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Document 62002CC0387

    Conclusions de l'avocat général Kokott présentées le 14 octobre 2004.
    Procédures pénales contre Silvio Berlusconi (C-387/02), Sergio Adelchi (C-391/02) et Marcello Dell'Utri e.a. (C-403/02).
    Demandes de décision préjudicielle: Tribunale di Milano (C-387/02 et C-403/02) et Corte d'appello di Lecce (C-391/02) - Italie.
    Droit des sociétés - Articles 5 du traité CEE (devenu article 5 du traité CE, lui-même devenu article 10 CE) et 54, paragraphe 3, sous g), du traité CEE [devenu article 54, paragraphe 3, sous g), du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 44, paragraphe 2, sous g), CE] - Première directive 68/151/CEE, quatrième directive 78/660/CEE et septième directive 83/349/CEE - Comptes annuels - Principe de l'image fidèle - Sanctions prévues en cas de fausses informations sur les sociétés (faux en écritures comptables) - Article 6 de la première directive 68/151 - Exigence du caractère approprié des sanctions pour des violations du droit communautaire.
    Affaires jointes C-387/02, C-391/02 et C-403/02.

    Recueil de jurisprudence 2005 I-03565

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2004:624

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    MME JULIANE KOKOTT

    présentées le 14 octobre 2004 (1)

    Affaires jointes C-387/02, C-391/02 et C-403/02

    Silvio Berlusconi e.a.

    (Demandes de décision préjudicielle formées par le Tribunale di Milano et la Corte d’appello di Lecce (Italie)]

    «Droit des sociétés – Première, quatrième et septième directive – Comptes annuels et comptes consolidés – Principe de l’image publique et fidèle – Sanctions appropriées en cas de fausses informations – Limites à l’application des directives dans les procédures pénales – Principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce»





    Table des matières

    I –   Introduction

    II – Le cadre juridique

    A –   Droit communautaire

    1.     Aperçu

    2.     Dispositions pertinentes de la première directive

    3.     Dispositions pertinentes de la quatrième directive

    4.     Dispositions de la septième directive

    B –   Droit national

    1.     Ancien état du droit

    2.     Nouvel état du droit

    3.     Dispositions pénales générales

    III – Les faits, les procédures au principal et les questions préjudicielles

    A –   Généralités

    B –   Affaire Berlusconi (C-387/02)

    C –   Affaire Adelchi (C-391/02)

    D –   Affaire Dell’Utri e.a. (C-403/02)

    E –   Procédure devant la Cour

    IV – Appréciation juridique

    A –   Recevabilité des demandes de décision préjudicielle

    1.     Présentation du cadre factuel

    2.     Présentation du cadre juridique

    3.     Pertinence des questions

    4.     Conclusion

    B –   Appréciation sur le fond des questions préjudicielles

    1.     Sur le champ d’application matériel de l’article 6 de la première directive

    2.     Sur le caractère approprié des sanctions pour de fausses communications sociales

    a)     Efficacité, proportionnalité et effet dissuasif des sanctions

    b)     Marges de tolérance

    c)     Délais de prescription pour les poursuites pénales

    d)     Système progressif de sanctions et exigences de plainte

    e)     Vue d’ensemble des dispositions de droit civil, de droit pénal et de droit pénal administratif

    C –   Effets d’une violation des directives par les dispositions nationales pour les procédures pénales pendantes devant les juridictions de renvoi

    1.     Sur l’obligation des juridictions nationales de donner effet aux prescriptions du droit communautaire

    2.     Sur les limites à l’application des directives dans les procédures pénales

    a)     Principes développés dans la jurisprudence.

    b)     Examen des principes à l’égard du cas d’espèce

    3.     Sur l’application rétroactive de la loi pénale plus douce

    4.     Conclusion intermédiaire

    V –   Conclusion

    I –    Introduction

    1.     Diverses procédures pénales dans le cadre desquelles on reproche aux accusés de fausses communications sociales (en italien «false comunicazioni sociali») sont actuellement pendantes devant deux juridictions italiennes, le Tribunale di Milano et la Corte d’appello di Lecce (ci-après aussi les «juridictions de renvoi»); dans le langage courant on qualifie ces procédés en général de «falsification de bilans».

    2.     Après la commission de ces actes et le début de leur poursuite, le législateur italien a réduit la gravité des éléments constitutifs d’infraction et a rendu la poursuite de ces faits plus difficile par rapport à la situation juridique antérieure. Au vu de cette modification de la législation, les juridictions de renvoi souhaiteraient essentiellement savoir ce qu’il convient d’entendre sous le terme de sanctions appropriées pour fausses communications sociales. Elles demandent aussi si, au sens des directives applicables en matière de droit des sociétés, la publication d’une fausse communication sociale doit être mise sur le même plan que la non-publication.

    3.     Au cas où une réglementation comme la modification de la législation en Italie serait contraire aux directives applicables en matière de droit des sociétés, il faudrait en outre clarifier si dans une procédure pénale une loi pénale postérieure plus douce peut en dépit de son illégalité au regard du droit communautaire être appliquée rétroactivement au profit de l’accusé.

    II – Le cadre juridique

    A –    Droit communautaire

    1.      Aperçu

    4.     L’article 44, paragraphe 1, CE contient une base juridique pour l’adoption de directives destinées à la réalisation de la liberté d’établissement. En vertu du paragraphe 2, sous g), de cette disposition, il appartient au Conseil et à la Commission,

    «[de coordonner], dans la mesure nécessaire et en vue de les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers».

    5.     La Communauté a adopté plusieurs directives dans le domaine du droit des sociétés. Sont importantes pour le cas d’espèce en particulier:

    –       la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 58, deuxième alinéa, du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (2) (ci-après «la première directive» ou la «directive 68/151») et

    –       la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (3) (ci-après la «quatrième directive» ou «directive 78/660»).

    Ces directives s’appliquent dans le cas de la République italienne aux sociétés de capitaux suivantes: la società per azioni (société anonyme, SA), la società in accomandita per azioni (société en commandite) et la società a responsabilità limitata (société à responsabilité limitée, SARL) (4).

    6.     Il faut en outre signaler la septième directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l’article 54, paragraphe 3, point g), du traité, concernant les comptes consolidés (5) (ci-après «septième directive» ou la «directive 83/349») (6).

    2.      Dispositions pertinentes de la première directive

    7.     L’article 2, paragraphe 1, sous f), de la première directive oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que la publicité obligatoire relative aux sociétés porte au moins sur le bilan et le compte de profits et pertes de chaque exercice. La disposition prévoit également que le Conseil, dans un délai de deux ans suivant l’adoption de la première directive, adoptera une autre directive couvrant la coordination du contenu des bilans et les comptes de profits et pertes.

    8.     L’article 3, paragraphes 1 à 3, de la première directive dispose:

    «1. Dans chaque État membre un dossier est ouvert auprès, soit d’un registre central, soit d’un registre du commerce ou registre des sociétés, pour chacune des sociétés qui y sont inscrites.

    2. Tous les actes et toutes les indications qui sont soumis à publicité en vertu de l’article 2 sont versés au dossier ou transcrits au registre; l’objet des transcriptions au registre doit en tout cas apparaître dans le dossier.

    3. Copie intégrale ou partielle de tout acte ou de toute indication visés à l’article 2 doit pouvoir être obtenue par correspondance sans que le coût de cette copie puisse être supérieur au coût administratif […]»

    9.     Conformément à l’article 6, premier tiret, de la première directive les États membres «prévoient des sanctions appropriées en cas de défaut de publicité du bilan et du compte de profits et pertes telle qu’elle est prescrite à l’article 2 paragraphe 1 sous f)».

    3.      Dispositions pertinentes de la quatrième directive

    10.   L’article 2 de la quatrième directive dispose entre autres:

    «1. Les comptes annuels comprennent le bilan, le compte de profits et pertes ainsi que l’annexe. Ces documents forment un tout.

    2. Les comptes annuels doivent être établis avec clarté et en conformité avec la présente directive.

    3. Les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société.

    4. Lorsque l’application de la présente directive ne suffit pas pour donner l’image fidèle visée au paragraphe 3, des informations complémentaires doivent être fournies.

    5. Si, dans des cas exceptionnels, l’application d’une disposition de la présente directive se révèle contraire à l’obligation prévue au paragraphe 3, il y a lieu de déroger à la disposition en cause afin qu’une image fidèle au sens du paragraphe 3 soit donnée. […]»

    11.   L’article 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive prévoit que:

    «Les comptes annuels régulièrement approuvés et le rapport de gestion ainsi que le rapport établi par la personne chargée du contrôle des comptes font l’objet d’une publicité effectuée selon les modes prévus par la législation de chaque État membre conformément à l’article 3 de la directive 68/151/CEE.»

    12.   L’article 47, paragraphe 1 bis, de la quatrième directive (7) dispose entre autres:

    «L’État membre dont relève la société visée à l’article 1er paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas (société concernée) peut dispenser celle-ci de publier ses comptes conformément à l’article 3 de la directive 68/151/CEE, à condition que ces comptes soient à la disposition du public au siège de la société […]

    Copie des comptes doit pouvoir être obtenue sur simple demande. Le prix réclamé pour cette copie ne peut excéder son coût administratif. Des sanctions appropriées doivent être prévues en cas de non-respect de l’obligation de publicité imposée par le présent paragraphe.»

    13.   En vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la quatrième directive les sociétés doivent faire contrôler les comptes annuels par une ou plusieurs personnes habilitées en vertu de la loi nationale au contrôle des comptes.

    4.      Dispositions de la septième directive

    14.   L’article 16 de la septième directive contient, pour les comptes consolidés des groupes d’entreprises, des dispositions qui correspondent pour l’essentiel à celles de l’article 2 de la quatrième directive; en particulier les comptes consolidés doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l’ensemble des entreprises comprises dans la consolidation. L’article 37 de la septième directive correspond à l’article 51 de la quatrième directive et prévoit une obligation de faire contrôler les comptes consolidés. À l’article 38, paragraphe 1, de la septième directive il est fait référence à l’égard de la publicité des comptes consolidés à l’article 3 de la première directive, ainsi que c’est déjà le cas dans la quatrième directive dans le domaine des comptes annuels. L’article 38, paragraphe 6, de la septième directive oblige en outre les États membres à prévoir des sanctions appropriées pour le cas où une telle publicité n’aurait pas lieu.

    B –    Droit national

    15.   Les dispositions du droit italien pertinentes en l’espèce ont été fortement modifiées par le Decreto legislativo (8) n° 61 du président de la République du 11 avril 2002, entré en vigueur le 16 avril 2002 (9) (ci‑après «Decreto legislativo n° 61/02»). Nous exposerons par conséquent ci-après tout d’abord l’ancienne réglementation et par la suite la nouvelle, actuellement applicable.

    1.      Ancien état du droit

    16.   En vertu de l’ancien état du droit, les fausses communications sociales étaient en Italie susceptibles de poursuites pénales conformément à l’article 2621 du Codice Civile (10) (ci-après l’«article 2621 ancienne version du Codice Civile») Cette disposition prévoit que:

    «À moins que l’acte ne représente un fait pénal plus grave, sont condamnés à une peine de prison de un à cinq ans et une amende de deux à 20 millions de lire:

    1. les administrateurs, directeurs généraux, commissaires aux comptes et liquidateurs qui, avec l’intention de tromper les associés ou le public et afin d’en tirer un profit injustifié pour eux-mêmes ou pour autrui, présentent, dans les bilans, les rapports ou dans les autres communications des sociétés prévues par la loi et destinées aux associés ou au public, des faits matériels qui ne correspondent pas à la vérité.»

    17.   Dans sa version de l’époque, une infraction au titre de l’article 2621 du Codice Civile était un délit à poursuivre d’office («delitto») pour lequel s’appliquait un délai de prescription de dix ans. En cas d’interruption, cinq années supplémentaires pouvaient s’y ajouter (11).

    18.   D’après la jurisprudence italienne, l’article 2621 ancienne version du Codice Civile ne servait pas seulement à la protection des intérêts spécifiques des associés et des créanciers, mais également à la protection de l’intérêt général à la réglementation du fonctionnement des sociétés commerciales. Le but de protection de la disposition s’étendait à toute activité qui visait à modifier la situation objective d’une société (12).

    19.   D’après l’ancien état du droit était considérée comme circonstance aggravante le fait que, à travers de fausses communications sociales au sens de l’article 2621 ancienne version du Codice Civile, l’entreprise subissait un préjudice de grande importance; la sanction augmentait dans ce cas là de jusqu’à la moitié conformément à l’article 2640 du Codice Civile (ci-après l’«article 2640 ancienne version du Codice Civile»).

    2.      Nouvel état du droit

    20.   Par le Decreto legislativo n° 61/02, on a remplacé entre autres l’article 2621, ancienne version du Codice Civile par les deux dispositions suivantes:

    «Article 2621 (fausses communications sociales)

    Sous réserve de ce qui est prévu à l’article 2622, les administrateurs, directeurs généraux, commissaires aux comptes et curateurs qui, dans l’intention de tromper les associés ou le public et de réaliser un injuste profit pour eux-mêmes ou pour autrui, exposent, dans le bilan, dans le rapport ou dans d’autres informations sur la société prévues par la loi, destinés aux associés ou au public, des faits matériels ne correspondant pas à la vérité, même s’ils font l’objet d’appréciations, ou omettent des informations, dont la communication est imposée par la loi, sur la situation économique, patrimoniale ou financière de la société ou du groupe de sociétés dont celle-ci fait partie, de manière à induire les destinataires en erreur sur ladite situation, sont punis d’un an et six mois au plus d’emprisonnement.

    La même peine est appliquée lorsque les informations concernent des  biens que la société possède ou administre pour le compte de tiers.

    La peine est exclue si les faux ou omissions n’altèrent pas de manière significative la représentation de la situation économique, patrimoniale ou financière de la société ou du groupe de sociétés dont celle-ci fait partie. La peine est également exclue lorsque les faux ou omissions entraînent une variation du résultat de l’exercice, avant impôts, qui n’est pas supérieure à 5 % ou une variation du patrimoine net qui n’est pas supérieure à 1 %.

    En tout état de cause, le fait n’est pas punissable s’il est la conséquence d’estimations qui, prises individuellement, ne diffèrent pas de plus de 10 % de l’évaluation correcte.

    Article 2622 (fausses communications sociales au détriment des associés et des créanciers)

    Les administrateurs, directeurs généraux, commissaires aux comptes et curateurs qui, dans l’intention de tromper les associés ou le public et de réaliser un injuste profit pour eux-mêmes ou pour autrui, exposent, dans le bilan, dans le rapport ou dans d’autres informations sur la société prévues par la loi, destinés aux associés ou au public, des faits matériels ne correspondant pas à la vérité, encore qu’ils fassent l’objet d’appréciations, ou omettent des informations, dont la communication est imposée par la loi, sur la situation économique, patrimoniale ou financière de la société ou du groupe de sociétés dont celle-ci fait partie, de manière à induire les destinataires en erreur sur ladite situation, en causant ainsi un préjudice patrimonial aux associés ou aux créanciers, sont punis, sur plainte de la personne lésée, d’une peine de réclusion de six mois à trois ans.

    On procède également sur plainte lorsque le fait est constitutif d’un autre délit, même aggravé, au préjudice du patrimoine de personnes autres que les associés et les créanciers, sauf s’il est commis au préjudice de l’État, d’autres entités publiques ou des Communautés européennes.

    Lorsqu’il s’agit de sociétés soumises aux dispositions de la partie IV, titre III, chapitre II, du décret législatif nº 58 du 24 février 1998, les faits visés au premier alinéa du présent article sont punis d’un à quatre ans d’emprisonnement et le délit est susceptible d’être poursuivi d’office.

    Lorsque les informations concernent des biens que la société possède ou administre pour le compte de tiers, la peine est celle punissant les faits visés aux premier et troisième alinéas du présent article.

    La peine est exclue si les faux ou omissions n’altèrent pas de manière significative la représentation de la situation économique, patrimoniale ou financière de la société ou du groupe de sociétés dont celle-ci fait partie. La peine est également exclue lorsque les faux ou omissions entraînent une variation du résultat de l’exercice, avant impôts, qui n’est pas supérieure à 5 % ou une variation du patrimoine net qui n’est pas supérieure à 1 %.

    En tout état de cause, le fait n’est pas punissable s’il est la conséquence d’estimations qui, prises individuellement, ne diffèrent pas de plus de 10 % de l’évaluation correcte.»

    21.   L’article 2621 nouvelle version peut être considéré comme une catégorie «fourre-tout» par rapport à l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile (13). En raison de la peine plus réduite en comparaison avec l’ancien état du droit, il ne s’agit plus à propos de l’article 2621 nouvelle version que d’une contravention («contravvenzione»); le délai de prescription plus court pour cette infraction n’est plus que de trois ans. En cas d’interruption de ce délai la prescription intervient au total au plus tard après quatre ans et six mois.

    22.   En ce qui concerne l’exigence d’une plainte, exigence introduite à l’article 2622, paragraphe 1, nouvelle version du Codice Civile, l’article 5 du Decreto legislativo n° 61/02 prévoit une réglementation transitoire. En vertu de celle-ci, le délai pour le dépôt des plaintes pour les faits commis avant l’entrée en vigueur du Decreto legislativo n° 61/02, commence à courir avec l’entrée en vigueur de celui‑ci.

    23.   L’article 2630 du Codice Civile dans la version du Decreto legislativo n° 61/02 (ci-après l’«article 2630 nouvelle version du Codice Civile») prévoit des amendes de 206 à 2 065 euros pour la non‑présentation dans les délais des communications sociales prescrites par la loi. L’amende augmente d’un tiers lorsque les bilans ne sont pas présentés.

    24.   Il convient en outre de signaler une nouvelle disposition relative aux amendes pour les sociétés qui a été également créée par le Decreto legislativo n° 61/02. Elle n’a cependant pas été intégrée dans le Codice Civile, mais l’a été en tant qu’article 25ter dans le Decreto legislativo n° 231 du 8 juin 2001 (14) (ci-après le «Decreto legislativo n° 231/01») et règle «la responsabilité administrative des société» (15) comme suit:

    «1. Eu égard aux infractions en matière de droit des sociétés prévues par le code civil commises, dans l’intérêt de la société, par des administrateurs, directeurs généraux ou liquidateurs ou par des personnes soumises à leur autorité, lorsque le fait ne se serait pas réalisé s’ils avaient agi conformément aux obligations inhérentes à leur fonction, les amendes suivantes s’appliquent:

    a)      au titre de la contravention de ‘false comunicazioni sociali’, visée à l’article 2621 du code civil, une amende de 100 à 150 parts;

    b)      au titre du délit de ‘false comunicazioni sociali’ au préjudice des associés ou des créanciers, visé à l’article 2622, premier alinéa, du code civil, une amende de 150 à 330 parts;

    c)      au titre du délit de ‘false comunicazioni sociali’ au préjudice des associés ou des créanciers, visé à l’article 2622, troisième alinéa, du code civil, une amende de 200 à 400 parts;

    [...]

    3. L’amende est majorée d’un tiers lorsque la personne morale a tiré un profit considérable des infractions visées au paragraphe 1 du présent article.»

    3.      Dispositions pénales générales

    25.   Le principe de la légalité des peines est posé aux articles 25, paragraphe 2, de la Constitution italienne et 2, paragraphe 1, du Codice Penale (16).

    26.   En cas de divergence entre la loi pénale applicable au moment des faits et une loi pénale postérieure, l’article 2, paragraphe 3, du Codice Penale prévoit qu’il faut toujours appliquer la loi dont les dispositions sont les plus avantageuses pour l’accusé, à moins qu’il n’y ait déjà un arrêt définitif.

    27.   En ce qui concerne les dispositions relatives à la prescription pour les poursuites pénales, le droit italien prévoit en particulier qu’en vertu de l’article 157 du Codice Penale la prescription éteint les actes susceptibles de poursuites entre autres dans les délais suivants:

    –       en dix ans lorsqu’il s’agit d’un délit pour lequel la loi prévoit une peine d’emprisonnement d’au moins cinq ans;

    –       en cinq ans lorsqu’il s’agit d’un délit pour lequel la loi prévoit une peine d’emprisonnement de moins de cinq ans ou une amende;

    –       en trois ans lorsqu’il s’agit d’une contravention pour laquelle la loi prévoit une peine d’emprisonnement.

    L’article 160, paragraphe 3, du Codice Penale prévoit que le délai de prescription en cas d’interruption recommence à courir à partir du jour de l’interruption. S’il y a plusieurs faits créant des interruptions, le délai de prescription commence à courir à partir du dernier de ces actes. Les délais fixés à l’article 157 ne doivent cependant en aucun cas être prolongés de plus de la moitié.

    III – Les faits, les procédures au principal et les questions préjudicielles

    A –    Généralités

    28.   Les accusés dans les trois procédures au principal se voient tous reprocher de fausses communications sociales, les actes ayant tous été commis avant l’entrée en vigueur du Decreto legislativo n° 61/02 et des poursuites pénales ayant été engagées à un moment donc où l’article 2621 ancienne version du Codice Civile s’appliquait encore.

    29.   Le Decreto legislativo n° 61/02 est entré en vigueur au cours des procédures pénales respectives. Les accusés invoquent donc désormais l’applicabilité des articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile, ce qui aurait pour conséquence, selon les indications des juridictions de renvoi, que les actes resteraient sans sanction.

    30.   Les juridictions de renvoi soulignent pour l’essentiel les aspects suivants de la nouvelle réglementation.

    31.   Tant à l’article 2621 nouvelle version qu’à l’article 2622 nouvelle version, du Codice Civile, le niveau des sanctions pour les fausses communications sociales aurait été nettement réduit par rapport à l’ancien état du droit. Le Tribunale di Milano affirme ainsi dans la procédure C-403/02 à propos de l’article 2621 nouvelle version que «les infractions contraventionnelles sont punies par des peines dérisoires en termes de quantum» et que les peines prévues sont «presque toujours inférieures à deux années d’emprisonnement et de ce fait entrent dans le cadre du sursis».

    32.   Une comparaison entre les articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile montrerait que la nouvelle réglementation distingue selon que les fausses communications sociales ont été faites au détriment ou non des associés et des créanciers. Ce n’est que si un tel préjudice survient que l’acte est encore qualifié de délit (article 2622 nouvelle version du Codice Civile); dans le cas contraire il s’agit simplement d’une contravention (article 2621 nouvelle version du Codice Civile).

    33.   La qualification d’un acte en tant que délit ou en tant que contravention non seulement s’exprimerait dans la différence de niveau des sanctions, mais aurait aussi d’importantes conséquences pratiques. Les délits connexes comme le blanchiment d’argent ou le recel supposeraient comme point de rattachement un délit; ils ne pourraient pas se concrétiser en liaison avec de simples contraventions telles que l’article 2621 nouvelle version du Codice Civile.

    34.   Les deux nouvelles dispositions pénales supposeraient par ailleurs, outre l’intention de tromper en tant que critère subjectif, une sorte d’intention de s’enrichir.

    35.   Tant en vertu de l’article 2621, nouvelle version qu’en vertu de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile, le caractère punissable serait exclu si à travers l’acte la représentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société ou du groupe ne serait pas faussée de manière significative. Cela découlerait des marges de tolérance prévues à l’article 2621, paragraphes 3 et 4 nouvelle version ainsi qu’à l’article 2622, paragraphes 5 et 6 nouvelle version.

    36.   Le délai de prescription pour la poursuite pénale au titre de l’article 2621 nouvelle version serait nettement plus court qu’en vertu de l’ancienne réglementation. Dans la mesure où ce délai commence déjà à courir avec la commission de l’acte, les enquêtes – souvent complexes et longues – et la procédure juridictionnelle qui s’étend régulièrement sur les trois instances ne pourraient en règle générale pas être conclues avant l’intervention de la prescription.

    37.   La poursuite pénale au titre de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile présupposerait une plainte de la personne lésée à moins qu’il ne s’agisse d’une entreprise cotée en bourse ou que l’acte ne soit commis au détriment de l’État, d’autres entités publiques ou des Communautés européennes (17).

    38.   Les procureurs compétents dans les procédures au principal considèrent la nouvelle réglementation désormais applicable comme étant, compte tenu des particularités exposées, anticonstitutionnelle et contraire au droit communautaire.

    B –    Affaire Berlusconi (C-387/02)

    39.   L’accusé, M. Silvio Berlusconi, se voit reprocher pour les années 1986 à 1989, en tant que président et principal actionnaire de la Fininvest SpA et d’autres entreprises appartenant au même groupe, la publication de fausses communications sociales. Selon l’acte d’accusation, les actes à la base des poursuites étaient destinés à dissimuler des transactions financières et à constituer en dehors de la comptabilité de l’entreprise des réserves de liquidités (18) qui devaient par la suite être utilisées pour des buts secrets et illégaux. Les actes ont été poursuivis en application de l’article 2621 ancienne version du Codice Civile (19).

    40.   Après l’entrée en vigueur du Decreto legislativo n° 61/02, seul l’article 2621 nouvelle version du Codice Civile serait désormais applicable. L’infraction serait alors cependant déjà prescrite. La prescription serait même intervenue bien avant l’initiation des poursuites pénales. Une application de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile n’entrerait pas en ligne de compte parce qu’aucune plainte valable n’aurait été déposée et que les entreprises en cause au moment des faits n’étaient pas non plus cotées en bourse de telle sorte que les poursuites d’office seraient également exclues.

    41.   Par ordonnance du 26 octobre 2002, le Tribunale di Milano, devant lequel M. Berlusconi et d’autres personnes étaient poursuivis, a suspendu la procédure et a renvoyé à la Cour de justice trois questions préjudicielles qui peuvent être résumées comme suit (20):

    «1)      Faut-il considérer que l’article 6 de la directive 68/151 concerne non seulement le cas de la non-publication du bilan et du compte de profits et pertes, mais aussi celui de la publication des mêmes actes dont le contenu ne serait pas sincère étant donné qu’un tel comportement porte à l’évidence encore davantage atteinte aux intérêts des associés et des tiers ou doit-on, au contraire, considérer que la directive entend fixer un niveau minimal de protection communautaire en laissant aux États membres le soin de mettre en œuvre des moyens de protection en cas de présentation de bilans ou d’informations faux?

    2)      Le critère du caractère effectif, proportionné et dissuasif auquel doivent répondre, pour pouvoir être considérées comme ‘appropriées’, les sanctions que les États membres sont tenus d’arrêter en application de la directive 68/151 se réfère-t-il à la nature ou au type de la sanction envisagée abstraitement ou à son application concrète, compte tenu des caractéristiques structurelles de l’ordre juridique dont elle relève?

    3)      Doit-on ou non considérer que les principes consacrés par les directives 78/660, 83/349 et 90/605 du Conseil du 8 novembre 1990 modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE, et auxquels doivent se conformer les dispositions nationales en ce qui concerne les critères d’établissement et le contenu des comptes annuels et du rapport de gestion et ce, plus particulièrement, s’agissant des sociétés de capitaux, s’opposent à la fixation par les États membres de seuils en deçà desquels les informations inexactes contenues dans les comptes annuels et les rapports de gestion des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions et des sociétés à responsabilité limitée ne sont pas punissables?»

    C –    Affaire Adelchi (C-391/02)

    42.   L’accusé, M. Sergio Adelchi, a été condamné le 9 janvier 2001 en première instance par le Tribunale di Lecce sur la base de l’article 2621 ancienne version du Codice Civile, pour fausses communications sociales pendant les années 1992 et 1993 pour les sociétés La Nuova Adelchi Srl et Calzaturificio Adelchi Srl. M. Adelchi était l’unique dirigeant de ces sociétés. Leurs bilans seraient indiscutablement faux parce que de fausses factures auraient été établies et que des importations et exportations fictives via les frontières douanières de la Communauté auraient été déclarées; ces procédés auraient faussé le montant des coûts et les chiffres d’affaires des deux sociétés.

    43.   M. Adelchi a formé appel contre l’arrêt de première instance devant la Corte d’appello di Lecce. Après l’entrée en vigueur du Decreto legislativo n° 61/02 c’est tout au plus l’article 2621 nouvelle version du Codice Civile qui serait désormais applicable. L’accusé invoque la prescription intervenue entre‑temps et fait valoir en outre que le patrimoine, la situation financière et les résultats des sociétés qu’il dirige n’auraient pas été faussés de manière significative (21). Une application de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile, n’entre dès le départ pas en ligne de compte dans la mesure où aucune plainte valable n’a été déposée et que les entreprises en cause ne sont pas non plus cotées en bourse de sorte que la poursuite d’office est également exclue.

    44.   Par ordonnance du 7 octobre 2002, la Corte d’appello di Lecce, sezione penale, a suspendu la procédure et a présenté à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      Eu égard à l’obligation s’imposant à tous les États membres, d’adopter des ‘sanctions appropriées’ pour les violations prévues par la première et la quatrième directive (68/151 et 78/660), lesdites directives et, en particulier, les dispositions combinées des articles 44, paragraphe 2, sous g), CE, 2, paragraphe 1, sous f), et 6 de la première directive 68/151 et 2, paragraphes 2 à 4 de la quatrième directive (78/660, complétée par les directives 83/349 et 90/605), doivent-elles (ou non) être interprétées en ce sens que ces dispositions s’opposent à une loi d’un État membre qui, modifiant le régime de sanctions précédemment en vigueur en matière d’infractions au droit des sociétés, sous l’angle de la violation des obligations imposées aux fins de la protection du principe de la publicité et de la fidélité des informations concernant les sociétés, prévoit un système de sanctions ne répondant pas concrètement aux critères tirés du caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions qui président à cette protection?

    2)      Les directives précitées et, en particulier, les dispositions visées à l’article 44, paragraphe 2, sous g), CE, aux articles 2, paragraphe 1, sous f), et 6 de la première directive (68/151) et à l’article 2, paragraphes 2 à 4, de la quatrième directive 78/660, complétée par les directives 83/349 et 90/605, doivent-elles (ou non) être interprétées en ce sens que ces règles s’opposent à une loi d’un État membre excluant que la violation des obligations de publicité et de fidélité de l’information en ce qui concerne certains actes prévus par le droit des sociétés (parmi lesquels le bilan et le compte de pertes et profits) puisse donner lieu à poursuites dès lors que la présentation d’un bilan inexact ou autres indications mensongères, ou le défaut d’information, déterminent une variation du résultat économique de l’exercice ou une variation du patrimoine social net n’excédant pas un certain seuil en pourcentage?

    3)      Les directives précitées et, en particulier, les dispositions visées à l’article 44, paragraphe 2, sous g), CE, aux articles 2, paragraphe 1, sous f), et 6 de la première directive 68/151 et à l’article 2, paragraphes 2 à 4, de la quatrième directive 78/660, complétée par les directives 83/349 et 90/605, doivent-elles (ou non) être interprétées en ce sens que ces règles s’opposent à une loi d’un État membre excluant que la violation des obligations de publicité et de fidélité de l’information pesant sur les sociétés dans l’hypothèse où l’on fournirait des indications qui, quoique destinées à tromper les associés ou le public pour en retirer un injuste profit, sont la conséquence d’évaluations estimatives qui, considérées chacune en elle‑même, s’écartent de la réalité dans une mesure non supérieure à un seuil déterminé?

    4)      Indépendamment de limites progressives ou de seuils, les directives précitées et, en particulier, les règles visées à l’article 44, paragraphe 2, sous g), CE, aux articles 2, paragraphe 1, sous f), et 6 de la première directive 68/151 et à l’article 2, paragraphes 2 à 4, de la quatrième directive 78/660, complétée par les directives 83/349 et 90/605, doivent-elles (ou non) être interprétées en ce sens que ces règles s’opposent à une loi d’un État membre excluant que la violation des obligations de publicité et de fidélité de l’information pesant sur les sociétés, dès lors que le caractère inexact ou les omissions frauduleuses et, en tout état de cause, les communications et informations ne traduisant pas fidèlement la situation patrimoniale, financière et le résultat économique de la société, n’altèrent pas ‘de manière sensible’ la situation patrimoniale ou financière du groupe (quand bien même il reviendrait au législateur national de définir la notion d’‘altération sensible’)?

    5)      Les directives précitées et, en particulier, les dispositions visées à l’article 44, paragraphe 2, sous g), CE, aux articles 2, paragraphe 1, sous f), et 6 de la première directive 68/151 et à l’article 2, paragraphes 2 à 4, de la quatrième directive 78/660, complétée par les directives 83/349 et 90/605, doivent-elles (ou non) être interprétées en ce sens que ces règles s’opposent à une loi d’un État membre qui, en présence d’une violation de ces obligations de publicité et de fidélité de l’information pesant sur les sociétés, qui président à la protection des ‘intérêts tant des associés que des tiers’, réserve aux seuls associés et créanciers le droit de requérir la sanction, ce qui a pour effet d’exclure une protection généralisée et effective des tiers?

    6)      Les directives précitées et, en particulier, les dispositions visées à l’article 44, paragraphe 2, sous g), CE, aux articles 2, paragraphe 1, sous f), et 6 de la première directive 68/151 et à l’article 2, paragraphes 2 à 4, de la quatrième directive 78/660, complétée par les directives 83/349 et 90/605, doivent-elles (ou non) être interprétées en ce sens que ces règles s’opposent à une loi d’un État membre qui, en présence d’une violation de ces obligations de publicité et de fidélité de l’information pesant sur les sociétés, destinées à protéger les ‘intérêts tant des associés que des tiers’, prévoit un mécanisme comportant des modalités particulièrement différenciées au niveau de la possibilité d’instituer des poursuites et du système de sanctions, en réservant exclusivement aux infractions commises au détriment des associés et des créanciers la possibilité (pour ces derniers) de déclencher des poursuites par voie de plainte, ainsi que l’édiction de sanctions plus graves et effectives?»

    D –    Affaire Dell’Utri e.a. (C-403/02)

    45.   Les accusés MM. Marcello Dell’Utri, Romano Luzi et Romano Comincioli se voient reprocher entre autres pour la période s’étendant jusqu’en 1993 des falsifications de bilans (22). Lors de leur commission, ces actes étaient en vertu des articles 2621 et 2622 ancienne version du Codice Civile susceptibles d’être sanctionnés. Ils relèvent depuis l’entrée en vigueur du Decreto legislativo n° 61/02 du champ d’application de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile.

    46.   Par ordonnance du 29 octobre 2002, le Tribunale di Milano, quatrième chambre pénale, a suspendu la procédure et a présenté à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      L’article 6 de la directive 68/151 (première directive CEE) peut-il être interprété en ce sens qu’il oblige les États membres à prévoir des sanctions appropriées non seulement en raison du défaut de publicité du bilan et du compte des profits et des pertes des sociétés commerciales, mais aussi en raison de la falsification de ceux-ci et des autres communications sociales destinées aux associés ou au public, ou de toute information sur la situation économique, patrimoniale ou financière que la société serait obligée de fournir sur la société elle-même ou sur le groupe auquel elle appartient?

    2)      Faut-il, également en vertu de l’article 5 du traité CEE, interpréter la notion de ‘caractère approprié’ de la sanction de façon concrètement appréciable dans le cadre normatif (tant pénal que procédural) de l’État membre, à savoir comme une sanction ‘efficace, effective et réellement dissuasive’?

    3)      Enfin, ces caractéristiques se retrouvent-elles dans les dispositions combinées des nouveaux articles 2621 et 2622 du code civil tels que modifiés par le décret législatif n° 61 adopté par l’État italien le 11 avril 2002: en particulier, peut-on qualifier d’‘efficacement dissuasive’ et de ‘concrètement appropriée’ la règle qui prévoit (à l’article 2621 du code civil précité), pour les délits de faux bilans ne causant pas un préjudice patrimonial ou causant un préjudice mais considéré comme insusceptible de recours en l’absence de plainte au titre de l’article 2622 du code civil, une peine contraventionnelle de dix-huit mois d’emprisonnement? Enfin, est-il approprié de prescrire pour les délits prévus par le premier alinéa de l’article 2622 du code civil (à savoir commis dans le cadre de sociétés commerciales non cotées en Bourse) la possibilité d’engager une action seulement sur plainte d’une partie (c’est-à-dire une plainte d’associés ou de créanciers) également en fonction de la protection concrète de l’intérêt général à la ‘transparence’ du marché des sociétés, du point de vue de son éventuelle extension communautaire?»

    E –    Procédure devant la Cour

    47.   Par ordonnance du 20 janvier 2003, le président de la Cour a joint les trois affaires C-387/02, C-391/02 et C-403/02 aux fins des  procédures écrite et orale et de l’arrêt.

    48.   Les accusés MM. Berlusconi et Dell’Uri, la Procura Generale presso la Corte d’appello di Lecce (23), le gouvernement italien ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites à la Cour. Durant l’audience du 13 juillet 2004, les représentants des accusés MM. Berlusconi, Adelchi et Dell’Utri, de la Procura della Repubblica presso il Tribunale ordinario di Milano (24), de la Procura Generale presso la Corte d’appello di Lecce, du gouvernement italien ainsi que de la Commission ont présenté devant la Cour leurs observations orales.

    IV – Appréciation juridique

    A –    Recevabilité des demandes de décision préjudicielle

    49.   Les accusés MM. Berlusconi et Dell’Utri ainsi que le gouvernement italien expriment des réserves quant à la recevabilité des demandes de décision préjudicielle.

    1.      Présentation du cadre factuel

    50.   M. Dell’Utri estime tout d’abord que la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C-403/02 ne contiendrait aucune présentation du cadre factuel sur la procédure au principal et serait donc irrecevable.

    51.   Nous ne partageons pas cette préoccupation. Le Tribunale di Milano s’est certes contenté de communiquer à la Cour en termes très succincts que les personnes accusées se voyaient reprocher, entre autres, des falsifications de bilans issues de la période s’étendant jusqu’à 1993, que ces actes étaient à l’origine susceptibles d’être sanctionnés en application des articles 2621 et 2640 ancienne version du Codice Civile et qu’ils relèveraient désormais de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile. Ces indications sont cependant suffisantes pour la compréhension des questions préjudicielles déférées à la Cour.

    52.   Il est bien connu que la Cour n’a pas à s’exprimer dans le cadre de la procédure préjudicielle sur l’interprétation et l’application concrète du droit pénal italien. Elle ne statue en particulier pas au fond sur la question de savoir si l’accusé a commis ou non des falsifications de bilans. Il n’est par conséquent pas décisif pour que la Cour puisse statuer de découvrir dans le détail quels actes sont reprochés à l’accusé. L’information que certains actes – non décrits plus avant – ont conduit à une accusation de falsification de bilans et qu’un procès pénal est en cours à ce sujet, est suffisante.

    53.   Les deux problèmes centraux que la Cour doit traiter en l’espèce, à savoir, d’une part, la question de savoir si, au sens des directives communautaires applicables (25), la publication d’une fausse communication sociale est à mettre sur le même plan que la non‑publication et, d’autre part, la question de savoir ce qu’il convient d’entendre sous le terme de sanctions appropriées pour de fausses communications sociales, peuvent être adéquatement traités sur la base des informations sommairement présentées.

    2.      Présentation du cadre juridique

    54.   MM. Berlusconi et Dell’Utri estiment par ailleurs que, dans les demandes de décision préjudicielle dans les affaires C-387/02 et C‑403/02, le cadre juridique national a été reproduit de manière tronquée parce que l’on n’y retrouverait pratiquement que des développements les articles 2621 ancienne version 2621 nouvelle version et 2622 nouvelle version du Codice Civile, mais pas d’image d’ensemble des dispositions juridiques italiennes applicables aux fausses communications sociales et adoptées pour la transposition des directives communautaires.

    55.   Nous ne partageons pas non plus cette préoccupation. La présentation suffisante du cadre juridique devrait, d’une part, permettre à la Cour de parvenir à une interprétation du droit communautaire utile pour la juridiction nationale et, d’autre part, donner l’occasion aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties à la procédure de déposer des observations en application de l’article 23 du statut de la Cour de justice (26) Avec cet objectif en vue, il convient de rechercher si les données fournies la décision de renvoi sont suffisantes ou non.

    56.   Dans les deux demandes de décision préjudicielle, les dispositions pénales de l’ancienne et de la nouvelle réglementation sont exposées et comparées. Les juridictions de renvoi ont surtout suffisamment exposé les dispositions pénales qu’elles sont appelées à appliquer dans les procédures pénales pendantes. La présente affaire n’est ainsi en rien comparable aux procédures dans lesquelles la Cour a rejeté des questions préjudicielles comme étant irrecevables pour défaut en grande partie d’indications sur le cadre factuel ou juridique (27).

    57.   Il est certes correct que les décisions de renvoi n’examinent pas toutes les autres dispositions qui ont été adoptées en Italie pour transposer les directives en matière de droit des sociétés. Il n’y a pas non plus, ainsi que le remarque la Commission, de développements sur la possible annulation de décisions des sociétés(28) tout comme sur la responsabilité en droit civil des dirigeants en cas de falsification des bilans. L’absence de telles indications supplémentaires ne rend cependant en rien les décisions de renvoi incompréhensibles ou même inutilisables. De telles informations complémentaires ne sont pas indispensables en tant que base pour la réponse à la demande de décision préjudicielle et pour les observations des parties à la procédure. Elles peuvent en outre être introduites dans la procédure préjudicielle – comme cela s’est produit en l’espèce – par la partie qui estime que cela s’avère utile par le biais d’observations présentées en application de l’article 23 du statut de la Cour de justice.

    3.      Pertinence des questions

    58.   Les accusés MM. Berlusconi et Dell’Utri ainsi que le gouvernement italien estiment enfin que les demandes de décision préjudicielle sont également irrecevables parce que les questions posées seraient sans pertinence pour les différents litiges au principal. En raison du principe de la légalité des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) et du principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce, il serait clair dès le départ que les chefs d’accusation devraient en tout cas être appréciés d’après la nouvelle réglementation, c’est-à-dire en application des articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile dans la version du Decreto legislativo n° 61/02. La disposition pénale applicable au moment des faits, au titre de l’article 2621 ancienne version du Codice Civile, ne pourrait en aucun cas s’appliquer. Ni un arrêt de la Cour dans la procédure préjudicielle ni le recours prévu des juridictions de renvoi en vue d’un contrôle de légalité auprès de la Corte costituzionale (Corte costituzionale) (29) ne saurait rien y changer. Un examen de la compatibilité de la nouvelle réglementation avec le droit communautaire serait donc inutile.

    59.   Cette opinion ne saurait convaincre pour les raisons suivantes:

    60.   Les questions préjudicielles dans les trois affaires se posent en liaison avec des procédures pénales concrètes. La poursuite de ces procédures pénales dépend essentiellement du fait de savoir si des dispositions juridiques nationales comme celles introduites par le législateur italien avec le Decreto legislativo n° 61/02 violent les directives relatives au droit des sociétés ou si elles sont au contraire compatibles avec ces directives. Cette question serait sans portée pour la suite de la procédure au principal uniquement s’il était effectivement clair dès le départ que des dispositions comme les articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile, en tant que lois pénales plus douces, devraient en tout état de cause s’appliquer rétroactivement, et ce même si elles devaient être contraires au droit communautaire. Tel n’est cependant pas le cas, bien au contraire: il ne va nullement de soi que des lois pénales plus douces devraient être applicables rétroactivement en dépit de leur caractère contraire au droit communautaire. On pourrait tout aussi bien envisager une solution en vertu de laquelle les nouvelles dispositions pénales, dans la mesure où elles seraient contraires aux règles du droit communautaire, devraient rester inappliquées et il conviendrait de recourir aux anciennes dispositions applicables au moment des faits (30). La Cour ne s’est pas encore penchée à fond sur cette problématique.

    61.   La question de savoir si les réponses de la Cour peuvent ou non être utilisées plus tard dans une procédure devant la Corte Costituzionale ne joue en outre aucun rôle pour la recevabilité des questions préjudicielles – contrairement à l’opinion des accusés et du gouvernement italien. La pertinence des questions préjudicielles doit être appréciée non à la lumière d’une éventuelle procédure ultérieure devant la Corte costituzionale, mais au contraire uniquement à la lumière des procédures pénales actuellement pendantes devant les juridictions de renvoi. Ces juridictions sont en effet tenues, en vertu du droit communautaire et de leur propre autorité, de laisser inappliquée toute disposition du droit national pour autant qu’elle viole le droit communautaire. La conduite préalable d’une procédure devant la Corte costituzionale n’est pas nécessaire à cet effet (31).

    62.   Même si l’on admettait que les juridictions de renvoi ont posé leurs questions exclusivement pour préparer des procédures ultérieures de contrôle de légalité devant la Corte costituzionale, il conviendrait néanmoins selon la jurisprudence constante de la Cour de réserver d’abord à ces trois juridictions nationales le soin d’apprécier la nécessité de leurs questions préjudicielles. Il appartient en effet, d’après la jurisprudence constante de la Cour, exclusivement à la juridiction nationale saisie du litige, dans le domaine de compétence de laquelle la décision doit être rendue, d’apprécier eu égard aux particularités de l’affaire la nécessité d’une décision préjudicielle pour rendre son arrêt ainsi que la pertinence des questions déférées à la Cour. Si les questions déférées concernent l’interprétation du droit communautaire, la Cour est ainsi en principe tenue de statuer. Elle ne peut refuser de statuer sur une question préjudicielle d’une juridiction nationale que si l’interprétation ou l’appréciation de la validité d’une disposition de droit communautaire est manifestement sans rapport avec la réalité ou l’objet de la procédure au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou lorsque la Cour ne dispose pas des informations factuelles et juridiques nécessaires afin de donner une réponse utile aux questions déferrées(32).

    63.   Il n’est nullement évident dans la présente affaire que les questions préjudicielles n’auraient pas de lien avec la réalité ou l’objet d’éventuelles procédures visant à introduire des recours constitutionnels ou que les questions préjudicielles auraient pour objet des problèmes de nature hypothétique. La Corte costituzionale a certes récemment déclaré irrecevables les recours de contrôle de légalité de trois juridictions italiennes relatives aux articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile (33). Elle a cependant, le même jour, dans une autre procédure de contrôle de légalité expressément repoussé l’examen des aspects de droit communautaire qui pourraient en particulier jouer un rôle en liaison avec l’article 117, paragraphe 1, de la Constitution italienne (34), jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée dans la présente procédure préjudicielle; elle a à cet égard fait directement référence aux affaires C‑387/02, C-391/02 et C-403/02 pendantes devant la Cour (35). Dans ces conditions il ne saurait être question d’un défaut de pertinence des questions préjudicielles posées à la Cour.

    4.      Conclusion

    64.   Nous considérons pour les raisons citées que les trois demandes de décision préjudicielle sont recevables (36).

    B –    Appréciation sur le fond des questions préjudicielles

    65.   Pour des raisons de clarté, il s’impose de regrouper les différentes questions des trois juridictions de renvoi d’après leur contenu essentiel et de les classer dans deux grands ensembles thématiques: d’une part, la question du champ d’application matériel de l’article 6, premier tiret, de la première directive et, d’autre part, la question du caractère approprié des sanctions pour de fausses communications sociales dans les comptes annuels.

    66.   Les mêmes problèmes d’interprétation se posent pour les comptes consolidés à l’égard de l’article 38, paragraphe 6, de la septième directive; les développements qui suivent s’y appliquent de la même manière.

    1.      Sur le champ d’application matériel de l’article 6 de la première directive

    67.   Tout d’abord, toutes les juridictions de renvoi souhaiteraient essentiellement savoir si l’article 6, premier tiret, de la première directive n’impose aux États membres de prévoir des sanctions appropriées que pour le cas où les comptes annuels (37) ne sont pas publiés du tout ou également au-delà pour le cas où il y aurait publication de comptes annuels faux dans leur contenu (38).

    68.   D’après son libellé, l’article 6, premier tiret, de la première directive oblige les États membres à prévoir des sanctions appropriées en cas de défaut de publicité des comptes annuels telle que prescrite à l’article 2, paragraphe 1, sous f) de cette directive (39).

    69.   À l’inverse de la Commission et des deux procureurs, les accusés MM. Berlusconi et Dell’Utri, en accord avec le gouvernement italien, partent du principe que, compte tenu de ce libellé, l’obligation de prévoir des sanctions appropriées ne contient qu’une harmonisation minimale et ne s’étend pas également à la publication de faux comptes annuels. La première directive ne prévoirait qu’une «publicité formelle». Une organisation matérielle de cette publicité n’interviendrait qu’avec la quatrième directive, qui ne connaîtrait cependant pas de disposition indépendante sur les sanctions comparable à l’article 6 de la première directive.

    70.   Il faut tout d’abord noter à ce sujet que les termes de l’article 6 de la première directive ne sont nullement aussi clairs. La disposition peut en effet tout à fait être comprise en ce sens que les sanctions doivent être prévues au-delà du cas de la simple omission de toute publicité, également pour celui de l’omission de la publicité prescrite, donc pour le défaut de la publication d’un compte annuel correct dans son contenu au sens des articles 2 et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive en combinaison avec l’article 3 de la première directive.

    71.   Même en se basant sur l’approche étroite préférée par les accusés et le gouvernement italien, il conviendrait toutefois de tenir compte de ce qui suit: d’après la jurisprudence constante de la Cour, il convient lors de l’interprétation de dispositions de droit communautaire de tenir compte non seulement de leur libellé, mais également de leur contexte et des objectifs qui sont poursuivis par la réglementation à laquelle les dispositions appartiennent (40). Compte tenu du contexte et des objectifs de la réglementation de la première directive, il y a lieu de relever les points suivants.

    72.   On constate, d’une part, que la protection des intérêts des tiers a une importance particulière dans cette directive. Cet aspect est déjà souligné par le traité CE lui-même dans la mission légiférante attribuée au législateur communautaire [article 44, paragraphe 2, sous g), CE]. L’importance de la protection des intérêts des tiers se reflète par ailleurs en bonne place dans le deuxième et le quatrième considérant de la première directive, comme d’ailleurs dans les premiers considérants de la quatrième et de la septième directive. Cette obligation de publicité prévue dans les directives est censée permettre aux tiers de s’informer sur les documents essentiels de la société, comme par exemple, les comptes annuels.

    73.   Les articles 2 et 3 de la quatrième directive ainsi que le quatrième considérant de la directive posent, d’autre part, le principe fondamental que les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société (41). Ce principe joue un rôle non seulement dans le cadre de la quatrième directive, mais également lors de l’interprétation et de l’application de la première directive. Puisque la quatrième directive comble en effet les lacunes de la première directive en ce qui concerne l’organisation matérielle des comptes annuels (42) et que les deux directives à cet effet font expressément référence l’une à l’autre (43), elles doivent être lues et interprétées ensemble.

    74.   Il faut donc accorder une attention particulière, lors de l’interprétation et de l’application de l’article 6 de la première directive, tant à la protection des intérêts des tiers qu’au principe de l’image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société. Non seulement les partenaires commerciaux actuels mais aussi les partenaires futurs, notamment les créanciers et les investisseurs potentiels provenant d’autres États membres, doivent être en mesure de se faire à tout moment une idée fiable d’une entreprise afin de pouvoir mieux apprécier les risques d’une relation commerciale et de la mise à disposition de moyens financiers. En tant que tiers, ils sont naturellement plus dignes de protection que les actionnaires principaux qui ont une connaissance bien plus approfondie du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société en cause et qui participent à ses décisions, ou qui du moins peuvent s’informer à ce sujet (44). La possibilité pour tous les tiers de consulter les comptes annuels de sociétés permet de fonder la confiance chez les partenaires commerciaux potentiels et soutient ainsi en définitive l’activité dans le marché intérieur (45) – y compris l’activité transfrontalière.

    75.   La nécessité de protéger les tiers est particulièrement importante, lorsque les comptes annuels ont certes été publiés, mais donnent une fausse image du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société. En effet, tandis qu’en cas de non-publicité des comptes annuels le tiers est prévenu et ne peut dès le départ pas faire confiance à l’état du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société en cause, il devrait être pour lui extrêmement difficile voire impossible de découvrir, sans connaissances approfondies sur l’entreprise, des erreurs dans des comptes annuels publiés. L’opinion du gouvernement italien, selon lequel chacun pourrait vérifier l’exactitude des comptes annuels publiés, ne saurait donc convaincre. Les tiers auront au contraire, en cas de publicité des comptes annuels, confiance en l’exactitude des données qui s’y trouvent. Il est donc d’autant plus important de protéger cette confiance – et en définitive la confiance du public et des marchés (46).

    76.   Il découle donc du contexte réglementaire de l’article 6 de la première directive ainsi que du sens et de l’objet de cette disposition une obligation des États membres de prévoir des sanctions appropriées non seulement pour les cas d’omission de publicité des comptes annuels, mais a fortiori aussi pour les cas de publication de comptes annuels faux dans leur contenu.

    77.   On ne saurait opposer à cette conclusion que les termes de la quatrième directive ne connaîtraient pas d’obligations autonomes de sanction des États membres (47). En raison du contexte réglementaire cité plus haut entre la première et la quatrième directive, il est en effet sans importance de savoir si la quatrième directive contient une disposition  propre et comparable à l’article 6, de la première directive. C’est précisément parce que la quatrième directive complète sur le fond la première directive et que l’article 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive fait expressément référence aux dispositions relatives à la publicité de la première directive, qu’une disposition autonome sur les sanctions n’était pas absolument nécessaire dans la quatrième directive. À l’inverse (et logiquement) la quatrième directive contient, là où elle ne renvoie pas aux dispositions relatives à la publicité de la première directive (voire article 47, paragraphe 1 bis, de la quatrième directive (48)), bel et bien une obligation autonome des États membres de prévoir des sanctions appropriées. Tout cela nous semble permettre de conclure que le législateur communautaire a voulu avec la première et la quatrième directive obliger les États membres à prévoir un système de sanctions sans faille et qu’en règle générale, en raison du renvoi à la première directive, ce sont automatiquement aussi les sanctions qui sont prévues à l’article 6 qui devraient s’appliquer; seules les lacunes dans lesquelles il n’est pas fait référence à la première directive sont refermées par une obligation autonome de sanction dans la quatrième directive (voir son article 47, paragraphe 1 bis, dernière phrase).

    78.   L’opinion de l’accusé M. Dell’Utri, en vertu de laquelle les États membres ne sont tenus de sanctionner les comptes annuels faux dans leur contenu que dans les cas exceptionnels expressément mentionnés dans la quatrième directive, ne nous convainc pas. Puisque la réglementation d’exception de la quatrième directive, en particulier l’article 47, paragraphe 1 bis, concerne principalement de plus petites entreprises, une telle approche aurait pour conséquence absurde qu’il faudrait agir de manière plus stricte à l’égard des petites entreprises qu’à l’égard des grandes en cas de fausses communications sociales.

    79.   L’arrêt Rabobank avancé par l’accusé M. Berlusconi ne saurait conduire à un autre résultat (49). Cet arrêt ne concernait pas du tout les dispositions relatives à la publicité de la première directive, mais concernait au contraire les pouvoirs de représentation des organes des sociétés de capitaux. On ne peut pas en déduire que toutes les dispositions de la première directive devraient être interprétées de manière étroite et le plus près possible du libellé. La Cour recourt au contraire dans l’arrêt Rabobank à la méthode de l’interprétation systématique en intégrant dans ses considérations la proposition de la Commission pour une cinquième directive dans le domaine du droit des sociétés (50). Du point de vue de la méthode, la Cour procède donc dans l’arrêt Rabobank d’une manière très comparable à celle que nous proposons plus haut avec notre renvoi au lien réglementaire entre la première et la quatrième directive.

    80.   Les États membres seraient d’ailleurs, même si l’on ne suivait pas l’interprétation défendue ici de l’article 6 de la première directive, tenus au titre de leur obligation de loyauté envers la Communauté, de veiller à la poursuite efficace de la publication de comptes annuels faux dans leur contenu. Si en effet une réglementation de droit communautaire ne prévoit pas de sanction pour les cas de violation de celle-ci, ou si elle renvoie aux dispositions légales et administratives nationales, les États membres sont tenus en vertu de l’article 10 CE d’adopter toutes les mesures appropriées pour garantir l’application et l’efficacité du droit communautaire (51).

    81.   En résumé donc:

    L’article 6, premier tiret, de la première directive, en combinaison avec les articles 2, paragraphe 3, et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive, ainsi que l’article 10 CE, impose aux États membres de prévoir des sanctions appropriées non seulement pour les cas d’omission complète des comptes annuels, mais également pour les cas où des comptes annuels faux dans leur contenu sont publiés. L’article 38, paragraphe 6, de la septième directive applicable aux comptes consolidés doit être interprété de la même manière.

    2.      Sur le caractère approprié des sanctions pour de fausses communications sociales

    82.   Pour le surplus, les juridictions de renvoi souhaiteraient en substance savoir ce qu’il convient d’entendre par sanctions appropriées pour fausses communications sociales. Elles demandent, d’une part, d’un point de vue tout à fait général quels sont les critères à retenir pour l’appréciation du caractère approprié des sanctions (52); il en va, d’autre part, et en particulier de dispositions comme celles du Decreto legislativo n° 61/02 qui introduisent un système progressif de sanctions (53), ont des effets sur la prescription des infractions (54), introduisent la nécessité d’une plainte (55) et prévoient des marges de tolérance en dessous desquelles une sanction pour fausses communications sociales devrait être exclue (56).

    83.   Les accusés ainsi que le gouvernement italien partent du principe que les dispositions comme celles introduites avec le Decreto legislativo n° 61/02 correspondent aux exigences du droit communautaire. La Commission et les deux procureurs qui ont participé à la procédure devant la Cour défendent une position contraire.

    84.   Dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 234 CE, la Cour ne peut certes pas statuer elle-même sur la compatibilité des normes de droit interne avec le droit communautaire ou sur l’interprétation des dispositions nationales. C’est la raison pour laquelle elle ne peut par exemple pas s’exprimer sur le niveau des sanctions au titre de l’article 2621 nouvelle version du Codice Civile (57). Elle est par contre autorisée à donner aux juridictions de renvoi toutes les indications nécessaires pour l’interprétation du droit communautaire leur permettant de statuer dans le cadre des litiges devant elles sur la compatibilité du droit national avec le droit communautaire(58).

    a)      Efficacité, proportionnalité et effet dissuasif des sanctions

    85.   L’article 6, premier tiret, de la première directive oblige seulement les États membres à prévoir des sanctions appropriées pour les cas de violation de l’obligation de publicité déjà mentionnée. La disposition laisse ainsi aux autorités nationales, conformément à l’article 249, paragraphe 3, CE, le choix de la forme et des moyens et leur accorde donc un pouvoir d’appréciation non négligeable.

    86.   Ce pouvoir d’appréciation n’est cependant pas sans limites. Si une réglementation communautaire ne contient en effet pas de règles propres relatives aux sanctions ou si elle renvoie aux dispositions juridiques ou administratives nationales dans les cas de violation de ses dispositions, les États membres sont tenus, d’après la jurisprudence citée et conformément à l’article 10 CE, d’adopter toutes les mesures appropriées afin d’assurer la pleine efficacité du droit communautaire. Même si les États membres conservent le choix des sanctions, ils doivent notamment veiller à ce que les violations du droit communautaire soient poursuivies d’après des règles matérielles et procédurales analogues à celles qui s’appliquent pour des violations du droit national équivalentes du point de vue de la nature et de la gravité, la sanction devant en tout cas être efficace, proportionnée et dissuasive (59) .

    87.   Il n’y a en l’espèce pas d’indice suggérant une discrimination entre les situations purement nationales et les situations communautaires. Les développements qui suivent seront donc exclusivement consacrés aux critères de l’efficacité, de la proportionnalité et de la dissuasion; ils forment dans la présente affaire la base pour apprécier si des dispositions comme celles introduites par le Decreto legislativo n° 61/02 sont compatibles avec l’article 6 de la première directive. Il convient à cette occasion, compte tenu des objectifs déjà cités de la première et de la quatrième directive (60), d’accorder une attention particulière non seulement aux intérêts des associés et des créanciers, mais aussi à la protection des intérêts et de la confiance des autres tiers dans la représentation fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société. Les sanctions à prévoir dans le droit national doivent garantir aussi et surtout cette protection de manière efficace, proportionnée et dissuasive.

    88.   Une réglementation relative aux sanctions est efficace lorsqu’elle est organisée de telle sorte que l’imposition de la sanction prévue (et donc la réalisation des objectifs posés par le droit communautaire (61)) n’est pas rendue pratiquement impossible ou rendue excessivement difficile. Cela découle du principe d’effectivité (62) qui d’après la jurisprudence s’applique partout où une situation présente un lien avec le droit communautaire mais où – par exemple pour la procédure à appliquer – il n’y a pas de réglementation de droit communautaire et les États membres appliquent par conséquent les dispositions de droit national. Le principe d’effectivité s’applique à cet égard non seulement lorsqu’un particulier fait valoir à l’égard d’un État membre ses droits découlant du droit communautaire, mais à l’inverse aussi lorsqu’un État membre transpose à l’égard du particulier les exigences du droit communautaire (63).

    89.   Une sanction est dissuasive lorsqu’elle retient le particulier de violer les objectifs et les règles posés par le droit communautaire (64). Ce qui importe à cet égard, c’est non seulement la nature et le niveau (65) des sanctions, mais aussi la probabilité qu’elle soit imposée: celui qui commet une infraction doit craindre de se voir effectivement imposer la sanction. En ce sens le critère de la dissuasion recoupe celui de l’efficacité.

    90.   Une sanction est proportionnée lorsqu’elle est adéquate pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis (donc en particulier efficace et dissuasive) et qu’elle est en outre nécessaire. Lorsque plusieurs sanctions (toutes aussi) appropriées sont disponibles, il faut choisir la moins contraignante. Les effets de la sanction sur la personne concernée doivent par ailleurs être en rapport adéquat avec les objectifs poursuivis (66).

    91.   La question de savoir si une disposition juridique nationale contient une sanction efficace, proportionnée et dissuasive doit être examinée en tenant compte, dans tous les cas où cette question se pose, de la place de cette disposition dans l’ensemble du système réglementaire, y compris le déroulement de la procédure et les particularités de la procédure devant les différentes autorités nationales (67).

    92.   En résumé:

    Des sanctions sont appropriées au sens de l’article 6 de la première directive lorsqu’elles sont efficaces, proportionnées et dissuasives. Il convient à cet égard d’accorder une attention particulière non seulement aux intérêts des associés et des créanciers, mais aussi aux intérêts des autres tiers et à la protection de leur confiance dans la représentation fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société. La question de savoir si une disposition juridique nationale contient une sanction efficace, proportionnée et dissuasive doit être examinée en tenant compte, dans tous les cas où la question se pose, de la place de cette disposition dans l’ensemble du système réglementaire, y compris le déroulement de la procédure et les particularités de la procédure devant les différentes autorités nationales.

    b)      Marges de tolérance

    93.   La sanction des fausses communications sociales est exclue tant au paragraphe 3, première phrase, de l’article 2621 nouvelle version qu’au paragraphe 5, première phrase, de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile lorsque la présentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société ou du groupe d’entreprises n’est pas faussée de manière significative par cet acte. Les deux dispositions contiennent en outre des marges de tolérance exprimées en pourcentage (voir les articles 2621, paragraphe 3, deuxième phrase, et paragraphe 4 nouvelle version ainsi que 2622, paragraphe 5, deuxième phrase, et paragraphe 6, nouvelle version du Codice Civile). Puisque ces dispositions dans les deux règles pénales sont identiques, il convient de placer leur examen au début.

    94.   Il faut partir, lors de l’appréciation de ces dispositions, du modèle à la base de la quatrième directive. L’article 2, paragraphe 3, de la quatrième directive exige ainsi que les comptes annuels d’une société donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société. Ce principe a une importance capitale dans le cadre des dispositions de la directive sur les comptes annuels (68). Ce point est illustré en particulier par l’article 2, paragraphes 4 et 5, de la quatrième directive. Il convient  même, en cas de doute, de déroger à d’autres dispositions de la quatrième directive afin de garantir que les comptes annuels donnent une image reflétant la situation effective (article 2, paragraphe 5, première phrase); à cet effet, il peut même être nécessaire d’aller au-delà des exigences de la quatrième directive (article 2, paragraphe 4) (69).

    95.   Ainsi qu’il a déjà été mentionné, ces dispositions sont supposées protéger tant la confiance des associés que la confiance des tiers dans l’exactitude matérielle des comptes annuels.

    96.   Deux conséquences découlent par principe de ce qui précède: si des erreurs dans les comptes annuels ou dans des comptes consolidés sont de nature à ébranler la confiance dans l’exactitude de la présentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société, il ne peut d’après le principe de l’efficacité des sanctions pas y avoir de tolérance; dans le cas contraire, l’objectif poursuivi par la directive serait contrarié. Si par contre les erreurs dans des comptes annuels ne sont pas de nature à décevoir cette confiance, les sanctions prévues peuvent être réduites, voire même complètement écartées.

    97.   Les dispositions qui laissent suffisamment de marge de manœuvre pour la prise en compte des circonstances du cas particulier peuvent, en cas d’interprétation et d’application conforme à la directive, respecter ces critères. Les effets purement quantitatifs d’une erreur auxquels font référence l’article 2621, paragraphe 3, deuxième phrase, et paragraphe 4, nouvelle version ainsi que l’article 2622, paragraphe 5, deuxième phrase, et paragraphe 6, nouvelle version du Codice Civile ne peuvent en revanche être qu’un premier indice pour apprécier si cette erreur est de nature à ébranler la confiance dans l’exactitude de la représentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats d’une société.

    98.   Les intérêts des associés et des tiers ainsi que la protection de leur confiance dans l’exactitude des comptes annuels ne sont normalement pas menacés tant que le patrimoine, la situation financière et les résultats de la société ou du groupe d’entreprises, du simple point de vue des chiffres ne sont pas faussés de manière significative par d’éventuelles erreurs de comptabilité. Afin cependant de prévenir les abus et de donner une incitation à la plus grande exactitude possible lors de la rédaction des comptes annuels, il convient de toujours laisser à l’appréciation du cas particulier le soin de vérifier si l’on est seulement en présence d’une inexactitude sans importance dans ses effets ou au contraire en présence d’une falsification inacceptable. Le danger serait en effet sinon grand que, dans l’ombre des marges de tolérance accordées par le législateur, des inexactitudes dans les comptes soient très répandues et commises consciemment. Un tel développement pourrait ébranler durablement la confiance surtout des tiers et donc la confiance du commerce dans son ensemble dans l’exactitude des comptes annuels.

    99.   Il ne peut en particulier pas y avoir la moindre tolérance lorsque, ainsi qu’il est supposé dans les articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile, de fausses informations sont incluses dans les comptes annuels et ensuite publiées intentionnellement avec l’intention de tromper ou de s’enrichir, même si les effets de la falsification sont limités d’un point de vue purement quantitatif. Le principe de l’image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats d’une société sert, ainsi qu’il a déjà été mentionné, à la protection des intérêts des tiers et de la confiance que le public apporte à l’exactitude des comptes annuels. Si l’on permettait que de fausses informations soient livrées intentionnellement ou avec l’intention de tromper ou de s’enrichir dans les comptes annuels, cette confiance serait durablement déçue et il y aurait violation de l’objectif des directives relatives au droit des sociétés.

    100. Face à cela, les marges de tolérance et les motifs exonératoires, tels que prévus dans le Codice Civile aux articles 2621, paragraphes 3 et 4, ainsi que 2622, paragraphes 5 et 6, nouvelle version ne semblent pas appropriées pour satisfaire aux exigences du droit communautaire relatives à l’efficacité (et aussi au caractère dissuasif) des sanctions.

    101. On notera simplement en marge de cela qu’aux États-Unis aussi, par exemple dans la pratique administrative de la Securities and Exchange Commission (SEC), des marges de tolérance quantitatives sont considérées comme inadéquates, du moins pour autant qu’il s’agit de fonder par là une présomption irréfragable sans possibilité d’apprécier globalement toutes les circonstances du cas particulier (70).

    102. On ne peut pas non plus opposer à l’opinion défendue ici que les règles de minimis sont généralement reconnues en droit communautaire (71). Il est certes vrai que des seuils de sensibilité existent en droit européen de la concurrence. Ces seuils ne s’appliquent cependant que là où il est garanti que le sens et l’objet ainsi que l’effet utile des règles de la concurrence ne sont pas entravés.

    103. Dans le domaine des aides d’État,  par exemple, l’article 3 du règlement applicable sur les exemptions par catégories(72) exige la mise en œuvre de certains contrôles afin de garantir que les aides d’État de minimis n’entravent pas les échanges entre les États membres et ne faussent pas la concurrence (73). Une comparaison avec cette réglementation de minimis permet donc de conclure tout au plus qu’il ne peut y avoir de marges de tolérance que si elles ne vont pas à l’encontre du sens et de l’objet des dispositions juridiques applicables, c’est-à-dire, dans le cas des comptes annuels, la protection de la confiance des tiers et du public dans les communications sociales.

    104. Une comparaison avec les règles de minimis applicables dans le domaine de l’article 81 CE est tout aussi révélatrice: les restrictions de concurrence particulièrement graves, comme les ententes sur les prix ou la formation de cartels territoriaux (restrictions dites «flagrantes»), y sont en effet dès le départ exclues du champ d’application des règles de minimis; elles restent ainsi sans réserve dans le champ d’application du droit européen de la concurrence (74). Si l’on transpose cette réflexion au domaine des fausses communications sociales, on peut conclure tout au plus que, pour les atteintes particulièrement graves à la confiance des tiers et du public dans l’exactitude des communications sociales, en particulier pour les fausses informations fournies intentionnellement et avec l’intention de tromper ou de s’enrichir, il ne peut pas y avoir de tolérance même si à travers les falsifications, du simple point de vue des chiffres, le patrimoine, la situation financière et les résultats d’une société ou d’un groupe d’entreprises n’ont pas été faussés de manière significative.

    105. En résumé:

    L’article 6, premier tiret, de la première directive, en combinaison avec les articles 2, paragraphe 3, et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive, ne s’oppose pas à une disposition juridique nationale en vertu de laquelle la sanction des fausses communications sociales est exclue si, à travers cet acte, la représentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société ou du groupe d’entreprises n’était pas faussée de manière significative, à moins que l’acte n’ait été commis intentionnellement et avec une intention de tromper ou de s’enrichir.

    Ces mêmes dispositions s’opposent toutefois à une disposition juridique nationale en vertu de laquelle – sans appréciation globale de l’ensemble des circonstances du cas particulier – la sanction des fausses communications sociales est toujours exclue lorsque les fausses informations ou les omissions conduisent à une modification qui ne s’écarte pas de la valeur correcte de plus d’un certain pourcentage.

    L’article 38, paragraphe 6, en combinaison avec le paragraphe 1 et avec l’article 16, paragraphe 3, de la septième directive, doit être interprété de la même manière.

    c)      Délais de prescription pour les poursuites pénales

    106. En ce qui concerne la prescription, le Decreto legislativo n° 61/02 a conduit à un raccourcissement significatif des délais applicables. Cela produit ses effets en particulier sur la poursuite des infractions en vertu de l’article 2621 du Codice Civile nouvellement introduit. Pour cette contravention que représente le délit général de fausses communications sociales, le délai de prescription est désormais de trois ans; en cas d’interruption de ce délai la prescription intervient au total au plus tard après quatre ans et six mois (75).

    107. Il n’y a pas d’objection de principe à ce que les États membres soumettent à la prescription les sanctions qu’ils doivent introduire en vertu du droit communautaire. De tels délais de prescription servent en effet à la sécurité juridique et le principe de la sécurité juridique est également reconnu au niveau communautaire en tant principe général de droit (76). Le droit communautaire connaît logiquement des délais de prescription comparables, par exemple dans le cadre de ses dispositions sur la protection des intérêts financiers des Communautés (77) ou dans le cadre de la politique de la concurrence (78).

    108. Ainsi que l’existence de tels délais de prescription le démontre par ailleurs, le droit communautaire n’impose en rien que dans chaque cas individuel il faille qu’une sanction soit effectivement imposée. Il doit par contre être garanti que les règles de prescription  applicables ne sapent pas dans leur ensemble l’efficacité et l’effet dissuasif des sanctions prévues (79). Les fausses communications sociales ne doivent donc pas être soumises à des sanctions purement théoriques. Le système de sanctions doit au contraire être organisé de telle sorte que chacun qui présente de faux comptes annuels doive effectivement craindre de se voir sanctionner (80).

    109. La question de savoir si les dispositions relatives à la prescription comme celles applicables aux articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile répondent aux exigences apportées à des sanctions efficaces et dissuasives, telles que décrites ci-dessus, doit être appréciée, d’une part, en tenant compte du type et de la gravité des infractions en cause et, d’autre part, en tenant compte de l’organisation des règles de prescription prévues en droit national (81). Ce qui importe à cet égard, c’est non seulement la longueur du délai de prescription, mais par exemple aussi le point de départ pour l’écoulement de ce délai, les éventuels événements suspendant ou interrompant le délai et les effets d’une telle suspension ou d’une telle interruption. Il ne faut pas non plus négliger le temps qui, compte tenu de la complexité des faits ainsi que de l’équipement matériel et personnel de la justice, est en règle générale nécessaire pour les enquêtes et la conduite d’une procédure juridictionnelle. Il faut néanmoins tenir compte du fait que l’article 6, paragraphe 1, première phrase de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (82) ainsi que l’article 47, paragraphe 2, première phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (83) protègent toute personne et en particulier l’accusé dans un procès pénal contre des durées de procédure excessives; lors de l’appréciation de telles durées de procédure, il faut néanmoins tenir compte des circonstances du cas particulier et de sa complexité (84).

    110. Si des règles de prescription conduisent, compte tenu de tous ces aspects, à ce que l’imposition effective de la sanction prévue ne soit en réalité pas à attendre ou seulement rarement, on ne peut pas parler d’une sanction efficace et dissuasive.

    111. D’après les indications de toutes les juridictions de renvoi, en cas de contravention au sens de l’article 2621 nouvelle version du Codice Civile, les enquêtes et les procédures judiciaires – souvent complexes et longues – qui s’étendent régulièrement sur trois instances ne peuvent en règle générale pas être clôturées avant l’intervention de la prescription. Il y a dans ces conditions de sérieux doutes quant à la question de savoir si une disposition comme l’article 2621 nouvelle version du Codice Civile peut être considérée comme une sanction efficace et dissuasive au sens de l’article 6, premier tiret, de la première directive.

    112. En résumé:

    L’article 6, premier tiret, de la première directive, en combinaison avec les articles 2, paragraphe 3, et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive, s’oppose à des règles de prescription en vertu desquelles l’imposition effective des sanctions prévues n’est en réalité pas à attendre ou ne l’est que rarement. L’article 38, paragraphe 6, en combinaison avec le paragraphe 1 et l’article 16, paragraphe 3, de la septième directive, doit être interprété de la même manière.

    d)      Système progressif de sanctions et exigences de plainte

    113. Le fait délictueux au titre de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile se caractérise certes par une sanction nettement plus importante par rapport à celle de l’article 2621 nouvelle version et il est soumis à des délais de prescription plus longs, mais il ne permet en général des poursuites que sur plainte de l’associé ou du créancier lésé. En règle générale, le délit ne peut donc pas être poursuivi d’office et il ne peut pas l’être non plus sur plainte d’autres tiers que le créancier lésé.

    114. Les États membres restent certes libres d’introduire un système progressif de sanctions et de prévoir par exemple des sanctions plus strictes pour le cas où de fausses communications sociales conduisent à des préjudices patrimoniaux allant au-delà du préjudice immatériel survenant régulièrement en raison de la déception de la confiance dans l’exactitude des comptes annuels. Le principe de la proportionnalité des sanctions suggère même d’introduire des dispositions pénales qualifiées qui, en cas de survenance d’un préjudice patrimonial, prévoient des sanctions plus importantes que la disposition générale et dont la poursuite peut dépendre en contrepartie du dépôt d’une plainte par la personne lésée.

    115. Des dispositions qui sont liées à une exigence de dépôt d’une plainte ne sont cependant en elles-mêmes pas appropriées pour satisfaire à l’obligation de droit communautaire de prévoir des sanctions appropriées, ainsi qu’elle repose sur les États membres en vertu de l’article 6 de la première directive. Une disposition comme l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile ne peut en effet, en raison de ses règles relatives aux plaintes limitées aux associés et aux créanciers lésés, pas garantir efficacement la protection des intérêts de tous les tiers, mais tout au plus la protection de certains tiers. Ainsi que la Cour l’a cependant déjà constaté dans l’arrêt Daihatsu Deutschland, précité, l’article 6 de la première directive s’oppose aux dispositions juridiques d’un État membre qui n’accordent qu’aux associés, aux créanciers et au comité central d’entreprise ou au comité d’entreprise de la société le droit de demander l’imposition de sanctions (85). Pour les raisons citées plus haut (86), les réflexions exprimées dans l’arrêt Daihatsu Deutschland ne sont nullement restreintes au seul cas de non-publication des comptes annuels; elles doivent au contraire – contrairement à l’opinion des accusés MM. Berlusconi et Dell’Utri – s’appliquer a fortiori en cas de publication de fausses communications sociales.

    116. Les infractions qualifiées comme celles de l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile ne peuvent donc tout au plus que compléter un système de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives existant déjà en droit national. Elles ne sont par contre, en raison de leur restriction à la protection des intérêts des associés et des créanciers, pas appropriées pour compenser d’éventuels déficits dans la protection des intérêts des (autres) tiers, que ce soit en ce qui concerne de possibles préjudices patrimoniaux ou même le simple préjudice immatériel qui peut survenir lorsque la confiance du public dans l’exactitude des comptes annuels est déçue.

    117. Si les juridictions de renvoi devaient par conséquent parvenir à la conclusion que l’infraction générale à l’article 2621 nouvelle version du Codice Civile, ne représente pas une sanction efficace et dissuasive en raison des marges de tolérance ou des règles de prescription applicables (87), une disposition comme l’article 2622 nouvelle version du Codice Civile avec son exigence de dépôt d’une plainte limitée aux associés et aux créanciers ne pourrait pas non plus compenser ce défaut.

    118. Pour l’appréciation globale de cette disposition, le fait qu’en tout état de cause dans les cas exceptionnels des poursuites pénales d’office restent possibles sur la base de l’article 2622, paragraphes 2 et 3, nouvelle version, du Codice Civile ne saurait par ailleurs jouer le moindre rôle. Il est évident que, dans le cadre de l’appréciation de l’efficacité et du caractère dissuasif des sanctions, il ne faut pas considérer uniquement les éventuelles fausses communications sociales chez les rares entreprises cotées en bourse ainsi que les infractions commises au détriment de l’État ou des Communautés européennes. Il faut tenir compte au contraire de tous les cas de fausses communications sociales, et en particulier celles qui concernent des entreprises non cotées en bourse et qui n’ont pas d’effets négatifs pour les pouvoirs publics.

    119. En résumé:

    L’article 6, premier tiret, de la première directive, en combinaison avec les articles 2, paragraphe 3, et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive, ne s’oppose pas à une disposition juridique nationale en vertu de laquelle des sanctions protégeant les intérêts patrimoniaux de certaines personnes ne peuvent en règle générale être imposées que sur plainte de la personne lésée. Cela suppose néanmoins qu’il existe par ailleurs une disposition juridique générale qui prévoit des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives aux fins de la protection des intérêts des tiers indépendamment d’un éventuel préjudice patrimonial et qui peuvent être imposées d’office. L’article 38, paragraphe 6, en combinaison avec le paragraphe 1 et l’article 16, paragraphe 3, de la septième directive, doit être interprété de la même manière.

    e)      Vue d’ensemble des dispositions de droit civil, de droit pénal et de droit pénal administratif

    120. Les accusés MM. Berlusconi, Adelchi et Dell’Utri ainsi que le gouvernement italien signalent que, lors de l’appréciation du nouveau système italien de sanctions pour les fausses communications sociales, il faut également tenir compte des composantes non pénales, à savoir les dispositions de droit civil et de droit administratif. Les développements de la Commission peuvent eux aussi, du moins en principe, être compris ainsi. Nous renvoyons dans ce contexte à titre d’exemple aux dispositions suivantes:

    –       la responsabilité civile des personnes responsables pour les fausses communications sociales (88),

    –       la possibilité de contester la décision de la société de constater un (faux) bilan (89),

    –       la possibilité d’imposer à la société elle-même certaines sanctions administratives (amendes) pour de fausses communications sociales faites dans son intérêt (90),

    –       la possibilité d’imposer des amendes pour la non-présentation ou la présentation tardive de bilans (91) et

    –       les dispositions sur le contrôle des comptes annuels et des comptes consolidés par des personnes spécialement autorisées à cet effet et soumises à une responsabilité particulière (92).

    121. Ainsi qu’il a déjà été affirmé (93), l’article 6 de la première directive accorde aux États membres une marge d’appréciation non négligeable lors de l’organisation de leur système national de sanctions. Il ne découle pour autant nullement de l’article 6 de la première directive que seules des sanctions pénales devraient être imposées (94). Du point de vue du droit communautaire, une combinaison de dispositions pénales avec des dispositions du droit civil et du droit pénal administratif ne rencontre pas d’objection de principe. Pour l’appréciation de la combinaison de telles dispositions, seul s’applique au contraire le principe de l’efficacité, de la proportionnalité et de la dissuasion des sanctions.

    122. Il appartient aux juridictions de renvoi d’apprécier le système des sanctions prévues par le législateur italien dans son contexte global et de le mesurer à l’aune des critères de l’efficacité, de la proportionnalité et de la dissuasion (95). La Cour ne peut en ce sens fournir que des indications sur l’interprétation du droit communautaire qui permettent aux juridictions nationales de procéder à une telle appréciation du droit national.

    123. Il convient tout d’abord de rappeler dans ce contexte que les sanctions qui ne peuvent être déclenchées que sur demande de certaines personnes, à savoir les associés et des créanciers, ne peuvent dès le départ pas être appropriées pour compenser d’éventuels déficits dans la protection générale des intérêts des tiers (96). La protection des intérêts des tiers doit tout aussi peu dépendre d’un quelconque préjudice subi par ces tiers. Il s’agit de protéger non seulement les intérêts patrimoniaux des tiers, mais aussi et surtout les intérêts immatériels des tiers à une information fidèle quant au patrimoine, à la situation financière et aux résultats de la société et ainsi la confiance du commerce dans l’exactitude des comptes annuels. Si cette protection n’est pas assurée, l’efficacité des sanctions fait dès le départ défaut.

    124. Le fait aussi que des tiers puissent, le cas échéant, obtenir des mesures de droit civil, comme l’annulation de décisions de la société sur la constatation des comptes annuels (97) n’est en soi pas suffisant pour que l’on puisse parler de sanction efficace. L’efficacité et surtout le caractère dissuasif des sanctions présupposent, ainsi qu’il a déjà été affirmé, que celui qui présente de faux comptes annuels doit effectivement craindre qu’on lui inflige des sanctions. Il faut par conséquent examiner au moins la probabilité (98) ainsi que les chances de succès qu’un tiers puisse poursuivre devant les juridictions nationales compétentes une voie de droit comme par exemple un recours en annulation.

    125. Si d’autres dispositions renvoient aux articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile, il faut tenir compte du fait, lors de leur appréciation, que d’éventuelles insuffisances de ces dispositions pénales, comme les marges de tolérance, ont des effets indirects sur les dispositions connexes et peuvent par conséquent entraver leur efficacité et leur effet dissuasif. Cela vaut par exemple pour une disposition comme l’article 2641 du Codice Civile (99) prévoyant la confiscation des plus-values obtenues illégalement ainsi que la confiscation des moyens utilisés. Cela vaut de la même manière pour les sanctions administratives comme celles introduites à l’article 25 ter du Decreto legislativo n° 231/01; elles renvoient elles aussi aux dispositions pénales des articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile.

    126. En ce qui concerne l’article 25ter du Decreto legislativo n° 231/01 il faut par ailleurs retenir que cette disposition s’applique uniquement aux faits qui ont été commis dans l’intérêt de la société et que la société peut se disculper sous certaines conditions (100). Des dispositions dont le champ d’application est à tel point restreint peuvent certes représenter un complément utile au système de sanctions dans son ensemble, elles ne peuvent cependant pas compenser d’éventuels déficits dans la protection générale des intérêts des tiers. La protection des intérêts des tiers dans une information fidèle sur l’état du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société en cause doit en effet être assurée tout aussi efficacement lorsque quelqu’un a fourni de fausses informations dans les comptes annuels pour son intérêt personnel et pas nécessairement dans l’intérêt de la société ou au détriment d’autrui.

    127. Il faut par ailleurs, dans le cas de dispositions comme l’article 25 ter du Decreto legislativo n° 231/01, également soumettre à l’examen le niveau des sanctions qui y sont prévues pour en apprécier l’effet dissuasif. Si les amendes prévues se révèlent être dans leur montant si réduites qu’elles ne sauraient répondre à la gravité des violations en cause des dispositions applicables sur les bilans et à la taille des entreprises concernées, de telles dispositions ne peuvent pas être caractérisées comme étant dissuasives. Elles ne seraient alors pas non plus appropriées, pour cette raison aussi, pour compenser d’éventuels déficits dans les sanctions pénales comme dans les articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile.

    128. En ce qui concerne les dispositions comme l’article 2630 nouvelle version du Codice Civile, il suffit de signaler que l’article 6 de la première directive, ainsi que mentionné plus haut (101), exige des sanctions appropriées non seulement pour les cas de non-publication des comptes annuels, mais également pour ceux de la publication de faux comptes annuels.

    129. L’examen des comptes annuels par un expert-comptable (102) constitue sans nul doute un élément central du dispositif réglementaire avec lequel l’exactitude sur le fond des communications sociales devrait être garantie. Le contrôle comptable est cependant un contrôle préventif. L’article 6 de la première directive exige par contre déjà d’après son libellé («Maßregeln» (103)) que les États membres aient – du moins aussi – une action adaptée de nature répressive. La même chose découle par ailleurs aussi du lien réglementaire entre la quatrième et la septième directive ainsi que du sens et de l’objet des dispositions sur le contrôle des comptes: l’action préventive des experts-comptables ne devrait en rien remplacer les mesures répressives des États membres ou compenser leurs déficiences; elle est au contraire conçue comme un deuxième pilier indépendant du système devant garantir l’exactitude matérielle des comptes annuels et des comptes consolidés. Le législateur communautaire oblige les États membres à garantir un contrôle efficace tant préventif que répressif.

    130. Dans le domaine pénal, il faut enfin retenir que certaines dispositions présupposent la réalisation d’un délit («delitto»)(104) et que par conséquent une contravention («contravvenzione») comme à l’article 2621 nouvelle version du Codice Civile n’entre dès le départ pas en ligne de compte comme point de rattachement.

    C –    Effets d’une violation des directives par les dispositions nationales pour les procédures pénales pendantes devant les juridictions de renvoi

    131. Afin de donner aux juridictions de renvoi une réponse utile pour statuer dans les procédures pénales pendantes, il faut examiner quel est l’effet dans une procédure judiciaire nationale de l’interprétation proposée ici des directives sur le droit des sociétés (105). Il faut à cet égard, d’une part, signaler l’obligation généralement et globalement reconnue des juridictions nationales de donner effet aux prescriptions de droit communautaire; il faut mentionner, d’autre part, les limites à l’application des directives dans les procédures pénales et enfin le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce.

    1.      Sur l’obligation des juridictions nationales de donner effet aux prescriptions du droit communautaire

    132. Dans au moins deux des procédures au principal, les procureurs compétents ont soulevé le grief devant les juridictions nationales que les modifications législatives introduites avec le Decreto legislativo n° 61/02 seraient inconstitutionnelles (106). Les trois juridictions de renvoi envisagent de soumettre le Decreto legislativo n° 61/02 à un examen de sa conformité à la Constitution auprès de la Corte costituzionale. Le Tribunale di Milano affirme par exemple dans sa décision de renvoi dans l’affaire C-387/02 que «la solution du litige dépend d’un arrêt sur la compatibilité des dispositions avec la Constitution, pour lequel la Corte costituzionale est compétente […]».

    133. Il faut noter à ce sujet qu’il va de soi qu’il ne relève pas de la compétence de la Cour de prendre position sur l’interprétation de la Constitution d’un État membre ou de vérifier la compatibilité d’un acte juridique national avec la Constitution. La mission de la Cour est cependant d’assurer à travers sa jurisprudence une application uniforme et effective du droit communautaire dans tous les États membres. La Cour peut à cet effet, dans le cadre de ses compétences pour l’interprétation du droit communautaire, donner aux juridictions de renvoi les indications juridiques nécessaires.

    134. D’après la jurisprudence constante et bien établie de la Cour, les juridictions nationales sont tenues d’appliquer le droit communautaire et de ne pas appliquer le droit national éventuellement en opposition. C’est là la conséquence logique de la primauté du droit communautaire (107). Dans l’arrêt Simmenthal, la Cour a affirmé à ce sujet que le juge national doit donner effet au droit communautaire «en laissant inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale, que celle-ci soit antérieure ou postérieure à la règle communautaire» (108).

    135. Le juge national est en plus tenu de veiller à la pleine efficacité du droit communautaire «en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel» (109).

    136. Les juridictions de renvoi sont ainsi en vertu du droit communautaire, en particulier les articles 10 CE et 249, paragraphe 3, CE, tenues de donner effet aux prescriptions des directives sur le droit des sociétés dans les procédures pénales pendantes devant elles sans qu’une décision préalable de la Corte costituzionale sur une éventuelle inconstitutionnalité du Decreto legislativo n° 61/02 soit nécessaire.

    137. Tout cela n’exclut évidemment pas qu’un acte législatif national comme le Decreto legislativo n° 61/02 soit en outre aussi soumis, conformément aux dispositions nationales applicables, à un contrôle de la juridiction constitutionnelle par lequel on jugerait d’une manière générale de sa constitutionnalité et le cas échéant de sa validité.

    138. Indépendamment de la mise en œuvre d’un tel contrôle par la juridiction constitutionnelle et indépendamment de la compatibilité ou non du Decreto legislativo n° 61/02 avec la Constitution italienne, les juridictions de renvoi ont néanmoins dans le cas concret, c’est-à-dire dans les procédures pénales pendantes devant elles, l’obligation de laisser dès à présent inappliqué ce décret législatif pour autant que les nouveautés qui y sont prévues vont à l’encontre du droit communautaire. La réponse de la Cour aux questions déférées par les juridictions de renvoi est contraignante pour toutes les juridictions nationales saisies de la procédure au principal (110). L’interprétation réalisée par la Cour indique ainsi dans quel sens et avec quelle portée les dispositions des directives sur le droit des sociétés doivent ou devraient depuis leur entrée en vigueur être comprises et appliquées (111).

    2.      Sur les limites à l’application des directives dans les procédures pénales

    139. Les accusés MM. Berlusconi, Adelchi et Dell’Utri ainsi que le gouvernement italien soulignent le principe de la légalité des peines. Il découlerait de ce principe que les accusés ne seraient, à la suite de l’application des directives sur le droit des sociétés, passibles ni de poursuites pénales ni d’autres sanctions plus sévères que celles prévues aux articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile. Le procureur de Milan, partie à la procédure, et la Commission sont d’un avis contraire.

    a)      Principes développés dans la jurisprudence.

    140. Il est déjà établi dans la jurisprudence qu’une directive ne saurait en elle-même et indépendamment des dispositions juridiques internes d’un État membre adoptées pour la mise en œuvre de cette directive avoir pour effet de fixer ou d’aggraver la responsabilité pénale des personnes qui ont violé les dispositions de la directive (112).

    141. Cette constatation découle d’une part du principe de la légalité des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) (113) qui appartient aux principes généraux du droit commun aux traditions constitutionnelles des États membres et qui est aussi ancré à l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à l’article 15, paragraphe 1, première phrase, du pacte international sur les droits civils et politiques (114) ainsi qu’à l’article 49, paragraphe 1, première phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (115). En raison de cette règle qui interdit également l’interprétation extensive des dispositions pénales au détriment des personnes concernées, l’interprétation conforme à la directive dans les procédures pénales est soumise à des limites étroites (116).

    142. La Cour a, d’autre part, fait reposer la règle que les directives ne peuvent pas être retenues directement pour fonder ou aggraver les sanctions pénales sur le fait qu’une directive ne peut pas créer en elle-même des obligations pour les particuliers (117).

    143. M. l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a dans l’affaire Pfeiffer e.a. récemment émis des doutes quant au principe qu’une directive ne peut pas fonder d’obligations pour les particuliers dans le cas de l’application directe d’une directive dans les rapports entre deux personnes privées (118). Il a cependant lui-même signalé que, dans les procédures pénales dans lesquelles le particulier est opposé à l’État, d’autres critères s’appliquent (119). Il demeure donc indiscuté que l’effet direct d’une directive ne saurait, en tout cas dans le cadre de la procédure pénale, conduire à imposer des obligations aux particuliers.

    b)      Examen des principes à l’égard du cas d’espèce

    144. Dans la présente affaire, aucun des motifs que la Cour a cités pour la restriction des effets des directives dans les procédures pénales ne s’applique.

    145. Le principe de la légalité des peines n’est ainsi pas affecté puisque la responsabilité pénale des accusés dans les procédures au principal ne découlerait nullement des directives sur le droit des sociétés et indépendamment des dispositions juridiques nationales adoptées pour leur mise en œuvre (120). La sanction des accusés découlerait tout aussi peu directement de l’article 10 CE. Le respect de l’article 10 CE et des prescriptions des directives sur le droit des sociétés a en effet uniquement pour effet que la modification de la législation introduite par le Decreto legislativo n° 61/02 et intervenue après les faits, diminuant les peines et rendant les poursuites plus difficiles voire impossibles, devrait le cas échéant restée inappliquée. La loi nationale dans sa version en vigueur au moment des faits reste par contre applicable. La sanction des accusés repose ainsi sur le droit national applicable au moment des faits à savoir l’article 2621 ancienne version du Codice Civile.

    146. On ne saurait y opposer que l’ancienne disposition pénale contenue à l’article 2621 ancienne version du Codice Civile aurait «définitivement disparu» à la suite de son abrogation par le Decreto legislativo n° 61/02 et ne pourrait pas «renaître». En effet, en raison de l’obligation persistante d’assurer des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, le législateur national se voit interdire en vertu du droit communautaire de simplement abroger des règles de sanctions existantes sans les remplacer dans le même temps par d’autres sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives. L’interdiction de saper les objectifs d’une directive (121) vaut non seulement avant l’expiration du délai de transposition, mais a fortiori après. Si un acte d’abrogation comme celui contenu dans le Decreto legislativo n° 61/02 viole donc les prescriptions du droit communautaire, cet acte d’abrogation doit lui aussi rester inappliqué dans la procédure au principal. Si l’acte d’abrogation lui-même reste inappliqué, l’article 2621 ancienne version du Codice Civile n’a dans la présente affaire en rien «définitivement disparu» et la question de savoir s’il peut «renaître» ne se pose pas.

    147. Même si l’on admet que l’ancienne loi pénale, l’article 2621 ancienne version du Codice Civile donc, est désormais abrogée, cela n’exclut nullement de continuer à appliquer cette disposition aux faits commis avant son abrogation. Cela correspond précisément au principe de la légalité des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) de mesurer un acte à l’aune de la loi pénale qui s’appliquait au moment de sa commission. Personne par exemple ne douterait sérieusement du maintien de l’application d’une loi pénale antérieure plus douce si le législateur avait aggravé entre-temps les sanctions. Le fait que dans la présente affaire, dans des circonstances inverses, l’applicabilité de la loi ancienne soit contestée ne touche pas réellement au fond la question de savoir si le principe de la légalité des peines est respecté, mais au contraire la question de savoir si l’on peut faire une exception à ce principe au profit de l’application rétroactive de la loi pénale postérieure plus douce (122).

    148. Dans une affaire comme la présente, on ne doit pas craindre de violation du principe nullum crimen, nulla poena sine lege. La Cour le souligne aussi dans l’arrêt Tombesi (123). Dans ce cas précis, «à l’époque où ils ont été commis, les faits qui font l’objet des affaires au principal étaient susceptibles d’être sanctionnés en vertu du droit national et [les dispositions nationales] qui les ont soustraits à l’application des sanctions résultant du [droit national] ne sont [entrées] en vigueur qu’ultérieurement. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’interroger sur les conséquences qui pourraient découler du principe de la légalité des peines pour l’application du règlement».

    149. Cette affirmation est entièrement transposable à la présente affaire. L’affaire Tombesi e.a., précitée, comme d’ailleurs l’affaire Niselli (124) correspond en effet dans les points décisifs à l’affaire en cause ici. Ici comme là on n’a pas remis en question sur le fond le caractère punissable des violations des dispositions applicables (droit des déchets – droit des bilans). Il en va au contraire ici comme là d’une modification des critères matériels qui forment la base de l’application de la sanction. Les modifications des dispositions juridiques nationales ont ici comme là pour effet que certains actes resteraient sans sanction alors qu’ils auraient auparavant été sanctionnés. Alors que, par exemple, dans la présente affaire certaines marges de tolérance (valeurs seuil) ont été nouvellement introduites en dessous desquelles il n’y a pas sanction des fausses communications sociales, dans les affaires Tombesi e.a. et Niselli le terme de déchets a été redéfini (de manière plus étroite) (125). Le point décisif ici comme là est que les faits étaient au moment de leur commission sanctionnés en vertu du droit national.

    150. On signalera simplement pour être complet que, dans la présente affaire, aucune interprétation conforme à la directive du droit national étendant son champ d’application et qui pourrait violer l’interdiction de l’interprétation extensive au détriment de l’accusé n’est nécessaire. Ainsi qu’il a déjà été affirmé, ce qui importe  pour la motivation de la sanction – en cas de non-application du Decreto legislativo n° 61/02   – c’est avant tout l’article 2621 ancienne version du Codice Civile, qui selon les indications des juridictions de renvoi sanctionnait clairement déjà au moment des faits les fausses communications sociales, telles qu’elles sont poursuivies ici. Le droit applicable au moment des faits n’a donc nullement besoin d’être interprété de manière extensive pour se conformer aux exigences des directives sur le droit des sociétés.

    151. Les directives sur le droit des sociétés et l’article 10 CE ne fondent enfin en tant que tels dans la présente situation aucune obligation pour les particuliers. La question de savoir quelles obligations pèsent sur le particulier doit de toute façon être tranchée d’après l’état du droit en vigueur au moment des faits pertinents dans la mesure où des obligations ne peuvent être créées qu’à l’égard d’un comportement futur. Des obligations (ou des interdictions) ne peuvent pas être fondées ou modifiées rétroactivement. À l’époque où les actes dont les personnes poursuivies sont accusées dans la procédure au principal ont été commis, ils étaient sanctionnés dans une loi nationale italienne, en particulier dans l’article 2621 ancienne version du Codice Civile. La menace de sanction ne découlait nullement au moment des faits directement des directives ou de l’article 10 CE.

    152. L’affaire pourrait être appréciée différemment tout au plus si les faits poursuivis s’étaient produits après l’adoption du Decreto legislativo n° 61/02. Si on laissait le Decreto legislativo n° 61/02 inappliqué pour des actes commis après son adoption, on pourrait plus facilement dire que l’application d’une directive ou de l’article 10 CE fonde directement des obligations. Dans la présente affaire, cet aspect n’a pas besoin d’être examiné plus avant parce que, comme il a déjà été affirmé, les faits mis à la charge des accusés ont tous été commis sans exception avant l’adoption du Decreto legislativo n° 61/02. Les accusés ne pouvaient donc pas au moment des faits s’attendre à ce que les faits mis à leur charge soient sanctionnés de manière moins sévère qu’en vertu de l’article 2621 ancienne version du Codice Civile, ou qu’ils échapperaient entièrement aux sanctions.

    153.   Pour toutes les raisons qui précèdent, le principe de la légalité des peines ne s’oppose nullement dans la présente affaire à une non-application du Decreto legislativo n° 61/02. La prise en compte des directives sur le droit des sociétés et de l’article 10 CE ne conduit pas à fonder des obligations pour les accusés, mais a tout au plus indirectement des effets négatifs à leur égard. Cela ne libère cependant pas le juge national de son obligation découlant des articles 249, paragraphe 3, CE et 10 CE, de donner effet aux prescriptions de la directive (126).

    3.      Sur l’application rétroactive de la loi pénale plus douce

    154. Selon les accusés MM. Berlusconi et Dell’Utri ainsi que le gouvernement italien les articles 2621 et 2622 nouvelle version du Codice Civile introduits par le Decreto legislativo n° 61/02 devraient cependant être appliqués rétroactivement dans la procédure au principal en tant que loi pénale plus douce. Le procureur de Milan et la Commission sont d’un avis contraire.

    155. Dans sa jurisprudence antérieure, la Cour a qualifié le problème de l’applicabilité rétroactive de la loi pénale plus douce de question de droit national qui devait être appréciée par la juridiction de renvoi en cause (127). Elle a ainsi reconnu dans l’affaire Allain (128) qu’un comportement qui à l’origine violait le droit communautaire et qui pouvait par conséquent être sanctionné en vertu du droit national pouvait être apprécié de manière différente en application des principes nationaux de procédure (en particulier le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce) lorsque la situation matérielle et juridique s’était modifiée a posteriori.

    156. Le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce n’est cependant pas seulement ancré dans les ordres juridiques nationaux de presque tous les 25 États membres (129), mais il est également reconnu sur le plan international (130). Il a en outre déjà fait son entrée depuis un certain temps dans le droit communautaire dérivé, par exemple dans les règles sur les sanctions administratives pour irrégularités au détriment des intérêts financiers de la Communauté (131). Ce principe a en outre été repris dans l’article 49, paragraphe 1, troisième phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

    157. Il ressort de tout cela que ce principe ne doit nullement n’être considéré que comme un pur principe de droit national, mais doit être au contraire vu comme un principe général du droit communautaire (132) que le juge national doit par principe prendre en compte lorsqu’il applique le droit national adopté pour mettre en œuvre les directives sur le droit des sociétés (133).

    158. Avec cette constatation on n’a cependant toujours pas réglé la question de savoir si des lois pénales plus douces doivent être appliquées rétroactivement même lorsqu’elles sont contraires au droit communautaire. Des dispositions comme les articles 2621, nouvelle version et 2622 nouvelle version du Codice Civile s’appliquent-elles même rétroactivement aux faits commis avant leur adoption? Il convient, afin de répondre à cette question, d’examiner plus avant le fondement de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce.

    159. L’application de lois pénales postérieures plus douces représente une exception au principe fondamental déjà évoqué de la légalité des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) puisqu’une autre loi que celle applicable au moment des faits est appliquée rétroactivement.

    160. Cette exception repose en définitive sur des considérations d’équité qui n’ont pas le même rang élevé que, par exemple, la raison d’être du principe de la légalité des peines, c’est-à-dire le principe de la sécurité juridique découlant du principe de l’État de droit. Le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce n’a par conséquent dans la plupart des ordres juridiques nationaux pas de rang constitutionnel, mais est ancré simplement dans la loi. Il connaît en outre assez souvent des restrictions, par exemple lorsque la sanction d’un acte reposait sur une loi dont l’application était dès le départ limitée dans le temps (134).

    161. L’application rétroactive de lois pénales plus douces repose sur la considération qu’un accusé ne devrait pas être condamné pour un comportement qui, d’après l’approche (modifiée) du législateur au moment de la procédure pénale, ne vaudrait plus d’être sanctionné. L’accusé devrait profiter des appréciations modifiées du législateur. On assure de cette manière en particulier la cohérence de l’ordre juridique. L’application rétroactive de la loi pénale plus douce tient en outre compte du fait que les objectifs de sanction de la prévention générale et spéciale disparaissent dès lors que le comportement en cause n’est plus incriminé.

    162. Dans une affaire ayant un lien avec le droit communautaire, l’application rétroactive de la loi pénale plus douce ne se justifie cependant que lorsque la primauté du droit communautaire est maintenue, donc lorsque les valeurs du législateur communautaire sont prises en compte et que les appréciations (modifiées) du législateur national sont conformes aux exigences du législateur communautaire. On ne voit pas pourquoi le particulier devrait profiter rétroactivement de l’appréciation modifiée du législateur national quant au caractère d’infraction de son comportement lorsque cette appréciation va à l’encontre des prescriptions maintenues du droit communautaire (135).

    163. Si en effet le législateur national viole les prescriptions du droit communautaire en adoptant une nouvelle loi pénale plus douce, il ne contribue nullement à la cohérence des dispositions applicables; il menace au contraire l’unité de l’ordre juridique. Il n’y a pas de raison dans un tel cas de faire une exception à un principe fondamental de l’État de droit comme celui de la légalité des peines. La protection de la cohérence de l’ordre juridique impose au contraire de soutenir l’application du droit communautaire applicable qui jouit de la primauté.

    164. Bien entendu, les objectifs de sanction de la prévention générale et spéciale ne disparaissent pas lorsqu’un comportement devrait rester sans sanction seulement selon l’opinion du législateur national, alors qu’il faut en vertu du droit communautaire continuer à prévoir pour le même comportement des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives.

    165. Pour autant que les dispositions nationales ne sont pas compatibles avec le droit communautaire, il faut en rester à l’obligation des juridictions de renvoi de soutenir l’application des exigences des directives sur le droit des sociétés en laissant inappliquées ces dispositions nationales même s’il s’agit de lois pénales plus douces. On pourrait dire en résumé qu’une loi pénale contraire au droit communautaire adoptée a posteriori n’est pas du tout une loi pénale plus douce applicable.

    166. Il en irait de même si l’on ne considérait pas le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce – contrairement à la position défendue ici (136) – comme un principe de droit communautaire, mais simplement comme une question de droit national. En effet, même dans le cadre de l’application de dispositions nationales, le droit communautaire pose des limites à la compétence des États membres (137). Il découle de la primauté du droit communautaire que les juridictions de renvoi doivent dans les procédures pénales pendantes respecter le droit communautaire ainsi qu’en particulier les exigences et les valeurs du législateur communautaire exprimés dans les directives sur le droit des sociétés (138).

    167. Une application rétroactive des lois pénales plus douces prévue en droit national ne devrait donc pas menacer l’application effective et uniforme dans tous les États membres des directives sur le droit des sociétés. Elle ne devrait en aucun cas avoir pour conséquence qu’un comportement pouvant être sanctionné au moment des faits et violant les prescriptions du droit communautaire soit exonéré rétroactivement.

    168. Les constatations de la Cour dans l’arrêt Allain (139) ne s’opposent pas à l’opinion défendue ici. Contrairement à ce qui est le cas dans la présente affaire, le cadre factuel et de droit communautaire dans l’affaire Allain s’était modifié a posteriori en faveur de l’accusé. La même chose vaut pour l’affaire Awoyemi ainsi que pour l’affaire Skanavi et Chryssanthakopoulos où le droit communautaire s’était également modifié entre-temps (140). De telles situations ne doivent pas être comparées à celles où une réglementation favorable à l’accusé mais contraire au droit communautaire est introduite a posteriori au niveau national.

    4.      Conclusion intermédiaire

    169. Il faut donc constater en résumé que les juridictions d’un État membre sont tenues de donner effet aux prescriptions d’une directive sans saisine préalable de la Cour constitutionnelle nationale en laissant inappliquée la loi pénale plus douce adoptée après les faits pour autant que cette loi est incompatible avec la directive.

    V –    Conclusion

    170. Compte tenu des réflexions qui précèdent nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Tribunale di Milano et la Corte d’appello di Lecce:

    «1)      L’article 6, premier tiret, de la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 58, deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers, en combinaison avec les articles 2, paragraphe 3, et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés, ainsi que l’article 10 CE, impose aux États membres de prévoir des sanctions appropriées non seulement pour les cas d’omission complète de publication des comptes annuels mais également pour les cas de publication de comptes annuels faux dans leur contenu.

    2)      Des sanctions sont appropriées au sens de l’article 6 de la première directive lorsqu’elles sont efficaces, proportionnées et dissuasives. Il convient à cet égard d’accorder une attention particulière non seulement aux intérêts des associés et des créanciers, mais aussi aux intérêts des autres tiers et à la protection de leur confiance dans la présentation fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société. La question de savoir si une disposition juridique nationale contient une sanction efficace, proportionnée et dissuasive doit être examinée en tenant compte, dans tous les cas où cette question se pose, de la place de cette disposition dans l’ensemble réglementaire, y compris le déroulement de la procédure et les particularités de la procédure devant les différentes autorités nationales.

    3)      L’article 6, premier tiret, de la première directive, en combinaison avec les articles 2, paragraphe 3, et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive, ne s’oppose pas à une disposition juridique nationale en vertu de laquelle la sanction des fausses communications sociales est exclue si, à travers cet acte, la présentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société ou du groupe d’entreprises n’est pas faussée de manière significative, à moins que l’acte n’ait été commis intentionnellement et avec une intention de tromper ou de s’enrichir.

    Ces mêmes dispositions s’opposent toutefois à une disposition juridique nationale en vertu de laquelle – sans appréciation d’ensemble de toutes les circonstances du cas particulier – la sanction des fausses communications sociales est toujours exclue lorsque les fausses informations ou les omissions conduisent à une modification qui ne s’écarte pas de la valeur correcte de plus d’un certain pourcentage.

    4)      L’article 6, premier tiret, de la première directive, en combinaison avec les articles 2, paragraphe 3, et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive, s’oppose à des règles de prescription en vertu desquelles l’imposition effective des sanctions prévues n’est en réalité pas à attendre ou ne l’est que rarement.

    5)      L’article 6, premier tiret, de la première directive, en combinaison avec les articles 2, paragraphe 3, et 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive, ne s’oppose pas à une disposition juridique nationale en vertu de laquelle des sanctions protégeant les intérêts patrimoniaux de certaines personnes ne peuvent en règle générale être imposées que sur plainte de la personne lésée. Cela suppose néanmoins qu’il y ait par ailleurs une disposition juridique générale qui prévoit des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives aux fins de la protection des intérêts des tiers indépendamment d’un éventuel préjudice patrimonial et qui peuvent être imposées d’office.

    6)      L’article 38, paragraphe 6, en combinaison avec le paragraphe 1 et l’article 16, paragraphe 3, de la septième directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité, concernant les comptes consolidés, doit être interprété de la même manière.

    7)      Les juridictions d’un État membre sont tenues de donner effet aux prescriptions d’une directive sans saisine préalable de la Cour constitutionnelle nationale en laissant inappliquée une loi pénale plus douce adoptée après les faits pour autant que cette loi est incompatible avec la directive.»


    1 – Langue originale: l'allemand.


    2  – JO L 65, p. 8. L'article 58 du traité CEE correspond à l'article 48 CE.


    3  – JO L 222, p. 11. L'article 54, paragraphe 3, du traité CEE correspond à l'article 44, paragraphe 2, CE.


    4  –      Voir articles 1er de la première directive et 1er, paragraphe 1, de la quatrième directive.


    5  – JO L 193, p. 1. L'article 54, paragraphe 3, du traité CEE correspond à l'article 44, paragraphe 2, CE.


    6  – La première, la quatrième et la septième directive ont été dernièrement modifiées par l'annexe II, paragraphe 4, de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33). Les dispositions pertinentes pour la présente procédure préjudicielle étaient toutefois, à moins que le contraire n'ait été stipulé, déjà contenues dans la version originale de la directive. Pour des raisons temporelles, les modifications de la première directive par l'article 1er de la directive 2003/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2003 (JO L 221, p. 13), sont sans importance en l'espèce.


    7  – Quatrième directive dans la version de la directive 90/605/CEE du Conseil, du 8 novembre 1990, modifiant les directives 78/660 et 83/349, en ce qui concerne leur champ d'application (JO L 317, p. 60).


    8  – Décret législatif.


    9  – Le Decreto legislativo est reproduit dans la GURI n° 88, du 15 avril 2002, p. 4. Il repose sur une autorisation parlementaire à l'article 11 de la loi n° 366, du 3 octobre 2001 (GURI n° 234, du 8 octobre 2001).


    10  – Code civil italien


    11  – Voir point 42 du renvoi préjudiciel dans l'affaire C-391/02.


    12  – Ainsi la Corte d’appello di Lecce aux points 19 et 20 de sa décision de renvoi dans l'affaire C‑391/02, s'appuyant sur l'arrêt n° 6889 de la Corte suprema di cassazione, 5ème chambre du 20 février 2001.


    13  – Ainsi expressément le Tribunale di Milano dans sa décision de renvoi dans l'affaire C-403/02.


    14  – GURI n° 140, du 19 juin 2001.


    15  – Le fait qu'il s'agisse de sanctions pour les sociétés découle de l'intitulé de l'article 3 du Decreto legislativo n° 61/02 ainsi que de l'économie générale du Decreto legislativo n° 231/01 qui traite de la responsabilité administrative des personnes morales, des sociétés et des associations même sans personnalité juridique («responsabilità amministrativa delle persone giuridiche, delle società e delle associazioni anche prive di personalità giuridica»).


    16  – Code pénal italien.


    17  – Dans les procédures au principal, il n'en va ni (au moment des faits) d'une entreprise cotée en bourse ni d'actes commis au détriment de l'État, d'autres établissements publics ou des Communautés européennes.


    18  – Appelées aussi en langage courant «caisses noires».


    19  – Ainsi qu'il ressort du dossier dans les procédures au principal et des informations complémentaires fournies par l'accusé M. Berlusconi, l'accusation repose en outre sur d'autres dispositions pénales comme l'article 2640 ancienne version du Codice Civile.


    20  – Voir aussi JO 2003, C 19, p. 10.


    21  – Le résultat économique de l'année commerciale avant impôts n'aurait pas été modifié de plus de 5 % et le patrimoine net pas plus de 1 % (voir article 2621, paragraphe 3 nouvelle version du Codice Civile).


    22  – Ainsi que l'accusé M. Dell'Utri l'affirme à titre complémentaire dans ses observations écrites, il s'agit dans son cas du grief d'irrégularités comptables dans les bilans de la société Publitalia '80 SpA, qui agissait en tant que «concessionaria di pubblicità» pour le groupe Fininvest SpA et dont le président était M. Dell'Uri. L'accusation reposait entre autres sur le grief de la constitution de caisses noires («réserves dissimulées»).


    23  – Procureur près la juridiction d'appel de Lecce.


    24  – Procureur de Milan.


    25  – Par simplicité, ce terme sera utilisé comme terme générique pour la première, la quatrième et la septième directive.


    26  – Arrêt du 25 mars 2004, Azienda Agricola Ettore Ribaldi e.a. (C‑480/00 à C‑482/00, C‑484/00, C‑489/00, C‑490/00, C‑491/00, C‑497/00, C‑498/00 et C‑499/00, non encore publié au Recueil, point 73); ordonnance du 11 février 2004, Cannito (C‑438/03, C-439/03, C-509/03 et C-2/04, non encore publiée au Recueil, points 6 à 8 avec d'autres références), et arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C‑320/90 à C‑322/90, Rec. p. I-393, point 6).


    27  – Voir, par exemple, l'ordonnance Cannito (en particulier points 9 et 10) et arrêt Telemarsicabruzzo e.a. (en particulier points 8 et 9), précités à la note 26.


    28  – Par exemple sur l'annulation de décisions des sociétés par lesquelles le bilan d'une société est fixé.


    29  – L'objet d'une procédure de contrôle de constitutionnalité pourrait être, selon les indications des juridictions de renvoi, entre autres la question de savoir si le Decreto legislativo n° 61/02 est inconstitutionnel parce que le législateur a violé les obligations de droit communautaire de la République italienne.


    30  – Voir, à ce sujet, les points 131 et suiv. de ces conclusions.


    31  – Pour les détails, voir points 132 et suiv. de ces conclusions.


    32  – Arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I-4921, points 59 à 61); du 13 mars 2001, PreussenElektra (C-379/98, Rec. p.   I-2099, points 38 et 39), et Azienda Agricola Ettore Ribaldi e.a. (précité à la note 26, point 72); du 7 janvier 2003, BIAO (C-306/99, Rec. p. I-1, points 88 et 89).


    33  – Arrêt n° 161/2004 de la Corte costituzionale, du 26 mai/1er juin 2004.


    34  – L'article 117, paragraphe 1, de la Constitution italienne dispose que le pouvoir législatif est exercé par l'État et les Régions dans le respect de la Constitution, aussi bien que des contraintes découlant de la réglementation communautaire et des obligations internationales.


    35  – Ordonnance n° 165/2004 de la Corte costituzionale, du 26 mai/1er juin 2004.


    36  – Nous noterons simplement en marge que la Cour a jusqu'à maintenant toujours reconnu comme recevables des renvois dans des situations comparables. Voir arrêts du 26 septembre 1996, Allain (C-341/94, Rec. p. I-4631, points 12 et 13); du 25 juin 1997, Tombesi e.a. (C-304/94, C‑330/94, C-342/94 et C-224/95, Rec. p. I‑3561, points 39 et 40), et ordonnance du 15 janvier 2004, Saetti et Frediani (C‑235/02, non encore publiée au Recueil, point 26). Voir, en outre, les développements aux points 25 à 27 de nos conclusions du 10 juin 2004 dans l'affaire Niselli (C‑457/02, pendante devant la Cour).


    37  – Sur le terme et la composition des comptes annuels, voir article 2, paragraphe 1, de la quatrième directive. Le terme de ‘comptes annuels’ sera utilisé ci-après pour des raisons de commodité.


    38  – Ainsi expressément à chaque fois la première question préjudicielle dans les affaires C-387/02 et C-403/02. La décision de renvoi dans l'affaire C-391/02 suppose déjà, dans son point 35, que des sanctions appropriées doivent être prévues pour le cas de la publication de comptes annuels faux dans leur contenu.


    39  – Une réglementation identique dans son contenu est prévue à l'article 38, paragraphe 6, de la septième directive pour les comptes consolidés de groupes d'entreprises.


    40  – Voir ici, au lieu d'une série, seulement l'arrêt du 13 novembre 2003, Granarolo (C‑294/01, Rec. p. I-13429, point 34 avec d'autres références).


    41  – Voir, à ce sujet, l’arrêt BIAO (précité à la note 32, points 72 et suiv), et arrêts du 27 juin 1996, Tomberger (C‑234/94, Rec. p. I-3133, point 17), corrigé par l'ordonnance du 10 juillet 1997, non publiée au Recueil et du 14 septembre 1999, DE + ES Bauunternehmung (C‑275/97, Rec. p. I-5331, points 26 et 27). Pour les comptes consolidés, la même chose découle de l'article 16, paragraphe 3, en combinaison avec le cinquième considérant de la septième directive.


    42  – Arrêts du 4 décembre 1997, Daihatsu Deutschland (C-97/96, Rec. p. I-6843, point 14), et du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne (C-191/95, Rec. p. I-5449, point 66).


    43  – L'article 47, paragraphe 1, premier alinéa, de la quatrième directive renvoie expressément à la première directive; à l'inverse la première directive annonce déjà à l'article 2, paragraphe 1, sous f), l'adoption d'une directive relative à la coordination du contenu des bilans et des comptes de profits et pertes, ce qui s'est réalisé avec la quatrième directive.


    44  – Sur le défaut de connaissances des tiers sur la situation comptable et financière de la société voir aussi l'arrêt Daihatsu Deutschland (précité à la note 42, point 22). De même, l'avocat général Cosmas souligne, au point 32 de ses conclusions du 5 juin 1997 dans l'affaire Commission/Allemagne (précitée à la note 42, Rec. p. I-5452), que l'obligation de publicité des comptes annuels a pour but «l'information des personnes qui ne connaissent pas suffisamment la situation de la société ni ce qui s'y trame, pour précisément pouvoir apprécier l'opportunité de tisser avec elle toute espèce de lien juridique».


    45  – La pertinence des directives adoptées au titre de l'article 44, paragraphe 2, sous g), CE pour la réalisation du marché intérieur a été également soulignée par la Cour dans arrêt Daihatsu Deutschland (précité à la note 42, point 18); de manière similaire déjà arrêt du 12 novembre 1974, Haaga (32/74, Rec. p. 1201, point 6).


    46  – La grande importance de l'exactitude des comptes annuels non seulement pour les associés et les créanciers, mais aussi pour les marchés financiers et l'économie en général est aussi soulignée par exemple dans le rapport d'un groupe de haut niveau d'experts publié le 4 novembre 2002 à Bruxelles et qui, sur demande de la Commission, a formulé des recommandations sur le droit communautaire des sociétés: «Un cadre réglementaire moderne pour le droit européen des sociétés – Rapport du groupe de haut niveau d'experts en droit des sociétés», p. 71 et suiv., section 4.3, premier paragraphe, consultation possible (20 juillet 2004) à l'adresse suivante: http://europa.eu.int/comm/internal_market/fr/company/company/modern /index.htm.


    47  – De manière similaire – même si cela faisait référence en définitive aux sanctions pour la non-publicité des comptes annuels – les conclusions de l'avocat général Cosmas du 5 juin 1997 dans l'affaire Commission/Allemagne (précitée à la note 42, point 30).


    48  – L'article 47, paragraphe 1 bis, de la quatrième directive a été rajouté par la directive 90/605.


    49  – Arrêt du 16 décembre 1997 (C-104/96, Rec. p. I-7211, en particulier points 22 à 25).


    50  – Arrêt Rabobank (précité à la note 49, points 25 et 27).


    51  – Jurisprudence constante depuis l'arrêt du 21 septembre 1989, Commission/Grèce (68/88, Rec. p. 2965, point 23); voir aussi arrêts Allain (précité à la note 36, point 24) ainsi que du 30 septembre 2003, Inspire Art (C-167/01, Rec. p. I-10155, point 62), et du 15 janvier 2004, Penycoed (C-230/01, non encore publié au Recueil, point 36).


    52  – Voir en particulier à chaque fois la deuxième question préjudicielle dans les affaires C-387/02 et C-403/02 ainsi que la première question préjudicielle dans l'affaire C-391/02.


    53  – Voir à ce sujet en particulier la sixième question préjudicielle dans l'affaire C-391/02.


    54  – Voir, à ce sujet, les motifs à chaque fois pour la deuxième question préjudicielle dans les affaires C-387/02 et C-403/02 ainsi que pour la première question préjudicielle dans l'affaire C‑391/02.


    55  – Voir, à ce sujet, la cinquième et la sixième question préjudicielle dans l'affaire C-391/02 ainsi que la troisième question préjudicielle dans l'affaire C-403/02.


    56  – Voir, à ce sujet, la troisième question préjudicielle dans l'affaire C-387/02 ainsi que la deuxième, la troisième et la quatrième question préjudicielle dans l'affaire C-391/02.


    57  – C'est ce que vise la première partie de la troisième question préjudicielle dans l'affaire C-403/02.


    58  – Jurisprudence constante: voir simplement Tombesi e.a. (précité à la note 36, point 36) ainsi que arrêts du 15 décembre 1993, Hünermund e.a. (C-292/92, Rec. p. I‑6787, point 8); du 3 mai 2001, Verdonck e.a. (C-28/99, Rec. p. I-3399, point 28), et du 9 septembre 2003, Jaeger (C‑151/02, Rec. p. I-8389, point 43). De manière similaire, arrêt Inspire Art (précité à la note 51, point 63).


    59  – Jurisprudence constante depuis l'arrêt Commission/Grèce (précité à la note 51, points 23 et 24). Voir aussi arrêts Allain (précité à la note 36, point 24) et Inspire Art (précité à la note 51, point 62).


    60  – Voir le deuxième considérant de la première directive et la premier considérant de la quatrième directive ainsi que développements aux points 72 à 75 des présentes conclusions.


    61  – Ce dernier aspect est souligné par l'avocat général Van Gerven au point 8 de ses conclusions du 5 décembre 1989 dans l'affaire, Hansen (arrêt du 10 juillet 1990, C‑326/88, Rec. p. I-2911, I‑2919). Efficace signifie selon lui «entre autres que les États membres sont tenus de chercher à atteindre et à mettre en œuvre les buts des dispositions concernées du droit communautaire».


    62  – Voir, simplement, arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C‑312/93, Rec. p. I‑4599, point 12), et du 7 janvier 2004, Wells (C-201/02, non encore publié au Recueil, point 67 avec d'autres références).


    63  – Voir, par exemple, arrêts du 26 juin 2003, Commission/Espagne (C-404/00, Rec. p. I-6695, point 24); du 16 juillet 1998, Oelmühle et Schmidt Söhne (C-298/96, Rec. p. I-4767, point 24), et du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a. (205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, point 19).


    64  – De même l'avocat général Van Gerven dans ses conclusions du 5 décembre 1989 dans l'affaire Hansen (précitée à la note 61, point 8): «‘Dissuasives’ et ‘proportionnelles’ signifient que la rigueur des sanctions doit être suffisante, mais pas disproportionnée, eu égard aux buts poursuivis».


    65  – Arrêt du 18 octobre 2001, Commission/Irlande (C-354/99, Rec. p. I-7657, point 47), et point 27 des conclusions de l'avocat général Geelhoed du 5 avril 2001 (Rec. p. I-7660). Voir aussi arrêts du 8 juin 1994, Commission/Royaume-Uni (C-382/92, Rec. p. I-2435, points 56 à 58 (C 383/92, Rec. p. I-2479, points 41 et 42).


    66  – Sur le principe de la proportionnalité voir par exemple les arrêts du 3 juillet 2003, Lennox, C‑220/01, Rec. p. I-7091, point 76, du 12 mars 2002, Omega Air e.a., C‑27/00 et C‑122/00, Rec. p. I-2569, point 62, du 11 juillet 1989, Schräder/Hauptzollamt Gronau, 265/87, Rec. p. 2237, point 21. Voir aussi l'arrêt du 23 janvier 1997, Pastoors et Trans-Cap/Belgische Staat, C-29/95, Rec. p. I-285, point 24, dernière phrase et les points 25 à 28.


    67  – En ce sens – à l'égard de la compatibilité de dispositions procédurales nationales avec le principe d'effectivité – la jurisprudence constante: voir par exemple l'arrêt Peterbroeck (cité à la note 62, point 14) ainsi que les arrêt du 10 avril 2003, Steffensen, C-276/01, Rec. p. I-3735, point 66, du 27 février 2003, Santex, C-327/00, Rec. p. I-1877, point 56 et du 21 novembre 2002, Cofidis, C-473/00, Rec. p. I-10875, point 37.


    68  – Voir, à ce sujet, aussi la jurisprudence citée à la note 41.


    69  – L'article 16 de la septième directive contient des dispositions correspondantes pour les comptes consolidés.


    70  – SEC Staff Accounting Bulletin n° 99, 17 CFR Part 211 [Release N° SAB 99], du 12 août 1999, consultable (13 juillet 2004) à l'adresse suivante . Selon l'administration de la SEC: «Exclusive reliance on certain quantitative benchmarks to assess materiality in preparing financial statements and performing audits of those financial statements is inappropriate; misstatements are not immaterial simply because they fall beneath a numerical threshold». On mentionne en tant que l'un parmi plusieurs critères pour apprécier si une dérogation quantitativement minime peut toutefois être qualitativement importante que: «whether the misstatement involves concealment of an unlawful transaction». Le caractère volontaire d'une fausse information peut également jouer un rôle pour son appréciation: «In certain circumstances, intentional immaterial misstatements are unlawful».


    71  – Ce qu'affirme néanmoins l'accusé M. Berlusconi dans ses observations écrites.


    72  – Règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (JO L 10, p. 30).


    73  – Voir cinquième et septième considérant du règlement d'exemption par catégorie.


    74  – Voir point 11 de la communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (de minimis) (JO 2001, C 368, p. 13).


    75  – Pour comparaison: pour l'article 2621 ancienne version du Codice Civile, le délai de prescription était de dix ans; en cas d'interruption de ce délai la prescription intervenait au total au plus tard après quinze ans (voir, par exemple, point 42 de la décision de renvoi dans l'affaire C-391/02).


    76  – Arrêt du 24 juin 2004, Handlbauer (C-278/02, non encore publié au Recueil, point 40), corrigé par l'ordonnance du 14 juillet 2004 non encore publiée au Recueil).


    77  – Article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1).


    78  – Articles 25 et 26 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1). On trouve une réglementation des délais analogue à la prescription aussi à l'article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1). Il faut toutefois souligner que les délais au titre de l'article 25, paragraphe 6, du règlement 1/2003 et au titre de l'article 15, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement 659/1999 sont suspendus tant qu'une procédure judiciaire est en cours.


    79  – On retrouve des considérations similaires dans un autre contexte, à savoir dans la jurisprudence sur l'applicabilité de certains délais de prescription du droit national à des faits ayant un lien avec le droit communautaire. La Cour admet par principe la fixation de délais (de prescription), mais conformément au principe d'effectivité de tels délais ne doivent pas rendre l'application du droit communautaire pratiquement impossible ou excessivement difficile; voir à ce sujet les arrêts du 15 septembre 1998, Edilizia Industriale Siderurgica/Ministero delle Finanze, C‑231/96, Rec. p.   I-4951, points 34 et 35 et du 17 juin 2004, Recheio – Cash & Carry, C-30/02, Non encore publié au Recueil, points 17 et 18.


    80  – Voir aussi les points 88 et 89 des présentes conclusions.


    81  – Si les juridictions de renvoi voulaient s'appuyer aussi pour l'appréciation du système italien de prescription, ainsi que le suggère l'accusé M. Berlusconi, sur des statistiques, elles devraient logiquement veiller à ce que de telles statistiques soient pertinentes c'est-à-dire qu'elles se rapportent spécifiquement aux infractions en cause ici et qu'elles permettent une comparaison entre les effets de la prescription en fonction de l'ancien et du nouveau droit applicable.


    82  – Signée à Rome le 4 novembre 1950.


    83  – JO 2000, C 364, p. 1. Même si cette charte ne produit pas encore d'effets de droits contraignants comparables au droit primaire, elle fournit tout de même en tant que source de référence juridique des indications sur les droits fondamentaux garantis par l'ordre juridique communautaire; voir, en ce sens aussi, point 28 des conclusions de l'avocat général Tizzano du 8 février 2001 dans l'affaire BECTU (arrêt du 26 juin 2001, C-173/99, Rec. p. I-4881, I‑4883); points 82 et 83 des conclusions de l'avocat général Léger du 10 juillet 2001 dans l'affaire Hautala (arrêt du 6 décembre 2001, C-353/99 P, Rec. p. I-9565, I-9567); point 126 des conclusions de l'avocat général Mischo du 20 septembre 2001 dans Booker Aquaculture et Hydro Seafood (arrêt du 10 juillet 2003, C-20/00 et C-64/00, Rec. p. I-7411, I-7415), ainsi que point 51 des conclusions de l'avocat général Poiares Maduro du 29 juin 2004 dans l'affaire Nardone/Commission (C-181/03 P, pendante devant la Cour).


    84  – Arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, en particulier points 21, 29 et 47), et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I-8375, en particulier point 187).


    85  – Arrêt précité à la note 42, point 23; voir aussi arrêt Commission/Allemagne (précité à la note 42, point 67) ainsi que ordonnance du 23 septembre 2004, Springer et Weske (C-435/02 et C‑103/03, non encore publiée au Recueil, points 28 à 35).


    86  – Points 67 à 81 des présentes conclusions.


    87  – Voir, à ce sujet, points 93 à 104 et 106 à 111 des présentes conclusions.


    88  – Les accusés MM. Berlusconi et Dell'Utri mentionnent dans ce contexte par exemple les articles 2393 à 2395 du Codice Civile.


    89  – Les accusés MM. Berlusconi et Dell'Utri renvoient dans ce contexte par exemple à  l'article 2379 et au nouvel article 2434 bis du Codice Civile.


    90  – Dans ce contexte, plusieurs parties font référence au nouvel article 25 ter du Decreto legislativo n° 231/01 (introduit par le Decreto legislativo n° 61/02)


    91  – Il est renvoyé dans ce contexte spécifiquement à l'article 2630 nouvelle version du Codice Civile.


    92  – Dans ce contexte, les accusés MM. Berlusconi et Dell'Utri, par exemple, renvoient entre autres aux articles 2409 bis à 2409 septies du Codice Civile, introduits par le Decreto legislativo n° 6, du 17 janvier 2003 (GURI n° 17, du 22 janvier 2003).


    93  – Voir points 85 à 87 des présentes conclusions.


    94  – Arrêt du 2 octobre 1991, Vandevenne e.a. (C‑7/90, Rec. p. I-4371, point 17, ainsi que le point 8 des conclusions de l'avocat général Van Gerven du 19 février 1991). De manière similaire, arrêt du 12 septembre 1996, Gallotti e.a. (C‑58/95, C‑75/95, C‑112/95, C‑119/95, C‑123/95, C‑135/95, C‑140/95, C‑141/95, C‑154/95 et C‑157/95, Rec. p. I-4345, points 14 et 15).


    95  – Voir, en ce sens, par exemple arrêt Inspire Art (précité à la note 51, points 62 et 63). Voir aussi point 91 des présentes conclusions.


    96  – Voir, à ce sujet, points 115 à 117 des présentes conclusions avec des renvois aux arrêts Daihatsu Deutschland et Commission/Allemagne (précités à la note 42).


    97  – Les accusés MM. Berlusconi et Dell'Utri y font allusion dans leurs observations écrites. Le procureur général auprès de la Corte d’appello di Lecce souligne à l'inverse dans ses observations écrites que, par exemple pour les entreprises cotées en bourse, tout tiers ne peut pas obtenir une telle annulation. Les accusés MM. Berlusconi et Dell'Utri signalent eux aussi dans leurs mémoires certaines restrictions aux droits de recours des tiers (voir, par exemple, l'article 2434 bis du Codice Civile).


    98  – Ainsi que l'avocat général Cosmas le souligne dans ses conclusions du 5 juin 1997 dans l'affaire Commission/Allemagne (précitée à la note 44, point 33), les personnes qui sont autorisées n'ont pas toujours un intérêt à lancer la procédure correspondante.


    99  – Dans la version du Decreto legislativo n° 61/02. Tant l'accusé M. Berlusconi que l'accusé M. Dell'Utri renvoient expressément à cette disposition.


    100  – Voir aussi articles 5 et 6 du Decreto legislativo n° 231/01.


    101  – Points 67 à 81 des présentes conclusions.


    102  – Voir, à ce sujet, les articles 51 de la quatrième directive et 37 de la septième directive. Voir, par ailleurs, les articles 23 à 27 de la huitième directive 84/253/CEE du Conseil, du 10 avril 1984, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 point g) du traité CEE, concernant l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables (JO L 126, p. 20, dernièrement modifiée par l'annexe XXII de l'accord sur l'Espace économique européen, JO 1994, L 1, p. 517). L'article 54, paragraphe 3, du traité CEE correspond à l'article 44, paragraphe 2, CE.


    103  – On parle ainsi, encore plus clairement que dans la version linguistique allemande de cette disposition, par exemple dans la version française de «sanctions appropriées», dans la version italienne de «adeguate sanzioni», dans la version espagnole de «sanciones apropiadas», dans la version portuguaise de «sanções apropriadas» dans la version néerlandaise de «passende sancties» et dans la version anglaise de «appropriate penalties».


    104  – Lors de l'audience, le procureur général de Lecce a par exemple signalé que la sanction de l'interdiction de profession pour les dirigeants d'entreprise ne pouvait être prononcée qu'en  liaison avec un délit («delitto»).


    105  – Voir, à propos du même problème, nos conclusions dans l'affaire Niselli (précitée à la note 36, points 52 à 75).


    106  – Ils invoquent à cette occasion l'article 3 de la Constitution italienne (principe de l'égalité de traitement) ainsi que les articles 11 et 117 de ladite Constitution (engagements internationaux et en particulier de droit communautaire de la République italienne); voir, à ce sujet, aussi la note 34.


    107  – Jurisprudence constante depuis l'arrêt du 15 juillet 1964, Costa (6/64, Rec. p. 1141).


    108  – Arrêt du 9 mars 1978 (106/77, Rec. p. 629, points 21 à 23). Voir aussi arrêts du 19 juin 1990, Factortame e.a. (C‑213/89, Rec. p. I-2433, point 20), et du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, Rec. p. I-5357, point 32).


    109  – Arrêt Simmenthal (précité à la note 108, point 24, c'est nous qui nous soulignons). Voir aussi les arrêts du 8 juin 2000, Carra e.a. (C‑258/98, Rec. p. I-4217, point 16), et du 18 septembre 2003, Morellato (C‑416/00, Rec. p. I‑9343, points 43 et 44).


    110  – Arrêt du 4 avril 1968, Milch-, Fett- und Eierkontor (25/67, Rec. p. 305, points 2 et 3). Voir aussi arrêt du 3 février 1977, Benedetti (52/76, Rec. p. 163, points 26 et 27), et ordonnance du 5 mars 1986, Wünsche (69/85, Rec. p. 947, points 13 à 15), de même avis 1/91, du 14 décembre 1991 (Rec. p. I-6079, point 61).


    111  – Arrêts du 15 novembre 1979, Denkavit Futtermittel (36/79, Rec. p. 3439, points 16 et 17); et du 27 mars 1980, Salumi e.a. (66/79, 127/79 et 128/79, Rec. p. 1237, point 9); du 22 octobre 1998, IN.CO.GE.'90 e.a. (C‑10/97 à C‑22/97, Rec. p. I‑6307, point 23) et du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C-453/00, non encore publié au Recueil, point 21).


    112  – Arrêts du 11 juin 1987, Pretore di Salò (14/86, Rec. p. 2545, point 20); du 26 septembre 1996, Arcaro (C‑168/95, Rec. p. I-4705, point 36), et du 7 janvier 2004, X (C‑60/02, non encore publié au Recueil, point 61).


    113  – Conclusions de l'avocat général Colomer du 18 juin 1996 dans l’affaire X (arrêt du 12 décembre 1996, C-74/95 et C-129/95, Rec. p. I-6609, I-6612, point 43). Conclusions de l'avocat général Jacobs du 24 octobre 1996 dans l’affaire Tombesi e.a. (arrêt du 25 juin 1997, C-304/94, C‑330/94, C-342/94 et C-224/95, Rec. p. I‑3564, point 37).


    114  – Présenté pour signature le 19 décembre 1966 (UN Treaty  Series, Vol. 999, p. 171).


    115  – Voir, à ce sujet, l'arrêt du 12 décembre 1996, X (précité à la note 113, point 25 avec renvoi aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme Kokkinakis du 25 mai 1993 : série A n° 260-A, § 52, et S.W./Royaume-Uni et C.R./Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, §. 35 et 335-C, §. 33. Voir aussi arrêt du 10 juillet 1984, Kirk (63/83, Rec. p. 2689, point 22).


    116  – Voir, à ce sujet, en particulier arrêts DU 12 décembre 1996, X (précité à la note 113, points 24 et 25); du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen (80/86, Rec. p. 3969, point 13), et Arcaro (précité à la note 112, point 42).


    117  – Arrêts Pretore di Salò (précité à la note 112, point 19), Arcaro (précité à la note 112, point 36) et Daihatsu Deutschland (précité à la note 42, point 24), renvoyant à chaque fois à l'arrêt du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48). Voir, en outre, arrêts Tombesi e.a. (précité à la note 36, point 42) et du 12 décembre 1996, X (précité à la note 113, point 23).


    118  – Conclusions du 6 mai 2003 (arrêt du 5 octobre 2004, C-397/01 à C-403/01, non encore publié au Recueil). Puisque, selon la Cour, la question de fond de l'applicabilité directe des directives entre les particuliers a été soulevée, elle a renvoyé l'affaire à la grande chambre et a rouvert la procédure orale. Dans ses secondes conclusions du 27 avril 2004, M. l'avocat général a réitéré son point de vue.


    119  – Point 38 des (secondes) conclusions du 27 avril 2004 dans l’affaire Pfeiffer e.a., précitée.


    120  – Voir, à ce sujet, les références à la note 112.


    121  – Arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C‑129/96, Rec. p. I‑7411, point 45); du 8 mai 2003, ATRAL (C‑14/02, Rec. p. I-4431, point 58), et du 5 février 2004, Rieser Internationale Transporte (C‑157/02, non encore publié au Recueil, point 66).


    122  – Voir, à ce sujet, points 154 et suiv. des présentes conclusions.


    123  – Précité à la note 36, point 43. Voir, en outre, ordonnance Saetti et Frediani (précitée à la note 36, point 26).


    124  – Précitée à la note 36.


    125  – Pour ce qui est du caractère comparable de la présente affaire avec les affaires Tombesi e.a. et Niselli la question de savoir si le Decreto legislativo n° 61/02 a pour effet une «abolitio criminis» (partielle) ainsi que le prétend l'accusé M. Dell'Utri ou s'il y a au contraire «continuité de la réglementation» entre les anciennes et les nouvelles dispositions pénales ainsi que l'affirment le Tribunal di Milano dans décision de renvoi dans l'affaire C-403/02 et le gouvernement italien dans son mémoire ne joue en outre aucun rôle. Ce qui est décisif, c’est le fait qu'ici comme là, à la suite d’une modification de la législation, certains actes ne sont pas sanctionnés alors qu'ils l'étaient encore avant (et au moment des faits). La discussion à propos de l'«abolitio criminis» et de la «continuité de la réglementation» est de nature purement académique.


    126  – Voir, l'arrêt Wells (précité à la note 62, point 57) et nos conclusions du 29 janvier 2004 dans l'affaire Waddenvereniging et Vogelbescherming-vereniging (arrêt du 7 septembre 2004, points 146 et suiv.).


    127  – Voir arrêt Allain (point 12), ordonnance Saetti et Frediani (point 26) et arrêt Tombesi e.a. (points 42 et 43), cités à chaque fois à la note 36. De manière similaire, arrêts du 23 février 1995, Bordessa e.a. (C‑358/93 et C‑416/93, Rec. p. I‑361, point 9); du 14 décembre 1995, Sanz de Lera e.a. (C‑163/94, C‑165/94 et C‑250/94, Rec. p. I-4821, point 14); du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C‑193/94, Rec. p. I-929, point 17), et du 29 octobre 1998, Awoyemi, C‑230/97 (Rec. p. I-6781, point 38). Voir, par ailleurs, conclusions de l'avocat général Jacobs dans l'affaire Tombesi e.a., précitées à la note 36, point 35).


    128  – Arrêt précité à la note 36.


    129  – En Italie par exemple, ce principe est ancré à l'article 2, paragraphe 3, du Codice Penale, en Allemagne à l'article 2, paragraphe 3, du Strafgesetzbuch (code pénal). Ce n'est, pour autant que l'on puisse en juger, qu'en Irlande et au Royaume-Uni que ce principe n'est pas reconnu.


    130  – Voir, par exemple, l'article 15, paragraphe 1, troisième phrase, du pacte international sur les droits civils et politiques.


    131  – Voir article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2988/95 et arrêt du 1er juillet 2004, Gerken (C‑295/02, non encore publié au Recueil, points 52 à 58).


    132  – La question de savoir s'il s'agit d'un principe de droit communautaire a déjà été soulevée par l'avocat général Fennelly dans ses conclusions du 7 mars 1996 dans l'affaire Allain (précitée à la note 36, Rec. p. I-4633, point 43), mais il n'y a pas répondu. L'avocat général Léger y a répondu par la négative dans ses conclusions du 16 juillet 1998 dans l'affaire Awoyemi (précitée à la note 127, Rec. p. I-6784, points 31 et 32) renvoyant à la jurisprudence antérieure.


    133  – Sur l'obligation de respecter les principes généraux du droit communautaire voir, plutôt que toute une série, arrêt du 26 octobre 1995, Siesse (C‑36/94, Rec. p. I‑3573, point 21).


    134  – En Italie par exemple, l'application rétroactive de la loi pénale plus douce est exclue si un arrêt définitif a déjà été rendu ou lorsqu'il s'agit de lois d'exception ou d'application limitée dans le temps (article 2, paragraphes 3 et 4, du Codice Penale). La Commission renvoie en outre à l'arrêt n° 51 de la Corte costituzionale des 19/22 février 1985, en vertu duquel le principe de l'application rétroactive de la loi pénale plus douce ne vaudrait pas pour un décret‑loi (Decreto legge) qui n'a pas été transformé en loi par le Parlement après son adoption et a par conséquent perdu sa validité rétroactivement; voir à ce sujet aussi article 77, paragraphe 3, de la Constitution italienne.


    135  – Il en irait différemment dans le cas inverse, si la loi pénale applicable au moment des faits était la plus douce ou s'il n'y avait à cette époque pas du tout de sanction. Il ne s'agit alors pas d'une exception au principe de la légalité des peines, principe fondamental de l'État de droit, mais au contraire tout simplement de son application. La loi pénale plus douce ou l'absence de sanctions doit dans ces circonstances s'appliquer même lorsque l'état du droit national de l'époque violait le droit communautaire.


    136  – Points 156 et 157 des présentes conclusions.


    137  – Pour le domaine du droit pénal et de la procédure pénale, cette idée est exprimée par exemple dans les arrêts du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, point 19), et du 24 novembre 1998, Bickel et Franz (C‑274/96, Rec. p. I-7637, point 17).


    138  – Sur l'obligation de garantir l'effet et l'efficacité pratique du droit communautaire, voir aussi points 88 et 134 à 136 des présentes conclusions.


    139  – Précité à la note 36.


    140  – Arrêts précités à la note 127.

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