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Document 62014CJ0594

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 10 décembre 2015.
Simona Kornhaas contre Thomas Dithmar.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Procédures d’insolvabilité – Règlement (CE) no 1346/2000 – Article 4, paragraphe 1 – Détermination de la loi applicable – Réglementation d’un État membre prévoyant l’obligation du dirigeant d’une société de rembourser à celle-ci les paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité – Application de cette réglementation à une société constituée dans un autre État membre – Articles 49 TFUE et 54 TFUE – Restriction de la liberté d’établissement – Absence.
Affaire C-594/14.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:806

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

10 décembre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Procédures d’insolvabilité — Règlement (CE) no 1346/2000 — Article 4, paragraphe 1 — Détermination de la loi applicable — Réglementation d’un État membre prévoyant l’obligation du dirigeant d’une société de rembourser à celle‑ci les paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité — Application de cette réglementation à une société constituée dans un autre État membre — Articles 49 TFUE et 54 TFUE — Restriction de la liberté d’établissement — Absence»

Dans l’affaire C‑594/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 2 décembre 2014, parvenue à la Cour le 22 décembre 2014, dans la procédure

Simona Kornhaas

contre

Thomas Dithmar, agissant en qualité de curateur à la faillite de Kornhaas Montage und Dienstleistung Ltd,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de la dixième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, Mme M. Berger (rapporteur) et M. S. Rodin, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Mme Kornhaas, par Me W. Steinfeld, Rechtsanwalt,

pour Me Dithmar, par Me C. Esser, Rechtsanwalt,

pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1) ainsi que des articles 49 TFUE et 54 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Me Dithmar, agissant en qualité de curateur à la faillite de Kornhaas Montage und Dienstleistung Ltd (ci‑après la «société débitrice»), à Mme Kornhaas au sujet d’une action en remboursement de paiements que cette dernière aurait effectués en tant que dirigeante de la société débitrice après la survenance de l’insolvabilité de celle‑ci.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 3 du règlement no 1346/2000, intitulé «Compétence internationale», dispose:

«1.   Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2.   Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui‑ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

[...]»

4

L’article 4 de ce règlement, intitulé «Loi applicable», prévoit:

«1.   Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci‑après dénommé ‘État d’ouverture’.

2.   La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment:

[...]

m)

les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensemble des créanciers.»

Le droit allemand

5

L’article 64, paragraphes 1 et 2, de la loi relative aux sociétés à responsabilité limitée (Gesetz betreffend die Gesellschaften mit beschränkter Haftung, RGBl. 1898, p. 846, ci‑après le «GmbHG»), dans sa version applicable aux faits au principal, disposait:

«(1)   En cas d’insolvabilité de la société, les gérants sont tenus d’introduire sans délai, et au plus tard trois semaines après la survenance de l’insolvabilité, une demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité. Ceci vaut également, en substance, s’il s’avère que la société est surendettée.

(2)   Les gérants sont tenus de rembourser à la société les paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la société ou après la constatation de son surendettement. [...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

6

Me Dithmar est le curateur de la société débitrice, dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité ouverte par l’Amtsgericht Erfurt (tribunal cantonal d’Erfurt). La société débitrice, dont Mme Kornhaas était la dirigeante, était inscrite sous la forme commerciale d’une «private company limited by shares» (ci‑après une «Limited») au registre du commerce de Cardiff (Royaume‑Uni). Une succursale de la société débitrice était établie en Allemagne et, à ce titre, était inscrite au registre du commerce tenu par l’Amtsgericht Jena (tribunal cantonal de Jena). La société débitrice, qui était essentiellement active dans ce dernier État membre, avait pour objet social l’installation de systèmes de ventilation et la prestation de services connexes.

7

Faisant valoir que la société débitrice était insolvable au moins depuis le 1er novembre 2006 et que Mme Kornhaas, entre le 11 décembre 2006 et le 26 février 2007, avait procédé, à charge de cette société, à des paiements pour un montant total de 110151,66 euros, Me Dithmar a intenté contre Mme Kornhaas une action en remboursement de cette somme sur le fondement de l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG. Ce recours a été accueilli par le Landgericht Erfurt (tribunal régional d’Erfurt). Saisi en appel par Mme Kornhaas, l’Oberlandesgericht Jena (tribunal régional supérieur de Jena) a confirmé l’arrêt rendu par le Landgericht Erfurt (tribunal régional d’Erfurt), tout en autorisant le recours en «Revision» devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice).

8

La juridiction de renvoi estime que le recours introduit par Me Dithmar est fondé au regard du droit allemand, l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG ayant pour objet, en substance, de prévenir la diminution des actifs de la masse avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité et de garantir que ces actifs soient disponibles, dans le cadre de ladite procédure, en vue du désintéressement égalitaire des créanciers. Cette disposition, bien que formellement intégrée dans une législation relative au droit des sociétés, relèverait, dès lors, du droit de l’insolvabilité et serait opposable au dirigeant d’une Limited.

9

La juridiction de renvoi s’interroge cependant sur la conformité d’une telle disposition avec le droit de l’Union. À cet égard, il résulterait de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000 que la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est la loi allemande, en tant que loi de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte. Or, il existerait une controverse dans la doctrine allemande quant à la question de savoir si l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG peut être opposé aux dirigeants de sociétés constituées en conformité avec le droit d’autres États de l’Union européenne, mais ayant le centre de leurs intérêts principaux en Allemagne.

10

Selon la juridiction de renvoi, l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG ne régirait pas les conditions auxquelles une société constituée en conformité avec le droit d’un autre État de l’Union peut installer son siège administratif en Allemagne, mais uniquement les conséquences juridiques d’une telle décision et d’un comportement fautif de ses dirigeants. La liberté d’établissement ne serait donc pas affectée.

11

En tout état de cause, l’éventuelle restriction à la liberté d’établissement qu’emporterait l’application de l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG serait justifiée, aux motifs qu’elle serait appliquée de façon non discriminatoire, qu’elle répondrait à un motif impérieux d’intérêt général, à savoir la protection des créanciers, qu’elle serait de nature à préserver la masse ou à la reconstituer et qu’elle n’irait pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

12

La juridiction de renvoi observe toutefois que la jurisprudence de la Cour découlant, notamment, des arrêts Überseering (C‑208/00, EU:C:2002:632) et Inspire Art (C‑167/01, EU:C:2003:512) pourrait également être interprétée en ce sens que les rapports internes des sociétés créées dans un État membre, mais exerçant leur activité principale dans un autre État membre, relèvent, dans le cadre de la liberté d’établissement, du droit des sociétés de l’État de constitution. L’application de l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG aux dirigeants de sociétés d’un autre État membre pourrait ainsi être contraire à la liberté d’établissement, au sens des articles 49 TFUE et 54 TFUE.

13

Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’action dirigée contre le directeur d’une Limited de droit anglais ou gallois faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne en application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000, intentée devant une juridiction allemande par le syndic, en vue du remboursement de paiements effectués par ce directeur avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité mais après la survenance de l’insolvabilité de la société concerne‑t‑elle la loi allemande applicable en matière d’insolvabilité au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000?

2)

Une telle action est‑elle contraire à la liberté d’établissement au sens des articles 49 TFUE et 54 TFUE?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

14

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que relève de son champ d’application une action dirigée contre le dirigeant d’une société de droit anglais ou gallois, faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne, intentée devant une juridiction allemande par le curateur de cette société et tendant, sur le fondement d’une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG, au remboursement de paiements effectués par ce dirigeant avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, mais après la date à laquelle la survenance de l’insolvabilité de cette société a été fixée.

15

Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes, sur le fondement de cette disposition, pour connaître d’une action du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle‑ci (arrêt H, C‑295/13, EU:C:2014:2410, point 26).

16

La Cour a fondé cette décision sur la considération, notamment, qu’une disposition nationale, telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG, en vertu de laquelle le gérant d’une société insolvable doit rembourser des paiements qu’il a effectués pour le compte de cette société après la survenance de l’insolvabilité de celle‑ci, déroge aux règles communes du droit civil et commercial, et ce en raison de l’état d’insolvabilité de ladite société. Elle en a déduit qu’une action fondée sur cette disposition, introduite dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, relève des actions dérivant directement d’une procédure d’insolvabilité et s’y insérant étroitement (voir, en ce sens, arrêt H, C‑295/13, EU:C:2014:2410, points 23 et 24).

17

Par conséquent, même si, dans l’arrêt H (C‑295/13, EU:C:2014:2410), la réponse de la Cour à la demande de décision préjudicielle portait sur l’article 3 du règlement no 1346/2000 et sur la compétence internationale d’une juridiction nationale pour statuer sur une action fondée sur une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG, elle a néanmoins clairement qualifié une telle disposition de droit national comme relevant du droit de l’insolvabilité. Il en résulte que cette dernière disposition doit être regardée comme relevant de la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets, au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000. En tant que telle, ladite disposition de droit national, dont l’un des effets consiste à obliger, le cas échéant, le dirigeant d’une société à rembourser des paiements qu’il a effectués pour le compte de celle‑ci après la survenance de son insolvabilité, peut, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000, être appliquée par la juridiction nationale saisie de la procédure d’insolvabilité en tant que loi de l’État membre sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité est ouverte (ci‑après la «lex fori concursus»).

18

Il convient d’ajouter à cet égard que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG doit être lu en combinaison avec le paragraphe 1 de cet article qui prévoit, en substance, que, en cas d’insolvabilité ou de surendettement d’une société, les membres de l’organe de représentation sont tenus d’introduire sans délai, et au plus tard trois semaines après la survenance de l’insolvabilité ou du surendettement, une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. Ainsi, l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG permet notamment d’engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société insolvable ou surendettée qui ont omis de demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en violation de l’article 64, paragraphe 1, GmbHG. En effet, une fois une telle procédure ouverte, il n’appartient en règle générale plus au dirigeant de la société insolvable, mais bien au curateur de celle‑ci, d’effectuer ou d’autoriser des paiements pour le compte de cette société. Il en résulte que, si le dirigeant d’une société en état d’insolvabilité s’est conformé à l’obligation prescrite par l’article 64, paragraphe 1, GmbHG, la sanction qu’emporte, en substance, l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG ne s’appliquera pas.

19

Or, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1346/2000 prévoit, notamment, que la lex fori concursus détermine les «conditions d’ouverture» de la procédure d’insolvabilité. En vue de veiller à l’effet utile de cette disposition, celle‑ci doit être interprétée en ce sens que relèvent de son champ d’application, premièrement, les conditions préalables pour l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, deuxièmement, les règles qui désignent les personnes qui ont l’obligation de demander l’ouverture de cette procédure et, troisièmement, les conséquences d’une violation de cette obligation. Par conséquent, des dispositions nationales, telles que l’article 64, paragraphes 1 et 2, première phrase, du GmbHG, ayant pour effet, en substance, de sanctionner un manquement à l’obligation de demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, doivent être considérées, également sous cet angle, comme relevant du champ d’application de l’article 4 du règlement no 1346/2000.

20

En outre, une disposition telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG contribue à la réalisation d’un objectif qui est intrinsèquement lié, mutatis mutandis, à toute procédure d’insolvabilité, à savoir la prévention de possibles diminutions de la masse avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité en vue d’un désintéressement égalitaire des créanciers. Ainsi, une telle disposition semble au moins assimilable à une règle portant «l’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensemble des créanciers» qui, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous m), du règlement no 1346/2000, relève de la lex fori concursus.

21

Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 4 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que relève de son champ d’application une action dirigée contre le dirigeant d’une société de droit anglais ou gallois, faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne, intentée devant une juridiction allemande par le curateur de cette société et tendant, sur le fondement d’une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG, au remboursement de paiements effectués par ce dirigeant avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, mais après la date à laquelle la survenance de l’insolvabilité de cette société a été fixée.

Sur la seconde question

22

Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 49 TFUE et 54 TFUE s’opposent à l’application d’une disposition nationale, telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG, au dirigeant d’une société de droit anglais ou gallois faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne.

23

À cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour que, dans certaines conditions, le refus, par un État membre, de reconnaître la capacité juridique d’une société constituée conformément au droit d’un autre État membre dans lequel elle a son siège statutaire au motif, notamment, que la société aurait transféré son siège effectif sur son territoire peut constituer une restriction à la liberté d’établissement incompatible, en principe, avec les articles 49 TFUE et 54 TFUE (voir, en ce sens, arrêt Überseering, C‑208/00, EU:C:2002:632, point 82).

24

La Cour a également déjà décidé que, dans la mesure où des dispositions nationales relatives au capital minimal sont incompatibles avec la liberté d’établissement, telle que garantie par le traité, il en va nécessairement de même des sanctions attachées au non‑respect de ces obligations, comme la responsabilité personnelle et solidaire des administrateurs, lorsque le capital n’atteint pas le montant minimal prévu par la législation nationale ou lorsqu’il descend, en cours d’activité, en dessous de ce montant (voir, en ce sens, arrêt Inspire Art, C‑167/01, EU:C:2003:512, point 141).

25

Toutefois, s’agissant d’une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG, force est de constater que celle‑ci ne concerne ni le refus, par un État membre, de reconnaître la capacité juridique d’une société constituée conformément au droit d’un autre État membre et ayant transféré son siège effectif sur le territoire de ce premier État membre ni une responsabilité personnelle des administrateurs lorsque le capital de cette société n’atteint pas le montant minimal prévu par la législation nationale.

26

En effet, premièrement, il découle de la décision de renvoi que la capacité juridique de la société débitrice n’est aucunement remise en cause dans le contexte de l’affaire au principal. Le libellé de l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG semble même exclure une telle remise en cause, l’application de cette disposition présupposant l’existence d’une «société».

27

Deuxièmement, la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société sur le fondement de l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG est liée non pas au fait que le capital de cette société n’atteint pas le montant minimum prévu par la législation allemande ou par la législation conformément à laquelle cette société a été constituée, mais uniquement que, en substance, les dirigeants d’une telle société ont effectué des paiements à un stade où ils auraient été tenus, en vertu de l’article 64, paragraphe 1, GmbHG, de demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

28

Eu égard à ce qui précède, l’application d’une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG ne concerne aucunement la constitution d’une société dans un État membre donné ni son établissement ultérieur dans un autre État membre, dans la mesure où cette disposition de droit national ne trouve à s’appliquer qu’après que cette société a été constituée, dans le cadre de son activité et, plus précisément, soit à partir du moment où elle doit être considérée, selon le droit national applicable en vertu de l’article 4 du règlement no 1346/2000, comme étant insolvable, soit à partir du moment où son surendettement est constaté en conformité avec ce droit national. Une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG ne saurait, partant, affecter la liberté d’établissement.

29

Dans ces conditions, il convient de répondre à la seconde question que les articles 49 TFUE et 54 TFUE ne s’opposent pas à l’application d’une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, du GmbHG au dirigeant d’une société de droit anglais ou gallois faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne.

Sur les dépens

30

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 4 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité doit être interprété en ce sens que relève de son champ d’application une action dirigée contre le dirigeant d’une société de droit anglais ou gallois, faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne, intentée devant une juridiction allemande par le curateur de cette société et tendant, sur le fondement d’une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, de la loi relative aux sociétés à responsabilité limitée, au remboursement de paiements effectués par ce dirigeant avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, mais après la date à laquelle la survenance de l’insolvabilité de cette société a été fixée.

 

2)

Les articles 49 TFUE et 54 TFUE ne s’opposent pas à l’application d’une disposition nationale telle que l’article 64, paragraphe 2, première phrase, de la loi relative aux sociétés à responsabilité limitée au dirigeant d’une société de droit anglais ou gallois faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: l’allemand.

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