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Document 62016TJ0427
Judgment of the General Court (Sixth Chamber) of 29 June 2017.#Isabel Martín Osete v European Union Intellectual Property Office.#EU trade mark — Revocation proceedings — EU word marks AN IDEAL WIFE, AN IDEAL LOVER and AN IDEAL HUSBAND — No genuine use of the marks — Article 51(1)(a) of Regulation (EC) No 207/2009 — No proper reason for non-use.#Joined Cases T-427/16 to T-429/16.
Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 29 juin 2017.
Isabel Martín Osete contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marques de l’Union européenne verbales AN IDEAL WIFE, AN IDEAL LOVER et AN IDEAL HUSBAND – Absence d’usage sérieux des marques – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 – Absence de juste motif pour le non-usage.
Affaires jointes T-427/16 à T-429/16.
Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 29 juin 2017.
Isabel Martín Osete contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marques de l’Union européenne verbales AN IDEAL WIFE, AN IDEAL LOVER et AN IDEAL HUSBAND – Absence d’usage sérieux des marques – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 – Absence de juste motif pour le non-usage.
Affaires jointes T-427/16 à T-429/16.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:455
DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
29 juin 2017 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marques de l’Union européenne verbales AN IDEAL WIFE, AN IDEAL LOVER et AN IDEAL HUSBAND – Absence d’usage sérieux des marques – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence de juste motif pour le non-usage »
Dans les affaires jointes T‑427/16 à T‑429/16,
Isabel Martín Osete, demeurant à Paris (France), représentée par Me V. Wellens, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Danielle Rey, demeurant à Toulouse (France), représentée par Mes P. Wallaert et J. Cockain-Barere, avocats,
ayant pour objet des recours formés contre les décisions de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 21 avril 2016 (affaires R 1528/2015‑2, R 1527/2015-2 et R 1526/2015-2), relatives à des procédures de déchéance entre Mme Rey et Mme Martín Osete,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,
greffier : Mme J. Weychert, administrateur,
vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 29 juillet 2016,
vu les mémoires en réponse de l’EUIPO déposés au greffe du Tribunal le 31 octobre 2016,
vu les mémoires en réponse de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal le 24 novembre 2016,
vu la décision du président de la sixième chambre du Tribunal du 4 avril 2017 portant jonction des affaires T‑427/16 à T‑429/16 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,
à la suite de l’audience du 4 mai 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Les 16 août, 25 août et 5 septembre 2006, Mme Isabel Martín Osete, la requérante, a présenté des demandes d’enregistrement de marques de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque de l’Union européenne (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1)].
2 Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont les signes verbaux AN IDEAL WIFE, AN IDEAL LOVER et AN IDEAL HUSBAND.
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; (préparations abrasives) savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrice ».
4 Les demandes de marques de l’Union européenne ont été publiées au Bulletin des marques communautaires n° 2/2007, n° 3/2007 et n° 7/2007, des 15 janvier, 22 janvier et 19 février 2007.
5 Le 29 juin 2007, les marques verbales AN IDEAL WIFE, AN IDEAL LOVER et AN IDEAL HUSBAND ont été enregistrées comme marques de l’Union européenne (ci-après les « marques enregistrées »).
6 Le 6 novembre 2012, l’intervenante, Mme Danielle Rey, a déposé trois demandes en déchéance des marques enregistrées, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, au motif que lesdites marques n’auraient pas fait l’objet d’un usage sérieux pour l’ensemble des produits visés pendant une période ininterrompue de cinq ans et qu’il n’existerait aucun juste motif pour le non-usage.
7 Par trois décisions du 8 juin 2015, la division d’annulation a prononcé la déchéance des marques enregistrées dans leur intégralité à compter du 6 novembre 2012.
8 Le 29 juillet 2015, la requérante a formé trois recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre les décisions de la division d’annulation.
9 Par trois décisions du 21 avril 2016 (ci-après les « décisions attaquées »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté les recours formés par la requérante. À titre liminaire, elle a constaté que la requérante avait partiellement renoncé aux marques enregistrées en limitant les produits visés par celles-ci aux seuls « produits de parfumerie ». La chambre de recours a donc limité son examen à ces produits. Pour le reste, elle a estimé que les preuves de l’usage présentées par la requérante dans le délai qui lui avait été imparti étaient presque nulles et démontraient que, pendant quatre des cinq années au cours desquelles l’usage devait être démontré, les parfums protégés par les marques enregistrées n’étaient pas prêts à être commercialisés. Elle a ajouté que la requérante n’avait pas réussi à lancer une entreprise commerciale viable, mais avait distribué des parfums de la main à la main à des amis (ou à des amis d’amis) dans des salons littéraires et dans d’autres circonstances similaires. Elle a donc conclu que les éléments de preuve présentés dans le délai fixé ne contenaient aucune donnée tangible ou fiable concernant le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage des marques enregistrées. La chambre de recours a par ailleurs considéré que la réglementation du secteur, qui avait, selon la requérante, entravé son ambition de vendre des parfums, ne pouvait être considérée comme un juste motif pour le non-usage. Elle a ajouté que, même si les éléments de preuve produits en dehors du délai fixé étaient pris en considération, ils ne seraient pas de nature à modifier l’appréciation portée sur la situation de la requérante selon laquelle il convenait de prononcer la déchéance des marques enregistrées dans leur intégralité.
Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les décisions attaquées ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
11 L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
12 À l’appui de ses recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.
13 Ce moyen est divisé en deux branches, tirées des erreurs qu’aurait commises la chambre de recours en interprétant, d’une part, la notion d’« usage sérieux » et, d’autre part, celle de « juste motif pour le non-usage ».
Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une interprétation erronée de la notion d’usage sérieux
14 La requérante fait valoir, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’elle n’avait pas démontré que les marques enregistrées avaient fait l’objet d’un usage sérieux pendant la période en cause s’agissant des produits de parfumerie.
15 L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.
16 Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande déposée auprès de l’EUIPO si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. Cet article précise toutefois que nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux.
17 Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un « usage sérieux » lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [voir arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 19 et jurisprudence citée].
18 Ainsi, l’analyse de l’usage sérieux d’une marque antérieure ne peut pas se limiter au seul constat d’un usage de celle-ci dans la vie des affaires, puisqu’il doit, en outre, s’agir d’un usage sérieux conformément aux dispositions du règlement n° 207/2009. Dès lors, toute exploitation commerciale avérée ne peut être qualifiée automatiquement d’usage sérieux de la marque en cause (arrêt du 17 juillet 2014, Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, non publié, EU:C:2014:2089, point 32).
19 S’agissant des critères d’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, il convient de rappeler qu’une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 22 et jurisprudence citée].
20 En outre, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 23 et jurisprudence citée).
21 Enfin, l’usage sérieux ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 26 et jurisprudence citée).
22 Quant à l’importance ou à l’étendue de l’usage qui a été fait de la marque, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 31 et jurisprudence citée).
23 À la lumière de ce qui précède, il convient d’examiner si, au regard des arguments de la requérante, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve produits par celle-ci ne démontraient pas un usage sérieux des marques enregistrées.
24 À titre liminaire, d’une part, il convient de préciser que, l’intervenante ayant déposé ses demandes de déchéance auprès de l’EUIPO le 6 novembre 2012, la période de cinq années visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 207/2009 s’étend du 6 novembre 2007 au 5 novembre 2012 (ci-après la « période pertinente »).
25 D’autre part, il convient de noter que, dans le cadre des procédures devant la chambre de recours, le délai imparti à la requérante pour produire les preuves de l’usage sérieux des marques enregistrées expirait le 25 avril 2013. Or, il n’est pas contesté que la requérante a produit une partie des preuves en dehors de ce délai. Pour autant, la chambre de recours a considéré, en substance, que, même si les preuves produites en dehors dudit délai étaient prises en considération, elles ne seraient pas de nature à démontrer l’existence d’un usage sérieux des marques enregistrées pendant la période pertinente. Il convient donc de se fonder sur l’ensemble des preuves produites par la requérante pour déterminer si c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les marques enregistrées n’avaient pas fait l’objet d’un usage sérieux.
26 En premier lieu, la requérante soutient qu’elle a produit de nombreuses preuves devant la chambre de recours et que, même si certains facteurs pertinents manquent à certains éléments de preuve, la combinaison de tous les facteurs pertinents dans l’ensemble des éléments de preuve est de nature à établir un usage sérieux. Elle souligne, à cet égard, que l’un de ces facteurs pertinents tient au fait qu’elle a rencontré de nombreux problèmes liés à la réglementation applicable au cours de la période pertinente.
27 À cet égard, il convient de noter que, ainsi qu’il ressort des décisions attaquées, la chambre de recours a relevé que les pièces produites dans le délai imparti consistaient en des lettres de supposés clients attestant avoir acheté des parfums à la requérante, en des courriels rédigés par cette dernière confirmant l’envoi de commandes ainsi qu’en divers témoignages indiquant que les règlements avaient constitué un obstacle majeur au lancement des parfums de la requérante ou qu’un designer avait commencé à concevoir des emballages pour ses parfums en 2009, mais qu’il avait dû mettre le projet en attente car ceux-ci contenaient trop d’allergènes. Parmi ces pièces, se trouvaient également des lettres visant à obtenir une rencontre avec une cliente importante, d’autres faisant référence aux parfums en général ou soulignant à quel point la création d’un parfum est difficile, des rapports toxicologiques, des informations sur les parfums d’autres opérateurs, une série de photographies et des dépliants publicitaires non datés. La chambre de recours a estimé que ces pièces avaient mis en évidence que, pendant quatre des cinq années de la période pertinente, les parfums protégés par les marques enregistrées n’étaient pas prêts à être commercialisés. Elle a ajouté qu’aucun usage n’avait été démontré pour l’année 2012. Selon la chambre de recours, la requérante n’a pas réussi à lancer une entreprise commerciale viable, mais a distribué des parfums « de la main à la main » à des amis dans des salons littéraires et dans d’autres circonstances similaires. La chambre de recours a également considéré que l’étendue et la fréquence de l’usage étaient infimes en l’espèce et que la requérante ne pouvait se prévaloir d’aucun chiffre d’affaires.
28 En l’espèce, force est de constater que les pièces produites par la requérante ne permettent pas de considérer que la chambre de recours a commis une erreur en ne retenant pas l’existence d’un usage sérieux pour les marques enregistrées. Sur ce point, il convient de noter que l’intervenante affirme que certaines pièces produites par la requérante devant le Tribunal ne l’ont pas été devant la chambre de recours. Toutefois, une telle affirmation n’est pas partagée par l’EUIPO, qui estime, ainsi qu’il l’a indiqué lors de l’audience, qu’aucun des éléments produits par la requérante dans le cadre du présent recours n’est nouveau. En tout état de cause, une telle circonstance est dénuée de pertinence en l’espèce, dès lors qu’aucune des pièces produites devant le Tribunal ne permet de remettre en cause les décisions attaquées.
29 À cet égard, il y a lieu de souligner que, ainsi que l’a constaté à juste titre la chambre de recours, la requérante n’a produit aucune facture, aucun chiffre de vente, aucun chiffre publicitaire et aucune donnée indiquant la part de marché des produits de parfumerie commercialisés sous les marques enregistrées. Devant le Tribunal, la requérante a produit un tableau établi par ses soins afin de récapituler les chiffres des ventes des parfums protégés par les marques enregistrées. Il ressort de ce tableau que, pour la période allant du 12 décembre 2006 au 12 mars 2012, la requérante aurait vendu des parfums sous ces trois marques pour un montant total de 2 385 euros et de 3 733 livres sterling (GBP). Sans qu’il soit besoin de se prononcer ni sur la recevabilité de ce document ni sur son caractère probant, force est de constater que les chiffres des ventes des parfums protégés par les marques enregistrées étaient particulièrement faibles étant entendu que le prix de chaque parfum était compris entre 18 et 60 euros, d’une part, et 4 et 30 pounds, d’autre part.
30 Or, selon la jurisprudence, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 32 et jurisprudence citée).
31 Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 33 et jurisprudence citée).
32 À cet égard, il ressort des pièces produites par la requérante que les supposées ventes réalisées par cette dernière sous les marques enregistrées étaient finalisées à l’occasion de quelques salons littéraires, et notamment de ceux organisés par la société Oscar Wilde à Paris, ainsi que de rencontres peu fréquentes avec un petit nombre de clients fidèles. En outre, les documents publicitaires ou les correspondances avec d’éventuels fournisseurs, lesquelles ne sont confortées par aucune pièce probante comme des factures ou des bons de commande, ne permettent pas davantage de retenir une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de ces marques et, partant, d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage des marques concernées.
33 Au surplus, force est de constater que la requérante ne conteste pas que, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, les parfums protégés par les marques enregistrées étaient en cours de reformulation entre 2008 et 2011. Une telle circonstance tend à confirmer que, pendant la majeure partie de la période pertinente, lesdits parfums ne pouvaient être commercialisés, comme l’a estimé à juste titre la chambre de recours.
34 Par ailleurs, la requérante reproche également à la chambre de recours de ne pas avoir retenu l’existence des justes motifs pour le non-usage qu’elle avait invoqués devant elle. Or, par un tel grief, la requérante reconnaît qu’elle n’a pas fait usage des marques enregistrées au moins pendant une partie de la période pertinente, mais considère que la chambre de recours aurait dû retenir l’existence d’un juste motif expliquant cette absence d’usage.
35 Enfin, alors qu’il a été rappelé au point 19 ci-dessus que, pour apprécier l’existence d’un usage sérieux, il convient de se fonder notamment sur les caractéristiques du marché en cause ainsi que sur les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits protégés par la marque, force est de constater que, en l’espèce, la requérante n’apporte aucune précision qui aurait permis au Tribunal d’appréhender les particularités du marché en cause.
36 Dans ces conditions, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas apporté la preuve d’un usage sérieux s’agissant des marques enregistrées pendant la période pertinente.
37 En deuxième lieu, la requérante affirme que les preuves les plus importantes qu’elle a produites démontrent certes un usage en dehors de la période pertinente, mais permettent également de confirmer un usage sérieux et son intention pendant la période pertinente.
38 La chambre de recours a reconnu que l’usage d’une marque après la période pertinente était valable lorsqu’il confirmait ou précisait l’importance de l’usage d’une marque au cours de la période pertinente. Elle a néanmoins affirmé qu’il ne s’agissait pas, en soi, d’un fait déterminant.
39 À cet égard, il convient de rappeler que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage au cours de la période pertinente peut, le cas échéant, tenir compte d’éventuelles circonstances postérieures à cette période. De telles circonstances peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque au cours de la période pertinente ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de la même période [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 38 et jurisprudence citée].
40 En l’espèce, les documents postérieurs à la période pertinente produits par la requérante consistent en une facture datée du 3 septembre 2014 émise par un fournisseur de flacons de parfums et relative à une commande effectuée par la requérante de 20 000 flacons de parfum, des extraits du site Internet de la requérante comprenant une boutique en ligne permettant d’acheter les parfums protégés par les marques enregistrées, des documents établissant que la requérante a reçu le prix du meilleur parfum aux Beauty Challengers Awards 2014 pour les parfums protégés par les marques enregistrées, des extraits de magazines et des courriels échangés avec de possibles détaillants et distributeurs des parfums protégés par les marques enregistrées.
41 Toutefois, force est de constater que les documents mentionnés au point 40 ci-dessus n’apportent pas de précision sur l’usage sérieux des marques enregistrées durant la période pertinente. Tout au plus, ces éléments suggèrent que la requérante aurait commencé à faire un usage sérieux desdites marques postérieurement à ladite période dès lors qu’elle a commandé un grand nombre de flacons pour commercialiser ses parfums en 2014 et que, à la même date, elle a reçu une récompense pour ses parfums après avoir travaillé à leur reformulation pendant la période pertinente. En outre, dès lors qu’il résulte de ce qui a été indiqué au point 36 ci-dessus que la requérante n’a pas apporté la preuve de l’usage sérieux des marques enregistrées pendant la période pertinente, les documents postérieurs à ladite période ne peuvent permettre ni de confirmer, ni de mieux apprécier la portée de l’utilisation des marques enregistrées au cours de la période pertinente, ni de mettre en évidence ses intentions réelles au cours de la même période.
42 En troisième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir écarté les preuves qu’elle avait fournies en se basant sur une appréciation individuelle plutôt que sur une évaluation globale desdites preuves, laquelle manifesterait clairement son intention de créer des parts de marché tout en ayant en même temps à surmonter des contraintes règlementaires.
43 À cet égard, il convient de rappeler qu’un usage sérieux suppose une utilisation réelle de la marque sur le marché concerné aux fins d’identifier des produits ou des services. Ainsi, il y a lieu de considérer qu’un usage sérieux s’oppose à tout usage minimal et insuffisant pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé. Ainsi, même si le titulaire a l’intention d’utiliser de façon réelle sa marque, si cette dernière n’est pas objectivement présente sur le marché d’une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe, de sorte qu’elle ne peut pas être perçue par les consommateurs comme étant une indication de l’origine des produits ou des services en cause, il n’y a pas usage sérieux de la marque [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO AIRE), T‑156/01, EU:T:2003:198, point 35 et jurisprudence citée].
44 En outre, ainsi qu’il a déjà été mentionné au point 20 ci-dessus, selon la jurisprudence, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.
45 En l’espèce, force est de constater que la chambre de recours ne s’est pas livrée à une appréciation individuelle des preuves, mais a procédé à une appréciation globale des facteurs pertinents lorsqu’elle a considéré que l’absence de chiffre d’affaires n’était pas compensée par l’étendue et la fréquence de l’usage, qu’elle a estimées infimes, et qu’elle a conclu à l’absence d’usage sérieux des marques enregistrées pendant la période pertinente nonobstant l’intention de la requérante d’utiliser de façon réelle ses marques.
46 Dans ces conditions, le présent grief est infondé et ne peut qu’être rejeté, ainsi que la première branche du moyen unique dans son ensemble.
Sur la seconde branche du moyen unique, tirée d’une interprétation erronée de la notion de « juste motif pour le non-usage »
47 La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir retenu l’existence, pendant la période pertinente, de justes motifs pour le non-usage, à savoir, en l’espèce, des contraintes réglementaires émanant tant de l’association internationale des matières premières pour la parfumerie (ci-après l’« IFRA ») que de l’Union, lesquelles auraient rendu extrêmement difficile l’usage des marques enregistrées pour les produits de parfumerie pendant la période pertinente.
48 L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.
49 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les réglementations du secteur, qui avaient, selon les dires de la requérante, entravé son ambition de vendre des parfums, ne pouvaient pas être considérées comme un juste motif pour le non-usage. D’une part, la chambre de recours a noté que les réglementations citées dans les éléments de preuve s’appliquaient à tous les opérateurs du secteur de la parfumerie et non uniquement à la requérante. D’autre part, elle a relevé que la directive 2003/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 février 2003, modifiant la directive 76/768/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO 2003, L 66, p. 26), était entrée en vigueur bien avant que la requérante ne dépose sa marque en 2006. La chambre de recours a ajouté que la requérante aurait donc dû connaître les exigences de la directive et concevoir ses parfums en conséquence.
50 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, seuls des obstacles qui présentent une relation suffisamment directe avec une marque rendant impossible ou déraisonnable l’usage de celle-ci et qui sont indépendants de la volonté du titulaire de cette marque peuvent être qualifiés de « justes motifs » pour le non-usage de celle-ci. Il convient d’apprécier au cas par cas si un changement de la stratégie d’entreprise pour contourner l’obstacle considéré rendrait déraisonnable l’usage de ladite marque (voir arrêt du 17 mars 2016, Naazneen Investments/OHMI, C‑252/15 P, non publié, EU:C:2016:178, point 96 et jurisprudence citée).
51 La requérante soutient, premièrement, que les modifications de la réglementation de l’IFRA ont constitué la contrainte règlementaire la plus importante à laquelle elle a été confrontée au cours de la période pertinente et l’ont obligée à remanier les parfums qu’elle commercialise sous les marques enregistrées. Elle précise que l’IFRA, dont les membres représentent 90 % du volume de la production globale des composés parfumants, est l’organe de direction de l’industrie du parfum et, à ce titre, contrôle et règlemente l’usage des substances utilisées dans les parfums. Elle ajoute que toute personne faisant preuve de sérieux dans la commercialisation de son parfum sur le marché européen doit veiller au respect des normes de l’IFRA. Elle précise que, dès lors qu’elle s’est appuyée, pour la production de ses parfums, sur un fabriquant qui était membre de l’IFRA, elle a dû lui faire revoir ses formules afin de se conformer aux normes modifiées. La requérante ajoute, deuxièmement, que le nombre important de modifications de la législation de l’Union pendant la période pertinente l’ont contrainte à remanier de manière significative les parfums qu’elle commercialise sous les marques enregistrées. La requérante indique que la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO 1976, L 262, p. 169), a été modifiée au moins à 30 reprises durant la période pertinente et a finalement été remplacée par le règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques (JO 2009, L 342, p. 59).
52 À cet égard, force est de constater que, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, les réglementations de l’IFRA et de l’Union s’appliquent à tous les opérateurs du secteur de la parfumerie et non uniquement à la requérante. En outre, le respect des réglementations applicables est inhérent à toute activité commerciale et ne saurait, sauf à adopter une conception particulièrement extensive de la notion de « juste motif pour le non-usage », justifier l’absence d’usage sérieux pendant la période pertinente. Enfin, les problèmes liés à la fabrication des produits font partie des difficultés commerciales rencontrées par toute entreprise. Or, selon la jurisprudence, la notion de justes motifs se réfère plutôt à des circonstances externes au titulaire de la marque qu’aux circonstances liées à ses difficultés commerciales [voir arrêt du 18 mars 2015, Naazneen Investments/OHMI – Energy Brands (SMART WATER), T‑250/13, non publié, EU:T:2015:160, point 66 et jurisprudence citée].
53 Dans ces conditions, il convient de considérer que, comme l’affirme à bon droit l’EUIPO, l’existence de réglementations complexes applicables dans un domaine particulier ne saurait être considérée comme un obstacle rendant impossible ou déraisonnable l’usage des marques enregistrées au sens de la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que la requérante ne pouvait se prévaloir, en l’espèce, d’aucun juste motif pour le non-usage des marques enregistrées.
54 Il résulte de tout ce qui précède que la seconde branche du moyen unique doit être rejetée ainsi que les recours dans leur ensemble.
Sur les dépens
55 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) Mme Isabel Martín Osete est condamnée aux dépens.
Berardis |
Papasavvas |
Spineanu-Matei |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 juin 2017.
Signatures
* Langue de procédure : l’anglais.