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Document 62008CJ0350

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 28 octobre 2010.
    Commission européenne contre République de Lituanie.
    Manquement d’État - Acte d’adhésion de 2003 - Obligations des États adhérents - Acquis communautaire - Directives 2001/83/CE et 2003/63/CE - Règlement (CEE) nº 2309/93 et règlement (CE) nº 726/2004 - Médicaments à usage humain - Médicaments biologiques similaires issus de la biotechnologie - Autorisation nationale de mise sur le marché accordée avant l’adhésion.
    Affaire C-350/08.

    Recueil de jurisprudence 2010 I-10525

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2010:642

    Affaire C-350/08

    Commission européenne

    contre

    République de Lituanie

    «Manquement d’État — Acte d’adhésion de 2003 — Obligations des États adhérents — Acquis communautaire — Directives 2001/83/CE et 2003/63/CE — Règlement (CEE) nº 2309/93 et règlement (CE) nº 726/2004 — Médicaments à usage humain — Médicaments biologiques similaires issus de la biotechnologie — Autorisation nationale de mise sur le marché accordée avant l’adhésion»

    Sommaire de l'arrêt

    1.        Adhésion de nouveaux États membres aux Communautés — République tchèque — Estonie — Chypre — Lettonie — Lituanie — Hongrie — Malte — Pologne — Slovénie — Slovaquie — Actes communautaires adoptés après la signature du traité d'adhésion mais avant l'entrée en vigueur de celui-ci

    (Art. 249 CE; acte d'adhésion de 2003, art. 2, § 2, 10 et 54)

    2.        Rapprochement des législations — Médicaments à usage humain — Autorisation de mise sur le marché — Maintien, par un État membre, après son adhésion à l'Union, d'une autorisation de mise sur le marché d'un médicament octroyée avant l'adhésion

    (Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 726/2004, art. 3, § 1; règlement du Conseil nº 2309/93, art. 3, § 1; directive du Parlement européen et du Conseil 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, art. 6, § 1)

    1.        Une fois intervenue la signature du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et sous réserve de l’application des procédures particulières que ce traité prévoit aux fins de décider de certains types de mesures transitoires, telles que celles prévues aux articles 41 ou 42 de l'acte d’adhésion, il n’existe aucune objection de principe à ce que des actes de droit dérivé adoptés après cette signature et avant l’entrée en vigueur dudit traité d’adhésion et comportant des dérogations temporaires en faveur d’un futur État membre soient adoptés directement sur le fondement des dispositions du traité CE.

    Par conséquent, pour les actes devant ainsi être adoptés au cours de la période séparant la date de la signature du traité d’adhésion de celle à laquelle ladite adhésion a pris effet, les institutions sont parfaitement avisées de l’imminence de l’adhésion des nouveaux États membres, tandis que ceux-ci disposent de la possibilité de faire valoir, en cas de besoin, leurs intérêts, notamment par la procédure d’information et de consultation. C’est donc, en principe, dans le cadre de ladite procédure et en faisant usage du statut d’observateur dont ils bénéficient au sein du Conseil de l’Union européenne ainsi qu’à la faveur des possibilités de dialogue et de coopération qu’ouvrent ces mécanismes spécifiques que les futurs États membres peuvent, une fois informés de l’adoption future de nouveaux actes de droit dérivé, faire valoir leurs intérêts à obtenir les dérogations transitoires nécessaires compte tenu, par exemple, de l’impossibilité dans laquelle ils se trouveraient d’assurer l’application immédiate desdits actes au moment de l’adhésion ou de problèmes d’ordre socio-économique majeurs qu’une telle application serait de nature à engendrer.

    (cf. points 71-73)

    2.        Manque aux obligations lui incombant en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2003/63, ainsi qu’en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2309/93, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une Agence européenne pour l’évaluation des médicaments, et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 726/2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments, un État membre qui maintient, après la date de son adhésion à l’Union, l’autorisation de mise sur le marché nationale pour un médicament issu de la biotechnologie, qui n’était pas octroyée en conformité avec le droit de l’Union applicable en matière de médicaments en vigueur à la date de cette adhésion.

    En effet, il résulte des articles 2 et 10 de l’acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne, que celui-ci est fondé sur le principe de l’application immédiate et intégrale des dispositions du droit de l’Union aux nouveaux États membres, des dérogations n’étant admises que dans la mesure où elles sont prévues expressément par les dispositions transitoires. S'agissant de ces dérogations, ledit acte d'adhésion prévoit, à son article 24, lu en combinaison avec son annexe IX, point 1, paragraphe 2, une période transitoire au cours de laquelle les autorisations de mise sur le marché (AMM), accordées en vertu de sa législation nationale par la République de Lituanie avant la date d'adhésion de cette dernière à l'Union, pour les produits pharmaceutiques figurant sur la liste contenue dans l’appendice A de ladite annexe IX restaient valables même après ladite date et jusqu’au 1er janvier 2007 au plus tard. Une AMM octroyée pour un médicament ne figurant pas sur ladite liste devait donc, dès la date d'adhésion, le 1er mai 2004, être mise en conformité avec la réglementation de l'Union en vigueur à cette date.

    À cet égard, il ne saurait être déduit de la circonstance que l’annexe IX, chapitre 1, paragraphe 2, de cet acte d’adhésion se réfère à la directive 2001/83 dans sa version originale que toute autorisation conforme à cette version pouvait, sans que le médicament en question soit inscrit sur la liste contenue dans l’appendice A, déroger aux exigences posées par le droit de l’Union tel qu’en vigueur à la date de l’adhésion. Il en va ainsi même dans l’occurrence où ces exigences ont été modifiées au cours de la période comprise entre la date de la signature dudit acte d’adhésion et celle à laquelle cette adhésion est devenue effective, comme c'était le cas pour la directive 2001/83, modifiée par la directive 2003/63 qui fixait au 31 octobre 2003 le terme du délai imparti aux États membres pour sa transposition.

    (cf. points 55, 57, 59-60, 63, 65, 76, 90 et disp.)







    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    28 octobre 2010 (*)

    «Manquement d’État – Acte d’adhésion de 2003 – Obligations des États adhérents – Acquis communautaire – Directives 2001/83/CE et 2003/63/CE – Règlement (CEE) n° 2309/93 et règlement (CE) n° 726/2004 – Médicaments à usage humain – Médicaments biologiques similaires issus de la biotechnologie – Autorisation nationale de mise sur le marché accordée avant l’adhésion»

    Dans l’affaire C-350/08,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 29 juillet 2008,

    Commission européenne, représentée par Mmes A. Steiblytė et M. Šimerdová, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme R. Mackevičienė, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. J.-J. Kasel, A. Borg Barthet, M. Ilešič, et Mme M. Berger, juges,

    avocat général: Mme E. Sharpston,

    greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 décembre 2009,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 avril 2010,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en maintenant l’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’«AMM») nationale du médicament Grasalva, la République de Lituanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2003/63/CE de la Commission, du 25 juin 2003 (JO L 159, p. 46), ainsi qu’en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments (JO L 214, p. 1), et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO L 136, p. 1).

     Le cadre juridique

     La réglementation de l’Union

     Le traité d’adhésion de 2003 et l’acte d’adhésion de 2003

    2        Le traité d’adhésion à l’Union européenne de dix nouveaux États membres, parmi lesquels figure la République de Lituanie, a été signé à Athènes le 16 avril 2003 (JO L 236, p. 17, ci-après le «traité d’adhésion de 2003») et, conformément à son article 2, paragraphe 2, il est entré en vigueur le 1er mai 2004. Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, de ce traité, les conditions de l’admission figurent dans l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’«acte d’adhésion de 2003»).

    3        Aux termes de l’article 2 de l’acte d’adhésion de 2003:

    «Dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte.»

    4        L’article 10 de ce même acte d’adhésion prévoit:

    «L’application des traités originaires et des actes pris par les institutions fait l’objet, à titre transitoire, des dispositions dérogatoires prévues par le présent acte.»

    5        La quatrième partie de l’acte d’adhésion de 2003, dont le titre I est consacré aux mesures transitoires, comporte un article 24 qui prévoit:

    «Les mesures énumérées dans la liste figurant aux annexes V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII et XIV du présent acte sont applicables en ce qui concerne les nouveaux États membres dans les conditions définies par lesdites annexes.»

    6        Aux termes de l’article 54 de l’acte d’adhésion de 2003:

    «Les nouveaux États membres mettent en vigueur les mesures qui leur sont nécessaires pour se conformer, dès l’adhésion, aux dispositions des directives et des décisions au sens de l’article 249 du traité CE et de l’article 161 du traité CEEA, à moins qu’un autre délai ne soit prévu dans les annexes visées à l’article 24, ou dans d’autres dispositions du présent acte ou de ses annexes.»

    7        Au regard de la République de Lituanie, l’annexe IX, chapitre 1, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de 2003 dispose, en ce qui concerne la directive 2001/83:

    «Par dérogation aux exigences de qualité, de sécurité et d’efficacité prévues par la directive [2001/83 dans sa version originale], les [AMM] accordées pour les produits pharmaceutiques qui figurent sur la liste (à l’appendice A à cette annexe telle que fournie par la Lituanie dans une langue) et délivrées en vertu de la législation lituanienne avant la date de l’adhésion restent valables jusqu’à ce qu’elles soient renouvelées conformément à l’acquis et au calendrier fixé dans la liste susmentionnée ou jusqu’au 1er janvier 2007, si cette dernière échéance est la plus proche. […]»

    8        L’appendice A visé au chapitre 1 de l’annexe IX (JO 2003, C 227 E, p. 115, ci-après l’«appendice A») précise:

    «La liste fournie par la Lituanie en une seule langue des produits pharmaceutiques pour lesquels une [AMM] a été délivrée avant la date de l’adhésion en vertu de la législation lituanienne demeure valable jusqu’à ce qu’elle soit renouvelée conformément à l’acquis ou jusqu’au 31 décembre 2006, la date retenue étant la plus proche.

    Le fait que le produit pharmaceutique en question figure sur cette liste ne préjuge pas de l’éventuelle conformité de son [AMM] avec l’acquis.»

    La réglementation de l’Union en matière de produits pharmaceutiques

    9        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, dans sa version originale, était libellé comme suit:

    «Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une [AMM] n’ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu’une autorisation n’ait été délivrée conformément au règlement […] n° 2309/93.»

    10      L’article 8 de la même directive disposait:

    «1.      En vue de l’octroi d’une [AMM] d’un médicament ne relevant pas d’une procédure instituée par le règlement […] n° 2309/93, une demande doit être introduite auprès de l’autorité compétente de l’État membre concerné.

    […]

    3.      À la demande doivent être joints les renseignements et les documents suivants, présentés conformément à l’annexe I:

    […]

    i)      résultat des essais:

    –        physico-chimiques, biologiques ou microbiologiques,

    –        toxicologiques et pharmacologiques,

    –        cliniques;

    […]»

    11      L’article 10 de ladite directive prévoyait:

    «1.      Par dérogation à l’article 8, paragraphe 3, point i), et sans préjudice du droit relatif à la protection de la propriété industrielle et commerciale:

    a)      le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais toxicologiques, pharmacologiques et cliniques s’il peut démontrer:

    […]

    iii)      […] que le médicament est essentiellement similaire à un médicament autorisé, selon les dispositions communautaires en vigueur, depuis au moins six ans dans la Communauté et commercialisé dans l’État membre concerné par la demande; […]

    [...]»

    12      L’article 126 de la directive 2001/83, dans sa version originale, énonçait:

    «L’[AMM] ne peut être refusée, suspendue ou retirée que pour les raisons énumérées dans la présente directive.

    Toute décision de suspension de fabrication ou d’importation de médicaments en provenance de pays tiers, d’interdiction de délivrance et de retrait du marché d’un médicament ne peut être prise que pour des raisons énumérées aux articles 117 et 118.»

    13      En vertu de l’article 2, premier alinéa, de la directive 2003/63, adoptée le 25 juin 2003 et entrée en vigueur le 1er juillet 2003, les États membres devaient mettre en vigueur les mesures législatives, réglementaires et administratives pour se conformer à celle-ci au plus tard le 31 octobre 2003.

    14      L’annexe I, partie II, point 4, de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, est libellée comme suit:

    «Les dispositions de l’article 10, paragraphe 1, point a), point iii) peuvent ne pas suffire dans le cas des médicaments biologiques. Si l’information exigée dans le cas des produits essentiellement similaires (génériques) ne permet pas de démontrer la nature similaire de deux médicaments biologiques, des données supplémentaires, en particulier le profil toxicologique et clinique doivent être fournies.

    Lorsqu’un médicament biologique […] fait l’objet d’une demande d’[AMM] de la part d’un demandeur indépendant […], la démarche suivante s’applique.

    –        L’information à fournir ne se limite pas aux modules 1, 2 et 3 (données pharmaceutiques, chimiques et biologiques), complétés par des données de bioéquivalence et de biodisponibilité. Le type et la quantité de données supplémentaires (à savoir des données toxicologiques et d’autres données non cliniques et cliniques appropriées) sont déterminés au cas par cas.

    –        En raison de la diversité des médicaments biologiques, l’autorité compétente définit la nécessité d’études identifiées prévues dans les modules 4 et 5 en prenant en compte la caractéristique spécifique de chaque médicament pris séparément.

    […]»

    15      L’article 2, second alinéa, du règlement n° 2309/93 prévoyait:

    «La personne responsable de la mise sur le marché des médicaments visés par le présent règlement doit être établie dans la Communauté.»

    16      L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement disposait:

    «Aucun médicament visé à la partie A de l’annexe ne peut être mis sur le marché dans la Communauté sans qu’une [AMM] n’ait été délivrée par la Communauté conformément aux dispositions du présent règlement.»

    17      Le règlement n° 2309/93 a été abrogé et remplacé par le règlement n° 726/2004, dont les articles 2, second alinéa, et 3, paragraphe 1, applicables à compter du 20 novembre 2005, sont rédigés dans des termes en substance identiques à ceux des articles 2, second alinéa, et 3, paragraphe 1, du règlement n° 2309/93.

    18      De même, les annexes de ces deux règlements visent, notamment, les médicaments issus de procédés biotechnologiques, tels que la technologie de l’acide désoxyribonucléique recombinant.

     Le droit national

    19      Le décret n° 669 du ministre de la Santé, du 22 décembre 2001, relatif à la validation des règles générales d’enregistrement des préparations médicinales (ci-après le «décret n° 669»), transpose dans le droit interne lituanien, en vue de l’adhésion de la République de Lituanie à l’Union, les dispositions de la directive 2001/83 dans sa version originale.

    20      L’article 18.3 du décret n° 669 prévoit que le demandeur d’une AMM pour un médicament en Lituanie peut être dispensé de fournir les résultats des tests précliniques ou des recherches cliniques lorsque:

    «la préparation médicinale ne se distingue pas par ses matières médicinales actives qualitativement et quantitativement ni par la forme du médicament d’une préparation médicinale répondant aux deux exigences suivantes:

    –        enregistrement dans au moins un État membre de l’Union européenne conformément aux exigences de la Communauté européenne depuis au moins six ans, et dix ans pour les préparations médicinales de haute technologie,

    –        enregistrement en République de Lituanie.

    […]»

     Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

    21      La demande d’AMM pour le Grasalva, adressée le 8 mai 2003 aux autorités compétentes lituaniennes, affirmait que celui-ci est un médicament biologique analogue à un autre médicament, le Neupogen, pour lequel une autorisation avait déjà été délivrée dans la Communauté.

    22      Sur le fondement de ladite demande, en vertu de l’article 18.3 du décret n° 669, lesdites autorités ont, le 2 juillet 2003, délivré une AMM pour le Grasalva en Lituanie, sans exiger du demandeur les résultats des essais précliniques et cliniques. Cette autorisation était octroyée pour une durée de cinq ans et expirait dès lors le 2 juillet 2008.

    23      Le Grasalva ne figure pas sur la liste contenue dans l’appendice A.

    24      À l’issue d’une correspondance ayant débuté le 14 avril 2005, la Commission a, par lettre du 15 février 2006, informé la République de Lituanie que l’AMM pour le Grasalva ne pouvait être considérée comme conforme au droit de l’Union. En effet, faute de contenir les résultats des essais précliniques et cliniques, la demande n’aurait pas répondu aux exigences prévues pour les médicaments biologiques par l’annexe I, partie II, point 4, de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63. Les autorités lituaniennes ont dès lors été invitées à retirer ladite autorisation.

    25      Le 15 décembre 2006, la Commission a adressé à la République de Lituanie une lettre de mise en demeure, dans laquelle elle précisait que, à partir de la date d’adhésion de cette dernière à l’Union, les autorités nationales n’étaient plus compétentes pour délivrer des AMM pour des médicaments issus de la biotechnologie, tels que le Grasalva. En effet, conformément au règlement n° 2309/93 et, à partir du 20 novembre 2005, au règlement n° 726/2004, cette compétence appartiendrait désormais à la Commission.

    26      Le 5 mars 2007, la République de Lituanie a répondu à ladite lettre de mise en demeure, en soutenant, tout d’abord, que, lors de l’enregistrement du Grasalva, toutes les informations exigées par l’article 10, paragraphe 1, sous a), iii), de la directive 2001/83, dans sa version originale, avaient été fournies, notamment celles concernant la qualité, la sécurité et l’efficacité de ce médicament. Ensuite, cet État membre a fait valoir que les autorités compétentes lituaniennes n’étaient pas liées par la directive 2003/63. En effet, d’une part, celle-ci n’aurait été adoptée que le 25 juin 2003, c’est-à-dire après la signature du traité d’adhésion de 2003 par la République de Lituanie, qui a eu lieu le 16 avril 2003. D’autre part, le délai pour la transposition dans le droit national de cette dernière directive, fixé au 31 octobre 2003, n’aurait pas encore atteint son terme lorsque, le 2 juillet 2003, le Grasalva avait obtenu son AMM. Enfin, la République de Lituanie a également invoqué la circonstance selon laquelle le règlement n° 2309/93 n’était d’application dans les nouveaux États membres que depuis le 1er mai 2004 pour tous les médicaments nouvellement enregistrés et qu’il ne s’appliquait pas aux médicaments enregistrés antérieurement à cette date.

    27      Dans son avis motivé du 29 juin 2007, la Commission a rappelé que toutes les dispositions de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, devaient être appliquées par la République de Lituanie à partir du 1er mai 2004 et que, par conséquent, dès cette date, l’AMM pour le Grasalva aurait dû répondre aux exigences énoncées à l’annexe I, partie II, point 4, de ladite directive. Or, en maintenant une autorisation non conforme à ces exigences, cet État membre n’aurait pas respecté les obligations découlant du droit de l’Union. La Commission a dès lors invité ledit État membre à se conformer à ce droit dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis motivé.

    28      Le 5 septembre 2007, la République de Lituanie a répondu audit avis motivé. Considérant que cette réponse n’était pas satisfaisante, la Commission a introduit le présent recours.

     Sur le recours

     Sur la recevabilité

    29      La République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a commis plusieurs violations du principe de bonne administration, lesquelles, dans leur ensemble, entraînent l’irrecevabilité du recours. Plus spécifiquement, celui-ci serait dépourvu d’objet, étant donné que l’AMM octroyée pour le Grasalva aurait expiré le 2 juillet 2008, soit presque un mois avant que la Commission n’introduise, le 29 juillet 2008, le présent recours. En outre, la Commission aurait trop tardé à engager la procédure administrative prévue à l’article 226 CE. En effet, d’une part, elle n’aurait envoyé la lettre de mise en demeure à cet État membre que le 15 décembre 2006, alors que, selon la Commission, le manquement allégué est constitué depuis le 1er mai 2004. D’autre part, ledit recours n’aurait été introduit que onze mois après l’expiration du délai prévu dans l’avis motivé.

    30      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, l’objet d’un recours en manquement est fixé par l’avis motivé de la Commission (arrêts du 7 février 1973, Commission/Italie, 39/72, Rec. p. 101, point 9, ainsi que du 9 novembre 2006, Commission/Royaume-Uni, C‑236/05, Rec. p. I‑10819, point 10 et jurisprudence citée). Par conséquent, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, de sorte que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêts du 19 juin 2003, Commission/France, C‑161/02, Rec. p. I-6567, point 6, et du 20 mai 2010, Commission/Espagne, C‑158/09, point 7).

    31      Or, il ressort clairement du dossier que, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 74 de ses conclusions, le Grasalva a continué à être commercialisé en Lituanie jusqu’à l’expiration de l’AMM qui avait été octroyée pour ce médicament, intervenue le 2 juillet 2008, c’est-à-dire à une date bien postérieure au 29 août 2007, qui est celle fixée dans l’avis motivé.

    32      La date à laquelle la Commission a introduit le présent recours n’étant aucunement pertinente à cet égard, il convient de conclure que le présent recours ne saurait être considéré comme dépourvu d’objet.

    33      S’agissant, ensuite, du prétendu retard dans l’engagement de la procédure visée à l’article 258 TFUE, il convient de rappeler que les règles prévues par cette disposition doivent trouver application sans que la Commission soit tenue au respect d’un délai déterminé (arrêts du 10 avril 1984, Commission/Belgique, 324/82, Rec. p. 1861, point 12, et du 1er février 2001, Commission/France, C‑333/99, Rec. p. I‑1025, point 25) et qu’il lui appartient d’apprécier le choix du moment auquel elle introduit un recours en manquement devant la Cour, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de ce recours (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Allemagne, C‑317/92, Rec. p. I‑2039, point 4, et du 14 juin 2001, Commission/France, C‑40/00, Rec. p. I‑4539, point 23).

    34      Certes, dans certaines hypothèses, une durée excessive de la procédure précontentieuse est susceptible d’augmenter, pour l’État membre mis en cause, la difficulté de réfuter les arguments de la Commission et de violer ainsi les droits de la défense de cet État. Néanmoins, il appartient à ce dernier d’invoquer et de démontrer une telle incidence (arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C-96/89, Rec. p. I-2461, point 16, et du 21 janvier 2010, Commission/Allemagne, C-546/07, non encore publié au Recueil, point 22).

    35      Force est cependant de constater que, comme le fait valoir la Commission, la République de Lituanie n’a, en l’espèce, fourni aucun élément en ce sens et que, dès lors, le recours en manquement ne saurait être considéré comme tardif.

    36      Enfin, dans la mesure où la République de Lituanie soutient que le présent recours est irrecevable en ce que la Commission aurait enfreint le principe de bonne administration, force est de constater que cet État membre ne fonde cette allégation que sur l’absence d’objet du recours et sur le retard dans l’engagement de la procédure visée à l’article 258 TFUE.

    37      Or, il résulte des points 32 et 35 du présent arrêt que le recours de la Commission n’est ni dépourvu d’objet ni tardif.

    38      Dans ces circonstances, rien ne permet de conclure que la Commission a commis une violation du principe de bonne administration susceptible de mettre en cause la recevabilité du recours.

    39      Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours doit être considéré comme recevable.

     Sur le fond

     Sur le premier grief

    –       Argumentation des parties

    40      Pour soutenir, par son premier grief, que la République de Lituanie a violé la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, la Commission fait valoir que, selon l’article 6 de cette directive, lu en combinaison avec l’article 2 de l’acte d’adhésion de 2003, cet État membre devait, dès son adhésion à l’Union, garantir que seuls soient mis sur le marché les médicaments ayant obtenu des AMM délivrées conformément aux exigences du droit de l’Union en vigueur à la date de cette adhésion.

    41      La seule dérogation à cette obligation serait celle prévue à l’annexe IX, chapitre 1, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de 2003, aux termes de laquelle les AMM des produits pharmaceutiques figurant à son appendice A «délivrées en vertu de la législation lituanienne avant la date de l’adhésion restent valables jusqu’à ce qu’elles soient renouvelées conformément à l’acquis […] ou jusqu’au 1er janvier 2007, si cette dernière échéance est la plus proche».

    42      Or, la République de Lituanie aurait permis que le médicament biologique Grasalva continue à être commercialisé après l’adhésion de cet État membre à l’Union, alors même que l’AMM dont il avait fait l’objet n’avait pas été délivrée conformément au droit de l’Union en vigueur à la date de cette adhésion.

    43      En effet, cette autorisation, d’une part, n’aurait pas été conforme à l’annexe I, partie II, point 4, de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, en ce qu’elle avait été délivrée sur le fondement d’une demande abrégée, ne contenant pas les résultats des essais précliniques et cliniques. D’autre part, le Grasalva ne figurant pas sur la liste contenue dans l’appendice A, ladite autorisation n’aurait pas été couverte par les dispositions dérogatoires prévues à l’annexe IX de l’acte d’adhésion de 2003.

    44      La Commission ajoute à cet égard que, contrairement au principe de l’interprétation stricte des exceptions, le maintien, postérieurement à l’adhésion de la République de Lituanie à l’Union, de l’AMM pour le Grasalva reviendrait à étendre la portée de la dérogation prévue à ladite annexe.

    45      En revanche, la République de Lituanie considère que le Grasalva pouvait être commercialisé en Lituanie même après ladite adhésion et jusqu’à l’expiration de l’AMM dont ce médicament avait fait l’objet, c’est-à-dire jusqu’au 2 juillet 2008.

    46      En effet, tout d’abord, la législation lituanienne, en application de laquelle cette autorisation avait été délivrée le 2 juillet 2003, avait déjà été modifiée, en vue de l’adhésion, pour être mise en conformité avec les exigences de la directive 2001/83 dans sa version originale. Or, à la date de la délivrance de ladite autorisation, le délai de transposition de la directive 2003/63, fixé au 31 octobre 2003, n’aurait pas encore été expiré. Par conséquent, selon la République de Lituanie, étant donné que le Grasalva remplissait toutes les exigences de qualité, de sécurité et d’efficacité prévues par la directive 2001/83, telle qu’en vigueur au moment de la délivrance de l’AMM pour ce médicament, celle-ci restait valable même au-delà de la date d’adhésion, sans qu’il soit nécessaire de la renouveler pour la mettre en conformité avec l’acquis.

    47      Ensuite, les autorités lituaniennes auraient été en droit de présumer que le Grasalva ne nécessitait pas non plus de figurer sur la liste figurant dans l’appendice A afin de pouvoir être mis sur le marché après l’adhésion, étant donné que, dans cette liste, ne seraient visés que les médicaments ne remplissant pas les exigences prévues par la directive 2001/83. En outre, selon la République de Lituanie, à la date à laquelle cette liste avait été dressée, la directive 2003/63 n’avait pas encore été adoptée, de sorte que les autorités lituaniennes n’étaient pas en mesure de savoir que l’AMM octroyée pour ledit médicament n’aurait pas été conforme au droit de l’Union, tel qu’il serait susceptible de résulter d’une modification future de la législation pertinente. Par ailleurs, les nouveaux États membres ne seraient tenus d’octroyer les AMM conformément aux nouvelles exigences prévues par la directive 2003/63 que pour les médicaments pour lesquels une demande d’autorisation a été introduite après leur adhésion à l’Union.

    48      En outre, l’AMM pour le Grasalva ayant été délivrée conformément au droit de l’Union en vigueur à la date de cette délivrance, le retrait de cette autorisation aurait violé le principe de légalité, et ce d’autant plus qu’aucune donnée n’aurait été présentée démontrant que le bilan risques/bénéfices de ce médicament n’était pas positif.

    49      De plus, le gouvernement lituanien s’appuie sur la jurisprudence de la Cour en matière d’environnement et, en particulier, sur l’arrêt du 23 mars 2006, Commission/Autriche (C‑209/04, Rec. p. I‑2755, points 53 à 63), selon lequel l’obligation pour un État membre ayant adhéré à l’Union d’appliquer l’ensemble de l’acquis, même si cela implique de modifier la législation antérieure en application de laquelle cet État membre a délivré une autorisation administrative, n’exigerait pas que celle-ci soit annulée.

    50      Enfin, l’interprétation de la Commission serait constitutive d’une discrimination entre les États membres ayant adhéré à l’Union le 1er mai 2004 et les quinze autres États membres. En effet, ces derniers n’auraient dû appliquer les nouvelles exigences requises par la directive 2003/63 qu’aux médicaments dont la demande d’AMM était introduite à partir de l’expiration du délai fixé pour la transposition de cette directive, à savoir le 31 octobre 2003. En revanche, les nouveaux États membres auraient été obligés de s’assurer que, dès le 1er mai 2004, tous les médicaments dont l’AMM n’était pas conforme à la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, soient retirés du marché.

    –       Appréciation de la Cour

    51      Par son premier grief, la Commission reproche, en substance, à la République de Lituanie d’avoir maintenu, après la date de l’adhésion de cette dernière à l’Union, l’AMM pour le Grasalva, alors que, à cette même date, cette autorisation ne répondait pas aux exigences posées par la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63.

    52      Il y a lieu de relever d’emblée qu’il est constant entre les parties que l’AMM qui avait été octroyée pour ledit médicament ne répondait pas, à la date de l’adhésion de la République de Lituanie à l’Union, aux exigences de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63. En effet, ladite autorisation avait été délivrée avant cette adhésion par les autorités lituaniennes sur le fondement d’une demande abrégée, qui ne contenait pas les résultats des essais précliniques et cliniques, alors que, à partir du 1er mai 2004, date de ladite adhésion, l’AMM d’un médicament issu de la biotechnologie, tel que le Grasalva, ne pouvait plus être délivrée sur le fondement d’une telle demande abrégée, compte tenu des modifications apportées par la directive 2003/63 à l’annexe I, partie II, point 4, de la directive 2001/83.

    53      Toutefois, la République de Lituanie fait valoir que, ladite autorisation étant conforme à la directive 2001/83, telle qu’en vigueur au 2 juillet 2003, date de la délivrance de cette autorisation, elle conserve sa validité même après la date de l’adhésion.

    54      Il convient dès lors d’établir si la République de Lituanie était tenue de respecter, dès la date de son adhésion à l’Union, la directive 2001/83, non pas dans sa version originale, mais telle qu’elle résultait des modifications apportées par la directive 2003/63.

    55      À cet égard, il résulte des articles 2 et 10 de l’acte d’adhésion de 2003 que celui-ci est fondé sur le principe de l’application immédiate et intégrale des dispositions du droit de l’Union aux nouveaux États membres, des dérogations n’étant admises que dans la mesure où elles sont prévues expressément par les dispositions transitoires (voir, par analogie, arrêts du 9 décembre 1982, Metallurgiki Halyps/Commission, 258/81, Rec. p. 4261, point 8; du 3 décembre 1998, KappAhl, C‑233/97, Rec. p. I‑8069, point 15, et du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07, Rec. p. I‑3571, point 33).

    56      Il s’ensuit que, à partir du 1er mai 2004, date de l’adhésion de la République de Lituanie à l’Union, cet État membre était lié par les dispositions du droit primaire et par les actes pris, avant l’adhésion, notamment par les institutions, de sorte qu’il était tenu, conformément à l’article 54 de l’acte d’adhésion de 2003, de mettre en vigueur les mesures nécessaires pour se conformer, en particulier, aux dispositions des directives au sens de l’article 249, troisième alinéa, CE.

    57      S’agissant des dérogations admises par ledit acte d’adhésion, il convient de rappeler que celui-ci prévoit, à son article 24, lu en combinaison avec son annexe IX, chapitre 1, paragraphe 2, une période transitoire au cours de laquelle les AMM, accordées en vertu de sa législation nationale par la République de Lituanie avant la date de l’adhésion de cette dernière à l’Union, pour les produits pharmaceutiques figurant sur la liste contenue dans l’appendice A restaient valables même après ladite date et jusqu’au 1er janvier 2007 au plus tard.

    58      En d’autres termes, par voie de dérogation aux obligations découlant de l’article 2 de l’acte d’adhésion de 2003 et seulement pour les médicaments inscrits sur ladite liste, la République de Lituanie n’était pas tenue de respecter, dès l’adhésion, la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63.

    59      Or, il est constant que le Grasalva ne figure pas sur la liste contenue dans l’appendice A.

    60      Par conséquent, l’AMM octroyée pour ce médicament n’étant pas couverte par la disposition dérogatoire prévue à l’annexe IX, chapitre 1, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de 2003, elle devait, dès le 1er mai 2004, être mise en conformité avec la réglementation de l’Union en vigueur à cette date.

    61      Les arguments invoqués par la République de Lituanie à l’appui de son interprétation contraire dudit acte ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

    62      En particulier, ne saurait, tout d’abord, être pertinente la circonstance selon laquelle ladite autorisation était conforme au droit de l’Union tel qu’en vigueur à la date de sa délivrance, à savoir la directive 2001/83 dans sa version originale.

    63      En effet, d’une part, l’article 54 de l’acte d’adhésion de 2003 précise que les États membres ne sont tenus de se conformer au droit de l’Union qu’à partir de la date de leur adhésion à l’Union. D’autre part, la directive 2003/63 fixant au 31 octobre 2003 le terme du délai imparti à ces derniers pour transposer cette directive, celle-ci faisait donc partie intégrante de l’acquis que, conformément à l’article 2 de cet acte, la République de Lituanie était tenue de respecter dès le 1er mai 2004.

    64      Ensuite, c’est à tort que ledit État membre soutient que les autorités compétentes de ce dernier étaient en droit de présumer que l’inscription du Grasalva sur la liste contenue dans l’appendice A n’était pas nécessaire pour s’assurer que l’AMM concernant ce médicament demeurait valide après l’adhésion.

    65      Au contraire, il ne saurait être déduit de la circonstance que l’annexe IX, chapitre 1, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de 2003 se réfère à la directive 2001/83 dans sa version originale que toute autorisation conforme à cette version pouvait, sans que le médicament en question soit inscrit sur la liste contenue dans l’appendice A, déroger aux exigences posées par le droit de l’Union tel qu’en vigueur à la date de l’adhésion. Il en va ainsi même dans l’occurrence où ces exigences ont été modifiées au cours de la période comprise entre la date de la signature dudit acte d’adhésion et celle à laquelle cette adhésion est devenue effective.

    66      En effet, d’une part, ladite annexe ne pouvait pas se référer à la directive 2003/63, étant donné que celle-ci n’a été adoptée que le 25 juin 2003, soit après la signature de l’acte d’adhésion de 2003. D’autre part, les dispositions de cette même annexe doivent être interprétées au regard de celles dudit acte, dont cette annexe fait partie intégrante, et, en particulier, de l’article 2 de celui-ci, aux termes duquel les nouveaux États membres sont liés par toutes les directives adoptées par les institutions de l’Union avant l’adhésion de ces derniers.

    67      L’introduction d’un médicament dans la liste contenue dans l’appendice A devait dès lors permettre de maintenir sur le marché non seulement les médicaments dont les autorisations n’étaient pas conformes au droit de l’Union au moment de la rédaction de cet appendice, mais également ceux dont les autorisations risquaient de devenir caduques en raison des modifications successives de la réglementation de l’Union.

    68      Dans ces conditions, à la date de la rédaction de l’appendice A, la République de Lituanie aurait pu, à titre de précaution, introduire le Grasalva dans la liste fournie par cette dernière pour figurer dans cet appendice, étant donné que les autorités lituaniennes étaient en mesure de connaître les modifications que la directive 2003/63 apporterait à la directive 2001/83.

    69      À cet égard, il résulte du dossier soumis à la Cour que la République de Lituanie a participé, bien que dans le seul rôle d’observateur que son statut d’État adhérent lui attribuait, aux négociations entamées dès 2002 en vue de l’adoption de la directive 2003/63, et que, par conséquent, les autorités lituaniennes étaient en mesure d’apprécier le risque que l’omission d’insérer un médicament issu de la biotechnologie dans la liste appelée à figurer dans l’appendice A serait susceptible d’entraîner au regard de la validité de l’AMM concernant ce médicament.

    70      Même à supposer, comme le soutient l’État membre défendeur, que les autorités lituaniennes n’aient eu connaissance de l’existence du Grasalva qu’au moment du dépôt de la demande d’AMM, soit le 8 mai 2003, et qu’il était dès lors impossible à ces dernières de demander une modification de l’appendice A – lequel avait été annexé à l’acte d’adhésion de 2003, signé le 16 avril 2003 –, la République de Lituanie disposait alors non seulement de la possibilité de demander une modification de la directive 2003/63, laquelle n’a été adoptée que le 25 juin 2003, mais également de la faculté de solliciter une telle modification postérieurement à l’adoption définitive de celle-ci.

    71      En effet, une fois intervenue la signature du traité d’adhésion de 2003, et sous réserve de l’application des procédures particulières que ce traité prévoit aux fins de décider de certains types de mesures transitoires, telles que celles prévues aux articles 41 ou 42 de l’acte d’adhésion de 2003, il n’existe aucune objection de principe à ce que des actes de droit dérivé adoptés après cette signature et avant l’entrée en vigueur dudit traité d’adhésion et comportant des dérogations temporaires en faveur d’un futur État membre soient adoptés directement sur le fondement des dispositions du traité CE (arrêt du 28 novembre 2006, Parlement/Conseil, C‑413/04, Rec. p. I‑11221, point 62).

    72      Par conséquent, pour les actes devant ainsi être adoptés au cours de la période séparant la date de la signature du traité d’adhésion de celle à laquelle ladite adhésion a pris effet, les institutions sont parfaitement avisées de l’imminence de l’adhésion des nouveaux États membres, tandis que ceux-ci disposent de la possibilité de faire valoir, en cas de besoin, leurs intérêts, notamment par la procédure d’information et de consultation (voir, en ce sens, arrêts du 16 février 1982, Halyvourgiki et Helleniki Halyvourgia/Commission, 39/81, 43/81, 85/81 et 88/81, Rec. p. 593, point 10, ainsi que Parlement/Conseil, précité, point 66).

    73      C’est donc, en principe, dans le cadre de ladite procédure et en faisant usage du statut d’observateur dont ils bénéficient au sein du Conseil de l’Union européenne ainsi qu’à la faveur des possibilités de dialogue et de coopération qu’ouvrent ces mécanismes spécifiques que les futurs États membres peuvent, une fois informés de l’adoption future de nouveaux actes de droit dérivé, faire valoir leurs intérêts à obtenir les dérogations transitoires nécessaires compte tenu, par exemple, de l’impossibilité dans laquelle ils se trouveraient d’assurer l’application immédiate desdits actes au moment de l’adhésion ou de problèmes d’ordre socio-économique majeurs qu’une telle application serait de nature à engendrer (arrêt Parlement/Conseil, précité, point 67).

    74      Or, en l’espèce, la République de Lituanie s’est bornée à soutenir qu’il lui était pratiquement impossible de négocier des périodes transitoires, sans pour autant fournir aucun élément permettant de vérifier qu’elle s’est effectivement prévalue des droits que ces procédures lui confèrent et que celles-ci ont échoué.

    75      S’agissant, en outre, de la prétendue violation du principe de légalité et de l’article 126 de la directive 2001/83, il suffit de rappeler que, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 138 de ses conclusions, un tel argument repose sur la prémisse selon laquelle l’AMM ayant pour objet le Grasalva a été octroyée de manière valide et en conformité avec le droit de l’Union.

    76      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, étant donné que, à la date de l’adhésion de la République de Lituanie à l’Union, cette autorisation ne répondait pas aux exigences posées par ce droit, tel qu’en vigueur à ladite date.

    77      De même, contrairement aux allégations dudit État membre, la conclusion énoncée au point 63 du présent arrêt ne saurait aucunement violer le principe de non-discrimination étant donné que, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 123 de ses conclusions, la situation d’un futur État membre au regard des obligations découlant du traité d’adhésion et celle des États membres concernant la transposition d’une directive dans le délai fixé à cet effet ne peuvent être considérées comme étant comparables.

    78      En ce qui concerne, enfin, la solution adoptée par la Cour dans l’arrêt Commission/Autriche, précité, il suffit de rappeler que cette solution était justifiée notamment par la circonstance, décrite au point 60 de cet arrêt, selon laquelle l’acte d’adhésion ne prévoyait, en faveur de la République d’Autriche, aucune dérogation ni aucune période transitoire au regard des directives en question dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt.

    79      Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en ce qui concerne la directive 2001/83, étant donné que l’acte d’adhésion de 2003 prévoit expressément, à son annexe IX, une dérogation à l’applicabilité de cette directive en Lituanie.

    80      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que le premier grief invoqué par la Commission au soutien de son recours est fondé.

     Sur le second grief

    –       Argumentation des parties

    81      Par son second grief, la Commission fait valoir que, étant donné que l’AMM pour le Grasalva n’était plus valable à partir du 1er mai 2004 en raison de sa non-conformité avec la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, ce médicament ne pouvait, dès cette date, être mis sur le marché que sur le fondement d’une autorisation délivrée par cette institution, conformément à la procédure centralisée d’autorisation prévue par le règlement n° 2309/93. En effet, ce règlement, applicable en République de Lituanie dès l’adhésion de cette dernière à l’Union, soumettait les médicaments biologiques issus de la technologie de l’acide désoxyribonucléique recombinant, tels que le Grasalva, à ladite procédure.

    82      Les autorités lituaniennes, après avoir relevé que ce second moyen est étroitement lié au premier, rappellent que l’AMM du Grasalva a été délivrée le 2 juillet 2003, lorsque la République de Lituanie n’était pas encore membre de l’Union. Or, aux termes de l’article 2, second alinéa, du règlement n° 2309/93, «[l]a personne responsable de la mise sur le marché des médicaments visés par [ce] règlement doit être établie dans la Communauté».

    83      Par conséquent, selon lesdites autorités, le 2 juillet 2003, l’auteur de la demande d’AMM pour le Grasalva n’avait aucune possibilité de bénéficier de la procédure centralisée prévue par le règlement n° 2309/93, étant donné qu’il était établi en Lituanie, c’est-à-dire en dehors de la Communauté. En outre, il ne serait pas raisonnable, eu égard à la longueur des procédures en question, d’exiger, comme le fait la Commission, que l’AMM nationale soit retirée le 1er mai 2004, alors que, avant cette date, il n’aurait pas été possible, pour un opérateur établi en Lituanie, d’introduire une demande d’autorisation selon la procédure centralisée prévue par ledit règlement.

    –       Appréciation de la Cour

    84      Afin de répondre à ce second grief, il convient de relever d’emblée que, ainsi qu’il résulte de l’analyse du premier grief, l’AMM nationale dont a fait l’objet le Grasalva n’avait pas été octroyée en conformité avec le droit de l’Union applicable en matière de médicaments.

    85      Par conséquent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, ladite AMM n’était pas suffisante, à compter de l’adhésion de la République de Lituanie à l’Union, pour permettre la mise sur le marché lituanien du Grasalva.

    86      Il résulte également dudit article 6, paragraphe 1, ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, et de l’annexe du règlement n° 2309/93 tout comme de l’article 3, paragraphe 1, et de l’annexe du règlement n° 726/2004 que, à défaut d’être inscrit sur la liste contenue dans l’appendice A, le Grasalva, en tant que médicament issu de la biotechnologie, ne pouvait être mis sur le marché de la Communauté, à partir de la date de ladite adhésion, que sur le fondement d’une autorisation délivrée par la Commission selon la procédure centralisée prévue par le règlement n° 2309/93 et, à partir du 20 novembre 2005, par le règlement n° 726/2004.

    87      Or, il suffit de relever à cet égard que, comme la République de Lituanie le reconnaît elle-même, le Grasalva a été mis sur le marché lituanien postérieurement à l’adhésion de cet État membre à l’Union et jusqu’au 2 juillet 2008.

    88      Dans ces circonstances, force est de constater que cet État membre a enfreint les articles 3, paragraphe 1, des règlements nos 2309/93 et 726/2004.

    89      Par conséquent, le second grief invoqué par la Commission au soutien de son recours est également fondé.

    90      Il convient dès lors de constater que, en maintenant l’AMM nationale pour le médicament Grasalva, la République de Lituanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, ainsi qu’en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2309/93 et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 726/2004.

     Sur les dépens

    91      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Lituanie et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

    1)      En maintenant l’autorisation de mise sur le marché nationale pour le médicament Grasalva, la République de Lituanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2003/63/CE de la Commission, du 25 juin 2003, ainsi qu’en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments, et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments.

    2)      La République de Lituanie est condamnée aux dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: le lituanien.

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