COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 20.7.2022
COM(2022) 360 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
«Des économies de gaz pour se préparer à l’hiver»
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
«Des économies de gaz pour se préparer à l’hiver»
La guerre d’agression non provoquée et injustifiée de la Russie contre l’Ukraine a bouleversé les marchés de l’énergie, ce qui a entraîné la volatilité des prix et l’insécurité énergétique dans le monde entier, avec des effets particuliers sur l’UE et son voisinage immédiat.
Le 18 mai 2022, la Commission a présenté le plan REPowerEU en vue de mettre fin à notre dépendance au gaz russe le plus rapidement possible. Toutefois, l’Europe doit accélérer sa préparation à l’incidence immédiate que pourraient avoir de nouvelles ruptures voire l’arrêt complet de l’approvisionnement en gaz russe, tout en poursuivant ces actions et en restant pleinement engagée en faveur des objectifs du pacte vert pour l’Europe. Dans ses conclusions du 31 mai et du 23 juin 2022, le Conseil européen a demandé d’effectuer cette préparation de toute urgence, en vue d’une coordination plus étroite avec et entre les États membres.
En cas de nouvelles ruptures ou d’arrêt total de l’approvisionnement, l’Europe doit être prête. Dans l’esprit de solidarité et de coopération européennes, l’UE doit veiller à ce que le gaz soit acheminé là où il est le plus nécessaire, protégeant ainsi nos clients nationaux ainsi que nos emplois et l’économie dans son ensemble.
C’est pourquoi l’UE se prépare à une telle perturbation depuis plusieurs mois. En particulier, la Commission, dans le cadre de la plateforme énergétique de l’UE, et les États membres ont travaillé avec d’autres fournisseurs de gaz pour garantir l’approvisionnement. Le plan REPowerEU, qui s’appuie sur les propositions du pacte vert pour l’Europe, vise à accélérer le développement des énergies renouvelables dans l’UE et le déploiement des investissements en matière d’efficacité énergétique. La Commission et les États membres ont procédé à un examen approfondi de l’état de préparation. Les colégislateurs de l’UE ont adopté un règlement européen sur le stockage de gaz afin d’établir une obligation légale de remplissage des installations de stockage avant l’hiver.
La Commission s’est efforcée de garantir d’autres approvisionnements et continue de le faire. La présente communication complète cette approche en se concentrant sur la demande. Elle passe en revue la situation actuelle et les mesures qui ont déjà été prises, et décrit les outils dont dispose l’UE pour réagir. Elle propose ensuite des actions supplémentaires pour réduire la demande de manière coordonnée et renforcer les efforts conjoints de l’UE en matière d’offre. Ces mesures sont essentielles pour réduire au minimum le risque que des perturbations surviennent plus tard dans l’année et leur coût ainsi que pour garantir aux industries et aux consommateurs européens l’accès nécessaire au gaz en s’appuyant sur le poids de l’Union.
À cette fin, la présente communication propose un nouveau plan européen de réduction de la demande de gaz qui s’inspire des bonnes pratiques en vigueur dans l’ensemble de l’Union, accompagné d’un règlement du Conseil avec la recommandation immédiate de réduire volontairement la demande de gaz de 15 % dans tous les États membres au cours des huit prochains mois au moins et l’introduction d’un processus permettant de déclencher un objectif contraignant de réduction de la demande si cela se révélait nécessaire, à tout moment dans les semaines ou les mois à venir.
Le remplacement du gaz par d’autres combustibles et les économies d’énergie réalisées par l’ensemble des consommateurs cet été seront utiles cet hiver. Agir conjointement maintenant permet de réduire les perturbations et les coûts, encourage la solidarité et évitera de devoir déclencher des actions non planifiées et non coordonnées plus tard en cas de crise où les réserves de gaz s’épuiseraient. De plus, nous nous dirigerons rapidement vers l’achat coordonné et conjoint de gaz et, à l’avenir, d’hydrogène propre, afin de subvenir aux besoins énergétiques futurs grâce à des approvisionnements alternatifs. En définitive, la mise en œuvre de ce plan de réduction de la demande de gaz créera les conditions nécessaires pour accélérer l’élimination progressive et complète des importations de gaz russe, conformément aux objectifs de REPowerEU, et renforcera la sécurité et l’autonomie énergétiques de l’UE.
1.
Préparation à l’hiver
Quelle est la situation actuelle?
En Europe, la demande de gaz représente 24 % de la consommation intérieure brute totale d’énergie. Depuis de nombreuses années, la Russie est le principal fournisseur de gaz de l’UE. L’année dernière, l’UE dépendait de la Russie pour couvrir plus de 40 % de ses approvisionnements en gaz, soit environ 10 % de ses besoins énergétiques globaux.
Depuis l’année dernière, l’approvisionnement en gaz de l’UE en provenance de la Russie est en nette diminution, dans un effort délibéré pour faire de l’énergie une arme. En juin 2022, les flux de gaz globaux en provenance de Russie vers l’UE étaient inférieurs à 30 % de la moyenne de la période 2016-2021. L’UE a été confrontée à une série d’actions soudaines, injustifiées et unilatérales de la Russie visant à réduire ou à arrêter les livraisons aux clients européens, ce qui a perturbé l’activité économique et fait grimper les prix. Les flux de gaz par gazoduc depuis la Russie via la Biélorussie se sont interrompus et l’approvisionnement via l’Ukraine n’a cessé de diminuer. L’approvisionnement des États baltes, de la Pologne, de la Bulgarie et de la Finlande a également été interrompu. L’approvisionnement de plusieurs pays, dont la Pologne, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Slovaquie, les Pays-Bas et l’Italie, a diminué. Depuis la mi-juin 2022, les flux passant par le gazoduc Nord Stream 1, à savoir l’une des plus grandes voies d’importation vers l’UE, ont été réduits de 60 %.
(Graphique: Flux de gaz russe en 2022 par rapport aux années précédentes.)
Cette série de réductions de l’approvisionnement a entraîné une augmentation et une volatilité record des prix de l’énergie, contribuant à l’inflation et au risque de récession économique en Europe, ainsi que d’importants effets distributifs et effets négatifs sur l’emploi. Ces incidences risquent d’augmenter la précarité énergétique et de creuser les inégalités entre les États membres et les régions.
Il n’y a aucune raison de croire que ce modèle de comportement, qui crée des incertitudes en matière d’approvisionnement et entraîne une flambée des prix, va changer. Au contraire, un certain nombre de signaux indiquent une détérioration probable des perspectives d’approvisionnement en gaz.
Anticipant un tel risque, l’UE a déjà commencé à se préparer à une coupure prolongée, voire totale, du gaz russe à tout moment. Garantir des approvisionnements alternatifs en gaz et remplacer le gaz naturel par des énergies propres dès que possible et par d’autres sources d’énergie si nécessaire sont des points essentiels du plan REPowerEU qui ont été repris par les États membres, et notamment par la plateforme énergétique de l’UE.
En tant que principe fondateur de notre Union, la solidarité doit être à la base de la préparation de l’UE. De plus, les États membres sont tous reliés entre eux par le marché unique, qui stimule la croissance économique, l’innovation, la création d’emplois et les investissements. Pour que la solidarité fonctionne, l’ensemble des acteurs devraient s’efforcer de prendre toutes les mesures dont ils disposent pour prévenir les effets d’une éventuelle coupure totale du gaz russe.
En raison de cette dépendance mutuelle, une véritable crise aurait des répercussions négatives importantes dans chaque État membre, directement ou indirectement. Certains États membres sont plus vulnérables à l’incidence directe d’une rupture importante ou totale de l’approvisionnement en gaz russe. Laisser ces pays affronter seuls cette crise aurait de graves répercussions sur les autres économies. Un fort déclin économique dans un État membre aura une incidence économique négative directe sur ses voisins et autres partenaires d’exportation. Il faut donc prendre des mesures immédiatement pour anticiper de nouvelles perturbations et renforcer la résilience de l’UE.
La présente communication, y compris le plan européen de réduction de la demande de gaz en annexe, se concentre sur les actions nécessaires du côté de la demande, en s’appuyant sur REPowerEU et sur le plan européen d’économies d’énergie. Ces mesures de réduction de la demande complètent les travaux en cours visant à garantir des approvisionnements alternatifs, comme le prévoit la stratégie énergétique extérieure de l’UE, et à accélérer la transition vers une énergie propre. Elles devraient être entreprises immédiatement par les États membres en étroite coordination les uns avec les autres afin de réduire considérablement les risques d’un déséquilibre excessif entre l’offre et la demande à partir de l’hiver prochain. Cette ligne de conduite peut réduire considérablement les risques liés à la pénurie de gaz, notamment pour les industries qui sont essentielles pour les chaînes d’approvisionnement dans l’UE, pour l’emploi et la croissance, pour la compétitivité globale et l’économie européenne.
La proposition de règlement connexe visant à fournir le cadre de cette réduction de la demande est décrite plus en détail dans la section 3 de la présente communication.
Une action coordonnée de l’UE, solide et crédible, apportera plus de certitude dans une situation de marché instable, augmentera la résilience de l’UE et limitera les effets de l’approvisionnement sur les prix. Elle contribuera à constituer davantage de réserves avant l’hiver, là où des capacités sont disponibles. Les actions unilatérales des États membres ne seraient pas optimales pour l’UE dans son ensemble ni pour les États membres individuellement. Les actions concertées de l’UE contribuent à préserver le bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement industrielles et l’intégrité du marché unique en cas de chocs d’approvisionnement majeurs.
Quels sont les outils dont l’UE dispose déjà et quelles actions ont été entreprises avant la crise actuelle?
Premièrement, l’UE dispose d’un cadre solide pour atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 et réduire les émissions d’au moins 55 % d’ici à 2030. La transition vers une énergie propre et la sécurité d’approvisionnement vont de pair. En mettant fin progressivement à notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles et en réduisant la consommation d’énergie totale de l’UE au moyen d’une amélioration de l’efficacité énergétique, le pacte vert pour l’Europe et le paquet «Ajustement à l’objectif 55» renforcent la sécurité d’approvisionnement de l’UE.
Deuxièmement, l’UE a élaboré un cadre réglementaire pour faire face à certaines situations liées à la sécurité d’approvisionnement s’inspirant des leçons tirées des crises énergétiques précédentes et se fondant sur les mesures que nous avons prises à l’encontre de la Fédération de Russie après l’annexion de la Crimée et de Sébastopol en 2014.
En vertu du règlement sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz, les États membres doivent disposer de plans d’action préventifs et de plans d’urgence nationaux fondés sur des évaluations communes des risques réalisées par des groupes régionaux organisés le long des voies d’approvisionnement. Trois niveaux de crise nationaux ont été définis: alerte précoce, alerte et urgence. Les mesures que les États membres peuvent prendre en fonction de ces différents niveaux de crise sont définies dans les plans d’urgence nationaux pour la sécurité de l’approvisionnement en gaz. Le principe fondamental est que les restrictions, le rationnement et la réduction des flux de gaz ne sont adoptés qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres options, telles que le remplacement de combustible, ont été épuisées.
La Commission peut déclarer une urgence au niveau de l’Union ou d’une région géographique spécifiquement touchée, à la demande d’un ou de plusieurs États membres. Dans de tels cas, la Commission coordonne les actions des États membres concernés et peut faire office de modérateur si l’introduction de certaines mesures risque de restreindre indûment le flux de gaz vers d’autres États membres et des pays tiers, tels que des membres de la Communauté de l’énergie. Cela garantit que le gaz circule vers les pays et les clients les plus touchés en cas d’urgence.
Le règlement sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz comprend également un mécanisme de solidarité qui garantit l’approvisionnement des «clients protégés», c’est-à-dire les ménages, les chauffages urbains qui ne peuvent pas être remplacés par d’autres combustibles et certains services sociaux essentiels, comme les soins de santé. En cas d’urgence grave où l’approvisionnement des clients protégés d’un État membre n’est plus garanti, les États membres directement connectés ont l’obligation d’agir par solidarité et de fournir du gaz là où il est le plus nécessaire, même si cela implique une réduction de la consommation de leurs clients non protégés. Ce type d’action fait l’objet d’une compensation équitable et rapide encadrée par des arrangements techniques, juridiques et financiers bilatéraux dont les États membres doivent convenir au préalable.
Le groupe européen de coordination pour le gaz, présidé par la Commission et composé d’experts des États membres, des associations européennes concernées et du secrétariat de la Communauté de l’énergie, surveille de près la sécurité d’approvisionnement de l’UE et coordonne les actions si nécessaire. Ce groupe joue un rôle essentiel dans la gestion de la sécurité de l’approvisionnement depuis le début de la guerre contre l’Ukraine, notamment en échangeant des informations et en aidant à coordonner les actions des États membres en matière de déclaration des niveaux d’alerte précoce et d’alerte.
Toutefois, le cadre décrit ci-dessus n’est pas totalement adapté à la crise actuelle, car il est prévu pour faire face à des perturbations à court terme concernant des parties particulières de l’infrastructure ou des conditions météorologiques extrêmes à court terme, et non pour faire face à des ruptures d’approvisionnement à plus long terme sur décision d’un fournisseur majeur concernant plusieurs voies d’approvisionnement en même temps. C’est pourquoi ce cadre de gouvernance doit être ajusté et doit mettre en évidence le point de vue des ministères européens et nationaux de l’industrie.
Troisièmement, l’UE n’a cessé de développer un réseau d’interconnexions énergétiques et un marché intérieur de l’énergie permettant d’acheminer le gaz et l’électricité là où ils sont nécessaires. Cette politique dynamique a permis de diversifier les approvisionnements en gaz et, tout aussi important, les voies d’acheminement du gaz, grâce à des investissements dans des infrastructures gazières transfrontalières, des projets d’inversion de flux, comme la capacité de flux inversé du gazoduc Yamal entre l’Allemagne et la Pologne, et des terminaux de GNL dans les régions de la Baltique, du centre-est et du sud-est de l’Europe. Dans le cadre du réseau transeuropéen d’énergie, de nombreux projets d’intérêt commun ont bénéficié d’un soutien financier de l’UE par l’intermédiaire du mécanisme pour l’interconnexion en Europe et de la politique de cohésion.
Projets clés de la dernière décennie
- Les terminaux de GNL de Klaipėda, de Świnoujście et de Krk, le gazoduc BRUA ainsi que le gazoduc Baltic Pipe ont réduit l’isolement historique de certaines régions.
- L’UE a ouvert le corridor gazier sud-européen en achevant les gazoducs TAP et TANAP, qui acheminent désormais directement le gaz de la mer Caspienne à l’Europe.
- Parmi les autres projets importants figurent le gazoduc reliant la Pologne et la Lituanie (GIPL), le gazoduc Balticconnector entre la Finlande et l’Estonie, l’interconnexion Pologne-Slovaquie et le gazoduc Grèce-Bulgarie (IGB). Ces projets jouent un rôle clé dans les efforts visant à remplacer le gaz russe.
Les évolutions susmentionnées ont considérablement amélioré ou amélioreront la sécurité d’approvisionnement de l’UE en permettant une diversification efficace des fournisseurs et des voies d’acheminement. Tous les États membres, y compris les pays historiquement les plus exposés, comme la Bulgarie et la Finlande, ont mis fin à leur dépendance envers une source unique, à savoir les importations de gaz russe.
Qu’a fait l’UE pour garantir la sécurité de l’approvisionnement depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie?
À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’UE a présenté le plan REPowerEU, qui vise à mettre un terme dès que possible à la dépendance de l’UE à l’égard des combustibles fossiles russes. À cette fin, le plan REPowerEU définit des mesures relatives à la diversification des fournisseurs d’énergie, aux économies d’énergie et à l’efficacité énergétique. De plus, il propose un déploiement accéléré des énergies propres pour remplacer les combustibles fossiles dans les habitations, l’industrie et la production d’électricité, notamment grâce à l’électricité renouvelable et à l’hydrogène propre. En outre, les États membres et les autorités locales sont bien placés pour promouvoir des mesures d’économie d’énergie adaptées aux circonstances locales.
Au titre du plan REPowerEU, l’UE a pris des mesures pour renforcer sa sécurité d’approvisionnement et sa résilience, en agissant à la fois sur l’offre et sur la demande. En particulier:
·Une nouvelle législation européenne a été proposée en mars 2022 afin de garantir le remplissage des installations de stockage souterrain de l’UE pour l’hiver prochain. Elle a été adoptée par le Parlement européen et le Conseil en mai et est entrée en vigueur le 1er juillet. L’hiver dernier, les niveaux de stockage de gaz étaient préoccupants, à savoir 10 points de pourcentage de moins qu’en 2016-2018. Toutefois, malgré la réduction des importations russes et l’augmentation des prix qui n’incite pas au stockage, les niveaux sont à nouveau conformes à la moyenne historique, c’est-à-dire plus de 64 % actuellement, ce qui équivaut à 46 jours de consommation hivernale.
·Au cours du premier semestre 2022, la Commission a procédé à un examen approfondi de tous les plans d’urgence nationaux en matière de sécurité de l’approvisionnement en gaz, ce qui a permis aux États membres de renforcer leur préparation à d’éventuelles perturbations à grande échelle. De plus, la Commission a mené une surveillance étroite de la situation en matière de sécurité d’approvisionnement et une évaluation des risques concernant le gaz comme l’électricité, en étroite coopération avec les États membres et avec l’association européenne des gestionnaires de réseau de transport pour le gaz et l’électricité («REGRT pour le gaz» et «REGRT pour l’électricité»).
·La Commission a mis en place la plateforme énergétique de l’UE, dont l’objectif est d’agréger la demande énergétique au niveau régional et de faciliter les achats conjoints volontaires, de garantir une utilisation optimale des infrastructures pour que le gaz soit acheminé là où il est le plus nécessaire et d’établir des contacts avec des partenaires internationaux d’approvisionnement tels que les États-Unis, la Norvège, l’Azerbaïdjan, le Qatar, l’Égypte, Israël, l’Algérie et bien d’autres. Le travail de proximité est mené conformément à la stratégie énergétique extérieure de l’UE. Grâce notamment à ces actions, l’UE a reçu des quantités sans précédent de GNL depuis le début de l’année et du gaz supplémentaire acheminé par gazoduc pour compenser les pertes de gaz russe (voir l’encadré ci-dessous).
·La Commission a créé cinq groupes régionaux d’États membres au sein de la plateforme énergétique de l’UE en vue de remplacer les approvisionnements en gaz russe et d’améliorer la sécurité de l’approvisionnement dans chaque région, notamment en élaborant des plans d’action pour une mise en œuvre rapide, et ce avec beaucoup de succès dans le groupe régional pour l’Europe du sud-est. Ces groupes complètent les travaux des groupes à haut niveau (GHN) régionaux existants qui se concentrent sur l’accélération des interconnexions énergétiques clés et des projets d’énergie renouvelable ainsi que sur les réformes importantes du marché de l’énergie, comme le GHN sur la connexion énergétique pour l’Europe centrale et du sud-est.
·La Commission a travaillé en collaboration avec des experts de l’industrie pour déterminer le potentiel de changement de combustible et de réduction volontaire de la demande et pour évaluer les répercussions possibles en cas d’actions non coordonnées de réduction de la demande de gaz des utilisateurs industriels.
Diversification depuis le début de l’année 2022
L’UE parvient à réduire sa dépendance à l’égard des importations de gaz russe, notamment en augmentant ses importations de GNL et ses importations par gazoduc. Au cours du premier semestre 2022, grâce aux efforts de sensibilisation de l’UE auprès des producteurs de GNL dans les pays tiers, les importations de GNL non russe ont augmenté de 21 Mrd m3 par rapport à la même période l’année dernière. Les importations de gaz non russe par gazoduc ont augmenté de 14 Mrd m3 depuis la Norvège, la mer Caspienne, le Royaume-Uni et l’Afrique du Nord.
À l’inverse, au cours de cette période, les importations de gaz russe par gazoduc ont diminué de 28 Mrd m3 pour atteindre un total de 44,6 Mrd m3, tandis que les importations de GNL russe ont augmenté de 3 Mrd m3. À travers l’augmentation de ces approvisionnements, l’UE compense actuellement la diminution des importations totales de gaz russe. Au cours de la même période, les importations de GNL provenant de toutes les sources (y compris la Russie) ont augmenté de 24,3 Mrd m3 (59 %) par rapport à 2021. Dans le même temps, les importations de GNL en provenance des États-Unis se sont élevées à 30 Mrd m3, contre un total de 22 Mrd m3 en 2021 (et seulement 11,6 Mrd m3 au premier semestre 2021).
Le 25 mars 2022, dans une déclaration conjointe, la présidente von der Leyen et le président Biden ont annoncé une augmentation de 15 Mrd m3 des importations de GNL américain vers l’UE en 2022, un objectif qui est en passe d’être atteint. La part des États-Unis dans les importations de GNL de l’UE était d’environ 46 % en juin.
L’ensemble des mesures prises depuis février, y compris celles visant à renforcer le cadre de sécurité de l’approvisionnement de l’UE, sont destinées à éliminer progressivement et complètement les importations de gaz russe dans les meilleurs délais.
Toutefois, les récentes ruptures d’approvisionnement en gaz en provenance de Russie laissent entrevoir un risque important d’arrêt complet, brutal et unilatéral de l’approvisionnement en gaz russe dès cette année. L’UE doit se préparer à ce scénario et prendre des mesures supplémentaires à la hauteur des enjeux. Réduire la consommation de gaz de manière ordonnée dès maintenant atténuera les coûts futurs pour la société. Le passage à l’achat conjoint dans le cadre de la plateforme énergétique est un complément nécessaire pour renforcer la coordination tant du côté de la demande que de l’offre. La Commission accélérera ses travaux pour rendre la plateforme opérationnelle jusqu’à la fin de l’année. Parallèlement, l’achat conjoint de gaz pourrait donner un rôle plus important aux petites entreprises gazières et donner une plus grande force d’achat à l’UE, premier importateur mondial de gaz naturel, y compris au niveau régional, améliorant ainsi notre résilience énergétique et notre sécurité énergétique à plus long terme.
À quoi s’attendre?
Malgré les progrès réalisés jusqu’à présent dans le remplissage des installations de stockage, les simulations effectuées par la Commission et le REGRT pour le gaz indiquent qu’en cas de coupure totale à partir de juillet et jusqu’à l’hiver 2023, le remplissage des installations de stockage serait inférieur à 80 %, soit l’objectif fixé d’ici à novembre par le nouveau règlement de l’UE sur le stockage de gaz. Les simulations suggèrent que le stockage pourrait n’être que de 65 % à 71 % au début de la saison de chauffage.
Principaux résultats de l’analyse des scénarios sans préparation supplémentaire
Dans un premier scénario, l’écart pour satisfaire la demande de gaz pendant l’hiver serait de 30 Mrd m3 dans des conditions météorologiques moyennes, avec un approvisionnement en GNL toujours élevé, par rapport à une consommation moyenne totale de l’UE de 300 Mrd m3 entre août et mars. Dans ce scénario, les stocks seraient presque vides à la fin du mois de mars 2023, ne laissant donc aucune réserve pour la saison gazière 2023-2024.
Dans un second scénario, le stockage resterait au niveau minimal de 15 % à la fin du mois de mars 2023 et l’écart pour satisfaire la demande pendant l’hiver serait de 45 Mrd m3.
En prévision de la saison hivernale suivante, dans l’hypothèse d’un resserrement persistant des marchés internationaux du gaz, la reconstitution des stocks à l’été 2023 risque d’être très difficile. Le taux de remplissage des installations de stockage en octobre 2023 n’atteindrait que 41 % dans le premier scénario et 56 % dans le second.
Un hiver exceptionnellement froid ou une réduction des importations de gaz provenant d’autres sources (par exemple en raison d’une reprise de la croissance économique sur un grand marché comme la Chine) augmenterait le risque de devoir procéder à de nouvelles réductions drastiques à un moment donné au cours de cette période.
Des coupures brutales porteraient préjudice à des branches spécifiques des industries qui ont peu de marge de manœuvre pour passer à d’autres combustibles (par exemple, lorsque le gaz est utilisé comme matière première dans les processus industriels) ou pour réduire la production sans subir de lourds dommages.
La disponibilité du gaz pour les clients protégés, notamment les ménages, qui représentent moins de 37 % de la consommation totale de l’UE, ne serait en principe pas directement touchée par des ruptures d’approvisionnement russe à grande échelle. Toutefois, ce ne sera le cas que si aucun autre événement imprévu ne survient.
Il est essentiel d’agir rapidement et de manière déterminée dès maintenant. En l’absence d’efforts significatifs de substitution et de réduction de la demande dans les semaines à venir, une grave perturbation de l’approvisionnement en gaz au cours de l’hiver 2022/2023 aurait des effets importants sur l’économie et les marchés du travail européens, ce qui toucherait tous les États membres, directement ou indirectement.
Agir maintenant permettrait de réduire le coût d’une soudaine rupture de l’approvisionnement.
Il serait nettement moins coûteux d’optimiser le potentiel de substitution et de commencer à réduire la demande de gaz naturel dès maintenant et de manière modérée grâce à un délai plus long que de devoir réduire la demande de manière drastique et soudaine au moment du pic de consommation (c’est-à-dire en hiver), sans préparation adéquate. En anticipant la réduction de la demande, les gestionnaires de réseau pourraient optimiser la capacité du réseau, transporter plus de gaz de l’ouest vers l’est en temps voulu et remplir davantage les installations de stockage où des capacités sont disponibles en vue de l’hiver prochain et de l’hiver 2023/2024. Une réduction de la demande anticipée et répartie de la sorte permettrait globalement d’éliminer ou de réduire de plus de la moitié toute pénurie hivernale potentielle. Le fait d’anticiper la réduction dès maintenant permettrait de fournir des incitations ciblées aux industries qui ont la possibilité de réduire leur consommation, par exemple en passant à des combustibles renouvelables ou, en tout cas, à des combustibles présentant le taux d’émissions le plus faible possible, sous réserve d’efforts en matière d’efficacité énergétique et en vue d’éviter les effets de blocage à long terme.
En ce qui concerne l’incidence macroéconomique globale en cas de rupture majeure de l’approvisionnement, une réponse européenne solidaire et coordonnée avant l’hiver permettrait de limiter l’incidence négative sur le PIB et l’emploi.
En se basant sur les besoins recensés dans les scénarios du REGRT pour le gaz et en prenant des mesures anticipées pour réduire la demande, une coupure de l’approvisionnement de la Russie en cas d’hiver moyen pourrait réduire le PIB d’au moins 0,4 % en moyenne pour l’ensemble de l’UE et jusqu’à 0,6 % en cas d’hiver froid.
Cependant, attendre que la coupure de l’approvisionnement soit complète avant d’agir augmenterait le coût d’au moins un tiers, en partie à cause de l’occasion ratée de se coordonner et de s’ajuster plus facilement. En cas d’hiver moyen, si nous attendons pour agir, l’incidence serait comprise entre 0,6 et 1 % du PIB.
En cas d’hiver froid, ces chiffres augmenteraient encore. Le fait d’attendre pour agir dans le cas d’un hiver froid multiplierait considérablement les coûts pour l’UE, avec une incidence sur le PIB comprise entre 0,9 et 1,5 % en moyenne, en particulier pour les États membres les plus touchés.
Pour éviter une pénurie de gaz dans les mois à venir, la réduction globale de la demande de gaz recommandée du 1er août au 31 mars 2023 est de 15 %.
2.
Un plan visant à réduire la demande de gaz tout en donnant la priorité aux clients critiques
Le plan européen de réduction de la demande de gaz
La réduction de la demande de 15 % mentionnée ci-dessus peut être atteinte en agissant dès maintenant, en mettant en œuvre le plan d’économies d’énergie et en prenant des mesures supplémentaires d’économie de gaz dans les secteurs non protégés, en utilisant les bonnes pratiques et les critères intelligents de priorisation recensés dans le plan européen de réduction de la demande de gaz ci-joint. Ledit plan définit les principes et les critères de réduction coordonnée de la demande visant non seulement à protéger l’approvisionnement en gaz des ménages et des consommateurs essentiels comme les hôpitaux, mais aussi la fourniture de produits et services essentiels à l’économie, des industries qui sont déterminantes pour les chaînes d’approvisionnement de l’UE et pour sa compétitivité. Ce plan s’appuie sur les plans d’urgence nationaux existants, les bonnes pratiques en vigueur et des consultations ciblées auprès d’acteurs de l’industrie.
La gestion de la demande devrait cibler en priorité les secteurs offrant les meilleures possibilités de substitution et devrait mieux répartir la charge dans l’ensemble de l’économie, tout en protégeant le PIB et l’emploi. Les risques de goulets d’étranglement en aval et de pression inflationniste seraient moindres et la protection contre d’autres risques (par exemple, un hiver rigoureux) serait plus efficace.
Les principes clés du plan: substitution, solidarité et économies
Substitution: réduction coordonnée de la demande de gaz en soutenant les possibilités de substitution
Tous les efforts déployés dans les États membres en matière de production d’électricité, par les industries et par les ménages, devraient d’abord se concentrer sur les possibilités de substitution visant à cesser d’utiliser du gaz naturel, tout en gardant toujours à l’esprit les concessions que ces choix impliquent, par exemple en cas de (ré)introduction du charbon dans le bouquet énergétique, même à titre temporaire. La priorité consiste à remplacer les combustibles par des sources d’énergie propres lorsque c’est possible sur le plan technique, en temps utile et de manière rentable. Les efforts de diversification devraient également être poursuivis en accélérant l’achèvement des terminaux de GNL strictement nécessaires ou d’autres infrastructures gazières, notamment les interconnexions, en combinaison avec les efforts de l’UE pour diversifier l’approvisionnement en GNL dans le cadre de la plateforme énergétique de l’UE.
Les possibilités de substitution du gaz naturel par des sources à plus forte intensité de carbone, comme le diesel ou le charbon, devront être déployées temporairement, avec les clauses de protection de l’environnement nécessaires, lorsqu’il n’existe aucune autre solution plus propre. À cette fin, des possibilités de changement de combustible limitées dans le temps peuvent être soutenues au niveau de l’UE et des États membres.
Solidarité: anticiper et atténuer les risques d’une coupure totale de l’approvisionnement en gaz russe
Les chocs d’approvisionnement en gaz ne touchent pas tous les États membres et les régions de la même façon. Pour faire face à de telles conséquences, l’UE doit agir de manière pleinement solidaire entre les États membres et entre les différents consommateurs de gaz naturel. Même si les États membres seront touchés différemment, un effort collectif réduira la gravité de l’incidence sur les États membres les plus touchés et, en retour, tous les États membres bénéficieront de l’action commune. La Commission restera donc vigilante pour protéger le marché unique, en particulier pour prévenir toute restriction éventuelle des échanges entre les États membres, et s’efforcera d’empêcher toute perturbation des activités économiques particulièrement essentielles et des services sociaux critiques. Si la situation évolue au point qu’il soit nécessaire d’envisager des mesures de restriction, cela devrait être fait de manière cohérente et coordonnée entre les États membres, en tenant dûment compte de l’atténuation de l’incidence sur l’emploi et les revenus.
Pour qu’une telle solidarité fonctionne dans la pratique, l’ensemble des États membres et des acteurs sociaux et économiques doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour se préparer à cette situation, et substituer ou réduire dès maintenant la demande de gaz chaque fois que cela est possible. Cet exercice de coordination nécessite la mise en place d’un système de gouvernance adéquat, qui peut s’appuyer sur les ressources des ministères de l’énergie et de l’industrie de tous les États membres et qui prévoit une large sensibilisation et un engagement de tous les groupes de consommateurs.
Économies: tout le monde peut y contribuer
Une réduction supplémentaire de la demande devrait être envisagée dans les domaines du chauffage et de la climatisation des bâtiments ou du chauffage de l’eau. En cas d’urgence, si la sécurité de l’approvisionnement en électricité est menacée, les règles européennes et nationales en matière de sécurité d’approvisionnement permettent de donner la priorité à l’approvisionnement en gaz de certaines centrales électriques critiques fonctionnant au gaz et de certaines catégories de consommateurs protégés. Toutefois, le fait que l’approvisionnement en gaz soit garanti pour les ménages et certaines centrales électriques critiques fonctionnant au gaz ne devrait pas empêcher les autorités publiques d’adopter d’autres mesures pour réduire la consommation de gaz des clients protégés et du secteur de l’électricité, ainsi que pour promouvoir les réductions volontaires de la demande. Ce point est primordial pour éviter d’imposer une réduction de la consommation aux clients industriels qui sont essentiels pour la société et l’économie.
Le graphique ci-dessous présente la dernière évaluation du potentiel des différents types de mesures pour réduire la demande de gaz et chercher à combler l’écart.
Bâtiments: réduire le chauffage et la climatisation
Le plan «Économiser l’énergie» du 18 mai présenté dans le cadre de REPowerEU a déjà déterminé une série de mesures d’économies potentielles dans les bâtiments et on estime que 11 Mrd m3 pourraient être économisés. Certains changements de comportement simples, comme baisser le thermostat dans les logements lorsque c’est possible, raccourcir la durée des douches, éteindre les appareils au lieu de les mettre en veille, ainsi que cuisiner, réfrigérer et congeler les aliments en optimisant l’énergie, sont des mesures utiles pour les factures d’énergie. Plus la réduction de la consommation est importante grâce à des actions volontaires, moins il sera nécessaire de recourir à des réductions obligatoires pour l’industrie à l’avenir. Bien sûr, une moindre consommation de gaz s’accompagne de factures moins élevées.
Il est déjà possible de réaliser des économies de gaz pendant l’été en réduisant les pics de consommation d’électricité (et donc directement la consommation de gaz) liés à la climatisation. Pendant la saison de chauffage (d’octobre à mars), d’importantes économies peuvent être réalisées en déployant des sources de chaleur alternatives pour le chauffage urbain, grâce à des pompes à chaleur et à des systèmes de gestion intelligente de l’énergie dans les ménages, et par l’intermédiaire de campagnes d’économie de gaz, par exemple en indiquant de baisser le thermostat d’un degré (sauf pour les personnes qui ne peuvent déjà pas chauffer leur logement correctement) ou en utilisant moins d’eau chaude. Des systèmes de tarification par bonus-malus bien conçus peuvent également favoriser les changements de comportement et les économies supplémentaires. Il est également possible de réaliser des économies en imposant une réduction du chauffage des bâtiments publics, des bureaux, des locaux commerciaux et des espaces ouverts tels que les terrasses extérieures, lorsque c’est applicable et possible sur le plan technique. Le rôle des autorités publiques, qui doivent montrer l’exemple, est essentiel à cet égard.
Production d’électricité et de chaleur: économiser le gaz non critique
Il existe un potentiel important d’économies de gaz dans la production d’électricité et de chauffage, en réduisant la consommation d’électricité, en changeant de source d’énergie et de chaleur, et en important de l’électricité. La Commission a demandé au REGRT pour l’électricité d’estimer l’incidence d’une éventuelle pénurie de gaz sur la production d’électricité. Selon une première estimation, seule la moitié du gaz consommé dans le secteur de l’électricité est considérée comme critique pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité. Une analyse plus approfondie est en cours quant à la préparation à l’hiver en matière d’électricité, qui devrait tenir compte de la disponibilité des centrales nucléaires et des réserves hydroélectriques potentiellement plus touchées cette année. Toutefois, cette première estimation laisse entrevoir la possibilité d’économiser une quantité importante de gaz. Par exemple, depuis le début de l’année, l’UE a déployé une nouvelle capacité d’énergie renouvelable d’au moins 20 GW. Le passage à des combustibles de substitution pour produire de l’électricité permettrait d’économiser une quantité importante de gaz au cours des huit prochains mois (voir graphique p. 11), en plus de la flexibilité du côté de la demande pour réduire les pics de demande.
Le choix des sources d’énergie pour la production d’électricité et de chauffage revient en fin de compte à chaque État membre, tout en tenant compte de l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030, ainsi que de l’objectif de neutralité climatique à long terme, des politiques de l’UE en matière d’air pur, et de l’incidence des décisions qui sont prises sur les autres États membres et sur la sécurité collective de l’approvisionnement. Dans le cadre des travaux en cours visant à renforcer la préparation au niveau national et à revoir la planification de la mise en service et hors service progressive des centrales électriques, l’incidence européenne devrait être prise en compte à la lumière des nouvelles circonstances actuelles, y compris les risques pour la sécurité d’approvisionnement et les prix des combustibles de substitution sur les marchés internationaux de l’énergie. Il s’agit d’un aspect essentiel des plans nationaux de préparation aux risques dans le secteur de l’électricité au titre du règlement sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité que la Commission est en train de réexaminer.
Le passage à d’autres combustibles, à plus ou moins forte intensité de carbone et plus ou moins polluants que le gaz naturel, devrait en général se faire automatiquement en raison de l’augmentation des prix du gaz. Toutefois, pour passer au combustible issu de la biomasse ou au diesel, il faut s’assurer que des quantités suffisantes de ces combustibles de substitution sont mises à la disposition des sites qui les utilisent et prendre des mesures appropriées pour stocker et contrôler la sécurité d’approvisionnement de ces combustibles de substitution. Certains États membres ont reporté l’élimination progressive des centrales nucléaires. D’autres ont permis aux centrales au charbon/lignite de reprendre leurs activités ou de produire davantage.
L’interdiction d’importer du charbon et du pétrole de Russie dans le cadre des cinquième et sixième trains de sanctions de l’UE devrait être prise en compte par les États membres dans le contexte du changement de combustible, car elle pourrait avoir un effet sur la disponibilité des anciennes sources d’approvisionnement. Dans le cas du pétrole, la gestion optimale des stocks d’urgence existants est un élément essentiel. Les stocks de pétrole d’urgence existants constituent un filet de sécurité, qui doit être utilisé conformément aux règles de l’UE et aux plans d’urgence nationaux.
Le changement de combustible peut également avoir une incidence sur la pollution atmosphérique, et donc sur la santé des personnes et des écosystèmes, ainsi que sur la consommation d’eau. La directive relative aux émissions industrielles permet d’accorder aux installations de combustion au gaz passant au pétrole des dérogations concernant les valeurs limites d’émission dans certaines conditions, en cas de nécessité impérieuse de maintenir l’approvisionnement énergétique. Cette dérogation peut durer aussi longtemps que le besoin persiste, à condition que la Commission en soit dûment informée. Comme l’a précisé la Cour de justice, si un projet n’implique pas de travaux ou d’interventions modifiant des installations existantes, ce projet n’a pas besoin d’obtenir une nouvelle autorisation, au sens de la directive sur l’évaluation des incidences sur l’environnement. Dans le même ordre d’idée, le changement de combustible d’une centrale électrique n’est pas qualifié de projet s’il n’y a pas de travaux ou d’interventions. Conformément au plan REPowerEU, la modification de l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’État mentionne la possibilité d’accorder des aides pour le changement de combustible, en priorité pour le passage à des sources d’énergie propres.
Les mesures de changement de combustible devraient être conçues de manière à ne pas compromettre les objectifs de décarbonation à moyen terme ni l’accélération nécessaire de la transition vers une énergie propre. De plus, elles devraient réduire au minimum toute augmentation de la pollution et ne pas mettre en péril les engagements globaux d’élimination progressive du charbon à long terme pris par les États membres. Il est donc essentiel de veiller à ce qu’elles ne conduisent pas à l’avenir à une dépendance au carbone.
Enfin, l’UE travaille avec l’Ukraine et le REGRT pour l’électricité pour renforcer le commerce de l’électricité entre l’Ukraine et l’UE, à la fois pour soutenir l’Ukraine et pour fournir une alternative à plus faible teneur en carbone aux États membres voisins.
Industrie: changement de combustible, autres mesures fondées sur le marché et critères intelligents de priorisation
L’industrie est déjà confrontée à la hausse des prix de l’énergie et, en conséquence, certaines industries présentent d’importants taux de fermeture. Les prix élevés du gaz ont été en partie responsables de la réduction de 5 % de la demande de gaz de l’UE au cours du premier semestre 2022 par rapport aux années précédentes. Cette tendance devrait se poursuivre tant que les prix resteront élevés. Une description plus détaillée des mesures d’économie de gaz et de changement de combustible est fournie dans l’annexe de la présente communication.
Dans le secteur industriel, la prochaine réaction devrait se concentrer sur des mesures fondées sur le marché pour inciter à la réduction de la demande et limiter les dommages pour la société et l’économie. Le gaz est utilisé comme matière première et comme source d’énergie par des industries pour lesquelles le potentiel technique et le coût liés au changement de combustible ou à la réduction de la consommation varient considérablement d’un secteur à l’autre. Les instruments du marché sont efficaces pour susciter les options de réduction les plus favorables.
La Commission soutient fermement les bonnes pratiques, telles que les systèmes de mise aux enchères ou d’appels d’offres nationaux, régionaux ou conjoints pour inciter les consommateurs industriels à réduire leur consommation en laissant les industries proposer leur réduction de consommation de gaz. Ce mécanisme entraînerait une réduction de la consommation totale actuelle de gaz, qui permettrait de remplir davantage les installations de stockage de gaz, par exemple. Ces enchères ou appels d’offres pourraient être organisés au niveau transfrontière afin d’optimiser les possibilités de réduction de la demande, notamment par les grands clients transfrontières qui opèrent dans plusieurs États membres. À cet égard, comme le prévoit également l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’État, les règles de l’UE dans ce domaine permettent aux États membres d’encourager les réductions volontaires de la demande de gaz, sous réserve de certaines conditions, par exemple en encourageant le passage à des sources d’énergie plus propres.
La Commission étudiera rapidement l’idée de mise aux enchères à l’échelle de l’UE en étroite consultation avec les États membres.
D’autres mesures similaires fondées sur le marché, déjà prévues dans les plans d’urgence nationaux, comprennent les «contrats interruptibles». Il s’agit d’une mesure de flexibilité dans le cadre de laquelle une compensation financière prédéterminée est accordée pour un niveau prédéterminé de réduction du volume de gaz pendant la période de déconnexion.
Dans une situation d’urgence, une fois que toutes les mesures fondées sur le marché et non fondées sur le marché ont été épuisées, il se peut que les États membres commencent à avoir besoin de réduire partiellement ou totalement la livraison de gaz à des groupes de consommateurs spécifiques qu’ils ont identifiés dans un ordre prédéfini dans leurs plans d’urgence. Les approches de cette hiérarchisation des priorités diffèrent selon les États membres, et prennent en compte ou non l’effet plus large sur des segments critiques de l’économie européenne ou mondiale. En cas de décisions non coordonnées, il existe un risque important de fragmentation du marché unique, avec une incidence involontaire des décisions nationales sur d’autres pays de l’UE, comme nous l’avons vu pendant la crise de la COVID. La coordination est essentielle pour préserver au maximum l’intégrité du marché unique. Le plan européen de réduction de la demande de gaz ci-joint fournit des lignes directrices aux États membres pour revoir et améliorer leur ordre de priorité en utilisant des principes et des critères communs afin de coordonner et de réduire au minimum les répercussions socio-économiques dans un contexte européen plus large, tout en maintenant la solidarité européenne.
En cas de restriction ciblée, il sera essentiel d’en atténuer les répercussions socio-économiques. Ces lignes directrices devraient être clairement prises en compte par les États membres lors de la mise à jour de leurs plans d’urgence nationaux. Elles faciliteront les futurs exercices de coordination, le cas échéant. Comme mentionné dans la communication relative aux interventions sur le marché de l’énergie à court terme accompagnant le plan REPowerEU, dans une situation d’urgence régionale ou à l’échelle de l’Union, conformément au règlement sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz, il pourrait également être nécessaire d’établir un prix administratif du gaz afin de couvrir la période d’urgence déclarée au niveau de l’Union.
De nouveaux instruments pourraient être élaborés pour les industries qui jouent un rôle stratégique dans le fonctionnement de l’économie et de la société de l’UE, afin de les encourager dans leurs efforts de substitution, de diversification et d’économie de gaz, à mesure que les mécanismes de prix du marché atteignent leur potentiel et que les options fondées sur le marché s’épuisent.
Renforcement de la gouvernance de la solidarité et des mécanismes de soutien à la coopération
La situation exige un mécanisme permettant à la Commission et aux États membres de renforcer encore leur coopération pour traiter les différents aspects de la crise à mesure qu’elle évolue et pour protéger le marché intérieur. Le groupe de coordination pour le gaz existant peut répondre à cette exigence en se réunissant régulièrement, et ce, si nécessaire, au niveau du directeur général, avec des représentants des ministères de l’industrie. Il jouera un rôle essentiel dans le suivi de l’effet de la réduction de la demande sur les secteurs critiques et les chaînes de valeur dans l’ensemble de l’UE, et permettra l’échange d’informations nécessaire en associant, le cas échéant, d’autres parties prenantes, partenaires sociaux et forums politiques pertinents.
Dans une situation d’urgence, une solidarité efficace et rapide serait grandement facilitée par la mise en place d’accords bilatéraux de solidarité tels que prévus par le règlement sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz, précisant les arrangements techniques, juridiques et financiers nécessaires pour fournir du gaz aux clients juridiquement protégés des pays voisins en cas de crise. Il est urgent que tous les États membres qui ne l’ont pas encore fait achèvent la préparation des accords de solidarité nécessaires. Cela étant, les accords de solidarité bilatéraux ne suffiront peut-être pas à eux seuls. Une coordination au niveau de l’UE restera indispensable.
3.
Un outil européen commun pour coordonner la réduction de la demande de gaz
La réduction nécessaire de la demande ne peut diminuer les risques pour l’hiver prochain que si elle repose sur un engagement ferme de tous les États membres à atteindre notre objectif collectif. En outre, compte tenu de la nature sans précédent de la crise de l’approvisionnement en gaz et de ses effets transfrontières, aucun État membre ne peut à lui seul faire face de manière suffisante ou efficace au risque de graves difficultés économiques dues à des hausses de prix ou à des ruptures d’approvisionnement importantes. Pour être pleinement efficace, la façon dont l’UE se prépare collectivement à l’hiver doit s’appuyer sur un cadre réglementaire solide garantissant une action coordonnée et rapide. Les circonstances actuelles justifient le recours aux pouvoirs réglementaires d’urgence prévus à l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
La Commission propose donc un règlement du Conseil afin de permettre une action efficace pour faire face au risque de déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché européen du gaz, notamment grâce au cadre de gouvernance nécessaire. Dans un premier temps, les États membres ont la possibilité de mettre en œuvre les réductions nécessaires sur une base volontaire. Si la situation se détériore et qu’il se révèle nécessaire de déclencher une alerte de l’UE, conformément au cadre défini dans la proposition d’urgence, un objectif contraignant de réduction de la demande de gaz serait mis en œuvre. Chaque État membre déterminerait les mesures de réduction de la demande, en consultation avec les pays voisins. Par conséquent, le projet de règlement:
·demande à l’ensemble des États membres de déployer tous les efforts possibles pour continuer à investir dans des alternatives au gaz russe et atteindre un objectif de réduction non contraignant de 15 % de leur demande pour les huit prochains mois au moins par rapport à la demande moyenne des cinq dernières années (2016-2021). Cela permettrait d’économiser 45 Mrd m3 de gaz à l’échelle européenne sur cette période. Les efforts de réduction correspondants devraient se fonder sur les lignes directrices du plan européen de réduction de la demande;
·demande aux États membres de mettre à jour leurs plans d’urgence nationaux existants afin de recenser les mesures spécifiques de réduction de la demande qu’ils décident de prendre en conséquence avant la fin du mois de septembre;
·définit un cadre de gouvernance facilitant l’évaluation des efforts réalisés par tous les États membres pour investir dans des alternatives au gaz russe, réduire la demande de gaz et tenir compte des perturbations des chaînes d’approvisionnement de l’UE résultant de mesures nationales;
·introduit un processus permettant de déclencher à tout moment, dans les semaines ou les mois à venir, une alerte de l’UE si la situation et les perspectives évoluent négativement en matière d’équilibre entre l’offre et la demande, avec des risques de pénurie grave de gaz et de détérioration significative de la sécurité d’approvisionnement. Si tel était le cas, la Commission pourrait imposer une réduction contraignante de 15 % afin d’assurer la réduction globale nécessaire dans l’UE dans le but de garantir un hiver sûr pour tous.
4.
Conclusions et étapes suivantes
Le moment est venu pour l’UE d’anticiper les risques et de renforcer de manière proactive la préparation garantissant la sécurité de l’approvisionnement en gaz. Il s’agit d’un signal adressé à tous les organismes publics, aux consommateurs, aux ménages, aux propriétaires de bâtiments publics, aux fournisseurs d’électricité, leur indiquant qu’ils doivent dès à présent prendre des mesures extraordinaires et rapides pour économiser le gaz afin de réduire les conséquences d’éventuelles perturbations dans les prochains mois sur l’économie de l’UE.
Se préparer à d’éventuelles perturbations majeures avant ou pendant l’hiver prochain est vital pour la résilience de l’UE et la crédibilité de sa réaction face aux événements actuels sur la scène géopolitique. Cette démarche ne sera couronnée de succès que si les citoyens et les autres consommateurs y adhèrent en participant au processus décisionnel.
Indépendamment d’une coupure totale à court terme des flux en provenance de Russie, une action conjointe précoce au niveau de l’UE à ce moment critique du processus de remplissage des installations de stockage réduira la nécessité d’une éventuelle et plus douloureuse réduction de la demande plus tard dans l’hiver.
En accélérant la diversification et en mettant en œuvre une réduction crédible de la demande de manière coordonnée dans tous les États membres, l’UE peut envoyer un signal fort au marché, à savoir que l’Europe est prête à faire face à de nouvelles perturbations. Elle est plus résiliente, plus à même de faire face à des évolutions imprévues, et peut contribuer à atténuer leurs répercussions sur les prix et l’économie.
L’UE devrait être confiante dans sa capacité à faire face aux conséquences de ruptures d’approvisionnement majeures et intensifier radicalement ses efforts pour mettre fin à sa dépendance à l’égard du gaz russe. La proposition de règlement du Conseil ci-jointe et le plan européen de préparation à l’hiver fournissent un outil réglementaire commun et des lignes directrices aux États membres en vue de réduire rapidement et à moindre coût la demande à un niveau adéquat pour passer l’hiver prochain et se préparer en toute sécurité aux étapes suivantes. L’objectif consiste à mettre en place des mesures et des critères coordonnés en matière de demande dans toute l’UE, dans un esprit de solidarité et de responsabilité, comme l’ont demandé les dirigeants européens. Les bonnes pratiques telles que les mises aux enchères conjointes pour réduire la consommation et la réduction du chauffage dans les bâtiments publics devraient être envisagées de toute urgence.
La Commission rendra compte régulièrement au Conseil. L’engagement politique continu garantira la coordination proactive et efficace de l’UE à la hauteur des enjeux à venir.
En parallèle, il est essentiel d’accélérer l’adoption de la révision du règlement sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz proposée dans la révision de décembre 2021 du règlement sur le marché du gaz, qui introduira des clauses de solidarité automatiques et harmonisées entre les États membres pour garantir l’approvisionnement des clients protégés même en cas de crise extrême.
L’adoption et la mise en œuvre immédiate de ce plan permettront de réduire l’incertitude, de limiter les primes de risque sur les marchés de l’énergie, d’aider à remplir davantage les installations de stockage et de donner la priorité à la consommation de gaz là où elle est le plus nécessaire. Ce faisant, l’UE et ses États membres seront plus forts face à d’éventuelles ruptures majeures de l’approvisionnement en gaz l’hiver prochain.