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Document 61998CJ0451

Arrêt de la Cour du 22 novembre 2001.
Antillean Rice Mills NV contre Conseil de l'Union européenne.
Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer - Importation de riz originaire des pays et territoires d'outre-mer - Mesures de sauvegarde - Règlement (CE) nº 304/97 - Recours en annulation - Irrecevabilité..
Affaire C-451/98.

Recueil de jurisprudence 2001 I-08949

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2001:622

61998J0451

Arrêt de la Cour du 22 novembre 2001. - Antillean Rice Mills NV contre Conseil de l'Union européenne. - Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer - Importation de riz originaire des pays et territoires d'outre-mer - Mesures de sauvegarde - Règlement (CE) nº 304/97 - Recours en annulation - Irrecevabilité.. - Affaire C-451/98.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-08949


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Règlement du Conseil instaurant des mesures de sauvegarde à l'importation de riz originaire des pays et territoires d'outre-mer - Recours d'une entreprise exportatrice de riz des pays et territoires d'outre-mer vers la Communauté - Irrecevabilité

raité CE, art. 173, al. 4 (devenu, après modification, art. 230, al. 4, CE); règlement du Conseil n° 304/97)

Sommaire


$$Pour que des personnes physiques ou morales puissent être considérées comme individuellement concernées par un acte de portée générale adopté par une institution communautaire, il faut qu'elles soient atteintes dans leur position juridique en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire.

N'est pas individuellement concernée par le règlement n° 304/97, instaurant des mesures de sauvegarde à l'importation de riz originaire des pays et territoire d'outre-mer, une entreprise exportatrice de riz des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) vers la Communauté.

D'une part, ce règlement ne concerne la requérante qu'en raison de sa qualité objective d'opérateur économique agissant dans le secteur de la commercialisation du riz originaire des PTOM, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant dans la même situation. Sa seule qualité d'exportateur de riz ou même d'exportateur-négociant de riz au départ des PTOM vers la Communauté ne suffit dès lors pas à la requérante pour établir qu'elle est concernée de façon individuelle par le règlement n° 304/97.

D'autre part, la constatation que le Conseil devait, dans la mesure où les circonstances n'y faisaient pas obstacle, tenir compte au moment de l'adoption du règlement n° 304/97 des répercussions négatives que ce règlement risquait d'avoir sur l'économie des PTOM concernés ainsi que sur les entreprises intéressées ne décharge nullement la requérante de l'obligation de prouver qu'elle est atteinte par ce règlement en raison d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne.

( voir points 49, 51, 62, 67 )

Parties


Dans l'affaire C-451/98,

Antillean Rice Mills NV, établie à Bonaire (Antilles néerlandaises), représentée par Mes W. Knibbeler et K. J. Defares, advocaten, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté par M. M. A. Fierstra, en qualité d'agent,

partie intervenante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. R. Torrent, J. Huber et G. Houttuin, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume d'Espagne, représenté par M. L. Pérez de Ayala Becerril, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

par

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger et M. C. Chavance, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

par

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de Mme F. Quadri, avvocatessa dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. van Rijn, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet l'annulation du règlement (CE) n_ 304/97 du Conseil, du 17 février 1997, instaurant des mesures de sauvegarde à l'importation de riz originaire des pays et territoires d'outre-mer (JO L 51, p. 1),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann et Mme F. Macken (rapporteur), présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, L. Sevón, M. Wathelet, R. Schintgen et V. Skouris, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 7 novembre 2000, au cours de laquelle Antillean Rice Mills NV a été représentée par Me W. Knibbeler, le royaume des Pays-Bas par M. M. A. Fierstra, le Conseil par M. G. Houttuin, le royaume d'Espagne par Mme N. Díaz Abad, en qualité d'agent, la République italienne par Mme F. Quadri et la Commission par M. T van Rijn,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 mars 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 février 1997 et enregistrée sous le numéro T-41/97, la société Antillean Rice Mills NV (ci-après «ARM») a, en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE), demandé l'annulation du règlement (CE) n_ 304/97 du Conseil, du 17 février 1997, instaurant des mesures de sauvegarde à l'importation de riz originaire des pays et territoires d'outre-mer (JO L 51, p. 1).

2 Par ordonnance du 15 mai 1997, le royaume des Pays-Bas a été admis à intervenir au soutien des conclusions d'ARM. Par ordonnances des 15 mai, 5 août et 5 septembre 1997, le royaume d'Espagne, la République française, la République italienne et la Commission des Communautés européennes ont été admis à intervenir au soutien du Conseil de l'Union européenne.

3 Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 mars 1997, enregistrée sous le numéro C-110/97, le royaume des Pays-Bas a également demandé l'annulation du règlement n_ 304/97.

4 Les recours T-41/97 et C-110/97 ayant tous deux pour objet l'annulation du règlement n_ 304/97, le Tribunal a décidé, par ordonnance du 16 novembre 1998, conformément aux articles 47, troisième alinéa, du statut CE de la Cour de justice et 80 du règlement de procédure du Tribunal, de se dessaisir de l'affaire T-41/97 au profit de la Cour.

Le cadre juridique

Le traité CE

5 Aux termes de l'article 3, sous r), du traité CE [devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous s), CE], l'action de la Communauté comporte l'association des pays et territoires d'outre-mer (ci-après les «PTOM»), en vue d'accroître les échanges et de poursuivre en commun l'effort de développement économique et social.

6 Selon l'article 227, paragraphe 3, du traité CE (devenu, après modification, article 299, paragraphe 3, CE), les PTOM figurant à l'annexe IV du traité CE (devenue, après modification, annexe II CE) font l'objet du régime d'association défini dans la quatrième partie dudit traité. Les Antilles néerlandaises sont mentionnées dans ladite annexe.

7 La quatrième partie du traité CE, intitulée «L'association des pays et territoires d'outre-mer», regroupe notamment les articles 131 (devenu, après modification, article 182 CE), 132 (devenu article 183 CE), 133 (devenu, après modification, article 184 CE), 134 (devenu article 185 CE) et 136 (devenu, après modification, article 187 CE).

8 En vertu de l'article 131, deuxième et troisième alinéas, du traité, l'association des PTOM à la Communauté européenne a pour but de promouvoir le développement économique et social des PTOM et d'établir des relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble. Conformément aux principes énoncés dans le préambule du traité CE, l'association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants des PTOM et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu'ils attendent.

9 L'article 132, paragraphe 1, du traité dispose que les États membres appliquent à leurs échanges commerciaux avec les PTOM le régime qu'ils s'accordent entre eux en vertu du traité.

10 L'article 133, paragraphe 1, du traité prévoit que les importations originaires des PTOM bénéficient à leur entrée dans les États membres de l'élimination totale des droits de douane qui intervient progressivement entre les États membres conformément aux dispositions du traité.

11 Conformément à l'article 134 du traité, si le niveau des droits applicables aux marchandises en provenance d'un pays tiers à l'entrée dans un PTOM est, compte tenu de l'application des dispositions de l'article 133, paragraphe 1, du traité, de nature à provoquer des détournements de trafic au détriment d'un des États membres, celui-ci peut demander à la Commission de proposer aux autres États membres les mesures nécessaires pour remédier à cette situation.

12 L'article 136 du traité prévoit que le Conseil, statuant à l'unanimité, établit, à partir des réalisations acquises dans le cadre de l'association entre les PTOM et la Communauté et sur la base des principes inscrits dans le traité, les dispositions relatives aux modalités et à la procédure de l'association entre les PTOM et la Communauté.

La décision 91/482/CEE

13 En vertu de l'article 136 du traité, le Conseil a adopté, le 25 juillet 1991, la décision 91/482/CEE, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne (JO L 263, p. 1, ci-après la «décision PTOM»).

14 Aux termes de l'article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM, les produits originaires des PTOM sont admis à l'importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d'effet équivalent.

15 Selon l'article 6, paragraphe 2, de l'annexe II de la décision PTOM, lorsque des produits entièrement obtenus dans la Communauté ou dans les États ACP (États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) font l'objet d'ouvraisons ou de transformations dans les PTOM, ils sont considérés comme ayant été entièrement obtenus dans les PTOM.

16 Par dérogation au principe énoncé à l'article 101, paragraphe 1, l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM habilite la Commission à adopter les mesures de sauvegarde nécessaires «[s]i l'application de [ladite] décision entraîne des perturbations graves dans un secteur d'activité économique de la Communauté ou d'un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, qui risquent d'entraîner la détérioration d'un secteur d'activité de la Communauté ou d'une région de celle-ci».

17 Aux termes de l'article 109, paragraphe 2, pour l'application du paragraphe 1, doivent être choisies par priorité les mesures qui apportent le minimum de perturbations au fonctionnement de l'association et de la Communauté. Ces mesures ne doivent pas avoir une portée dépassant celle strictement indispensable pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées.

18 Conformément à l'article 1er, paragraphes 5 et 7, de l'annexe IV de la décision PTOM, tout État membre peut déférer au Conseil la décision de la Commission instaurant des mesures de sauvegarde dans un délai de dix jours ouvrables suivant le jour de la communication de cette décision. Dans un tel cas, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut prendre une décision différente dans un délai de vingt et un jours ouvrables.

Le règlement (CE) n_ 21/97

19 Les 29 novembre et 10 décembre 1996, les gouvernements italien et espagnol ont demandé à la Commission d'instaurer des mesures de sauvegarde à l'égard du riz originaire des PTOM.

20 En application de l'article 109 de la décision PTOM, la Commission a adopté le règlement (CE) n_ 21/97, du 8 janvier 1997, instaurant des mesures de sauvegarde à l'importation de riz originaire des pays et territoires d'outre-mer (JO L 5, p. 24).

21 L'article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 21/97 introduisait un contingent tarifaire permettant l'importation de riz originaire des PTOM relevant du code NC 1006 en exemption des droits de douane, dans la limite de 4 594 tonnes de riz originaire de Montserrat, de 1 328 tonnes de riz originaire des îles Turks et Caicos et de 36 728 tonnes de riz originaire d'autres PTOM.

22 Le règlement n_ 21/97 était, aux termes de son article 7, deuxième alinéa, applicable du 1er janvier au 30 avril 1997.

23 Le gouvernement du Royaume-Uni a, par la suite, en application de l'article 1er, paragraphe 5, de l'annexe IV de la décision PTOM, déféré au Conseil le règlement n_ 21/97, en lui demandant d'augmenter le contingent alloué à Montserrat et aux îles Turks et Caicos.

24 Par lettre du 21 janvier 1997, le gouvernement néerlandais a également fait connaître qu'il s'opposait au règlement n_ 21/97 et a invité le Conseil à adopter une autre décision.

Le règlement n_ 304/97

25 Le 17 février 1997, le Conseil a adopté le règlement n_ 304/97 qui, aux termes de son article 7, paragraphe 1, abroge le règlement n_ 21/97.

26 En substance, le règlement du Conseil diffère de celui de la Commission sur un seul point, à savoir le volume du contingent prévu pour Montserrat et les îles Turks et Caicos.

27 L'article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 304/97 dispose:

«Les importations dans la Communauté de riz originaire des PTOM relevant du n_ 1006, bénéficiant de l'exemption des droits de douane, sont limitées pendant la période du 1er janvier au 30 avril 1997 aux volumes, exprimés en équivalent décortiqué, suivants:

a) 8 000 tonnes de riz originaire de Montserrat et des îles Turks et Caicos, qui se décomposent en:

- 4 594 originaires de Montserrat

et

- 3 406 originaires de Montserrat ou des îles Turks et Caicos

et

b) 36 728 tonnes de riz originaire d'autres PTOM.»

28 Le règlement n_ 304/97 était applicable, en vertu de son article 8, deuxième alinéa, du 1er janvier au 30 avril 1997, sauf en ce qui concerne l'article 1er, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, qui n'était applicable qu'à partir de l'entrée en vigueur dudit règlement, le 21 février 1997, jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Le marché communautaire du riz

29 Une distinction est faite entre le riz de type japonica et le riz de type indica.

30 Dans la Communauté, les pays producteurs de riz sont essentiellement la France, l'Espagne et l'Italie. Environ 80 % du riz produit dans la Communauté est du riz japonica et 20 % du riz indica. Le riz japonica est surtout consommé dans les États membres méridionaux, tandis que le riz indica l'est surtout dans les États membres septentrionaux.

31 Connaissant un excédent de production de riz japonica, la Communauté est globalement exportatrice de ce type de riz. En revanche, elle ne produit pas suffisamment de riz indica pour satisfaire ses propres besoins et est globalement importatrice de ce type de riz.

32 Pour pouvoir être consommé, le riz doit être transformé. Après avoir été récolté, il est décortiqué, puis poli en plusieurs étapes.

33 On distingue généralement quatre stades de transformation:

- le riz paddy: il s'agit du riz tel qu'il est récolté, encore impropre à la consommation;

- le riz décortiqué (également dénommé riz brun): il s'agit du riz qui a été débarrassé de sa balle, qui peut être consommé, mais qui est également susceptible d'une transformation ultérieure;

- le riz semi-blanchi (également dénommé riz partiellement poli): il s'agit du riz dont une partie du péricarpe a été enlevée. C'est un produit semi-fini généralement vendu en vue d'être transformé et non en vue d'être consommé;

- le riz blanchi (également dénommé riz poli): il s'agit du riz entièrement transformé, dont on a enlevé la balle et le péricarpe.

34 La Communauté ne produit que du riz blanchi, tandis que les Antilles néerlandaises ne produisent que du riz semi-blanchi. Le riz semi-blanchi originaire des Antilles néerlandaises doit donc faire l'objet d'une ultime transformation pour être consommé dans la Communauté.

35 Une demi-douzaine d'entreprises établies aux Antilles néerlandaises, parmi lesquelles ARM, transforment du riz décortiqué provenant du Surinam et de la Guyana en riz semi-blanchi.

36 Cette opération de transformation est suffisante pour conférer à ce riz la qualité de produit originaire des PTOM, selon les règles énoncées à l'annexe II de la décision PTOM.

37 Depuis 1992, ARM exporte le riz semi-blanchi qu'elle produit vers la Communauté où elle le vend à des rizeries qui le transforment en riz blanchi. Ce riz est de type indica.

Le recours

38 ARM, soutenue par le royaume des Pays-Bas, conclut à ce qu'il plaise à la Cour annuler le règlement n_ 304/97 et condamner le Conseil aux dépens.

39 À l'appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens tirés, respectivement, de la méconnaissance des articles 133, paragraphe 1, du traité et 101, paragraphe 1, de la décision PTOM, de la méconnaissance de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, de la méconnaissance de l'article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM et, enfin, de la méconnaissance du principe du soin à apporter aux actes et de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE).

40 Le Conseil conclut à ce qu'il plaise à la Cour rejeter le recours en annulation du règlement n_ 304/97 comme étant irrecevable ou non fondé et condamner la requérante aux dépens.

41 Le royaume d'Espagne, la République française, la République italienne et la Commission concluent à ce qu'il plaise à la Cour rejeter le recours et condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité du recours

42 En vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

43 Le règlement n_ 304/97 n'étant pas une décision adressée à la requérante, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, il convient de vérifier s'il constitue un acte de portée générale ou s'il faut le considérer comme une décision prise sous l'apparence d'un règlement. Pour déterminer la portée générale ou non d'un acte, il y a lieu d'apprécier sa nature et les effets juridiques qu'il vise à produire ou qu'il produit effectivement (arrêt du 6 octobre 1982, Alusuisse Italia/Conseil et Commission, 307/81, Rec. p. 3463, point 8).

44 En l'espèce, en arrêtant le règlement n_ 304/97, le Conseil a pris des mesures de portée générale, indistinctement applicables à l'importation de riz originaire de tous les PTOM.

45 Par conséquent, le règlement n_ 304/97 a, par sa nature, une portée générale et ne constitue pas une décision au sens de l'article 189 du traité CE (devenu article 249 CE).

46 Il importe cependant d'examiner si, malgré la portée générale de ce règlement, la requérante peut néanmoins être considérée comme directement et individuellement concernée par celui-ci. En effet, la portée générale d'un acte n'exclut pas pour autant qu'il puisse concerner directement et individuellement certains opérateurs économiques intéressés (voir arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 19).

47 S'agissant de savoir si ARM est individuellement concernée par le règlement n_ 304/97, la requérante et le gouvernement néerlandais font valoir qu'ARM constitue une entreprise intéressée au sens de l'arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission (T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II-2305), dans la mesure où elle appartient à un cercle restreint d'opérateurs économiques atteints dans leur position juridique en raison d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire.

48 En revanche, tant le Conseil que la République française, la République italienne et la Commission contestent qu'ARM soit individuellement concernée par le règlement n_ 304/97. S'agissant en particulier de l'arrêt du Tribunal Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité, le Conseil souligne que le Tribunal ne s'est pas expressément prononcé sur la question de savoir si, dans cette affaire, ARM était concernée individuellement. Il n'aurait pas été établi par le Tribunal qu'ARM occupait effectivement la position d'une entreprise intéressée dans le sens précisé aux points 73 et 74 dudit arrêt.

49 Il convient de rappeler que, comme la Cour l'a précisé à plusieurs reprises (voir, notamment, arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et ordonnance du 21 juin 1993, Chiquita Banana e.a./Conseil, C-276/93, Rec. p. I-3345, point 9), pour que des personnes physiques ou morales puissent être considérées comme individuellement concernées, il faut qu'elles soient atteintes dans leur position juridique en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire.

50 S'agissant, en premier lieu, des qualités qui lui seraient particulières, ARM, soutenue par le gouvernement néerlandais, fait valoir que, en tant qu'exportateur de riz des Antilles néerlandaises, elle est entièrement tournée vers l'exportation de riz vers la Communauté. Par conséquent, les mesures de sauvegarde prévues par le règlement n_ 304/97 impliqueraient inévitablement la cessation de ses activités.

51 À cet égard, il y a lieu de préciser que la requérante n'est affectée par le règlement n_ 304/97 qu'en sa qualité d'exportateur de riz vers la Communauté. Il s'agit d'une activité commerciale qui, à n'importe quel moment, peut être exercée par n'importe quelle entreprise. Ce règlement ne concerne la requérante qu'en raison de sa qualité objective d'opérateur économique agissant dans le secteur de la commercialisation du riz originaire des PTOM, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant dans la même situation. Sa seule qualité d'exportateur de riz ou même d'exportateur-négociant de riz au départ des PTOM vers la Communauté ne suffit dès lors pas à la requérante pour établir qu'elle est concernée de façon individuelle par le règlement n_ 304/97 (voir, également, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, point 14, et ordonnances Chiquita Banana e.a./Conseil, précitée, point 12, et du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10/95 P, Rec. p. I-4149, point 42).

52 Même si, en l'espèce, il ressort du dossier que seulement six ou sept entreprises opèrent sur le marché concerné par le règlement n_ 304/97, il y a lieu de rappeler que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l'identité des sujets de droits auxquels s'applique une mesure n'implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant qu'il est constant que, comme en l'espèce, cette application s'effectue en vertu d'une situation objective de droit ou de fait définie par l'acte en cause (voir, notamment, ordonnances du 24 mai 1993, Arnaud e.a./Conseil, C-131/92, Rec. p. I-2573, point 13, et Chiquita Banana e.a./Conseil, précitée, point 8).

53 En outre, ARM ne saurait valablement prétendre que les mesures de sauvegarde ont entraîné la cessation complète de ses activités, lesquelles seraient entièrement tournées vers l'exportation de riz vers la Communauté. Ainsi que le Tribunal l'a déjà relevé dans son ordonnance de référé du 21 mars 1997, Antillean Rice Mills/Conseil (T-41/97 R, Rec. p. II-447, point 49), et que la Commission le rappelle dans ses observations, la requérante a exporté, au cours des trois premiers mois de 1997, environ 12 000 tonnes de riz vers la Communauté. Comparé aux 68 186 tonnes que ARM déclare avoir exporté pendant l'année 1996, les exportations du premier trimestre de 1997 ne révèlent qu'une réduction de l'activité d'exportation. Cette réduction ne saurait, par ailleurs, être imputée en totalité aux mesures de sauvegarde, puisque, comme cela est relevé au point 65 du présent arrêt, ARM aurait pu, aux fins de l'exécution de contrats en cours, faire le nécessaire pour obtenir, avant la prise d'effet des mesures de sauvegarde, des certificats d'importation. Enfin, ARM ne peut, sans se contredire, à la fois soutenir avoir été contrainte par les mesures de sauvegarde à la cessation de ses activités et déclarer consacrer 10 % de son activité au marché local.

54 Dans ces conditions, il n'est pas démontré que le règlement n_ 304/97 a entraîné des conséquences graves pour la requérante à la différence de tout autre opérateur économique agissant dans le secteur de la commercialisation du riz originaire des PTOM ni qu'elle a été atteinte par les mesures de sauvegarde en cause en raison de qualités la distinguant de tout autre opérateur économique auquel s'est appliqué ledit règlement.

55 ARM n'a donc pas prouvé être, en raison de qualités particulières, individuellement concernée par le règlement n_ 304/97.

56 S'agissant, en second lieu, de la question de savoir si ARM se trouve dans une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait l'individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire, ARM et le gouvernement néerlandais font valoir que, avant l'adoption du règlement n_ 304/97, ARM avait conclu différents contrats de vente de riz semi-blanchi avec des clients établis dans la Communauté. Ces contrats n'auraient pas pu être exécutés à cause des mesures de sauvegarde établies par le règlement n_ 304/97. En outre, la requérante fait valoir que, pour honorer lesdits contrats, elle avait acheté du riz décortiqué au Surinam et loué du fret à termes réguliers pour faire expédier ce riz vers les Antilles néerlandaises. L'exécution de ces contrats aurait été empêchée et la location dudit fret aurait été perturbée en raison des mesures de sauvegarde prévues au règlement n_ 304/97. ARM et le gouvernement néerlandais estiment que, dans ces conditions, la requérante a été affectée par ledit règlement dans ses intérêts individuels. ARM et le gouvernement néerlandais soutiennent enfin que la Commission et le Conseil connaissaient la situation particulière d'ARM avant l'adoption des mesures de sauvegarde.

57 Il convient de rappeler que le fait que le Conseil ou la Commission ont l'obligation, en vertu de dispositions spécifiques, de tenir compte des conséquences de l'acte qu'ils envisagent d'adopter sur la situation de certains particuliers peut être de nature à individualiser ces derniers (voir, en ce sens, arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, points 28 et 31, et arrêt de la Cour du 11 février 1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission, C-390/95 P, Rec. p. I-769, point 25).

58 À cet égard, lorsque la Commission envisage de prendre des mesures de sauvegarde sur le fondement de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, elle doit, dans la mesure où les circonstances de l'espèce n'y font pas obstacle, se renseigner sur les répercussions négatives que sa décision risque d'avoir sur l'économie du PTOM concerné ainsi que sur les entreprises intéressées (voir arrêt de la Cour Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité, point 25).

59 Le règlement n_ 304/97 ayant été adopté en application de l'article 1er, paragraphes 5 à 7, de l'annexe IV de la décision PTOM, le Conseil était également obligé de tenir compte des conséquences que les mesures de sauvegarde envisagées pourraient avoir pour les PTOM concernés et les entreprises intéressées.

60 Toutefois, il ressort de l'arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, que la constatation de l'existence de cette obligation ne saurait suffire à établir que ces PTOM et ces entreprises sont individuellement concernés par ces mesures au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

61 En effet, la Cour, après avoir, au point 28 de cet arrêt, constaté que la Commission avait l'obligation de se renseigner sur les répercussions négatives que sa décision risquait d'avoir sur l'économie de l'État membre concerné et des entreprises intéressées, n'a nullement déduit de cette seule constatation que toutes les entreprises intéressées étaient individuellement concernées au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité. Au contraire, elle a considéré que seules les entreprises titulaires de contrats déjà stipulés et dont l'exécution, prévue pendant la période d'application de la décision litigieuse, était empêchée en tout ou partie par celle-ci étaient individuellement concernées au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité (voir arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, points 28, 31 et 32).

62 Il résulte de ce qui précède que la constatation que le Conseil devait, dans la mesure où les circonstances n'y faisaient pas obstacle, tenir compte au moment de l'adoption du règlement n_ 304/97 des répercussions négatives que ce règlement risquait d'avoir sur l'économie des PTOM concernés ainsi que sur les entreprises intéressées ne décharge nullement la requérante de l'obligation de prouver qu'elle est atteinte par ce règlement en raison d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne.

63 À cette fin, la requérante et le gouvernement néerlandais font valoir certains éléments, rappelés au point 56 du présent arrêt. La requérante aurait, avant l'entrée en vigueur du règlement n_ 304/97, conclu des contrats avec des clients établis dans la Communauté. Ces contrats n'auraient pas pu être exécutés du fait des mesures de sauvegarde instaurées par le règlement n_ 304/97.

64 Il ressort effectivement des pièces produites par la requérante lors de la procédure que deux contrats ont été conclus le 17 décembre 1996.

65 Le règlement n_ 304/97 a été applicable à compter du 1er janvier 1997. Il résulte cependant de son article 1er, paragraphe 3, que les demandes de certificats d'importation présentées jusqu'au 3 janvier 1997 n'ont pas été soumises aux mesures de sauvegarde. Ainsi, plus de quinze jours se sont écoulés entre la date de signature des contrats et la prise d'effet des mesures de sauvegarde. ARM, qui était informée de l'adoption imminente de ces mesures, aurait parfaitement pu, aux fins de l'exécution de contrats en cours, faire le nécessaire pour obtenir des certificats d'importation. La Commission a d'ailleurs indiqué lors de l'audience de plaidoiries que, avant la prise d'effet des mesures de sauvegarde, les délivrances de certificats d'importation avaient augmenté très nettement en décembre 1996.

66 ARM ne peut donc légitimement se prévaloir de ces contrats pour prétendre s'être trouvée, à cause d'eux, dans une situation de fait à l'égard des mesures de sauvegarde de nature à la caractériser par rapport à toute autre personne. Pour les mêmes raisons, elle ne peut pas non plus se prévaloir des contrats d'approvisionnement et de fret conclus en août 1996, prétendument pour les besoins de l'exécution des contrats du 17 décembre 1996, dans la mesure où les premiers dépendaient des derniers pour leur exécution.

67 Il résulte de tout ce qui précède que ARM n'a pas démontré qu'elle est individuellement concernée par le règlement n_ 304/97. Il est dès lors inutile d'examiner si la requérante est atteinte directement par ce règlement.

68 Il en résulte que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

69 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation d'ARM et celle-ci ayant succombé en son action, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l'article 69, paragraphe 4, du même règlement, le royaume d'Espagne, la République française, la République italienne, le royaume des Pays-Bas et la Commission, parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Antillean Rice Mills NV est condamnée aux dépens.

3) Le royaume d'Espagne, la République française, la République italienne, le royaume des Pays-Bas et la Commission des Communautés européennes supporteront leurs propres dépens.

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