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Document 52001AE0704

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes dans le domaine de l'aviation et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne"

OJ C 221, 7.8.2001, p. 38–44 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52001AE0704

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes dans le domaine de l'aviation et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne"

Journal officiel n° C 221 du 07/08/2001 p. 0038 - 0044


Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes dans le domaine de l'aviation et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne"

(2001/C 221/05)

Le 22 décembre 2000, le Conseil a décidé de saisir le Comité économique et social, en vertu de l'article 80, paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne, d'une demande d'avis sur la proposition susmentionnée.

La section "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", qui était chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 mai 2001 (rapporteur: M. von Schwerin).

Lors de sa 382e session plénière des 30 et 31 mai 2001 (séance du 30 mai 2001), le Comité a adopté le présent avis par 112 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1. Introduction

1.1. Dans son introduction, la Commission rappelle la nécessité de définir, pour apporter un complément logique à la réglementation qui établit le marché intérieur du transport aérien, une réglementation commune applicable dans le domaine de la sécurité aérienne. Le système actuel, qui repose sur le règlement (CE) n° 3922/91 et les travaux des Joint Aviation Authorities (JAA)(1), a fait la preuve, selon la Commission, de son incapacité à fonctionner convenablement. Le système actuel est considéré comme critiquable pour sa lenteur, sa rigidité et pour sa fréquente absence de conformité avec les obligations et les politiques de la Communauté.

1.2. Afin de remédier aux défauts constatés dans le système actuel, et pour créer un organe européen de sécurité qui soit comparable à la Federal Aviation Authority (FAA) américaine, le Conseil a adopté le 16 juillet 1998 une décision autorisant la Commission à ouvrir des négociations avec les États tiers membres des JAA en vue de la conclusion d'un accord instituant une Autorité européenne de la sécurité aérienne (AESA) qui aurait la forme juridique d'une organisation internationale et serait chargée de toutes les missions liées à la réglementation de la sécurité aérienne.

1.3. Toutefois, la Commission a manifesté des doutes quant à la faisabilité de ce système, compte tenu des problèmes constitutionnels qu'il soulève pour certains États membres, des longues procédures qu'il suppose et de l'incertitude qui existe à propos de la question de savoir si le Parlement européen et les parlements nationaux seraient disposés à accepter la large délégation de compétences que ce système implique. À l'invitation du Conseil, la Commission a présenté l'analyse d'une éventuelle solution de remplacement à caractère communautaire, solution que le Conseil a considérée comme étant la manière la plus réaliste de progresser. La proposition dont il s'agit ici reprend la solution de remplacement à caractère communautaire.

2. Contenu essentiel de la proposition de la Commission

2.1. L'exposé des motifs dont la Commission accompagne la proposition contient les éléments suivants:

2.2. La réalisation des objectifs posés à l'origine et la mise en oeuvre des moyens qui s'y rapportent nécessitent la création d'une Agence spécialisée ayant un niveau élevé d'expertise. En outre, la Commission estime que pour pouvoir remplir efficacement son rôle de protection des intérêts du public à l'intérieur et de promotion des conceptions européennes à l'extérieur, l'Agence en question doit être dotée de pouvoirs réels et jouir de l'indépendance nécessaire.

2.3. Toutefois, la Commission est aussi d'avis que l'exercice de pouvoirs d'exécution et le contrôle de la mise en oeuvre des règles et règlements sont une prérogative de la Commission. La délégation de cette prérogative à un autre organe ne peut s'effectuer que sur la base de règles limitant le pouvoir d'appréciation de cet organe aux questions techniques qui entrent dans son champ de compétences.

2.4. Ainsi, afin de rester en conformité avec cette description de l'architecture institutionnelle, la Commission propose une démarche en deux étapes:

- La proposition contient des principes fondamentaux concernant la certification et la maintenance des produits aéronautiques et fixe des exigences essentielles fondées sur l'annexe 8 de la convention de Chicago et sur le droit communautaire existant en matière de protection de l'environnement.

- Pour ce qui concerne tous les autres domaines de la sécurité aérienne, et en particulier les aspects relatifs à la sécurité dans les opérations aériennes, dans l'octroi de licences pour les équipages de conduite, dans l'exploitation des aéroports et dans la gestion de la circulation aérienne, des principes fondamentaux et des exigences essentielles devront être arrêtés en temps utile, selon les procédures législatives normales, afin de compléter le règlement qui est maintenant proposé.

Ainsi, la proposition limite sa portée aux aspects de la sécurité aérienne qui concernent les produits et qui sont importants pour l'industrie aéronautique européenne, et elle ne traite pas des aspects relatifs au fonctionnement des compagnies aériennes, non plus que des aspects relatifs aux aéroports et à la circulation aérienne.

2.5. Le système que propose la Commission se fonde, quant à lui, sur les principes suivants:

- le Parlement européen et le Conseil définissent des principes fondamentaux de réglementation et des exigences essentielles qui fixent le niveau requis en matière de sécurité et de protection de l'environnement;

- pour ce qui concerne les modalités de mise en oeuvre des exigences essentielles, en particulier la procédure à suivre pour obtenir les homologations nécessaires, les privilèges attachés à ces homologations, ainsi que les normes techniques applicables, c'est la solution de la délégation à la Commission qui a été retenue.

2.6. Comme cela est indiqué au paragraphe 2.4, la Commission envisage d'appliquer ce système aux produits aéronautiques et à leur maintenance. Pour ce qui concerne les principes fondamentaux et les exigences essentielles en matière d'opérations, de personnel, d'aéroports et de services de contrôle de la circulation aérienne, l'article 7 prévoit simplement que la Commission présente, le cas échéant, des propositions dans ces domaines. C'est donc une démarche "à deux vitesses" qui est adoptée ici et qui distingue, pour le moment, les produits aéronautiques des autres aspects de la sécurité aérienne.

2.7. Dans les cas où des règles doivent être appliquées par les États membres, ces règles devraient être fixées par le Parlement européen et le Conseil. La Commission aurait ensuite la faculté de les compléter lorsqu'elles visent des domaines techniques très spéciaux et de les adapter au progrès scientifique ou technique, si celui-ci est de nature spécifique. Cela s'appliquerait en particulier aux exigences en matière de certification des opérateurs aériens ou en matière d'octroi de licences pour les équipages de conduite, matières qui, à ce stade, n'entrent pas dans le champ d'application de la législation proposée, mais à propos desquelles des dispositions devront être adoptées en temps voulu.

2.8. La Commission estime que pour ce qui concerne les produits, la situation est différente. La meilleure méthode pour assurer l'uniformité serait la certification centralisée. De plus, compte tenu de la rapidité avec laquelle évoluent les technologies, il n'est pas jugé souhaitable de spécifier à l'excès les détails techniques au niveau législatif. La Commission serait ainsi habilitée à adopter les règles d'application nécessaires. L'Agence disposerait d'un pouvoir d'appréciation technique pour déterminer la conformité du produit aux exigences essentielles.

2.9. Pour les produits, les règles d'application seraient principalement des prescriptions de procédure, telles qu'elles figurent dans les codes communs de navigabilité(2) (Joint Airworthiness Requirements ou JAR) des JAA. L'Agence serait habilitée à délivrer des certificats attestant de la conformité des produits avec les exigences essentielles, parce que cela est considéré comme relevant d'une pure appréciation technique.

2.10. Concernant la maintenance, domaine où l'on envisage pas de centralisation, la Commission propose une démarche mixte, en vertu de laquelle la Commission serait habilitée à adopter les règles d'application nécessaires de façon suffisamment détaillée, en se fondant sur les JAR existants et applicables.

2.11. L'article 46 prévoit que l'Agence est investie de pouvoirs d'investigation (évoqués aussi sous l'appellation d'"inspections") afin de pouvoir exercer les fonctions qui lui sont attribuées par le règlement. Deux types spécifiques de pouvoirs d'investigation particuliers sont, de surcroît, définis aux articles 47 et 48. Afin d'assurer une application correcte des règles de sécurité, l'Agence est habilitée à procéder à des inspections auprès des États membres (article 47), dans le cadre d'une assistance à la Commission, et dans les entreprises (article 48).

2.12. Enfin, la Commission a prévu un mécanisme de contrôle juridictionnel. Afin d'éviter que des affaires à caractère technique ne soient soumises à la Cour de justice, il est proposé de mettre en place une première instance spécialisée sous forme de chambres de recours. Les membres de cette instance (ou de ces instances) seront désignés par le conseil d'administration de l'Agence à partir d'une liste de candidats qui aura été dressée par la Commission (articles 31 à 36).

3. Observations générales

3.1. Objectif général

3.1.1. Le Comité approuve l'objectif poursuivi par la politique communautaire en matière de sécurité aérienne, et accueille avec satisfaction la proposition de la Commission.

3.1.2. Le Comité partage le sentiment selon lequel il y a besoin de mettre en place une organisation forte, disposant de pouvoirs étendus dans tous les domaines de la sécurité aérienne et qui soit aussi capable, potentiellement, d'assumer, dans les cas où il apparaît qu'une action collective est plus efficace, des missions d'exécution qui sont actuellement du ressort national. Le Comité approuve le sentiment exprimé par le Parlement européen selon lequel il convient d'instituer une autorité de réglementation unique pour ce qui concerne la sécurité aérienne, autorité ayant pour mission première d'assurer de manière uniforme un niveau élevé de sécurité en Europe par l'intégration progressive des systèmes nationaux. Le Comité marque son accord avec la Commission sur le fait que pour parvenir à mettre en place un tel organe, il convient d'utiliser au mieux le cadre que fournit l'Union européenne. Le Comité accueille avec satisfaction la proposition de la Commission visant à fixer des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et à créer une Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).

3.2. Le Comité n'en a pas moins un certain nombre de critiques à exprimer sur des points qu'il y aurait lieu de traiter. Le Comité juge essentiel que le règlement proposé puisse effectivement atteindre les objectifs qu'il se fixe expressément. Bien que la proposition actuelle de la Commission constitue une initiative de caractère imaginatif et novateur, cette proposition ne semble pas encore pouvoir tenir ses promesses. Elle contient encore un certain nombre d'éléments incertains et d'incohérences qu'il faut éliminer. Mais, et cela est plus important, l'on constate que sur un certain nombre de points, la proposition pourrait être sensiblement améliorée. Le Comité rappelle l'observation qu'il a présentée dans un avis antérieur, à savoir qu'il importe que l'Agence soit en mesure de fixer toutes les règles applicables à la sécurité aérienne(3). La proposition devrait garantir la réalisation effective de cet objectif en temps opportun.

3.3. La démarche proposée

3.3.1. Le Comité constate que la proposition de la Commission s'appuie sur les travaux réalisés et sur l'expérience acquise suite à l'application du règlement (CE) n° 3922/91 relatif à l'harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le domaine de l'aviation civile.

3.3.2. Le Comité marque sa satisfaction quant au fait que la proposition tienne compte comme il se doit des opinions qui ont été exprimées par le Parlement européen et par le Conseil lors des précédentes discussions auxquelles a donné lieu le projet de convention, et quant au fait que la Commission ait collaboré étroitement avec le Conseil pour l'élaboration de la proposition dont il s'agit ici.

3.3.3. Le Comité constate avec plaisir que la Commission a présenté une démarche imaginative et réfléchie qui comporte des conceptions novatrices dans la recherche de la réalisation des objectifs affirmés.

3.4. Critiques et suggestions

3.4.1. L'autonomie de l'Agence

3.4.1.1. En ce qui concerne les produits et leur maintenance, la proposition envisage l'application d'un système de délégation de pouvoirs à la commission. Le Comité reconnaît qu'en matière d'application de règles, la délégation de pouvoirs à la Commission est à la fois utile et souhaitable. Néanmoins, la proposition pourrait apporter davantage de précisions concernant les cas où le rôle nécessaire de surveillance qui appartient au Parlement européen et au Conseil demeurerait intact.

3.4.1.2. En outre, si le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par la Commission pour donner corps à l'idée d'une Agence autonome, il se demande toutefois s'il n'y aurait pas place, dans le cadre institutionnel actuel, pour une position plus indépendante de l'AESA, en particulier lorsqu'il s'agit de définir des règles et des normes qui sont hautement techniques.

3.4.1.3. Le Comité constate que la proposition accorde effectivement une certaine latitude à l'Agence pour ce qui est de fournir des matériels d'information et d'indiquer des moyens acceptables de mise en conformité. La question de savoir si cela est à considérer comme de l'activité réglementaire ou de l'activité politique pourrait donner matière à discussion. Le Comité constate qu'il existe à coup sûr, dans la proposition, une certaine latitude de manoeuvre à cet égard, qui permet d'affirmer que l'Agence dispose bien de pouvoirs indépendants pour l'application de règles techniques. La Commission a elle-même introduit dans la proposition un certain degré d'indépendance qui, en soi, est un sujet de satisfaction.

3.4.1.4. Le Comité accueille avec satisfaction le fait que figure dans la proposition le principe selon lequel le législateur ne serait pas chargé de régler intégralement et jusque dans le détail les questions techniques, ce qui renforcerait sa fonction de contrôle et sa fonction politique. S'il est vrai que cela est effectivement pertinent pour ce qui est du Parlement et du Conseil, le Comité se demande si cela ne serait pas aussi pertinent pour ce qui concerne la Commission. Il est particulièrement important dans le domaine de la sécurité aérienne que la décision sur ce que doit être le régime fondamental de sécurité soit prise au niveau politique approprié (il y a donc là une occasion évidente pour le Parlement européen et le Conseil de prendre leurs responsabilités). La base sur laquelle reposent les différents éléments du dispositif de sécurité relèvent aussi de la compétence de l'instance réglementaire, c'est-à-dire soit directement le Parlement européen et le Conseil, soit par délégation, la Commission. Toutefois, il ne paraît pas souhaitable que l'instance réglementaire aille trop avant dans les détails techniques, car cela pourrait avoir pour conséquence automatique une responsabilité politique en cas d'accident. C'est ici qu'interviendrait le rôle de l'Agence, organe expert dans ces domaines. Ce qui, dans des circonstances normales, dans le cadre d'un droit national, constituerait une délégation supplémentaire de pouvoirs réglementaires à une Agence, ne paraît pas être possible aux termes du traité.

3.4.1.5. Dans son exposé des motifs, la Commission s'en tient à une stricte interprétation de la jurisprudence de la Cour, qui a jugé qu'une délégation de pouvoirs n'est permise que quand cette délégation "vise des pouvoirs d'exécution nettement délimités et dont l'usage, de ce fait, est susceptible d'un contrôle rigoureux au regard de critères objectifs fixés par l'autorité délégante".

3.4.1.6. Ainsi, la Commission ne limite la délégation de pouvoirs accordée à l'AESA que pour la question de la certification de type. Initialement, la proposition se concentre sur les produits. La conception proposée par la Commission est qu'il faut une certification centralisée pour les produits. De plus, étant donné la rapidité des progrès technologiques, il n'est pas bon de spécifier à l'excès les détails techniques. Bien qu'il ne soit apporté aucune justification précise de cette affirmation, le Comité estime que cela pourrait effectivement être le cas.

3.4.1.7. Toutefois, le Comité ne voit pas pourquoi une telle conclusion ne s'appliquerait pas aussi à toutes les exigences propres à l'aéronautique en matière d'opérations, de maintenance ou de personnel. De même, il semblerait que cela s'applique aux aspects relatifs à la gestion des aéroports et à la gestion de la circulation aérienne.

3.4.1.8. Il semblerait donc que la conclusion de la Commission soit valable pour tous les domaines de la sécurité technique.

3.4.1.9. Le Comité estime que l'on pourrait bien considérer que les règles d'application de nature strictement technique (information et pratiques recommandées, ou pour mieux dire: pratiques acceptables) relèvent de la jurisprudence. L'issue dépendra beaucoup de la rédaction des règlements de base présentés par la Commission et du degré de détail technique dont il s'agit. À cet égard, le Comité estime que dans l'esprit de la demande du Parlement européen et conformément à la volonté affirmée par la Commission d'octroyer l'indépendance nécessaire, l'on pourrait faire davantage pour conférer à l'Agence les pouvoirs nécessaires pour l'application technique, et notamment des pouvoirs spécifiques de réglementation technique, pourvu que la rédaction des dispositions soit suffisamment précise et effectivement limitée aux seules règles techniques, et que ces pouvoirs soient soumis à un contrôle strict de l'autorité délégante. L'interprétation du terme de "réglementation" est lourde de conséquences. Il serait difficile de déléguer le pouvoir d'adopter des réglementations juridiquement contraignantes. Toutefois, s'agissant des règles d'exécution, telles que les normes et les matériels de support, ainsi que les spécifications techniques, il semblerait que des améliorations soient possibles. Il n'y a pas de raisons de ne pas considérer ces règles comme contraignantes, tout au moins au sens où les individus et les entreprises peuvent s'y fier et les invoquer devant les tribunaux.

3.4.1.10. En outre, l'on pourrait insister davantage sur cette position indépendante dans les articles du règlement proposé où l'on constate que l'indépendance n'est pas évoquée et que le texte voudrait plutôt faire apparaître l'Agence comme une partie intégrante de la Commission. À ce stade, il semble que le rôle de l'AESA consiste principalement à apporter assistance et soutien à la Commission, et à fournir à celle-ci une expertise technique.

3.4.1.11. De toute évidence, l'AESA est étroitement liée à la Commission, et son personnel est composé de personnes ayant le statut d'agents temporaires ou de fonctionnaires de la Commission. En ce qui concerne le recours à des agents temporaires, il faudrait que la proposition envisage la nécessité de maintenir une continuité à la fois dans les effectifs et dans les connaissances spécialisées. Autant que possible, il conviendrait d'envisager des contrats à long terme.

3.4.1.12. Pour l'élaboration de propositions législatives, l'Agence n'a d'autre choix que de se conformer aux instructions de la Commission. Il y a lieu de douter que le texte donne à l'Agence une quelconque possibilité d'opposer un refus ou de prendre l'initiative. Il faudrait que l'Agence ait au moins le droit de refuser d'élaborer des réglementations qu'elle n'approuve pas du point de vue de la sécurité aérienne.

3.4.1.13. Dans les affaires internationales, l'Agence est tenue d'assister la Commission et doit donc nécessairement assumer, ou au moins partager, la responsabilité, même en cas de désaccord entre elle et la Commission.

3.4.1.14. En ce qui concerne la position du directeur exécutif de l'AESA, l'accent est mis sur l'indépendance. Il ou elle ne doit recevoir d'instruction d'aucun gouvernement, ni d'aucun organisme. Mais à l'évidence, cela ne vaut pas pour la Commission. Étant donné que la Commission est la principale instance de réglementation, il semblerait que cela soit pour le moins troublant.

Concernant le statut d'indépendance de l'Agence et la capacité de celle-ci à agir dans les matières internationales, le Conseil, en particulier, serait en mesure de renforcer le règlement.

3.4.2. Champ d'application de la proposition

3.4.2.1. Initialement, la proposition se concentre uniquement sur les produits et les appareils. Les opérations, le personnel, les aéroports et la gestion de la circulation aérienne ne sont pas du tout traités ou ne le sont pas complètement. Il semblerait qu'à propos de ces questions, la Commission considère un accord politique comme réalisable, tandis que pour les autres éléments, cela serait plus compliqué.

3.4.2.2. Le Comité estime qu'en ce qui concerne les aéroports et la gestion de la circulation aérienne, cela semble effectivement être le cas. Dans ces domaines, il y a lieu d'approfondir davantage les opinions et les conceptions avant de pouvoir envisager de les transcrire véritablement dans les textes. Toutefois, comme pour ce qui est des questions opérationnelles et des questions de personnel, et dans une certaine mesure des questions connexes de maintenance opérationnelle, il faut voir là un défaut de première importance. De ce fait, l'objectif affirmé, qui est celui d'un niveau élevé et uniforme de sécurité aérienne, n'est pas atteint.

3.4.2.3. C'est pourquoi le Comité accueille avec satisfaction l'article 7 qui prévoit qu'en ce qui concerne les principes fondamentaux et les exigences essentielles, la Commission présente, le cas échéant, dans les meilleurs délais des propositions au Parlement et au Conseil pour adoption sur la base de l'article 80, paragraphe 2 du traité.

3.4.2.4. Le Comité estime que l'article 8 (cf. l'article 56 de la proposition), là où le règlement abroge le règlement (CE) n° 3922/91, crée une situation difficile, en particulier au cas où la modification proposée du règlement (CE) n° 3922/91 pour ce qui concerne les JAR-OPS entrerait en vigueur avant l'adoption de ce règlement proposé(4). La modification concernant les JAR-OPS dans le règlement (CE) n° 3922/91 garantit, après tout, une application harmonisée des JAR-OPS dans la Communauté et constitue une première étape appréciable en direction d'une harmonisation d'envergure véritablement communautaire en matière de sécurité opérationnelle. Y renoncer au moment de l'application du règlement proposé en ce qui concerne l'AESA signifierait que tous les éléments opérationnels du règlement (CE) n° 3922/91 pourraient être perdus. Bien que l'article 56 de la proposition contienne effectivement une disposition qui pourrait s'interpréter comme ayant pour effet d'empêcher qu'il n'en soit ainsi, cet aspect requiert davantage de précisions. De plus, il faudrait que la proposition, et en particulier son annexe, garantisse que seront maintenus les avantages que comporte la modification concernant les JAR-OPS dans le règlement (CE) n° 3922/91(5). Le Comité marque son accord sur l'idée que si l'amendement concernant les JAR-OPS ne se concrétise pas, la suppression du règlement (CE) n° 3922/91 ne sera pas d'une grande conséquence, étant donné qu'actuellement, il s'applique à titre principal à des questions de navigabilité qui sont traitées de façon adéquate par le règlement proposé.

3.4.2.5. Outre son souci de préserver cet élément important, le Comité est d'avis qu'il importe que le règlement proposé aille plus loin et intègre d'ores et déjà les considérations reprises sous les deux points ci-après:

- Il conviendrait de préciser des délais et un calendrier clairement établis pour la mise en oeuvre des propositions de la Commission qui ont été évoquées et qui portent sur des dispositions nécessaires en vue d'appréhender pleinement les questions opérationnelles, ainsi que les questions de maintenance et de personnel qui revêtent une importance essentielle au regard des opérations de transport aérien dans la Communauté.

- Il conviendrait d'inclure un dispositif transitoire clair et détaillé qui reconnaisse l'activité et la position des JAA et la relation qui est la leur avec le cadre communautaire.

Le Comité reconnaît que le Conseil devrait se préoccuper de façon spécifique d'apporter à la Commission le soutien politique permettant d'intégrer les points ci-dessus.

3.4.2.6. Le Comité est d'avis que tout particulièrement en matière de sécurité, il est important de faire en sorte que les compétences et l'exercice d'autorité qui concourent à cette sécurité soient clairement identifiés et définis, en particulier pour tout ce qui concerne les pouvoirs d'investigation(6) de l'Agence, et qu'il est donc important, dans toute la mesure du possible, d'éviter une situation qui serait compliquée et qui ne serait pas transparente.

3.4.2.7. À cet égard, enfin, le Comité est d'avis que les dispositions relatives à la période transitoire et à la relation avec les activités des JAA devraient aussi préciser plus clairement quelle serait la position des États européens qui ne seraient pas liés par l'acquis communautaire. Cela suppose que l'on clarifie encore davantage l'article 54, et notamment que l'on prévoie la possibilité d'une période de transition raisonnable pour les pays reprenant l'acquis communautaire.

3.4.3. La position des parties directement concernées

3.4.3.1. Aussi bien les syndicats de salariés que l'industrie ont insisté sur le fait qu'il y a lieu d'associer étroitement les parties prenantes à toutes les phases du processus d'élaboration de réglementations. Il y a en effet de bonnes raisons de procéder ainsi. L'aviation est un univers technique hautement complexe et une grande partie du savoir-faire se trouve dans l'industrie et chez les individus qui y travaillent. C'est pour cela qu'une part importante de la responsabilité effective de l'application est déléguée à ceux qui sont "sur le terrain", dans les limites d'une stricte surveillance, bien entendu. Le Comité est d'avis qu'à l'un et l'autre niveaux d'application (c'est-à-dire la comitologie et l'AESA), l'on pourrait renforcer cette représentation et cette participation des syndicats de salariés, de l'industrie et des usagers.

3.4.3.2. Globalement, une transparence accrue serait un avantage pour la proposition, non seulement en ce qui concerne les intervenants qui relèvent directement de l'application des règles de sécurité, mais aussi en ce qui concerne les consommateurs et, sous réserve que les préoccupations environnementales soient maintenues dans le texte du règlement proposé, en ce qui concerne les intérêts environnementaux.

3.4.3.3. De plus, pour ce qui est des chambres de recours, il y a lieu de penser que l'expertise nécessaire en matière de sécurité aérienne devrait être une considération majeure lors du choix de candidats éventuels. Cette expertise serait obligatoire pour la plupart, sinon pour la totalité, des emplois auprès de l'Agence.

Le Comité est d'avis qu'il conviendrait de faire aussi une place appropriée aux responsables politiques, aux côtés des représentants de la Commission et du secteur technique.

3.4.4. Exigences fondamentales de l'OACI

3.4.4.1. Selon la Commission, le fait d'ajouter au règlement l'annexe 8 de la convention de Chicago suffit à poser les exigences essentielles auxquelles fait référence la proposition. Le sentiment du Comité est que l'annexe 8 de la convention sur l'OACI contient seulement une norme minimale à laquelle il faut que se conforment les normes nationales détaillées qui sont requises. Pour un certain nombre de catégories de produits, l'annexe 8 ne fournit aucunement d'indications, et il se pourrait que des modifications soient introduites à l'avenir dans l'annexe 8.

3.4.4.2. C'est pourquoi le Comité estime que ce problème constitue un important sujet de préoccupation, parce qu'il a des incidences directes sur l'objectif de maintien d'un niveau élevé de sécurité aérienne, et qu'il a aussi des effets sur la crédibilité de l'AESA, voire sur la crédibilité de l'ensemble du système, par rapport à nos partenaires internationaux. Néanmoins, le Comité reconnaît que pour que l'annexe 8 puisse s'appliquer dans le contexte communautaire, et compte tenu du fait que la Communauté n'est pas membre de l'OACI, l'inclusion de l'annexe 8 dans le règlement proposé serait inévitable.

3.4.5. La sécurité et l'environnement

3.4.5.1. Le Comité constate que la proposition ne se limite pas à aborder des problèmes de sécurité, mais qu'elle touche aussi à la protection de l'environnement. S'il est vrai que pour le moment, la proposition s'en tient à vouloir faire en sorte que les produits et les appareils soient certifiés conformes aux normes convenues au niveau communautaire en matière de bruit, cet élément soulève une question fondamentale, qui est celle du rôle et de la responsabilité de l'AESA et, qui plus est, celle de l'objet de ce règlement. Il se peut très bien que les considérations économiques et environnementales soient en contradiction avec les considérations de sécurité. L'équilibre à réaliser et les possibilités de choix à effectuer appartiennent au domaine politique et réglementaire, et non pas à celui de l'application ou des règles d'application. Le Comité estime qu'il convient de reconsidérer la façon dont ces éléments s'associent, compte tenu aussi de l'élargissement possible des compétences de l'AESA, qui pourrait déboucher sur cette contradiction, ainsi que sur une confusion dans la manière dont cela serait perçu par l'opinion publique.

3.4.6. Relations internationales

3.4.6.1. En son début, le règlement ne prévoit la conclusion d'aucune forme d'accord avec des pays tiers, mais prévoit seulement ce qui est décrit comme étant de la coopération. Pourtant, à l'article 9, apparaît la notion d'accords de reconnaissance mutuelle (ARM). Pour le moment, les ARM sont principalement utilisés dans le cadre de négociations commerciales. De l'avis du Comité, il y aurait lieu de faire figurer dans la proposition un texte au libellé plus large qui engloberait la coopération, les accords et les autres dispositifs internationaux.

3.4.6.2. Il n'est pas prévu de confier à l'AESA de rôle indépendant spécifique. Tous les contacts avec des instances de pays tiers (y compris la FAA) devraient avoir lieu par l'intermédiaire de la Commission. L'AESA peut, bien sûr, assister la Commission, mais elle agit toujours sous le contrôle total de la Commission, et pour le compte de celle-ci. Le Comité estime qu'il conviendrait de préciser davantage ce dispositif. L'Agence peut coopérer dans le cadre d'arrangements de travail conclus par la Commission. Le Comité constate qu'il s'agit là d'une description très vague et très incertaine, qui permet peut-être une certaine souplesse administrative, mais n'apporte aucune clarté et ne renforce pas non plus l'indépendance de l'Agence.

4. Conclusions

4.1. Le Comité est d'avis qu'il est essentiel d'instituer aussi rapidement que possible l'Autorité européenne pour la sécurité aérienne (AESA) qui est envisagée. Il faudrait que cette autorité soit en mesure de fixer toutes les règles régissant la sécurité aérienne(7).

4.2. Le Comité considère effectivement qu'il est d'une importance vitale que le règlement proposé atteigne bien les objectifs qui y sont affirmés. La proposition que présente ici la Commission constitue un premier pas imaginatif et novateur, mais elle ne semble pas encore pouvoir tenir ce qu'elle promet.

4.3. Le Comité est d'avis que la proposition contient encore un certain nombre de défauts et d'incohérences qu'il y a lieu de supprimer. Mais, et cela est plus important, la proposition demande, pour un certain nombre d'aspects, à être sensiblement renforcée.

4.4. Le Comité est d'avis que dans l'esprit de la demande du Parlement européen et conformément au souhait affirmé par la Commission de donner l'indépendance nécessaire, l'on pourrait faire davantage pour investir l'Agence des pouvoirs d'exécution requis dans le domaine technique, et notamment de pouvoirs particuliers de réglementation technique, pourvu que le texte soit libellé de façon suffisamment précise et, assurément, limité aux seules règles techniques, et que les pouvoirs en question soient soumis à un contrôle strict de l'autorité délégante.

4.5. Les articles du règlement proposé pourraient mettre davantage l'accent sur le statut d'indépendance de l'Agence, dans les cas où l'on constate que la notion d'indépendance n'apparaît pas et où l'on peut penser que l'Agence préférerait être considérée comme faisant partie intégrante de la Commission.

4.6. Concernant le statut d'indépendance de l'Agence et la capacité de celle-ci à agir dans les matières internationales, le Conseil, en particulier, serait en mesure de renforcer le règlement.

4.7. Le Comité estime que l'article 8 (cf. aussi l'article 56), par lequel le règlement abroge le règlement (CE) n° 3922/91, crée une situation difficile, surtout si l'on considère que la modification concernant les JAR-OPS dans le règlement (CE) n° 3922/91 entre en vigueur avant l'adoption de ce règlement proposé. Le Comité est d'avis qu'il conviendrait de clarifier davantage l'article 56 afin de garantir le maintien des avantages de l'OPS-UE.

4.8. Le Comité est d'avis que l'on gagnerait beaucoup à intégrer les points suivants:

- Il conviendrait de prévoir des délais et un calendrier explicites concernant les propositions de la Commission qui ont été mentionnées et qui sont nécessaires pour permettre de traiter complètement les questions opérationnelles et les questions de maintenance et de personnel dont l'importance est essentielle pour les opérations de transport aérien dans la Communauté.

- Il conviendrait d'intégrer un dispositif transitoire clair et détaillé qui reconnaisse les activités et le statut des JAA et leurs rapports avec le cadre communautaire.

4.9. Le Comité reconnaît que le Conseil devrait se préoccuper de façon spécifique d'apporter à la Commission le soutien politique permettant d'intégrer les points ci-dessus.

4.10. Enfin, le Comité estime que pour ce qui est des questions de transparence, de participation des intervenants, de transition et de relations avec les pays tiers, la proposition pourrait être sensiblement améliorée et clarifiée.

Bruxelles, le 30 mai 2001.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) Les JAA consistent en un certain nombre d'instances de réglementation de l'aviation civile qui sont convenues de coopérer pour l'élaboration et l'application de normes et de procédures de réglementation de la sécurité. À cet effet, elles élaborent et adoptent des codes communs de navigabilité, dits "JAR" ("Joint Aviation Requirements") et s'engagent à les appliquer de façon coordonnée et uniforme.

(2) Les JAA ont pour mission la certification conjointe des nouveaux aéronefs, des nouveaux moteurs et des nouvelles hélices, et ont institué un régime commun d'agrément. Outre la JAR-21 "Certification Procedures for Aircraft and Related Products and Parts" (procédures de certification des aéronefs et des produits et pièces qui s'y rattachent), les JAA ont actuellement adopté, entre autres, des codes de certification des grands avions (JAR-25), des petits avions (JAR-23) des planeurs et motoplaneurs (JAR-22), des hélicoptères (JAR-27/29), des moteurs/APU (groupes auxiliaires de puissance) (JAR-APU), des hélices (JAR-P) et des prescriptions de normes techniques (JAR-TSO).

(3) JO C 14 du 16.1.2001, p. 33, cf. les conclusions relatives au règlement (CE) n° 3922/91.

(4) JO C 14 du 16.1.2001, p. 33.

(5) Le Comité voudrait citer la remarque de conclusion qui figure dans son avis CES 1179/2000 du 19 octobre 2000, JO C 14 du 16.1.2001, p. 35: "Le Comité estime qu'il est nécessaire de créer comme prévu et aussi vite que possible l'Autorité européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (AESA) qui sera ensuite en mesure de promulguer toutes les dispositions régissant la navigation aérienne et ainsi également l'OPS-UE".

(6) Le CES note que dans la "Proposition de règlement du PE et du Conseil instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime" COM(2000) 802 final, on parle à juste titre de "visites" au lieu d'"inspections".

(7) JO C 14 du 16.1.2001, p. 33, cf. les conclusions relatives au règlement (CE) n° 3922/91.

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