EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 61990CJ0271

Arrêt de la Cour du 17 novembre 1992.
Royaume d'Espagne, Royaume de Belgique et République italienne contre Commission des Communautés européennes.
Concurrence dans les marchés des services de télécommunications.
Affaires jointes C-271/90, C-281/90 et C-289/90.

European Court Reports 1992 I-05833

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1992:440

61990J0271

Arrêt de la Cour du 17 novembre 1992. - Royaume d'Espagne, Royaume de Belgique et République italienne contre Commission des Communautés européennes. - Concurrence dans les marchés des services de télécommunications. - Affaires jointes C-271/90, C-281/90 et C-289/90.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-05833
édition spéciale suédoise page I-00175
édition spéciale finnoise page I-00177


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Concurrence - Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs - Compétence de la Commission - Adoption de directives précisant, de façon générale, les obligations des États membres découlant du traité - Obligations découlant de l' article 59 du traité - Nécessité d' une législation préalable du Conseil - Absence - Obligations découlant de l' article 86 - Fixation aux États membres d' un objectif à atteindre par les moyens de leur choix - Légalité

(Traité CEE, art. 59, 86 et 90, § 3)

2. Concurrence - Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs - Recours à l' article 90 du traité pour remédier à des comportements anticoncurrentiels dus à l' initiative des entreprises - Illégalité - Base juridique appropriée - Articles 85 et 86 du traité

(Traité CEE, art. 85, 86 et 90; directive de la Commission 90/388, art. 8)

3. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Directive imposant la suppression par les États membres des droits spéciaux accordés à certaines entreprises dans un secteur déterminé - Absence de précisions sur la nature des droits visés et leur incompatibilité avec les dispositions du traité - Illégalité

(Traité CEE, art. 190; directive de la Commission 90/388)

4. Concurrence - Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs - Entreprises disposant du monopole de l' exploitation du réseau public de télécommunications - Extension du monopole au marché des services de télécommunications par l' octroi de droits exclusifs - Interdiction justifiée au regard de l' article 86 du traité

(Traité CEE, art. 86 et 90, § 1)

Sommaire


1. Le pouvoir de surveillance confié à la Commission par l' article 90, paragraphe 3, du traité comporte la possibilité de préciser les obligations pesant sur les États membres. Son étendue dépend de la portée des règles dont il s' agit d' assurer le respect.

S' agissant de l' article 59 du traité, disposition directement applicable, la Commission a pu, en vue de favoriser l' exercice effectif du droit à la libre prestation des services dans le secteur des services de télécommunications, préciser, par sa directive 90/388, les obligations découlant de cet article sans qu' une action législative préalable du Conseil fût nécessaire.

S' agissant de l' article 86 du traité, elle a pu, par la même directive et sans excéder ses pouvoirs, car les États membres restent libres de choisir les moyens à mettre en oeuvre, prescrire à ceux-ci d' assurer l' indépendance du titulaire des pouvoirs d' autorisation, de contrôle et de surveillance des services de télécommunications par rapport aux organismes de télécommunications.

2. L' article 90 du traité ne confère de pouvoir à la Commission qu' à l' égard des mesures étatiques, les comportements anticoncurrentiels adoptés par les entreprises de leur propre initiative ne pouvant être mis en cause que par des décisions individuelles prises en application des articles 85 et 86 du traité.

Doit de ce fait être annulé l' article 8 de la directive 90/388, adoptée sur le fondement de l' article 90, par lequel la Commission a entendu obliger les États membres à rendre possible, avec un préavis maximal d' un an, la résiliation des contrats de fourniture de services de télécommunications qui, lors de leur conclusion, faisaient l' objet de droits spéciaux ou exclusifs octroyés à certaines entreprises, alors qu' il n' a pas été établi que la conclusion de contrats de longue durée, considérée comme anticoncurrentielle, ait été le résultat d' incitations ou de contraintes émanant des autorités étatiques.

3. Dès lors que la Commission entendait obliger, sur le fondement des pouvoirs qu' elle tient de l' article 90 du traité, les États membres à mettre fin aux droits spéciaux octroyés à certaines entreprises en matière de services de télécommunications, il lui appartenait, d' une part, de définir le type de droits concrètement visé et, d' autre part, de faire apparaître en quoi l' exécution de ces droits serait contraire aux différentes dispositions du traité. Faute de toute indication en ce sens, les dispositions de la directive 90/388 relative aux services de télécommunications doivent être annulées en tant qu' elles visent à régler les droits spéciaux.

4. L' extension du monopole de l' établissement et de l' exploitation du réseau téléphonique au marché des services de télécommunications, sans justification objective, est prohibée comme telle par les articles 86 et 90, paragraphe 1, du traité, lorsque cette extension est le fait d' une mesure étatique conduisant ainsi à éliminer la concurrence. Tel est le cas de l' octroi de droits exclusifs pour la fourniture des services de télécommunications aux organismes de télécommunications, qui sont ainsi conduits à exclure les concurrents du marché desdits services ou, tout au moins, à restreindre leur accès audit marché. La Commission était de ce fait fondée à exiger, par sa directive 90/388, l' abolition de ces droits.

Parties


Dans les affaires jointes

C-271/90,

Royaume d' Espagne, représenté initialement par M. Carlos Bastarreche Saguees, puis par M. Alberto José Navarro González, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et Mme Rosario Silva de Lapuerta, Abogado del Estado, chef du service du contentieux communautaire, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade d' Espagne, 4-6, boulevard Emmanuel Servais,

partie requérante,

soutenu par

République française, représentée par MM. Jean-Pierre Puissochet, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, et Géraud de Bergues, secrétaire-adjoint principal à ce même ministère, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de France, 9, boulevard Prince Henri,

partie intervenante,

C-281/90,

Royaume de Belgique, représenté par Me Eduard Marissens, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Lucy Dupong, 14a, rue des Bains,

partie requérante,

et C-289/90,

République italienne, représentée par M. le professeur Luigi Ferrari Bravo, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, assisté de M. Ivo M. Braguglia, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade d' Italie, 5, rue Marie-Adelaïde,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée, dans les affaires C-271/90 et C-281/90, par M. Bernhard Jansen, conseiller juridique, ainsi que, respectivement, par Mme Blanca Rodriguez Galindo et M. Xavier Lewis, membres du service juridique, en qualité d' agents, et, dans l' affaire C-289/90, par M. Enrico Traversa, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (JO L 192, p. 10),

LA COUR,

composé de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président de chambre, f.f. de président, M. Zuleeg et J. L. Murray, présidents de chambre, G. F. Mancini, R. Joliet, F. A. Schockweiler, J. C. Moitinho de Almeida, F. Grévisse et D. A. O. Edward, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs

greffier: M. D. Triantafyllou, administrateur

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 31 mars 1992, au cours de laquelle, dans l' affaire C-271/90, le royaume d' Espagne a été représenté par M. Antonio Hierro Hernández-Mora, Abogado del Estado, et la Commission des Communautés européennes par MM. Francisco Enrique González Díaz et Enrico Traversa, membres du service juridique, en qualité d' agents,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 20 mai l992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement les 7, 14 et 20 septembre 1990, le royaume d' Espagne, le royaume de Belgique et la République italienne ont, en vertu de l' article 173, premier alinéa, du traité CEE, demandé l' annulation de la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (JO L 192, p. 10). La République française est intervenue à la procédure C-271/90 au soutien des conclusions du royaume d' Espagne.

2 La directive 90/388 a été adoptée sur la base de l' article 90, paragraphe 3, du traité. L' article 1er contient une définition de différents termes utilisés dans la directive, tels que, notamment, "organismes de télécommunications", "droits spéciaux ou exclusifs", "réseau public de télécommunications", "services de télécommunications", "point de terminaison du réseau", "exigences essentielles". Il précise en outre que la directive ne s' applique pas au service télex, à la radiotéléphonie mobile, à la radiomessagerie et aux communications par satellite.

3 En vertu de l' article 2 de la directive, les États membres assurent l' abolition des droits exclusifs ou spéciaux pour la fourniture de services de télécommunications autres que le service de téléphonie vocale et prennent les mesures nécessaires afin de garantir le droit de tout opérateur économique de fournir lesdits services de télécommunications.

4 L' article 4 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer la publicité, l' objectivité et l' égalité des conditions d' accès aux réseaux et de communiquer, lors de chaque augmentation des tarifs applicables aux circuits loués, les éléments permettant à la Commission d' apprécier le bien-fondé de ces augmentations.

5 L' article 6 prévoit, entre autres, l' abrogation, par les États membres, des restrictions existantes en ce qui concerne le traitement des signaux avant leur transmission sur le réseau public ou après leur réception ainsi que l' obligation de communiquer à la Commission les mesures adoptées à cet égard.

6 L' article 7 prévoit que les États membres attribuent, à partir du 1er juillet 1991, certaines fonctions administratives, techniques, de contrôle et de surveillance à une entité indépendante des organismes de télécommunications.

7 L' article 8 reconnaît aux utilisateurs liés par un contrat de fourniture de services de télécommunications qui, lors de sa conclusion, faisait l' objet de droits exclusifs ou spéciaux le droit de résilier ledit contrat avec un certain préavis.

8 Enfin, selon l' article 9, les États membres communiquent à la Commission les informations nécessaires pour lui permettre d' établir pendant une période de trois ans, à la fin de chaque année, un rapport d' ensemble sur l' application de la directive.

9 Pour un plus ample exposé des faits du litige, des dispositions de la directive en cause, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

10 A l' appui de leur recours, les États membres invoquent différents moyens tirés en substance de l' incompétence de la Commission, du défaut de motivation et de la violation du principe de proportionnalité.

Sur la compétence de la Commission

11 Dans ses observations écrites, le gouvernement belge fait valoir, en premier lieu, que les dispositions de l' article 90, paragraphe 3, du traité ne confèrent pas à la Commission un pouvoir normatif, mais se bornent à lui attribuer une mission de surveillance des règles communautaires déjà existantes. Selon lui, la Commission ne pouvait pas édicter de règles nouvelles sur le fondement de l' article 90, paragraphe 3, du traité, comme elle l' a fait aux articles 1, 2, 4 et 6 de la directive litigieuse.

12 Cet argument doit être écarté. Ainsi que l' a jugé la Cour dans l' arrêt du 19 mars 1991, France/Commission, point 14 (C-202/88, Rec. p. I-1223), en permettant à la Commission d' adopter des directives, l' article 90, paragraphe 3, du traité lui confère le pouvoir d' édicter des règles générales précisant les obligations résultant du traité, qui s' imposent aux États membres en ce qui concerne les entreprises visées aux deux paragraphes précédents du même article. Le pouvoir de la Commission ne se limite donc pas à la simple surveillance de l' application des règles communautaires déjà existantes.

13 Le gouvernement belge fait valoir, en second lieu, qu' en prescrivant l' abolition des droits spéciaux et exclusifs la Commission a empiété sur les compétences conférées au Conseil par les articles 87 et 100 A du traité.

14 A cet égard, il suffit de rappeler que l' objet de la compétence conférée à la Commission par l' article 90, paragraphe 3, est différent et plus spécifique que celui des compétences attribuées au Conseil par l' article 100 A, d' une part, et par l' article 87, d' autre part, et que l' éventualité d' une réglementation édictée par le Conseil en application d' un pouvoir général qu' il détient en vertu d' autres articles du traité et comportant des dispositions qui toucheraient au domaine spécifique de l' article 90 ne fait pas obstacle à l' exercice de la compétence que ce dernier article confère à la Commission (arrêt du 19 mars 1991, France/Commission, précité, points 25 et 26).

15 A l' audience, le gouvernement belge a, en outre, fait valoir les arguments suivants.

16 Il a soutenu, d' une part, que si la Commission avait pu valablement définir, dans la directive 88/301/CEE, du 16 mai 1988, relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunication (JO L 131, p. 73), dite directive "Terminaux", les obligations découlant de l' article 30 du traité, puisque cet article avait été suffisamment précisé, au préalable, par les règles du droit dérivé, elle n' avait pas pu valablement définir, dans la directive litigieuse, les obligations découlant de l' article 59 du traité, dont l' application soulève des problèmes complexes dans le secteur des télécommunications, sans que soit intervenue, au préalable, une directive du Conseil précisant la portée de cet article.

17 Il a soutenu, d' autre part, que, dans la mesure où il est possible d' envisager plusieurs manières, pour les États membres, de s' acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de l' article 86 du traité dans le secteur des services de télécommunication, la Commission n' était pas en droit de leur imposer un moyen particulier de parvenir à un résultat.

18 Il y a lieu de rappeler que, dans l' arrêt du 19 mars 1991, France/Commission, précité, point 21, la Cour a jugé que le pouvoir de surveillance confié à la Commission comporte la possibilité, fondée sur l' article 90, paragraphe 3, de préciser les obligations découlant du traité et que, par conséquent, l' étendue de ce pouvoir dépend de la portée des règles dont il s' agit d' assurer le respect.

19 En vertu de l' article 59 du traité, les restrictions à la libre prestation des services à l' intérieur de la Communauté devaient être supprimées à l' expiration de la période de transition à l' égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. Les impératifs de cette disposition comportent notamment l' élimination de toute discrimination à l' encontre d' un prestataire établi dans un État membre autre que celui où la prestation est fournie.

20 Il est de jurisprudence constante (voir notamment arrêt du 17 décembre 1981, Webb, point 13, 279/80, Rec. p. 3305) que l' article 59 prescrit une obligation de résultat précise, dont l' exécution devait être facilitée, mais non conditionnée, par la mise en oeuvre d' un programme de mesures progressives. Partant, les dispositions de l' article 59 du traité sont devenues inconditionnelles à l' expiration de la période de transition (arrêt du 3 décembre 1974, Van Binsbergen, point 24, 33/74, Rec. p. 1299).

21 L' article 59 étant donc, comme l' article 30, une disposition directement applicable, la Commission pouvait, en vue de favoriser l' exercice effectif du droit à la libre prestation des services, préciser les obligations découlant de cet article sans qu' une action législative du Conseil ait été nécessaire au préalable. Dans ces conditions, une restriction du pouvoir de la Commission du type de celle envisagée par le gouvernement belge conduirait à priver l' article 90, paragraphe 3, de son effet utile. Le premier argument du gouvernement belge doit, par conséquent, être rejeté.

22 En ce qui concerne l' article 86 du traité, il suffit de constater que, contrairement à ce que prétend le gouvernement belge, la directive 90/388 ne détermine pas, de manière exhaustive, les moyens dont disposent les États membres pour s' acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de cette disposition. Ainsi, l' article 7 de la directive 90/388, qu' au cours de l' audience le gouvernement belge a pris comme exemple des contraintes imposées aux États membres, se borne à prescrire, conformément à ce qu' exige le régime de concurrence non faussée, prévu à l' article 3, sous f), du traité (voir, notamment, arrêt France/Commission, précité, points 51 et 52), que le titulaire des pouvoirs d' autorisation, de contrôle et de surveillance des services de télécommunications doit être indépendant des organismes de télécommunications. Cette disposition énonce une règle de droit et laisse aux instances nationales un large choix des moyens pour la mettre en oeuvre. L' argument selon lequel la Commission a excédé les pouvoirs qu' elle détient au titre de l' article 90, paragraphe 3, en fixant un cadre trop rigide à l' élimination des infractions à l' article 86 doit donc également être rejeté.

23 Les gouvernements espagnol et italien relèvent pour leur part que l' article 90, paragraphe 3, du traité n' attribue pas à la Commission le pouvoir d' obliger les États membres à imposer la modification des contrats qui ont été librement conclus entre gestionnaires et utilisateurs de services de télécommunications, comme le prévoit l' article 8 de la directive.

24 Dans l' arrêt France/Commission, précité, point 55, la Cour a rappelé que l' article 90 du traité ne conférait de pouvoir à la Commission qu' à l' égard des mesures étatiques et que les comportements anticoncurrentiels qui avaient été adoptés par les entreprises de leur propre initiative ne pouvaient être mis en cause que par des décisions individuelles prises en application des articles 85 et 86 du traité.

25 Tout comme la directive "Terminaux", la directive visée par les présents recours ne fait aucunement apparaître que les détenteurs des droits spéciaux ou exclusifs aient été contraints ou incités, par des réglementations étatiques, à conclure des contrats de longue durée.

26 L' article 90 ne saurait dès lors être regardé comme une base appropriée pour supprimer les obstacles à la concurrence qui résulteraient de contrats de longue durée, visés par la directive.

27 Il s' ensuit que l' article 8 de la directive doit être annulé.

Sur le défaut de motivation

28 Le gouvernement espagnol soutient que la directive litigieuse, en ce qu' elle concerne les droits spéciaux, est insuffisamment motivée.

29 Dans l' arrêt du 19 mars 1991, France/Commission, précité, point 45, la Cour a jugé, à propos de la directive "Terminaux", que doit être regardée comme insuffisamment motivée une directive qui, alors qu' elle vise la suppression de droits spéciaux dans un secteur déterminé, ne précise, dans ses dispositions ou ses considérants, ni le type de droits spéciaux qui est concrètement visé ni en quoi l' existence de ces droits serait contraire aux différentes dispositions du traité.

30 Or, la directive litigieuse ne comporte pas de telles précisions.

31 En particulier, la définition figurant à son article 1er, selon laquelle on entend par "droits spéciaux et exclusifs" les "droits octroyés par un État membre ou une autorité publique à un ou plusieurs organismes publics ou privés au moyen de tout instrument législatif, réglementaire ou administratif leur réservant la fourniture d' un service ou l' exploitation d' une activité déterminée", ne permet pas de déterminer le type de droits spéciaux visé par la directive litigieuse ni en quoi l' existence de ces droits serait contraire aux différentes dispositions du traité.

32 Par suite, il y a lieu d' annuler les dispositions de la directive litigieuse en tant qu' elles visent à régler les droits spéciaux.

Sur la justification de l' interdiction générale des droits exclusifs

33 Le gouvernement italien estime que, dans la mesure où la concession de droits spéciaux ou exclusifs n' est pas, en tant que telle, contraire au traité, la Commission n' aurait pas dû formuler l' obligation générale d' abolir ces droits, dans le domaine considéré, sans avoir, au préalable, procédé à une enquête circonstanciée sur les différents comportements adoptés dans l' exercice de ces droits. De l' avis de ce gouvernement, une interdiction générale ne pouvait être justifiée que si une enquête avait relevé que l' octroi de droits spéciaux ou exclusifs excluait toute possibilité de concurrence dans le secteur en cause. Il estime toutefois qu' une enquête n' aurait fait apparaître que des restrictions ponctuelles à l' accès au marché, dues, par exemple, à des charges pécuniaires excessives. Dans ces conditions, il appartenait à la Commission de prendre des mesures tendant exclusivement à éliminer les cas concrets d' abus, conformément au principe de proportionnalité.

34 Il convient de relever, à titre liminaire, que ce moyen n' est examiné que dans la mesure où il porte sur les droits exclusifs, la directive devant être annulée pour autant qu' elle vise à régler les droits spéciaux (voir point 32 du présent arrêt).

35 Il résulte de la jurisprudence de la Cour que le simple fait de créer une position dominante par l' octroi de droits exclusifs, au sens de l' article 90, paragraphe 1, du traité, n' est pas, en tant que tel, incompatible avec l' article 86 (voir, notamment, arrêt du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, point 16, C-179/90, Rec. p. I-5889).

36 Toutefois, la Cour a également jugé que l' extension du monopole de l' établissement et de l' exploitation du réseau téléphonique au marché des appareils téléphoniques, sans justification objective, était prohibée comme telle par l' article 86 ou par l' article 90, paragraphe 1, en relation avec l' article 86, lorsque cette extension est le fait d' une mesure étatique, conduisant ainsi à éliminer la concurrence (arrêt du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, point 24, C-18/88, Rec. p. I-5941). La même conclusion s' impose lorsque le monopole de l' établissement et de l' exploitation s' étend au marché des services de télécommunications.

37 A cet égard, il résulte du seizième considérant de la directive litigieuse, dont le gouvernement italien n' a aucunement contesté les termes, que l' octroi de droits exclusifs aux organismes de télécommunications conduit ces derniers à exclure les concurrents du marché des services de télécommunications ou, à tout le moins, à restreindre leur accès à ce marché. Or, selon ce même considérant, tous les services en question peuvent, en principe, être offerts par des fournisseurs établis dans d' autres États membres.

38 La Commission était donc fondée à exiger l' abolition des droits exclusifs pour ce qui concerne la fourniture de certains services de télécommunications. Le moyen invoqué à cet égard doit, dès lors, être rejeté.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

39 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, selon le paragraphe 3, premier alinéa, du même article, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Les parties requérantes n' ayant obtenu que partiellement gain en cause, il y a lieu de condamner chacune des parties, y compris la partie intervenante, à supporter ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) La directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications, est annulée pour autant qu' elle vise à régler les droits spéciaux.

2) L' article 8 de la directive est annulé.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Top