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Document 62005CJ0075

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 11 septembre 2008.
    République fédérale d’Allemagne (C-75/05 P), Glunz AG et OSB Deutschland GmbH (C-80/05 P) contre Kronofrance SA.
    Pourvoi - Aides d’État - Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections - Recours en annulation - Recevabilité - Parties intéressées - Aides à finalité régionale en faveur de grands projets d’investissement - Encadrement multisectoriel de 1998.
    Affaires jointes C-75/05 P et C-80/05 P.

    Recueil de jurisprudence 2008 I-06619

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2008:482

    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    11 septembre 2008 ( *1 )

    «Pourvoi — Aides d’État — Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections — Recours en annulation — Recevabilité — Parties intéressées — Aides à finalité régionale en faveur de grands projets d’investissement — Encadrement multisectoriel de 1998»

    Dans les affaires jointes C-75/05 P et C-80/05 P,

    ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduits respectivement les 11 et 16 février 2005,

    République fédérale d’Allemagne, représentée par M. W.-D. Plessing et Mme C. Schulze-Bahr, en qualité d’agents, assistés de Me M. Núñez-Müller, Rechtsanwalt (C-75/05 P),

    Glunz AG,

    OSB Deutschland GmbH,

    établies à Meppen (Allemagne), représentées par Me H.-J. Niemeyer, Rechtsanwalt (C-80/05 P), ayant élu domicile à Luxembourg,

    parties requérantes,

    les autres parties à la procédure étant:

    Kronofrance SA, établie à Sully-sur-Loire (France), représentée par Mes R. Nierer et L. Gordalla, Rechtsanwälte,

    partie demanderesse en première instance,

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Kreuschitz, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano (rapporteur) et M. Ilešič, juges,

    avocat général: M. Y. Bot,

    greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 février 2007,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 mars 2008,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par leurs pourvois, la République fédérale d’Allemagne ainsi que Glunz AG et OSB Deutschland GmbH (ci-après respectivement «Glunz» et «OSB») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission (T-27/02, Rec. p. II-4177, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé la décision SG (2001) D de la Commission, du 25 juillet 2001, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de l’aide d’État octroyée par les autorités allemandes à Glunz (ci-après la «décision litigieuse»).

    Le cadre juridique

    2

    L’article 1er du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), prévoit:

    «Aux fins du présent règlement, on entend par:

    […]

    h)

    ‘parties intéressées’: tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles.»

    3

    L’article 4 de ce règlement, intitulé «Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission», dispose:

    «[…]

    2.   Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

    3.   Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [87], paragraphe 1, du traité, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée ‘décision de ne pas soulever d’objections’). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

    4.   Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [88], paragraphe 2, du traité (ci-après dénommée ‘décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen’).

    […]»

    4

    L’encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d’investissement (JO 1998, C 107, p. 7, ci-après l’«encadrement multisectoriel de 1998»), en vigueur au moment des faits, définit les règles d’évaluation des aides qui entrent dans son champ d’application, aux fins de l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE.

    5

    En vertu de l’encadrement multisectoriel de 1998, la Commission fixe, au cas par cas, l’intensité d’aide maximale admissible pour les projets soumis à l’obligation de notification prévue à l’article 2 du règlement no 659/1999.

    6

    Le point 3.10 de cet encadrement multisectoriel décrit la formule de calcul sur la base de laquelle la Commission détermine ladite intensité. Cette formule repose, d’abord, sur la détermination de l’intensité maximale admissible applicable aux aides aux grandes entreprises dans la zone considérée, dénommée «plafond régional» (facteur R), lequel est, ensuite, affecté de trois coefficients correspondant, respectivement, à l’état de la concurrence dans le secteur considéré (facteur T), au ratio capital/travail (facteur I) et à l’impact régional de l’aide en question (facteur M). L’intensité maximale de l’aide autorisée correspond ainsi à la formule R x T x I x M.

    7

    Selon le point 3.2 dudit encadrement multisectoriel, le facteur T «état de la concurrence» implique une analyse visant à déterminer si le projet notifié sera mis en œuvre dans un secteur ou un sous-secteur souffrant de surcapacité structurelle.

    8

    Ainsi, en vertu du point 3.3 de l’encadrement multisectoriel de 1998, pour déterminer l’existence ou non d’une telle surcapacité, la Commission tient compte, à l’échelon de la Communauté européenne, de l’écart entre le taux moyen d’utilisation des capacités de production de l’industrie manufacturière dans son ensemble et le taux d’utilisation des capacités dans le (sous-)secteur en cause. Cette analyse porte sur une période de référence correspondant aux cinq dernières années pour lesquelles des données sont disponibles.

    9

    Le point 3.4 de cet encadrement multisectoriel est libellé comme suit:

    «Si les données relatives à l’utilisation des capacités sont insuffisantes, la Commission examinera si les investissements considérés sont réalisés sur un marché en déclin. À cet effet, elle comparera l’évolution de la consommation apparente du ou des produits en cause (autrement dit, production plus importations moins exportations) avec le taux de croissance de l’industrie manufacturière dans son ensemble au niveau de [l’Espace économique européen].»

    10

    En vertu du point 3.10.1 dudit encadrement multisectoriel, un coefficient correcteur de 0,25, de 0,5, de 0,75 ou de 1 est applicable au facteur T «état de la concurrence», en fonction des critères suivants:

    «i)

    Projet entraînant une augmentation de capacité dans un secteur caractérisé par une grave surcapacité structurelle et/ou un déclin absolu de la demande: 0,25

    ii)

    Projet entraînant une augmentation de capacité dans un secteur caractérisé par une surcapacité structurelle et/ou un marché en déclin, et susceptible de renforcer une part de marché élevée: 0,50

    iii)

    Projet entraînant une augmentation de capacité dans un secteur caractérisé par une surcapacité structurelle et/ou un marché en déclin: 0,75

    iv)

    Aucun effet négatif probable sous l’angle des cas de figure i) à iii): 1,00».

    Les antécédents du litige

    11

    Par lettre du 4 août 2000, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission un projet d’aide à l’investissement, relevant de l’encadrement multisectoriel de 1998, en faveur de Glunz pour la construction d’un centre intégré de traitement du bois à Nettgau dans le Land de Saxe-Anhalt (Allemagne).

    12

    En application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, la Commission a décidé, le 25 juillet 2001, de ne pas soulever d’objections à l’octroi de cette aide et a déterminé, sur la base d’une évaluation de l’aide au regard des critères établis par l’encadrement multisectoriel de 1998, l’intensité maximale admissible. Dans ce cadre, étant donné que l’examen des données relatives au taux d’utilisation des capacités du secteur économique qui comprend la fabrication des panneaux en bois n’avait révélé aucune surcapacité structurelle, la Commission a appliqué le coefficient correcteur maximal égal à 1 en ce qui concerne le facteur T «état de la concurrence», sans se livrer à un examen de l’éventualité que l’investissement en cause fût réalisé sur un marché en déclin.

    La procédure en première instance et l’arrêt attaqué

    13

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2002, Kronofrance SA (ci-après «Kronofrance») a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en s’appuyant sur quatre moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 87 CE et de l’encadrement multisectoriel de 1998, deuxièmement, de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE, troisièmement, d’un détournement de pouvoir et, quatrièmement, d’une violation de l’obligation de motivation.

    14

    La Commission a, pour sa part, soulevé une exception d’irrecevabilité du recours, tirée d’un prétendu défaut de qualité pour agir de la demanderesse. Selon l’institution défenderesse, Kronofrance ne pouvait être considérée comme une entreprise concurrente de la bénéficiaire de l’aide et, par conséquent, ne pouvait prétendre au statut de «partie intéressée» au sens du règlement no 659/1999. Pour cette raison, elle n’aurait pas été recevable à attaquer la décision litigieuse.

    15

    Quant au fond, Kronofrance soutenait notamment que, en autorisant l’aide en question au terme du seul examen préliminaire, la Commission avait violé l’article 88, paragraphe 2, CE ainsi que l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999 qui requièrent l’ouverture de la procédure formelle d’examen dès lors que la mesure notifiée «suscite des doutes» quant à sa compatibilité avec le marché commun.

    16

    Or, selon Kronofrance, un examen précis de la situation du marché concerné aurait dû faire naître de tels doutes. En effet, au cours de la procédure administrative, Kronofrance avait communiqué à la Commission des données relatives à la consommation apparente de panneaux en bois, démontrant que l’investissement en cause concernait un marché en déclin. Cependant, la Commission se serait bornée à examiner la seule existence éventuelle d’une surcapacité structurelle et aurait estimé qu’elle n’était pas tenue de vérifier si les investissements en cause étaient réalisés dans un marché en déclin.

    17

    Aux points 38 à 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu’il existait, entre Glunz et Kronofrance, un rapport de concurrence attribuant à cette dernière la qualité de partie intéressée pouvant être regardée comme directement et individuellement concernée par la décision litigieuse au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Sur ce fondement, le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

    18

    Quant au fond, aux points 79 à 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, en examinant l’état de la concurrence dans le marché concerné sur la base des seules données relatives à la surcapacité structurelle, sans avoir également vérifié si l’aide projetée était destinée à un marché en déclin, la Commission avait violé l’article 87 CE ainsi que l’encadrement multisectoriel de 1998.

    19

    Le Tribunal est parvenu à cette conclusion après avoir, en particulier, considéré, d’une part, qu’une interprétation différente reviendrait à nier la spécificité des deux critères d’évaluation du facteur T «état de la concurrence» et, d’autre part, que des investissements réalisés dans un marché en déclin entraînent de sérieux risques de distorsion de la concurrence, ce qui contrevient clairement à l’objectif d’une concurrence non faussée poursuivi par l’article 87 CE. Une telle conclusion serait, par ailleurs, conforme à l’objectif que la Commission elle-même se serait fixé avec l’adoption de l’encadrement multisectoriel de 1998 consistant, selon le point 1.2 de celui-ci, à limiter les aides à de grands projets de manière à prévenir, dans toute la mesure du possible, les effets défavorables sur la concurrence, tout en préservant l’effet d’attraction de la région aidée.

    20

    Le Tribunal a dès lors annulé la décision litigieuse.

    La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

    21

    La République fédérale d’Allemagne ainsi que Glunz et OSB ont introduit deux pourvois contre l’arrêt attaqué, enregistrés respectivement le 11 février 2005, sous le numéro C-75/05 P, et le 16 février 2005, sous le numéro C-80/05 P.

    22

    Par ordonnance du président de la Cour du 13 octobre 2005, ces deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

    23

    La République fédérale d’Allemagne et la Commission concluent à ce que la Cour:

    annule l’arrêt attaqué;

    déclare le recours de Kronofrance irrecevable ou le rejette comme dépourvu de fondement, et

    condamne Kronofrance aux dépens afférents aux procédures de première instance et de pourvoi.

    24

    Glunz et OSB concluent à ce que la Cour:

    annule l’arrêt attaqué;

    rejette le recours ou, à titre subsidiaire, renvoie l’affaire devant le Tribunal, et

    condamne Kronofrance aux dépens.

    25

    Kronofrance conclut à ce que la Cour:

    rejette les pourvois, et

    condamne les requérantes aux dépens afférents aux procédures de première instance ainsi que de pourvoi.

    Sur les pourvois

    26

    La République fédérale d’Allemagne invoque trois moyens à l’appui de son pourvoi, tandis que Glunz et OSB soulèvent quatre moyens, lesquels coïncident en partie avec ceux-ci.

    Sur la violation de l’article 230, quatrième alinéa, CE

    Argumentation des parties

    27

    La République fédérale d’Allemagne, par son premier moyen, ainsi que Glunz et OSB, par leur deuxième moyen, soutenues par la Commission, font valoir que l’arrêt attaqué viole l’article 230, quatrième alinéa, CE dans la mesure où le Tribunal a considéré Kronofrance comme «directement et individuellement concernée» par la décision litigieuse et a, par conséquent, jugé le recours de cette entreprise recevable. Cette appréciation incorrecte découlerait d’un élargissement excessif du champ d’application de l’article 230, quatrième alinéa, CE et d’une interprétation erronée de celui-ci à la lumière du règlement no 659/1999.

    28

    En effet, le juge de première instance aurait estimé à tort que toute personne potentiellement «intéressée» à la procédure formelle d’examen d’une aide au sens de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999 doit être considérée comme directement et individuellement concernée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par une décision d’autorisation prise à l’issue de la phase d’examen préliminaire de l’aide, sans qu’il soit alors nécessaire de démontrer que la position concurrentielle de la demanderesse en première instance a été «substantiellement» affectée par cette décision.

    29

    En revanche, selon la République fédérale d’Allemagne ainsi que Glunz et OSB, la qualité de «partie intéressée» au sens du règlement no 659/1999 n’implique pas automatiquement le droit d’intenter un recours juridictionnel. Seul un examen concret, fondé sur le rapport de concurrence existant entre le bénéficiaire de l’aide et le requérant en première instance, respecterait les exigences posées par une jurisprudence constante et, en particulier, par l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197). Dès lors, afin de constater la qualité pour agir de Kronofrance, le Tribunal aurait dû vérifier si la position de celle-ci sur le marché concerné était affectée de manière substantielle.

    30

    Or, contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal, Glunz et Kronofrance ne seraient pas effectivement en concurrence sur le marché en cause et, par conséquent, la position de Kronofrance sur ce marché n’aurait pas pu être substantiellement affectée.

    31

    À cet égard, Glunz et OSB allèguent que la constatation effectuée par le Tribunal, selon laquelle les zones de commercialisation de Kronofrance et de Glunz se chevaucheraient, est inexacte. En effet, le Tribunal aurait évalué de manière erronée les données relatives aux marchés des deux entreprises.

    32

    En outre, la République fédérale d’Allemagne souligne que le Tribunal s’est contenté de constater que Glunz appartenait à un groupe dont feraient partie d’autres sociétés actives dans le domaine des panneaux en bois en France. Toutefois, ce critère ne serait pas pertinent, car il est fondé sur des considérations relatives à un tel groupe et non sur la concurrence concrète existant entre les deux entreprises en cause.

    33

    À la lumière de ces considérations, la République fédérale d’Allemagne, Glunz et OSB ainsi que la Commission estiment que le recours de Kronofrance aurait dû être déclaré irrecevable.

    34

    Kronofrance soutient, au contraire, que, en cas de non-ouverture de la procédure formelle d’examen, un concurrent du bénéficiaire d’une aide doit uniquement prouver sa qualité de «partie intéressée» au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque son recours tend à faire sauvegarder ses droits procéduraux. Dans une telle hypothèse, il ne serait pas nécessaire de démontrer que la position concurrentielle du requérant est affectée substantiellement. Il suffirait que ses intérêts puissent être affectés par l’octroi de l’aide. En l’espèce, le rapport de concurrence direct existant entre Glunz et Kronofrance serait suffisant pour qu’il soit conclu en ce sens.

    Appréciation de la Cour

    35

    À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

    36

    Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (voir, notamment, arrêts Plaumann/Commission, précité, p. 223; du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198/91, Rec. p. I-2487, point 20; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 14, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C-78/03 P, Rec. p. I-10737, point 33).

    37

    Le présent recours concernant une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 88 CE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts Cook/Commission, précité, point 22; Matra/Commission, précité, point 16; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 38, ainsi que Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 34).

    38

    Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision. Pour ces motifs, celui-ci déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 35 et jurisprudence citée).

    39

    La Cour a eu l’occasion de préciser que de tels intéressés sont les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 41, ainsi que Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 36).

    40

    En revanche, si le requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’il puisse être considéré comme «intéressé» au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE ne saurait suffire pour que soit admise la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il bénéficie d’un statut particulier au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, précité. Il en serait notamment ainsi dans le cas où la position du requérant sur le marché serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, points 22 à 25, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 37).

    41

    C’est au regard de ces principes, dégagés par la jurisprudence rappelée aux points précédents, qu’il y a lieu d’examiner les arguments avancés par les requérantes aux pourvois afin de contester l’appréciation portée par le Tribunal sur la recevabilité du recours en première instance.

    42

    Or, il importe, tout d’abord, de relever que, au point 35 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, sans être contredit sur ce point par lesdites requérantes, que Kronofrance avait sollicité l’annulation de la décision litigieuse au motif que la Commission aurait refusé à tort d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

    43

    Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 116 à 118 de ses conclusions, c’est dès lors à bon droit que, afin de vérifier le respect de la condition selon laquelle l’entreprise concernée doit être individuellement affectée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, le Tribunal a déterminé si Kronofrance pouvait être considérée comme une partie intéressée au sens des articles 88, paragraphe 2, CE et 1er, sous h), du règlement no 659/1999, et a examiné, à cette fin, la position de Kronofrance sur le marché concerné en concluant à l’existence d’un rapport de concurrence entre cette dernière et Glunz.

    44

    Dans ces conditions, contrairement à ce que prétendent les requérantes aux pourvois, le juge de première instance n’était nullement tenu, eu égard, notamment, aux arrêts précités Cook/Commission et Matra/Commission, d’exiger également qu’il soit démontré que la position de Kronofrance sur le marché concerné était affectée substantiellement par l’adoption de la décision litigieuse.

    45

    S’agissant, ensuite, de l’analyse sur la base de laquelle le Tribunal a conclu à l’existence d’un rapport de concurrence entre Glunz et Kronofrance, les requérantes aux pourvois contestent celle-ci en s’appuyant sur deux arguments.

    46

    D’une part, elles font valoir que le Tribunal est parvenu à une telle conclusion après avoir erronément apprécié certaines données relatives à l’étendue géographique des zones de commercialisation respectives des deux entreprises en cause, lesquelles ne se chevaucheraient que dans une mesure tout à fait marginale, de sorte qu’aucun rapport de concurrence n’existerait entre Glunz et Kronofrance.

    47

    Force est toutefois de constater que, même si cet argument est développé dans le cadre d’un moyen tiré d’une erreur de droit, les requérantes aux pourvois cherchent, en réalité, à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal.

    48

    Or, dans le cadre d’un pourvoi, une telle appréciation n’est pas soumise au contrôle de la Cour, sous réserve du cas d’une dénaturation des faits et des éléments de preuve soumis au juge de première instance (voir en ce sens, notamment, arrêts du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53/92 P, Rec. p. I-667, point 42, et du 23 mars 2006, Mülhens/OHMI, C-206/04 P, Rec. p. I-2717, point 28).

    49

    Il s’ensuit que, aucune dénaturation n’ayant en l’espèce été démontrée ni même alléguée par les requérantes aux pourvois, cet argument doit être considéré comme manifestement irrecevable.

    50

    D’autre part, lesdites requérantes soutiennent que le Tribunal s’est fondé non pas sur une analyse de la concurrence existant concrètement entre Kronofrance et Glunz, mais sur des considérations générales tenant à la présence, sur le marché français des panneaux en bois, de sociétés appartenant au groupe auquel appartient Glunz.

    51

    Or, à cet égard, il suffit de constater que, après avoir relevé que les entreprises en cause fabriquaient toutes deux des panneaux en bois et qu’il existait un chevauchement entre leurs zones de commercialisation, le Tribunal a, au point 43 de l’arrêt attaqué, ajouté ce qui suit:

    «Il résulte également de la [décision litigieuse] que Glunz est une filiale de Tableros de Fibras SA, laquelle possède des usines en France actives dans le domaine du bois qui lui ont été cédées en 1999 par Glunz.»

    52

    De la lecture de ce point de l’arrêt attaqué, il ressort clairement que le Tribunal n’a fait référence aux considérations relatives au groupe auquel Glunz appartient qu’à titre surabondant, après avoir déjà conclu à l’existence d’un rapport de concurrence entre les deux entreprises en cause. Partant, le Tribunal n’a aucunement fondé la conclusion à laquelle il est parvenu au point 44 de l’arrêt attaqué sur ce seul fondement.

    53

    Il s’ensuit que cet argument doit être écarté comme inopérant.

    54

    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen soulevé par la République fédérale d’Allemagne, ainsi que le deuxième moyen soulevé par Glunz et OSB.

    Sur la violation de l’article 87, paragraphe 3, CE ainsi que de l’encadrement multisectoriel de 1998

    Argumentation des parties

    55

    La République fédérale d’Allemagne, par son deuxième moyen, ainsi que Glunz et OSB, par leur premier moyen, soutenues par la Commission, font valoir que le Tribunal a fait une application erronée de l’article 87, paragraphe 3, CE ainsi que de l’encadrement multisectoriel de 1998.

    56

    Le Tribunal aurait méconnu le large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission dans l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, dans le cadre duquel elle a adopté et appliqué l’encadrement multisectoriel de 1998. Il aurait ainsi interprété les points pertinents de cet encadrement multisectoriel de manière contraire à leur libellé, à leur sens et à leur objet, en considérant que les répercussions de l’aide régionale en cause sur la concurrence devraient être évaluées à la lumière, à la fois, de l’utilisation des capacités du secteur concerné et de l’existence d’un marché en déclin.

    57

    Plus précisément, il aurait méconnu l’ordre dans lequel ces critères d’examen doivent être pris en compte, tel qu’il est fixé aux points 3.2 à 3.4 dudit encadrement multisectoriel. En effet, il résulterait de ces dispositions que la question de savoir si le marché concerné est en déclin constitue seulement un critère de contrôle subsidiaire dont il ne doit être tenu compte que lorsque les données relatives à l’utilisation des capacités sont insuffisantes. Tel ne serait toutefois pas le cas dans les présentes affaires, dès lors que toutes les données en matière d’utilisation des capacités étaient disponibles.

    58

    Kronofrance rétorque qu’il ressort expressément du libellé du point 3.10 de l’encadrement multisectoriel de 1998 que, dans le cadre de son appréciation de la situation concurrentielle d’un marché affecté par un projet d’aide, la Commission devrait toujours déterminer si le projet entraîne une augmentation des capacités dans un secteur connaissant des surcapacités structurelles et s’il est destiné à un marché en déclin. Ainsi que l’aurait souligné le Tribunal dans l’arrêt attaqué, ce dernier élément devrait toujours être examiné, car une aide octroyée sur un marché en déclin entraîne de sérieux risques de distorsion de la concurrence.

    Appréciation de la Cour

    59

    Il est certes vrai que, comme le font valoir les requérantes aux pourvois, la Commission bénéficie, pour l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social, qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (voir en ce sens, notamment, arrêt du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 18). Dans ce cadre, le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (arrêts du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C-351/98, Rec. p. I-8031, point 74; du 13 février 2003, Espagne/Commission, C-409/00, Rec. p. I-1487, point 93, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-91/01, Rec. p. I-4355, point 43).

    60

    Toutefois, il importe de relever que, en adoptant des règles de conduite et en annonçant, par leur publication, qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 211).

    61

    Ainsi, dans le domaine spécifique des aides d’État, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres (voir, notamment, arrêts précités du 13 février 2003, Espagne/Commission, points 69 et 95, ainsi que Italie/Commission, point 45).

    62

    Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisément contrôlé si la Commission, en adoptant la décision litigieuse, s’est conformée à son encadrement multisectoriel de 1998. En effet, ainsi qu’il résulte en particulier du point 86 de l’arrêt attaqué, l’analyse à laquelle s’est livré le juge de première instance a consisté à déterminer si la Commission pouvait, sur le fondement du texte dudit encadrement, attribuer à la mesure d’aide en question un coefficient correcteur égal à 1 au titre du facteur T «état de la concurrence», tout en se dispensant d’examiner si ladite aide était destinée à un marché en déclin.

    63

    Dans ces conditions, il n’apparaît pas que, en se livrant à une telle analyse de la décision litigieuse, le Tribunal ait outrepassé le niveau de contrôle qui lui est reconnu par la jurisprudence dans un domaine donnant lieu à des appréciations économiques et sociales complexes de la part de la Commission.

    64

    Une méconnaissance du large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission dans le cadre de l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE ne saurait non plus être déduite de l’interprétation de l’encadrement multisectoriel de 1998 fournie par le Tribunal.

    65

    À cet égard, il convient de rappeler que, si la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte en matière d’aides d’État, c’est uniquement dans la mesure où ces textes ne s’écartent pas d’une bonne application des normes du traité, lesdits textes ne pouvant être interprétés dans un sens qui réduise la portée des articles 87 CE et 88 CE ou qui contrevienne aux objectifs visés par ceux-ci (voir, en ce sens, arrêts précités Deufil/Commission, point 22; du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, point 53, et Italie/Commission, point 45, ainsi que, par analogie, arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479, point 72).

    66

    Le Tribunal était donc fondé à juger, au point 89 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait d’interpréter l’encadrement multisectoriel de 1998 à la lumière de l’article 87 CE et du principe d’incompatibilité des aides publiques y contenu pour atteindre l’objectif visé par cette disposition, à savoir celui d’une concurrence non faussée dans le marché commun.

    67

    La nécessité d’une appréciation de la légalité de la décision litigieuse au regard de l’encadrement multisectoriel de 1998, tel qu’interprété à la lumière des articles 87 CE et 88 CE, était d’autant plus justifiée dans le cas d’espèce, compte tenu d’une certaine ambiguïté du texte de cet encadrement, relevée par le Tribunal au point 89 de l’arrêt attaqué. Cette ambiguïté découle, notamment, de l’emploi des conjonctions «et/ou» dans le libellé du point 3.10.1 dudit encadrement, portant précisément sur les éléments que la Commission est tenue de prendre en considération aux fins de la fixation du coefficient correcteur égal à 1 au titre du facteur T «état de la concurrence».

    68

    Or, c’est à la lumière des principes posés aux articles 87 CE et 88 CE ainsi que de l’objectif de prévention des effets de distorsion produits par les aides, énoncé notamment au point 1.2 de l’encadrement multisectoriel de 1998, que le Tribunal a considéré que le point 3.10.1, sous iv), dudit encadrement devait être interprété en ce sens que l’application du coefficient correcteur le plus élevé, égal à 1, lequel maximalise le montant de l’aide pouvant être déclarée compatible avec le marché commun, implique le constat préalable de l’absence tant de surcapacités structurelles du secteur en cause que d’un marché en déclin.

    69

    À cet égard, force est de constater qu’une interprétation différente, selon laquelle la présence d’un seul de ces deux éléments suffirait à justifier l’application du coefficient correcteur maximal, serait susceptible d’aller à l’encontre des principes et de l’objectif rappelés au point précédent du présent arrêt. En effet, d’une part, une telle interprétation permettrait à la Commission d’attribuer le coefficient correcteur le plus élevé à des projets susceptibles d’entraîner une augmentation de capacités dans un secteur qui pourrait être caractérisé par un déclin absolu de la demande, sans que la Commission ait pris en compte cette circonstance.

    70

    D’autre part, cette interprétation aurait pour conséquence de rendre équivalentes, aux fins de l’attribution du coefficient correcteur égal à 1, la situation d’un secteur dans lequel la Commission a constaté une absence de surcapacités structurelles et la situation dans laquelle cette institution n’a pu effectuer un tel constat, faute de données disponibles, sans que, pour autant, la présence de telles surcapacités puisse être exclue.

    71

    En outre, contrairement aux allégations des requérantes aux pourvois, il ressort clairement de la lecture du point 97 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a pas entendu interpréter l’encadrement multisectoriel de 1998 en ce sens qu’il serait imposé à la Commission de devoir apprécier, dans tous les cas, si le marché concerné est en déclin. Une telle appréciation n’est, en effet, requise, selon le juge de première instance, que dans l’hypothèse où la Commission ne dispose pas de données suffisantes pour conclure à l’existence de surcapacités structurelles, ou bien lorsque, comme en l’espèce, elle a l’intention d’attribuer le coefficient correcteur maximal, égal à 1, au titre du facteur T «état de la concurrence».

    72

    Enfin, il convient de relever que le Tribunal tire, au point 99 de l’arrêt attaqué, une conséquence de portée générale selon laquelle la Commission ne pourrait pas autoriser une mesure d’aide sans avoir préalablement apprécié si le marché concerné est en déclin.

    73

    Or, force est de constater qu’une telle conséquence non seulement n’est pas justifiée compte tenu des considérations qui précèdent, mais se trouve être en contradiction avec le point 97 du même arrêt.

    74

    Toutefois, une telle contradiction n’affecte en rien la conclusion à laquelle le Tribunal parvient au point 103 de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la solution du cas d’espèce, étant donné que, audit point, le juge de première instance se limite à exclure que la Commission puisse se dispenser d’apprécier si le marché est en déclin lorsqu’elle a l’intention d’attribuer un coefficient correcteur égal à 1 au titre du facteur T «état de la concurrence».

    75

    Au vu de tout ce qui précède, le deuxième moyen invoqué par la République fédérale d’Allemagne ainsi que le premier moyen invoqué par Glunz et OSB doivent également être écartés.

    Sur la violation de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal

    Argumentation des parties

    76

    Par leur troisième moyen, la République fédérale d’Allemagne ainsi que Glunz et OSB invoquent une violation de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal. Le moyen tiré de l’irrecevabilité du recours ayant été soulevé pour la première fois par la Commission lors de l’audience, le Tribunal aurait dû, afin de statuer sur la qualité pour agir de Kronofrance, recueillir d’office certaines informations nécessaires pour déterminer si Glunz et Kronofrance étaient en concurrence, telles que des données relatives à leurs zones de commercialisation ou aux distances séparant leurs sites de production. Or, l’obtention de ces informations aurait conduit le Tribunal à juger que Kronofrance n’était pas «individuellement concernée» au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

    77

    Selon Kronofrance, le Tribunal n’a pas, au contraire, méconnu l’article 64 de son règlement de procédure. En effet, il appartiendrait uniquement à celui-ci de décider si les éléments de preuve dont il dispose dans une affaire doivent être complétés. En outre, la force probante de ces éléments ne constituerait pas une question soumise au contrôle de la Cour, sauf en cas de dénaturation ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par le Tribunal ressort des documents versés au dossier. Enfin, ainsi qu’il ressortirait des points 38 à 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait disposé d’éléments suffisants pour statuer. Il n’aurait donc eu aucune raison de recueillir d’autres données.

    Appréciation de la Cour

    78

    S’agissant de l’appréciation par le juge de première instance de demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir, notamment, arrêts du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C-315/99 P, Rec. p. I-5281, point 19; du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C-136/02 P, Rec. p. I-9165, point 76, et du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C-260/05 P, Rec. p. I-10005, point 77). Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier (arrêts Ismeri Europa/Cour des comptes, précité, point 19, ainsi que du 7 novembre 2002, Glencore et Compagnie Continentale/Commission, C-24/01 P et C-25/01 P, Rec. p. I-10119, points 77 et 78).

    79

    Par conséquent, aucune dénaturation ou inexactitude matérielle n’ayant été alléguée en l’espèce, le Tribunal a pu considérer à bon droit que les éléments contenus dans le dossier et les explications données lors de la procédure orale, rappelés aux points 38 à 41 de l’arrêt attaqué, étaient suffisants pour lui permettre de statuer sur la question de la recevabilité du recours, sans que des mesures d’organisation de la procédure ultérieures fussent nécessaires.

    80

    Le présent moyen étant ainsi manifestement non fondé, il y a lieu de le rejeter.

    Sur la violation de l’article 230, deuxième alinéa, CE

    Argumentation des parties

    81

    Enfin, par leur quatrième moyen, Glunz et OSB font valoir que l’arrêt attaqué est contraire à l’article 230, deuxième alinéa, CE en tant qu’il statue au-delà des moyens invoqués à l’appui du recours.

    82

    En effet, le Tribunal aurait annulé la décision litigieuse en raison d’une violation du traité consistant dans l’absence de prise en compte par la Commission du fait que le secteur en cause était en déclin, alors que cet argument avait été invoqué par la demanderesse en première instance non pas dans le cadre de son moyen relatif à la violation du traité, mais uniquement à l’appui de celui par lequel elle invoquait un détournement de pouvoir.

    83

    Ainsi, en ne distinguant pas des arguments et des moyens manifestement différents, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, cela d’autant plus que, selon la jurisprudence, un moyen portant sur la violation du traité, au sens de l’article 230, deuxième alinéa, CE, ne pourrait être examiné d’office par le juge communautaire.

    84

    Kronofrance rétorque qu’elle a fondé sa requête sur l’ensemble des moyens mentionnés à l’article 230 CE, en faisant figurer dans ses mémoires toute la motivation nécessaire. En tout état de cause, elle ne serait pas tenue de consacrer un moyen à un vice spécifique de la décision litigieuse dès lors qu’un tel défaut ressort de l’exposé des éléments de fait et de droit contenu dans ses observations écrites ou orales.

    Appréciation de la Cour

    85

    Par ce moyen de pourvoi, Glunz et OSB visent, en substance, à faire constater que le Tribunal s’est erronément prononcé sur la violation de l’article 87 CE, alors qu’il examinait un argument soulevé par la demanderesse en première instance à l’appui de son moyen tiré d’un détournement de pouvoir. Ce faisant, le Tribunal se serait prononcé sur un argument qu’il n’avait pas le pouvoir de soulever d’office et que la demanderesse n’avait pas invoqué.

    86

    Il y a lieu de relever d’emblée que ce moyen de pourvoi se fonde sur une prémisse erronée, selon laquelle le juge de première instance se serait prononcé sur le moyen tiré d’une violation de l’article 87 CE.

    87

    Or, il convient de préciser, à cet égard, que le Tribunal ne s’est aucunement prononcé sur ledit moyen. En effet, ainsi qu’il ressort du point 35 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a limité son analyse à l’examen du deuxième moyen du recours dont il était saisi, tiré de ce que la Commission aurait refusé, à tort, d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Dans le cadre de ce moyen, ainsi qu’il résulte du point 48 dudit arrêt, la demanderesse avait soutenu que, en autorisant l’aide octroyée par les autorités allemandes à Glunz au terme du seul examen préliminaire, la Commission avait notamment violé l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999 qui oblige l’institution à ouvrir la procédure formelle d’examen dès lors que la mesure notifiée «suscite des doutes» quant à sa compatibilité avec le marché commun.

    88

    Ce n’est qu’afin de se prononcer sur l’existence de tels doutes que le Tribunal a examiné la question de l’interprétation de l’article 87 CE, en considérant, dès lors, cette question comme un préalable afin de pouvoir se prononcer sur la légalité de la décision litigieuse au regard de l’article 88, paragraphe 2, CE.

    89

    Dans ces conditions, la circonstance que la demanderesse en première instance ait soulevé un moyen séparé, tiré de la violation de l’article 87 CE, sans se fonder sur l’argument relatif à l’application erronée de l’encadrement multisectoriel de 1998, n’est pas pertinente.

    90

    Il s’ensuit que ce dernier moyen doit également être écarté.

    91

    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deux pourvois dans leur ensemble.

    Sur les dépens

    92

    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes aux pourvois ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens présentées par Kronofrance.

    93

    Conformément au même article dudit règlement, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

     

    1)

    Les pourvois sont rejetés.

     

    2)

    La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens afférents à l’affaire C-75/05 P.

     

    3)

    Glunz AG et OSB Deutschland GmbH sont condamnées aux dépens afférents à l’affaire C-80/05 P.

     

    4)

    La Commission des Communautés européennes supporte ses propres dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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