COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 23.1.2019
COM(2019) 12 final
RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Programmes de citoyenneté et de résidence par investissement dans l'Union européenne
{SWD(2019) 5 final}
RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU
CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU
COMITÉ DES RÉGIONS
1.Introduction
Au cours des dernières années, on a vu se multiplier les programmes de citoyenneté par investissement (les «passeports dorés») et les programmes de résidence par investissement (les «visas dorés»), qui visent à attirer les investissements en accordant aux investisseurs la citoyenneté du pays concerné ou des droits de résidence dans celui-ci. Ce type de programmes a suscité des inquiétudes quant à certains risques spécifiques qui en découleraient, notamment en matière de sécurité, de blanchiment d’argent, de fraude fiscale et de corruption.
Trois États membres appliquent des programmes de citoyenneté par investissement dans le cadre desquels la citoyenneté est accordée dans des conditions moins strictes que celles prévues par les régimes ordinaires de naturalisation, en particulier sans obligation de résidence préalable effective dans le pays concerné. De tels programmes ont des implications pour l’Union européenne dans son ensemble, car toute personne ayant la nationalité d’un État membre est en même temps un citoyen de l’Union. En effet, bien qu’il s’agisse de programmes nationaux, il en est délibérément fait la promotion et ils sont souvent explicitement annoncés comme un moyen d’acquérir la citoyenneté de l’Union ainsi que tous les droits et privilèges qui y sont associés, en particulier le droit à la libre circulation.
Les programmes de citoyenneté par investissement diffèrent des programmes de résidence par investissement (les «visas dorés»), qui visent à attirer les investissements en échange de droits de résidence dans le pays concerné et sont appliqués par vingt États membres de l’UE. Les risques inhérents aux programmes de résidence par investissement sont néanmoins similaires à ceux soulevés par les programmes d’octroi de la citoyenneté par investissement. Ces programmes ont en outre une incidence sur les autres États membres étant donné qu’un permis de résidence en cours de validité accorde aux ressortissants de pays tiers des droits de circuler librement, en particulier dans l’espace Schengen.
Dans sa résolution du 16 janvier 2014, le Parlement européen a affirmé craindre que les programmes nationaux impliquant la «vente pure et simple, directe ou indirecte» de la citoyenneté européenne ne sapent la notion même de citoyenneté européenne. Il a demandé à la Commission de déterminer si les différents programmes nationaux d’octroi de la citoyenneté sont conformes aux valeurs européennes et à l’esprit et à la lettre de la législation et des pratiques de l’Union. La Commission a contacté les autorités bulgares, chypriotes et maltaises afin d’obtenir des informations plus détaillées sur leurs programmes. Lors d’un débat en mai 2018, le Parlement européen a examiné les différents risques liés aux programmes de citoyenneté et de résidence par investissement.
Dans son rapport 2017 sur la citoyenneté, la Commission a annoncé qu’elle publierait un rapport sur les programmes nationaux accordant la citoyenneté de l’Union aux investisseurs, qui décrira l’action de la Commission dans ce domaine, examinera la législation et les pratiques nationales actuelles et donnera des orientations aux États membres. Pour élaborer ce rapport, la Commission a commandé une étude sur la législation et les pratiques concernant les programmes de citoyenneté et de résidence de tous les États membres concernés et a organisé une consultation avec les États membres. Ce rapport tient également compte d’autres sources pertinentes, notamment des publications récentes sur le sujet.
Le présent rapport porte à la fois sur les programmes de citoyenneté par investissement et sur les programmes de résidence par investissement, et recense les principaux sujets de préoccupation et les principaux risques liés à l’octroi de la citoyenneté de l’Union ou de droits de résidence en contrepartie d’un seul investissement. En particulier, le rapport décrit les éventuelles lacunes en matière de sécurité résultant de l’octroi de la citoyenneté sans condition de résidence préalable, ainsi que les risques de blanchiment d’argent, de corruption et de fraude fiscale liés à la citoyenneté ou à la résidence par investissement. Il s’intéresse également aux problèmes qui ont trait à la gouvernance et à la transparence de ces programmes, s’interroge sur la manière de les résoudre et propose un cadre permettant d’améliorer la situation.
Le rapport est accompagné d’un document de travail des services de la Commission, qui fournit des informations générales plus détaillées sur les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement.
2. Les programmes de citoyenneté par investissement dans l’UE
2.1. Contexte
Comme on peut le lire dans la jurisprudence de la Cour de justice, la nationalité est un lien entre un citoyen et l’État, elle constitue «le rapport particulier de solidarité et de loyauté entre [un État membre] et ses ressortissants ainsi que la réciprocité de droits et de devoirs, qui sont le fondement du lien de nationalité»
. La citoyenneté d’un pays est traditionnellement fondée sur le droit du sang, par filiation (ius sanguinis) ou le droit du sol (ius soli). Les États donnent également aux immigrants la possibilité de se faire naturaliser citoyens, à condition que ceux-ci remplissent certaines conditions d’intégration et/ou qu’ils démontrent l’existence d’un lien réel avec le pays, ce qui peut inclure le mariage avec un de ses ressortissants. Tous les États membres ont mis en place de telles procédures de naturalisation.
La plupart des États membres disposent également de procédures de naturalisation discrétionnaires. Dans le cadre de ces procédures, les États membres peuvent, sur une base individuelle, accorder la citoyenneté à un étranger en raison d’un «intérêt national». La citoyenneté peut être accordée pour des accomplissements exceptionnels, par exemple dans le domaine de la culture, de la science ou du sport. Dans certains États membres de l’UE, la législation prévoit que l’«intérêt national» peut être assimilé à un intérêt économique ou commercial. Les procédures de naturalisation discrétionnaires peuvent être utilisées dans des cas individuels pour accorder la citoyenneté en échange d’un investissement. Ces procédures de naturalisation discrétionnaires sont très individualisées et sont utilisées de manière limitée. Elles ne font donc pas l’objet du présent rapport.
La Bulgarie, Chypre et Malte ont instauré, respectivement en 2005, 2007 et 2013, des programmes plus larges visant à attirer les investissements de ressortissants de pays tiers en leur facilitant l’accès à la citoyenneté. Ces programmes constituent une nouvelle forme de naturalisation puisqu’ils accordent systématiquement la citoyenneté de l’État membre concerné, à condition d’effectuer l’investissement requis et de remplir certains critères.
La Bulgarie, Chypre et Malte étant les seuls États membres à avoir mis en place des programmes de citoyenneté par investissement, la présente section du rapport se concentre sur la législation et les pratiques de ces pays.
2.2. Type et montant de l’investissement requis
Les programmes de citoyenneté par investissement visent à attirer les investissements en offrant la citoyenneté en échange d’une certaine somme d’argent. En Bulgarie, un investissement total de 1 000 000 EUR est demandé dans le cadre du programme accéléré de citoyenneté par investissement. À Chypre, il faut effectuer un investissement minimum de 2 000 000 EUR et posséder un bien immobilier dans le pays. À Malte, les candidats doivent verser une contribution de 650 000 EUR dans un fonds d’investissement national, effectuer un investissement de 150 000 EUR et posséder ou louer un bien immobilier à Malte. À Chypre et à Malte, des investissements supplémentaires sont nécessaires pour les membres de la famille.
Les trois États membres qui ont mis en place des programmes de citoyenneté par investissement proposent différentes options en matière d’investissement: investissements en capital; investissements immobiliers; investissements en obligations d’État; et contributions ponctuelles au budget de l’État. Outre l’exigence d’investissement, les demandeurs doivent également s’acquitter de frais administratifs non remboursables dans le cadre du processus de demande. Chypre et Malte pratiquent des tarifs nettement plus élevés que la Bulgarie.
2.3. Résidence ou autres liens requis avec l’État membre
Dans les trois États membres concernés, les demandeurs se voient délivrer un permis de résidence (ou «titre de séjour») au début de la procédure de demande de citoyenneté. Le simple fait d’être titulaire d’un permis de résidence pour la durée requise suffit pour bénéficier du programme. La résidence effective, à savoir le fait d’être présent physiquement, pendant une période régulière et prolongée, sur le territoire de l’État membre concerné tout en étant titulaire du permis de résidence ne constitue pas toutefois une condition obligatoire.
À Malte, le demandeur doit avoir détenu une carte de résidence électronique («e-Residence») pendant au moins 12 mois avant la délivrance du certificat de naturalisation. À Chypre, le demandeur doit être titulaire d’un permis de résidence depuis au moins 6 mois avant que le certificat de naturalisation puisse être délivré. En Bulgarie, le demandeur doit être titulaire d’un permis de résidence permanent de cinq ans (programme ordinaire) ou d’un an (programme accéléré) pour pouvoir demander la citoyenneté bulgare.
Par conséquent, les demandeurs peuvent acquérir la citoyenneté bulgare, chypriote ou maltaise, et, partant la citoyenneté de l’UE , sans jamais avoir, en réalié, résidé, dans l’État membre. À Malte, le demandeur doit être physiquement présent lors de la fourniture des données biométriques pour la carte de résidence électronique et lors de la prestation du serment d’allégeance)
. Un entretien personnel avec le demandeur peut également être imposé à Malte. En Bulgarie, le demandeur doit venir lui-même effectuer sa demande de citoyenneté et à Chypre il doit venir en personne pour la remise de son permis de résidence.
En dehors de la résidence physique, l’étude s’est intéressée à d’autres facteurs susceptibles de créer un lien entre le demandeur de la citoyenneté et le pays concerné. En Bulgarie, le demandeur doit passer un entretien, mais il ne doit pas remplir les conditions relatives à la maîtrise de la langue bulgare et à la connaissance de la vie publique du pays. Les autorités chypriotes considèrent que l’investissement à Chypre constitue, en soi, un lien suffisant entre le demandeur et Chypre. Il convient de noter qu’en vertu de la décision correspondante du Conseil des ministres de Chypre, le critère de résidence exigé dans le cadre de la procédure de naturalisation ordinaire est remplacé par un critère d’investissement. Les demandeurs de la citoyenneté maltaise sont interrogés sur leurs liens avec Malte au cours de la phase finale de la procédure de naturalisation. Les demandeurs sont invités à présenter des cartes d’embarquement montrant qu’ils ont voyagé à Malte ainsi que les justificatifs dont ils pourraient disposer, par exemple des dons à des organisations caritatives de Malte, l’adhésion à un club de sport local ou à une association culturelle ou sociale locale ou encore un justificatif de paiement de l’impôt sur le revenu à l’administration fiscale maltaise. Les demandeurs sont également incités à créer une entreprise à Malte.
2.4. Les programmes de citoyenneté par investissement et le droit de l’UE
Conformément aux traités, est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre
. Le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres
. La décision d’un État membre d’octroyer la citoyenneté aux fins d’investissement confère automatiquement des droits
en ce qui concerne les autres États membres, en particulier le droit de circuler librement, le droit de voter et de se porter candidat aux élections locales et européennes, le droit de bénéficier de la protection consulaire en cas de non-représentation en dehors de l’UE, et le droit d’accéder au marché intérieur pour y exercer des activités économiques. Ce sont précisément les avantages de la citoyenneté de l’Union, et notamment les droits de libre circulation, que l’on fait souvent miroiter comme les principaux atouts de ces programmes.
La Cour de justice de l’Union européenne a jugé, dans une jurisprudence désormais constante, que si la définition des conditions d’acquisition et de perte de la nationalité relève de la compétence de chaque État membre, cette compétence doit être exercée dans le respect du droit de l’Union. Le respect du droit de l’Union suppose de tenir compte de toutes les règles faisant partie de l’ordre juridique de l’Union, et notamment des normes et usages du droit international, qui font partie du droit de l’Union.
L’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice dans l’affaire Nottebohm établit que, pour que la nationalité acquise par naturalisation soit reconnue à l’échelle internationale, elle doit être accordée sur la base d’un lien réel entre l’individu et l’État en question. Le «lien de nationalité» est traditionnellement fondé soit sur un lien réel avec la population du pays (par filiation, origine ou mariage), soit sur un lien réel avec le pays, qui est établi soit par la naissance dans le pays, soit par la résidence préalable effective dans le pays pendant une durée significative. D’autres éléments peuvent être requis pour attester l’existence d’un lien réel avec le pays, tels que la connaissance d’une langue nationale et/ou de la culture du pays ou les liens avec la communauté locale. L’existence de ces exigences dans les régimes de nationalité des États membres confirme que ces derniers considèrent généralement l’établissement d’un lien réel comme une condition nécessaire pour accepter des ressortissants de pays tiers en tant que citoyens à part entière.
Cette conception commune du lien de nationalité est également à la base de l’acceptation, par les États membres, du fait que la citoyenneté de l’Union et les droits qu’elle implique en vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenen (TFUE) reviennent automatiquement à toute personne qui devient l’un de leurs citoyens.
L’octroi de la naturalisation sur la seule base d’un paiement monétaire, sans autre condition attestant l’existence d’un lien réel avec l’État membre accordant la naturalisation et/ou ses citoyens, s’écarte des modes traditionnels d’octroi de la nationalité dans les États membres et affecte la citoyenneté de l’Union.
Étant donné qu’en vertu de l’article 20 du TFUE, la citoyenneté de l’Union est une conséquence automatique de la possession de la nationalité d’un État membre et qu’un État membre d’accueil ne peut limiter les droits des citoyens de l’Union naturalisés, au motif qu’ils ont acquis la nationalité d’un autre État membre sans justifier d’aucun lien avec l’État qui la leur a octroyée, chaque État membre doit veiller à ce que la nationalité ne soit pas attribuée en l’absence d’un lien réel avec le pays ou ses ressortissants.
La Commission a discuté avec les autorités maltaises et chypriotes de l’inclusion d’un critère relatif à la résidence effective dans leur législation concernant le programme de citoyenneté par investissement. En conséquence, en 2014, Malte a introduit dans sa législation l’exigence d’une «preuve de résidence» pendant une durée de douze mois. Dans la pratique, cette condition est réputée remplie si le demandeur obtient un permis de résidence à Malte, même sans résidence physique, fournit des cartes d’embarquement et, éventuellement, des documents justificatifs, par exemple, de dons à des organisations caritatives de Malte, de l’adhésion à des clubs sportifs locaux ou du paiement de l’impôt sur le revenu à Malte. Chypre a également modifié sa législation en 2016: désormais les personnes qui demandent à bénéficier du programme de citoyenneté par investissement et les membres de leur famille sont tenus d’être titulaires d’un permis de résidence. La Commission continuera de suivre la conformité des dispositions adoptées avec le droit de l’Union.
3. Les programmes de résidence par investissement dans l’UE
3.1. Contexte
Un certain nombre de programmes de résidence par investissement ont été mis en place au début des années 2000, mais la crise financière qui a éclaté en 2007 a conduit d’autres États membres à adopter de nouveaux programmes ou à en relancer d’anciens. Cette tendance s’est poursuivie au cours des 10 dernières années et, à ce jour, il existe des programmes de résidence par investissement dans 20 États membres.
Les caractéristiques des programmes varient considérablement, notamment en ce qui concerne l’investissement à réaliser, tant en nature qu’en montant. On dénombre cinq types d’options de placement: les investissements en capital, les investissements immobiliers, les investissements en obligations d’État, le don ou la dotation d’une activité contribuant au bien public et les contributions ponctuelles au budget de l’État. Ces options ne s’excluent pas mutuellement, certains États membres offrant la possibilité aux demandeurs de choisir différents types d’investissement et de les combiner.
Le montant des investissements est très variable et va de moins de 100 000 EUR à plus de 5 000 000 EUR.
En outre, un investissement non financier, tel que la création d’emplois ou la contribution à l’économie, peut être exigé.
Les procédures sont très différentes, de même que les conditions liées à la présence physique dans l’État membre permettant de bénéficier de droits de séjour.
3.2. Les programmes de résidence par investissement et le droit de l’UE en matière de migration légale
Le droit de l’UE réglemente les conditions d’entrée pour certaines catégories de ressortissants de pays tiers. L’octroi d’un titre de séjour aux investisseurs de pays tiers n’est actuellement pas réglementé au niveau de l’UE et demeure régi par le droit national.
Toutefois, la délivrance d’un titre de séjour dans le cadre d’un programme de résidence par investissement mis en place dans un État membre a également un impact sur les autres États membres. En effet, un titre de séjour en cours de validité permet à un ressortissant d’un pays tiers de circuler librement dans l’espace Schengen
pendant 90 jours sur une période de 180 jours. Il permet également l’accès pour de courts séjours en Bulgarie, en Croatie, à Chypre et en Roumanie, grâce à la reconnaissance unilatérale des titres de séjour par ces États membres. Il est donc essentiel que tous les contrôles utiles, en particulier les contrôles de sécurité, soient effectués avant de délivrer un tel permis (voir partie 4 ci-dessous).
En outre, cela peut avoir une incidence sur l’acquisition du statut de résident de longue durée de l’UE qui est accordé aux ressortissants de pays tiers ayant résidé légalement, de façon continue, dans un État membre de l’UE pendant cinq ans. Ce statut confère aux ressortissants de pays tiers certains droits en fonction de la durée de leur séjour et de leur ancrage dans l’État membre concerné. La continuité de la présence dans l’État d’accueil est une condition et un aspect essentiels de ce statut. Par contre, l’étude a montré que, dans plusieurs États membres, la condition de résidence prévue dans le cadre des programmes de résidence par investissement n’exige pas une résidence physique continue. Dans certains États membres, la loi n’exige expressément la présence des investisseurs que pour une durée très limitée (p. ex., sept jours par an au Portugal et uniquement le jour de la demande à Malte, en Grèce et en Bulgarie).
Étant donné que la résidence effective dans le cadre des programmes de résidence par investissement peut être directement exclue ou limitée, voire ne pas être prescrite du tout, par les différentes législations nationales, le contrôle effectif de la condition de résidence semble poser des difficultés.
En effet, cela signifie qu’il pourrait y avoir des situations dans lesquelles, en l’absence d’un contrôle effectif de la continuité de la résidence, des investisseurs considérés comme ayant résidé dans un État membre pendant cinq ans au titre d’un permis national pourraient acquérir le statut de résident de longue durée de l’UE et des droits ultérieurs, en particulier des droits de mobilité, sans pour autant remplir la condition réelle de continuité de la résidence pendant cinq ans. Cela ne serait pas conforme à la directive relative aux résidents de longue durée. La Commission s’assurera du respect de la directive par les États membres, afin de faire en sorte qu’ils appliquent correctement la condition relative à la continuité du séjour prévue par la directive.
En outre, le fait de détenir un titre de séjour national par l’investissement permet de bénéficier du droit au regroupement familial en vertu de la directive sur le regroupement familial, pour autant que les demandeurs remplissent les conditions requises. Dans ce contexte, il convient de rappeler que, dans la plupart des États membres, les membres de la famille des investisseurs ne sont pas soumis à une vigilance renforcée, ce qui pourrait entraîner des risques pour la sécurité.
3.3. Le lien entre les programmes de résidence par investissement et les procédures de naturalisation
Les programmes de résidence par investissement peuvent également avoir une incidence sur l’acquisition de la citoyenneté. Un titre de séjour acquis par investissement peut être utilisé, dans le cadre des procédures de naturalisation ordinaires de plusieurs États membres, pour établir le lien réel avec le pays et renoncer à d’autres exigences. En d’autres termes, un titre de séjour obtenu par investissement – et parfois sans qu’aucune présence physique ne soit exigée – peut permettre de bénéficier d’un accès accéléré à la citoyenneté ou d’établir un lien avec la résidence permanente, puis la citoyenneté. Il arrive aussi que dans les États membres qui disposent à la fois de programmes de citoyenneté et de programmes de résidence par investissement, l’investissement exigé pour le programme de résidence peut être pris en considération pour bénéficier du programme de citoyenneté par investissement.
4. Sujets de préoccupation
Les ressortissants de pays tiers peuvent investir dans un État membre pour des raisons légitimes, mais aussi à des fins illégitimes, pour échapper, par exemple, à des enquêtes répressives ou à des poursuites dans leur propre pays et pour protéger leurs actifs des décisions de gel et de confiscation y afférentes. Les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement engendrent de ce fait divers risques pour les États membres et pour l’Union dans son ensemble, en particulier des risques pour la sécurité, y compris la possibilité d’infiltration de groupes criminels organisés issus de pays tiers, ainsi que des risques de blanchiment d’argent, de corruption et de fraude fiscale. Ces risques sont encore aggravés par les droits transfrontaliers liés à la citoyenneté de l’Union ou à la résidence dans un État membre.
Le manque de transparence et de gouvernance des programmes suscite également des inquiétudes. Les programmes de citoyenneté et de résidence ont fait l’objet d’un examen public attentif à la suite d’allégations d’abus et de corruption, en rapport avec ces programmes, dans un certain nombre d’États membres. Le renforcement de la transparence et la mise en place d’une gestion des risques, de systèmes de contrôle et de mécanismes de surveillance adéquats pourraient contribuer à atténuer autant que possible certaines de ces préoccupations.
4.1. Risques posés par les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement
4.1.1. Sécurité
Ces dernières années, la Commission a présenté différentes initiatives visant à renforcer la sécurité de l’UE et à créer une Union de la sécurité. Les trois principaux systèmes d’information centralisés conçus par l’UE et utilisés à des fins de contrôles de sécurité sont i) le système d’information Schengen (SIS), qui comporte toute une série de signalements concernant des personnes et des objets, ii) le système d’information sur les visas (VIS), qui contient des données sur les visas de court séjour, et iii) le système Eurodac, qui sert à stocker les données dactyloscopiques des demandeurs d’asile et des ressortissants de pays tiers ayant franchi irrégulièrement les frontières extérieures. Ces trois systèmes sont complémentaires et, à l’exception du SIS, concernent essentiellement les ressortissants de pays tiers.
En outre, de nouveaux systèmes informatiques tels que le système d’entrée/sortie (SEE) et le système électronique d’information et d’autorisation de voyage (ETIAS) sont actuellement mis en place, tandis que la Commission a proposé de renforcer le VIS
et d’étendre le système européen d’information sur les casiers judiciaires aux ressortissants des pays tiers (ECRIS-TCN). La Commission a également proposé de rendre interopérables tous les systèmes d’information.
Les pratiques en matière de programmes de citoyenneté et de résidence par investissement peuvent compromettre ces efforts en permettant aux ressortissants de pays tiers d’éviter certains de ces contrôles, ce qui peut avoir des conséquences pour les autres États membres et l’UE dans son ensemble. Il importe dès lors que tout programme de citoyenneté et de résidence par investissement soit organisé de manière à prévenir de tels risques sur le plan de la sécurité. L’absence de contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen rend particulièrement importante la mise en œuvre de contrôles préventifs de sécurité adéquats et convenus d’un commun accord.
La sécurité et les programmes de citoyenneté par investissement dans les États membres
L’étude n’a permis de recenser que des dispositions législatives ou des lignes directrices très limitées en ce qui concerne les pratiques réelles en matière de citoyenneté par investissement.
À Malte, les antécédents judiciaires des principaux demandeurs et des personnes à leur charge âgées de plus de 12 ans sont vérifiés à partir des fichiers de la police maltaise et/ou des autorités compétentes du pays d’origine. Il peut être dérogé à l’obligation d'apporter la preuve d'un casier judiciaire vierge dans des circonstances exceptionnelles, lorsque l’autorité compétente estime qu’une telle preuve est impossible à obtenir. Les autorités maltaises consultent les bases de données d’INTERPOL et d’Europol dans le cadre d’une procédure de vigilance à quatre niveaux reposant sur: la réalisation de vérifications préalables concernant la connaissance des clients (know-your-client) par l’agent et l’agence maltaise chargée du programme de citoyenneté par investissement (voir la partie sur les vérifications relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent ci-dessous); la délivrance d’une autorisation par les autorités de police; le contrôle de l’exhaustivité et de l’exactitude de la demande et la vérification des documents présentés; et l’externalisation des contrôles de vigilance, par laquelle l’agence maltaise chargée du programme de citoyenneté par investissement doit prouver qu’elle a commandé deux rapports à des sociétés internationales sur chaque demande présentée dans le cadre du programme des investisseurs individuels (IIP). Malte interdit aux ressortissants de certains pays et aux personnes faisant l’objet d’interdictions de voyager imposées par les États-Unis de demander la citoyenneté au titre du programme maltais, tandis que les demandeurs dont le nom figure sur toute autre liste des sanctions ou liste de surveillance doivent être signalés par les agents à l’agence maltaise chargée du programme de citoyenneté par investissement.
À Chypre, les demandeurs doivent présenter un extrait de casier judiciaire de leur pays d’origine et de résidence (s’il est différent), extrait qui ne doit pas être daté de plus de 90 jours avant la date de présentation de la demande. La police chypriote effectue également une recherche dans les bases de données d’Europol et d’INTERPOL. Le nom de l’investisseur et les noms des membres de sa famille ne doivent pas figurer sur la liste des personnes dont les avoirs ont été gelés, à l’intérieur des frontières de l’Union européenne, à la suite de sanctions. En outre, selon les nouvelles règles introduites en juillet 2018, les demandeurs qui soumettent leur demande par l’intermédiaire d’un prestataire de services sont tenus de présenter un rapport de vigilance publié dans une base de données acceptée à l’échelle internationale (comme World-Check, Lexis Diligence, Regulatory DataCorp Inc., etc.). En cas de préoccupations concernant la sécurité nationale, la demande est également évaluée par l’Agence centrale du renseignement de Chypre. Chypre n’est pas connectée au système d’information Schengen.
En Bulgarie, la législation exige que le demandeur présente un certificat de casier judiciaire vierge et un document prouvant qu’aucune procédure pénale n’est en cours contre lui. Le Conseil de la citoyenneté donne un avis sur les demandes de citoyenneté, à la suite d’une déclaration écrite du ministère de l’intérieur et de l’Agence de l’État pour la sécurité nationale (SANS). Cette dernière procède, dans le cadre de ses compétences, à des vérifications pour tous les candidats à la citoyenneté bulgare (y compris ceux qui présentent leur demande par l’intermédiaire de programmes de soutien à l’investissement), notamment en consultant les bases de données relatives aux renseignements de police ou aux casiers judiciaires. Aucune information n’était disponible sur la politique bulgare concernant les personnes faisant l’objet de mesures restrictives de l’UE ni sur l’utilisation, par les autorités, du système d’information Schengen pour le contrôle des candidats.
L’étude a mis en évidence un nombre important de zones grises concernant les contrôles de sécurité. L’un des problèmes a trait au pouvoir d’appréciation des États membres en ce qui concerne les demandes de citoyenneté. L’étude montre que les autorités peuvent accepter des demandes même lorsque les demandeurs ne remplissent pas certaines exigences en matière de sécurité. Il n’est pas nécessaire, qui plus est, de soumettre les demandes en personne, celles-ci pouvant être présentées par des agents, ce qui est le cas à Malte et à Chypre.
En outre, les États membres ne se consultent pas actuellement sur les demandes de citoyenneté par investissement. En comparaison, les demandeurs de visas de court séjour de certains pays tiers font l’objet d’une consultation préalable entre les États membres pour des raisons de sécurité, et ce en dépit du fait que la citoyenneté est assortie de droits importants (y compris le droit de séjour et le droit de vote et d’éligibilité aux élections européennes et locales) qui sont accordés à vie, contrairement à un simple droit de visite de courte durée. Un autre problème tient au fait que le manque de coordination et de critères définis en commun permet aux demandeurs de comparer les conditions pour trouver les moins strictes. Un demandeur dont la demande de citoyenneté a été refusée sur un territoire peut présenter une nouvelle demande dans un autre État membre. Actuellement, les États membres ne s’informent pas mutuellement des demandeurs rejetés, pas même de ceux qui ont été refusés au motif qu’ils présentent un risque pour la sécurité.
La sécurité et les programmes de résidence par investissement dans l’UE
Alors que ce n'est pas le cas pour les procédures liées à l’acquisition de la citoyenneté, le droit de l’UE prévoit certaines obligations concernant les contrôles de sécurité à effectuer avant la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour aux investisseurs étrangers, afin de garantir qu’ils ne constituent pas une menace pour l’ordre public et la sécurité publique, y compris dans les autres États membres. Ces contrôles sont fondés sur l’acquis de Schengen et sont obligatoires pour les États membres qui sont liés par cet acquis. En particulier, conformément à l’article 25, paragraphe 1, de la convention d’application de l’accord de Schengen, un État membre qui envisage de délivrer un titre de séjour doit systématiquement effectuer une recherche dans le système d’information Schengen (SIS). Lorsqu’un État membre envisage de délivrer un titre de séjour à une personne qui est signalée aux fins de non-admission, il doit consulter au préalable l’État membre signalant et prendre en compte les intérêts de celui-ci.
Bien que l’étude ait révélé que, dans les législations nationales des États membres concernés, le contrôle de l’ordre public et de la sécurité publique est généralement inclus comme motif de refus (ou de non-renouvellement) du permis, elle a également recensé à la fois un manque d’informations disponibles et une marge de manœuvre importante dans la manière dont les États membres abordent les problèmes de sécurité. Cela a donné lieu à certains cas problématiques, comme le soulignent également d’autres rapports. Dans ce contexte, la Commission a déjà proposé de moderniser le système d’information sur les visas, ce qui, en liaison avec la proposition de règlement sur l’interopérabilité, introduira des recherches obligatoires dans les bases de données européennes et internationales pertinentes en matière de sécurité aux frontières extérieures pour tous les titres de séjour et visas de longue durée délivrés. Les informations relatives aux demandes de titres de séjour qui ont été refusées par un État membre pour des raisons de sécurité seraient également conservées et pourraient faire l’objet de vérifications ultérieures.
Il existe des contrôles ex post pour vérifier que les conditions auxquelles les droits de séjour ont été accordés existent toujours pendant la durée de validité du permis, mais seulement dans un nombre limité de cas. Ces contrôles consistent à vérifier que le titulaire du permis remplit toujours les conditions du séjour pendant la durée de validité du permis (pour plus de renseignements, voir le document de travail des services de la Commission ci-joint). Toutefois, étant donné que les titulaires de permis peuvent ne pas être tenus de résider effectivement dans l’État d’accueil (ou que la résidence peut n’être exigée que pour une durée très limitée, comme indiqué ci-dessus), il peut être difficile de vérifier si les titulaires de permis remplissent encore les conditions liées au titre de séjour.
La Commission s’assurera du respect de la directive par les États membres, afin de faire en sorte qu’ils effectuent systématiquement et efficacement les contrôles aux frontières et les contrôles de sécurité obligatoires existants et de garantir que les programmes de résidence par investissement ne constituent pas une menace pour la sécurité des autres États membres et de l’UE.
4.1.2. Blanchiment de capitaux
En ce qui concerne le contrôle de l’origine des fonds, tous les États membres de l’UE, sauf un, ont notifié les mesures de transposition de la quatrième directive anti-blanchiment
. La Commission procède actuellement à un contrôle horizontal du caractère complet de la législation nationale notifiée transposant la quatrième directive anti-blanchiment et a engagé des procédures d’infraction pour non-communication à l’encontre des États membres dans lesquels des lacunes ont été constatées en matière de transposition. En vertu de cette législation, les entités assujetties (notamment les établissements de crédit et les établissements financiers, les notaires et les avocats, ainsi que les agents immobiliers) doivent appliquer des mesures de vigilance à l’égard de la clientèle. Les entités assujetties sont tenues de signaler les transactions suspectes à la cellule de renseignement financier de leur pays, et il leur est interdit d’informer leurs clients du signalement des transactions suspectes. En outre, la quatrième directive anti-blanchiment comporte une exigence supplémentaire spécifique selon laquelle les entités assujetties sont tenues d’effectuer des contrôles préalables renforcés sur les transactions avec des clients ressortissants de pays tiers à haut risque.
La cinquième directive anti-blanchiment, qui est entrée en vigueur le 9 juillet 2018 et doit être transposée par les États membres d’ici le 10 janvier 2020, introduit une modification qui exige une vigilance renforcée à l’égard de la clientèle pour les ressortissants de pays tiers qui demandent «des droits de séjour ou la citoyenneté dans l’État membre moyennant des transferts de capitaux, l’achat de propriétés ou d’obligations d’État, ou encore d’investissements dans des sociétés privées dans cet État membre», ressortissants qui sont recensés comme étant à haut risque. Toutefois, la directive ne prévoit ces obligations qu’à l’égard des opérateurs économiques et ne couvre pas les organisations et agences gouvernementales, qui ne sont pas des entités assujetties au titre de la directive. Cela signifie que les autorités responsables des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement ne sont pas couvertes.
L’étude a mis en évidence plusieurs pratiques mises en œuvre dans le cadre des programmes de citoyenneté par investissement pour lutter contre le blanchiment de capitaux et a également relevé un certain nombre de zones grises. D’un point de vue formel, les organismes chargés du contrôle de l’origine des fonds dans le cadre des programmes de soutien à l’investissement ne sont pas tenus de communiquer les résultats de ces contrôles aux autorités compétentes des États membres. Cependant, dans la pratique, il existe une certaine coopération en ce qui concerne les programmes de citoyenneté par investissement. Identity Malta a confirmé, aux fins de l’étude, que les définitions et procédures prévues par la quatrième directive anti-blanchiment en matière de vigilance sont suivies dans le cadre de la procédure de vigilance à quatre niveaux qu’elle met en œuvre. Le cadre juridique chypriote relatif aux programmes de citoyenneté par investissement renvoie directement à la législation chypriote relative à la prévention du blanchiment de capitaux. En vertu de cette législation, les services des banques chypriotes chargés de la vérification de la conformité sont tenus de mettre en œuvre des mesures de vigilance pour vérifier et valider l’origine des fonds utilisés pour l’investissement. En Bulgarie, le contrôle de l’origine des fonds (conformément à la loi bulgare sur les mesures de prévention du blanchiment de capitaux) est effectué par l’agence Invest Bulgaria. Cette procédure prévoit que le demandeur doit fournir une déclaration concernant l’origine des fonds conformément à la loi relative à la prévention du blanchiment de capitaux.
De même, les États membres proposant des programmes de résidence par investissement ont recours à des pratiques variables pour se prémunir contre le blanchiment de capitaux. Si certains États membres exigent que tous les paiements soient effectués par l’intermédiaire de leurs banques nationales, lesquelles, en tant qu’entités assujetties au titre de la quatrième directive anti-blanchiment, doivent appliquer les contrôles de vigilance nécessaires à l’égard de la clientèle (Chypre), l’étude a également révélé que certaines législations ne prévoient aucun contrôle particulier (Croatie, Portugal). En Hongrie, où ce programme est actuellement suspendu, il n’existait aucune obligation de transférer effectivement l’argent vers le territoire hongrois, de sorte que les fonds échappaient à tout contrôle. Dans d’autres cas, les fonds font l’objet d’une double vérification, d’abord sur la base des preuves fournies par le pays d’origine des fonds, puis par les services compétents de l’État membre (Irlande). Les autorités compétentes chargées de ces contrôles particuliers varient: il peut s’agir de l’agence nationale des investissements (Bulgarie) ou d’une commission chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent (Espagne). Ces entités peuvent être privées ou publiques et comprendre des professionnels indépendants. Ces contrôles diffèrent; certains d’entre eux peuvent consister à valider les documents relatifs aux fonds utilisés pour réaliser l’investissement, tels que les reçus de virement bancaire, le rapport de déclaration fiscale des états financiers, le contrat d’achat ou de location du registre foncier ou du cadastre (lorsque l’investissement est constitué de biens immobiliers), tandis que d’autres peuvent consister en une déclaration limitée de l’autorité compétente.
Comme le prévoient les nouvelles règles de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, les États membres devraient accorder une attention particulière aux mesures de vigilance renforcées à l’égard de la clientèle dans le cadre des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement. Les États membres devraient veiller à ce que l’application des règles de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux ne soit pas contournée. Cela devrait être le cas lorsque des fonds sont versés par des candidats à la citoyenneté par investissement et transitent à travers des organismes qui ne sont pas considérés comme des «entités assujetties» au titre de la quatrième et de la cinquième directives anti-blanchiment. En outre, les organismes chargés d’exécuter les contrôles de l’origine des fonds dans le cadre des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement devraient toujours communiquer leurs conclusions aux autorités des États membres responsables du traitement des demandes. Les États membres pourraient également tenir compte des risques potentiels de blanchiment d’argent liés aux programmes de citoyenneté et de résidence par investissement dans le cadre de leurs évaluations nationales des risques, effectuées conformément aux règles de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, et prendre les mesures d’atténuation qui s’imposent.
Dans les cas où les paiements sont versés en espèces directement aux organisations gouvernementales, ils ne sont pas couverts par la législation européenne en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Les règles applicables aux paiements en espèces ne sont actuellement pas harmonisées dans l’ensemble de l’UE. Les États membres peuvent donc prévoir certaines restrictions pour les paiements en espèces, pour autant qu’elles soient compatibles avec les autres dispositions du droit de l’UE.
4.1.3. Contournement des règles de l’UE
Il est également possible que le statut accordé par les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement soit utilisé pour contourner le droit de l’UE. Les programmes de citoyenneté par investissement, en particulier, peuvent fournir aux ressortissants de pays tiers un moyen de contourner certaines conditions de nationalité prévues par le droit de l’Union. Par exemple, les règles de l’UE stipulent qu'une licence d’exploitation, c’est-à-dire une autorisation de fournir des services aériens, ne peut être délivrée que par les autorités (nationales) compétentes pour l’octroi de licences lorsque l’entreprise est détenue à plus de 50 % par des États membres ou des ressortissants d'États membres qui la contrôlent effectivement. La Commission a reçu une plainte et plusieurs demandes de renseignements de la part des autorités nationales chargées de l’octroi des licences concernant des investisseurs de pays tiers qui ont obtenu la citoyenneté de l’Union dans un État membre, dans le cadre d’un programme de citoyenneté par investissement, et ont ensuite demandé une licence d’exploitation de compagnie aérienne.
4.1.4. Fraude fiscale
Une autre question est de savoir si les incitations fiscales liées à l’utilisation de programmes de citoyenneté et de résidence par investissement stimulent la demande de tels programmes
. En soi, le recours à ces programmes n’est pas synonyme de fraude fiscale, bien que ces derniers puissent permettre à des particuliers de bénéficier de règles fiscales privilégiées existantes. Toutefois, des abus peuvent être commis en utilisant les avantages et les documents obtenus grâce à ces programmes, variant d’un programme à l’autre, favorisant, par exemple, une planification fiscale agressive et la fraude fiscale.
L’étude n’a pas examiné les aspects fiscaux de ces programmes. Les discussions menées tant au niveau de l’UE qu’au niveau international se concentrent sur les effets que ces programmes peuvent avoir sur l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers entre les autorités fiscales, mis en œuvre au sein de l’UE par la directive 2014/107/UE du Conseil (première modification de la directive sur la coopération administrative) et avec les pays tiers au moyen de la norme commune de déclaration. La première modification de la directive sur la coopération administrative et la norme commune de déclaration exigent que les informations bancaires utiles soient envoyées à toutes les juridictions de résidence fiscale du titulaire du compte.
La notion de résidence fiscale peut différer par rapport aux autres définitions de résidence à des fins non fiscales. Les critères relatifs à la résidence à des fins fiscales peuvent varier considérablement d’une juridiction à l’autre et sont habituellement liés au nombre de jours de présence physique dans une juridiction. Certaines juridictions déterminent également le lieu de résidence d’une personne en fonction de divers autres facteurs, tels que la citoyenneté, la propriété d’une maison ou la disponibilité d’un logement, la famille et les intérêts financiers. Ainsi, il existe des situations où la même personne peut être considérée comme un résident fiscal dans plus d’une juridiction. En outre, le fait d’être considéré comme un résident fiscal dans une nouvelle juridiction n’éteint pas l’autre statut de résidence fiscale dans d’autres pays.
Toutefois, la documentation délivrée dans le cadre de certains de ces programmes peut rendre très difficile pour les établissements financiers d’identifier correctement les lieux de résidence fiscale légitimes. Dans certains cas, les informations sur les comptes financiers peuvent être transmises au mauvais État et/ou ne pas être envoyées au bon État. Par exemple, si l’information n’est envoyée qu’à l’État ayant mis en place un programme de citoyenneté ou de résidence (et qui, souvent, n’impose pas le revenu ou n’exige pas la présence physique dans le pays), et non à l’État de résidence fiscale véritable, le revenu peut échapper à l’impôt dans cet État.
Les programmes mis en place dans les pays qui n’imposent pas le revenu, ou qui l’imposent à un taux très bas, comportent un plus grand risque de voir des titulaires de comptes dissimuler des preuves de l’État réel de résidence et de se soustraire ainsi à l’impôt. En particulier, les programmes de pays tiers présentent un risque plus important d’être utilisés par des citoyens de l’Union afin de se soustraire délibérément à l’impôt dans leur État membre de résidence. Les établissements financiers de l’UE sont peut-être moins familiarisés avec les programmes mis en place en dehors de l’UE et, bien que certains programmes proposés par les États membres de l’UE n’imposent pas non plus les revenus étrangers, la plupart ciblent les résidents non européens (et limitent leur accès à ces derniers).
Les obligations de divulgation pour les intermédiaires, adoptées en 2018 par une modification de la directive relative à la coopération administrative
, imposent aux promoteurs de mécanismes d’évasion fiscale et aux prestataires de services impliqués dans leur mise en œuvre d’informer les autorités fiscales de tout programme dont ils font la promotion ou qu'ils mettent en place. Cette modification contient des dispositions spécifiques qui ciblent les programmes susceptibles d’avoir pour effet de contourner les obligations de déclaration prévues par la législation de l’UE en matière d’échange automatique d’informations sur les comptes financiers.
De fait, la directive comporte une obligation de déclaration qui vise les programmes ou dispositifs qui sapent ou exploitent les faiblesses des procédures de vigilance utilisées par les établissements financiers pour communiquer des informations aux autorités fiscales, telles que l’identification de la juridiction de résidence du titulaire du compte. C’est le cas lorsque le titulaire du compte acquiert la citoyenneté ou des droits de séjour dans un pays autre que celui de sa résidence effective. Chaque fois qu’un tel programme est fait l'objet d'une campagne de promotion ou est mis en place, une obligation de déclaration incombe à l’intermédiaire qui fournit le service.
Conformément à la modification de 2018 de la directive relative à la coopération administrative, les programmes mis en place à partir du 25 juin 2018 seront notifiés aux autorités fiscales de l’UE, qui échangeront automatiquement ces informations entre elles à partir de 2020, fournissant ainsi à ces autorités des renseignements susceptibles de permettre une détection précoce d’éventuels abus. C’est le cas pour les programmes établis aussi bien au sein de l’UE que dans les pays tiers.
Pour faire face aux risques posés par les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement, et en plus d’assurer la mise en œuvre effective de la directive relative à la coopération administrative, les États membres de l’UE qui prévoient de tels programmes devraient utiliser les outils disponibles dans le cadre de l’UE pour la coopération administrative, notamment l’échange spontané d’informations avec les États membres de résidence, comme prévu dans la directive relative à la coopération administrative.
En outre, l’existence de programmes de citoyenneté et de résidence par investissement et les questions qu’ils soulèvent à des fins fiscales devraient également être prises en compte dans les travaux menés par les États membres au sein du Conseil, par exemple dans le cadre de la réforme en cours du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, qui vise à garantir une action coordonnée au niveau européen pour lutter contre la concurrence fiscale dommageable, limitée à la fiscalité des entreprises dans le cadre du mandat actuel. La réforme du code est l’occasion d’élargir la portée des travaux à d’autres types de pratiques fiscales dommageables, y compris celles qui visent les particuliers. Les États membres devraient également tenir compte du rôle que peuvent jouer les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement dans la fraude et l’évasion fiscales et examiner si les risques que présentent ces programmes justifient leur inclusion dans les critères d’inscription sur la liste de l’UE.
Dans le cadre de ses travaux visant à identifier les lacunes de la norme commune de déclaration, l’équivalent international de la première modification de la directive relative à la coopération administrative, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a analysé le risque potentiel que ces programmes de citoyenneté et de résidence permettent de contourner les obligations de déclaration prévues par cette norme et faciliter ainsi la fraude fiscale. En particulier, l’OCDE a conclu que les cartes d’identité et autres documents obtenus dans le cadre de ces programmes pourraient être utilisés à mauvais escient, pour faire de fausses déclarations sur le lieu de résidence fiscale d’un particulier et pour compromettre le bon fonctionnement des procédures de vigilance prévues par la norme commune de déclaration. À cet égard, l’OCDE a dressé une liste des programmes de citoyenneté ou de résidence par investissement qui peuvent présenter un risque élevé pour la mise en œuvre effective de la norme commune de déclaration. Les programmes de citoyenneté ou de résidence par investissement de Chypre et de Malte figurent sur cette liste. L’OCDE a également publié des informations et des lignes directrices supplémentaires à l’intention des établissements financiers afin de réduire au minimum les risques d’abus.
Le 9 mars 2018, l’OCDE a publié des «règles types pour la communication obligatoire d’informations relatives aux dispositifs de contournement de la norme commune de déclaration et aux structures extraterritoriales opaques». Ces règles types sont similaires à celles qui figurent dans la modification de 2018 de la directive relative à la coopération administrative et qui visent les mécanismes d’évasion fiscale, ciblant l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers. Toutefois, il convient de souligner que ces règles n’ont pas été approuvées comme norme minimale. Leur adoption est dès lors facultative pour les juridictions.
4.2. Transparence et gouvernance
La mise en place d’un contrôle réglementaire rigoureux et la transparence des programmes de citoyenneté et de résidence par investissement au niveau national sont d’une importance capitale pour déterminer les effets de ces programmes. L’étude fait état d’un manque d’informations claires sur les procédures applicables et sur le fonctionnement des programmes, y compris le nombre et l’origine des demandeurs et le nombre de ceux qui obtiennent un droit de citoyenneté ou de résidence.
4.2.1. Transparence et gouvernance des programmes de citoyenneté par investissement à l’heure actuelle
À Malte, il existe un organisme de réglementation du programme de citoyenneté par investissement, qui publie des rapports annuels soumis au contrôle parlementaire. Le 22 mai 2018, Chypre a annoncé la création d’un comité de surveillance et de contrôle et l’introduction d’un code de conduite pour son programme de citoyenneté par investissement. En Bulgarie, il n’existe ni organisme de réglementation ni code de conduite.
À Malte, les demandes de citoyenneté par investissement doivent être soumises par le demandeur principal à l'agence maltaise chargée du programme des investisseurs individuels ( Malta Individual Investor Programme Agency), soit par l’intermédiaire d’agents agréés, soit par le concessionnaire. Il s’agit d’organismes non publics qui jouent un rôle important tout au long du processus de demande; ils interviennent au nom des demandeurs et interagissent directement avec les autorités compétentes en leur nom. En Bulgarie et à Chypre, les demandeurs peuvent choisir de recourir à des consultants ou à des avocats chargés de les conseiller et de présenter des demandes en leur nom. Le nouveau code de conduite chypriote s’applique aux agents et intermédiaires qui traitent les demandes de citoyenneté au nom de leurs clients. Ce code vise à encourager le respect de normes éthiques élevées et impose l’obligation de s’abstenir de faire de la publicité pour la vente de la citoyenneté dans les lieux publics. Les publicités pour la vente de la «citoyenneté de l’UE» étaient courantes à Chypre. Il reste à voir quel sera l’effet du nouveau code de conduite.
En ce qui concerne la limitation du nombre de demandes acceptées, Chypre et Malte plafonnent le nombre de demandeurs qui peuvent bénéficier de leur programme de citoyenneté par investissement. Le gouvernement chypriote a ainsi décidé, à partir de 2018, d'accorder la citoyenneté de cette manière à 700 personnes maximum par an
. À Malte, le nombre de demandeurs principaux retenus (à l’exclusion des personnes à charge) est plafonné à 1 800 pour l’ensemble du programme. Toutefois, les autorités maltaises ont entrepris de modifier la législation et, à la suite d’une consultation publique, prévoient d'augmenter ce plafond de 1 800 demandeurs supplémentaires. La Bulgarie n’impose aucun plafond quant au nombre d’investisseurs étrangers qui peuvent demander la citoyenneté.
4.2.2. Transparence et gouvernance des programmes de citoyenneté par investissement à l’heure actuelle
En ce qui concerne la gouvernance des programmes de résidence par investissement, à Malte, il n’existe pas d'autorité de réglementation alors que c'est le cas pour le programme de citoyenneté par investissement. À Chypre, il n’est pas prévu que le comité de surveillance et de contrôle annoncé pour le programme de citoyenneté par investissement soit également chargé du contrôle des titres de séjour. En Bulgarie, la seule obligation prévue par la législation est une notification de la Direction des migrations à l’Agence bulgare des investissements concernant les titres de séjour permanent délivrés au titre du programme. Un nombre très limité d’États membres disposent de mécanismes de contrôle et d’obligations de déclaration spécifiques. Cela signifie que, dans la plupart des cas, la surveillance du programme se limite à des mécanismes de contrôle généraux, lorsqu’ils existent, tels que le contrôle parlementaire, la responsabilité administrative, la communication générale d’informations sur les activités au gouvernement ou les demandes d’accès aux documents, et qu’il n’existe aucun autre mécanisme de vigilance spécifique.
Un nombre limité d’États membres a fait le choix d’associer des entreprises privées à la gestion de leurs programmes de résidence, en leur attribuant parfois des missions importantes. À Chypre, les demandeurs sont libres de décider de présenter leur demande par l’intermédiaire d’un représentant autorisé dont le rôle se limite à intervenir comme facilitateur et à proposer des services de conseil. À Malte, les demandes peuvent être soumises aux autorités compétentes par des agents agréés ou des personnes accréditées; ces agents agréés agissent au nom du demandeur dans le cadre de toutes (tous) correspondances, demandes, soumissions, dépôts ou notifications en vertu des règlements. En Hongrie, le Comité économique du Parlement hongrois a confié à un certain nombre de sociétés la mission d’émettre les obligations de résidence que les demandeurs doivent acheter. Seule une société pouvait être autorisée à émettre des obligations dans un pays tiers donné.
4.2.3. Mesures visant à améliorer la transparence, la gouvernance et la sécurité
Il ressort de l’étude que le nombre de rapports établis chaque année est encore très limité. En ce qui concerne les programmes de citoyenneté par investissement, on constate un manque général de transparence en ce qui concerne les demandes et les personnes qui obtiennent la citoyenneté. Dans le cas des programmes de résidence par investissement, l'absence de statistiques désagrégées ne permet pas de préciser le motif spécifique de résidence ou l’option d'investissement choisie. Il pourrait être utile de publier des données, par exemple sous la forme de rapports annuels, sur le nombre de demandes reçues, le pays d’origine, le nombre de citoyennetés et de permis de résidence accordés. Les États membres pourraient également clarifier et publier les critères d’évaluation des demandes et les contrôles de sécurité effectués dans le cadre du programme, et ils pourraient assurer un contrôle ex post régulier du respect de ces critères (notamment de l’investissement).
En outre, ces programmes se caractérisent par le recours à des entreprises qui conseillent le gouvernement sur le fonctionnement du programme ou qui accomplissent des tâches proactives impliquant l’exercice des pouvoirs d'une autorité publique, et qui conseillent en même temps les particuliers souhaitant bénéficier du programme. Aucun des États membres sur lesquels porte l’étude, que ce soit pour les programmes de citoyenneté ou les programmes de résidence, ne dispose d’un mécanisme permettant de traiter les conflits d'intérêts susceptibles de découler de cette situation. La surveillance de tous les autres intermédiaires est également primordiale. Étant donné l'importance des droits attachés à la citoyenneté et à la résidence, on pourrait s'attendre à ce que l’examen des demandes, les entretiens et toute autre activité en rapport avec la prise de décision ou le filtrage des demandes soient toujours effectuées par des autorités gouvernementales, compte tenu de la nécessité générale d’assurer une supervision efficace et indépendante des programmes et de tous les acteurs concernés.
La clarté des procédures et des responsabilités, associée à la transparence par un contrôle et des rapports réguliers, est la meilleure façon de se prémunir contre les préoccupations que suscitent les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement.
En ce qui concerne les programmes de citoyenneté par investissement, il conviendrait de mettre en place un système d’échange d'informations et de statistiques sur le nombre de demandes reçues, acceptées et rejetées, ainsi qu'une consultation des demandes rejetées pour des raisons de sécurité, afin de garantir la cohérence des pratiques des États membres et l’efficacité de l’échange d'informations, y compris en ce qui concerne la consultation préalable pour des raisons de sécurité. C’est pourquoi la Commission a l’intention de créer un groupe d’experts issus des États membres, qui sera chargé d’examiner les risques spécifiques induits par les programmes de citoyenneté par investissement et de s'intéresser aux questions de transparence et de bonne gouvernance dans la mise en œuvre des programmes tant de citoyenneté que de résidence par investissement. Plus précisément, le groupe d’experts devrait élaborer, d’ici la fin de 2019, un ensemble commun de contrôles de sécurité pour les programmes de citoyenneté par investissement, y compris des processus spécifiques de gestion des risques qui prennent en compte les risques en matière de sécurité, de blanchiment d’argent, de fraude fiscale et de corruption.
5. Dimension extérieure
On observe également une tendance à la hausse, dans les pays tiers, en ce qui concerne la mise en place de programmes permettant aux investisseurs d’acheter la citoyenneté, ce qui peut avoir des implications pour l’UE.
5.1. Pays candidats et candidats potentiels
Compte tenu de la perspective d’une future citoyenneté européenne pour les citoyens des pays candidats et candidats potentiels, la citoyenneté de ces pays devient de plus en plus attrayante pour les investisseurs. C’est déjà le cas pendant le processus d’adhésion, car les pays candidats et candidats potentiels nouent des relations plus étroites avec l’UE et peuvent obtenir le droit pour leurs citoyens d’entrer dans l’espace Schengen, sans visa, pour de courts séjours.
La Turquie a mis en place un programme de citoyenneté par investissement; pour sa part, le Monténégro a lancé, en janvier 2019, les préparatifs en vue de la mise en œuvre d’un tel programme, qui avait été adopté en novembre 2018.
Afin d’éviter que de tels programmes ne présentent des risques dans les domaines mentionnés au point 4.1 ci-dessus, les conditions relatives aux programmes de citoyenneté par investissement seront intégrées dans le processus d’adhésion à l’UE (depuis l’avis sur le statut de candidat jusqu'à la clôture des négociations). Les pays concernés devront disposer de systèmes de surveillance très solides pour contrer les possibles risques en matière de sécurité associés à de tels programmes, tels que le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme, la corruption et l’infiltration de la criminalité organisée.
En ce qui concerne les pays candidats et candidats potentiels, la Commission surveillera les programmes d’octroi de la citoyenneté par investissement dans le contexte du processus d’adhésion à l’UE.
5.2. Autres pays tiers bénéficiant d’un accès sans visa à l’UE
Les programmes de citoyenneté par investissement mis en place par des pays tiers peuvent poser problème pour plusieurs raisons, si la citoyenneté en question accorde un accès sans visa à l’Union européenne pour de courts séjours. Par exemple, la République de Moldavie, dont les citoyens bénéficient d’un programme d’exemption de visa pour les séjours de courte durée dans l’UE depuis 2014, a introduit un programme de citoyenneté par investissement en 2018. Certains pays tiers, ou les contractants qui les soutiennent, ont fait explicitement la promotion de leur citoyenneté en faisant valoir qu’elle donne un accès sans visa à l’Union européenne. Les investisseurs intéressés par de tels programmes sont souvent de riches ressortissants de pays assujettis à l’obligation de visa, qui pourraient utiliser ces programmes pour éviter la procédure normale de visa Schengen et l’évaluation approfondie des risques individuels en matière de migration et de sécurité qu’elle comporte, ce qui suppose un risque de contournement des mesures visant à prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Si l’Union européenne respecte le droit des pays souverains de décider de leurs propres procédures de naturalisation, l’accès sans visa à l’Union ne devrait pas être utilisé comme un instrument permettant d’obtenir des investissements individuels en échange de la citoyenneté. La mise en œuvre de ces programmes sera dûment prise en compte lors de l’évaluation des pays tiers qui pourraient bénéficier d’un programme d’exemption de visa avec l’Union européenne. En outre, les pays tiers qui bénéficient déjà de l’exemption de visa doivent procéder aux contrôles de sécurité et aux vérifications des antécédents des demandeurs de programmes de citoyenneté en appliquant les normes les plus strictes possibles; tout manquement à cet égard pourrait justifier la réimposition d’une obligation de visa et la suspension ou la résiliation des accords d’exemption de visa.
La Commission surveillera les effets des programmes de citoyenneté par investissement mis en œuvre par les pays sans visa dans le cadre du mécanisme de suspension des visas.
6. Conclusions
Les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement présentent des risques pour les États membres et l’Union dans son ensemble, notamment en matière de sécurité, de blanchiment d’argent, de corruption, de contournement des règles de l’UE et de fraude fiscale.
Les risques précités sont encore accentués par des carences dans la transparence et la gouvernance de ces programmes. L’étude commandée par la Commission révèle que les informations disponibles sur les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement mis en place par les États membres sont incomplètes. À titre d'exemple, des statistiques claires sur les demandes reçues, acceptées et rejetées font défaut ou sont insuffisantes. En outre, il n’existe aucun mécanisme permettant de garantir la coopération entre les États membres en en matière de programmes de citoyenneté par investissement, notamment en ce qui concerne les contrôles de sécurité. La Commission est préoccupée par les risques inhérents aux programmes de citoyenneté et de résidence par investissement et par le fait que les mesures prises par les États membres ne sont pas toujours suffisantes pour atténuer ces risques.
La Commission assurera le suivi des mesures prises par les États membres pour garantir la transparence et la bonne gouvernance dans la mise en œuvre des programmes, notamment en vue de lutter plus particulièrement contre les risques d'infiltration de groupes criminels organisés issus de pays tiers dans l’économie, ainsi que contre les risques de blanchiment d’argent, de corruption et de fraude fiscale. La Commission mettra en place un groupe d’experts chargé de renforcer la transparence, la gouvernance et la sécurité pour aider les États membres à améliorer la transparence et la gouvernance des programmes.
La Commission suivra les questions plus larges de la conformité avec le droit de l’Union soulevées par ces programmes et, le cas échéant, elle prendra les mesures qui s'imposent.