra s'accompagner de quelques nouveaux slogans accrocheurs. 6.2.2. L'une de ces accroches majeures pourrait concerner la responsabilité: l'Europe devrait devenir la région la plus responsable du monde pour l'environnement et l'humanité. 6.2.3. Un autre thème pourrait être consacré aux deux générations, l'actuelle et la prochaine: l'Europe devrait déterminer les choix à faire pour mettre en place de bonnes conditions de vie, y compris pour la prochaine génération, en ce qui concerne le développement économique, social et environnemental. 6.2.4. Le Comité souligne l'importance du débat entre les générations, eu égard en particulier à son intérêt pour d'importants groupes de citoyens. 6.3. Relation entre la SDD et d'autres stratégies et programmes politiques de l'UE 6.3.1. La stratégie de développement durable doit souligner la nécessité de cohérence politique entre plusieurs stratégies et programmes de l'UE, notamment les processus de Luxembourg et de Cardiff, le 6e programme-cadre pour l'environnement, les grandes orientations économiques, etc. 6.3.2 Ces stratégies et programmes ne pourront être coordonnés et planifiés avec succès en tant que parties intégrantes de la stratégie de développement durable que s'ils font l'objet d'un suivi constant. De nouvelles structures horizontales à tous les niveaux de gouvernement seront nécessaires. 6.3.3. Le document consultatif indique qu'il existe actuellement environ 60 stratégies et programmes pertinents au niveau de l'UE. Hormis le fait évident que les stratégies et programmes ont été autorisés à proliférer très généreusement, les stratégies inhérentes à une SDD démontrent la nécessité absolue d'une meilleure cohérence politique dans la fixation des objectifs et dans leur mise en oeuvre. 6.3.4. Il pourrait également être utile de recourir systématiquement à une procédure d'évaluation d'impact sur la durabilité avant de lancer de nouveaux programmes. 6.3.5. Cette cohérence politique implique également la définition d'indicateurs d'évaluation et de suivi. Les indicateurs devront être cohérents, c'est-à-dire qu'il faudra prévoir un nombre limité d'indicateurs réellement essentiels à l'évaluation et au suivi de la SDD dans son ensemble et des différentes stratégies intégrées. Il est trop facile de produire des montagnes de statistiques d'une utilité limitée. 6.4. La SDD et les parties concernées 6.4.1. La SDD en tant qu'élément de la stratégie de Lisbonne ne sera jamais un succès sans la participation active des organisations concernées. Cette question a récemment été soulevée par plusieurs organisations de ce type. Le Comité partage leur opinion générale selon laquelle la SDD aura d'importantes difficultés à décoller sans le soutien actif des parties concernées. 6.4.2. La participation des acteurs concernés devrait être prévue à la fois au niveau de la mise en oeuvre et du suivi, et de la révision des objectifs et cibles précédents. 6.4.3. La définition des parties concernées doit être très large. La société civile organisée a donc effectivement un rôle important à jouer. 6.5. Vision et direction 6.5.1. Le document consultatif n'aborde pas les questions de vision et de direction. L'on peut avancer qu'une stratégie de développement durable ne sera jamais réalisable dans la pratique en l'absence de ces deux éléments. Les partis politiques, les organisations de la société civile et les gouvernements devront prendre la direction des débats sur les visions possibles. Même si les visions sont supposées être à long terme (20-25 ans), elles ne devraient pas aller au-delà de la prochaine génération. Il s'agit en fait d'un laps de temps que la plupart des adultes considèrent comme naturel et adéquat. 6.5.2. Le Conseil européen de Lisbonne a défini un objectif selon lequel l'UE doit être la région la plus compétitive et la plus compétente du monde d'ici 2010. Cet objectif rassemblait plusieurs thèmes et valeurs très porteurs: il englobait des objectifs de croissance, d'emploi et de compétitivité similaires à ceux définis dans le livre blanc de la Commission de 1993. Les objectifs du livre blanc avaient été approuvés comme réalistes et visionnaires. 6.6. Créer une société de la connaissance 6.6.1. Une société caractérisée par des politiques de développement durable est par définition une société basée sur la connaissance. De nouveaux progrès en matière de transports et de production d'énergie demandent de nouveaux efforts considérables dans la recherche et le développement. Les produits devront reposer sur un élément de connaissance plus important pour pouvoir garantir une utilisation plus efficace des ressources naturelles dans la production. 6.6.2. Les ressources humaines seront plus importantes que les ressources financières et naturelles. La demande et les besoins en matière d'investissements plus élevés dans la qualification et l'apprentissage tout au long de la vie seront considérables. Par ailleurs, il faudra que les systèmes éducatifs prennent bien soin de chaque enfant, afin d'éviter les décrochages. 6.6.3. La stratégie de Lisbonne a défini une plate-forme qui permettra de construire une société européenne de la connaissance. Une stratégie de développement durable ne peut que souligner davantage l'importance de cette plate-forme. 6.7. Un monde du travail en mutation 6.7.1. Les transitions dont feront l'objet les emplois dans l'industrie et le secteur productif devront s'accompagner d'investissements considérables et durables dans la requalification et la reformation de la main-d'oeuvre. 6.7.2. Des relations industrielles nouvelles et opérationnelles seront indispensables dans un monde du travail caractérisé par des investissements élevés dans la formation et la recherche. 6.7.3. La qualité du travail sera un thème essentiel, comme il a déjà été indiqué lors du sommet de Stockholm. 6.7.4. Les questions relatives au monde du travail comprendront également l'environnement de travail. Le secteur des TIC révèle déjà de nouvelles formes de stress et de fatigue. Le monde du travail basé sur la connaissance demandera de nouveaux efforts pour contrecarrer les éventuels effets négatifs. Les syndicats ont une responsabilité particulière à cet égard. 6.7.5. Dans tous ces domaines, les objectifs ébauchés dans le processus de Lisbonne peuvent également intégrer des objectifs d'une stratégie de développement durable. 6.7.6. La stratégie de Lisbonne comprend l'objectif du plein emploi, qui doit être pleinement soutenu dans le cadre de la stratégie de développement durable. 6.7.7. Le vieillissement de la population ainsi que la diminution de la main-d'oeuvre et de la population constituent un autre ensemble de défis. Il est évident, et également conforme à la nouvelle directive(2) interdisant la discrimination fondée sur l'âge, que de nouvelles incitations devront être développées afin de motiver les travailleurs plus âgés à rester plus longtemps dans la vie active. 7. Priorités d'une SDD pour l'Union européenne 7.1. Le Comité a pris acte de la proposition finale de stratégie de la Commission européenne. Étant donné le délai trop court dont il disposait pour pouvoir examiner de manière approfondie ce document important, le Comité se limite dans le présent avis à émettre des observations d'ordre général sur les objectifs et les procédures. Il publiera ultérieurement un avis plus détaillé à la lumière des conclusions du sommet de Göteborg. 7.2.1. En premier lieu, le Comité marque sa satisfaction quant au fait que la stratégie se présente sous une forme concentrée, qu'elle privilégie un nombre limité de problèmes où l'élément durable fait clairement défaut, qu'elle souligne clairement qu'il s'agit du début d'un long processus politique, et qu'elle insiste sur la nécessité de procédures suffisantes de consultation à chaque étape et pour chaque action. 7.2.2. La Commission a indiqué dans la proposition comment la nouvelle stratégie peut s'intégrer dans le processus de Lisbonne et constituer un élément de la même méthode annuelle d'évaluation et de suivi. Cela est d'une importance essentielle, étant donné la nécessité d'une meilleure cohérence entre les politiques de traitement des problèmes économiques, sociaux et environnementaux. 7.2.3. La Commission souligne à juste titre que l'on ne saurait uniquement faire supporter, en dernier ressort, à telle ou telle catégorie la responsabilité des résultats des travaux de construction d'une société plus durable, mais que cette responsabilité doit être partagée collectivement par toutes les institutions et par tous les citoyens. 7.2.4. Dans un sens plus large, le Comité aurait souhaité que l'accent soit davantage mis sur la recherche et le développement; il conviendrait que le nouveau 6e programme-cadre soit plus étroitement aligné sur les objectifs de la SDD. 7.3.1. Quant au sommet de Göteborg, le Comité aimerait définir quelques priorités générales d'une stratégie de développement durable pour l'Union. Pour des raisons évidentes, ces considérations reposent sur de précédents travaux du Comité. 7.3.2. Procédure: le Comité économique et social propose que le sommet de Göteborg se consacre à un nombre limité d'objectifs plus généraux de développement durable et invite la Commission ainsi que les autres organes pertinents à présenter davantage de propositions concrètes lors du sommet de Barcelone qui se tiendra en mars l'année prochaine. Cela permettrait de lancer un vaste processus de consultation et de participation dans toute l'Union, et d'obtenir un soutien satisfaisant pour les actions plus concrètes envisagées. 7.3.3. Délai: le Comité propose que les objectifs de la SDD couvrent deux périodes, l'une à moyen terme (jusque dix ans), l'autre à long terme (20-25 ans). 7.3.4. Évaluation: les objectifs choisis devraient pouvoir être définis de manière à ce que leur mise en oeuvre puisse être mesurée. Des indicateurs pertinents devront être identifiés. 7.3.5. La stratégie de développement durable devrait être intégrée à la stratégie de Lisbonne et faire partie du suivi annuel. 7.3.6. Objectifs de développement durable: le Comité estime nécessaire que des objectifs soient définis dans quatre domaines, à savoir les transports, la production d'énergie, l'agriculture et le changement climatique. 7.3.7. Niveau de détail: le Comité propose que les décisions prises à Göteborg n'entrent pas trop dans le détail. 7.3.8. Changement climatique: le Comité soutien pleinement le protocole de Kyoto et sa mise en oeuvre, tout en soulignant la nécessité d'aller plus loin. 7.3.9. Vieillissement de la population: le vieillissement de la population constitue un ensemble de défis pour la stratégie de développement durable. C'est une question complexe, qui concerne à la fois l'allongement de la vie active et les nouveaux efforts à fournir en matière d'assistance aux personnes âgées, domaines dans lesquels les États membres ont beaucoup d'expérience en commun. Le sommet de Göteborg devrait fixer un délai pour la présentation par la Commission d'un rapport comparatif actualisé sur les meilleures pratiques visant à faciliter l'emploi des travailleurs plus âgés. 7.3.10. Faible taux de fécondité: la Commission a indiqué précédemment qu'elle envisagerait la présentation de certaines idées pour encourager les États membres à lancer des actions de soutien aux familles visant à permettre aux parents de concilier vie familiale et vie professionnelle. Le Comité approuverait une initiative de la Commission, et propose que le sommet de Göteborg examine également ce thème dans ses conclusions. 7.3.11. Réseaux scientifiques: la stratégie de développement durable doit être soutenue vigoureusement, également par la communauté scientifique. La masse critique nécessaire de ressources scientifiques peut être rassemblée grâce à la mise en réseau des instituts de recherche. Le Comité propose de désigner un ou plusieurs coordinateurs de réseaux scientifiques. Ces coordinateurs pourraient être les institutions universitaires de Göteborg elles-mêmes, qui assument déjà cette fonction. 8. L'élargissement et la stratégie de développement durable 8.1. L'adoption d'une stratégie de développement durable pour l'UE aura d'importantes conséquences pour les pays candidats. Bien que la SDD ne fasse pas partie de l'acquis communautaire, il est prévu que les pays candidats deviennent partenaires de cette stratégie en tant que membres de l'Union. En un sens, il ne s'agit pas d'un nouveau défi. Ces pays ont déjà participé aux décisions de la conférence de Rio et à son suivi. 8.2. Toutefois, dans ses formes plus concrètes, la stratégie de l'UE pour le développement durable représentera sans aucun doute de nouveaux défis et de nouvelles tensions pour les ressources financières, qui sont déjà limitées. Elle demandera également, entre autres, de nouveaux investissements dans les ressources humaines et dans la motivation des citoyens pour qu'ils modifient leur schéma de vie et de consommation. 8.3. Ce serait un tort de sous-estimer la portée des défis auxquels les pays candidats pourraient être confrontés dans la stratégie de développement durable. Ces pays n'ont guère de tradition de protection de l'environnement. La question des tendances non durables n'est pas à l'avant-plan du débat politique. 8.4. Le Comité propose que l'UE fournisse des efforts particuliers pour permettre aux pays candidats qui le souhaitent d'être intégrés dans le processus de la stratégie de développement durable à un stade précoce, c'est-à-dire avant même qu'ils ne deviennent membres de l'Union. 8.5. Le Comité propose d'envisager l'attribution de ressources financières spécifiques pour aider les pays candidats à s'intégrer pleinement dans la stratégie de développement durable. 9. Le rôle du CES dans la surveillance et le suivi de la stratégie de développement durable 9.1. La société civile organisée devrait participer activement à la préparation, à la mise en oeuvre et au suivi de la stratégie de développement durable. Le Comité économique et social occupe une position unique parmi les institutions européennes, en raison de sa large représentativité de la société civile. 9.2. Le Comité propose que sa participation au soutien de la stratégie de développement durable soit divisée en trois parties. 9.2.1. Rôle de forum: une mise en oeuvre réussie de la stratégie nécessite une bonne communication à partir de et vers la base. Le CES et les organisations qui y sont représentées peuvent jouer un rôle essentiel à cet égard. Dans la proposition de stratégie, la Commission fait part de son intention d'organiser deux fois par an une manifestation dénommée "forum des intéressés" et invite le Comité à participer à l'organisation de cette manifestation. Le Comité accueille favorablement les projets de la Commission en vue de l'organisation de ces auditions et se déclare disposé à y participer en tant que coorganisateur. 9.2.2. Rôle de mobilisation: en étroite relation avec le rôle de forum du CES, les organisations membres peuvent agir au niveau national et local afin de sensibiliser la population à ces thèmes, de lancer des débats, de canaliser les avis et d'agir comme communicateur au sens large du terme. 9.2.3. Rôle de gardien de la qualité: la Commission aura la responsabilité générale de l'évaluation et du suivi de la stratégie de développement durable, et également de la production de matériel statistique. Toutefois, un travail d'évaluation sous d'autres formes sera également nécessaire. Le Comité souhaite jouer le rôle de gardien en se concentrant sur les évaluations qualitatives de la mise en oeuvre, et en publiant éventuellement un tableau d'affichage annuel. Un tel exercice pourrait contribuer au sommet européen annuel de suivi des stratégies de Lisbonne et de développement durable. Bruxelles, le 31 mai 2001. Le Président du Comité économique et social Göke Frerichs (1) Communication de la Commission, en date du 15 mai, pour le Conseil européen de Göteborg. (2) Directive 2000/78/CE du Conseil du 27.11.2000.