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Document 62008CJ0007

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 2 juillet 2009.
    Har Vaessen Douane Service BV contre Staatssecretaris van Financiën.
    Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad der Nederlanden - Pays-Bas.
    Franchise des droits à l'importation - Règlement (CEE) nº 918/83 - Article 27 - Marchandises de valeur individuelle négligeable expédiées en envoi groupé - Envois expédiés directement d'un État tiers à un destinataire dans la Communauté.
    Affaire C-7/08.

    Recueil de jurisprudence 2009 I-05581

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:417

    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    2 juillet 2009 ( *1 )

    «Franchise des droits à l’importation — Règlement (CEE) no 918/83 — Article 27 — Marchandises de valeur individuelle négligeable expédiées en envoi groupé — Envois expédiés directement d’un État tiers à un destinataire dans la Communauté»

    Dans l’affaire C-7/08,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 7 décembre 2007, parvenue à la Cour le 9 janvier 2008, dans la procédure

    Har Vaessen Douane Service BV

    contre

    Staatssecretaris van Financiën,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano, E. Levits (rapporteur) et J.-J. Kasel, juges,

    avocat général: Mme J. Kokott,

    greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mars 2009,

    considérant les observations présentées:

    pour Har Vaessen Douane Service BV, par Mes R. N. van der Paardt et C. Bouwmeester, advocaten,

    pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. de Mol, en qualité d’agents,

    pour la Commission des Communautés européennes, par MM. S. Schønberg et M. van Beek, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 avril 2009,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 27 du règlement (CEE) no 918/83 du Conseil, du 28 mars 1983, relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières (JO L 105, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) no 3357/91, du 7 novembre 1991 (JO L 318, p. 3, ci-après le «règlement no 918/83 tel que modifié»).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Har Vaessen Douane Service BV (ci-après «Har Vaessen»), société de droit néerlandais établie aux Pays-Bas, au Staatssecretaris van Financiën au sujet du refus de ce dernier d’accorder à Har Vaessen le bénéfice de la franchise prévue à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié en ce qui concerne l’importation de disques compacts et de bandes magnétiques.

    Le cadre juridique

    3

    Le chapitre Ier du règlement no 918/83, dans sa version initiale, intitulé «Franchise de droits à l’importation», contient un article 27 rédigé dans les termes suivants:

    «Sont admis en franchise de droits à l’importation, sous réserve de l’article 28, les envois acheminés à leur destinataire par la poste aux lettres ou par colis postaux et qui sont composés de marchandises dont la valeur globale n’excède pas 10 [euros].»

    4

    Cette disposition a été modifiée par le règlement (CEE) no 2287/83 de la Commission, du 29 juillet 1983, fixant les dispositions d’application de l’article 127 du règlement no 918/83 (JO L 220, p. 12). L’article 1er du règlement no 2287/83 précise:

    «La franchise visée à l’article 27 du règlement de base n’est applicable qu’aux envois effectués par la poste aux lettres ou par colis postaux qui sont expédiés directement d’un pays tiers à destination d’une personne physique ou morale se trouvant dans la Communauté.»

    5

    Le motif de la modification apportée à l’article 27 du règlement no 918/83 ressort du troisième considérant du règlement no 2287/83:

    «considérant qu’il convient d’éviter que des entreprises commerciales ne tirent profit de [la franchise prévue à l’article 27 du règlement no 918/83] en créant des activités ad hoc ou en déplaçant artificiellement des activités existantes et n’engendrent ainsi des distorsions de concurrence au sein du marché commun; que, pour éviter ces distorsions, il est opportun d’exclure de la franchise des droits à l’importation les envois précités qui, préalablement à leur mise en libre pratique, ont été placés sous un autre régime douanier; que, dès lors, il convient de n’admettre en franchise que les envois en question qui sont expédiés directement d’un pays tiers à destination d’une personne physique ou morale se trouvant dans la Communauté».

    6

    L’article 1er du règlement no 3357/91 supprime la limitation posée à l’article 27 du règlement no 918/83 aux expéditions par la poste.

    7

    Le premier considérant du règlement no 3357/91 justifie, à cet égard, en ces termes la modification apportée à l’article 27 du règlement no 918/83:

    «considérant que la mesure de simplification administrative prévue à l’article 27 du règlement (CEE) no 918/83 […], modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) no 4235/88 […], doit, pour être efficace, s’appliquer à toutes les importations d’envois composés de marchandises de valeur négligeable».

    8

    L’article 27 du règlement no 918/83, tel que modifié, dispose donc désormais:

    «Sont admis en franchise de droits à l’importation, sous réserve de l’article 28, les envois composés de marchandises d’une valeur négligeable qui sont expédiés directement d’un pays tiers à un destinataire se trouvant dans la Communauté.

    Par ‘marchandises d’une valeur négligeable’, on entend les marchandises dont la valeur intrinsèque n’excède pas 22 [euros] au total par envoi.»

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    9

    Har Vaessen est une société de transport qui a, pour le compte de ECS Media BV (ci-après «ECS»), entreprise établie aux Pays-Bas, présenté des déclarations de mise en libre pratique pour des disques compacts et des bandes magnétiques durant la période du 12 novembre 1998 au 28 octobre 1999.

    10

    Ces marchandises, d’une valeur individuelle inférieure à 22 euros, avaient été préalablement commandées à ECI voor Boeken en Platen BV (ci-après «ECI»), société mère d’ECS également établie aux Pays-Bas, par des clients individuels. Aux termes d’une convention entre ECS et ECI, cette dernière transmet les commandes à ECS qui prépare ensuite les marchandises en vue de leur expédition à partir d’un centre de distribution situé en Suisse. Les marchandises sont alors présentées sous la forme d’un envoi groupé à Har Vaessen en vue de leur transport, sous couvert d’un document T, vers un centre de distribution situé aux Pays-Bas, d’où elles sont livrées individuellement aux clients d’ECI par PTT Post BV (ci-après «PTT»), entreprise néerlandaise.

    11

    Chaque colis individuel comporte le nom du client destinataire de la marchandise ainsi qu’un formulaire de virement en vue de son paiement.

    12

    Lors de la déclaration de mise en libre pratique des marchandises en cause au principal, Har Vaessen a demandé le bénéfice de la franchise au titre de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié, ce qui lui a été refusé. Par un avis d’imposition daté du 29 décembre 1999, elle a de ce fait été invitée, notamment, à s’acquitter des droits de douane à hauteur d’un montant de 436907,60 NLG, soit environ 198260,02 euros.

    13

    Le Staatssecretaris van Financiën ayant, après une réclamation infructueuse de Har Vaessen, maintenu cette invitation à payer, cette société a fait appel de cette décision devant la Tariefcommissie (commission tarifaire), commission remplacée en cours d’instance par le Gerechtshof te Amsterdam.

    14

    Cette juridiction a déboutée Har Vaessen de sa demande au motif que ECI, et non pas les clients qui ont passé individuellement les commandes, devait être considérée comme le destinataire des marchandises en cause au principal, au sens de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié. En effet, ces clients ne seraient aucunement impliqués dans la procédure de déclaration en douane, n’étant ni débiteurs de la dette douanière ni propriétaires de la marchandise expédiée. Dans ces conditions, cette juridiction en a conclu que les marchandises en cause au principal n’étaient pas directement expédiées aux clients individuels en qualité de destinataires, au sens de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié.

    15

    Har Vaessen a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi.

    16

    Le Hoge Raad der Nederlanden doute que le bénéfice de la franchise puisse être reconnu à un envoi groupé tel que celui en cause au principal pour deux raisons.

    17

    D’une part, si l’envoi groupé est, certes, constitué de différentes marchandises d’une valeur individuelle négligeable et dont la destination finale diffère pour chacune d’entre elles, l’objectif de simplification administrative qui justifie l’application de la franchise prévue à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié ne présente aucun intérêt dans un tel cas, les frais liés à la perception des droits de douane n’étant pas supérieurs aux droits de douane à percevoir globalement.

    18

    D’autre part, afin de prévenir un usage abusif de la franchise prévue à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié, la notion d’«expédition directe» pourrait être comprise comme limitée à la circonstance dans laquelle le cocontractant du destinataire de la marchandise est établi dans un État tiers. Or, dans l’affaire au principal, il s’agit bien d’un envoi constitué de différentes marchandises dont les destinataires, résidant aux Pays-Bas, sont les clients d’une société elle-même établie aux Pays-Bas.

    19

    Dans ce contexte, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    L’article 27 du règlement [no 918/83 tel que modifié] doit-il être interprété en ce sens que la franchise visée par cet article peut être invoquée pour des envois de marchandises qui, considérées séparément ont une valeur négligeable, mais sont présentées comme un envoi groupé, la valeur intrinsèque totale des marchandises ainsi expédiées excédant la valeur limite prévue [audit article] 27?

    2)

    Pour l’application de l’article 27 du règlement [no 918/83 tel que modifié], doit-on interpréter la notion d’‘envois […] expédiés directement d’un pays tiers à un destinataire se trouvant dans la Communauté’ comme visant aussi le cas où, avant le début de son expédition au destinataire, la marchandise se trouve dans un pays tiers, mais où le cocontractant du destinataire est établi dans la Communauté?»

    Sur les questions préjudicielles

    20

    Aux termes de ses deux questions préjudicielles, qu’il convient de traiter conjointement, la juridiction de renvoi demande si la circonstance, d’une part, que les marchandises en cause au principal, d’une valeur individuelle inférieure à 22 euros, sont présentées en douane sous la forme d’un envoi groupé d’une valeur dépassant celle prévue à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié et, d’autre part, que le cocontractant des clients ayant commandé les marchandises, à savoir ECI, est établi dans la Communauté fait obstacle à l’application auxdites marchandises de la franchise prévue à cette disposition.

    21

    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les dispositions accordant des franchises de droit de douane sont à interpréter conformément à leur libellé (voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 1996, Olasagasti e.a., C-47/95 à C-50/95, C-60/95, C-81/95, C-92/95 et C-148/95, Rec. p. I-6579, point 20).

    22

    En l’occurrence, l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié énonce que les envois composés de marchandises d’une valeur négligeable, à savoir inférieure à 22 euros, expédiés directement d’un État tiers à un destinataire se trouvant dans la Communauté sont admis en franchise de droits à l’importation.

    23

    L’une des conditions à remplir pour l’admission en franchise réside, dès lors, en vertu de cette disposition, dans la valeur des marchandises envoyées, cette valeur devant être inférieure à 22 euros.

    24

    Il ressort de la décision de renvoi que les envois en cause au principal, pour lesquels l’admission en franchise a été refusée par les autorités néerlandaises au motif que leur valeur globale dépassait 22 euros, étaient composés de colis d’une valeur individuelle inférieure à 22 euros, présentés de manière groupée en vue de leur mise en libre pratique dans la Communauté. Ces colis, expédiés dans un premier temps sous cette forme groupée vers un centre de distribution de PTT, devaient être distribués par la suite individuellement, par cette dernière, aux clients d’ECI.

    25

    Comme le souligne la juridiction de renvoi, dans ces circonstances, c’est en fonction de l’identité du destinataire des marchandises, à savoir les clients d’ECI ou PTT, que la valeur des envois tels que présentés dans l’affaire au principal doit être prise en compte pour l’application de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié.

    26

    En l’occurrence, il n’est pas contesté que sur chaque colis figure, dès sa prise en charge par Har Vaessen, l’adresse du client d’ECI.

    27

    Le gouvernement néerlandais souligne, toutefois, que le formulaire de déclaration en douane en cause au principal mentionne, dans sa case 8, PTT en tant que destinataire des envois.

    28

    Cet argument n’est en soi pas pertinent. En effet, outre le fait qu’il puisse s’agir d’une erreur, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l’a souligné Mme l’avocat général au point 34 de ses conclusions, que la liste des clients d’ECI auxquels étaient destinés les colis individuels était annexée au formulaire de déclaration en cause au principal.

    29

    De surcroît, la marchandise contenue dans un colis est destinée à être utilisée in fine par le client d’ECI qui en est le destinataire individuel. En effet, les marchandises ont été commandées individuellement à ECI par des clients qui peuvent, de ce fait, être considérés comme en étant les usagers, contrairement à Har Vaessen et PTT qui ne constituent, en tant que transporteurs, qu’un échelon dans la chaîne d’expédition liant ECI à ses clients, destinataires finaux de la marchandise.

    30

    Il s’ensuit que les envois en cause au principal doivent être regardés comme un regroupement de différents colis d’une valeur respective inférieure à 22 euros dont les destinataires sont les clients d’ECI et, partant, être considérés comme éligibles à une admission en franchise au titre de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié.

    31

    Cette interprétation est confirmée par le libellé de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié qui ne procède à aucune distinction entre les méthodes de transport des marchandises pour leur admission en franchise, de sorte qu’il n’y a pas lieu de considérer que, dans l’affaire au principal, les clients d’ECI ne sont pas les destinataires des marchandises dès que celles-ci quittent l’État tiers ni que lesdites marchandises ne peuvent pas être admises en franchise.

    32

    En effet, alors que la formulation originaire de l’article 27 du règlement no 918/83 limitait le bénéfice de la franchise aux envois de marchandises d’une valeur inférieure à 10 euros acheminés par voie postale, l’article 1er du règlement no 3357/91 a fait disparaître la condition relative au mode d’acheminement, de sorte que d’autres modes de transport peuvent donner lieu à l’application de la franchise visée à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié. Ainsi, le transport des marchandises par un expéditeur, tel que Har Vaessen, qui, pour des raisons de logistique, regroupe les colis individuels avant leur présentation en douane ne saurait avoir pour conséquence de dénier à ces marchandises leur admission en franchise, alors même qu’elles ne sont pas expédiées par voie postale, mais remplissent les conditions requises à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié.

    33

    Cette interprétation correspond, en outre, à l’objectif dudit article 27 tel qu’il est énoncé au premier considérant du règlement no 3357/91, à savoir que la franchise prévue à cette disposition vise à une simplification administrative des procédures douanières.

    34

    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’il arrête des normes accordant des franchises de droits de douane, le Conseil de l’Union européenne doit tenir compte, entre autres, des difficultés auxquelles doivent faire face les administrations douanières nationales (voir, par analogie, arrêt du 3 décembre 1998, Schoonbroodt, C-247/97, Rec. p. I-8095, point 23).

    35

    Si un tel objectif de simplification administrative peut couvrir, ainsi que l’expose le gouvernement néerlandais dans ses observations, les situations dans lesquelles les frais de perception des droits de douane sont supérieurs aux droits eux-mêmes, cet objectif est susceptible de couvrir aussi d’autres situations.

    36

    Ainsi, le refus du bénéfice de la franchise prévue à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié aux envois tels que ceux en cause au principal, et ce alors même que les colis pris individuellement ont une valeur inférieure à 22 euros, pourrait avoir pour conséquence que l’expéditeur présenterait en douane chaque colis individuellement pour pouvoir bénéficier de ladite franchise. Or, une telle démultiplication des procédures ne correspond pas à l’objectif de simplification administrative recherché.

    37

    De même, en l’absence d’application de la franchise aux envois en cause au principal, il reviendrait aux autorités douanières nationales de déterminer la valeur en douane globale d’un envoi composé d’un nombre important de marchandises. Une telle situation ne saurait non plus répondre à l’objectif de simplification administrative voulu par le législateur communautaire.

    38

    Partant, le fait que les colis en cause au principal, d’une valeur individuelle inférieure à 22 euros, sont présentés en douane de façon groupée en vue de leur expédition dans la Communauté n’est pas un obstacle à leur admission en franchise, dès lors que, dès leur départ de l’État tiers d’expédition, le destinataire de chacun de ces colis est identifié.

    39

    Il résulte toutefois du troisième considérant du règlement no 2287/83 qu’une telle admission doit être refusée lorsqu’elle est constitutive d’un abus de droit.

    40

    C’est, en substance, ce que met en avant la juridiction de renvoi au travers de sa seconde question préjudicielle, soulignant que, dans le litige qui lui est soumis, le cocontractant des destinataires des marchandises mises en libre circulation, à savoir ECI, est établi dans la Communauté et non dans l’État tiers d’expédition.

    41

    En premier lieu, force est de constater que le libellé même de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié ne fait pas, à l’égard du cocontractant des destinataires des marchandises, de l’établissement en dehors de la Communauté une condition de l’admission en franchise desdites marchandises.

    42

    En second lieu, il convient de rappeler que, aux termes du troisième considérant du règlement no 2287/83, il est opportun, afin d’éviter tout usage abusif de la franchise douanière et les distorsions de concurrence qui en découlent, d’exclure de la franchise des droits à l’importation les envois de marchandises qui, préalablement à leur mise en libre pratique, ont été placés sous un autre régime douanier. Par conséquent, seuls les envois expédiés directement d’un État tiers à destination d’une personne physique ou morale se trouvant dans la Communauté sont à admettre en franchise.

    43

    Or, la seule circonstance que ECI est établie dans la Communauté ne permet pas, en soi, de considérer que les envois de marchandises en cause au principal ont été placés sous un autre régime douanier préalablement à leur mise en libre pratique dans la Communauté. En tout état de cause, et sous réserve des vérifications de la juridiction nationale en ce sens, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que ce fut le cas s’agissant de ces envois.

    44

    Le gouvernement néerlandais fait cependant valoir que, dans les circonstances de l’affaire au principal, l’abus de droit résiderait moins dans l’obtention de la franchise de droits de douane que dans la tentative d’ECI d’être exonérée de la taxe sur le chiffre d’affaires. L’article 101 du règlement douanier néerlandais prévoyant, en effet, que les marchandises bénéficiant de la franchise prévue à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié sont également exonérées de la taxe sur le chiffre d’affaires, ECI a fait appel à un centre de distribution situé en dehors de la Communauté afin de bénéficier, dans un premier temps, de la franchise sur les droits de douane, puis, dans un second temps, de l’exonération de la taxe sur le chiffre d’affaires y étant liée. Cette entreprise dégagerait ainsi un avantage financier entraînant une distorsion de concurrence au regard des entreprises actives dans le même secteur et expédiant leurs marchandises à leurs clients à partir du territoire de la Communauté.

    45

    À cet égard, il convient de souligner que l’interprétation de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié mise en avant par le gouvernement néerlandais vise la prévention de l’obtention abusive de l’exonération de la taxe sur le chiffre d’affaires et non de la franchise prévue à cette disposition.

    46

    Or, d’une part, ainsi que l’a rappelé Mme l’avocat général aux points 56 à 60 de ses conclusions, le Royaume des Pays-Bas a lui-même opté pour un système d’exonération de la taxe sur le chiffre d’affaires liée à l’octroi de la franchise prévue à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié. D’autre part, la jurisprudence communautaire citée par le gouvernement néerlandais dans ses observations offre un cadre permettant aux États membres de refuser l’octroi d’un avantage fiscal dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée lorsque son obtention est abusive. Partant, la lutte contre l’exonération abusive de la taxe sur le chiffre d’affaires ne saurait être invoquée au soutien de l’interprétation de l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié.

    47

    En outre, s’agissant des distorsions de concurrence alléguées dont bénéficierait ECI dans l’affaire au principal, il convient de constater que le choix effectué par une telle entreprise d’expédier ses marchandises à partir d’un État tiers entraîne nécessairement des coûts liés au transport des marchandises ainsi qu’aux procédures douanières d’importation que ne supportent pas forcément les entreprises actives dans ce même secteur qui expédient leurs marchandises depuis le territoire douanier de la Communauté.

    48

    Dès lors, et sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, le bénéfice de la franchise prévue à l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié ne saurait être refusé, dans les circonstances de l’affaire au principal, du seul fait que ECI est établie dans la Communauté.

    49

    Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il convient d’interpréter l’article 27 du règlement no 918/83 tel que modifié en tant qu’il ne s’oppose pas à ce que des envois groupés de marchandises, dont la valeur intrinsèque totale excède la limite prévue audit article 27, mais qui, considérées séparément, ont une valeur négligeable, soient admis en franchise de droits à l’importation, à la condition que chaque colis de l’envoi groupé soit adressé individuellement à un destinataire se trouvant dans la Communauté. À cet égard, le fait que le cocontractant de ces destinataires est lui-même établi dans la Communauté est sans pertinence dès lors que les marchandises sont expédiées directement d’un État tiers auxdits destinataires.

    Sur les dépens

    50

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

     

    L’article 27 du règlement (CEE) no 918/83 du Conseil, du 28 mars 1983, relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières, tel que modifié par le règlement (CEE) no 3357/91, du 7 novembre 1991, ne s’oppose pas à ce que des envois groupés de marchandises, dont la valeur intrinsèque totale excède la limite prévue audit article 27, mais qui, considérées séparément, ont une valeur négligeable, soient admis en franchise de droits à l’importation, à la condition que chaque colis de l’envoi groupé soit adressé individuellement à un destinataire se trouvant dans la Communauté européenne. À cet égard, le fait que le cocontractant de ces destinataires est lui-même établi dans la Communauté européenne est sans pertinence dès lors que les marchandises sont expédiées directement d’un État tiers auxdits destinataires.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.

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