Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉGER
présentées le 12 septembre 2002(1)
Affaire C-77/01
Empresa de Desenvolvimento Mineiro SGPS SA (EDM), anciennement Empresa de Desenvolvimento Mineiro SA (EDM),
contre
Fazenda Pública
[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Central Administrativo (Portugal)]
«Sixième directive TVA – Articles 4, paragraphe 2, et 19, paragraphe 2 – Entreprise assujettie uniquement pour une partie de ses opérations – Notion d' activités économiques – Déduction au prorata – Notion d' opérations accessoires»
1.
Dans la présente affaire, il est demandé à la Cour d’interpréter les notions d’«activités économiques» et d’«opérations accessoires»,
visées, respectivement, aux articles 4 et 19 de la sixième directive 77/388/CEE
(2)
.
2.
Cette affaire a pour origine un litige entre les autorités fiscales portugaises et un holding mixte
(3)
qui a déduit la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») qu’il a acquittée en amont sans faire de distinction
entre ses différentes activités. Le Tribunal Central Administrativo (Portugal) demande à la Cour dans quelle mesure les prêts
accordés par cet holding aux sociétés dans lesquelles il détient des participations, ses autres activités financières et les
travaux qu’il a réalisés dans le cadre de consortiums
(4)
affectent ses droits à déduction de la TVA.
I – Le cadre juridiqueLe champ d'application de la sixième directive
3.
Afin de procurer des ressources propres à la Communauté européenne et d’assurer la neutralité du système commun de taxes sur
le chiffre d’affaires, le législateur communautaire a entendu inclure dans le champ d’application de la sixième directive
le maximum d’opérations ayant un caractère économique, tout en prévoyant que certaines d’entre elles feraient l’objet d’une
exonération
(5)
.
4.
Ainsi, le législateur communautaire a défini le champ d’application de la sixième directive en considération de critères très
larges, tenant à la fois à la nature de l’opération effectuée et à la personne qui la réalise.
5.
Selon l’article 2, point 1, de la sixième directive, sont soumises à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de
services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».
6.
En vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive, est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon
indépendante, l’une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2 de cette disposition.
7.
L’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive dispose:
«Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire
de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment
considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en
retirer des recettes ayant un caractère de permanence.»
8.
Certaines opérations, qui constituent des activités économiques et qui sont donc, en principe, incluses dans le champ d’application
de la sixième directive, sont exonérées de la TVA. Selon l’article 13, B, sous d), de ladite directive, il s’agit, notamment,
des opérations suivantes:
- «1.
- l’octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés;
- 2.
- la négociation et la prise en charge d’engagements, de cautionnements et d’autres sûretés et garanties ainsi que la gestion
de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits;
- 3.
- les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances,
chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances;
[...]
- 5.
- les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts
de société ou d’associations, les obligations et les autres titres [...]»
Le droit à déduction
9.
La TVA doit être neutre pour les opérateurs économiques, c’est-à-dire qu’elle ne doit être supportée que par le consommateur
final.
10.
Le législateur communautaire a donc prévu un système de déduction qui permet à l’assujetti de déduire entièrement la TVA qu’il
a acquittée pour les biens et les services qui lui ont été livrés ou rendus pour les besoins de ses opérations taxées
(6)
.
11.
Cette déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration.
Quand le montant des déductions autorisées dépasse celui de la taxe due pour une période de déclaration, les États membres
peuvent soit faire reporter l’excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu’ils
fixent
(7)
.
12.
Lorsque l’assujetti utilise des biens et des services taxés pour effectuer à la fois des opérations qui ouvrent droit à déduction
et des opérations exonérées, qui ne confèrent pas un tel droit, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui
est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Le prorata de cette déduction est déterminé pour l’ensemble
des opérations effectuées par l’assujetti conformément à l’article 19, de la sixième directive
(8)
.
13.
Selon ledit article, paragraphe 1, ce prorata résulte d’une fraction qui comprend, au numérateur, le montant total, déterminé
par année, du chiffre d’affaires, TVA exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction et, au dénominateur, le montant
total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, TVA exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux
opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction.
14.
Aux termes de cet article, paragraphe 2:
«Par dérogation au paragraphe 1, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, du montant du chiffre d’affaires
afférent aux livraisons de biens d’investissement utilisés par l’assujetti dans son entreprise. Il est également fait abstraction
du montant du chiffre d’affaires afférent aux opérations accessoires immobilières et financières ou à celles visées à l’article
13 sous B sous d), lorsqu’il s’agit d’opérations accessoires.»
II – Les faits et la procédure
15.
La société Empresa de Desenvolvimento Mineiro SGPS SA (EDM), anciennement Empresa de Desenvolvimento Mineiro SA (EDM) (ci-après
«EDM»), est un holding du secteur minier. Elle a exercé ses activités en tant qu’entreprise publique puis, à compter du mois
de septembre 1989, comme personne morale de droit privé, sous forme de société anonyme.
16.
Elle a pour objet principal, d’une part, des activités de prospection et d’exploitation dans le secteur minier en vue d’y
investir, notamment à travers la création d’entreprises, et, d’autre part, la gestion de ses participations dans des sociétés
de ce secteur. Jusqu’à sa transformation en personne morale de droit privé, elle avait également pour objet principal d’aider
les sociétés dans lesquelles elle détient une participation à obtenir des prêts auprès d’instituts de crédit et de se porter
garante
(9)
.
17.
Elle a conclu avec d’autres entreprises trois consortiums qui ont tous pour objet de découvrir des gisements miniers et d’étudier
la rentabilité de leur exploitation. Selon les contrats passés pour la création de ces consortiums, en cas de découverte d’un
gisement dont l’exploitation serait rentable, une société serait créée pour assurer cette exploitation.
18.
L’activité d’EDM dans le cadre de ces consortiums a consisté en des actions de caractère technique et de coordination des
travaux en qualité de gérant ainsi qu’en des interventions dans des conseils d’orientation et des commissions techniques créées
à cette fin.
19.
Chaque membre des consortiums établissait des factures comprenant la description des travaux exécutés ainsi que l’indication
de leur coût et les envoyait au gérant. Ces factures étaient destinées à régulariser ultérieurement les comptes entre les
membres des consortiums, selon des pourcentages de répartition des dépenses convenus dans chaque contrat
(10)
.
20.
À la suite d’une demande de remboursement d’un surplus de TVA, EDM a fait l’objet d’un contrôle de la part de l’administration
fiscale portugaise qui a porté sur les exercices 1988 à 1992.
21.
Cette administration a relevé qu’EDM avait déduit, au cours des exercices considérés, la totalité de la TVA qu’elle avait
acquittée en amont, comme si elle ne réalisait que des opérations ouvrant droit à déduction.
22.
L’administration fiscale a considéré qu’EDM réalisait aussi des opérations exonérées, de sorte qu’elle devait être considérée
comme un assujetti mixte, dont les droits à déduction devaient être calculés selon la méthode du prorata.
23.
Selon l’administration fiscale, ne conféraient pas de droit à déduction:
- –
- les dividendes résultant de participations au capital de sociétés;
- –
- les intérêts de prêts accordés aux entreprises dans lesquelles EDM a des participations;
- –
- le produit de la vente d’actions et d’autres titres négociables;
- –
- les recettes d’autres opérations de trésorerie, et
- –
- la valeur des travaux réalisés dans le cadre des consortiums, dans la mesure où EDM était responsable de ces consortiums et
gérait leurs investissements.
24.
En outre, l’administration fiscale a relevé que, malgré le caractère occasionnel des ventes, par EDM, de ses participations
dans des sociétés, les cessions de titres et les autres opérations de trésorerie que cette société avait réalisées avaient
généré des recettes supérieures à celles produites par ses activités taxées
(11)
.
25.
L’administration fiscale en a déduit que toutes ces recettes devaient être prises en compte dans le dénominateur de la fraction
servant au calcul du prorata de déduction, puisqu’elles constituaient l’activité principale d’EDM
(12)
.
26.
Elle a fixé à 137 933 862 PTE le montant de la TVA indûment déduit par EDM.
27.
Le Tribunal Tributário de Primeira Instância de Lisboa (Portugal) a fait droit à la contestation d’EDM en ce qui concerne
les dividendes résultant de ses participations dans des sociétés et a jugé qu’ils devaient être exclus du dénominateur susvisé
parce qu’ils n’entraient pas dans le champ d’application de la sixième directive. Il a débouté EDM pour le surplus.
28.
EDM a introduit un recours devant le Tribunal Central Administrativo, dans le cadre duquel elle a fait valoir que les intérêts
des prêts, les produits de la vente d’actions et d’autres titres négociables ainsi que les revenus d’autres opérations de
trésorerie provenaient d’opérations accessoires par rapport à son activité de gestion de ses participations et de prospection
minière. Elle a prétendu que, en application de l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive, ils ne devaient donc
pas figurer au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction.
29.
S’agissant des travaux réalisés dans le cadre des consortiums, elle a soutenu qu’ils ne constituaient pas des opérations soumises
à la TVA, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive, et que leur valeur ne devait pas apparaître dans
ladite fraction.
III – Les questions préjudicielles
30.
Le Tribunal Central Administrativo a considéré que la solution du litige au principal nécessitait l’interprétation des dispositions
susvisées de la sixième directive. Il a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles
suivantes:
- «1)
- L’octroi de prêts rémunérés annuellement par un holding aux sociétés dans lesquelles il détient une participation, lorsqu’il
a pour activité principale leur gestion et dans une certaine mesure aussi la garantie d’emprunts contractés par elles, constitue-t-il
une ’activité économique‘ au sens de la sixième directive (article 4, paragraphe 2)?
- 2)
- La réalisation de travaux, dans le cadre d’un consortium comme en l’espèce, par une société qui en est membre et qui le gère,
en particulier lorsqu’ils excèdent sa part telle que stipulée dans le contrat, avec paiement de la contrepartie de ceux-ci
par les autres membres du consortium, constitue-t-elle une ’activité économique‘ au sens de la sixième directive?
- 3)
- Y a-t-il lieu de considérer comme ’accessoire‘, aux fins de l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive, l’activité
financière d’une entreprise qui génère annuellement des revenus nettement supérieurs à ceux produits par l’activité qui est
décrite comme principale dans ses statuts?»
IV – AppréciationObservations liminaires
31.
Il ressort des motifs de l’ordonnance de renvoi
(13)
que le juge a quo cherche à savoir si les travaux réalisés par EDM dans le cadre des trois consortiums, les intérêts des
prêts qu’elle a accordés, le produit de la vente d’actions et d’autres titres négociables ainsi que les recettes d’autres
opérations de trésorerie qu’elle a réalisées doivent être pris en compte au dénominateur de la fraction servant au calcul
du prorata de déduction.
32.
La réponse à cette question nécessite de déterminer si les opérations concernées entrent ou non dans le champ d’application
de la sixième directive
(14)
.
33.
En effet, il convient de rappeler que le régime de déduction a pour objet de soulager entièrement l’entrepreneur du poids
de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques
(15)
.
34.
Ainsi que la Cour l’a jugé à plusieurs reprises à propos de la perception de dividendes, lorsque l’opération concernée n’entre
pas dans le champ d’application de la TVA, elle est étrangère au système des droits à déduction
(16)
.
35.
Cela a pour conséquence, d’une part, que les recettes provenant d’activités exclues du domaine d’application de la TVA ne
doivent pas être comprises dans la fraction servant au calcul du prorata de déduction. D’autre part, l’assujetti ne peut pas
déduire les taxes qu’il a acquittées au titre des livraisons de biens et des prestations de services afférentes aux activités
exclues du domaine d’application de la sixième directive, puisque, à l’égard de ces taxes, il se trouve dans la situation
d’un consommateur final.
36.
La première étape du raisonnement aux fins de déterminer quels sont les droits à déduction d’EDM au regard des opérations
litigieuses consiste donc à apprécier si elles constituent des activités économiques accomplies par un assujetti agissant
en tant que tel, c’est-à-dire si elles sont couvertes par l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.
Sur la première question préjudicielle
37.
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive
doit être interprété en ce sens que constitue une activité économique l’octroi de prêts rémunérés annuellement par un holding
aux sociétés dans lesquelles il détient des participations, lorsqu’il a pour activité principale la gestion de ces participations
et, dans une certaine mesure aussi, la garantie d’emprunts contractés par ces sociétés.
38.
Il convient de rappeler que l’article 4 de la sixième directive assigne un champ d’application très large à la TVA
(17)
. Ainsi, selon l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive, la notion d’«activités économiques» recouvre, notamment,
toute exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence
(18)
.
39.
Toutefois, il est également de jurisprudence constante que le simple exercice du droit de propriété par son titulaire ne peut,
en lui-même, être considéré comme une activité économique
(19)
.
40.
Dans l’arrêt Floridienne et Berginvest, précité, la Cour a déduit de l’ensemble de la jurisprudence susvisée que l’octroi
de prêts par un holding à ses filiales était soumis à la TVA dans deux hypothèses, la première, lorsque ces prêts constituent
en eux-mêmes une activité économique de l’opérateur, la seconde, lorsque ces prêts sont le prolongement direct, permanent
et nécessaire d’une activité taxable
(20)
.
41.
S’agissant de la première hypothèse, la Cour a précisé dans quelles conditions l’octroi de tels prêts pouvait être, en soi,
considéré comme une activité économique au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.
42.
Selon la Cour, il est nécessaire que cette activité ne soit pas exercée seulement à titre occasionnel et qu’elle ne se limite
pas à gérer des investissements à l’instar d’un investisseur privé. Au contraire, elle doit être effectuée dans le cadre d’un
objectif d’entreprise ou dans un but commercial, caractérisé notamment par un souci de rentabilisation des capitaux investis
(21)
.
43.
La Cour n’a pas défini ce qu’il convenait d’entendre précisément par les notions d’«objectif d’entreprise» et de «but commercial».
Ces notions ne sont pas aisées à définir plus précisément de manière théorique
(22)
.
44.
L’objectif d’entreprise implique, selon nous, la mise en place par le holding de moyens humains et logistiques permanents
et organisés comme le sont ceux d’un établissement de crédit, dépassant en importance les moyens propres d’un investisseur
privé utilisés pour la seule satisfaction de ses besoins personnels.
45.
Quant à la seconde notion, relative au but commercial, elle nécessite la volonté, par le holding, de rentabiliser ses capitaux,
de sorte que les prêts doivent être conclus à des conditions comparables à celles du marché, comme s’ils l’avaient été par
un établissement financier avec ses clients
(23)
.
46.
Dans tous les cas, les prêts consentis par un holding à ses filiales ne doivent pas avoir été octroyés d’une manière occasionnelle,
mais avec une certaine régularité, aux fins de lui procurer des recettes ayant un caractère de permanence.
47.
S’agissant de la seconde hypothèse évoquée par la Cour dans l’arrêt Floridienne et Berginvest, précité, fondée sur la notion
de «prolongement direct, permanent et nécessaire d’une activité taxable», elle est reprise de l’arrêt Régie dauphinoise, précité,
auquel la Cour fait expressément référence
(24)
.
48.
Dans l’arrêt Régie dauphinoise, précité
(25)
, la Cour a précisé que les prestations de services, telles que les placements réalisés par un syndic auprès des banques,
ne seraient pas soumises à la TVA si elles étaient accomplies par des personnes n’agissant pas en qualité d’assujetti. Toutefois,
elle a ajouté que, dans les circonstances de cette affaire, la perception par un syndic des intérêts produits par le placement
des sommes qu’il recevait de ses clients dans le cadre de la gestion de leurs immeubles constituait le prolongement direct,
permanent et nécessaire de l’activité taxable, de sorte que ce syndic agissait comme un assujetti lorsqu’il effectuait un
tel placement.
49.
Il convient donc d’examiner dans quelle mesure l’octroi par EDM de prêts à ses filiales remplit les conditions correspondantes
aux deux hypothèses dégagées par la Cour dans l’arrêt Floridienne et Berginvest, précité.
50.
À cet égard, l’ordonnance de renvoi ne contient pas d’autre renseignement sur les prêts litigieux que les intérêts qu’ils
ont produits au cours des exercices 1988 à 1991
(26)
.
51.
Nous estimons que ces éléments ne sont pas suffisants pour apprécier si l’octroi des prêts litigieux constitue, en soi, une
activité économique, conformément à la première hypothèse envisagée dans l’arrêt Floridienne et Berginvest, précité
(27)
. Ainsi, nous ne connaissons pas leur fréquence, ni les moyens humains et matériels consacrés par EDM à leur octroi et à leur
gestion, ni les conditions auxquelles ces prêts ont été conclus par rapport aux conditions du marché, ni l’origine des fonds
prêtés par EDM
(28)
.
52.
C’est donc au juge national qu’il incombera d’apprécier si, en l’espèce, les prêts accordés par EDM à ses filiales correspondent
à une opération occasionnelle ou s’ils procèdent d’un objectif d’entreprise ou d’un but commercial, destiné à lui procurer
des recettes ayant un caractère de permanence.
53.
Il faut toutefois examiner la question de savoir si ces prêts constituent le prolongement direct, permanent et nécessaire
d’une activité taxable d’EDM, au sens de l’arrêt Régie dauphinoise, précité.
54.
Il y a lieu de rappeler qu’EDM a pour objet principal, d’une part, des activités de prospection et d’exploitation dans le
secteur minier en vue d’y investir, notamment à travers la création d’entreprises, et, d’autre part, la gestion de ses participations
dans des sociétés de ce secteur
(29)
.
55.
En outre, il ressort de l’ordonnance de renvoi que le juge a quo a considéré que les ventes d’actions et d’autres titres négociables
par EDM pendant la période pertinente, ainsi que ses autres opérations de trésorerie, constituaient également une activité
économique
(30)
.
56.
Nous estimons, contrairement au gouvernement portugais
(31)
, que l’octroi de prêts aux sociétés dans lesquelles EDM détient des participations ne peut pas être analysé comme le prolongement
direct, permanent et nécessaire de l’une ou l’autre de ces différentes activités.
57.
Un tel lien direct, permanent et nécessaire n’existe pas non plus, selon nous, avec l’activité impartie à EDM jusqu’à sa transformation
en personne morale de droit privé, consistant à aider les sociétés dans lesquelles elle détient des participations à obtenir
des emprunts auprès d’instituts de crédit et à se porter garante.
58.
Nous pensons, en effet, que la notion de «prolongement direct, permanent et nécessaire» doit recevoir une interprétation stricte.
Nous fondons cette analyse sur les éléments suivants.
59.
Tout d’abord, cette notion a été dégagée par la jurisprudence et ne figure pas dans la sixième directive. En effet, dans ladite
directive, le critère d’application de la TVA est l’exercice, par un assujetti agissant en tant que tel, d’une activité économique.
60.
Ensuite, les circonstances dans l’affaire Régie dauphinoise, précitée, qui ont permis à la Cour de dégager cette notion étaient
très spécifiques. Ainsi, selon nous, la Cour a considéré que la perception par le syndic des intérêts produits par le placement
des sommes qu’il reçoit de ses clients dans le cadre de la gestion de leurs immeubles constituait le prolongement direct,
permanent et nécessaire de l’activité taxable parce qu’il n’est pas sérieusement envisageable, pratiquement et économiquement,
que le syndic place ces fonds ailleurs que dans un établissement financier et sans aucune rémunération. La perception de ces
intérêts constituait donc la suite logique et indissociable de l’activité taxable de syndic.
61.
Enfin, cette interprétation stricte est également justifiée par la nécessité de ne pas vider de son sens la notion d’«opérations
accessoires», visée à l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive. Comme la Cour l’a indiqué très logiquement dans
l’arrêt Régie dauphinoise, précité, une activité qui constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité
taxable de l’assujetti ne peut pas, par nature, présenter les caractères d’une opération accessoire, puisqu’elle suit systématiquement
ladite activité
(32)
.
62.
Au vu de ces éléments, nous proposons à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que l’article 4, paragraphe
2, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que l’octroi de prêts rémunérés annuellement par un holding aux
sociétés dans lesquelles il détient des participations, lorsqu’il a pour activité principale la gestion de ces participations
et, dans une certaine mesure aussi, la garantie d’emprunts contractés par ces sociétés, constitue une activité économique
si ces prêts ne sont pas octroyés à titre occasionnel mais conformément à un objectif d’entreprise ou dans un but commercial,
caractérisé notamment pas un souci de rentabilisation des capitaux investis.
63.
Si la juridiction de renvoi estime que ces conditions sont satisfaites, ces prêts, qui entrent dans le champ d’application
de la sixième directive, constituent une activité exonérée de TVA en application de l’article 13, B, sous d), point 1, de
ladite directive. Il convient donc de déterminer dans quelle mesure les intérêts produits par ces prêts doivent être pris
en compte au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction.
64.
Cette question fait précisément l’objet de la troisième question préjudicielle.
Sur la deuxième question préjudicielle
65.
Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la réalisation de travaux, dans le cadre de consortiums
comme en l’espèce, par une société qui en est membre et qui les gère, en particulier lorsqu’ils excèdent sa part stipulée
dans les contrats, avec paiement de la contrepartie de ces travaux par les autres membres des consortiums, constitue une activité
économique au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.
66.
Cette juridiction cherche, en fait, à déterminer si les travaux réalisés par EDM dans le cadre des trois consortiums dont
elle est membre et gérante doivent être considérés comme ayant été accomplis à titre onéreux lorsqu’ils dépassent la part
de travaux que cette société s’était engagée à exécuter.
67.
Il convient de rappeler que, pour qu’une activité économique effectuée par un assujetti soit imposable, il faut qu’elle ait
été réalisée à titre onéreux. Cela implique que l’assujetti ait reçu une contrepartie et qu’il existe un lien direct entre
le service rendu ou le bien livré et la contrepartie reçue. C’est précisément cette contrepartie qui constitue la base d’imposition
de la TVA
(33)
.
68.
À cet égard, la Cour a jugé que cette contrepartie doit pouvoir être exprimée en monnaie
(34)
, y compris sous la forme d’un rabais sur le prix d’une livraison principale
(35)
.
69.
Il ressort de la description des consortiums contenue par l’ordonnance de renvoi que l’activité d’EDM dans le cadre de chacun
d’entre eux a consisté en des actions de caractère technique et de coordination des travaux en qualité de gérant, ainsi qu’en
des interventions dans des conseils d’orientation et des commissions techniques créées à cette fin
(36)
.
70.
À ce titre, EDM a émis des factures avec la description des travaux exécutés et l’indication de leur coût, destinés à régulariser
les comptes entre les membres des consortiums.
71.
EDM considère que cette régularisation ne doit pas être assimilée à un paiement, mais plutôt à une restitution ou à une indemnisation
fondée sur le principe de non-enrichissement sans cause. Ces travaux ne constitueraient donc pas des prestations effectuées
à titre onéreux et ne relèveraient pas du champ d’application de la sixième directive.
72.
Cette thèse ne nous paraît pas pouvoir être retenue.
73.
Il suffit de relever que ces travaux sont identifiés, que leur coût peut être évalué en monnaie et que, dans les comptes des
différents consortiums, ce coût est porté au crédit d’EDM et au débit des autres membres.
74.
En revanche, pour la part des travaux qui demeure dans les limites des obligations contractuelles d’EDM, il nous semble difficile
d’admettre que cette société réalise une opération taxable, compte tenu du fait qu’elle ne reçoit des autres membres des consortiums
aucune contrepartie.
75.
À cet égard, les travaux réalisés par les autres membres des consortiums ne nous semblent pas pouvoir être analysés comme
une contrepartie de ceux effectués par EDM dans la mesure où ils sont accomplis en exécution des contrats de consortium. Il
n’existe donc pas, selon nous, de lien direct entre les travaux réalisés par EDM dans la limite de ses obligations contractuelles
et les travaux accomplis par les autres membres des consortiums.
76.
Nous proposons donc à la Cour de répondre à la deuxième question préjudicielle que la réalisation de travaux, dans le cadre
de consortiums comme en l’espèce, par une société qui en est membre et qui les gère, lorsqu’ils excèdent sa part stipulée
dans les contrats, avec paiement de la contrepartie de ces travaux par les autres membres des consortiums, constitue une activité
économique au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.
77.
Il s’ensuit que le chiffre d’affaires afférent à ces travaux qui excèdent les obligations contractuelles d’EDM devra figurer
au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction. En revanche, comme l’a relevé EDM, dans la mesure
où ces travaux ne constituent pas une activité exonérée de TVA, il devra également figurer au numérateur.
Sur la troisième question préjudicielle
78.
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive
doit être interprété en ce sens que l’activité financière d’une entreprise qui génère annuellement des revenus nettement supérieurs
à ceux produits par l’activité décrite comme principale dans ses statuts constitue une activité accessoire.
79.
Il ressort de l’ordonnance de renvoi
(37)
que les opérations financières visées en l’espèce sont non seulement les prêts accordés annuellement par EDM aux sociétés
dans lesquelles elle détient des participations mais aussi des ventes d’actions et d’autres titres négociables ainsi que d’autres
opérations de trésorerie.
80.
Comme nous l’avons indiqué précédemment, la réponse à la troisième question préjudicielle nécessite d’établir, au préalable,
que les opérations concernées entrent dans le champ d’application de la sixième directive.
81.
Nous avons vu à quelles conditions les prêts accordés par EDM aux sociétés dans lesquelles elle détient des participations
peuvent constituer une activité économique au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.
82.
Nous estimons que les conditions requises à cet effet sont identiques en ce qui concerne les ventes d’actions et d’autres
titres négociables, ainsi que les autres opérations de trésorerie réalisées par EDM pendant la période pertinente.
83.
À cet égard, il ressort de la réponse d’EDM aux questions écrites de la Cour que cette société a réalisé pendant cette période
des placements qui, pour l’essentiel, étaient à court terme. Il résulte, ensuite, de l’examen des recettes obtenues par EDM
dans le cadre de ses activités financières que, si les produits résultant de la vente de ses participations ont diminué régulièrement
de 1988 à 1991
(38)
, cette baisse a été largement compensée par des recettes croissantes provenant de la vente de ses autres titres négociables
et de ses autres opérations de trésorerie
(39)
. Au vu de ces éléments, il n’est pas exclu qu’EDM ait effectué sur l’ensemble de ses avoirs des transactions qui sont allées
au-delà des activités d’un simple investisseur et qui visaient à en retirer des recettes ayant un caractère de permanence
(40)
.
84.
Par ailleurs, il est constant que, suivant l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, les opérations portant
sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres sont exonérées de TVA.
85.
Comme les intérêts des prêts accordés par EDM à ses filiales, les recettes provenant de la vente d’actions et d’autres titres
négociables doivent être pris en compte au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction, conformément
à l’article 19, paragraphe 1, de la sixième directive, sauf si, selon le paragraphe 2 du même article, il s’agit d’opérations
accessoires.
86.
La notion d’«opérations accessoires» n’est pas définie par la sixième directive. Jusqu’à ce jour, elle ne l’a pas été non
plus par la Cour. Dans l’arrêt Régie dauphinoise, précité, la Cour en a simplement donné une définition négative, en précisant
qu’une activité qui constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable de l’assujetti ne peut
pas, par nature, être considérée comme une opération accessoire au sens de l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive.
87.
Pour répondre à la question du juge de renvoi, il convient, conformément aux méthodes d’interprétation de la Cour, d’examiner
successivement le libellé, l’économie et les objectifs de la législation communautaire
(41)
.
88.
S’agissant, tout d’abord, du sens littéral de l’adjectif «accessoire», il désigne ce qui vient avec ou après ce qui est principal
(42)
ou ce qui est subordonné à ce qui est essentiel
(43)
. Appliqué aux opérations visées par la sixième directive, «accessoire» signifie donc que les opérations en question ne relèvent
pas directement de l’activité principale de l’assujetti mais qu’elles ont un lien étroit avec elle et qu’elles ne doivent
pas être plus importantes que celle-ci
(44)
.
89.
Il en résulte que les opérations accessoires doivent, en principe, remplir deux conditions cumulatives. La première, de nature
qualitative, tient à l’existence d’un certain lien avec l’activité principale, et la seconde, de nature quantitative, est
que ces opérations ne soient pas plus importantes que celle-ci
(45)
.
90.
Cette analyse littérale ne permet pas, cependant, de déterminer au regard de quel critère cette condition quantitative doit
être appréciée et en particulier si, comme le demande la juridiction de renvoi, elle doit l’être par rapport au chiffre d’affaires
généré par les activités en question ou, par exemple, en considération de la charge de travail qu’elles ont représentée.
91.
Selon nous, l’économie du régime de déduction conduit à prendre en compte le chiffre d’affaires généré par les activités considérées
(46)
.
92.
Il ressort, en effet, de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive que le droit à déduction n’est ouvert que pour
les biens et les services utilisés par l’assujetti pour les besoins de ses opérations taxées.
93.
Il résulte, ensuite, des dispositions de l’article 17, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive que ce n’est qu’à titre
exceptionnel que ladite directive prévoit le droit à déduction de la TVA pour des biens ou des services utilisés pour des
opérations exonérées
(47)
.
94.
Enfin, l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive commence avec les mots «[p]ar dérogation au paragraphe 1», signifiant
ainsi qu’il constitue une exception à la règle prévue audit paragraphe 1, selon laquelle le chiffre d’affaires afférent aux
opérations exonérées doit être pris en compte au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction.
95.
L’interprétation que nous proposons est corroborée par les objectifs du régime de déduction de la sixième directive.
96.
La non-inclusion des opérations accessoires financières au dénominateur de la fraction utilisée pour le calcul du prorata,
conformément à l’article 19 de la sixième directive, vise à assurer le respect de l’objectif de la parfaite neutralité que
le système commun de TVA garantit. Si tous les résultats des opérations financières de l’assujetti ayant un lien avec une
activité imposable devaient être inclus dans ledit dénominateur, même lorsque l’obtention de tels résultats n’implique aucun
emploi de biens ou de services pour lesquels la TVA est due ou, du moins, n’en implique qu’une utilisation très limitée, le
calcul de la déduction serait faussé
(48)
.
97.
Par exception à la règle selon laquelle les opérations exonérées n’ouvrent pas droit à déduction, ces opérations ne sont pas
prises en compte dans le dénominateur de la fraction et, par conséquent, ne diminuent pas les droits à déduction de l’assujetti
parce qu’elles sont présumées avoir nécessité une utilisation très faible des biens économiques taxés employés pour l’activité
principale.
98.
Une telle présomption ne peut plus être admise d’une manière aussi générale si les activités financières exonérées génèrent
des revenus supérieurs à ceux produits par l’activité décrite comme principale dans les statuts de l’assujetti.
99.
Admettre le contraire pourrait permettre à une société qui entend se consacrer principalement à des activités financières
exonérées de contourner la règle prévue par la sixième directive, selon laquelle de telles activités n’ouvrent pas droit à
déduction de la TVA acquittée en amont. Il lui suffirait d’énoncer comme activité principale dans ses statuts une activité
économique taxée et d’employer les biens et les services qu’elle acquiert pour l’exécution conjointe de celle-ci et de son
activité financière.
100.
Il s’ensuit que des activités économiques ne peuvent pas être qualifiées d’«opérations accessoires» au sens de l’article 19,
paragraphe 2, de la sixième directive si, comme en l’espèce, elles génèrent un chiffre d’affaires supérieur à celui de l’activité
taxée
(49)
.
101.
Contrairement à EDM, nous estimons que cette interprétation n’est en rien contraire à la jurisprudence. Comme nous l’avons
indiqué, dans l’arrêt Régie dauphinoise, précité, la Cour n’a pas eu l’occasion de donner une définition positive de la notion
d’«opérations accessoires». Elle a simplement déduit, très logiquement, de son analyse selon laquelle les activités de placement
en cause dans cette affaire constituaient le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable de l’assujetti
la conséquence qu’elles ne constituaient pas des opérations accessoires.
102.
De même, l’arrêt Wellcome Trust, précité, également invoqué par EDM, n’infirme pas notre interprétation. Certes, la Cour a
indiqué que l’ampleur d’une vente d’actions ne saurait constituer un critère de distinction entre les activités d’un investisseur
privé, qui se situent en dehors du champ d’application de la sixième directive, et celles d’un investisseur dont les opérations
constituent une activité économique
(50)
. Toutefois, cette indication ne contredit aucunement l’analyse selon laquelle des activités financières couvertes par la
sixième directive ne peuvent pas être considérées comme des opérations accessoires au sens de l’article 19, paragraphe 2,
de la même directive si elles génèrent un chiffre d’affaires supérieur à celui de l’activité taxable.
103.
Il s’ensuit que, en l’espèce, les intérêts des prêts accordés annuellement par EDM aux sociétés dans lesquelles elle détient
des participations, dans la mesure où ces prêts constituent une activité économique au sens de l’article 4, paragraphe 2,
de la sixième directive, et les recettes produites par les autres activités financières d’EDM doivent être pris en compte
au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction.
104.
Dans l’hypothèse où une telle solution serait défavorable à EDM parce qu’elle aboutirait à diminuer ses droits à déduction
au-delà de ce qui correspond à l’utilisation des biens et des services pour la réalisation de ses activités exonérées, nous
estimons qu’il incombe à EDM de faire auprès des autorités fiscales compétentes les démarches nécessaires aux fins de distinguer,
à l’avenir, ces activités ou certaines d’entre elles de ses activités taxées.
105.
Au vu de ces éléments, nous proposons à la Cour de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 19, paragraphe
2, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans la mesure où elle constitue une activité économique,
l’activité financière d’une entreprise qui génère annuellement des revenus supérieurs à ceux produits par l’activité décrite
comme principale dans ses statuts ne constitue pas une activité accessoire.
Conclusion
106.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions posées par
le Tribunal Central Administrativo:
- «1)
- L’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations
des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ─ Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme,
doit être interprété en ce sens que l’octroi de prêts rémunérés annuellement par un holding aux sociétés dans lesquelles il
détient des participations, lorsqu’il a pour activité principale la gestion de ces participations et, dans une certaine mesure
aussi, la garantie d’emprunts contractés par ces sociétés, constitue une activité économique si ces prêts ne sont pas octroyés
à titre occasionnel mais conformément à un objectif d’entreprise ou dans un but commercial, caractérisé notamment par un souci
de rentabilisation des capitaux investis.
- 2)
- La réalisation de travaux, dans le cadre de consortiums comme en l’espèce, par une société qui en est membre et qui les gère,
lorsqu’ils excèdent sa part stipulée dans les contrats, avec paiement de la contrepartie de ces travaux par les autres membres
des consortiums, constitue une activité économique au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388.
- 3)
- L’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens que, dans la mesure où elle constitue
une activité économique, l’activité financière d’une entreprise qui génère annuellement des revenus supérieurs à ceux produits
par l’activité décrite comme principale dans ses statuts ne constitue pas une activité accessoire.»
- 1 –
- Langue originale: le français.
- 2 –
- Directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur
le chiffre d’affaires ─ Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième
directive»).
- 3 –
- Un holding mixte est une société qui, en plus de son activité de holding consistant à détenir des participations dans d’autres
sociétés, non soumise à la TVA, exerce en même temps une activité taxable.
- 4 –
- En l’espèce, il convient d’entendre par consortium le contrat par lequel deux personnes ou plus, physiques ou morales, qui
exercent une activité économique s’obligent entre elles à exercer, de façon concertée, une certaine activité ou à apporter
une certaine contribution en vue d’atteindre des objectifs déterminés, notamment la recherche ou l’exploration de ressources
naturelles (articles 1er et 2 du décret-loi n° 231/81, du 28 juillet 1981).
- 5 –
- Deuxième, quatrième et cinquième considérants de la sixième directive.
- 6 –
- Article 17, paragraphe 2, de la sixième directive.
- 7 –
- Article 18, paragraphes 2 et 4, de la sixième directive.
- 8 –
- Article 17, paragraphe 5, de la sixième directive.
- 9 –
- Ordonnance de renvoi, p. 4 à 9, 14, 16 et 17.
- 10 –
- Ordonnance de renvoi, p. 15 et 16.
- 11 –
- Ordonnance de renvoi, p. 22.
- 12 –
- Ordonnance de renvoi, p. 17 et 18.
- 13 –
- Page 3, sous le titre «Question à trancher».
- 14 –
- Voir, à propos de placements financiers, arrêt du 11 juillet 1996, Régie dauphinoise (C-306/94, Rec. p. I-3695, point 14).
- 15 –
- Arrêts du 14 février 1985, Rompelman (268/83, Rec. p. 655, point 19), et du 21 septembre 1988, Commission/France (50/87, Rec.
p. 4797, point 15).
- 16 –
- Arrêts du 22 juin 1993, Sofitam (C-333/91, Rec. p. I-3513, point 13), et du 14 novembre 2000, Floridienne et Berginvest (C-142/99,
Rec. p. I-9567, point 21).
- 17 –
- Arrêt du 4 décembre 1990, Van Tiem (C-186/89, Rec. p. I-4363, point 17).
- 18 –
- Arrêt du 6 février 1997, Harnas & Helm (C-80/95, Rec. p. I-745, point 12). Dans l’arrêt Régie dauphinoise, précité (point
17), la Cour en a déduit que les intérêts perçus par une entreprise de gestion d’immeubles en rémunération de placements,
effectués pour son propre compte, de fonds versés par les copropriétaires ou les locataires ne sauraient être exclus du champ
d’application de la TVA dès lors que le versement de ces intérêts ne résulte pas de la simple propriété du bien mais constitue
la contrepartie d’une mise à disposition d’un capital à un tiers.
- 19 –
- Voir, à propos de la simple acquisition et de la simple détention de parts sociales, arrêts du 20 juin 1991, Polysar Investments
Netherlands (C-60/90, Rec. p. I-3111, point 13), et Sofitam, précité (point 12). Dans l’arrêt du 20 juin 1996, Wellcome Trust (C-155/94,
Rec. p. I-3013, point 36), la Cour en a tiré la conséquence selon laquelle la gestion par un trust caritatif du patrimoine
qu’il détient et consistant essentiellement dans l’acquisition et la cession d’actions et d’autres titres en vue de maximiser
les dividendes ou les rendements du capital, aux fins d’encourager la recherche médicale, ne constitue pas une activité économique.
Dans l’arrêt Harnas & Helm, précité (points 18 et 19), elle a indiqué qu’il n’existait aucune raison de traiter différemment
la détention d’obligations et de participations dès lors que les revenus tirés des obligations découlent de la simple détention
de celles-ci.
- 20 –
- Point 27.
- 21 –
- Arrêt Floridienne et Berginvest, précité (point 28).
- 22 –
- Dans l’arrêt du 26 septembre 1996, Enkler (C-230/94, Rec. p. I-4517, points 28 et 29), la Cour a jugé que, lorsqu’un bien
peut, par sa nature, faire l’objet d’une utilisation à des fins tant économiques que privées, il convient d’analyser l’ensemble
des conditions dans lesquelles l’intéressé exploite le bien et de les comparer, éventuellement, avec celles dans lesquelles
s’exerce habituellement l’activité économique correspondante. Elle a ajouté que des critères relatifs aux résultats de l’activité
concernée ne sauraient, en eux-mêmes, constituer un critère déterminant mais que peuvent être pris en considération la durée
effective de la location du bien, l’importance de la clientèle et le montant des recettes.
- 23 –
- Voir, à cet égard, les conclusions de l’avocat général Fennelly dans l’affaire Floridienne et Berginvest, précitée (point
34).
- 24 –
- Arrêt Floridienne et Berginvest, précité (point 27).
- 25 –
- Point 18.
- 26 –
- 19 509 803 PTE en 1988, 33 224 443 PTE en 1989, 43 603 040 PTE en 1990 et 157 066 829 PTE en 1991 (ordonnance de renvoi, p. 22).
- 27 –
- Voir, en ce sens, arrêt Wellcome Trust, précité (point 37). Dans cet arrêt, la Cour a indiqué que l’ampleur d’une vente d’actions
ne saurait constituer un critère de distinction entre les activités d’un investisseur privé, qui se situent en dehors du champ
d’application de la sixième directive, et celles d’un investisseur dont les opérations constituent une activité économique.
- 28 –
- En ce qui concerne l’origine des fonds, dans l’arrêt Floridienne et Berginvest, précité (point 30), la Cour a considéré qu’un
simple réinvestissement, par un holding, sous forme de prêts accordés à ses filiales, des dividendes qu’il perçoit de celles-ci
ne constitue en aucun cas une activité taxable. Les intérêts sur de tels prêts doivent, au contraire, être considérés comme
les fruits de la simple propriété du bien et sont, dès lors, étrangers au système de la déduction.
- 29 –
- Voir point 16 des présentes conclusions.
- 30 –
- Page 22.
- 31 –
- Point 41 de ses observations.
- 32 –
- Voir point 22 de l’arrêt Régie dauphinoise, précité. Après avoir rappelé que la perception des intérêts produits par les placements
en question constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable des entreprises de gestion d’immeubles,
la Cour indique: «De tels placements ne sauraient dès lors être qualifiés d’opérations accessoires au sens de l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive». La Cour a réaffirmé
cette position dans l’arrêt Floridienne et Berginvest, précité, au point 27, en indiquant que les prêts en cause sont soumis
à la TVA s’ils constituent soit une activité économique de l’opérateur, soit le prolongement direct, permanent et nécessaire
d’une activité taxable sans toutefois être accessoire à celle-ci. Ce membre de phrase, souligné par nous, n’introduit pas une condition supplémentaire, comme sa formulation pourrait, à première
vue, le laisser penser. En effet, admettre que la Cour ait voulu ajouter une condition supplémentaire à ce stade du raisonnement
serait illogique au regard des étapes successives de l’analyse selon laquelle il faut d’abord déterminer si une opération
entre dans le champ d’application de la sixième directive avant d’apprécier s’il s’agit ou non d’une opération accessoire.
- 33 –
- Selon l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la base d’imposition correspond à tout ce qui constitue
la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur de biens ou le prestataire de services, de la part de l’acheteur,
du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions liées au prix de ces opérations.
- 34 –
- Arrêt du 5 février 1981, Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats (154/80, Rec. p. 445, point 13).
- 35 –
- Arrêt du 23 novembre 1988, Naturally Yours Cosmetics (230/87, Rec. p. 6365, points 17 et 18).
- 36 –
- Voir point 18 des présentes conclusions.
- 37 –
- Page 22.
- 38 –
- 482 431 400 PTE, 301 040 000 PTE, 624 452 PTE et 314 840 PTE de 1988 à 1991.
- 39 –
- Les ventes d’autres titres négociables ont rapporté 27 849 624,70 PTE, 112 169 959,10 PTE, 311 100 000 PTE et 927 430 231,70 PTE
de 1988 à 1991 et les autres opérations de trésorerie 11 171 205 PTE, 212 227 393,30 PTE et 208 359 328,20 PTE, de 1989 à
1991.
- 40 –
- Voir, en ce sens, les conclusions de l’avocat général Van Gerven dans l’affaire Polysar Investments Netherlands, précitée
(point 12).
- 41 –
- Arrêt du 14 juin 2001, Kvaerner (C-191/99, Rec. p. I-4447, point 30).
- 42 –
- Voir Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, Paris, éd. Dictionnaires Le Robert, 1996.
- 43 –
- Voir Hachette, Dictionnaire de la langue française, Paris, éd. Hachette, 1980.
- 44 –
- Cette interprétation littérale correspond aux termes employés dans plusieurs autres versions linguistiques. Voir, à cet égard,
les conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Régie dauphinoise, précitée (point 38).
- 45 –
- Idem.
- 46 –
- Voir, en ce sens, mémorandum explicatif sur la première proposition de la sixième directive de la Commission, Bulletin des Communautés européennes, supplément 11/73, p. 20.
- 47 –
- Cet article prévoit que «[l]es États membres accordent également à tout autre assujetti la déduction ou le remboursement de
la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins
[...] de ses opérations exonérées conformément à l’article 13, sous B sous a) et sous d) points 1 à 5, lorsque le preneur
est établi en dehors de la Communauté ou lorsque ces opérations sont directement liées à des biens qui sont destinés à être
exportés vers un pays en dehors de la Communauté.»
- 48 –
- Arrêt Régie dauphinoise, précité (point 21).
- 49 –
- Les recettes tirées par EDM de ses activités taxées se sont élevées, de 1988 à 1991, à, respectivement, 82 079 528 PTE, 72 836 992 PTE,
22 597 883 PTE et 73 019 855 PTE. Rappelons, pour mémoire, que les opérations financières réalisées par EDM, non compris les
intérêts des prêts accordés à ses filiales, ont produit au cours de ces mêmes années 510 281 024,70 PTE, 424 381 164,10 PTE,
523 961 845,30 PTE et 1 136 104 399,90 PTE.
- 50 –
- Point 37.