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Document 62009CJ0253

Arrêt de la Cour (première chambre) du 1er décembre 2011.
Commission européenne contre République de Hongrie.
Manquement d’État - Libre circulation des personnes - Liberté d’établissement - Achat d’un bien immeuble destiné à être une nouvelle résidence principale - Détermination de l’assiette de la taxe prélevée sur l’acquisition de biens immeubles - Déduction sur la valeur de la résidence acquise de la valeur de la résidence vendue - Exclusion de cette déduction si le bien vendu n’est pas situé sur le territoire national.
Affaire C-253/09.

European Court Reports 2011 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:795

Affaire C-253/09

Commission européenne

contre

République de Hongrie

«Manquement d’État — Libre circulation des personnes — Liberté d’établissement — Achat d’un bien immeuble destiné à être une nouvelle résidence principale — Détermination de l’assiette de la taxe prélevée sur l’acquisition de biens immeubles — Déduction sur la valeur de la résidence acquise de la valeur de la résidence vendue — Exclusion de cette déduction si le bien vendu n’est pas situé sur le territoire national»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Restrictions — Législation fiscale — Taxe sur les mutations de biens immobiliers

(Art. 18 CE, 39 CE et 43 CE; accord EEE, art. 28 et 31)

Ne manque pas aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE, ainsi que des articles 28 et 31 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), un État membre dont la réglementation prévoit, pour le calcul de la taxe applicable lors de l'acquisition d'un bien immobilier destiné à être une résidence principale, que, si l'acquéreur privé vend son autre logement un an avant ou après l'achat, l'assiette de calcul de la taxe sera constituée par la différence entre la valeur commerciale brute du bien acheté et celle du bien vendu, à la condition que ce dernier soit également situé sur le territoire national.

Certes, en tant qu’elle défavorise, sur le plan de la taxe sur l’acquisition des biens immobiliers, les personnes désireuses de s’installer dans cet État membre en y achetant un bien immobilier par rapport aux personnes déménageant à l’intérieur de cet État membre, en ne permettant pas à ces premières de bénéficier de l’avantage fiscal en cause lors de l’achat d’un bien immobilier, cette réglementation constitue une restriction aux libertés de circulation des personnes consacrées aux articles 39 CE et 43 CE. S'agissant de l'article 18 CE, l’exclusion du bénéfice de la réduction de l’assiette fiscale des personnes se déplaçant à l’intérieur de l’Union pour des motivations non liées à l’exercice d’une activité économique peut également, dans certains cas, être de nature à dissuader ces personnes de l’exercice des libertés fondamentales garanties par ledit article.

Cette différence de traitement concerne, en outre, des situations objectivement comparables dès lors que, au regard de la taxe litigieuse, la seule différence entre la situation des non-résidents, y inclus les ressortissants nationaux ayant fait usage de leur droit de libre circulation dans l’Union, et celle des résidents, ressortissants nationaux ou d’un autre État membre, acquérant une nouvelle résidence principale dans l'État concerné, tient au lieu de leur résidence principale antérieure. En effet, dans ces deux situations, ces personnes auront acheté un bien immobilier dans cet État membre pour s’y établir et, à l’occasion de l’achat de leur résidence principale antérieure, les uns auront payé un impôt de même nature que la taxe litigieuse dans l’État dans lequel cette résidence était située, alors que les autres auront versé ladite taxe dans cet État membre.

Toutefois, cette restriction peut être justifiée par des raisons tenant à la sauvegarde de la cohérence du régime fiscal. En effet, lorsque le bien vendu est situé dans un autre État membre, l'État concerné ne dispose d’aucun droit d’imposition sur la transaction qu’avait effectuée, dans cet autre État membre, la personne décidant d’acquérir dans l'État concerné un bien immobilier destiné à être sa résidence principale. Dans ces conditions, en prévoyant que ne peuvent bénéficier de l'avantage fiscal en cause, lors de l’acquisition d’un tel bien, que les personnes qui ont déjà versé la taxe litigieuse à l’occasion de l’achat d’un bien similaire, la configuration dudit avantage fiscal reflète une logique symétrique. En effet, si les contribuables qui n’ont pas acquitté ladite taxe auparavant, au titre du régime fiscal litigieux, venaient à bénéficier de l’avantage fiscal concerné, ils tireraient indûment avantage d’une imposition à laquelle leur précédente acquisition, en dehors du territoire concerné, n’aurait pas été soumise. Il existe donc un lien direct entre l’avantage fiscal octroyé et le prélèvement initial. En effet, d’une part, ledit avantage et la charge fiscale concernent la même personne et, d’autre part, ils s’inscrivent dans le cadre de la même imposition.

En outre, cette restriction est appropriée pour atteindre l'objectif poursuivi en tant qu’elle opère de manière symétrique, seule la différence entre la valeur du bien immobilier vendu qui est situé dans l'État membre concerné et celle du bien immobilier acquis pouvant être prise en compte dans le cadre du régime fiscal en cause. De plus, ladite restriction est proportionnée à l’objectif visé dès lors que, d’une part, l’objectif de la réglementation en cause est notamment d’éviter, lors de l’achat d’une deuxième résidence principale dans cet État, la double imposition du capital investi pour l’achat de la résidence précédente entre-temps revendue et que, d’autre part, un État membre ne dispose d’aucun pouvoir d’imposition sur les transactions immobilières effectuées dans d’autres États membres. Dans ces circonstances, la prise en compte de telles transactions aux fins de réduire l’assiette de la taxe en cause reviendrait à traiter ces dernières transactions comme ayant déjà été soumises à la taxation litigieuse, alors même que tel n’aurait pas été le cas. Cette situation serait, à l’évidence, contraire à l’objectif mentionné d’éviter la double imposition au regard du système fiscal national.

Dès lors que les règles interdisant les restrictions à la liberté de circulation et à la liberté d’établissement énoncées aux articles 28 et 31 de l’accord EEE revêtent la même portée juridique que les dispositions, identiques en substance, des articles 39 CE et 43 CE, ces articles ne s'opposent pas, non plus, à la réglementation en cause.

(cf. points 58, 64, 68, 74-76, 80-82, 85, 87, 91)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er décembre 2011 (*)

«Manquement d’État – Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Achat d’un bien immeuble destiné à être une nouvelle résidence principale – Détermination de l’assiette de la taxe prélevée sur l’acquisition de biens immeubles – Déduction sur la valeur de la résidence acquise de la valeur de la résidence vendue – Exclusion de cette déduction si le bien vendu n’est pas situé sur le territoire national»

Dans l’affaire C‑253/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 8 juillet 2009,

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Hongrie, représentée par Mme R. Somssich et M. M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Safjan, M. Ilešič, E. Levits et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 septembre 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 décembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en appliquant un traitement différent à l’acquisition en Hongrie d’un bien immobilier destiné à être une résidence principale à la suite de la vente d’un autre bien de ce type, selon que le bien vendu était situé en Hongrie ou sur le territoire d’un autre État membre, la République de Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE ainsi que des articles 28 et 31 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).

 Le cadre juridique national

2        L’article 63 de la loi n° CXVII de 1995 relative à l’impôt sur le revenu (ci-après la «loi relative à l’impôt sur le revenu»), dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007, prévoyait:

«[…] le taux de la taxe applicable au revenu issu de la cession de biens immobiliers et de droits de propriété est fixé à 25 %.

[…] La taxe versée est réduite (ou ne doit pas être payée) à concurrence de la taxe appliquée à la partie du revenu issu de la cession d’un bien immobilier ou d’un droit de propriété (prime à l’achat d’un logement), dont le montant est consacré à un achat à usage résidentiel, par une personne privée, pour elle-même, un membre de sa famille proche ou un ancien conjoint, dans les 12 mois précédant la perception du revenu ou les 60 mois suivant cette date (base de la prime à l’achat d’un logement).»

3        Cette prime à l’achat d’un logement n’était attribuée que si l’investissement avait porté sur un bien résidentiel situé en Hongrie.

4        L’article 1er de la loi n° XCIII de 1990 sur les taxes (ci-après la «loi sur les taxes»), dans sa version applicable en l’espèce, se lit ainsi:

«Le paiement d’une taxe sur le patrimoine est exigé en cas de succession, de donation et de transfert de propriété à titre onéreux […].»

5        L’article 2, paragraphe 2, de la loi sur les taxes est libellé ainsi:

«Les dispositions relatives à la taxe sur les donations et les transferts de propriété à titre onéreux s’appliquent aux biens immobiliers et aux droits patrimoniaux qui y sont attachés, sauf dispositions contraires d’une convention internationale.»

6        L’article 21, paragraphe 5, de la loi sur les taxes prévoit:

«[…] Si l’acquéreur privé vend son autre logement un an avant ou après l’achat, l’assiette de calcul de la taxe sera constituée par la différence entre la valeur commerciale – brute – du bien acheté et celle du bien vendu. […]»

 La procédure précontentieuse

7        Par lettre de mise en demeure du 23 mars 2007, la Commission a attiré l’attention de la République de Hongrie sur le fait que les dispositions fiscales nationales relatives à la cession de biens immobiliers étaient éventuellement incompatibles avec les droits garantis par les articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 56 CE ainsi que par les articles correspondants de l’accord EEE.

8        La Commission a fait valoir que ces dispositions fiscales traitent de manière discriminatoire l’acquisition, en Hongrie, d’un bien immobilier à usage résidentiel qui fait suite à la vente d’une résidence précédente, en prévoyant des mesures plus favorables lorsque cette résidence était située en Hongrie et non sur le territoire d’un autre État membre. Ainsi, lesdites dispositions imposeraient plus lourdement l’achat de biens immobiliers à usage résidentiel lié à la vente d’une résidence précédente lorsque cette dernière n’était pas située en Hongrie. Aussi, en raison de leur caractère discriminatoire, ces mêmes dispositions entraveraient la libre circulation des travailleurs et des capitaux ainsi que la liberté d’établissement. La Commission déclarait également ne voir aucun motif valable susceptible de justifier cette différence de régime.

9        Dans sa lettre datée du 8 août 2007, la République de Hongrie a reconnu que la disposition figurant à l’article 63 de la loi relative à l’impôt sur le revenu constituait une infraction au droit de l’Union en vigueur et a annoncé son intention d’arrêter de nouvelles règles garantissant aux assujettis qu’ils ne seront pas traités de manière discriminatoire lors du calcul de leur impôt sur le revenu en raison de l’endroit où se situe leur bien immobilier.

10      En revanche, s’agissant de la disposition figurant à l’article 21, paragraphe 5, de la loi sur les taxes, la République de Hongrie a estimé qu’elle n’enfreignait pas le droit de l’Union.

11      Par courrier du 12 décembre 2007, la République de Hongrie a informé la Commission que le Parlement hongrois avait adopté la loi n° CXXVI de 2007 portant modification de certaines lois fiscales, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. L’article 19 de cette loi modifie l’article 63 de la loi relative à l’impôt sur le revenu, abrogeant les dispositions relatives à la réduction d’impôt qui était appliquée lors de l’achat de biens immobiliers à des fins résidentielles situés sur le territoire hongrois.

12      Dans ces circonstances, la Commission, maintenant la position exprimée dans sa lettre de mise en demeure, a émis le 27 juin 2008 un avis motivé par lequel elle invitait la République de Hongrie à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

13      La République de Hongrie a répondu à l’avis motivé par lettre du 27 août 2008, en y réitérant les considérations qu’elle avait déjà exprimées dans sa lettre du 8 août 2007.

14      N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

15      La Commission fait valoir que la législation litigieuse, et particulièrement le système de calcul de la taxe sur l’acquisition des biens immobiliers, est contraire aux articles 18 CE, 39 CE et 43 CE ainsi qu’aux articles 28 et 31 de l’accord EEE en ce qu’elle défavorise les citoyens de l’Union et de l’Espace économique européen (EEE) qui souhaitent acquérir un bien immobilier en Hongrie, dans le cadre de l’exercice de leur droit de libre circulation, en vendant simultanément leur bien immobilier situé dans un autre État membre de l’Union européenne ou de l’EEE.

16      Cette institution estime que la taxe en cause est un impôt indirect.

17      Ensuite, la Commission fait valoir que cette taxe est due lors de toute acquisition en Hongrie d’un bien immobilier destiné à être une résidence principale, mais peut être réduite, voire supprimée, si elle présente une certaine simultanéité avec la vente de la résidence précédente de l’acquéreur, à la condition que cette dernière soit située en Hongrie. En effet, si l’assiette de calcul de ladite taxe est, en vertu de l’article 21, paragraphe 5, de la loi sur les taxes, constituée par la différence entre la valeur commerciale brute du bien acheté et celle du bien vendu, seule la valeur des biens vendus situés sur le territoire hongrois peut être déduite. Dans ces conditions, en raison de la discrimination induite par le régime de la même taxe, les personnes qui achètent pour la première fois en Hongrie un bien immobilier destiné à être leur résidence principale se trouveraient dans une situation moins favorable, et seraient moins incitées à acheter un nouveau logement dans cet État membre et à s’y installer, que les personnes qui achètent à nouveau un bien de ce type à la place de celui qu’elles possédaient déjà sur le territoire hongrois.

18      Or, selon la Commission, les personnes qui disposaient, préalablement à l’acquisition en Hongrie de leur nouvelle résidence principale, d’une résidence principale dans un autre État membre pouvaient être dans la même situation que celles qui disposaient déjà d’une telle résidence en Hongrie, à savoir une situation dans laquelle les premières avaient également dû verser, dans cet autre État membre, une taxe d’un niveau équivalent à celui de la taxe litigieuse, lors de l’acquisition du bien destiné à être leur résidence principale. La circonstance que la législation hongroise ne prévoit aucune possibilité de déduire la valeur commerciale du bien vendu de la valeur du nouveau bien acheté lors du calcul de l’assiette de la taxe, lorsque le bien vendu n’est pas situé en Hongrie, conduirait à traiter de manière différente des situations objectivement comparables et serait, partant, discriminatoire.

19      S’agissant de l’atteinte à la liberté d’établissement, la Commission considère que, contrairement à la position de la République de Hongrie, en ce qui concerne l’exercice de cette liberté, il importe peu que la disposition législative en cause porte sur des biens immeubles utilisés à des fins résidentielles et non sur des établissements commerciaux. Il ne saurait en effet être exclu qu’un travailleur indépendant établisse le lieu de son activité professionnelle au lieu de sa résidence principale.

20      En ce qui concerne les personnes n’exerçant pas d’activité économique, cette même conclusion s’impose, selon la Commission, pour des raisons identiques sur le fondement de l’article 18 CE.

21      La Commission considère également que, pour les mêmes motifs que ceux relatifs à la violation des articles 39 CE et 43 CE, la République de Hongrie ne respecte pas non plus les obligations que lui imposent les articles 28 et 31 de l’accord EEE, relatifs, respectivement, à la liberté d’établissement et à la libre circulation des travailleurs.

22      En outre, la Commission estime qu’une telle discrimination n’est pas justifiée pour des raisons d’intérêt général.

23      À l’égard des raisons tenant à la cohérence du système fiscal, la Commission estime que la République de Hongrie ne saurait invoquer les arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann (C‑204/90, Rec. p. I‑249), et du 23 février 2006, Keller Holding (C‑471/04, Rec. p. I-2107). S’il est vrai, selon la Commission, que la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal peut justifier une limitation à l’exercice des principes fondamentaux garantis par le traité CE, l’argument fondé sur ce motif ne pourrait être accueilli que s’il existait un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal donné. Or, il n’y aurait aucun lien fiscal direct entre les ventes des biens immobiliers concernés par la législation litigieuse.

24      Au surplus, la Commission est d’avis que le principe de territorialité, à savoir l’existence d’une compétence fiscale pouvant être exercée sans restrictions sur les biens immobiliers situés sur le territoire national et l’absence d’une telle compétence à l’égard des biens situés à l’étranger, invoqué par la République de Hongrie, ne peut pas non plus justifier l’existence de la mesure figurant à l’article 21, paragraphe 5, de la loi sur les taxes.

25      De même, selon la Commission, qui s’appuie à cet égard sur l’arrêt du 7 septembre 2004, Manninen (C‑319/02, Rec. p. I-7477, point 49), l’éventuelle réduction de recettes fiscales ne saurait être invoquée par les autorités hongroises en tant que raison impérieuse d’intérêt général pour justifier cette mesure.

26      Enfin, se référant à nouveau à l’arrêt Manninen, précité, la Commission rejette également la justification tirée des difficultés, pour les autorités hongroises, de tenir compte, lors de la détermination du montant de la taxe dû pour l’acquisition d’un bien immobilier situé en Hongrie, de l’existence des propriétés vendues dans d’autres États membres et des taxes versées lors de l’acquisition de celles-ci. La difficulté de déterminer dans quelle mesure, quant au fond et à la méthode de calcul, la taxe payée à l’étranger correspond à la taxe litigieuse ne saurait en aucun cas constituer un argument susceptible de justifier la discrimination en cause. La Commission concède cependant que la République de Hongrie peut, en application de l’arrêt du 17 janvier 2008, Jäger (C‑256/06, Rec. p. I‑123), imposer au contribuable des exigences particulières afin d’obtenir les informations nécessaires, ces exigences ne devant toutefois en aucun cas être disproportionnées à l’objectif recherché.

27      La République de Hongrie, soulignant que la taxe litigieuse doit être, contrairement à l’opinion de la Commission, rangée dans la catégorie des impôts directs, rétorque que le régime de taxation en cause n’est pas de nature à violer les articles 18 CE, 39 CE et 43 CE, pas plus que les dispositions correspondantes de l’accord EEE. À titre subsidiaire, cet État membre fait valoir que ledit régime serait, en tout état de cause, justifié par des raisons d’intérêt général.

28      La République de Hongrie invoque d’abord l’absence d’atteinte à la libre circulation des personnes et à la liberté d’établissement, principalement en raison du fait qu’il n’y aurait pas de discrimination entre des situations objectivement comparables. Contestant l’opinion de la Commission à cet égard, la République de Hongrie considère que se trouvent dans une situation objectivement comparable toutes les personnes qui souhaitent acquérir un bien immobilier en Hongrie pour la première fois, la circonstance qu’elles aient ou non acquis un tel bien dans un autre État membre important peu. Se trouveraient également dans une situation objectivement comparable les personnes qui, alors qu’elles étaient déjà propriétaires en Hongrie d’un bien immobilier affecté à leur habitation principale, acquièrent dans cet État un nouveau bien de ce type en remplacement du précédent.

29      En revanche, selon ledit État membre, ne sont pas dans une situation comparable les personnes qui vendent un bien immobilier situé en Hongrie affecté à leur résidence principale pour acquérir, dans le même État, un autre bien de ce type et celles qui vendent un bien immobilier situé dans un autre État membre affecté à leur résidence principale pour acquérir en Hongrie un autre bien de ce type. En effet, d’une part, le domicile fiscal de ces personnes peut être différent puisque celles qui appartiennent à la première catégorie sont des résidents nationaux, alors que celles qui relèvent de la seconde catégorie sont des résidents étrangers. D’autre part, pour cette dernière catégorie de personnes, le bien précédemment détenu échappe à l’application du droit fiscal hongrois, d’un point de vue territorial et matériel, alors que tel n’est pas le cas en ce qui concerne les biens vendus par l’autre catégorie de personnes.

30      À cet égard, la République de Hongrie se fonde sur la jurisprudence de la Cour, et notamment les arrêts du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, Rec. p. I‑225, point 34), et du 5 juillet 2005, D. (C‑376/03, Rec. p. I‑5821), selon laquelle, en matière d’impôts sur le revenu et d’impôts sur le patrimoine, les situations des personnes résidentes et des personnes non-résidentes ne sont en général pas comparables et que le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu’il accorde au résident n’est, en règle générale, pas discriminatoire. De plus, cet État membre invoque, à l’appui de son argumentation, l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2005, Blanckaert (C‑512/03, Rec. p. I‑7685), en soulignant la similarité des dispositions litigieuses dans cette affaire et dans la présente affaire.

31      La République de Hongrie souligne d’ailleurs que le traité tel qu’interprété par la Cour ne garantit pas à un citoyen de l’Union la neutralité en matière d’imposition du transfert de ses activités dans un autre État membre (voir, notamment, arrêts du 29 avril 2004, Weigel, C‑387/01, Rec. p. I‑4981, point 55; du 15 juillet 2004, Lindfors, C‑365/02, Rec. p. I‑7183, point 34, et du 12 juillet 2005, Schempp, C‑403/03, Rec. p. I-6421, point 45). Cet État membre fait donc valoir que le régime en cause est conforme au principe fiscal de territorialité, qui est reconnu par le droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer, C‑250/95, Rec. p. I‑2471) et en vertu duquel les différents systèmes fiscaux nationaux coexistent sans hiérarchie entre eux.

32      Les éventuelles distorsions découlant des disparités entre les législations fiscales nationales ne relevant pas du champ d’application des dispositions du traité en matière de libre circulation, il est possible de concevoir qu’une personne, qui a profité des dispositions en matière de libre circulation, se trouve traitée dans un État membre de manière moins favorable d’un point de vue fiscal pour la simple raison qu’elle est soumise à l’autorité fiscale d’un autre État membre. Toutefois, une telle situation ne saurait être considérée, d’une part, comme constituant en soi une discrimination au détriment de cette personne et, d’autre part, comme une restriction, contraire au droit de l’Union, du droit de libre circulation.

33      La République de Hongrie souligne, à cet égard, que la compétence fiscale des États membres comporte non seulement la détermination de la charge fiscale, mais aussi l’octroi d’avantages. Ainsi, la législation litigieuse serait conforme au principe de territorialité et ne violerait pas le droit de l’Union.

34      La limitation éventuelle des libertés fondamentales dans cette hypothèse serait, selon la République de Hongrie, la conséquence nécessaire de la répartition territoriale de la compétence fiscale des États membres. Or, la préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres ferait partie des raisons d’intérêt général qui justifient de telles limitations.

35      À titre subsidiaire, cet État membre, invoquant une jurisprudence constante (voir arrêts Bachmann, précité; du 28 janvier 1992, Commission/Belgique, C‑300/90, Rec. p. I‑305; Manninen, précité; Keller Holding, précité, et du 8 novembre 2007, Amurta, C‑379/05, Rec. p. I‑9569), considère que le régime de taxation litigieux est justifié par des raisons d’intérêt général tenant à la cohérence du système fiscal. La Cour aurait admis une telle justification dans ces circonstances, dès lors, d’une part, qu’est établie l’existence d’un lien direct entre l’octroi de l’avantage fiscal concerné et la charge fiscale qui en est la contrepartie et, d’autre part, que cet avantage et cette charge concernent la même personne et la même imposition. En l’espèce, la République de Hongrie affirme qu’il existe un lien d’une telle nature compte tenu du fait que seules les personnes qui ont déjà acquis un bien immobilier sur le territoire hongrois peuvent bénéficier de l’avantage fiscal litigieux lors de l’acquisition d’un autre bien immobilier en Hongrie. Il serait donc indéniable que ledit avantage fiscal et la charge fiscale qui en représente la contrepartie concernent la même personne et s’inscrivent dans le cadre du même impôt.

36      Par ailleurs, la République de Hongrie rejette l’argument avancé par la Commission selon lequel la législation litigieuse tendrait uniquement à éviter une diminution des recettes budgétaires. L’objectif recherché par cette législation consisterait à faire en sorte que toute acquisition immobilière en Hongrie soit soumise au moins une fois à la taxe litigieuse sur la totalité de la valeur commerciale du bien acquis, en évitant que les ressources grevées par ladite taxe lors de la première acquisition le soient à nouveau par la suite. Il s’agirait d’un ensemble cohérent, inséparable de la mise en œuvre du principe de territorialité.

37      Enfin, cet État membre fait valoir que l’extension de l’avantage fiscal aux biens immobiliers étrangers dans le cadre de la législation litigieuse entraînerait des problèmes pratiques d’une telle gravité qu’ils empêcheraient le système de fonctionner et ne permettraient plus, notamment, de prévenir les abus éventuels.

38      De surcroît, la République de Hongrie rappelle, dans son mémoire en duplique, qu’il ressort de la requête de la Commission que celle-ci conteste la législation hongroise en ce qu’elle limite l’exercice des droits de libre circulation et de libre établissement des personnes qui souhaitent transférer le lieu de leur résidence principale en Hongrie dans l’exercice de leurs droits de libre circulation et de libre établissement. Si la Commission avait souhaité examiner la législation litigieuse en ne considérant l’achat du bien que comme un investissement, sans prendre en compte les changements de résidence ou de domiciliation fiscale, il est à supposer qu’elle l’eût fait sous l’angle de la libre circulation des capitaux au sens de l’article 56 CE.

39      Dès lors, cependant, qu’elle évoquait non pas cette liberté fondamentale, mais uniquement la libre circulation des personnes, il convient de considérer que la requête ne vise que les situations dans lesquelles une personne, exerçant son droit de libre circulation, transfère sa résidence en Hongrie. Cet État membre en conclut ainsi que le changement de lieu de résidence et de domiciliation fiscale justifie de faire une distinction entre les personnes qui acquièrent pour la première fois un logement en Hongrie et celles qui acquièrent un nouveau logement en Hongrie à la place d’un logement précédent déjà situé dans cet État.

40      Par conséquent, la République de Hongrie, invoquant à l’appui de son raisonnement l’arrêt du 12 février 2009, Block (C‑67/08, Rec. p. I‑883), soutient qu’il n’existe pas d’obligation, pour un État membre, de prendre en considération la valeur commerciale d’un logement situé dans un autre État membre de l’Union ou de l’EEE.

 Appréciation de la Cour

41      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il existe un désaccord entre la Commission et la République de Hongrie en ce qui concerne la qualification de la taxe litigieuse en tant qu’impôt direct ou indirect.

42      À cet égard, force est de constater que, indépendamment du point de savoir si, en l’espèce, ladite taxe constitue un impôt direct ou indirect, celle-ci n’a pas fait l’objet d’une harmonisation au sein de l’Union et relève donc de la compétence des États membres qui doivent, selon une jurisprudence constante de la Cour, exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union (voir, notamment, en ce qui concerne la fiscalité directe, arrêts du 4 mars 2004, Commission/France, C‑334/02, Rec. p. I‑2229, point 21; du 20 janvier 2011, Commission/Grèce, C‑155/09, non encore publié au Recueil, point 39, et du 16 juin 2011, Commission/Autriche, C‑10/10, non encore publié au Recueil, point 23).

43      Il convient, dès lors, d’examiner si, comme la Commission le soutient, la réglementation nationale relative à la taxation des biens immobiliers transférés à titre onéreux, notamment les dispositions combinées des articles 2, paragraphe 2, et 21, paragraphe 5, de la loi sur les taxes, constitue une restriction aux libertés de circulation des personnes consacrées aux articles 18 CE, 39 CE et 43 CE ainsi qu’aux articles 28 et 31 de l’accord EEE.

 Sur les griefs tirés d’une violation des dispositions du traité

44      S’agissant du grief tiré de la violation des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE, il convient de rappeler que l’article 18 CE, qui énonce de manière générale le droit, pour tout citoyen de l’Union, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, trouve une expression spécifique dans les articles 39 CE en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs et 43 CE en ce qui concerne la liberté d’établissement (voir arrêts du 26 octobre 2006, Commission/Portugal, C‑345/05, Rec. p. I‑10633, point 13; du 18 janvier 2007, Commission/Suède, C‑104/06, Rec. p. I‑671, point 15; du 17 janvier 2008, Commission/Allemagne, C‑152/05, Rec. p. I‑39, point 18, et Commission/Grèce, précité, point 41).

45      Partant, il y a lieu d’examiner d’abord le régime fiscal en cause au regard des articles 39 CE et 43 CE avant de l’examiner au regard de l’article 18 CE pour les personnes se déplaçant d’un État membre vers un autre État membre dans le but de s’y installer pour des raisons non liées à l’exercice d’une activité économique.

–       Sur l’existence des restrictions aux articles 39 CE et 43 CE

46      L’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants de l’Union, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur l’ensemble du territoire de cette dernière et s’opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre (voir arrêt du 15 septembre 2005, Commission/Danemark, C‑464/02, Rec. p. I‑7929, point 34 et jurisprudence citée, ainsi que arrêts précités Commission/Portugal, point 15; Commission/Suède, point 17; Commission/Allemagne, point 21, et Commission/Grèce, point 43).

47      La liberté d’établissement reconnue aux ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre comporte notamment l’accès aux activités non salariées et leur exercice dans les conditions définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants (voir, notamment, arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 13, et du 24 mai 2011, Commission/Belgique, C‑47/08, non encore publié au Recueil, point 79, ainsi que, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Commission/Autriche, C‑161/07, Rec. p. I‑10671, point 27). En d’autres termes, l’article 43 CE interdit à chaque État membre de prévoir dans sa législation, pour les personnes qui font usage de la liberté de s’y établir, des conditions d’exercice de leurs activités différentes de celles définies pour ses propres ressortissants (arrêts précités du 22 décembre 2008, Commission/Autriche, point 28, et du 24 mai 2011, Commission/Belgique, point 79).

48      En l’espèce, la Commission fait valoir que la législation litigieuse, en raison de la différence de traitement fiscal qu’elle instaure entre les contribuables, étrangers ou hongrois, qui vendent un bien situé sur le territoire hongrois, et les contribuables qui vendent un bien situé en dehors de ce territoire, est discriminatoire et de nature à dissuader les seconds d’exercer leur droit à la libre circulation et à la liberté d’établissement.

49      La Commission est donc d’avis que la discrimination résulte du traitement fiscal moins favorable réservé aux transferts de domicile d’un État membre autre que la République de Hongrie vers cet État par rapport à celui réservé aux transferts de domicile à l’intérieur du territoire hongrois, en considérant que, en substance, en vertu du principe d’égalité fiscale, la première situation, qui comporte un élément transfrontalier, doit être traitée de la même manière que la seconde et qu’elle devrait ouvrir droit à l’avantage fiscal litigieux.

50      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, une discrimination ne peut naître que de l’application de règles différentes à des situations comparables ou de l’application de la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêts Schumacker, précité, point 30; du 22 mars 2007, Talotta, C‑383/05, Rec. p. I‑2555, point 18, ainsi que du 18 juillet 2007, Lakebrink et Peters-Lakebrink, C‑182/06, Rec. p. I‑6705, point 27).

51      Partant, une différence de traitement entre deux catégories de redevables peut être qualifiée de discrimination au sens du traité dès lors que les situations de ces catégories de contribuables sont comparables au regard des règles fiscales en cause.

52      Il s’ensuit que, en l’espèce, la République de Hongrie n’est obligée d’octroyer l’avantage fiscal en cause aux contribuables qui vendent un bien immobilier situé en dehors du territoire de cet État membre qu’à la condition que leur situation soit considérée comme objectivement comparable, dans le contexte de la taxe en cause, à celle des contribuables qui vendent un bien immobilier situé en Hongrie.

53      À cet égard, la République de Hongrie s’oppose à la conclusion de la Commission et fait valoir l’absence de comparabilité des situations. Cet État membre affirme qu’il est possible d’exclure l’extension de l’octroi de l’avantage fiscal litigieux à des biens pour lesquels un impôt devait ou aurait dû précédemment être acquitté dans un autre État membre si celui-ci avait institué une telle charge publique. Le champ d’application de la législation litigieuse ne s’étendant, compte tenu de la nature de cette charge publique, qu’aux biens immobiliers situés en Hongrie, les personnes qui n’avaient pas acquis auparavant de bien immobilier dans cet État membre et celles qui y disposaient déjà d’un tel bien ne se trouveraient donc pas dans des situations comparables, de sorte que le fait d’appliquer des règles différentes à ces deux catégories de personnes ne constituerait pas une discrimination au sens du traité.

54      Cette argumentation ne saurait toutefois être accueillie.

55      En effet, il est certes vrai que, selon la jurisprudence de la Cour en matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non‑résidents dans un État ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d’un État par un non‑résident ne constitue le plus souvent qu’une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l’ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s’apprécier le plus aisément à l’endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général au lieu de sa résidence habituelle (arrêts Schumacker, précité, points 31 et 32; du 14 septembre 1999, Gschwind, C‑391/97, Rec. p. I‑5451, point 22, ainsi que du 1er juillet 2004, Wallentin, C‑169/03, Rec. p. I‑6443, point 15).

56      Aussi, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu’il accorde au résident n’est, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents tant du point de vue de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale (arrêts Schumacker, précité, point 34; Gschwind, précité, point 23; du 12 juin 2003, Gerritse, C‑234/01, Rec. p. I‑5933, point 44, et Wallentin, précité, point 16).

57      Toutefois, il importe de relever que ces principes ont été développés par la Cour dans le cadre d’une jurisprudence portant sur l’impôt sur le revenu, domaine dans lequel les différences objectives entre les assujettis, telles que la source des revenus, la capacité contributive personnelle ou la situation personnelle et familiale, peuvent avoir une influence sur l’imposition du contribuable et sont généralement prises en compte par le législateur. Or, tel n’est pas le cas en ce qui concerne la taxe litigieuse, laquelle est établie par rapport au prix de vente des biens immeubles. Au demeurant, la République de Hongrie n’a pas allégué, et cela ne ressort d’aucun élément du dossier, que les circonstances personnelles du contribuable sont prises en compte lors du versement de ladite taxe.

58      Dans ces conditions, au regard de la taxe litigieuse, la seule différence entre la situation des non-résidents en Hongrie, y inclus les ressortissants hongrois ayant fait usage de leur droit de libre circulation dans l’Union, et celle des résidents en Hongrie, ressortissants hongrois ou d’un autre État membre, acquérant une nouvelle résidence principale dans cet État membre, tient au lieu de leur résidence principale antérieure. En effet, dans ces deux situations, ces personnes auront acheté un bien immobilier en Hongrie pour s’y établir et, à l’occasion de l’achat de leur résidence principale antérieure, les uns auront payé un impôt de même nature que la taxe litigieuse dans l’État dans lequel cette résidence était située, alors que les autres auront versé ladite taxe en Hongrie.

59      Dans de telles circonstances, admettre qu’un État membre puisse librement appliquer un traitement différent en raison du seul fait que la première résidence principale d’un citoyen de l’Union est située dans un autre État membre viderait les règles relatives à la libre circulation des personnes de leur contenu (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, précité, point 18; du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C‑397/98 et C‑410/98, Rec. p. I‑1727, point 42, ainsi que du 27 novembre 2008, Papillon, C‑418/07, Rec. p. I‑8947, point 26).

60      Eu égard aux considérations précédentes, et comme le relève à juste titre la Commission, toutes les personnes qui déplacent le lieu de leur résidence principale à l’intérieur de l’Union et de l’EEE, que ce déplacement soit cantonné au sein du territoire hongrois ou qu’il s’opère de l’État membre dans lequel était située la résidence antérieure vers la Hongrie, sont dans une situation comparable.

61      Ceci étant constaté, il convient de rappeler que, aux fins d’établir l’existence d’une discrimination, la comparabilité d’une situation communautaire avec une situation purement interne doit être également examinée en tenant compte de l’objectif poursuivi par les dispositions nationales en cause (voir, notamment, arrêt Papillon, précité, point 27).

62      À cet égard, il ressort du dossier que, en l’espèce, l’objectif de la législation nationale est de soumettre toute acquisition immobilière au versement d’une taxe dont l’assiette est constituée de la totalité de la valeur commerciale du bien acquis, tout en évitant que les ressources grevées par la taxe lors de l’acquisition du bien immobilier vendu le soient à nouveau lors d’une acquisition ultérieure.

63      Or, en ce qui concerne la comparabilité des situations, cet objectif consistant à ne taxer le capital investi pour l’acquisition des biens immobiliers qu’une seule fois peut, en principe, être atteint tant dans l’hypothèse où le bien immobilier vendu est situé sur le territoire hongrois que dans celle où il est situé sur le territoire d’un autre État membre.

64      Au regard de l’objectif de la loi sur les taxes, ces deux situations sont donc objectivement comparables.

65      Par conséquent, le régime fiscal litigieux instaure une inégalité de traitement en raison du lieu où se trouve le bien immobilier vendu.

66      En ce qui concerne l’effet dissuasif de la législation litigieuse, allégué par la Commission, il convient de rappeler que, tel qu’il a été relevé ci-dessus, en refusant l’octroi de l’avantage fiscal litigieux aux personnes qui acquièrent en Hongrie un bien immobilier destiné à devenir leur résidence principale alors qu’elles ont procédé, ou sont en voie de le faire, à la vente de leur précédente résidence principale située dans un autre État membre, cette législation entraîne pour ces personnes une charge fiscale plus importante que pour celles bénéficiant dudit avantage.

67      Dans ces conditions, il ne peut pas être exclu que la législation litigieuse puisse, dans certains cas, dissuader les personnes exerçant leur droit à la libre circulation (et à la liberté d’établissement) découlant des articles 39 CE et 43 CE, de procéder à l’achat d’un logement en Hongrie.

68      Eu égard aux appréciations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en tant qu’elles défavorisent, sur le plan de la taxe sur l’acquisition des biens immobiliers, les personnes désireuses de s’installer en Hongrie en y achetant un bien immobilier par rapport aux personnes déménageant à l’intérieur de cet État membre, en ne permettant pas à ces premières de bénéficier de l’avantage fiscal en cause lors de l’achat d’un bien immobilier, les dispositions combinées des articles 2, paragraphe 2, et 21, paragraphe 5, de la loi sur les taxes constituent une restriction aux libertés de circulation des personnes consacrées aux articles 39 CE et 43 CE.

–       Sur la justification des restrictions

69      Il découle d’une jurisprudence bien établie que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité peuvent néanmoins être admises à condition qu’elles poursuivent un objectif d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de celui-ci et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (voir, notamment, arrêt Commission/Grèce, précité, point 51).

70      Il convient ainsi d’examiner si la différence de traitement existant entre ces deux catégories de contribuables peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, telle que la nécessité de sauvegarder la cohérence du régime fiscal.

71      En effet, la Cour a déjà jugé que la nécessité de sauvegarder la cohérence du régime fiscal peut justifier une réglementation de nature à restreindre les libertés fondamentales (voir, notamment, arrêts Bachmann, précité, point 21; Manninen, précité, point 42; du 23 octobre 2008, Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, C‑157/07, Rec. p. I‑8061, point 43, et du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome, C‑182/08, Rec. p. I-8591, point 77).

72      Toutefois, pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, il faut que soit établie l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (voir, notamment, arrêts Manninen, précité, point 42; du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C‑524/04, Rec. p. I‑2107, point 68, et Amurta, précité, point 46).

73      À cet égard, il y a lieu de constater que le régime établi par la loi sur les taxes est fondé sur l’idée que l’acquéreur d’un bien immobilier situé en Hongrie et destiné à être sa résidence principale, qui vend sa résidence précédente, également située dans cet État, dans le délai prévu par la loi, doit acquitter la taxe non pas sur la valeur intégrale du bien acheté, mais sur la seule différence entre la valeur commerciale du bien acheté et celle du bien vendu. Est ainsi seulement taxée la partie des ressources investies pour l’acquisition d’un patrimoine qui n’a pas déjà été soumise à l’imposition.

74      En revanche, lorsque le bien vendu est situé dans un État membre autre que la République de Hongrie, ce dernier État ne dispose d’aucun droit d’imposition sur la transaction qu’avait effectuée, dans le premier État membre, la personne décidant d’acquérir en Hongrie un bien immobilier destiné à être sa résidence principale. Dans ces conditions, en prévoyant que ne peuvent bénéficier de cet avantage fiscal, lors de l’acquisition d’un tel bien, que les personnes qui ont déjà versé la taxe litigieuse à l’occasion de l’achat d’un bien similaire, la configuration dudit avantage fiscal reflète une logique symétrique au sens de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, précité, point 42).

75      En effet, si les contribuables qui n’ont pas acquitté ladite taxe auparavant, au titre du régime fiscal litigieux, venaient à bénéficier de l’avantage fiscal concerné, ils tireraient indûment avantage d’une imposition à laquelle leur précédente acquisition, en dehors du territoire hongrois, n’aurait pas été soumise.

76      Il s’ensuit que, dans ledit régime, il existe un lien direct entre l’avantage fiscal octroyé et le prélèvement initial. En effet, d’une part, ledit avantage et la charge fiscale concernent la même personne et, d’autre part, ils s’inscrivent dans le cadre de la même imposition.

77      Dans ce contexte, il importe de rappeler que ces deux conditions d’identité de la taxe et du contribuable ont été considérées comme suffisantes afin d’établir l’existence d’un tel lien (voir, notamment, arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C‑35/98, Rec. p. I‑4071, point 58; du 18 septembre 2003, Bosal, C‑168/01, Rec. p. I‑9409, points 29 et 30, ainsi que Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, précité, point 42). En outre, il convient de souligner que la Commission n’a pas explicitement contesté que l’avantage fiscal en cause est octroyé au même contribuable dans le cadre de la même imposition.

78      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la restriction issue des articles 2, paragraphe 2, et 21, paragraphe 5, de la loi sur les taxes est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal.

79      Toutefois, pour que la restriction soit justifiée à ce titre, encore faut-il, ainsi qu’il a été rappelé au point 69 du présent arrêt, qu’elle soit appropriée et proportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

80      À cet égard, force est de constater que la restriction en cause est, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, appropriée pour atteindre un tel objectif en tant qu’elle opère de manière symétrique, seule la différence entre la valeur du bien immobilier vendu qui est situé en Hongrie et celle du bien immobilier acquis pouvant être prise en compte dans le cadre du régime fiscal en cause (voir, en ce sens, arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, précité, point 44).

81      En outre, ladite restriction est proportionnée à l’objectif visé. En effet, il y a lieu de rappeler, d’une part, que l’objectif de la réglementation en cause est notamment d’éviter, lors de l’achat d’une deuxième résidence principale en Hongrie, la double imposition du capital investi pour l’achat de la résidence précédente entre-temps revendue. D’autre part, tel qu’il a été relevé au point 74 du présent arrêt, la République de Hongrie ne dispose d’aucun pouvoir d’imposition sur les transactions immobilières effectuées dans d’autres États membres.

82      Dans ces circonstances, la prise en compte de telles transactions aux fins de réduire l’assiette de la taxe en cause reviendrait à traiter ces dernières transactions comme ayant déjà été soumises à la taxation litigieuse, alors même que tel n’aurait pas été le cas. Cette situation serait, à l’évidence, contraire à l’objectif mentionné d’éviter la double imposition au regard du système fiscal hongrois.

83      S’il est vrai que les transactions immobilières effectuées dans d’autres États membres ont pu être également imposées au titre de taxes similaires, voire identiques à celle en cause, force est toutefois de constater que, en l’état actuel du développement du droit de l’Union, les États membres bénéficient, sous réserve du respect du droit de l’Union, d’une certaine autonomie en matière fiscale et que, partant, ils n’ont pas l’obligation d’adapter leur propre système fiscal aux différents systèmes de taxation des autres États membres, en vue, notamment, d’éliminer la double imposition (voir, par analogie, arrêts du 6 décembre 2007, Columbus Container Services, C‑298/05, Rec. p. I‑10451, point 51, et du 12 février 2009, Block, C‑67/08, Rec. p. I‑883, point 31).

84      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par le fait que, en raison de la manière dont l’assiette de la taxe sur le patrimoine est calculée, le contribuable peut être exonéré du paiement de cette taxe lors de l’acquisition ultérieure d’un bien immobilier situé en Hongrie. En effet, lorsque la valeur du second bien immobilier acheté est inférieure à celle du bien vendu, le capital investi lors de cette seconde acquisition n’étant alors aucunement soumis à une imposition, le contribuable n’a pas droit à une remise quelconque d’une partie de la taxe payée lors de la première acquisition. Un tel mécanisme permet de considérer que le régime en cause constitue bien un avantage et non pas une exonération déguisée au seul bénéfice des résidents hongrois.

85      Il s’ensuit que la restriction à la libre circulation des personnes et à la liberté d’établissement peut être justifiée par les raisons tenant à la sauvegarde de la cohérence du régime fiscal.

–       Sur l’existence d’une restriction à l’article 18 CE

86      S’agissant des personnes ne résidant pas en Hongrie et qui n’y exercent pas d’activité économique, il y a lieu de relever qu’une réglementation nationale désavantageant certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l’Union (voir arrêts du 18 juillet 2006, De Cuyper, C‑406/04, Rec. p. I‑6947, point 39; du 26 octobre 2006, Tas-Hagen et Tas, C‑192/05, Rec. p. I‑10451, point 31, ainsi que du 23 octobre 2007, Morgan et Bucher, C‑11/06 et C-12/06, Rec. p. I‑9161, point 25).

87      En l’espèce, il ne peut pas être valablement nié que l’exclusion du bénéfice de la réduction de l’assiette fiscale des personnes se déplaçant à l’intérieur de l’Union pour des motivations non liées à l’exercice d’une activité économique peut, dans certains cas, être de nature à dissuader ces personnes de l’exercice des libertés fondamentales garanties par ledit article 18 CE.

88      Cependant, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une telle restriction peut être justifiée au regard du droit de l’Union si elle est fondée sur des considérations objectives d’intérêt général indépendantes de la nationalité des personnes concernées et si elle est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (voir arrêts précités De Cuyper, point 40; Tas-Hagen et Tas, point 33, ainsi que Morgan et Bucher, point 33).

89      À cet égard, il y a lieu de relever que la même conclusion que celle dégagée aux points 69 à 85 du présent arrêt pour la justification de la restriction par rapport aux articles 39 CE et 43 CE s’impose par identité de motifs en ce qui concerne le grief fondé sur la violation de l’article 18 CE (voir arrêts du 5 juillet 2007, Commission/Belgique, C‑522/04, Rec. p. I‑5701, point 72; Commission/Allemagne, précité, point 30, et Commission/Grèce, précité, point 60).

 Sur les griefs tirés d’une violation des dispositions de l’accord EEE

90      La Commission fait également valoir que la République de Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 et 31 de l’accord EEE, relatifs, respectivement, à la liberté de circulation des travailleurs et à la liberté d’établissement.

91      À cet égard, il convient de relever que les règles interdisant les restrictions à la liberté de circulation et à la liberté d’établissement énoncées aux articles 28 et 31 de l’accord EEE revêtent la même portée juridique que les dispositions, identiques en substance, des articles 39 CE et 43 CE (voir, notamment, arrêt du 5 juillet 2007, Commission/Belgique, précité, point 76).

92      Dans ces conditions, doivent être déclarés non fondés les griefs tirés de la violation de la libre circulation des personnes et de la liberté d’établissement.

93      Aucun des griefs n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le recours de la Commission.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Hongrie ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il convient de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le hongrois.

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