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Document 52008DC0789

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité économique et social européen et au Comité des régions - Vers une stratégie de l’Union européenne relative aux espèces envahissantes [SEC(2008) 2887 et SEC(2008) 2886]

/* COM/2008/0789 final */

52008DC0789

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité économique et social européen et au Comité des régions - Vers une stratégie de l’Union européenne relative aux espèces envahissantes [SEC(2008) 2887 et SEC(2008) 2886] /* COM/2008/0789 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 3.12.2008

COM(2008) 789 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

VERS UNE STRATÉGIE DE L’UNION EUROPÉENNE RELATIVE AUX ESPÈCES ENVAHISSANTES[SEC(2008) 2887 etSEC(2008) 2886]

1. QU’ENTEND-ON PAR ESPÈCES ENVAHISSANTES?

Les espèces végétales et animales présentes sur la Terre ont évolué sur une période de plusieurs milliards d'années et les océans, les mers, les chaînes de montagnes, les déserts, voire les cours d’eau importants, ont créé des obstacles physiques au déplacement des espèces, contribuant ainsi de manière appréciable à la grande diversité de notre planète et au développement de communautés animales et végétales que nous considérons comme typiques de régions ou localités particulières. Du fait de l’influence de l’homme, toutefois, les obstacles physiques qui avaient donné lieu au développement d’une flore et d’une faune distinctes suivant les régions ont été contournés, et certaines espèces ont ainsi été, accidentellement ou intentionnellement, introduites dans des zones situées à des centaines, voire des milliers de kilomètres de leur habitat normal. Dans bien des cas, ces espèces non indigènes s’adaptent mal à leur nouvel environnement et disparaissent rapidement. Il peut cependant arriver qu’elles survivent, se reproduisent et s’implantent. Dans certains cas, ces nouvelles venues s’implantent si bien qu’elles cessent d’être une curiosité biologique pour devenir une menace réelle: elles peuvent ainsi causer de graves préjudices aux écosystèmes comme aux cultures et au bétail, perturber l'écologie locale, porter atteinte à la santé humaine et avoir des répercussions économiques importantes. On appelle espèces envahissantes , ou EE , les espèces non indigènes qui ont des impacts négatifs de ce type[1].

2. NÉCESSITÉ D’UNE ACTION URGENTE AU NIVEAU DE L’UE

Les principaux facteurs influant directement sur la diversité biologique sont la modification des habitats, les changements climatiques, la surexploitation, la pollution et les EE[2]. S’il existe des instruments communautaires pour faire face à quatre de ces cinq facteurs, l’UE ne dispose actuellement pas, contrairement à plusieurs autres pays de l’OCDE, d’instrument global permettant de lutter contre les EE. Si l’UE veut atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé, à savoir «mettre un terme à l’appauvrissement de la biodiversité d’ici à 2010»[3], elle va devoir combler cette lacune. En outre, les EE représentent également une menace économique importante pour l'UE. D’après les informations attestées disponibles, les coûts liés aux dommages causés par les EE et aux mesures de lutte nécessaires s'élèveraient au moins à 12 000 millions EUR par an.

La nécessité d’une action coordonnée pour faire face au problème des EE a été exprimée aux échelons politiques les plus élevés. Le Conseil «Environnement»[4], le Parlement européen[5], le Comité des régions[6] et le Comité économique et social européen[7] ont tous souligné la nécessité d’adopter une stratégie communautaire relative aux EE et de mettre en place un véritable système d'alerte rapide et des mécanismes d’intervention efficaces au niveau de l’UE. Des engagements similaires figuraient dans le sixième programme d’action en matière d’environnement (6e PAE), la communication de la Commission intitulée «Enrayer la diminution de la biodiversité à l’horizon 2010 et au-delà»[8] et le plan d’action correspondant, qui reconnaissaient la nécessité d’«élaborer une stratégie globale au niveau de l'UE» afin de réduire sensiblement l'impact des espèces allogènes envahissantes sur la diversité biologique de l'Union européenne.

Les principales voies d'introduction des EE sont directement ou indirectement associées au commerce. Le développement rapide des activités commerciales et des transports augmente le risque d'introduction d'EE, tandis que les contraintes exercées sur l'environnement et notamment l'augmentation des concentrations de CO2, la hausse des températures, le dépôt accru d'azote, la modification des régimes de perturbation et la dégradation des habitats favorisent leur propagation. Le commerce est une compétence exclusive de la Communauté, et dès lors que des marchandises sont mises sur le marché communautaire, elles peuvent circuler librement. Les questions liées au commerce ne peuvent être réglées efficacement qu'au niveau des frontières extérieures de la Communauté européenne. En raison du marché unique, une EE introduite sur le territoire d'un État membre, en tant que marchandise négociée ou véhiculée par une marchandise négociée, peut se propager rapidement dans toute l'Union européenne. Étant donné le mode de propagation et d'acclimatation de ces espèces, les mesures prises par un État membre sont vouées à l'échec si les pays voisins n'interviennent pas ou s'ils agissent sans aucune coordination.

La législation et les politiques communautaires existantes fournissent déjà une partie de la solution au problème des EE, mais il n'existe encore aucun mécanisme susceptible de favoriser l'harmonisation ou la cohérence des approches suivies par les pays voisins ou par les pays d'une même sous-région. Il n'y a aucune exigence formelle d'analyse des risques systématique en cas d'introduction intentionnelle d'espèces non indigènes pouvant avoir un impact sur la diversité biologique, et les introductions accidentelles ou par négligence échappent encore dans une large mesure à la réglementation, tant au niveau national qu'à l'échelle communautaire. Il n'existe pas de système unitaire permettant de surveiller et de contenir les EE et leur incidence sur la biodiversité européenne. Il est peu probable que les mesures fragmentaires en place puissent contribuer sensiblement à la réduction des risques que les EE font peser sur les écosystèmes européens.

3. LES EE EN EUROPE ET LEUR INCIDENCE

3.1 Les EE en Europe

Le projet DAISIE[9] financé au titre du sixième programme-cadre de recherche de l'UE a permis de recenser 10 822 espèces non indigènes en Europe, dont 10 à 15 % susceptibles d'avoir une incidence économique ou écologique négative. Les îles isolées qui présentent une riche diversité biologique, parmi lesquelles la plupart des entités d'outre-mer de l'Union européenne, sont extrêmement vulnérables aux invasions qui peuvent en outre avoir des effets disproportionnés sur les modes de vie locaux, ainsi que sur la culture et les perspectives économiques locales.

3.2 Voies d'introduction

La plupart des plantes envahissantes proviennent à l'origine de jardins ou d'aquariums, tandis que la faune envahissante d'eau douce profite de l'aquaculture ou de l'empoissonnement pratiqué par les pêcheurs à la ligne pour quitter son aire de répartition. En revanche, la plupart des espèces envahissantes qui colonisent le milieu marin sont introduites involontairement, en tant que «passagers clandestins» ou contaminants (par exemple dans les eaux de ballast). Comme des volumes croissants de matières animales et végétales de provenances de plus en plus nombreuses sont transportés de par le monde, le risque d'introduction d'EE est lui aussi en augmentation.

3.3 Incidence des EE sur l'écologie

Les EE sont considérées comme l'un des plus grands périls menaçant la diversité biologique[10]. Elles influent sur l'écologie locale de plusieurs façons:

- en entrant en concurrence avec les organismes indigènes pour la nourriture et l'habitat: c'est le cas par exemple de l'écureuil gris américain ( Sciurus carolinensis ) qui supplante l'écureuil roux indigène dans de nombreuses régions d'Europe, ou de l'écrevisse signal américaine ( Pacifastacus leniusculus ) qui prend la place de l'écrevisse européenne ( Astacus spp. ), ou de plusieurs espèces de perruches qui nichent à présent dans de nombreuses villes européennes et font concurrence à l'avifaune indigène;

- en modifiant les structures des écosystèmes: l'algue marine Caulerpa taxifolia, par exemple, a transformé de vastes portions du littoral méditerranéen en monocultures de Caulerpa ;

- en s'hybridant avec des espèces indigènes: l'érismature rousse ( Oxyura jamaicensis ) et le cerf sika ( Cervus nippon ), par exemple, sont capables, en s'accouplant avec les espèces indigènes et en donnant naissance à des hybrides, de menacer ces espèces indigènes d'extinction locale;

- par toxicité directe;

- en tant que réservoir de parasites ou vecteur d'agents pathogènes;

- en perturbant la pollinisation du fait de la concurrence avec les espèces d'abeilles locales.

3.4 Incidence des EE sur les activités économiques

Les EE peuvent faire diminuer les rendements de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche. Le longicorne asiatique (Anoplophora glabripennis) , par exemple, fait des ravages dans les peuplements de feuillus, et notamment les plantations de peupliers. Le cténophore pélagique ( Mnemiopsis leidyi) est quant à lui responsable de la diminution des captures commerciales d'anchois dans la mer Noire. On sait également que les EE raréfient l'eau disponible et entraînent une dégradation des sols. Des plantes envahissantes comme la balsamine de l'Himalaya ( Impatiens glandulifera) prennent la place de plantes indigènes qui jouent un rôle important en retenant le sol avec leurs racines, et peuvent donc accentuer l'érosion.

Les EE sont capables d'endommager les infrastructures avec leur système racinaire ou par leur comportement, dans le cas des organismes fouisseurs. Le système racinaire de l'ailante ( Ailanthus altissima) peut endommager les chaussées, les vestiges archéologiques et les murs . Les EE peuvent également entraver les transports en bloquant les voies navigables. Le ragondin ( Myocastor coypus ) et le rat musqué ( Ondatra zibethicus), tous deux originaires des Amériques et introduits en Europe pour le commerce de leur fourrure, sont à présent naturalisés dans toute l'Europe où ils provoquent de graves dégâts au niveau des barrages, des canaux et des systèmes d'irrigation et de protection contre les inondations. L'une des espèces envahissantes les plus célèbres est la moule zébrée ( Dreissena polymorpha) qui, outre son impact écologique non négligeable, cause de graves problèmes à l'industrie en encrassant et en bouchant les conduites d'adduction des systèmes de captage des eaux.

La fougère aquatique azolla ( Azolla spp. ) et le pin blanc d'Amérique ( Pinus strobus) ont amoindri la valeur de patrimoine récréatif et culturel associée aux différents paysages et masses d'eaux.

3.5 Incidence des EE sur la santé humaine

De nombreux problèmes sanitaires, notamment des allergies et des affections cutanées, sont provoqués par des EE telles que la berce géante ( Heracleum mantegazzianum ) et l'ambroisie à feuilles d'armoise ( Ambrosia artemisiifolia). Le moustique tigre asiatique (Aedes albopictus), de plus en plus présent en Europe et vecteur d'au moins 22 arbovirus (notamment ceux de la dengue, du Chikungunya, de la fièvre de Ross River et le virus West Nile), a été introduit à la faveur du commerce des pneus usés. Le changement climatique va probablement favoriser sa propagation plus au nord.

3.6 Coûts liés aux EE

Les principaux coûts recensés en Europe sont liés à l'éradication et à la lutte contre les EE, ainsi qu'aux dommages causés dans l'agriculture, la sylviculture et la pêche commerciale, dans les infrastructures et en matière de santé humaine. Bien que l'on puisse considérer a priori que les coûts sont soit liés à l'impact des EE, soit liés à l'éradication des EE, dans la pratique des programmes d'éradication partielle et de lutte sont entrepris en parallèle et de façon permanente, pour essayer de limiter l'impact. En 2008, une première estimation a permis de situer les coûts liés aux EE en Europe entre 9 600 et 12 700 millions EUR par an (Kettunen et al. 2008). Il s'agit sans aucun doute d'une sous-estimation car ces chiffres sont basés sur les dépenses actuelles d'éradication et de lutte contre les EE, majorées des coûts attestés liés à l'impact économique. Or de nombreux pays commencent seulement à consigner les coûts et les effets, et les chiffres réels seront considérablement plus élevés.

4. DE L'INTRODUCTION À LA NATURALISATION ET À LA DISSÉMINATION

Pour parvenir à résoudre le problème des EE, il est nécessaire de comprendre pourquoi et comment il est apparu.

La plupart des espèces non indigènes présentes en Europe ont été introduites intentionnellement. Leur utilisation en agriculture, sylviculture, aquaculture, mariculture et à des fins ornementales/horticoles ou récréatives s'est développée dans toute l'Europe depuis le début du vingtième siècle. On importe des espèces non indigènes parce qu'elles poussent plus vite (rendement économique accru des arbres forestiers, protection du sol contre l'érosion), pour satisfaire une demande de produits exotiques (commerce des fourrures), parce qu'elles sont les prédateurs d'autres espèces que l'on cherche à éliminer (agents de lutte biologique) ou tout simplement parce qu'il existe des amateurs (animaux de compagnie, jardinage).

L'introduction de nombreuses espèces est directement liée au commerce, soit de l'espèce elle-même en tant que marchandise (bois, fibres, plantes ou animaux vivants ou morts), soit d'une marchandise contaminée par l'espèce en question (de nombreux organismes nuisibles - champignons, bactéries, virus et insectes - sont introduits involontairement sur ou dans la marchandise qui fait l'objet des échanges commerciaux). Parallèlement, des espèces «auto-stoppeuses» ou clandestines peuvent être introduites par l'intermédiaire du commerce ou des moyens de transport, indépendamment d'une marchandise. Les coques des navires, par exemple, constituent des vecteurs bien connus pour les organismes qui s'y accrochent ainsi que pour les organismes qui se propagent dans les eaux de ballast. Ces voies d'introduction peuvent être internationales (transport océanique, par exemple) ou locales (par exemple, transport de bateaux de plaisance d'un bassin fluvial infesté vers une rivière ou un lac non contaminé).

Le changement climatique a également une incidence sur la répartition des espèces, et certaines EE doivent peut-être leur survie et leur propagation aux hivers plus doux et aux étés plus chauds que l'Europe a connus ces dix dernières années.

En règle générale, les espèces non indigènes ne commencent à poser problème qu'à partir du moment où elles sortent de zones contrôlées et physiquement limitées. Les plantes et animaux d'ornement, ainsi que les animaux de compagnie, ne posent pas de problèmes s'ils restent dans les jardins, les aquariums et les maisons. Les mesures sanitaires permettent en effet d'éliminer les agents pathogènes ou les organismes nuisibles dès leur arrivée. Quant aux crustacés, aux mollusques et aux poissons transportés dans les eaux de ballast, ils peuvent être éliminés si le ballast est traité avant déversement.

En revanche, si des végétaux ou des animaux nuisibles et des maladies ne sont pas détectés et éradiquées à la frontière, ou si des plantes d'ornement ou des animaux de compagnie s'échappent ou sont introduits dans des étangs ou des cours d'eau locaux, ou encore si des animaux provenant d'élevages d'animaux à fourrure comme le ragondin ( Myocastor coypus) , le rat musqué ( Ondatra zibethicus) et le raton laveur ( Procyon lotor) s'échappent dans la nature, il existe un risque que ces espèces deviennent envahissantes.

Dans certains cas, les conditions climatiques ne sont pas propices, ou la faune et la flore locales sont plus résistantes, et l'espèce non indigène finira par disparaître. Dans d'autres cas, si le climat et favorable et que la concurrence et la prédation des espèces indigènes sont faibles, l'espèce non indigène pourra survivre, se développer et se reproduire et constituer une colonie locale.

Si la colonie locale de l'espèce envahissante n'est pas détectée et éliminée rapidement, elle produira une population viable localement qui se propagera dans de nouveaux territoires. Bien évidemment, si plusieurs colonies locales se sont implantées à partir de différentes souches initiales, la dissémination sera plus rapide et l'espèce sera moins vulnérable à l'extinction locale. Finalement, après plusieurs années ou plusieurs décennies, une espèce peut avoir colonisé plusieurs pays et se révéler quasiment impossible à éliminer.

5. LES STRATÉGIES EN MATIÈRE D'EE

5.1 L'approche hiérarchique à trois phases

Pour ce qui est de la réponse stratégique à apporter aux menaces que représentent les EE, une « approche hiérarchique à trois phases» [11] a été retenue au niveau international; elle préconise des mesures fondées sur 1) la prévention, 2) la détection précoce et l'éradication et 3) la lutte et le confinement à long terme. Cette approche s'applique aux nouvelles introductions et à la gestion des EE naturalisées. Elle est l'expression d'un consensus scientifique et politique, à savoir que la prévention est généralement beaucoup plus économique et bien plus souhaitable pour l'environnement que les mesures prises après que des espèces ont été introduites. Néanmoins, dès lors qu'une EE a été introduite, sa détection précoce et son éradication rapide, grâce à un système d'alerte rapide et à l'échange d'information, sont les moyens les plus économiques pour en prévenir l'implantation et la propagation. Si l'éradication n'est pas possible, des mesures de lutte et/ou de confinement doivent être mises en œuvre.

Prévention : On dénombre six grandes voies d'introduction des EE: lâcher, fuite, contamination, passage clandestin, couloir ou introduction spontanée. La majorité des introductions résultent directement ou indirectement des échanges commerciaux. Pour limiter voire empêcher les nouvelles introductions par cette voie, il paraît nécessaire d'intensifier les contrôles et les inspections aux frontières, parallèlement à la mise en place d'une procédure d'évaluation visant à déterminer l'acceptabilité de l'importation de nouvelles marchandises. Il conviendrait que de telles approches soient étayées par un échange d'informations entre les organismes nationaux, régionaux et internationaux qui œuvrent à la maîtrise des EE. La ratification et la mise en œuvre de la convention sur les eaux de ballast seraient essentielles à la prévention en ce qui concerne les organismes qui voyagent clandestinement sur les coques des navires ou dans les eaux de ballast de ceux-ci.

La détection précoce et l'éradication rapide des EE requièrent des programmes de surveillance efficaces ainsi qu'un mécanisme d'alerte rapide pour informer le plus rapidement possible les autorités des zones susceptibles d'être touchées et pour échanger des informations sur les stratégies d'éradication possibles. Dans les cas où l'EE s'est déjà implantée et est présente sur une zone géographique étendue, il serait souhaitable de disposer de programmes d'éradication coordonnés, supervisés et, si possible, subventionnés par un organisme central.

Lutte et/ou confinement: Dès lors que l'EE est implantée et largement répandue, l'accent doit être mis sur la lutte et le confinement, ce qui nécessite, là encore, un échange d'informations efficace et la mise en œuvre de campagnes/actions coordonnées pour contenir/enrayer la propagation de l'espèce concernée.

5.2 Instruments existants pour contrer la menace que représentent les EE en Europe

Eu égard aux différents éléments de la stratégie évoquée ci-dessus, la Commission a analysé la législation en vigueur, les programmes de recherche en cours, les plans d'action existants et les autres initiatives afin de déterminer quels sont les aspects déjà couverts et quels sont ceux pour lesquels on constate des lacunes.

La directive phytosanitaire (2000/29/CE) a pour principal objectif d'empêcher l'introduction et la propagation des organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux. Sur la base d'une analyse des risques présentés par les organismes nuisibles, il est possible d'ajouter de nouvelles espèces sur la liste communautaire des organismes nuisibles reconnus par la directive. Les États membres disposent de mécanismes élaborés de transmission des informations, de coopération, d'inspection et de lutte. La directive prévoit des mécanismes souples permettant de prendre des mesures d'urgence lorsque des organismes nuisibles sont détectés sur le territoire des États membres. Cependant, l'incidence des EE sur la santé humaine ou les conséquences économiques directes de l'obstruction des voies navigables, par exemple, n'entrent pas dans son champ d'application.

La législation vétérinaire peut couvrir les EE lorsqu'elles sont vecteurs de maladies des animaux. Des procédures de contrôle et d'inspection sont en place dans les États membres, ainsi que des procédures d'évaluation à l'échelle de l'Union européenne. Dans le cadre du réseau communautaire de surveillance épidémiologique et de contrôle des maladies transmissibles, des règles harmonisées ont été adoptées; elles requièrent la notification rapide des mesures de santé publique prises ou envisagées par les États membres en cas de nouvelle situation épidémiologique ou de menace sanitaire résultant de la présence d'une EE.

L'importation de quatre espèces[12] qui constituent une menace écologique est interdite en vertu du règlement sur le commerce des espèces sauvages ( règlement (CE) n° 338/97 du Conseil ) dont l'objectif premier est de contrôler le commerce des espèces menacées. En application du règlement, les États membres ont mis en place des procédures d'inspection et de contrôle, mais il n'existe pas de procédure d'évaluation.

Le règlement (CE) n° 708/2007 du Conseil Council relatif à l'utilisation en aquaculture des espèces exotiques et des espèces localement absentes prévoit l'évaluation des risques associés à l'introduction intentionnelle à des fins aquacoles d'organismes aquatiques et des espèces associées non visées. Les directives de conservation de la nature (79/409/CEE et 92/43/CEE) interdisent l'introduction dans la nature d'espèces susceptibles de menacer les espèces indigènes. En vertu de la directive-cadre sur l'eau (2000/60/CE), les États membres sont tenus de veiller au bon état écologique des eaux. La directive-cadre établissant une stratégie pour le milieu marin (2008/56/CE) reconnaît que l'introduction d'espèces non indigènes met en péril la biodiversité européenne et demande expressément aux États membres d'inclure les EE dans la description du «bon état écologique».

Le programme LIFE finance des projets en rapport avec le contrôle et l'éradication des EE: plus de 100 projets ont été financés entre 1992 et 2002 (pour un montant total de 27 millions EUR) et 80 entre 2003 et 2006 (soit un coût total de 17 millions EUR). Le sixième programme-cadre de recherche a financé deux projets liés aux EE: ALARM[13] et DAISIE[14]. Le projet DAISIE a débouché sur le premier inventaire paneuropéen des espèces allogènes envahissantes. Le projet SAIS (South Atlantic Invasive Species – espèces envahissantes de l'Atlantique Sud), bénéficiaire du neuvième Fonds européen de développement, vise à renforcer la capacité régionale de réduction de l'impact des espèces envahissantes dans les territoires d’outre-mer du Royaume-Uni dans l’Atlantique Sud.

La stratégie européenne relative aux espèces exotiques envahissantes a été adoptée en 2003 dans le cadre de la Convention de Berne. L'Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (OEPP) gère un système de communication sur les organismes nuisibles et tient une liste des espèces allogènes envahissantes pour lesquelles une réglementation nationale est préconisée afin d'éviter de nouvelles introductions et la propagation d'espèces, notamment de plantes allogènes envahissantes. Quatre espèces allogènes envahissantes ont fait l'objet d'évaluations réalisées par l'OEPP et examinées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui jusqu'à présent n'en a cependant jugé aucune satisfaisante.

6. OPTIONS STRATÉGIQUES

Plusieurs moyens d'action sont envisageables pour aborder la question des EE dans l'Union européenne. La présente communication décrit quatre options[15] par ordre croissant d'intensité. Ces options ne doivent cependant pas être envisagées isolément et elles ne s'excluent pas mutuellement; il est possible de combiner des éléments de plusieurs options. Les avantages et les inconvénients de chaque option sont décrits.

A) Statu quo

L'option du «statu quo» fournit un point de référence par rapport auquel les autres options peuvent être évaluées. Il n'en reste pas moins que si aucune mesure n'est prise, les EE continueront de s'implanter dans l'UE et qu'il faut s'attendre à une aggravation des conséquences écologiques, économiques et sociales associées et à une augmentation des coûts y afférents.

B) Optimisation de l'utilisation des instruments juridiques existants couplée à des mesures volontaires

Les exigences juridiques formelles demeureraient inchangées, mais on choisirait délibérément de s'attaquer au problème des EE dans le cadre de la législation en vigueur. Cela impliquerait de réaliser des évaluations des risques en recourant aux procédures et aux institutions existantes telles que l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Les États membres intégreraient spontanément les questions d'EE dans leurs procédures de contrôle aux frontières. Un système européen d'alerte rapide et d'information reposant sur les activités existantes[16] serait également créé[17]. L'inventaire DAISIE des EE pourrait être mis à jour régulièrement. Des plans d'éradication des espèces seraient élaborés et financés par des fonds nationaux. Des groupes intersectoriels de parties concernées pourraient être constitués aux niveaux appropriés afin de favoriser l'échange des meilleures pratiques, d'élaborer des orientations spécifiques et de contribuer à la résolution des conflits d'intérêts. Des codes de conduite non contraignants pourraient être élaborés pour inciter les détaillants, les utilisateurs et les consommateurs à adopter un comportement responsable.

Le principal avantage de cette option est qu'elle ne nécessiterait pas de nouveau texte législatif. Il existe déjà des procédures d'évaluation et des procédures nationales de contrôle et d'inspection. Cependant, même une approche anticipative ne couvrirait pas tous les aspects; l'insécurité juridique resterait considérable et il est fort probable que le niveau de réaction à la menace que représentent les EE serait très variable d'un État membre à l'autre. La coordination de cet assemblage de dispositions ad-hoc pourrait se révéler très difficile. Un système fondé sur des initiatives spontanées des États membres et sur des codes de conduite non contraignants ne serait pas plus efficace que le maillon le plus faible d'une chaîne.

B+) Adaptation de la législation en vigueur

Cette option est semblable à l'option B à pratiquement tous les égards, mais elle prévoit des modifications de la législation phytosanitaire et vétérinaire existante afin de couvrir un éventail plus large d'organismes potentiellement envahissants, et une extension de la liste des «espèces constituant une menace écologique» dont l'importation et les mouvements intérieurs sont interdits par le règlement sur le commerce des espèces sauvages. Si cette approche était retenue, des ressources supplémentaires devraient être consacrées aux EE dans la procédure d'évaluation et dans les activités de contrôle aux frontières menées par les États membres.

L'avantage de cette approche est qu'elle permettrait d'éliminer certains éléments d'insécurité juridique et de combler certaines lacunes sans nécessiter de nouveau texte législatif. Cependant, le problème des EE ne serait pas traité de manière exhaustive et la coordination serait extrêmement délicate.

C) Instrument juridique communautaire spécifique et complet

Cette option nécessiterait la mise en place d'un cadre juridique complet, spécifiquement consacré aux EE, et prévoyant des procédures indépendantes d'évaluation et d'intervention tenant compte de la législation existante. Si cette option était jugée souhaitable et économique, les aspects techniques de sa mise en œuvre pourraient être centralisés au moyen d'une agence spécialisée[18]. Les États membres et les régions ultrapériphériques européennes seraient tenus de procéder à des contrôles aux frontières portant sur les EE et d'échanger des informations au sujet de ces EE. Il conviendrait également de mettre en place des procédures obligatoires de surveillance et de communication des informations et des mécanismes efficaces de réaction rapide. Bien qu'il soit possible d'envisager un certain niveau de financement communautaire pour les mesures d'éradication et de lutte, les États membres pourraient aussi financer directement ces actions.

Cette option serait la plus efficace du point de vue de la maîtrise des EE. Elle offrirait la plus grande sécurité juridique tout en respectant le principe de proportionnalité. Elle entraînerait néanmoins des coûts administratifs pour les États membres et pour la Commission, ainsi que des coûts directs pour les opérateurs économiques.

7. QUESTIONS HORIZONTALES

Il importe, pour traiter efficacement les questions relatives aux EE, que les citoyens soient bien informés et disposés à s'engager, en particulier par rapport au problème des introductions involontaires auquel les instruments administratifs/juridiques ne peuvent pas apporter de réponse satisfaisante. Des activités de communication et d'éducation permettraient de sensibiliser les citoyens, les autorités et les secteurs industriels européens aux questions de commerce et de mouvements des espèces potentiellement envahissantes, ainsi qu'aux programmes d'éradication et/ou de lutte. Des citoyens mieux informés seraient moins enclins à introduire des espèces non indigènes dans leurs jardins et leurs étangs.

L'intensification de la recherche peut améliorer la connaissance des EE et de leurs voies d'introduction, et aider à mieux comprendre les risques associés à leur présence; la recherche peut notamment permettre de prévoir l'invasion de nouvelles espèces et déboucher sur l'élaboration de méthodes économiques de lutte. Les résultats de la recherche et de la surveillance, tout comme les initiatives telles que les revues à accès ouvert en ligne, sont autant d'éléments qui peuvent contribuer au développement de systèmes d'information sur les EE. L'initiative de surveillance mondiale de l’environnement et de la sécurité (GMES)[19] pourrait aussi se révéler un précieux instrument pour surveiller et limiter l'impact des EE sur l'environnement.

Toute future stratégie communautaire relative aux EE devrait également tenir compte des possibilités de recours aux instruments de financement communautaires. Il conviendrait également d'envisager l'intervention du secteur privé, notamment du secteur des assurances.

Les pays tiers sont la source des EE qui arrivent dans l'UE mais, à l'inverse, cette dernière peut aussi être une source potentielle d'EE pour les pays tiers. Dans les pays tiers, les EE peuvent entraîner une dégradation des conditions de vie et partant une accentuation des migrations et des conflits potentiels. Indépendamment des efforts qui continueront d'être déployés dans le cadre des conventions internationales comme la Convention sur la diversité biologique et la Convention de Berne, la Communauté européenne dispose de moyens considérables pour entreprendre des actions bilatérales avec les pays tiers en vue de réduire la pression exercée dans les deux sens par les EE. La Communauté européenne peut aider les pays tiers et les organismes régionaux ou internationaux par l'intermédiaire de son instrument de coopération au développement (en particulier le programme thématique consacré à l'environnement et à la gestion durable des ressources naturelles), du Fonds européen de développement et de l'instrument européen de voisinage et de partenariat. Les États membres peuvent apporter un soutien supplémentaire par leurs propres instruments d'aide au développement.

8. CONCLUSION

Il ne sera pas possible d'enrayer la diminution de la biodiversité dans l'Union européenne sans régler de manière exhaustive la question des EE. L'introduction d'EE dans l'Union européenne a des conséquences écologiques, économiques et sociales non négligeables qui réclament une action coordonnée. Pour le moment, la Communauté n'est pas en mesure d'apporter une réponse efficace au problème des EE, et des régions présentant une riche diversité biologique, comme les entités d'outre-mer de l'UE, ne reçoivent pas l'attention qu'elles méritent. La législation communautaire existante couvrant partiellement différents aspects des EE, il est difficile d'en assurer la mise en œuvre coordonnée. Il y a peu ou pas de cohérence entre les mesures appliquées par la plupart des États membres. Pourtant, les scénarios scientifiques indiquent une augmentation spectaculaire des invasions biologiques. La situation risque donc fort de s'aggraver.

La présente communication de la Commission décrit la nature du problème posé par les EE ainsi que les approches possibles pour le résoudre. La Commission tiendra compte des observations du Conseil, des autres institutions communautaires et des parties prenantes pour finaliser la proposition de stratégie communautaire qu'elle a l'intention de présenter en 2010, dans le but de réduire sensiblement l'impact des EE sur la diversité biologique européenne. Dans l'intervalle, la Commission étudiera la possibilité de mettre en place un système d'alerte rapide et d'information fondé sur un inventaire régulièrement mis à jour et sur des mécanismes de réaction efficaces, qui constituerait selon elle un progrès important.

[1] Le terme «espèces envahissantes» utilisé dans le présent document recouvre à la fois le terme «espèces exotiques envahissantes» employé dans la Convention sur la diversité biologique et le terme «espèces non indigènes envahissantes». Les espèces envahissantes sont, d’une manière générale, celles dont l’introduction et/ou la propagation peuvent menacer la diversité biologique ou avoir d’autres conséquences imprévues.

[2] Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire, 2005.

[3] Conclusions de la présidence, Conseil européen de Göteborg des 15 et 16 juin 2001.

[4] Conclusions du Conseil «Environnement» du 3 mars 2008, paragraphe 13.

[5] Rapport sur le thème «Enrayer la diminution de la biodiversité à l’horizon 2010 et au-delà», Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, Parlement européen, 28.3.2007.

[6] Avis du Comité des régions du 6 décembre 2006 sur la communication de la Commission «Enrayer la diminution de la biodiversité à l'horizon 2010 et au-delà», COM(2006) 216 final – CdR 159/2006 fin.

[7] Avis du Comité économique et social européen du 15 février 2007 sur la communication de la Commission intitulée «Enrayer la diminution de la biodiversité à l'horizon 2010 et au-delà», COM(2006) 216 final – NAT/334 - CESE 205/2007 fin DE/Ho/hn.

[8] COM(2006) 216 final.

[9] DAISIE (Delivering Alien Invasive Species Inventories for Europe), www.europe-aliens.org

[10] Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire, 2005

[11] Convention sur la diversité biologique: Principes directeurs concernant la prévention, l'introduction et l'atténuation des impacts des espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces, annexe de la décision VI/23 (La Haye, avril 2002).

[12] Trachémyde à tempes rouges ( Trachemys scripta elegans); grenouille-taureau ( Rana catesbeiana ); tortue peinte ( Chrysemys picta ); érismature rousse d'Amérique ( Oxyura jamaicensis ).

[13] ALARM (Assessing Large-scale Risks for Biodiversity with tested Methods), www.alarmproject.net

[14] DAISIE (Delivering Alien Invasive Species Inventories for Europe), www.europe-aliens.org

[15] Le choix d'une option ou de la combinaison de plusieurs d'entre elles dépendra des résultats d'une analyse d’impact financier préalable.

[16] L'inventaire européen des espèces allogènes envahissantes fourni par DAISIE, voir http://www.europe-aliens.org/index.jsp; le réseau NOBANIS (North European and Baltic Network on IAS); les revues scientifiques en ligne, notamment «Aquatic Invasions» et «Biorisk».

[17] Une étude de faisabilité est actuellement menée par l'AEE.

[18] La mise en œuvre partielle ou intégrale de cette option dépendra également des résultats des prochains débats du groupe de travail interinstitutionnel sur les agences. L'extension du mandat des agences existantes pourrait aussi être envisagée.

[19] COM(2008) 748 final.

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