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Document 62014CJ0219

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 11 novembre 2015.
    Kathleen Greenfield contre The Care Bureau Ltd.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par l’Employment Tribunal Birmingham.
    Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Accord-cadre sur le travail à temps partiel – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Droit au congé annuel payé – Calcul des droits au congé en cas d’augmentation du temps de travail – Interprétation du principe du pro rata temporis.
    Affaire C-219/14.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:745

    ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    11 novembre 2015 ( * )

    «Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Accord‑cadre sur le travail à temps partiel — Aménagement du temps de travail — Directive 2003/88/CE — Droit au congé annuel payé — Calcul des droits au congé en cas d’augmentation du temps de travail — Interprétation du principe du pro rata temporis»

    Dans l’affaire C‑219/14,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Employment Tribunal Birmingham (tribunal du travail de Birmingham, Royaume‑Uni) par décision du 23 avril 2014, parvenue à la Cour le 6 mai 2014, dans la procédure

    Kathleen Greenfield

    contre

    The Care Bureau Ltd,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de la dixième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. A. Borg Barthet et S. Rodin, juges,

    avocat général: M. M. Szpunar,

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 septembre 2015,

    considérant les observations présentées:

    pour The Care Bureau Ltd, par M. I. Pettifer, solicitor,

    pour le gouvernement du Royaume‑Uni, par M. L. Christie, en qualité d’agent, assisté de M. G. Facenna, barrister,

    pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

    pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et M. de Ree, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

    pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et J. Enegren, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997 (ci‑après l’«accord‑cadre sur le travail à temps partiel»), qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, la CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9), telle que modifiée par la directive 98/23/CE du Conseil, du 7 avril 1998 (JO L 131, p. 10), et de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Greenfield à The Care Bureau Ldt (ci‑après «Care») au sujet du calcul de l’indemnité financière pour congé annuel payé non pris à laquelle Mme Greenfield considère avoir droit à la suite de la cessation de son contrat de travail.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    La clause 4 de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel, intitulée «Principe de non‑discrimination», dispose:

    «1.

    Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

    2.

    Lorsque c’est approprié, le principe du pro rata temporis s’applique.»

    4

    La clause 6, point 1, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel prévoit:

    5

    Aux termes du considérant 5 de la directive 2003/88:

    6

    L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé «Congé annuel», est libellé comme suit:

    «1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

    2.   La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»

    7

    L’article 15 de cette directive, intitulé «Dispositions plus favorables», dispose:

    «La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l’application de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.»

    8

    L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de cette directive. Toutefois, aucune dérogation n’est admise en ce qui concerne l’article 7 de celle‑ci.

    Le droit du Royaume‑Uni

    9

    Le règlement de 1998 relatif au temps de travail (Working Time Regulations 1998, SI 1998/1833), tel que modifié par le règlement modificatif de 2007 [Working Time (Amendment) Regulations 2007, SI 2007/2079, ci‑après le «règlement relatif au temps de travail»], prévoit, à son article 13, relatif au droit à congés annuels:

    «1)

    Sous réserve du paragraphe 5, un travailleur a droit à quatre semaines de congés annuels au cours de chaque année de référence.

    [...]

    5)

    Lorsque la date de début du contrat de travail est postérieure à la date à laquelle (en vertu d’une convention conclue à cet effet) la première année de référence commence à courir, le congé auquel le travailleur a droit pendant cette année est égal à une partie de la durée prévue au [paragraphe 1], proportionnelle à la durée de l’année référence restant à courir à la date de début du contrat.»

    10

    L’article 13 bis du règlement relatif au temps de travail prévoit:

    «1)   Sous réserve de l’article 26 bis, paragraphes 3 et 5, un travailleur a droit, au cours de chaque année de référence, à une période de congé supplémentaire déterminée conformément au paragraphe 2.

    2)   La période de congé supplémentaire à laquelle un travailleur a droit au titre du paragraphe 1 est:

    a)

    au cours de toute année de référence commençant au plus tôt le 1er octobre 2007, mais avant le 1er avril 2008, de 0,8 semaine;

    b)

    au cours de toute année de référence commençant avant le 1er octobre 2007, d’une fraction de 0,8 semaine proportionnelle à la durée de l’année commençant le 1er octobre 2007 qui se serait écoulée à la fin de cette année de référence;

    c)

    au cours de toute année de référence commençant le 1er avril 2008, de 0,8 semaine;

    d)

    au cours de toute année de référence commençant après le 1er avril 2008, mais avant le 1er avril 2009, de 0,8 semaine et d’une fraction de 0,8 semaine supplémentaire proportionnelle à la durée de l’année commençant le 1er avril 2009 qui se serait écoulée à la fin de cette année de référence;

    e)

    au cours de toute année de référence commençant au plus tôt le 1er avril 2009, de 1,6 semaine.

    3)

    Le total des droits prévus au paragraphe 2 et à l’article 13, paragraphe 1, est limité à 28 jours.

    4)

    Aux fins du présent article, l’année de référence d’un travailleur commence à la même date que celle à laquelle l’année de référence du travailleur commence aux fins de l’article 13.

    5)

    Lorsque la date de début du contrat de travail du travailleur est postérieure à la date à laquelle la première année de référence commence à courir, le congé supplémentaire auquel le travailleur a droit pendant cette année est égal à une partie de la durée prévue au paragraphe 2 proportionnelle à la durée de l’année de référence restant à courir à la date de début du contrat.

    [...]»

    3)   Le total des droits prévus au paragraphe 2 et à l’article 13, paragraphe 1, est limité à 28 jours.

    4)   Aux fins du présent article, l’année de référence d’un travailleur commence à la même date que celle à laquelle l’année de référence du travailleur commence aux fins de l’article 13.

    5)   Lorsque la date de début du contrat de travail du travailleur est postérieure à la date à laquelle la première année de référence commence à courir, le congé supplémentaire auquel le travailleur a droit pendant cette année est égal à une partie de la durée prévue au paragraphe 2 proportionnelle à la durée de l’année de référence restant à courir à la date de début du contrat.

    [...]»

    11

    Aux termes de l’article 14 du règlement relatif au temps de travail:

    «1)   Le présent article s’applique lorsque:

    a)

    le contrat de travail prend fin au cours de l’année de référence du travailleur, et

    b)

    à la date de prise d’effet de la fin du contrat (la date de fin du contrat), la proportion des congés pris par le travailleur par rapport à ce à quoi il avait droit en vertu de [l’article 13 et de l’article 13 bis] au titre de l’année de référence est différente de la proportion de l’année de référence déjà écoulée.

    2)   Lorsque la proportion de congés pris par le travailleur est inférieure à la proportion de l’année de référence écoulée, son employeur peut lui verser une indemnité compensatoire de congés payés en application du paragraphe 3.

    3)   Le paiement dû en vertu du paragraphe 2 est égal à:

    a)

    la somme prévue aux fins du présent article par convention spécifique ou,

    b)

    à défaut de dispositions applicables d’une convention spécifique, une somme égale au montant qui aurait été dû au travailleur en application de l’article 16 pour la période de congé déterminée selon la formule (A x B) - C: A étant la durée du congé auquel le travailleur a droit en vertu de [l’article 13 et de l’article 13 bis]; B étant la fraction de l’année de référence du travailleur écoulée avant la date de fin du contrat, et C étant la durée du congé pris par le travailleur entre le début de l’année de référence et la date de fin du contrat.

    4)   Une convention spécifique peut prévoir que lorsque la fraction de congé pris par le travailleur excède la fraction de l’année de référence écoulée, il dédommage son employeur par une indemnité, par un surcroît de travail ou d’une autre manière.»

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    12

    Mme Greenfield a été employée par Care à partir du 15 juin 2009. Elle a travaillé en vertu d’un contrat de travail dans lequel il était prévu que les heures et les jours de travail différaient d’une semaine à l’autre. La rémunération due pour chaque semaine variait en fonction du nombre de jours et d’heures de travail effectués.

    13

    En vertu tant du droit du Royaume‑Uni que de ce contrat de travail, Mme Greenfield avait droit à 5,6 semaines de congé par an. L’année de référence pour le calcul de ses congés a débuté le 15 juin.

    14

    Mme Greenfield a quitté Care le 28 mai 2013. Il n’est pas contesté qu’elle avait pris 7 jours de congés payés au cours de la dernière année de référence. Elle avait travaillé au total durant 1729,5 heures et avait bénéficié de congés payés pour un total de 62,84 heures.

    15

    Mme Greenfield avait pris ces 7 jours de congés payés pendant le mois de juillet 2012. Durant les 12 semaines ayant immédiatement précédé ce congé, son rythme de travail était d’un jour par semaine.

    16

    À partir du mois d’août 2012, Mme Greenfield a commencé à travailler selon un rythme de travail de 12 jours d’affilée et de 2 jours de repos pris à titre de week‑end, une semaine sur deux. Ce rythme correspondait à une moyenne de 41,1 heures de travail par semaine. Il était prévu par Care que toutes les heures de travail de Mme Greenfield, y compris les heures supplémentaires effectuées, seraient utilisées pour le calcul des droits au congé annuel payé de l’intéressée.

    17

    Au mois de novembre 2012, Mme Greenfield a demandé à bénéficier d’une semaine de congé payé. Care l’a informée que, au vu des jours de congés qu’elle avait pris entre le mois de juin et celui de juillet 2012, elle avait épuisé son droit au congé annuel payé. Le droit aux congés payés serait calculé à la date à laquelle le congé est pris et ce sur la base du rythme de travail constaté pendant les 12 semaines ayant précédé la prise du congé. Dès lors que Mme Greenfield avait pris son congé à un moment où son rythme de travail était d’un jour par semaine, elle aurait pris l’équivalent de 7 semaines de congés payés et, partant, aurait épuisé son droit au congé annuel payé.

    18

    Estimant qu’elle avait droit à une indemnité pour congés payés non pris, Mme Greenfield a assigné son employeur devant l’Employment Tribunal Birmingham (tribunal du travail de Birmingham), lequel a fait droit à sa demande.

    19

    Le 29 août 2013, Care a demandé à l’Employment Tribunal Birmingham (tribunal du travail de Birmingham) de fournir sa motivation par écrit. Le 8 octobre 2013, cette juridiction a proposé de réexaminer sa décision au motif que la situation juridique en cause était suffisamment incertaine pour qu’un renvoi préjudiciel à la Cour puisse être sollicité. À la suite du dépôt, par les parties, de leurs observations écrites, l’Employment Tribunal Birmingham (tribunal du travail de Birmingham) a toutefois considéré qu’un tel renvoi n’était pas nécessaire et il a fourni par écrit les motifs de sa décision.

    20

    Le 19 décembre 2013, Care a interjeté appel de cette décision devant l’Employment Appeal Tribunal (tribunal d’appel du travail), lequel a décidé de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision de l’Employment Tribunal Birmingham (tribunal du travail de Birmingham).

    21

    Entre‑temps, à savoir le 12 décembre 2013, Care avait demandé à l’Employment Tribunal Birmingham (tribunal du travail de Birmingham) de réexaminer son jugement. Cette juridiction a fait droit à cette demande lors de l’audience du 24 février 2014 et a révoqué ce jugement, d’une part, en raison d’une erreur de calcul qu’il contenait et, d’autre part, afin de procéder à un renvoi préjudiciel à la Cour.

    22

    Devant l’Employment Tribunal Birmingham (tribunal du travail de Birmingham), Mme Greenfield a fait valoir que le droit national, lu en combinaison avec le droit de l’Union, impose qu’un congé déjà acquis et pris soit rétroactivement recalculé et ajusté à la suite d’une augmentation du nombre des heures de travail, par exemple lors du passage d’un travail à temps partiel à un travail à temps plein, afin qu’il soit proportionnel au nouveau nombre d’heures de travail et non pas au nombre d’heures de travail effectuées à la date à laquelle il a été pris.

    23

    Care soutient que le droit de l’Union ne prévoit pas cette possibilité de procéder à un nouveau calcul et que les États membres ne sont donc pas obligés d’introduire un tel ajustement dans le droit national.

    24

    Éprouvant des doutes quant à l’interprétation du droit de l’Union qu’il convient de faire dans l’affaire dont il est saisi, l’Employment Tribunal Birmingham (tribunal du travail de Birmingham) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    Le principe du ‘pro rata temporis’, énoncé à la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel, doit‑il être interprété en ce sens qu’il exige qu’une disposition du droit national telle que les articles 13, 13A et 14 du règlement relatif au temps de travail ait pour effet, en cas d’augmentation des heures ouvrées d’un employé, que le volume de congés déjà accumulé soit ajusté proportionnellement aux nouvelles heures ouvrées, avec pour résultat que le travailleur qui augmente ses heures ouvrées aurait droit à un congé acquis recalculé en fonction de l’augmentation des heures ouvrées?

    2)

    La clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel ou l’article 7 de la directive 2003/88 doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une disposition de droit national telle que les articles 13, 13A et 14 du règlement relatif au temps de travail ait pour effet, en cas d’augmentation des heures ouvrées d’un employé, que le volume de congés déjà accumulé soit ajusté proportionnellement aux nouvelles heures ouvrées, avec pour résultat que le travailleur qui augmente ses heures ouvrées aurait droit à un congé acquis recalculé en fonction du nouveau nombre d’heures?

    3)

    S’il est répondu par l’affirmative aux première et/ou deuxième questions, le nouveau calcul s’applique‑t‑il uniquement à la portion de l’année de référence pour le calcul des congés pendant laquelle l’employé a augmenté ses heures ouvrées ou à une autre période?

    4)

    Lors du calcul de la période de congé prise par un travailleur, la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel ou l’article 7 de la directive 2003/88 doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’ils exigent qu’une disposition de droit national telle que les articles 13, 13A et 14 du règlement relatif au temps de travail ait pour effet d’adopter une approche différente selon qu’il s’agit de calculer une indemnité compensatrice du droit à congés annuels à la fin de la relation de travail ou de calculer le reliquat du droit à congés annuels en cas de maintien de la relation de travail?

    5)

    S’il est répondu par l’affirmative à la quatrième question, quelle est la différence d’approche à adopter?»

    Sur les questions préjudicielles

    Sur les première à troisième questions

    25

    Par ses première à troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel et l’article 7 de la directive 2003/88 sur l’aménagement du temps de travail doivent être interprétés en ce sens que, en cas d’augmentation du nombre d’heures de travail effectuées par un travailleur, les États membres ont l’obligation ou l’interdiction de prévoir que les droits au congé annuel payé déjà acquis, et éventuellement pris, soient recalculés, le cas échéant rétroactivement, en fonction du nouveau rythme de travail de ce salarié et, dans le cas où il faudrait procéder à un nouveau calcul, si celui‑ci porte uniquement sur la période au cours de laquelle le temps de travail dudit salarié a augmenté ou sur toute la période de référence.

    26

    À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé, et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées (voir, notamment, arrêts BECTU, C‑173/99, EU:C:2001:356, point 43, et Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols, C‑486/08, EU:C:2010:215, point 28).

    27

    La Cour a, de même, souligné à maintes reprises que le droit au congé annuel payé, accordé à chaque travailleur, est, en cette qualité de principe du droit social de l’Union, expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (voir, notamment, arrêt Heimann et Toltschin, C‑229/11 et C‑230/11, EU:C:2012:693, point 22 et jurisprudence citée).

    28

    Il ressort par ailleurs de ladite jurisprudence que le droit au congé annuel payé ne saurait être interprété de manière restrictive (voir, notamment, arrêts Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols, C‑486/08, EU:C:2010:215, point 29, ainsi que Heimann et Toltschin, C‑229/11 et C‑230/11, EU:C:2012:693, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

    29

    Il est constant, en outre, que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail (arrêt KHS, C‑214/10, EU:C:2011:761, point 31). Partant, les droits au congé annuel payé se constituent et doivent être calculés par rapport au rythme de travail prévu par le contrat de travail.

    30

    S’agissant, en premier lieu, de l’unité de temps sur la base de laquelle ce calcul doit être effectué, il y a lieu de relever que l’unité retenue dans la directive 2003/88 en ce qui concerne la durée maximale hebdomadaire de travail est l’«heure».

    31

    Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du considérant 5 de la directive 2003/88, le législateur de l’Union européenne estime que la notion de repos utilisée dans cette directive, notamment celle de repos annuel, doit être exprimée en jours, en heures et/ou en fractions de jour ou d’heure.

    32

    Il s’ensuit que le calcul des droits au congé annuel payé minimal doit, au sens de la directive 2003/88, être effectué par rapport aux jours ou aux heures et/ou aux fractions de jour ou d’heure de travail effectués et prévus par le contrat de travail.

    33

    S’agissant, en deuxième lieu, de la période de travail à laquelle les droits au congé annuel payé se rapportent et des éventuelles conséquences qu’une modification du rythme de travail, au regard du nombre d’heures ouvrées, peut ou doit avoir, d’une part, sur le volume des droits au congé déjà constitués et, d’autre part, sur l’exercice de ces droits dans le temps, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la prise du congé annuel lors d’une période ultérieure à la période pendant laquelle les droits audit congé ont été constitués n’a aucun rapport avec le temps de travail réalisé par le travailleur lors de cette période ultérieure (arrêt Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols, C‑486/08, EU:C:2010:215, point 32).

    34

    La Cour a également déjà jugé qu’une modification et, notamment, une diminution du temps de travail lors du passage d’un emploi à temps plein à un emploi à temps partiel ne saurait réduire le droit au congé annuel que le travailleur a acquis lors de la période de travail à temps plein (arrêt Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols, C‑486/08, EU:C:2010:215, point 32, et ordonnance Brandes, C‑415/12, EU:C:2013:398, point 30).

    35

    Il s’ensuit que, pour ce qui est de la constitution des droits au congé annuel payé, il convient de distinguer les périodes au cours desquelles le salarié travaillait selon des rythmes de travail différents, le nombre d’unités de repos annuel constituées par rapport au nombre d’unités de travail ouvrées devant être calculé pour chaque période séparément.

    36

    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’application du principe du pro rata temporis prévu à la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel.

    37

    En effet, s’il est vrai, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, que l’application de ce principe est appropriée à l’octroi du congé annuel pour une période d’emploi à temps partiel, dès lors que, pour une telle période, la diminution du droit au congé annuel par rapport à celui octroyé pour une période d’emploi à temps plein est justifiée par des raisons objectives, il n’en demeure pas moins que ledit principe ne saurait être appliqué ex post à un droit à congé annuel acquis lors d’une période de travail à temps plein.

    38

    Or, si les dispositions de la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel et celles de l’article 7 de la directive 2003/88 n’exigent donc pas des États membres qu’ils procèdent à un nouveau calcul des droits au congé annuel déjà constitués, lorsqu’un travailleur augmente le nombre de ses heures ouvrées, elles ne s’opposent pas non plus à ce que les États membres adoptent des dispositions plus favorables aux travailleurs et procèdent à un tel nouveau calcul.

    39

    En effet, ainsi qu’il ressort de la clause 6, point 1, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel et de l’article 15 de la directive 2003/88, ces deux actes, qui ne mettent en place qu’une protection minimale de certains droits des travailleurs, ne portent pas atteinte à la faculté dont disposent les États membres et les partenaires sociaux d’appliquer ou d’introduire des dispositions plus favorables aux travailleurs et de prévoir un tel nouveau calcul des droits au congé annuel payé.

    40

    Il convient d’ajouter que la distinction qu’il convient d’opérer entre les différents rythmes de travail pour la constitution des droits au congé annuel payé n’a cependant pas d’effet sur l’exercice des droits acquis. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le congé annuel acquis lors d’une période de référence peut être pris lors d’une période ultérieure et le temps de repos acquis ne perd pas son intérêt au regard de l’effet positif du congé annuel payé pour la sécurité et la santé du travailleur s’il est pris non pas lors de la période au cours de laquelle il a été constitué et pendant laquelle ledit travailleur travaillait à temps plein, mais au cours d’une période ultérieure au cours de laquelle il travaille à temps partiel (voir, notamment, arrêt Federatie Nederlandse Vakbeweging, C‑124/05, EU:C:2006:244, point 30, et arrêt KHS, C‑214/10, EU:C:2011:761, point 32).

    41

    La même conclusion s’impose, a fortiori, lorsque le congé n’est pas pris durant la période au cours de laquelle il a été constitué et pendant laquelle le travailleur travaillait à temps partiel, mais au cours d’une période ultérieure durant laquelle il travaille à temps plein.

    42

    En ce qui concerne, en troisième lieu, la période sur laquelle le nouveau calcul des droits au congé annuel payé doit porter, lorsque, comme dans l’affaire au principal, le travailleur ayant constitué des droits au congé annuel payé au cours d’une période de travail à temps partiel augmente le nombre d’heures ouvrées et passe à un travail à temps plein, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte du point 35 du présent arrêt, il convient de calculer pour chaque période séparément le nombre d’unités de repos annuel constituées par rapport au nombre d’unités ouvrées.

    43

    Dans une situation telle que celle en cause au principal, le droit de l’Union exige, dès lors, qu’il soit procédé à un nouveau calcul des droits au congé annuel payé uniquement en ce qui concerne la période de travail pendant laquelle le travailleur a augmenté le nombre de ses heures ouvrées. Les unités de congé annuel payé déjà prises au cours de la période de travail à temps partiel et qui excédaient les droits au congé annuel payé constitués pendant cette même période doivent être déduites des droits nouvellement constitués au cours de la période de travail pendant laquelle le travailleur a augmenté le nombre de ses heures ouvrées.

    44

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première à troisième questions que la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel et l’article 7 de la directive 2003/88 doivent être interprétés en ce sens que, en cas d’augmentation du nombre d’heures de travail effectuées par un travailleur, les États membres n’ont pas l’obligation de prévoir que les droits au congé annuel payé déjà acquis, et éventuellement pris, soient recalculés rétroactivement en fonction du nouveau rythme de travail dudit travailleur. Un nouveau calcul doit cependant être effectué pour la période au cours de laquelle le temps de travail a augmenté.

    Sur les quatrième et cinquième questions

    45

    Par ses quatrième et cinquième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel et l’article 7 de la directive 2003/88 doivent être interprétés en ce sens que le calcul des droits au congé annuel payé s’effectue selon des principes différents selon qu’il s’agit de déterminer l’indemnité compensatrice pour congé annuel payé non pris due dans le cas où il est mis fin à la relation de travail ou le solde des droits au congé annuel payé en cas de maintien de la relation de travail.

    46

    En vue de répondre à cette question, il convient, tout d’abord, de relever que, ainsi qu’il ressort de la réponse apportée aux première à troisième questions, et à la différence de ce que semble suggérer la juridiction de renvoi, la circonstance que le calcul des droits au congé annuel payé doit être effectué au cours de la relation de travail ou après que celle‑ci a pris fin est dépourvue de toute incidence sur les modalités de ce calcul.

    47

    Il y a lieu, ensuite, de préciser que le calcul des droits au congé annuel payé est autonome par rapport au calcul de l’indemnité financière pour congé annuel payé non pris due au travailleur, dès lors que, afin de pouvoir déterminer cette dernière, il convient, au préalable, de calculer le montant de ces droits.

    48

    Il y a lieu, enfin, de rappeler qu’aucune disposition de la directive 2003/88 ne fixe expressément la manière dont l’indemnité financière remplaçant la ou les périodes minimales de congé annuel payé doit être calculée dans le cas où il est mis fin à la relation de travail (arrêt Schultz‑Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 57).

    49

    À cet égard, il importe de constater que l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel ne contient pas davantage d’indications en ce qui concerne les règles de calcul de cette indemnité.

    50

    Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour, l’expression «congé annuel payé» figurant à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 signifie que, pour la durée du congé annuel, au sens de cette directive, la rémunération doit être maintenue et que, en d’autres termes, le travailleur doit percevoir la rémunération ordinaire pour cette période de repos (arrêt Schultz‑Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 58).

    51

    La Cour a par ailleurs jugé que, s’agissant d’un travailleur qui n’a pas été en mesure, pour des raisons indépendantes de sa volonté, d’exercer son droit au congé annuel payé avant la fin de la relation de travail, l’indemnité financière à laquelle il a droit doit être calculée de sorte que ledit travailleur soit placé dans une situation comparable à celle dans laquelle il aurait été s’il avait exercé ledit droit pendant la durée de sa relation de travail. Il s’ensuit que la rémunération ordinaire du travailleur, qui est celle qui doit être maintenue pendant la période de repos correspondant au congé annuel payé, est également déterminante en ce qui concerne le calcul de l’indemnité financière de congé annuel non pris à la fin de la relation de travail (arrêt Schultz‑Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 61).

    52

    Partant, le calcul de l’indemnité financière pour congé annuel payé non pris doit être effectué selon les mêmes modalités que celles retenues pour le calcul de la rémunération ordinaire, le moment auquel intervient ce calcul étant, en principe, dépourvu de pertinence.

    53

    Toutefois, il n’est pas exclu que le moment où ce calcul doit être effectué puisse avoir une incidence sur les modalités de ce dernier.

    54

    En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, lorsque la rémunération se compose de plusieurs éléments, la détermination de la rémunération ordinaire nécessite une analyse spécifique. Il appartient, dans une telle situation, au juge national d’apprécier, à la lumière des principes dégagés par la jurisprudence, si, sur la base d’une moyenne sur une période de référence jugée représentative, les méthodes de calcul de la rémunération ordinaire et de l’indemnité financière pour congé annuel payé non pris atteignent l’objectif poursuivi à l’article 7 de la directive 2003/88 (voir, en ce sens, arrêt Lock, C‑539/12, EU:C:2014:351, point 34).

    55

    Même s’il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que la rémunération de Mme Greenfield se composait de plusieurs éléments, une analyse spécifique, analogue à celle décrite au point précédent du présent arrêt, s’avérerait néanmoins nécessaire, notamment si le montant de la rémunération due pendant le congé annuel et celui de l’indemnité pour congé non pris devaient être différents par suite d’une variation, dans le temps et par rapport à l’unité de temps de travail, de la rémunération de Mme Greenfield.

    56

    Dans l’affaire au principal, il appartient, dès lors, au juge national de vérifier si la rémunération de Mme Greenfield était composée de plusieurs éléments ou si celle‑ci a connu, au cours de la dernière année de travail de l’intéressée, des variations par rapport à l’unité de temps de travail à laquelle elle se rattachait, afin de déterminer si la méthode de calcul de l’indemnité financière pour congé annuel payé non pris prévue par le droit national est conforme aux règles et aux critères énoncés par la Cour dans sa jurisprudence et à l’objectif poursuivi à l’article 7 de la directive 2003/88.

    57

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux quatrième et cinquième questions que la clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel et l’article 7 de la directive 2003/88 doivent être interprétés en ce sens que le calcul des droits au congé annuel payé doit être effectué selon les mêmes principes, qu’il s’agisse de déterminer l’indemnité compensatrice pour congé annuel payé non pris due dans le cas où il est mis fin à la relation de travail ou le solde des droits au congé annuel payé en cas de maintien de la relation de travail.

    Sur les dépens

    58

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

     

    1)

    La clause 4, point 2, de l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997, qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord‑cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, la CEEP et la CES, telle que modifiée par la directive 98/23/CE du Conseil, du 7 avril 1998, et l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doivent être interprétés en ce sens que, en cas d’augmentation du nombre d’heures de travail effectuées par un travailleur, les États membres n’ont pas l’obligation de prévoir que les droits au congé annuel payé déjà acquis, et éventuellement pris, soient recalculés rétroactivement en fonction du nouveau rythme de travail dudit travailleur. Un nouveau calcul doit cependant être effectué pour la période au cours de laquelle le temps de travail a augmenté.

     

    2)

    La clause 4, point 2, dudit accord‑cadre et l’article 7 de la directive 2003/88 doivent être interprétés en ce sens que le calcul des droits au congé annuel payé doit être effectué selon les mêmes principes, qu’il s’agisse de déterminer l’indemnité compensatrice pour congé annuel payé non pris due dans le cas où il est mis fin à la relation de travail ou le solde des droits au congé annuel payé en cas de maintien de la relation de travail.

     

    Signatures


    ( * )   Langue de procédure: l’anglais.

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