COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 11.10.2018
COM(2018) 673 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Une bioéconomie durable pour l'Europe:
renforcer les liens entre l'économie, la société et l'environnement
{SWD(2018) 431 final}
1.
Introduction
Nous vivons dans un monde où les ressources sont limitées. Des défis d’envergure planétaire tels que le changement climatique, la dégradation des terres et des écosystèmes, combinés à l’accroissement de la population, nous forcent à chercher de nouveaux modes de production et de consommation qui respectent les limites écologiques de notre planète. En corollaire, la nécessité d’instaurer une durabilité constitue une incitation forte à moderniser nos industries et à renforcer la position de l’Europe au sein d’une économie mondiale hautement concurrentielle, assurant ainsi la prospérité des citoyens européens. Pour relever ces défis, nous devons nous améliorer et innover dans notre façon de produire et de consommer des denrées alimentaires, des produits et des matériaux dans des écosystèmes sains, en mettant en place une bioéconomie durable.
Durable et circulaire: la bioéconomie à l’européenne
La bioéconomie englobe tous les secteurs et systèmes qui s’appuient sur les ressources biologiques (les animaux, les végétaux, les micro-organismes, et la biomasse qui en est issue, y compris les déchets organiques), leurs fonctions et leurs principes. Elle comprend et met en relation: les écosystèmes terrestres et marins et les services qu’ils procurent; tous les secteurs de production primaire qui utilisent et produisent des ressources biologiques (agriculture, sylviculture, pêche et aquaculture); et tous les secteurs économiques et industriels qui utilisent des ressources et des procédés biologiques pour produire des denrées alimentaires, de l’alimentation animale, des bioproduits, de l’énergie et des services
. Pour que la bioéconomie européenne porte ses fruits, elle doit être centrée sur la durabilité et la circularité. Ce sont les principes qui guideront le renouvellement de nos industries, la modernisation de nos systèmes de production primaire, la protection de l’environnement, et qui permettront l’enrichissement de la biodiversité.
La finalité de la présente mise à jour de la stratégie bioéconomique de 2012
est de relever ces défis grâce à un ensemble de 14 actions concrètes, qui seront lancées au plus tard en 2019. Ces actions font suite aux conclusions du réexamen de la stratégie en 2017
.
2. Comment la bioéconomie contribue-t-elle aux priorités de l’UE?
La présente mise à jour de la stratégie bioéconomique de 2012 permettra d’optimiser la contribution de la bioéconomie aux grandes priorités d’action européennes
.
La durabilité n’est pas seulement une exigence juridique: c’est un débouché à exploiter partout en Europe et c’est le socle de la plupart des priorités de l’UE
. L’Union européenne assume déjà un rôle moteur au niveau mondial dans l’utilisation durable des ressources naturelles au sein d’une bioéconomie efficace, critère essentiel de la plupart des objectifs de développement durable
.
La bioéconomie, dont le chiffre d’affaires atteint 2 300 milliards d’EUR et qui représente 8,2 % de la main-d’œuvre de l’UE
, joue un rôle central dans le fonctionnement et la réussite de l’économie européenne. Le déploiement d’une bioéconomie européenne durable entraînerait la création d’emplois, en particulier dans les zones côtières et rurales grâce à la participation croissante de producteurs primaires aux bioéconomies locales. Dans le secteur des bio-industries, un million d’emplois nouveaux pourraient être créés d’ici à 2030, selon les estimations du secteur lui-même
. L’écosystème de start-up vigoureuses et en croissance rapide dans le secteur de la biotechnologie jouera un rôle moteur dans la concrétisation de ce potentiel.
Une bioéconomie européenne durable est nécessaire pour construire un avenir neutre en carbone, conformément aux objectifs climatiques fixés par l’accord de Paris. Par exemple, dans le secteur de la construction, le bois d’ingénierie offre des avantages considérables pour l’environnement ainsi que d’excellents débouchés économiques. Des études montrent que l’incidence moyenne d’une construction utilisant 1 tonne de bois plutôt qu’1 tonne de béton pourrait aboutir à une réduction moyenne de 2,1 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone sur l’ensemble du cycle de vie du produit (y compris son utilisation et son élimination)
. Une bioéconomie durable est également un facteur essentiel de la réduction des émissions dans le secteur de l’énergie en Europe. La bioénergie, qui est actuellement la première source d’énergie renouvelable dans l’UE, devrait toujours constituer une composante essentielle du bouquet énergétique en 2030 et contribuer à atteindre les objectifs en matière d’énergies renouvelables de 20 % en 2020 et d’au moins 32 % en 2030
. La production primaire durable sur terre et en mer est le socle de la durabilité globale de la bioéconomie; elle sera à l’origine d’«émissions négatives» ou de puits de carbone, en conformité avec les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris.
Une bioéconomie européenne durable étaye la modernisation et le renforcement de la base industrielle de l’UE grâce à la création de nouvelles chaînes de valeur et de procédés industriels plus respectueux de l’environnement et d’un meilleur rapport coût/efficacité. En tirant parti des progrès sans précédent réalisés par les sciences de la vie et les biotechnologies, ainsi que des innovations qui combinent les mondes physique, numérique et biologique, la base industrielle européenne est en mesure de conserver et de renforcer sa position dominante sur le plan mondial. La recherche et l’innovation ainsi que le déploiement de solutions innovantes aux fins de la production de bioproduits nouveaux et durables (tels que les substances chimiques d’origine biologique, les biocombustibles, etc.) amélioreront également notre capacité de remplacer les matières premières fossiles dans des segments très importants de l’industrie européenne (par exemple: la construction, le conditionnement, les textiles, les substances chimiques, les cosmétiques, les composants pharmaceutiques, les biens de consommation) conformément aux objectifs renouvelés de la politique industrielle. Selon les projections élaborées par le secteur, la demande en biotechnologies industrielles devrait pratiquement doubler au cours des dix prochaines années
.
La bioéconomie durable est le segment renouvelable de l’économie circulaire. Elle est à même de transformer les déchets organiques, les résidus et les rejets en ressources utiles et de créer des innovations et des incitations qui aideront les commerçants et les consommateurs à réduire de 50 % le gaspillage alimentaire d’ici 2030. Par exemple, dans le secteur de l’élevage du bétail, de plus en plus d’innovations permettent de transformer en toute sécurité certains déchets de denrées alimentaires en aliments pour animaux, pour autant que la réglementation en vigueur et les exigences juridiques soient respectées
. On estime qu’avec les terres - actuellement exploitées pour nourrir des animaux - qui pourraient être épargnées grâce à ces innovations, on pourrait alimenter trois milliards de personnes supplémentaires
. Les villes devraient devenir de grands pôles de la bioéconomie circulaire. Des plans de développement urbain circulaires pourraient se traduire par des gains économiques et environnementaux considérables. Par exemple, la municipalité d’Amsterdam estime que l’amélioration du recyclage des flux de résidus organiques de qualité pourrait générer une valeur ajoutée de 150 millions d’EUR par an, créer 1 200 emplois à long terme et éviter l’émission de 600 000 tonnes de dioxyde de carbone par an
. Rapportés aux 50 plus grandes villes d’Europe, qui représentent 11 % de la population de l’UE, les effets combinés seraient au moins 50 fois supérieurs.
Promouvoir des écosystèmes sains est une priorité pour l’Europe. La bioéconomie peut contribuer à la restauration des écosystèmes, par exemple en débarrassant les mers et les océans des déchets plastiques. L’Agence européenne pour l’environnement recommande déjà que des matériaux biologiques et biodégradables soient utilisés en remplacement des plastiques dont le risque de dispersion dans l’écosystème est élevé, tels que les lubrifiants, les matériaux soumis à l’usure et les produits jetables
. En outre, une bioéconomie durable contribuera à la réalisation de l’objectif de développement durable visant à atteindre la neutralité de la dégradation des terres d’ici à 2030 et du projet ambitieux de rétablir au moins 15 % des écosystèmes dégradés d’ici à 2020
.
La concrétisation de ce potentiel ne se fera pas seule. Cela nécessite des investissements, de l’innovation, l’élaboration de stratégies et la mise en œuvre de changements systémiques qui toucheront différents secteurs (l’agriculture, la sylviculture, la pêche, l’aquaculture, l’alimentation, la bio-industrie). Il faut pour cela renforcer notre capacité de transformer les possibilités offertes par tous les types d’innovations en produits et services nouveaux sur le marché, ce qui permettra de créer de nouveaux emplois à l’échelle locale. Et il faut le faire à l’européenne: d’une façon qui soit viable du point de vue économique et qui laisse le champ libre à la durabilité et à la circularité.
Maximiser l’impact des programmes de recherche et d’innovation de l’UE est capital à cet égard
. L’encadrement réglementaire et le financement doivent être propices à l’innovation si l’Europe veut se placer dans le peloton de tête des innovations porteuses de nouveaux marchés. C’est un point que le récent agenda européen renouvelé dans le domaine de la recherche et de l’innovation
a mis en avant. Le programme «Horizon 2020» et le Fonds européen de développement régional, de manière complémentaire, continueront à fournir des résultats importants en matière de recherche et d’innovation qui peuvent solutionner des problématiques transversales et offrir des débouchés dans différents secteurs de la bioéconomie. L’objectif des propositions de la Commission concernant le prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 est de donner une forte impulsion à la recherche et à l’innovation systémiques dans les domaines et les secteurs couverts par la bioéconomie: en particulier, il est prévu de consacrer 10 milliards d’EUR
au pôle «Alimentation et ressources naturelles» du programme «Horizon Europe»
. Cette reconnaissance se reflète également dans les nombreuses stratégies de spécialisation intelligente qui se sont fixé des priorités liées à la bioéconomie, et dans les plateformes de spécialisation intelligente et les partenariats en matière de bioéconomie qui associent des régions de l’UE afin de faciliter leur participation. La recherche et l’innovation dans le secteur de la bioéconomie constituent également un espace de coopération important à l’échelle mondiale.
Toutefois, il convient d’aller au-delà de la recherche et de l’innovation et d’adopter une approche systémique et stratégique du déploiement des innovations afin de tirer pleinement parti des avantages économiques, sociaux et environnementaux de la bioéconomie. Une telle approche devrait réunir tous les acteurs sur l’ensemble des territoires et des chaînes de valeur afin de recenser les besoins et les mesures à prendre. Elle poussera à aborder les problématiques systémiques qui touchent les différents secteurs, y compris les synergies et les arbitrages possibles, afin de permettre et d’accélérer le déploiement de modèles d’économie circulaire. En outre, cette approche devra mobiliser pleinement l’ensemble des outils et des politiques disponibles, en exploitant les synergies avec d’autres fonds et instruments européens et nationaux, notamment la politique agricole commune, la politique commune de la pêche, ainsi que la politique de cohésion et les instruments financiers prévus par le programme InvestEU.
3. Libérer le potentiel de la bioéconomie
L’objectif de la stratégie bioéconomique de 2012 consistant à faciliter «l'avènement d'une société plus innovante, plus économe en ressources et plus compétitive qui concilie la sécurité alimentaire et l'utilisation durable des ressources renouvelables à des fins industrielles tout en garantissant la protection de l'environnement» est toujours d’actualité. Le réexamen de cette stratégie
en a reconnu les succès, notamment sa capacité de mobiliser la recherche et l’innovation, de stimuler des investissements privés, de développer de nouvelles chaînes de valeur, de promouvoir l’adoption de stratégies nationales en matière de bioéconomie et d'impliquer les parties prenantes. Le réexamen a conclu que les cinq objectifs de la stratégie bioéconomique de 2012 restaient valables.
S’il a reconnu la contribution de la stratégie bioéconomique tant à l’économie circulaire qu’à l’Union de l’énergie, le réexamen a aussi souligné que la portée de ses objectifs devait être adaptée, conformément aux priorités européennes générales. Les actions devraient par conséquent être recentrées afin d’en maximiser l’impact sur ces priorités - notamment celles qui sont reprises dans le cadre de politique industrielle renouvelé
, dans le plan d’action en faveur de l’économie circulaire
et dans le train de mesures «Une énergie propre pour tous les Européens»
.
Le premier objectif - assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle - demeure critique. Les systèmes alimentaires et agricoles représentent environ les trois quarts des emplois générés globalement par la bioéconomie et les deux tiers de son chiffre d’affaires. Toutefois, leur viabilité est mise à mal par l’accroissement de la population mondiale, l’évolution des pratiques de consommation et de la nutrition, l’utilisation non durable de la biomasse et des déchets et les menaces liées au changement climatique
. Il convient d’accélérer la transition vers des systèmes alimentaires et agricoles durables, respectueux de la santé, tenant compte des besoins nutritionnels, efficaces dans l’utilisation des ressources, résilients, circulaires et inclusifs. Il s’agit notamment de transformer les déchets organiques, les résidus et rejets de denrées alimentaires en bioproduits sûrs et de qualité, par exemple en déployant des bioraffineries à petite échelle, en aidant les agriculteurs, les sylviculteurs et les pêcheurs à diversifier leurs sources de revenus et à mieux gérer les risques du marché, tout en poursuivant les objectifs de l’économie circulaire.
Le deuxième objectif - gérer les ressources naturelles de manière durable - est plus important que jamais dans le contexte actuel de pression accrue sur l’environnement et de perte de biodiversité
. Il convient d’agir à temps pour éviter la dégradation des écosystèmes, pour restaurer et renforcer les fonctions écosystémiques, ce qui permettra de sécuriser davantage l’approvisionnement en denrées alimentaires et en eau, et pour contribuer de façon sensible à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de ses effets, grâce à des «émissions négatives» et aux puits de carbone
.En particulier, la préservation et la productivité des écosystèmes sains dans les mers, les forêts et les sols reposent sur la biodiversité. Nous devons également améliorer notre capacité de surveiller et de prévoir l’état et l’évolution de nos ressources naturelles.
Le troisième objectif - moins dépendre de ressources non renouvelables et non durables, qu’elles soient endogènes ou exogènes - est essentiel pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques de l’UE, sachant que la bioénergie, qui est actuellement la première source d’énergie renouvelable dans l’UE, devrait toujours constituer une composante essentielle du bouquet énergétique en 2030
. Renforcer le secteur bioéconomique peut accélérer le processus de remplacement des ressources non renouvelables conformément aux engagements pris par l’UE au titre de l’accord de Paris. En outre, la symbiose industrielle et les bioprocédés industriels innovants
contribuent à l’écologisation des industries et au développement de bioéconomies et de produits circulaires, par exemple en introduisant des innovations dans la manière dont les villes valorisent leur part non négligeable de biodéchets.
Le quatrième objectif - lutter contre le changement climatique et s'y adapter - s’est imposé comme le défi mondial de cette génération. Dans le cadre de la stratégie pour une réduction à long terme des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, une bioéconomie circulaire et durable est le passage obligé pour parvenir à une Europe neutre sur le plan des gaz à effet de serre. En outre, une bioéconomie durable recèle un potentiel élevé de réduction des émissions de gaz à effet de serre parce qu’elle encourage des pratiques de production primaire plus efficaces dans l’utilisation des ressources, plus actives et plus durables sur terre et en mer, et qu’elle améliore la capacité des écosystèmes à réguler le climat, par exemple grâce au déploiement d’innovations basées sur le stockage du carbone dans les sols agricoles.
Le cinquième objectif - renforcer la compétitivité européenne et créer des emplois - est un objectif politique central de la bioéconomie. Pour étayer la compétitivité mondiale et la transformation des industries européennes, il convient d’encadrer le développement et le déploiement des innovations et de favoriser l’essor des marchés de bioproduits, moyennant par exemple la passation de marchés publics
, la création de normes, la définition de politiques en matière d’énergies renouvelables et la tarification du carbone5. La bioéconomie offre d’importantes perspectives en termes d’emplois nouveaux, de développement économique régional et de cohésion territoriale accrue, y compris dans les zones éloignées ou périphériques. Potentiellement, elle est une source importante de diversification des revenus pour les agriculteurs, les sylviculteurs et les pêcheurs, et elle est à même de stimuler les économies rurales locales moyennant des investissements accrus dans les compétences, les connaissances, l’innovation et les nouveaux modèles d’entreprise, comme le recommande la déclaration de Cork 2.0 de 2016
.
4.
Actions ouvrant la voie à une bioéconomie circulaire durable
Pour continuer à soutenir les cinq objectifs déclarés dans le contexte de priorités politiques qui ont évolué, la présente stratégie actualisée propose trois domaines d’action principaux:
1.renforcer les secteurs bioéconomiques et intensifier leur activité, libérer les investissements et les marchés;
2.déployer rapidement des bioéconomies locales dans toute l’Europe;
3.comprendre les limites écologiques de la bioéconomie.
Les actions proposées s’appuient sur le succès de précédents investissements en faveur de la recherche et de l’innovation et vont au-delà. Le plan d’action suit une approche systémique afin de développer et d’intensifier la bioéconomie et d’en assurer la durabilité et la circularité globales. Il englobe divers secteurs et politiques liés à la bioéconomie, les met en relation, facilite la cohérence et les synergies, fait des arbitrages notamment entre des utilisations concurrentes de la biomasse, et propose un projet qui permettra à l’Union de développer le potentiel de la bioéconomie et de l’exploiter pour tenir ses engagements concernant un grand nombre de ses objectifs politiques. Les actions seront mises en œuvre dans le contexte international du forum international de la bioéconomie et du sommet mondial de la bioéconomie afin de favoriser les synergies avec des actions menées par des partenaires partageant les mêmes valeurs.
4.1 Renforcer les secteurs bioéconomiques et intensifier leur activité, libérer les investissements et les marchés
Afin d’accélérer le développement et le déploiement de solutions bioéconomiques durables et circulaires, dont dépendent la modernisation, le renforcement et la compétitivité de notre base industrielle, l’UE va intensifier la mobilisation d’acteurs publics et privés en faveur de la recherche, de la démonstration et du déploiement de solutions bioéconomiques (action 1.1). Il s’agira, par exemple, de promouvoir des technologies, telles que l’intelligence artificielle, et des solutions innovantes qui soient appropriées pour un déploiement à petite échelle et faciles à reproduire. Dans le cadre d’«Horizon 2020», le partenariat public-privé de l’UE sur les bio-industries joue un rôle déterminant dans le développement et le déploiement de nouvelles chaînes de valeur bioéconomiques, fondées sur l’utilisation des ressources renouvelables, y compris les déchets
. Cette action aboutira à la mise au point d’une panoplie de solutions en vue de la transformation de la biomasse en bioproduits, qui stimulera la modernisation et le renouvellement de nos industries dans un certain nombre de domaines.
Outre les subventions à la recherche et à l’innovation accordées dans le cadre du programme «Horizon 2020», l’Union européenne mettra en œuvre un instrument financier ciblé - une plateforme d’investissement thématique pour la bioéconomie circulaire dotée d’un budget de 100 millions d’EUR
(action 1.2) - en vue de réduire les risques liés aux investissements privés dans des solutions durables. Ce dispositif s’appuiera, tout en les renforçant, sur des synergies avec des initiatives de l’UE en cours et à venir, telles que l’union des marchés des capitaux, le programme InvestEU, la politique agricole commune et le Fonds pour l’innovation du SEQE.
Afin d’exprimer tout son potentiel, le secteur bioéconomique doit être davantage valorisé pour ses incidences positives et être mis sur un pied d’égalité, en termes de conditions de marché et de réglementation, avec les industries basées sur les ressources fossiles. Cette action permettra de repérer les goulets d’étranglement, les facilitateurs et les lacunes qui influencent les innovations bioéconomiques, et de proposer des orientations facultatives concernant leur déploiement à grande échelle, en vue de promouvoir les normes et les labels existants et d’évaluer l’opportunité d’en créer de nouveaux, en particulier pour les bioproduits (action 1.3).
Afin de stimuler l’adoption par le marché et la confiance des consommateurs, il convient de recourir à des instruments multiples. Pour ce faire, des informations concernant les performances environnementales qui soient fiables et comparables doivent être disponibles et applicables, si cela s’avère bénéfique du point de vue de l’environnement, aux instruments de la politique environnementale (par exemple, le label écologique de l’UE et les marchés publics écologiques). La production et l’utilisation des données doivent se conformer à la méthode de l’empreinte environnementale de produit. Les autres aspects à aborder comprennent la promotion et l’élaboration des normes, lesquelles peuvent servir à vérifier les propriétés des produits, comme base de l’étiquetage volontaire existant (action 1.4). Dans l’ensemble, ces actions contribueront à la diversification, au développement et au déploiement des solutions bioéconomiques. Par ailleurs, elles viseront à faciliter le développement de nouvelles bioraffineries durables et à en confirmer le type et le potentiel estimé, les estimations actuelles prévoyant environ 300 nouvelles bioraffineries (action 1.5)
. Cette action dépendra de la disponibilité des ressources provenant de sources durables.
Enfin, dans un effort pour contribuer à relever le défi mondial que constituent des océans sans plastique, tout en offrant des perspectives de croissance à des modèles d’entreprise et des produits innovants basés sur des ressources biologiques, des actions viseront à canaliser le potentiel de la bioéconomie afin qu’elle contribue à la lutte contre la pollution par les plastiques
dans les mers et les océans d’Europe, ainsi que dans les eaux intérieures, et qu’elle restaure la qualité de l’eau et des écosystèmes (action 1.6). Il s’agira, par exemple, de mobiliser les acteurs clés dans la chaîne de valeur des matières plastiques afin d’encourager la mise au point de solutions de substitution aux ressources fossiles, et notamment de substituts aux matières plastiques qui soient biosourcés, recyclables et biodégradables dans le milieu marin.
4.2 Déployer rapidement des bioéconomies locales dans toute l’Europe
La Commission européenne soutiendra activement et encouragera tous les types d’innovations et de pratiques favorisant la durabilité des systèmes alimentaires et agricoles, de la sylviculture et de la production biologique grâce à une approche systémique et transversale établissant des liens entre les acteurs, les territoires et les chaînes de valeur. Elle élaborera un programme stratégique de déploiement (action 2.1), qui procurera une vision à long terme sur les voies à suivre pour déployer et amplifier la bioéconomie d’une manière durable et circulaire. Cette approche systémique abordera, entre autres, les domaines suivants:
-assurer la pérennité des systèmes alimentaires et agricoles (terrestres et aquatiques) en trouvant des solutions à des problématiques telles que: les déchets, pertes et sous-produits alimentaires (y compris le recyclage des nutriments), la résilience, la nécessité d’une production alimentaire tenant compte des aspects nutritionnels, l’augmentation du volume de denrées alimentaires produites à partir de l’utilisation durable des mers et des océans
, dont une part plus importante de la production aquacole européenne et une meilleure pénétration sur le marché;
-innovations fondées sur des matériaux biologiques, y compris dans l’agriculture, en vue de mettre au point des substances chimiques, produits, procédés et chaînes de valeur nouveaux adaptés à des marchés de produits biologiques dans les zones rurales et côtières, avec la participation et une rémunération accrue des producteurs primaires;
-nouveaux débouchés pour le secteur sylvicole en vue de remplacer par des biomatériaux les matières premières non durables dans le domaine de la construction et du conditionnement et de proposer des innovations plus durables à des secteurs tels que le textile, l’ameublement et les substances chimiques issus de la filière bois, ainsi que de nouveaux modèles d’entreprise fondés sur la valorisation des services de l’écosystème forestier;
-exploiter le potentiel de l’élevage marin (algues et autres ressources marines) moyennant l’expansion et la pénétration sur le marché de bio-industries marines, ainsi que l’intégration plus poussée de l’élevage marin et de l’élevage terrestre.
Les actions concrètes qui donneront corps à ce programme de déploiement stratégique témoigneront du vaste potentiel de la bioéconomie pour le développement des zones rurales, côtières et urbaines. Des actions pilotes seront mises en œuvre (action 2.2) pour renforcer les synergies entre les instruments de l’UE existants qui soutiennent les activités locales, mettant de façon plus explicite l’accent sur la bioéconomie. Dans un premier temps, cinq actions pilotes seront lancées:
·L’action pilote «bioéconomie bleue» permettra de libérer le potentiel des approches de la bioéconomie bleue dans les zones côtières et les îles. La stratégie de l’UE pour la région de la mer Baltique s’est avérée être un bon canal ascendant pour orienter les fonds existants vers des modèles bioéconomiques adaptés aux conditions locales
. Il est proposé d’étendre des actions similaires à d’autres bassins maritimes, ainsi qu’à des régions côtières et maritimes, notamment par le recours au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche.
·Des interventions spécifiques seront mises au point dans le cadre de la politique agricole commune pour soutenir des bioéconomies inclusives dans les zones rurales. L’objectif est d’établir un lien plus étroit entre les stratégies bioéconomiques nationales et les plans stratégiques nationaux au titre de la politique agricole commune. La diffusion de bonnes pratiques en vue d’encourager le déploiement de la bioéconomie permettra aux producteurs primaires de tirer parti des possibilités qu’offrent les nouvelles approches systémiques de la bioéconomie.
·Grâce à l’action pilote «bioéconomies urbaines», 10 villes européennes pourront considérer les déchets organiques non plus comme un problème de société mais comme une ressource utile pour la production de bioproduits. En outre, il conviendrait d’avoir davantage recours à la réhabilitation des friches et à l’application des procédés et technologies de la bioéconomie circulaire dans les zones urbaines afin de diversifier l’approvisionnement durable en biomasse et de créer de nouveaux débouchés commerciaux.
·L’action pilote «stockage du carbone dans les sols agricoles» incitera les États membres à établir un fonds destiné à l’achat de crédits d’émission de carbone auprès des agriculteurs et des propriétaires forestiers mettant en œuvre des projets spécifiques qui visent à augmenter la séquestration du carbone dans le sol et la biomasse et/ou à réduire les émissions dans le secteur de l’élevage de bétail, ou qui sont liés à l’utilisation des engrais.
·Des «laboratoires vivants» seront installés en vue de mettre au point et à l’épreuve des innovations localisées fondées sur des approches écologiques et sur la circularité au stade de la production primaire et dans les systèmes alimentaires. Cela permettra d’adapter les innovations à des besoins locaux spécifiques, de faire participer les acteurs concernés et de faciliter l’adoption et le déploiement futurs de ces innovations.
Afin que tous les territoires de l’Union aient la possibilité de développer leur potentiel bioéconomique, l’UE mettra en place un mécanisme de soutien aux politiques nationales dans le domaine de la bioéconomie (action 2.3) dans le cadre du programme «Horizon 2020». Elle soutiendra le développement de stratégies nationales/régionales en matière de bioéconomie, y compris dans les régions reculées et les pays candidats ou en voie d’adhésion
.
La nature systémique et transversale des approches nouvelles et émergentes dans le domaine de la bioéconomie et des nouvelles chaînes de valeur nécessiteront un renouvellement de la formation et des compétences (action 2.4). Elles doivent en effet s’adapter aux différents besoins se manifestant dans les secteurs de la bioéconomie (par exemple, à l’articulation entre l’agrologie, le bioraffinage, l’écologie et d’autres disciplines), afin d’être en mesure de répondre rapidement et avec souplesse aux besoins émergents et sans cesse croissants de la bioéconomie. La mise à l’essai de programmes de formation professionnelle et d’enseignement supérieur, la participation de partenaires sociaux et l’élaboration de programmes d’entreprenariat contribueront à cette action.
4.3 Comprendre les limites écologiques de la bioéconomie
Pour que la bioéconomie tienne ses promesses en termes de durabilité, nous devons être en mesure de mieux comprendre et mesurer ses effets et incidences sur les limites écologiques de notre planète. Ainsi, la bioéconomie pourra se développer de façon à atténuer les pressions sur l’environnement, à valoriser et protéger la biodiversité et à améliorer l’éventail complet des services écosystémiques. Les actions suivantes visent à étendre la connaissance globale et à intensifier le suivi de la bioéconomie. Toutes répondent à la nécessité de disposer de connaissances approfondies sur les limites de l’approvisionnement durable en biomasse aux niveaux local, régional et mondial. Ces connaissances viendront alimenter dans les autres actions opérationnelles de la présente stratégie. Ces actions fourniront une bonne base pour renforcer la résilience des écosystèmes terrestres et marins, améliorer leur biodiversité et assurer leur contribution à l’atténuation des effets du changement climatique, tout en transformant notre économie basée sur les énergies fossiles en une bioéconomie.
L’amélioration de la base de connaissances et la compréhension des domaines spécifiques de la bioéconomie (action 3.1) passeront par l’acquisition de données supplémentaires, la production d’une information de meilleure qualité et l’analyse systémique (par exemple, grâce à l’intelligence artificielle) des données et des informations, concernant notamment:
-l’état et la résilience des écosystèmes terrestres (agricoles et forestiers) et marins, et de leur diversité biologique. On s’intéressera notamment à leurs coûts et avantages socio-économiques connexes, ainsi qu’à leur aptitude à constituer une source de biomasse endogène durable, à piéger le carbone et à augmenter la résilience face au changement climatique;
-la disponibilité de la biomasse durable ainsi que les investissements publics et privés en matière de bioéconomie.
L’amélioration de la base de connaissances comprendra des évaluations, des modélisations et des scénarios prospectifs transsectoriels. Les progrès de la bioéconomie seront suivis de façon systématique dans un souci de gouvernance responsable et inclusive et d’élaboration cohérente des politiques. L’état de la biodiversité, des écosystèmes, des terres dégradées et des terres exposées aux effets du changement climatique, tels que la désertification, sera également contrôlé, en vue de restaurer les écosystèmes terrestres et marins. La Commission mettra en œuvre à l’échelle de l’UE un système de surveillance cohérent au niveau international (action 3.2) afin de suivre les progrès réalisés vers une bioéconomie circulaire durable en Europe et de soutenir les domaines d’action connexes. Les connaissances acquises seront mises à profit pour proposer des orientations facultatives visant à faire fonctionner la bioéconomie dans des limites écologiques sûres (action 3.3).
Les avantages tirés d’écosystèmes riches en biodiversité seront mieux intégrés à la production primaire, moyennant un soutien spécifique à l’agroécologie, la mise au point de solutions basées sur le microbiome, de nouveaux outils pour intégrer les pollinisateurs dans des chaînes de valeur et un soutien spécifique à l’agroécologie (action 3.4).
Les données et informations issues de ces actions seront mises à la disposition du public par l’intermédiaire du centre de connaissances sur la bioéconomie.
5. Conclusion
Les ressources biologiques et les écosystèmes limités de notre planète sont les principales sources de l’alimentation humaine ainsi que de l’approvisionnement en eau propre et en énergie non polluante à un coût abordable. Une bioéconomie durable est un outil essentiel pour contrer le changement climatique et la dégradation des terres et des écosystèmes. Elle permettra de répondre à la demande en denrées alimentaires, aliments pour animaux, énergie, matériaux et produits, qui va croissant en raison de l’augmentation de la population mondiale, et de réduire notre dépendance à l’égard des ressources non renouvelables.
Le déploiement d’une bioéconomie circulaire et durable stimulera la compétitivité des secteurs qui la composent et soutiendra la création de nouvelles chaînes de valeur dans toute l’Europe, tout en améliorant la situation générale de nos ressources naturelles. Cette bioéconomie s’appuiera principalement sur des ressources endogènes renouvelables et durables et tirera parti des avancées dans le domaine des sciences, des technologies et de l’innovation qui fusionnent les mondes physique, numérique et biologique, dans quelques-uns des principaux secteurs et industries de l’Union européenne.
La présente stratégie propose des actions destinées à soutenir le développement rural et côtier, y compris dans les zones reculées, en assurant une répartition mieux équilibrée des avantages découlant d’une bioéconomie européenne compétitive et durable dans l’ensemble des territoires et des chaînes de valeur en Europe. Ces actions garantiront que la bioéconomie respecte les limites de notre planète. Une bioéconomie durable doit valoriser les ressources naturelles, diminuer la pression exercée sur l’environnement, intensifier l’utilisation des énergies renouvelables durables, restaurer et améliorer les fonctions des écosystèmes et la biodiversité. Elle favorisera des systèmes alimentaires et une production primaire plus durables, circulaires et affranchis des déchets sur terre comme en mer.
Mettre en place une bioéconomie circulaire durable signifie que notre prospérité économique et la bonne santé de notre environnement se renforceront mutuellement. Pour garantir une concrétisation effective des objectifs de la politique proposée, la Commission fera régulièrement rapport sur l’état d’avancement du plan d’action et s’engage à adapter ou interrompre les activités qui ne contribueraient pas à la réalisation des objectifs de la stratégie de manière satisfaisante.
Intitulé de l'action
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Acteurs
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1 Renforcer les secteurs bioéconomiques et intensifier leur activité, libérer les investissements et les marchés
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1.1. Mobiliser des parties prenantes des secteurs public et privé en faveur de la recherche, de la démonstration et du déploiement de solutions bioéconomiques durables, inclusives et circulaires
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Commission, États membres et régions, parties prenantes
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1.2 Lancement d’une plateforme d’investissement thématique pour la bioéconomie circulaire dotée d’un budget de 100 millions d’EUR
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Commission
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1.3 Étude et analyse des facilitateurs et des goulets d’étranglement, et orientations facultatives pour le déploiement d’innovations bioéconomiques
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Commission
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1.4 Promouvoir des normes et des mesures d’incitation émergentes fondées sur le marché et/ou en élaborer de nouvelles, et améliorer l’étiquetage relatif aux bioproduits sur la base de données fiables et comparables sur les performances environnementales et climatiques
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Commission et États membres/parties prenantes
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1.5 Faciliter le développement de nouvelles bioraffineries durables et en confirmer le type et le potentiel estimé
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Commission et États membres
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1.6 Investissements dans la recherche et l’innovation en vue de mettre au point des solutions de substitution aux ressources fossiles qui soient biosourcées, recyclables et biodégradables dans le milieu marin, ainsi que des méthodes de bioremédiation, en mobilisant les acteurs clés dans les chaînes de valeur concernées, y compris celle des matières plastiques, et de contribuer à l’avènement de mers et d’océans sans plastique, sains et productifs en Europe
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Commission, parties prenantes
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Intitulé de l'action
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Acteurs
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2 Déployer rapidement des bioéconomies locales dans toute l’Europe
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2.1 Programme de déploiement stratégique en faveur de systèmes agricoles et alimentaires, d’une sylviculture et d’une production biosourcée durables dans une bioéconomie circulaire
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Commission, États membres, secteur privé, parties prenantes
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2.2 Actions pilotes pour le développement de bioéconomies locales (rurales, côtières, urbaines) par l’intermédiaire d’instruments et de programmes de la Commission
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Commission, États membres, régions, municipalités et autres parties prenantes
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2.3 Mettre en place un mécanisme européen de soutien aux politiques dans le domaine de la bioéconomie et un forum des États membres sur la bioéconomie européenne
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Commission et États membres
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2.4 Promouvoir l’éducation, la formation et les compétences au sein de la bioéconomie
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Commission et États membres
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3 Comprendre les limites écologiques de la bioéconomie
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3.1 Approfondir les connaissances sur la bioéconomie, y compris sur la biodiversité et les écosystèmes, afin de la déployer dans des limites écologiques sûres et les rendre accessibles par l’intermédiaire du centre de connaissances sur la bioéconomie.
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Commission, États membres, organisations internationales, IPBES
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3.2 Accroître les capacités en termes d’observation, de mesure, de surveillance et d’établissement de rapports, et mettre en place, à l’échelle de l’Union, un système de surveillance cohérent au niveau international pour suivre les progrès économiques, environnementaux et sociaux vers une bioéconomie durable
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Commission, États membres, secteur privé
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3.3 Proposer des orientations facultatives pour faire fonctionner la bioéconomie dans des limites écologiques sûres
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Commission
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3.4 Mieux intégrer à la production primaire les avantages tirés d’écosystèmes riches en biodiversité, moyennant un soutien spécifique à l’agroécologie, la mise au point de solutions basées sur le microbiome, et de nouveaux outils pour intégrer les pollinisateurs dans des chaînes de valeur d’approvisionnement (action 3.4).
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Commission, États membres, parties prenantes du secteur privé
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