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Document 62012CJ0404

    Arrêt de la Cour (grande chambre) du 13 janvier 2015.
    Conseil de l'Union européenne et Commission européenne contre Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe.
    Pourvoi – Règlement (CE) nº 149/2008 – Règlement fixant des limites maximales applicables aux résidus de pesticides – Demande de réexamen interne de ce règlement, introduite en application du règlement (CE) nº 1367/2006 – Décision de la Commission déclarant les demandes irrecevables – Mesure de portée individuelle – Convention d’Aarhus – Validité du règlement (CE) nº 1367/2006 au regard de cette convention.
    Affaires jointes C-404/12 P et C-405/12 P.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:5

    ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

    13 janvier 2015 ( *1 )

    «Pourvoi — Règlement (CE) no 149/2008 — Règlement fixant des limites maximales applicables aux résidus de pesticides — Demande de réexamen interne de ce règlement, introduite en application du règlement (CE) no 1367/2006 — Décision de la Commission déclarant les demandes irrecevables — Mesure de portée individuelle — Convention d’Aarhus — Validité du règlement (CE) no 1367/2006 au regard de cette convention»

    Dans les affaires jointes C‑404/12 P et C‑405/12 P,

    ayant pour objet des pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits respectivement les 24 et 27 août 2012,

    Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme K. Michoel, en qualité d’agents,

    Commission européenne, représentée par MM. J.‑P. Kepenne et P. Oliver ainsi que par Mme S. Boelaert, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    parties requérantes,

    soutenus par:

    République tchèque, représentée par M. D. Hadroušek, en qualité d’agent,

    partie intervenante au pourvoi,

    les autres parties à la procédure étant:

    Stichting Natuur en Milieu, établie à Utrecht (Pays-Bas),

    Pesticide Action Network Europe, établie à Londres (Royaume-Uni),

    représentées par Me A. van den Biesen, advocaat,

    parties demanderesses en première instance,

    LA COUR (grande chambre),

    composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. A. Tizzano, L. Bay Larsen, T. von Danwitz, A. O’Caoimh et J.‑C. Bonichot (rapporteur), présidents de chambre, M. E. Levits, Mmes C. Toader, M. Berger, A. Prechal, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 décembre 2013,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 mai 2014,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par leurs pourvois, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe/Commission (T‑338/08, EU:T:2012:300, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé deux décisions de la Commission, du 1er juillet 2008 (ci-après les «décisions litigieuses»), rejetant comme irrecevables les demandes présentées par Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe et tendant à ce que la Commission réexamine son règlement (CE) no 149/2008, du 29 janvier 2008, modifiant le règlement (CE) no 396/2005 du Parlement européen et du Conseil pour y ajouter les annexes II, III et IV fixant les limites maximales applicables aux résidus des produits figurant à son annexe I (JO L 58, p. 1).

    Le cadre juridique

    La convention d’Aarhus

    2

    La convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO L 124, p. 1, ci-après la «convention d’Aarhus»), énonce à son article 1er, intitulé «Objet»:

    «Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente convention.»

    3

    L’article 2, paragraphe 2, second alinéa, de ladite convention prévoit:

    «La présente définition [des termes ‘autorité publique’] n’englobe pas les organes ou institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs.»

    4

    L’article 9 de la même convention dispose:

    «1.   Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que toute personne qui estime que la demande d’informations qu’elle a présentée en application de l’article 4 a été ignorée, rejetée abusivement, en totalité ou en partie, ou insuffisamment prise en compte ou qu’elle n’a pas été traitée conformément aux dispositions de cet article, ait la possibilité de former un recours devant une instance judiciaire ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi.

    Dans les cas où une Partie prévoit un tel recours devant une instance judiciaire, elle veille à ce que la personne concernée ait également accès à une procédure rapide établie par la loi qui soit gratuite ou peu onéreuse, en vue du réexamen de la demande par une autorité publique ou de son examen par un organe indépendant et impartial autre qu’une instance judiciaire.

    Les décisions finales prises au titre du présent paragraphe 1 s’imposent à l’autorité publique qui détient les informations. Les motifs qui les justifient sont indiqués par écrit, tout au moins lorsque l’accès à l’information est refusé au titre du présent paragraphe.

    2.   Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné

    a)

    ayant un intérêt suffisant pour agir

    ou, sinon,

    b)

    faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une partie pose une telle condition,

    puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente convention.

    Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l’objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente convention. À cet effet, l’intérêt qu’a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l’article 2 est réputé suffisant au sens du point a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens du point b) ci-dessus.

    Les dispositions du présent paragraphe 2 n’excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l’obligation d’épuiser les voies de recours administratif avant d’engager une procédure judiciaire lorsqu’une telle obligation est prévue en droit interne.

    3.   En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.

    4.   En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d’autres organes doivent être accessibles au public.

    5.   Pour rendre les dispositions du présent article encore plus efficaces, chaque Partie veille à ce que le public soit informé de la possibilité qui lui est donnée d’engager des procédures de recours administratif ou judiciaire, et envisage la mise en place de mécanismes appropriés d’assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l’accès à la justice.»

    Le règlement (CE) no 1367/2006

    5

    Le règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264, p. 13), énonce à son considérant 18:

    «L’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus prévoit la possibilité d’engager des procédures judiciaires ou d’autres procédures de recours pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre du droit de l’environnement. Des dispositions relatives à l’accès à la justice devraient être conformes au traité [CE]. Il convient à cet égard que le présent règlement vise uniquement les actes et omissions des autorités publiques.»

    6

    L’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

    «Le présent règlement a pour objet de contribuer à l’exécution des obligations découlant de la [convention d’Aarhus], en établissant des dispositions visant à appliquer aux institutions et organes communautaires les dispositions de la convention, notamment:

    […]

    d)

    en garantissant l’accès à la justice en matière d’environnement au niveau de la Communauté, dans les conditions prévues par le présent règlement.»

    7

    L’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement définit la notion d’«acte administratif» dans les termes suivants:

    «toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l’environnement arrêtée par une institution ou un organe communautaire et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur».

    8

    L’article 10 du règlement no 1367/2006, intitulé «Demande de réexamen interne d’actes administratifs», dispose à son paragraphe 1:

    «Toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 est habilitée à introduire une demande de réexamen interne auprès de l’institution ou de l’organe communautaire qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement ou, en cas d’allégation d’omission administrative, qui était censé avoir adopté un tel acte.»

    La directive 2003/4/CE

    9

    La directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO L 41, p. 26), définit, à son article 2, point 2, sous a), la notion d’«autorité publique» comme étant, notamment, «le gouvernement ou toute autre administration publique, y compris les organes consultatifs publics, au niveau national, régional ou local», en précisant que «[l]es États membres peuvent prévoir que la présente définition n’inclut pas les organes ou institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs. […]».

    Les antécédents du litige

    10

    Stichting Natuur en Milieu, une fondation de droit néerlandais établie à Utrecht (Pays-Bas), qui a pour objet la protection de l’environnement, et Pesticide Action Network Europe, une fondation de droit néerlandais établie à Londres (Royaume‑Uni), qui se consacre à la lutte contre l’emploi de pesticides chimiques, ont, par lettres des 7 et 10 avril 2008, demandé à la Commission de procéder au réexamen interne du règlement no 149/2008, sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006.

    11

    Par les décisions litigieuses, la Commission a rejeté ces demandes comme irrecevables au motif que le règlement no 149/2008 n’est pas une mesure de portée individuelle et qu’il ne peut, dès lors, être considéré comme un «acte administratif» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006, susceptible de faire l’objet de la procédure de réexamen interne prévue à l’article 10 de celui-ci.

    Les recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    12

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2008, lesdites fondations ont demandé l’annulation des décisions litigieuses. Dans le cadre de cette procédure de première instance, la République de Pologne et le Conseil sont intervenus au soutien de la Commission.

    13

    Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait droit à la requête en annulation.

    14

    Après avoir rejeté comme irrecevable le deuxième chef de conclusions des requérantes visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de statuer au fond sur lesdites demandes de réexamen interne, le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité, soulevée par la Commission, du mémoire complémentaire à la requête introductive d’instance déposé par les requérantes.

    15

    Le Tribunal a également rejeté comme non fondé le premier moyen soulevé par les requérantes en première instance, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en qualifiant le règlement no 149/2008 d’acte de portée générale ne pouvant être considéré comme un acte administratif au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006 et, partant, ne pouvant faire l’objet d’une demande de réexamen interne au titre de l’article 10, paragraphe 1, de ce même règlement. En revanche, le Tribunal a accueilli le second moyen soulevé au soutien du recours dont il était saisi, invoqué à titre subsidiaire, et tiré de l’illégalité de cette dernière disposition en raison de son incompatibilité avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

    16

    Après avoir rappelé, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, que, à l’instar de tout autre accord international auquel l’Union est partie, la convention d’Aarhus bénéficie de la primauté sur les actes de droit dérivé de l’Union, le Tribunal a précisé, au point 53 du même arrêt, que le juge de l’Union ne peut procéder à l’examen de la validité d’une disposition d’un règlement au regard d’un accord international que lorsque la nature et l’économie de celui-ci ne s’y opposent pas et que, par ailleurs, ses dispositions apparaissent du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises.

    17

    Il a cependant rappelé, au point 54 de l’arrêt attaqué, que la Cour a jugé qu’il lui appartenait d’exercer son contrôle de la légalité d’un acte de l’Union au regard des dispositions d’un accord international qui ne sont pas de nature à engendrer pour les justiciables le droit de s’en prévaloir en justice lorsque l’Union a entendu mettre en œuvre une obligation particulière assumée dans le cadre de cet accord ou dans le cas où l’acte de droit dérivé renvoie expressément à des dispositions précises de celui-ci (arrêts Fediol/Commission, 70/87, EU:C:1989:254, points 19 à 22, et Nakajima/Conseil, C‑69/89,EU:C:1991:186, point 31). Il en a conclu, au même point 54, que le juge de l’Union doit procéder au contrôle de la légalité d’un règlement au regard d’un accord international lorsque ce règlement vise à mettre en œuvre une obligation imposée par cet accord aux institutions de l’Union.

    18

    Aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que ces conditions étaient remplies en l’espèce dès lors que, d’une part, les requérantes, qui n’invoquaient pas l’effet direct des dispositions de l’accord, mettaient en cause de façon incidente, conformément à l’article 241 CE, la validité d’une disposition du règlement no 1367/2006 au regard de la convention d’Aarhus et que, d’autre part, ce règlement avait été adopté pour satisfaire aux obligations internationales de l’Union, prévues à l’article 9, paragraphe 3, de cette convention, ainsi qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, ainsi que du considérant 18 de ce règlement.

    19

    Le Tribunal a écarté l’argument de la Commission selon lequel la convention d’Aarhus ne serait pas applicable dès lors qu’elle aurait agi, en adoptant le règlement n °149/2008, «dans l’exercice de pouvoirs législatifs» au sens de l’article 2, paragraphe 2, second alinéa, de cette convention. En effet, au point 65 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission avait agi dans l’exercice de ses pouvoirs d’exécution.

    20

    Le Tribunal a jugé, au point 83 de l’arrêt attaqué, que l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, en ce qu’il ne prévoit une procédure de réexamen interne que pour un «acte administratif», lequel est défini à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de ce même règlement comme «toute mesure de portée individuelle», n’est pas compatible avec l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

    21

    Le Tribunal a, en conséquence, annulé les décisions litigieuses.

    Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

    22

    Par leurs pourvois, le Conseil et la Commission demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de rejeter dans son intégralité le recours des requérantes en première instance et de condamner ces dernières solidairement et conjointement aux dépens.

    23

    Par ordonnance du président de la Cour du 21 novembre 2012, les affaires C‑404/12 P et C‑405/12 P ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

    24

    Le 28 février 2013, les requérantes en première instance ont déposé un mémoire en réponse au pourvoi dans lequel elles demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission et le Conseil aux dépens exposés par elles tant en première instance que dans le cadre de la procédure de pourvoi.

    25

    Les requérantes en première instance ont également formé un pourvoi incident par lequel elles demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que les décisions litigieuses et de condamner le Conseil et la Commission aux dépens exposés par elles tant en première instance que dans la procédure de pourvoi.

    26

    Le Conseil et la Commission ont déposé un mémoire en réponse au pourvoi incident respectivement les 29 et 17 mai 2013.

    Sur les pourvois

    Sur le pourvoi incident

    Argumentation des parties

    27

    Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe font valoir que le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué d’erreur de droit en s’abstenant de reconnaître à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus un effet direct en tant, à tout le moins, qu’il prévoit que les «actes» qui portent atteinte au droit national de l’environnement doivent pouvoir faire l’objet d’un recours et, en conséquence, en refusant d’apprécier la légalité de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 au regard de cette disposition de ladite convention.

    28

    Le Conseil et la Commission soutiennent que le pourvoi incident doit être rejeté comme irrecevable en raison de son caractère «conditionnel». En outre, il ne respecterait pas les exigences énoncées à l’article 178 du règlement de procédure de la Cour.

    29

    À titre subsidiaire, le Conseil et la Commission font valoir que ce pourvoi incident est en tout état de cause non-fondé.

    Appréciation de la Cour

    30

    Il y a lieu de relever que, conformément aux articles 169, paragraphe 1, et 178, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, tout pourvoi, qu’il soit principal ou incident, ne peut avoir pour objet que l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal.

    31

    En l’espèce, Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe ont obtenu, devant le Tribunal, l’annulation des décisions litigieuses conformément aux conclusions de leur recours. Leur pourvoi incident, qui ne tend, en réalité, qu’à obtenir une substitution de motifs en ce qui concerne l’analyse de l’invocabilité de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, ne saurait, dès lors, être accueilli (voir par analogie, pour ce qui concerne un pourvoi principal, arrêt Al‑Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al‑Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, points 43 à 45).

    32

    Il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident doit être rejeté comme irrecevable.

    Sur les pourvois principaux

    33

    Le Conseil et la Commission invoquent un premier moyen tiré de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus peut être invoqué aux fins d’apprécier la conformité avec cette disposition de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006.

    34

    Le Conseil invoque un second moyen, tiré de ce que, en tout état de cause, le Tribunal a commis une erreur dans l’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus en considérant que le règlement no 1367/2006 n’est pas compatible avec celui‑ci.

    35

    La Commission invoque également un second moyen, tiré de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en estimant que l’adoption du règlement no 149/2008 ne relève pas de l’exercice de pouvoirs législatifs au sens de l’article 2, paragraphe 2, second alinéa, de la convention d’Aarhus.

    Sur le premier moyen des pourvois

    Argumentation des parties

    36

    Le Conseil soutient que les deux cas dans lesquels la Cour a admis la possibilité pour un particulier de se prévaloir des dispositions d’un accord international qui ne satisfait pas aux conditions d’inconditionnalité et de précision requises pour pouvoir être invoqué aux fins d’apprécier la validité des dispositions d’un acte de l’Union sont exceptionnels et, en tout état de cause, ne correspondent pas à ceux de l’espèce.

    37

    En particulier, d’une part, la solution retenue dans l’arrêt Fediol/Commission (EU:C:1989:254) se justifierait par les circonstances particulières de cette affaire, dans le cadre de laquelle le règlement en cause conférait aux opérateurs intéressés le droit de se prévaloir des règles de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après le «GATT»). En outre, cette solution n’aurait pas vocation à être appliquée en dehors du champ spécifique de cet accord.

    38

    D’autre part, quant à l’arrêt Nakajima/Conseil (EU:C:1991:186), le Conseil estime qu’il ne concerne que le cas où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT, ce qui n’est pas non plus le cas en l’espèce.

    39

    La Commission invoque en substance des arguments similaires.

    40

    S’agissant de l’arrêt Fediol/Commission (EU:C:1989:254), elle ajoute qu’il ne vise que le cas où un acte de l’Union a renvoyé explicitement à des dispositions particulières du GATT.

    41

    Quant à l’arrêt Nakajima/Conseil (EU:C:1991:186), elle estime qu’il ne peut être interprété comme permettant de contrôler tout acte du droit de l’Union au regard de l’accord international que cet acte met, le cas échéant, en œuvre. Pour qu’un tel contrôle puisse être exercé, il conviendrait que l’acte du droit de l’Union constitue une exécution directe et exhaustive de l’accord international et qu’il se rapporte à une obligation suffisamment claire et précise de celui‑ci, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

    42

    Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe font valoir que l’arrêt Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125) ne donne pas d’indication sur la question de l’effet direct de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus en ce qui concerne les actes susceptibles de faire l’objet d’un recours et qu’il convient de prendre en compte le fait que cette convention vise à conférer des droits aux particuliers.

    43

    Elles estiment que la nature et l’objet de la convention d’Aarhus ne font pas obstacle au contrôle de validité demandé par les associations environnementales et que les conditions énoncées dans l’arrêt Fediol/Commission (EU:C:1989:254) sont remplies en l’espèce dès lors que le règlement no 1367/2006 comporte plusieurs références à cette convention et, notamment, à l’article 9, paragraphe 3, de celle-ci. Elles considèrent que la Cour n’a pas limité la portée de cet arrêt au GATT.

    Appréciation de la Cour

    44

    En vertu de l’article 300, paragraphe 7, CE (devenu article 216, paragraphe 2, TFUE), les accords internationaux conclus par l’Union lient les institutions de celle-ci et prévalent, par conséquent, sur les actes qu’elles édictent (voir, en ce sens, arrêt Intertanko e.a., C‑308/06, EU:C:2008:312, point 42 et jurisprudence citée).

    45

    Toutefois, les effets, dans l’ordre juridique de l’Union, des dispositions d’un accord conclu par celle-ci avec les États tiers ne sauraient être déterminés en faisant abstraction de l’origine internationale de ces dispositions. Conformément aux principes du droit international, les institutions de l’Union qui sont compétentes pour négocier et conclure un tel accord sont libres de convenir avec les États tiers concernés des effets que les dispositions de cet accord doivent produire dans l’ordre interne des parties contractantes. À défaut pour cette question d’avoir été expressément réglée dans cet accord, c’est aux juridictions compétentes et en particulier à la Cour, dans le cadre de sa compétence en vertu du traité FUE, qu’il appartient de la trancher au même titre que toute autre question d’interprétation relative à l’application de l’accord en question dans l’Union, en se fondant notamment sur l’esprit, l’économie ou les termes de cet accord (voir arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 108 et jurisprudence citée).

    46

    Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que les dispositions d’un accord international auquel l’Union est partie ne peuvent être invoquées à l’appui d’un recours en annulation d’un acte de droit dérivé de l’Union ou d’une exception tirée de l’illégalité d’un tel acte qu’à la condition, d’une part, que la nature et l’économie de cet accord ne s’y opposent pas et, d’autre part, que ces dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises (voir arrêts Intertanko e.a., EU:C:2008:312, point 45; FIAMM e.a./Conseil et Commission, EU:C:2008:476, points 110 et 120, Air Transport Association of America e.a., EU:C:2011:864, point 54).

    47

    S’agissant de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, celui-ci ne contient aucune obligation inconditionnelle et suffisamment précise de nature à régir directement la situation juridique des particuliers et ne répond pas, de ce fait, à ces conditions. En effet, dès lors que seuls «les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par [le] droit interne» sont titulaires des droits prévus à cet article 9, paragraphe 3, cette disposition est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’un acte ultérieur (voir arrêt Lesoochranárske zoskupenie, C‑240/09, EU:C:2011:125, point 45).

    48

    Il est, certes, vrai que la Cour a également estimé que, dans le cas où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre des accords conclus dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (ci‑après les «accords OMC») ou lorsque l’acte du droit de l’Union en cause renvoie expressément à des dispositions précises de ces accords, il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l’acte en cause et des actes pris pour son application au regard des règles de ces accords (voir arrêts Fediol/Commission, EU:C:1989:254, points 19 à 23; Nakajima/Conseil, EU:C:1991:186, points 29 à 32; Allemagne/Conseil, C‑280/93, EU:C:1994:367, point 111, et Italie/Conseil, C‑352/96, EU:C:1998:531, point 19).

    49

    Toutefois, ces deux exceptions n’ont été justifiées que par les particularités des accords ayant donné lieu à leur application.

    50

    En effet, en ce qui concerne, en premier lieu, tout d’abord, l’arrêt Fediol/Commission (EU:C:1989:254), il convient de relever que l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2641/84 du Conseil, du 17 septembre 1984, relatif au renforcement de la politique commerciale commune, notamment en matière de défense contre les pratiques commerciales illicites (JO L 252, p. 1), en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, renvoyait expressément aux règles du droit international fondées, pour l’essentiel, sur le GATT et conférait aux intéressés le droit de se prévaloir des dispositions de celui-ci dans le cadre d’une plainte introduite en vertu de ce même règlement (arrêt Fediol/Commission, EU:C:1989:254, point 19), alors que, en l’espèce, l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 n’effectue pas de renvoi direct à des dispositions précises de la convention d’Aarhus ni ne confère un droit aux particuliers. Par conséquent, en l’absence d’un tel renvoi explicite à des dispositions d’un accord international, ledit arrêt ne saurait être considéré comme pertinent en l’espèce.

    51

    En ce qui concerne, en second lieu, l’arrêt Nakajima/Conseil (EU:C:1991:186), il importe de relever que les actes du droit de l’Union en cause dans celui-ci étaient liés au système antidumping qui est très dense dans sa conception et son application, dans le sens qu’il prévoit des mesures à l’égard des entreprises accusées de recourir à des pratiques de dumping. Plus concrètement, le règlement de base en cause dans cette affaire avait été institué en conformité avec les obligations internationales existantes de la Communauté, notamment celles qui découlent de l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, approuvé, au nom de la Communauté, par la décision 80/271/CEE du Conseil, du 10 décembre 1979, concernant la conclusion des accords multilatéraux résultant des négociations commerciales de 1973 à 1979 (JO 1980, L 71, p. 1) (voir arrêt Nakajima/Conseil, EU:C:1991:186, point 30). Or, en l’espèce, il ne saurait être question de mise en œuvre, par l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, des obligations particulières au sens dudit arrêt, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, les parties contractantes à celle-ci disposent d’une large marge d’appréciation quant à la définition des modalités de mise en œuvre des «procédures administratives ou judiciaires».

    52

    À cet égard, il convient de relever qu’il n’est pas possible de considérer que, en adoptant ledit règlement, qui ne concerne que les institutions de l’Union et ne porte, d’ailleurs, que sur l’un des recours dont disposent les justiciables pour faire respecter le droit de l’environnement de l’Union, celle-ci aurait entendu mettre en œuvre, au sens de la jurisprudence rappelée au point 48 du présent arrêt, les obligations qui découlent de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus à l’égard des procédures administratives ou juridictionnelles nationales, lesquelles, en l’état actuel du droit de l’Union, relèvent d’ailleurs essentiellement du droit des États membres (voir, en ce sens, arrêt Lesoochranárske zoskupenie, EU:C:2011:125, points 41 et 47).

    53

    Il résulte de tout ce qui précède que, en jugeant que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus pouvait être invoqué aux fins d’apprécier la légalité de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, le Tribunal a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

    54

    Dès lors, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués par le Conseil et la Commission à l’appui de leurs pourvois.

    Sur le recours devant le Tribunal

    55

    Conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal et peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

    56

    La Cour estime que l’affaire est en état d’être jugée et qu’il convient de statuer au fond sur la demande d’annulation des décisions litigieuses.

    57

    Par le premier moyen de leur recours devant le Tribunal, Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe ont fait valoir que la Commission avait considéré à tort comme irrecevable leurs demandes de réexamen interne du règlement no 146/2008, au motif qu’il s’agissait d’une mesure de portée générale.

    58

    Il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le Tribunal, de rejeter ce moyen comme non fondé.

    59

    Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe ont également fait valoir, par le second moyen de leur recours, que l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 est invalide, en ce qu’il limite la notion d’«actes» au sens de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus aux seuls actes administratifs individuels.

    60

    Il résulte du point 47 du présent arrêt que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus manque de la clarté et de la précision requises pour que cette disposition puisse utilement être invoquée devant le juge de l’Union aux fins d’apprécier la légalité de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006.

    61

    Il convient, par conséquent, de rejeter également ce second moyen du recours comme non fondé.

    62

    Aucun des deux moyens du recours introduit par Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe devant le Tribunal n’étant fondé, celui-ci doit être rejeté.

    Sur les dépens

    63

    Conformément à l’article 138, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute personne qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.

    64

    Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe ayant succombé en leurs moyens et le Conseil ainsi que la Commission ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner solidairement aux dépens exposés tant en première instance que dans les présents pourvois par le Conseil et la Commission.

    65

    En vertu de l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, il convient de décider que la République tchèque supportera ses propres dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

     

    1)

    Le pourvoi incident est rejeté.

     

    2)

    L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe/Commission (T‑338/08, EU:T:2012:300) est annulé.

     

    3)

    Le recours en annulation introduit devant le Tribunal de l’Union européenne par Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe est rejeté.

     

    4)

    Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe sont condamnées solidairement aux dépens exposés en première instance ainsi que dans les pourvois par le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne.

     

    5)

    La République tchèque supporte ses propres dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.

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