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Document 51998AC1125

Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales»

OJ C 407, 28.12.1998, p. 50–55 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

51998AC1125

Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales»

Journal officiel n° C 407 du 28/12/1998 p. 0050 - 0055


Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales»

(98/C 407/09)

Le 15 mai 1998 le Conseil a décidé, conformément à l'article 100 A du Traité instituant la Communauté économique européenne, de saisir le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section de l'industrie, du commerce, de l'artisanat et des services, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 8 juillet 1998 (rapporteur: M. Malosse).

Le Comité économique et social a adopté à l'unanimité au cours de sa 357e session plénière des 9 et 10 septembre 1998 (séance du 10 septembre) l'avis suivant.

1. Conclusions et recommandations

1.1. Considérant:

1.1.1. Les effets négatifs des retards et délais excessifs de paiement, qui pénalisent notamment les PME et ont des conséquences néfastes pour l'emploi.

1.1.2. L'absence de résultats suite à la recommandation du Conseil du 12 mai 1995 ().

1.1.3. L'existence de causes structurelles, notamment une «culture des retards de paiement» dans certains États membres, ainsi que l'attitude délibérée de certains autorités publiques et opérateurs économiques.

1.1.4. Les perturbations causées au bon fonctionnement du marché intérieur -

1.2. Le Comité économique et social -

1.2.1. approuve le principe d'une directive européenne en matière de délais de paiement;

1.2.2. appuie totalement le projet en matière d'achats publics. Une information obligatoire dans les avis publiés au JOCE, des dispositions en faveur des sous-traitants et en faveur d'un «plein dédommagement» des créanciers viendraient judicieusement compléter ces propositions. À terme, le délai maximum de 60 jours par contrat devrait être réduit à 45 puis à 30 jours et ces mesures doivent s'appliquer aux institutions européennes;

1.2.3. demande de renforcer les propositions concernant les relations interentreprises afin de s'attaquer réellement aux causes structurelles des retards et délais excessifs. La directive devrait ainsi inviter les États membres les plus exposés à prévoir des dispositions réglementaires spécifiques applicables aux contrats, à renforcer leur législation contre les délais anormalement élevés, à recommander la transparence des contrats avec indication des délais et conditions de paiement et à faciliter la cession du droit à intérêt à des tiers pour les PME;

1.2.4. propose une clause de révision de la directive sous trois ans avec la possibilité d'établir un délai maximum applicable aux contrats en l'absence de résultats probants;

1.2.5. souligne l'importance de procédures de recours, simples d'accès et rapides d'exécution, et invite la Commission à perfectionner ses propositions dans ce sens;

1.2.6. propose la création d'un comité consultatif ouvert aux parties intéressées, qui pourrait fonctionner avec l'appui du CES.

2. Présentation du projet de la commission

2.1. Introduction

2.1.1. La Commission justifie son intervention législative de lutte contre les retards de paiement par le fait qu'ils constituent un facteur essentiel de mortalité des entreprises, particulièrement les PME. Elle met en avant, et à juste titre, les conséquences négatives des retards de paiement sur l'emploi.

2.1.2. Constatant la persistance de l'allongement des délais de paiement et le non-respect par les débiteurs de leurs obligations contractuelles en matière de paiement, elle juge insuffisantes les mesures prises par les États membres pour résoudre ce problème, malgré la recommandation adoptée par le Conseil le 12 mai 1995.

2.1.3. En conséquence, la Commission a décidé de proposer une directive applicable aux retards de paiement dans les transactions commerciales entre entreprises du secteur privé ainsi qu'en matière d'achats publics.

2.2. Effets sur le marché unique et sur le principe de subsidiarité

2.2.1. Les retards de paiement ainsi que la diversité des législations les concernant (droit légal à des intérêts de retard, procédures de recours, dédommagement des coûts liés au recouvrement des créances) peuvent freiner la libre circulation des biens et des services au sein du marché intérieur, et peuvent créer des distorsions de concurrence.

2.2.2. Le Plan d'action en faveur du marché unique, annoncé dans les conclusions du Conseil européen de Dublin, a défini la réduction des retards de paiement comme une priorité essentielle afin de s'assurer que tous les bénéfices du marché intérieur soient acquis avant le début de la phase III de l'UEM, et proposé un projet de directive sur la question.

2.2.3. L'insuffisance des actions entreprises par les États membres, alors que persistent les effets nuisibles des retards de paiement, justifie, en conformité avec le principe de subsidiarité (article 3 B), une intervention au niveau communautaire prenant la forme d'une directive, de manière à atteindre de façon plus satisfaisante l'objectif de lutte contre les retards de paiement dans le marché unique.

2.2.4. La directive proposée n'a pas pour objet l'harmonisation totale des droits nationaux mais le respect d'exigences minimales ainsi que la reconnaissance mutuelle de certaines dispositions et est, en cela, conforme au principe de proportionnalité guidant l'application du principe de subsidiarité (article 3 B, paragraphe 3).

2.3. Incidence des retards de paiement sur les PME

2.3.1. Les PME sont les principales victimes des retards de paiement en raison de la fragilité de leur situation financière et de l'affaiblissement de leur capacité concurrentielle (état de dépendance économique à l'égard d'un nombre limité de fournisseurs et position de faiblesse face aux grandes entreprises dont elles sont les sous-traitantes). Cette situation induit pour les PME d'importants coûts d'ordre financier pour reconstituer leur trésorerie (prêts bancaires à court terme ou découverts à taux d'intérêts élevés) mais également d'ordre administratif pour recouvrer leurs créances.

2.3.2. Les PME seront les principales bénéficiaires d'une législation communautaire efficace en matière de retards de paiement. Précisément, l'exemple des pays nordiques imposant un taux d'intérêt légal élevé démontre que les PME ont tiré avantage d'une telle législation. En effet, les PME sont généralement créancières de montants très nettement supérieurs à ceux dont elles sont redevables à l'encontre de grandes entreprises.

2.3.3. Afin de tirer pleinement avantage du fonctionnement du marché intérieur, les PME doivent pouvoir bénéficier de procédures simplifiées et accélérées de recouvrement des créances.

2.4. Secteur public

2.4.1. Les retards de paiement de la part du secteur public (administrations, collectivités territoriales, établissements publics) sont fréquents dans certains États. Cette situation est inadmissible de la part d'opérateurs qui se doivent d'encourager l'ensemble des acteurs économiques à améliorer la pratique des délais de paiement surtout quand ils disposent, de par leur volume d'achat, d'un poids économique considérable.

2.5. Initiatives récentes

2.5.1. Suite à la recommandation du 12 mai 1995 concernant les délais de paiement dans les transactions commerciales, proposant aux États membres d'améliorer la transparence des délais de règlement, une communication du 9 juillet 1997 () a conclu qu'un nombre limité d'États a adopté des mesures visant à améliorer la situation des entreprises en la matière alors que parallèlement augmentaient les délais de paiement (moyenne de 15 jours de retards en 1996).

2.5.2. En conséquence, la Commission propose le principe de l'élaboration d'une directive, confortée en ce sens par le Parlement européen dès 1996, et par le Comité économique et social en 1997 (), qui souhaitait, pour le secteur public, l'instauration de délais de paiement maximaux et d'intérêts de retard.

2.5.3. Un certain nombre d'États membres ont adopté des lois pour lutter contre les retards de paiement et les délais excessifs. Il s'agit notamment de la loi française qui fixe un délai maximum pour les denrées périssables, de la loi italienne qui établit un délai maximum pour les relations de sous-traitance, et de la loi espagnole qui impose à l'acheteur des garanties de paiement pour les règlements dépassant 60 et 120 jours. Très récemment, en 1998, le gouvernement britannique a fait adopter une loi qui apporte des innovations intéressantes, notamment la possibilité de faire requalifier par les juges un délai anormalement long, en retard de paiement et la faculté, pour une PME créditeur, de céder à un tiers ses droits à intérêt.

2.6. Consultation

2.6.1. À la suite de la consultation écrite et de l'audition publique organisée par la Commission à propos de la communication du 9 juillet 1997, l'idée d'une législation communautaire sur les retards de paiement a été favorablement accueillie par la majorité des groupements professionnels nationaux et européens représentant les entreprises, les avocats, les organismes de recouvrement de créances.

3. Observations générales du Comité

3.1. Le Comité approuve le principe d'une initiative de la Commission européenne en matière de lutte contre les délais excessifs et les retards de paiement.

3.2. Prises de position antérieures du Comité: Le CES, dans un avis sur le «document de travail de la Commission sur les délais de paiement dans les transactions commerciales» () avait déjà présenté une position sur le sujet qui peut se résumer en trois points:

3.2.1. Soutien à des recommandations aux États membres, sous réserve de la liberté contractuelle, touchant notamment la transparence des conditions de paiement et leur respect, la rigueur des délais convenus sans nécessité de mise en demeure, le cours immédiat dès l'échéance des intérêts de retard, la liberté de déterminer ceux-ci à un niveau correspondant aux taux des intérêts commerciaux, la validité des clauses pénales, le recours à l'arbitrage, l'instauration de procédures sommaires d'injonction de payer.

3.2.2. Préoccupation devant les difficultés à obtenir l'exécution, dans un État membre, d'un titre exécutoire délivré par une juridiction d'un autre État membre.

3.2.3. Demande d'une réglementation contraignante, sous forme de directive européenne, en matière de retards de paiement pour des marchés publics.

3.3. Cette position s'est trouvée confirmée, en ce qui concerne les marchés publics, par l'avis adopté par le CES le 29 mai 1997 sur le «Livre vert sur les marchés publics dans l'Union européenne: pistes de réflexion pour l'avenir» ().

3.3.1. Par cet avis, le CES s'est prononcé clairement en faveur des délais de paiement maximaux et d'intérêts sur les retards de paiement des pouvoirs publics. La Commission fait référence à cet avis dans les considérants de sa proposition (l'avis du CES sur les marchés publics en est le 4e considérant).

3.4. En ce qui concerne les transactions privées, la Commission avait, par la recommandation adoptée le 12 mai 1995 (), répondu aux préoccupations du Comité. Cependant, les statistiques les plus récentes indiquent que la situation, en matière de délais de paiement, au lieu de s'améliorer, s'est aggravée depuis 1996. Cette année a été caractérisée par un retournement à la hausse des délais de paiement, selon les enquêtes retenues par la Commission. On doit cependant s'interroger, non pas sur la réalité de cette tendance, confirmée de manière diffuse par de nombreux sondages auprès des chefs d'entreprises, mais sur l'exhaustivité de la dernière étude citée par la Commission (). On retient également le fait que cette étude n'approfondit pas les causes réelles de cette dégradation.

3.5. Les principales causes des délais et retards de paiement: Il est fondamental, avant de traiter un problème, d'en connaître avec précision les causes. Il faut distinguer les causes conjoncturelles des causes structurelles. Le ralentissement conjoncturel de l'activité économique est un facteur de risques, comme le prouvent les derniers résultats globaux de l'évolution des délais de paiement qui a été parallèle à l'évolution économique (aggravation en 1996, amélioration en 1997). En effet, en période de difficulté, les entreprises cherchent à «gagner du temps». De plus, en période difficile, on assiste souvent à un renchérissement du coût du crédit, qui peut inciter certains acteurs économiques à user des délais de paiement comme substituts à des crédits bancaires. Mais il faut constater qu'il y a aussi deux causes structurelles plus inquiétantes à l'allongement des délais: d'une part l'attitude délibérée de certains acteurs économiques, d'autant moins excusables, quand il s'agit des autorités publiques ou des grandes entreprises industrielles et de la grande distribution et d'autre part la «culture des retards de paiement», qui s'est malheureusement développée ces dernières années dans un certain nombre d'États membres, au point de devenir un comportement économique.

3.6. Les délais de paiement doivent être appréhendés en terme de risque et non plus seulement en terme de trésorerie. En soi, le crédit interentreprises est moins pervers que la mauvaise maîtrise du risque qui l'accompagne trop souvent. Aussi, en se concentrant sur la lutte contre les retards de paiement, la Commission réserve avec justesse un traitement particulier aux retards de paiement qui constituent un signe de dérive beaucoup plus préoccupant. Cependant, l'existence de délais contractuels anormalement élevés constitue aussi un risque pour l'économie, notamment quand les autorités publiques s'assurent, à bon compte, d'un crédit gratuit auprès des entreprises et reportent ainsi sur le secteur privé les ajustements budgétaires qui leur sont imposés par l'Union économique et monétaire. Des délais contractuels anormalement élevés sont aussi des signes d'un comportement culturel laxiste et sont, souvent, le résultat de situations d'abus de position dominante dont les petites entreprises sont les victimes. Aussi, il conviendrait de modifier l'intitulé de l'actuelle proposition de directive afin de faire clairement apparaître à côté de l'objectif de lutte contre les retards de paiement, celui de la réduction des délais de paiement.

3.7. Le Comité ne peut qu'être préoccupé devant cette situation, surtout face aux conséquences néfastes de ces pratiques pour les PME, souvent en situation de trésorerie fragile, et pour l'emploi qui en dépend. Le Comité ne peut qu'être choqué par l'attitude laxiste et irresponsable des pouvoirs publics qui imposent des délais excessifs ou paient leurs fournisseurs avec beaucoup de retard. Ces pouvoirs publics, qui devraient donner l'exemple, sont ainsi à la racine d'un mal qu'ils entendent par ailleurs guérir par la voie législative. Fort à propos, le Comité avait justement souligné que s'il fallait légiférer, les administrations devraient commencer par appliquer elles-mêmes des dispositions contraignantes.

3.8. La proposition de directive ne reprend pas toutes les orientations développées dans l'avis du CES de 1993 () et dans la recommandation du 12 mai 1995 en ce qui concerne l'objectif d'amélioration de la transparence tarifaire dans les contrats commerciaux. La proposition actuelle, cependant, respecte donc le principe de la liberté contractuelle, puisque pour les relations interentreprises, elle établit un délai de référence, au-delà duquel des intérêts de retard sont exigibles, qui ne s'applique qu'en l'absence d'autres dispositions contractuelles.

3.9. L'exemple des pays scandinaves, démontre, qu'à moyen terme, il y a eu un effet généralisé d'une mesure de ce type sur la réduction des délais et des retards, notamment pour les PME. Il faut cependant s'interroger sur d'éventuels effets négatifs à court terme tels que pression des grandes entreprises pour imposer des délais plus longs de manière contractuelle, problèmes de trésorerie pour le petit commerce... ainsi que sur la réelle efficacité des dispositions qui n'auront aucun effet direct sur les relations contractuelles qui, dans certains pays, ont généralisé des pratiques de délais anormalement élevés.

3.10. Proposition pour renforcer la proposition de la Commission: La lutte contre les retards de paiement répond à des préoccupations d'ordre public, du fait des dommages causés à l'économie européenne et des situations d'abus de position dominante. D'une manière ou d'une autre, l'objectif de cette directive doit être donc de réduire les délais, y compris pour les relations contractuelles. Il devrait être possible, sans porter atteinte au principe de la liberté contractuelle, d'améliorer l'efficacité de la proposition de directive de la Commission dans le sens de lutter plus efficacement contre les causes structurelles des délais excessifs.

Pour y parvenir, le Comité préconise de compléter la proposition de la Commission par les dispositions suivantes:

3.10.1. Dans un souci de subsidiarité, inviter les États membres les plus concernés par le problème, à prévoir des dispositions réglementaires s'appliquant aux contrats pour toucher des domaines où les délais excessifs sont visiblement des atteintes au bon fonctionnement du marché (distribution des denrées périssables, relations de sous-traitance...).

3.10.2. Dans un souci d'efficacité, au bout de trois années d'application de la directive avec un suivi annuel, et en l'absence de résultats significatifs de réduction des délais, prévoir dans le texte de la directive actuelle, la possibilité de rendre impératif, pour les relations contractuelles, un délai maximum qui serait appliqué de manière graduelle.

3.10.3. Dans un souci de transparence, inviter les États membres à renforcer toutes les dispositions visant à la visibilité des transactions (dans les contrats, les conditions générales de vente ...) avec des indications obligatoires des délais de paiement et d'éventuels intérêts de retard.

3.10.4. Dans un souci de saine concurrence, inviter les États membres à prévoir des dispositions de droit de la concurrence, au niveau de la lutte contre les pratiques de commerce déloyales, pour rendre illicites des clauses abusives de délais de paiement anormalement élevés dépassant le cycle moyen de vente (au-delà de 60 jours) et sans raisons légitimes. Le législateur européen pourrait s'inspirer de la loi britannique récemment adoptée qui incite les juges à requalifier des délais anormalement élevés (supérieurs au délai raisonnable estimé généralement à 30 jours) en retards de paiement avec droit à intérêt.

3.11. Autres questions à prendre en considération: Le Comité constate, à ce stade, que cette proposition ne couvre pas certains aspects de la question:

3.11.1. la question des difficultés d'exécution, dans un État membre, d'un titre exécutoire délivré par une juridiction d'un autre État membre en dépit des dispositions de la Convention de Bruxelles de 1968 non ratifiée à ce jour. En proposant une procédure accélérée et une procédure simplifiée pour des litiges de faible montant, la Commission européenne répond partiellement à cette question, mais ne résout pas la difficulté pour une PME d'obtenir justice auprès d'une juridiction d'un autre État membre;

3.11.2. l'organisation, en Europe, des activités de recouvrement des créances: liberté de prestation de services, code de déontologie, licences et droit d'établissement. On pourrait, à cet égard, s'inspirer de la loi britannique et recommander aux États membres de rendre possible, dans leur législation, la cession du droit à intérêt à des tiers. Cette mesure permettrait notamment d'encourager les PME à utiliser les sociétés de recouvrement à moindre frais et, en «décentralisant le conflit», de minimiser les risques de mesures de rétorsion de la part des grandes entreprises ou acheteurs publics;

3.11.3. les relations avec les consommateurs qui sont en dehors du champ d'application de la directive. Le Comité reconnaît que là il s'agit bien d'un problème différent mais ces relations peuvent être abordées sous différents angles: protection du consommateur en cas de faillite de l'entreprise, conséquences sociales du surendettement, protection des entreprises face à l'insolvabilité ou aux comportements des consommateurs: retards dans les remboursements de prestations sociales ou d'assurances. Le Comité invite la Commission à envisager des études sur ces questions afin de déterminer l'opportunité, soit d'inclure certains aspects des relations avec les consommateurs dans la directive, soit d'élaborer des propositions spécifiques;

3.11.4. l'application de la directive aux institutions européennes qui, si elle est exclue pour des raisons institutionnelles légitimes, serait politiquement appropriée.

4. Observations particulières

4.1. Article 1

Le projet de directive englobe les retards de paiement dans les transactions commerciales effectuées tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Le Comité approuve cette orientation dans la mesure où elle vise délibérément à imposer des contraintes à toutes les entités publiques, y compris pour les marchés en deçà des seuils d'application des directives européennes en matière de marchés publics.

4.2. Article 3.1.a

La solution consistant à fixer un délai, au-delà duquel des intérêts de retard sont exigibles, sauf autres dispositions contractuelles, permet aux entreprises de disposer d'un élément de référence qui devrait être susceptible, à terme, de produire un effet d'affichage et devrait aussi favoriser la détermination, au préalable, des délais et conditions de paiement lors d'une transaction.

4.2.1. La référence à 21 jours paraît peu réaliste pour des pays habitués à des délais plus conséquents. D'autre part, un délai plus long ne serait pas compris dans les pays où les 21 jours correspondent à la moyenne des délais de paiement.

4.3. La fixation du taux d'intérêt, à partir de celui de la BCE, plus une marge de huit points, est rigoureuse, mais il s'agit, ici aussi, d'une indication de référence, faute d'indications au contrat. Elle reste, cependant, très en deçà des taux habituels de découverts bancaires opposés notamment aux PME et le Comité la juge réaliste et raisonnable (cette référence reviendrait aujourd'hui approximativement à 1 % par mois). D'autant plus que les parties concernées peuvent fixer entre elles des dispositions plus souples ou que les États membres peuvent prévoir d'autres modalités dans leurs droits internes.

4.4. Article 4

La définition d'une clause de réserve de propriété au niveau communautaire affectera positivement les relations contractuelles dans le sens d'une réduction des retards de paiement en subordonnant le transfert de propriété au paiement. Même si la clause de réserve de propriété existe dans tous les États membres, son application diffère. Ainsi, elle ne devrait pouvoir être opposable que si elle a été convenue entre les parties ou sur simple déclaration du vendeur si l'acheteur ne s'y oppose pas. Par ailleurs, elle devrait être opposable en cas de faillite. Enfin, l'obligation d'enregistrement, qui est en vigueur dans certains États membres, peut être considérée comme un obstacle, surtout pour des opérations frontalières. Il faudrait préciser également, dans la directive, les conditions d'application et d'usage de la clause de réserve de propriété, de manière à prévoir son utilisation dans le cas d'une chaîne de contrats. Il faut supprimer le paragraphe 2 de l'article 4, qui limite la réserve de propriété aux créances payables en un seul versement. En effet, même s'il a été convenu que le paiement serait échelonné, elle doit s'appliquer aussi longtemps que la dette n'aura pas été totalement éteinte. Dès lors, la clause de réserve de propriété simple qui est mentionnée dans l'annexe de la directive doit s'énoncer comme suit: «Les marchandises restent la propriété du vendeur jusqu'au paiement intégral».

4.5. Articles 5 et 6

La Commission propose d'améliorer certaines procédures judiciaires. Les propositions qu'elle formule en matière de procédure accélérée de recouvrement des dettes non contestées et de procédure légale simplifiée pour les litiges de faible montant seront certainement d'une grande utilité pour les PME, car elles mettront à la disposition des entreprises des procédures rapides et peu coûteuses. Pour aller encore plus loin et sans attendre une harmonisation des procédures d'exécution, le Comité invite la Commission à proposer le principe selon lequel les titres offerts par la procédure accélérée devraient être immédiatement exécutables dans tous les États membres, étant donné que le débiteur ne s'y est pas opposé.

4.5.1. Dans une perspective à long terme, et sans remettre en cause l'opportunité des propositions visées aux articles 5 et 6, le Comité demande à la Commission de poursuivre sa réflexion en matière d'obtention de l'exécution des jugements tels qu'elle les avait développés dans sa communication: «Vers une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécution des décisions au sein de l'Europe» du 31 janvier 1998 (). On pourrait étudier le principe d'une procédure identique dans tous les États membres selon laquelle les PME saisiraient la justice de leur propre pays à l'encontre d'un débiteur d'un autre État membre et obtiendraient un titre exécutoire, même si le débiteur s'y oppose.

4.6. Articles 5 et 6

Sachant que la mise en place de dispositifs contraignants n'est pas toujours suffisante pour éviter les retards de paiement entre entreprises et que la voie judiciaire est souvent délaissée, il aurait été intéressant de développer, toujours dans le cadre de la communication de la Commission ci-dessus évoquée, des solutions favorisant la négociation contractuelle, comme l'arbitrage ou la médiation extrajudiciaire, compte tenu des nombreux avantages qu'elles présentent dans les relations d'affaires (rapidité, confidentialité, faible coût, maîtrise du processus, absence de formalisme, consensus). Une telle solution aurait répondu par ailleurs au souhait émis par le Comité, dans son avis du 30 juin 1993, de favoriser le recours à l'arbitrage.

4.7. Articles 7 et 8

La Commission propose des mesures impératives relatives aux délais de paiement applicables aux marchés publics. Actuellement les obligations imposées par les directives «marchés publics» sont suffisamment générales pour permettre finalement aux États membres de se soustraire à ce principe de transparence. L'obligation de préciser dans les contrats de marchés publics les délais et les échéances de paiement ainsi que la fixation d'un délai maximum obligatoire de paiement de soixante jours à compter de la date de la facture, sans préjudice de délais plus courts dont pourront convenir les parties, répond au souhait émis par le CES dans son avis du 7 mai 1997 sur le «Livre vert sur les marchés publics dans l'Union européenne: pistes de réflexion pour l'avenir», de voir renforcer les obligations des adjudicateurs publics vis-à-vis des entreprises soumissionnaires en matière de réduction des délais de paiement par la fixation des délais maxima avec des pénalités de retard.

4.7.1. Le Comité avait souhaité l'insertion d'un tel dispositif dans le cadre de la réglementation européenne des marchés publics. La directive présentée a l'avantage de couvrir tout le champ des achats publics, y compris ceux de petit volume qui ne sont pas couverts par les directives marchés publics. Le Comité approuve cette approche, mais souhaite que la politique européenne des marchés publics, notamment sur le plan de l'information des soumissionnaires et de la formation des adjudicateurs tienne compte de l'impératif de réduction des délais de paiement. Il pourrait être, ainsi, rendu obligatoire, dans les avis de marchés publiés au JOCE, d'annoncer les délais de paiement contractuels. Ce serait, ainsi, une excellente façon, pour les entreprises et les autorités communautaires, d'exercer un contrôle sur les pratiques des acheteurs publics.

4.7.2. En matière d'achats publics pour les grands travaux et grands réseaux européens, il faut veiller à prévoir des dispositions de garantie de bonne fin et de bonne réception avant paiement. D'autre part, les conditions d'application de la directive, notamment le bénéfice des mesures de protection (intérêts de retard, ...) doivent s'étendre à la chaîne des sous-traitants impliqués dans les projets.

4.8. La directive devrait également préciser que, pour les achats publics, le délai de 60 jours prend en compte, à la fois la procédure de mandatement (applicable dans certains pays) et de paiement. Dans tous les cas, le délai maximum de 60 jours après réception de la facture devrait être impératif.

4.9. Le Comité insiste sur le fait que les acheteurs publics doivent être soumis aux mêmes règles et obligations que les entrepreneurs privés. Il n'est pas tolérable, en effet, que des autorités publiques, du fait d'une mauvaise organisation ou de difficultés budgétaires, fassent subir aux entrepreneurs les conséquences de leurs propres problèmes. Ainsi, la directive doit prévoir aux articles 7 et 8, le droit pour le créancier de réclamer le «plein dédommagement de tout autre préjudice» à l'instar des dispositions prévues pour les transactions interentreprises (article 3.1.g). En matière de délais, si les soixante jours pour les contrats sont à considérer comme un objectif réaliste pour les pays les moins vertueux, la directive doit prévoir une clause de révision afin qu'à terme ce délai soit réduit à 45, puis à 30 jours.

4.10. Article 9

Au-delà d'un comité de représentants des États membres, dont l'objectivité en la matière est mise en doute par le seul fait qu'ils sont à la fois juges et parties, le Comité plaide pour la création d'un groupe consultatif, composé de représentants des milieux intéressés (industrie, PME, artisanat, commerce, banques, consommateurs, avocats...) installé auprès de l'Observatoire du Marché unique mis en place par le Comité. Il aurait notamment comme fonction de participer, avec les États membres et la Commission, à l'évaluation de l'impact de la directive, notamment en vue de son éventuel renforcement après trois années d'application.

Bruxelles, le 10 septembre 1998.

Le Président du Comité économique et social

Tom JENKINS

() JO L 127 du 10.6.1995, p. 19.

() JO C 216 du 17.7.1997.

() JO C 287 du 22.9.1997.

() JO C 249 du 13.9.1993, p. 21.

() JO C 287 du 22.9.1997, p. 92.

() Recommandation JO L 127 du 10.6.1995 et communication JO C 144 du 10.6.1995.

() «European payments habits survey 1996» intrum justicia, avril 1997.

() JO C 249 du 13.9.1993, p. 21.

() JO C 33 du 31.1.1998, p. 3.

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