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Document 62005CC0108

Conclusions de l'avocat général Sharpston présentées le 30 mars 2006.
Bovemij Verzekeringen NV contre Benelux-Merkenbureau.
Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof te 's-Gravenhage - Pays-Bas.
Marques - Directive 89/104/CEE - Article 3, paragraphe 3 - Caractère distinctif - Acquisition par l'usage - Prise en compte de tout ou d'une partie substantielle du territoire Benelux - Prise en compte des zones linguistiques du Benelux - Marque verbale EUROPOLIS.
Affaire C-108/05.

European Court Reports 2006 I-07605

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2006:221

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme E. Sharpston

présentées le 30 mars 2006 (1)

Affaire C-108/05

Bovemij Verzekeringen NV

contre

Benelux-Merkenbureau

[demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof te ’s-Gravenhage (Pays-Bas)]

«Droit de marque – Caractère distinctif acquis par l’usage – Étendue de l’usage requis»





1.     La présente demande préjudicielle trouve son origine dans une demande introduite par la société Bovemij Verzekeringen NV (ci-après «Bovemij») auprès du Bureau Benelux des marques (Benelux-Merkenbureau) visant à faire enregistrer le signe EUROPOLIS comme marque verbale pour certaines classes de services. Elle concerne en particulier les conditions dans lesquelles un signe peut acquérir un caractère distinctif par son usage au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104/CEE du Conseil (2).

 Réglementation communautaire applicable

2.     L’article 1er de la directive sur les marques étend son champ d’application aux marques de produits ou de services qui ont fait l’objet d’un enregistrement ou d’une demande d’enregistrement a) dans un État membre, ou b) auprès du Bureau Benelux des marques, ou (c) qui ont fait l’objet d’un enregistrement international produisant ses effets dans un État membre.

3.     L’article 3, paragraphe 1, de la directive sur les marques dispose:

«1. Sont refusé[e]s à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclaré[e]s nul[le]s si [elles] sont enregistré[e]s:

[…]

b)      les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

c)      les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;

d)      les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;

[…]»

4.     L’article 3, paragraphe 3, première phrase, de la directive sur les marques dispose:

«Une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, n’est pas susceptible d’être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant la date de la demande d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif.»

5.     Par commodité, j’évoquerai la condition visée à l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques, en indiquant que le signe doit avoir acquis un «caractère distinctif par l’usage».

6.     Le règlement (CE) n°40/94 du Conseil (3) régit la marque communautaire.

7.     Les termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement sur la marque communautaire sont identiques à ceux de l’article 3, paragraphe 1, sous b) à d), de la directive sur les marques.

8.     L’article 7, paragraphe 2, du règlement sur la marque communautaire dispose que l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté. L’article 3 de la directive sur les marques ne comporte pas de disposition analogue.

9.     L’article 7, paragraphe 3, du règlement sur la marque communautaire, qui est le pendant de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques, dispose que l’enregistrement ne sera pas refusé si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

 Réglementation Benelux applicable

10.   Sous l’empire de la loi uniforme Benelux sur les marques, les dépôts de demandes d’enregistrement de marques au Benelux doivent se faire au Bureau Benelux des marques. L’enregistrement de la marque étend ses effets à l’ensemble du territoire Benelux.

11.   L’article 6 bis, paragraphe 1, sous a), de la loi uniforme Benelux (4) dispose que l’enregistrement est refusé si le signe déposé ne répond pas à la définition d’une marque donnée à l’article 1er de la loi uniforme Benelux sur les marques, «notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6 quinquies B, sous [ii)], de la convention de Paris».

12.   Cet article de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle dispose, dans le passage qui nous intéresse:

«B. Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l’enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:

[…]

ii) lorsqu’elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine des produits ou l’époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée».

13.   À l’époque en cause, l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques n’avait pas été transposé dans la loi uniforme Benelux sur les marques, alors que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage avait déjà fait son chemin dans l’examen des marques Benelux (5).

14.   Au cours de la procédure, il est apparu que l’article 13, C, premier alinéa, de la loi uniforme Benelux sur les marques présente également un intérêt (bien qu’il ne soit pas visé dans la décision de renvoi). Celui-ci dispose:

«Le droit exclusif à une marque rédigée dans l’une des langues nationales ou régionales du territoire Benelux s’étend de plein droit aux traductions dans l’autre de ces langues.» (6)

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15.   Bovemij a déposé au mois de mai 1997 une demande d’enregistrement du signe EUROPOLIS comme marque verbale pour les classes de services suivantes: assurances, affaires financières, affaires monétaires, courtage et transactions immobilières, transport, emballage et entreposage de marchandises, organisation de voyages.

16.   Au mois d’octobre 1997, le Bureau Benelux des marques a notifié son refus provisoire d’enregistrer le signe EUROPOLIS au motif que celui-ci est dépourvu de tout caractère distinctif en lui-même.

17.   Au mois d’avril 1998, Bovemij a introduit une réclamation contre ce refus provisoire d’enregistrer le signe au motif que celui-ci est régulièrement utilisé comme marque dans le circuit économique depuis 1988 par Europolis BV, une filiale de Bovemij.

18.   Au mois de 1998, le Bureau Benelux des marques a indiqué ne pas voir matière dans la réclamation de Bovemij à revenir sur son refus provisoire et a informé Bovemij de sa décision comportant «refus définitif» d’enregistrer le signe.

19.   Bovemij a saisi le Gerechtshof te ’s-Gravenhage (cour d’appel de La Haye) (Pays-Bas) d’un recours tendant à ordonner au Bureau Benelux des marques d’enregistrer le signe au motif – en ordre principal – qu’EUROPOLIS a un caractère distinctif en lui-même et – en ordre subsidiaire – que le signe a été consacré par l’usage avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement.

20.   Le Gerechtshof te ’s-Gravenhage estime que le signe EUROPOLIS consiste exclusivement en des indications pouvant servir dans le commerce pour désigner des caractéristiques des services et qu’il est dépourvu de tout caractère distinctif intrinsèque.

21.   En ce qui concerne la consécration par l’usage, le Gerechtshof te ’s‑Gravenhage observe que les parties divergent quant aux conditions dans lesquelles un signe peut acquérir un caractère distinctif par l’usage. Le Bureau Benelux des marques soutient qu’il faut que, du fait de son usage, le signe soit perçu par le public entrant en considération comme une marque dans l’ensemble du territoire Benelux, c’est-à-dire dans chacun des trois pays. Bovemij expose qu’il suffit, pourvu que les autres conditions soient remplies, qu’un signe soit perçu par le public entrant en considération comme une marque dans une partie considérable du territoire Benelux, en l’espèce, les Pays-Bas uniquement.

22.   Le Gerechtshof te ’s-Gravenhage a dès lors décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes (7):

«1)      Faut-il interpréter l’article 3, paragraphe 3, de la directive [sur les marques] en ce sens que l’acquisition d’un caractère distinctif (en l’espèce par une marque Benelux) par l’usage, visée dans ce paragraphe, requiert que le signe soit perçu, avant la date du dépôt, par le public entrant en considération comme une marque dans l’ensemble du territoire Benelux, et donc en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas?

Au cas où la deuxième question appelle une réponse négative:

2)      La condition posée par l’article 3, paragraphe 3, de la directive [sur les marques] pour l’enregistrement visé dans ce paragraphe est-elle remplie si, du fait de son usage, le signe est perçu par le public entrant en considération comme une marque dans une partie considérable du territoire Benelux et cette partie considérable peut-elle se limiter par exemple aux Pays-Bas?

3)      a)     Pour apprécier le caractère distinctif né de l’usage, tel que visé à l’article 3, paragraphe 3, de la directive [sur les marques], d’un signe – consistant en un ou plusieurs mots d’une langue officielle du territoire d’un État membre (ou, comme en l’espèce, du territoire Benelux) – faut-il tenir compte des zones linguistiques existant dans ce territoire?

b)      Pour l’enregistrer comme marque, au cas où les autres conditions d’enregistrement sont remplies, suffit-il d’exiger que le signe soit perçu par le public entrant en considération comme une marque dans une partie considérable de la zone linguistique de l’État membre (ou, comme en l’espèce, du territoire Benelux) dans laquelle cette langue est officiellement parlée?»

23.   Des observations écrites ont été déposées par Bovemij, le Bureau Benelux des marques, le Royaume des Pays-Bas et la Commission des Communautés européennes. Les parties et la Commission étaient représentées à l’audience. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord s’est contenté de présenter des observations orales.

 Appréciation

24.   Les questions posées sont de deux ordres. Premièrement, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’examen de la consécration d’un signe par l’usage au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques devrait prendre en compte la perception du public entrant en considération sur le territoire Benelux (première question) ou seulement sur une partie considérable du territoire Benelux (deuxième question). Ces questions portent sur les marques en général. Deuxièmement, la juridiction de renvoi a fait état de deux préoccupations propres aux marques verbales (8). Les questions qui en découlent s’interrogent sur l’incidence de communautés linguistiques sur l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage au regard de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques. Compte tenu de l’objet du litige dont est saisi la juridiction de renvoi, je considère qu’il est souhaitable de répondre à toutes les questions posées au regard des marques verbales.

 Observations liminaires

25.   Il est utile de commencer par l’examen de trois questions. Premièrement, quel est le statut des marques verbales dans l’économie de la directive sur les marques et quel accueil ont-elles reçu devant la Cour? Deuxièmement, sur quelle base la Cour a-t-elle déterminé si une marque (et plus particulièrement une marque verbale) est «dépourvue de tout caractère distinctif» [article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques] et/ou est descriptive [article 3, paragraphe 1, sous c), de ladite directive]? Troisièmement, comment la Cour a‑t‑elle considéré l’examen du «caractère distinctif acquis par l’usage» aux fins de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques? Les questions spécifiques posées pourront alors être analysées relativement succinctement au vu de ces éléments.

 Marques verbales

26.   L’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques interdit d’enregistrer «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif».

27.   L’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive sur les marques interdit d’enregistrer «les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique […] du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci».

28.   Dans le contexte de la directive sur les marques, les mots peuvent être utilisés de deux manières. Premièrement, un mot ou une combinaison de mots peut servir à désigner une ou plusieurs caractéristiques d’un produit. Les mots utilisés à cette fin ne sont pas susceptibles d’être enregistrés en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive sur les marques. Ils sont de même nécessairement dépourvus de tout caractère distinctif en rapport avec ce produit au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, ainsi que la Cour l’a déjà estimé (9). Deuxièmement, un mot ou une combinaison de mots peut identifier un produit (tout en le décrivant ou non de manière incidente). Un tel signe verbal est susceptible d’être enregistré comme marque puisqu’il n’est pas visé à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques ni à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la même directive.

29.   Selon la jurisprudence, l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive sur les marques poursuit un intérêt public spécifique, à savoir que tous les signes et indications pouvant servir à désigner des caractéristiques des produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé doivent pouvoir être à la libre disposition de tous (10). L’intérêt public de ne pas permettre d’enregistrer et de protéger comme marque une combinaison de mots qui est descriptive est clair. Un enregistrement de cette nature empêcherait d’autres entreprises (et donc des concurrents éventuels) d’employer des termes évidents pour décrire leurs produits aux consommateurs (11), en leur infligeant de la sorte un handicap sur le plan de la concurrence. Cela heurterait directement l’objectif de la directive sur les marques qui met en place une harmonisation partielle en vue d’éliminer «des disparités qui peuvent entraver la libre circulation des produits ainsi que la libre prestation des services et fausser les conditions de concurrence dans le marché commun» (12).

 Analyse sous l’angle de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques et/ou de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ladite directive

30.   Ce qui importe pour examiner sous l’angle de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques et/ou de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la même directive si une marque est (respectivement) dépourvue de caractère distinctif ou est descriptive des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé (13), c’est la perception qu’en ont les «milieux intéressés». Dans la définition qui en est donnée, les milieux intéressés sont constitués par le commerce et le consommateur moyen de ces produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (14).

31.   La Cour a reconnu que, en raison des différences linguistiques, culturelles, sociales et économiques entre les États membres, une marque qui est dépourvue de caractère distinctif ou est descriptive des produits ou des services concernés dans un État membre ne le soit pas dans un autre État membre (15) et puisse dès lors être régulièrement enregistrée dans ce deuxième État membre. De surcroît, la Cour a récemment indiqué que l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive sur les marques ne s’oppose pas à l’enregistrement dans un État membre, en tant que marque nationale, d’un vocable emprunté à la langue d’un autre État membre dans laquelle il est dépourvu de caractère distinctif ou est descriptif des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, à moins que les milieux intéressés dans l’État membre dans lequel l’enregistrement est demandé soient aptes à identifier la signification de ce vocable (16).

32.   Autrement dit, des vocables qui ont un sens du fait de leur aptitude à décrire des produits ou des services ne peuvent pas être enregistrés en tant que marques, mais là où ils sont dépourvus de sens en raison de différences linguistiques, ils ne peuvent pas avoir de fonction descriptive. Aucun motif tiré de l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur les marques ne s’oppose dès lors à leur enregistrement.

33.   Il s’ensuit que l’aptitude linguistique des milieux intéressés à identifier le sens d’un signe consistant en un vocable doit être prise en compte dans l’examen fait au regard de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques et/ou de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la même directive.

 Article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques

34.   Pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage aux fins de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques, l’autorité compétente doit apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit des produits (ou services) d’autres entreprises (17).

35.   Dans l’arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, la Cour a émis l’idée de pouvoir prendre en compte les facteurs suivants dans l’examen du caractère distinctif d’une marque au regard de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques: la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits (ou services) comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (18). Ces facteurs ont trait à a) l’usage de la marque, et b) l’aptitude ou non de cet usage à permettre aux opérateurs et aux consommateurs pertinents d’identifier les produits ou services comme provenant d’une entreprise déterminée.

36.   Cet examen global de la consécration éventuelle de la marque par l’usage doit prendre en compte la circonstance que les milieux intéressés ou à tout le moins une fraction significative de ceux-ci identifient ou non grâce à la marque les produits (ou services) comme provenant d’une entreprise déterminée (19). Il convient de tenir compte de la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie de produits ou services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (20).

37.   Ces conditions requises pour faire jouer l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques reflètent ce que la Cour a dit à l’endroit de l’examen au regard de l’article 3, paragraphe 1, sous b) et/ou c) de ladite directive. Cela est logique. Si une marque n’est pas susceptible d’être enregistrée à première vue en ce que les milieux intéressés possédant les niveaux raisonnables d’information et les facultés raisonnables d’observation seraient enclins à la percevoir comme étant intrinsèquement dépourvue de caractère distinctif et/ou descriptif, on devrait se demander si cette perception n’est plus d’actualité, dans les mêmes milieux intéressés, parce que la marque a acquis un caractère distinctif par l’usage (21).

38.   Les capacités linguistiques des milieux intéressés (qui, contrairement aux facteurs énumérés dans l’arrêt Windsurfing Chiemsee, ne sont pas fonction de l’usage actuel d’une marque verbale ou de son identification au produit) ont-elles une incidence sur l’examen de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage? Cela dépend tout d’abord du fait que les mots utilisés étaient ou n’étaient pas compris comme étant descriptifs. Là où les milieux intéressés ne donnent pas un sens aux mots, l’enregistrement ne sera pas interdit par l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur les marques. Il n’y aura dès lors aucun besoin de considérer si le caractère distinctif a été acquis par l’usage aux fins de l’article 3, paragraphe 3, de ladite directive. Là où le sens descriptif normalement véhiculé par les mots pour les milieux intéressés a fait obstacle à l’enregistrement, il doit être pertinent d’examiner si, pour ces personnes, la marque verbale a néanmoins acquis un caractère distinctif par l’usage et peut ainsi être enregistrée au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques.

39.   Cette approche me semble découler de l’économie de l’article 3, de la directive sur les marques. L’article 3, paragraphe 3, de ladite directive tempère les motifs de refus énoncés à l’article 3, paragraphe 1, sous b), c), et d), de la même directive. Il n’a vocation à s’appliquer que pour les signes dont l’absence de caractère distinctif a été établie au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur les marques. On a dès lors toutes les raisons de l’appliquer, quand il s’applique, en recourant aux mêmes critères que ceux qui ont servi à stigmatiser l’absence initiale de caractère distinctif.

40.   C’est à la lumière de ces considérations que j’aborde les questions spécifiques posées par la juridiction nationale.

 Première et deuxième questions: étendue territoriale de l’examen

41.   Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande s’il convient de se référer aux milieux intéressés sur une partie du territoire Benelux ou sur l’ensemble de ce territoire.

42.   La Cour a déjà indiqué dans l’arrêt General Motors (22) que, à l’occasion de l’application de l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques (23), le territoire Benelux doit être assimilé au territoire d’un État membre. Elle en a conclu que, aux fins dudit article 5, paragraphe 2, il suffisait qu’une marque Benelux ait acquis une renommée sur une partie substantielle du territoire Benelux, laquelle peut correspondre à une partie de l’un des pays du Benelux (24).

43.   Ce qui a été dit de l’étendue territoriale à prendre en compte dans le contexte de l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques doit valoir à l’identique pour son article 3. Cela n’aurait aucun sens de dire qu’il est suffisant qu’une marque ait une renommée sur une partie substantielle du territoire Benelux, laquelle peut correspondre à une partie de l’un des pays du Benelux, pour permettre à son titulaire d’invoquer l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques et d’exiger à présent qu’une marque ait acquis un caractère distinctif par l’usage sur l’ensemble du territoire Benelux pour être susceptible d’être enregistrée dans le premier lieu.

44.   La position du Bureau Benelux des marques – à savoir que le signe doit être perçu comme une marque sur l’ensemble du territoire Benelux avant de pouvoir être enregistré – est fondée sur l’arrêt Ford Motor/OHMI (OPTIONS) (25). Dans cette affaire, il s’agissait de savoir si une marque avait acquis un caractère distinctif suffisant par l’usage pour être enregistrée comme marque communautaire au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement sur la marque communautaire. Il me semble que l’idée qui préside à l’examen territorial dans l’affaire Ford Motor/OHMI (OPTIONS), précitée, ne convient pas pour déterminer, au regard de la directive sur les marques, si une marque nationale a acquis un caractère distinctif par l’usage.

45.   La marque communautaire et les marques nationales procèdent d’une conception différente. Si une marque est appelée à être consacrée sur le plan communautaire dans les termes énoncés par le règlement sur la marque communautaire, il est raisonnable d’exiger du titulaire de la marque qu’il établisse le caractère distinctif acquis par l’usage sur une aire géographique plus étendue. La marque communautaire revêt un caractère unique à travers toute la Communauté (26). L’enregistrement national d’une marque ne lui confère cette unicité que dans l’État membre concerné (27). Il est symptomatique que l’article 7, paragraphe 2, du règlement sur la marque communautaire dispose que l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté. On ne trouve toutefois aucune disposition équivalente à l’article 3 de la directive sur les marques. La marque communautaire étant une marque unique qui, une fois enregistrée, produira ses effets sur l’ensemble du territoire de la Communauté, on comprend parfaitement la condition figurant à l’article 7, paragraphe 2, du règlement sur la marque communautaire. Une marque ne doit pas être enregistrée au niveau communautaire s’il existe des motifs de refus dans une quelconque partie de la Communauté. Ces mêmes considérations ne valent pas pour l’enregistrement de marques nationales tel qu’harmonisé par la directive sur les marques.

46.   De surcroît, les deux mesures ont des objets différents. Bien qu’elles visent toutes les deux l’achèvement et le bon fonctionnement du marché intérieur (28), la directive sur les marques le fait de manière plus limitée en mettant en place une harmonisation partielle des législations nationales sur les marques. Au contraire, le règlement sur la marque communautaire crée un nouveau titre de propriété intellectuelle, à savoir la marque communautaire.

47.   Enfin, dans l’arrêt General Motors, précité, la Cour a interprété l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques en sachant que le système Benelux d’enregistrement des marques ne permet pas d’enregistrement sur le plan national (ou infraBenelux) (29). Elle a donc déjà implicitement fait la distinction que j’opère ici entre les deux mesures.

48.   En conséquence, je conclus que l’examen de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage d’une marque verbale au regard de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques ne requiert pas de considérer l’ensemble du territoire Benelux (Belgique, Luxembourg et Pays-Bas) si, pour des raisons linguistiques, les milieux intéressés, tels que définis préalablement aux fins de l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur les marques, ne se trouvent que sur des parties de ce territoire.

 Troisième question, sous a) et b): communautés linguistiques et proportions pertinentes

49.   J’approuve l’idée défendue par le Bureau Benelux des marques et par le gouvernement néerlandais voulant que les communautés linguistiques existant dans un État membre ou sur le territoire Benelux soient prises en compte dans l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage d’un signe consistant en un ou plusieurs mots.

50.   Pour les raisons que j’ai déjà indiquées, sous l’angle de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques les milieux intéressés doivent être ceux retenus pour mettre l’enregistrement en cause au titre de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive. En l’espèce, il s’agit des personnes (néerlandophones) aux yeux desquelles la juridiction de renvoi a estimé que le signe EUROPOLIS est dépourvu de caractère distinctif. Si un signe acquiert un caractère distinctif par l’usage, cela présuppose qu’il en était dépourvu au départ. Dans un cas comme celui en l’espèce, cette absence initiale de caractère distinctif est présumée limitée à une communauté linguistique particulière. C’est donc uniquement dans cette communauté linguistique que le caractère distinctif doit s’acquérir aux fins de l’enregistrement (30).

51.   La donnée qui reste à déterminer est la proportion des milieux intéressés qui doit percevoir la marque comme identifiant les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée (en sorte qu’on puisse dire qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage aux fins de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques).

52.   Il me semble que, quand on cherche à savoir si une marque verbale déposée est ou non «dénuée de tout caractère distinctif» [article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques) et/ou descriptive [article 3, paragraphe 1, sous c), de ladite directive), cette analyse participe de l’idée qu’une partie significative des milieux intéressés doit la percevoir comme telle. Si les milieux intéressés sont nombreux, il est probable que l’on trouvera un certain nombre de données s’écartant de la norme (31). Lorsque l’on parvient à cerner ce qui est «typique» de ces milieux, ce qui importe est l’enseignement délivré par les données prises dans leur ensemble. Quand on sait que, en permettant l’enregistrement d’une marque verbale, on prive d’autres entreprises de la faculté d’employer ces mots de manière descriptive, ce qui peut avoir une incidence néfaste sur la concurrence dans le marché, il importe de ne pas permettre l’enregistrement d’une telle marque au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques, à moins qu’une partie significative des milieux intéressés la perçoive bel et bien comme identifiant, de manière distinctive, la provenance des produits ou des services auxquels elle s’applique.

53.   Donc, si on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’une partie significative de la catégorie des personnes visées saisisse un sens à la marque déposée pour être enregistrée [en sorte qu’elle est dépourvue, à première vue, de tout caractère distinctif au regard de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques et/ou est descriptive au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la même directive], la question pertinente consiste alors désormais à savoir si une partie significative de cette même catégorie de personnes, qui saisit un sens à la marque, perçoit néanmoins la marque comme identifiant les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée (en sorte qu’on puisse dire qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage au regard de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques). A contrario, l’enregistrement ne devrait pas être accordé au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques lorsque le signe n’est devenu distinctif qu’aux yeux d’une partie minime, par opposition à une partie significative, des milieux intéressés sur le territoire Benelux.

54.   Il y a de sérieux inconvénients à adopter l’approche inverse, à savoir permettre l’enregistrement si l’on peut montrer que même une partie minime des gens dans les milieux intéressés sur l’ensemble du territoire considère que le signe est devenu distinctif. Premièrement, cela conduirait à une situation dans laquelle la marque restée descriptive des produits ou des services pour le reste des milieux intéressés (32) ne pourrait plus désormais être utilisée par d’autres entreprises parce qu’elle aura été enregistrée au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques. Cela minerait le but d’intérêt public visé à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ladite directive, voulant que tous signes ou indications pouvant servir à désigner des caractéristiques des produits ou services visés dans la demande d’enregistrement puissent être librement utilisés par tous (33).

55.   Deuxièmement, cela impliquerait que l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques puisse être appliqué indépendamment de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive. Non seulement cela heurterait l’énoncé dudit article 3, paragraphe 3, indiquant que celui-ci atténue l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur les marques, mais cela conduirait aussi au paradoxe que les deux dispositions – qui ont des effets opposés – pourraient être satisfaites au même moment sur le même territoire. Cela rendrait incohérente toute tentative d’examiner l’aptitude d’une marque à être enregistrée, dont on pourrait démontrer à la fois le caractère descriptif et distinctif sur un même territoire.

56.   Je rappelle aussi que, en vertu de l’article 13, C, premier alinéa, de la loi uniforme Benelux sur les marques, le droit exclusif à une marque rédigée dans l’une des langues nationales ou régionales du territoire Benelux s’étend de plein droit à sa traduction dans une autre de ces langues. Même si ce n’est pas un aspect évoqué dans la décision de renvoi, il me semble que l’existence de cette disposition récuse aussi l’idée d’admettre l’enregistrement d’une marque verbale sur la base d’un caractère distinctif acquis par l’usage lorsqu’il n’est reconnu que par une partie minime des milieux intéressés située sur une partie du territoire. Une telle disposition accroît l’effet restrictif de l’enregistrement de la marque. Elle souligne, dès lors, l’importance qu’il y a à ne pas empiéter sur les objectifs d’intérêt public visés à l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive sur les marques, hormis lorsque le caractère distinctif acquis par l’usage est bel et bien solidement établi (34).

57.   Ces raisons m’amènent à rejeter l’argument que Bovemij et le gouvernement néerlandais tirent par analogie du raisonnement suivi dans l’arrêt General Motors, précité, selon lequel il suffit que le signe soit perçu comme une marque par la partie pertinente du public dans une partie substantielle de la communauté linguistique pertinente (dans un État membre ou) sur le territoire Benelux dont la langue en question est une langue officielle. Il n’est pas difficile de concevoir des circonstances dans lesquelles un signe ou une indication peut être devenu distinctif par l’usage dans une partie substantielle seulement d’une sous-partie particulière d’une communauté linguistique dans le Benelux (35). Une sous-partie de cet ordre ne pourrait comprendre, me semble-t-il, qu’une proportion minime des milieux intéressés (36). Pour les raisons que j’ai indiquées, c’est une base insuffisante pour établir le caractère distinctif acquis par l’usage. On doit plutôt trouver qu’une partie significative au moins des milieux intéressés identifie les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise particulière. Ces milieux intéressés doivent être la communauté linguistique dans l’État membre (ou ici sur le territoire Benelux) dans son ensemble.

58.   J’admets dès lors avec la Commission que la marque verbale, dont l’enregistrement a été refusé pour défaut de caractère distinctif [article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques] et/ou parce qu’elle est descriptive [article 3, paragraphe 1, sous c), de la même directive] dans une langue particulière, ne peut être enregistrée au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques que si l’on peut établir qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble de la communauté linguistique en question.

59.   En concluant de la sorte, je devrais préciser que je n’accepte pas la suggestion de la Commission de transposer dans le contexte de la directive sur les marques l’analyse que le Tribunal de première instance a faite dans l’arrêt Ford Motor/OHMI (OPTIONS), précité, de l’article 7, paragraphes 1 à 3, du règlement sur la marque communautaire (37). Ainsi que je l’ai déjà indiqué, je considère qu’il y a entre les deux mesures des différences à ce point significatives que toute transposition de cette nature est inappropriée.

 Conclusion

60.   Par ces motifs, j’estime que la Cour devrait répondre comme suit aux questions posées par le Gerechtshof te ’s-Gravenhage:

«1)      L’examen de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage d’une marque verbale au regard de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, ne requiert pas de considérer l’ensemble du territoire Benelux (Belgique, Luxembourg et Pays-Bas) si, pour des raisons linguistiques, les milieux intéressés, tels que définis préalablement aux fins de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive 89/104 ne se trouvent que sur des parties de ce territoire.

2)      a) Les communautés linguistiques d’un État membre ou du territoire Benelux doivent être prises en compte dans l’examen de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage d’un signe consistant en un ou plusieurs mots.

b) La marque verbale, dont l’enregistrement a été refusé pour défaut de caractère distinctif [article 3, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104] et/ou parce qu’elle est descriptive [article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104] dans une langue particulière, ne peut être enregistrée au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104 que si l’on peut établir qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble de la communauté linguistique en question (faisant partie le cas échéant de l’État membre ou du territoire Benelux pris dans son ensemble).»


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – Directive du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la « directive sur les marques »).


3 – Règlement du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1, ci-après le «règlement sur la marque communautaire»)


4 – D’après la décision de renvoi, la teneur de l’article 3, paragraphe 1, sous a) à d), de la directive sur les marques a été introduite dans la version de l’article 6 bis, paragraphe 1, de la loi uniforme Benelux sur les marques, qui est entrée en vigueur en 2004 à la faveur de la modification apportée par le protocole portant modification de la loi uniforme Benelux sur les marques, du 11 décembre 2001 (ci‑après le «protocole de 2001»). La juridiction de renvoi suppose néanmoins qu’il n’y a pas de différence de fond entre cette version et les versions antérieures.


5 – Par la suite, le protocole de 2001 a introduit dans la loi uniforme Benelux sur les marques un nouvel article 14 ter, entré en vigueur le 1er janvier 2004, qui dispose:


«Les tribunaux peuvent décider qu’une marque enregistrée a acquis un caractère distinctif en raison de l’usage qui en a été fait.»


6 –      Voir arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland (C-363/99, Rec. p. I‑1619, point 13).


7 – Dans la décision de renvoi, la question intitulée «question 1» est une question distincte que la juridiction de renvoi adresse à la Cour de justice Benelux. J’ai, partant, donné une nouvelle numérotation 1 à 3 aux questions 2 à 4 de la décision de renvoi, et je m’en tiendrai à cette nouvelle numérotation dans la suite des présentes conclusions.


8 – Dans la troisième question posée.


9 – Voir, notamment, arrêts Koninklijke KPN Nederland, précité (point 86), et du 12 février 2004, Campina Melkunie (C-265/00, Rec. p. I-1699, point 19).


10 – Arrêt Campina Melkunie, précité (point 35). Voir, également, arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C-108/97 et C-109/97, Rec. p. I-2779, point 25), et du 6 mai 2003, Libertel (C-104/01, Rec. p. I-3793, point 52).


11 – Voir arrêts du 8 avril 2003, Linde e.a. (C-53/01 à C-55/01, Rec. p. I-3161, points 73 et 74), ainsi que Campina Melkunie, précité (point 36).


12 – Premier considérant de la directive sur les marques.


13 – Compte tenu de l’intérêt public à interdire l’enregistrement de mots ou de combinaisons de mots descriptifs, il n’est peut-être pas surprenant que la Cour ne semble généralement pas faire de distinction particulière entre l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les marques et l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ladite directive. Donc, dans l’arrêt Koninklijke KPN Nederland, précité, l’examen du caractère distinctif s’est fait sous l’angle dudit article 3, paragraphe 1, sous b) (voir, notamment, points 29 à 35), alors que le débat sur l’intérêt public s’est noué autour dudit article 3, paragraphe 1, sous c) (voir points 53 à 58). Les choses ne sont pas aussi nettement tracées dans le contexte des dispositions équivalentes du règlement sur la marque communautaire. Voir conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire OHMI/Wrigley (arrêt du 23 octobre 2003, C‑191/01 P, Rec. p. I-12447, points 51 et 53 et jurisprudence citée).


14 – Arrêts précités Windsurfing Chiemsee, point 29, et Koninklijke KPN Nederland, point 75.


15 – Arrêt du 9 mars 2006, Matratzen Concord (C-421/04, non encore publié au Recueil, point 25), dans lequel la Cour vise, par analogie, s’agissant du caractère trompeur d’une marque au regard de l’article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive sur les marques, l’arrêt du 26 novembre 1996, Graffione (C‑313/94, Rec. p. I-6039, point 22). Dans ce contexte, l’incidence des différences linguistiques, culturelles, sociales et économiques entre les États membres est examinée dans les conclusions que l’avocat général Jacobs a présentées dans l’affaire Graffione (point 10) et dans celles que l’avocat général Gulmann a présentées dans l’affaire Verband Sozialer Wettbewerb, dite « Clinique » (arrêt du 2 février 1994, C-315/92, Rec. p. I-317, point 18).


16 – Arrêt Matratzen Concord, précité, point 26. Voir également les conclusions que l’avocat général Jacobs a présentées dans cette affaire, points 46, 47 et 50.


17 – Voir arrêts précités Windsurfing Chiemsee, point 49, et Libertel, point 67. Les points 62 à 67 de l’arrêt Libertel, précité, comportent une analyse fouillée et utile de la fonction de la marque, de la définition du public pertinent et de sa perception de la marque, ainsi que de la manière dont le caractère distinctif peut être consacré par l’usage.


18 – Arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 51.


19 – Arrêt Windsurfing Chiemsee, précité (point 52). Ce critère a reçu par la suite une application conforme. Voir, notamment, arrêt du 18 juin 2002, Philips (C-299/99, Rec. p. I‑5475, points 61 et suivants). Selon moi, une «fraction significative» ne veut pas nécessairement dire une majorité des milieux intéressés, mais tout de même une partie considérable de ceux-ci.


20 – Arrêt Philips, précité, point 63.


21 – À cet égard, on peut légitimement faire un parallèle entre la structure de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive sur les marques, d’une part, et la structure de l’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement sur la marque communautaire, d’autre part. La structure logique étant la même, les enseignements tirés de l’arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS) (T-91/99, Rec. p. II‑1925, point 27), peuvent à l’évidence être aussi appliqués dans la présente affaire. Cela ne veut toutefois pas dire, selon moi, que les contours territoriaux tracés par le règlement sur la marque communautaire, tels que le Tribunal de première instance les a exposés dans ledit arrêt Ford Motor/OHMI (OPTIONS), devraient être susceptibles d’être transposés au contexte de la directive sur les marques (voir point 44 des présentes conclusions).


22 – Arrêt du 14 septembre 1999, General Motors (C-375/97, Rec. p. I-5421, point 29).


23 – L’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques dispose:


«Tout État membre peut […] prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»


24 – Arrêt General Motors, précité, point 29.


25 – Précité.


26 – Voir article 1er, paragraphe 2, du règlement sur la marque communautaire.


27 – Ou, dans le cas d’une marque Benelux, en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas.


28 – Voir premier considérant de chaque mesure.


29 – Donc, le fait que, dans un certain sens, la marque Benelux soit elle aussi une marque «unique» sur le territoire Benelux n’a pas empêché la Cour de conclure que la renommée sur une sous‑partie du territoire Benelux, même une partie d’un des pays du Benelux, était suffisante aux fins de l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques.


30 – À cet égard, je rappelle que dans l’arrêt Libertel, précité (point 76), la Cour a souligné que l’autorité compétente «ne saurait procéder à un examen in abstracto, mais [que] cet examen doit nécessairement être effectué in concreto. Cet examen doit prendre en compte toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce, […]». Lorsque, comme en l’espèce, l’«examen in concreto» implique nécessairement de prendre en compte des différences linguistiques, l’aspect linguistique doit être conservé de manière cohérente tout au long de l’analyse.


31 – Ici on ne peut concevoir que deux données: distinctive ou non distinctive.


32 – Par hypothèse, une partie plus importante.


33 – Voir point 29 des présentes conclusions et jurisprudence citée.


34 – Cet aspect n’a pas été réellement développé dans cette procédure. Il me semble que, si la traduction (d’Europolis, par exemple en français, en Europolice) n’existait pas avant la demande d’enregistrement, le terme traduit ne peut pas (par définition) avoir acquis un caractère distinctif par l’usage aux fins de l’article 3, paragraphe 3, de la directive sur les marques. Dès lors qu’elle cherchera à faire écho au caractère distinctif de l’original, la traduction est probablement d’autant moins susceptible toutefois d’être appréhendée par l’article 3, paragraphe 1, sous b) et/ou c), de ladite directive.


35 – Par exemple, la Flandre.


36 – En considérant que la communauté linguistique pertinente serait tous les néerlandophones du territoire Benelux, non seulement en Flandre, mais aussi (au moins) aux Pays-Bas et dans la région bilingue de Bruxelles.


37 – Voir points 25 à 27 dudit arrêt.

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