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Document 62000CO0345

    Ordonnance de la Cour (cinquième chambre) du 10 mai 2001.
    Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB), Syndicat européen des transformateurs et disributeurs de produits de l'agriculture biologique (Setrab) et Est Distribution Biogam SARL contre Conseil de l'Union européenne.
    Pourvoi - Règlement (CE) nº 1804/1999 - Interdiction d'utiliser des indications suggérant un mode de production biologique dans l'étiquetage et la publicité de produits qui n'ont pas été obtenus suivant ce mode de production - Dérogation temporaire en faveur de marques existantes - Recours en annulation - Irrecevabilité - Pourvoi manifestement non fondé.
    Affaire C-345/00 P.

    Recueil de jurisprudence 2001 I-03811

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2001:270

    62000O0345

    Ordonnance de la Cour (cinquième chambre) du 10 mai 2001. - Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB), Syndicat européen des transformateurs et disributeurs de produits de l'agriculture biologique (Setrab) et Est Distribution Biogam SARL contre Conseil de l'Union européenne. - Pourvoi - Règlement (CE) nº 1804/1999 - Interdiction d'utiliser des indications suggérant un mode de production biologique dans l'étiquetage et la publicité de produits qui n'ont pas été obtenus suivant ce mode de production - Dérogation temporaire en faveur de marques existantes - Recours en annulation - Irrecevabilité - Pourvoi manifestement non fondé. - Affaire C-345/00 P.

    Recueil de jurisprudence 2001 page I-03811


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    1. Pourvoi - Moyens - Recevabilité - Conditions - Présentation d'arguments soulevés également devant le Tribunal - Absence d'incidence

    (Art. 225 CE; statut CE de la Cour de justice, art. 51, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, c))

    2. Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Fin de non-recevoir d'ordre public - Gravité du manquement de l'institution concernée - Absence d'incidence - Violation de l'équilibre institutionnel - Absence d'incidence

    (Art. 230, al. 4, CE)

    Sommaire


    1. Il résulte de l'article 225 CE, de l'article 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'ordonnance dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l'erreur de droit dont serait entachée l'ordonnance attaquée, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal.

    Un pourvoi peut cependant s'appuyer sur une argumentation déjà présentée en première instance afin de démontrer que le Tribunal a violé le droit communautaire en rejetant les moyens et les arguments que la partie requérante lui avait présentés, en sorte que les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d'un pourvoi, dès lors que la partie requérante conteste l'interprétation ou l'application du droit communautaire faite par le Tribunal.

    ( voir points 30-31 )

    2. Le critère qui subordonne la recevabilité d'un recours introduit par une personne physique ou morale contre une décision d'une institution communautaire dont elle n'est pas le destinataire à la condition qu'elle soit directement et individuellement concernée par cette décision, fixé à l'article 230, quatrième alinéa, CE, constitue une fin de non-recevoir d'ordre public que les juridictions communautaires peuvent à tout moment examiner, même d'office. La gravité du prétendu manquement de l'institution concernée ou l'importance de l'atteinte qui en découlerait quant au respect des droits fondamentaux ne permettraient pas, en tout état de cause, d'écarter l'application des critères de recevabilité fixés expressément par le traité.

    Par ailleurs, si l'équilibre des pouvoirs, caractéristique de la structure institutionnelle de la Communauté, constitue une garantie fondamentale accordée par le traité, notamment aux entreprises et aux associations d'entreprises auxquelles il s'applique, cette constatation ne saurait être interprétée comme ouvrant une voie de droit à toute personne physique ou morale qui considère qu'un acte d'une institution communautaire a été adopté en contradiction avec le principe de l'équilibre institutionnel, indépendamment de la question de savoir si cette personne est directement et individuellement concernée par l'acte en cause.

    ( voir points 39-41 )

    Parties


    Dans l'affaire C-345/00 P,

    Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB), ayant son siège à Paris (France),

    Syndicat européen des transformateurs et distributeurs de produits de l'agriculture biologique (Setrab), ayant son siège à Paris,

    Est Distribution Biogam SARL, établie à Château-Salins (France),

    représentés par Me D. Leermakers, avocat, et Mme C. Hatton, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg,

    parties requérantes,

    ayant pour objet un pourvoi formé contre l'ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 11 juillet 2000, Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France e.a./Conseil (T-268/99, Rec. p. II-2893), et tendant à l'annulation de cette ordonnance,

    l'autre partie à la procédure étant:

    Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. F. Anton et J. Monteiro, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de MM. A. La Pergola, président de chambre, M. Wathelet, D. A. O. Edward (rapporteur), S. von Bahr et C. W. A. Timmermans, juges,

    avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

    greffier: M. R. Grass,

    l'avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    Motifs de l'arrêt


    1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 septembre 2000, la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (ci-après la «FNAB»), le Syndicat européen des transformateurs et distributeurs de produits de l'agriculture biologique (ci-après le «Setrab») et Est Distribution Biogam SARL (ci-après «Biogam») ont, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'ordonnance du Tribunal de première instance du 11 juillet 2000, Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France e.a./Conseil (T-268/99, Rec. p. II-2893, ci-après l'«ordonnance attaquée»), par laquelle le Tribunal a rejeté comme irrecevable leur recours tendant à l'annulation partielle du règlement (CE) n° 1804/1999 du Conseil, du 19 juillet 1999, modifiant, pour y inclure les productions animales, le règlement (CEE) n° 2092/91 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires (JO L 222, p. 1).

    Le cadre réglementaire

    2 Le règlement (CEE) n° 2092/91 du Conseil, du 24 juin 1991, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires (JO L 198, p. 1), interdit de faire référence au mode de production biologique dans l'étiquetage ou la publicité de produits agricoles et de denrées alimentaires qui n'ont pas été obtenus en conformité avec les règles de production prévues par ledit règlement.

    3 Les indications figurant dans l'étiquetage, le matériel publicitaire ou les documents commerciaux, que le consommateur considère comme une référence au mode de production biologique, sont réservées par le règlement n° 2092/91 aux produits obtenus conformément audit règlement.

    4 Dans sa version initiale, le règlement n° 2092/91 s'appliquait uniquement aux produits végétaux ou d'origine végétale. Son champ d'application a depuis été étendu par le règlement n° 1804/1999. Le règlement n° 2092/91, modifié, s'applique désormais aux productions d'origines végétale et animale.

    5 L'article 2 du règlement n° 2092/91, modifié, dispose:

    «Aux fins du présent règlement, un produit est considéré comme portant des indications se référant au mode de production biologique lorsque, dans l'étiquetage, la publicité ou les documents commerciaux, le produit, ses ingrédients ou les matières premières pour aliments des animaux sont caractérisés par les indications en usage dans chaque État membre, suggérant à l'acheteur que le produit, ses ingrédients ou les matières premières pour aliments des animaux ont été obtenus selon les règles de production énoncées à l'article 6, et en particulier par les termes ci-après ou leurs dérivés usuels (tels bio, éco, etc.) ou des diminutifs, seuls ou combinés, à moins que ces termes ne s'appliquent pas aux produits agricoles contenus dans les denrées alimentaires ou les aliments des animaux ou ne présentent de toute évidence aucun rapport avec le mode de production:

    [...]

    - en français: biologique

    [...]»

    6 Ainsi qu'il ressort du vingt-septième considérant du règlement n° 1804/1999, le Conseil a considéré qu'il fallait prévoir une période transitoire «pour permettre aux détenteurs de marques d'adapter leur production aux exigences de l'agriculture biologique».

    7 C'est pourquoi l'article 1er, point 7, du règlement n° 1804/1999 (ci-après la «disposition litigieuse»), dispose:

    «À l'article 5 [du règlement n° 2092/91], le paragraphe suivant est inséré:

    3 bis) Par dérogation aux paragraphes 1 à 3, les marques qui portent une indication visée à l'article 2 peuvent continuer à être utilisées jusqu'au 1er juillet 2006 dans l'étiquetage et la publicité des produits qui ne satisfont pas au présent règlement à condition:

    - que l'enregistrement de la marque ait été demandé avant le 22 juillet 1991 - et, en Finlande, en Autriche et en Suède, avant le 1er janvier 1995 - et qu'elle soit conforme à la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques

    et

    - que la marque soit toujours accompagnée d'une mention claire, visible et facilement lisible indiquant que les produits ne sont pas produits selon le mode de production biologique prescrit dans le présent règlement.»

    La procédure devant le Tribunal

    8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 1999, les requérants ont, en vertu de l'article 230, quatrième alinéa, CE, introduit un recours tendant, en substance, à l'annulation de la dérogation prévue par la disposition litigieuse.

    9 À l'appui de leur recours, les requérants ont soutenu que, par l'effet de la disposition litigieuse, des produits dénommés «bio» bien qu'ils ne soient pas issus de l'agriculture biologique deviennent substituables, aux yeux des consommateurs, aux véritables produits biologiques. La disposition litigieuse permettrait ainsi de capter la clientèle des produits biologiques.

    10 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 21 janvier 2000, le Conseil a, en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, soulevé l'irrecevabilité du recours. Les requérants ont déposé leurs observations sur l'exception d'irrecevabilité le 3 avril 2000.

    11 Par l'ordonnance attaquée, le Tribunal a accueilli l'exception d'irrecevabilité, en sorte qu'il a rejeté le recours comme irrecevable.

    L'ordonnance attaquée

    12 Tout d'abord, après avoir rappelé, au point 32 de l'ordonnance attaquée, que, selon une jurisprudence constante, l'article 230, quatrième alinéa, CE confère aux particuliers le droit d'attaquer toute décision qui, bien que prise sous l'apparence d'un règlement, les concerne directement et individuellement et que le critère de distinction entre le règlement et la décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l'acte en question, le Tribunal a constaté, au point 34 de l'ordonnance attaquée, que le règlement n° 1804/1999 contenait des règles de portée générale s'appliquant à l'ensemble des opérateurs économiques intéressés, concernant, notamment, les produits d'origine animale obtenus selon un mode de production biologique.

    13 Le Tribunal en a conclu, au point 35 de l'ordonnance attaquée, que ledit règlement revêtait, par sa portée générale, un caractère normatif et ne constituait pas une décision au sens de l'article 249 CE.

    14 S'agissant de l'argument des requérants selon lequel la disposition litigieuse constituerait une décision individuelle dès lors qu'une seule entreprise bénéficierait de la dérogation contenue dans cette disposition, le Tribunal a rappelé, au point 37 de l'ordonnance attaquée, que la disposition litigieuse contient une dérogation temporaire au principe selon lequel seuls peuvent porter des indications se référant à un mode de production biologique les produits obtenus selon les règles prévues par le règlement n° 2092/91, modifié. Au vu de l'étendue et des conditions de mise en oeuvre de cette dérogation, le Tribunal a constaté, au point 38 de l'ordonnance attaquée, qu'elle s'appliquait à des situations déterminées objectivement et comportait des effets juridiques à l'égard d'une catégorie de détenteurs de marques envisagée de manière générale et abstraite. Il en a conclu que la dérogation temporaire en cause devait être considérée comme faisant partie intégrante des dispositions d'ensemble qui la contiennent et qu'elle participait du caractère général de celles-ci.

    15 Quant à l'argument des requérants selon lequel seule la société Danone bénéficierait de la dérogation contenue dans la disposition litigieuse, le Tribunal a rappelé, au point 39 de l'ordonnance attaquée, que la nature normative d'un acte n'est pas mise en cause par la possibilité de déterminer l'identité des sujets de droit auxquels il s'applique, tant qu'il est constant que cette application s'effectue en vertu d'une situation objective de droit ou de fait, définie par l'acte en relation avec la finalité de ce dernier. Il a, en outre, écarté cet argument comme inexact en fait.

    16 Le Tribunal a ensuite examiné si, malgré la portée générale de la disposition litigieuse, les requérants pouvaient néanmoins être considérés comme directement et individuellement concernés par celle-ci. À cet égard, il a constaté, au point 45 de l'ordonnance attaquée, que les requérants n'avaient pas démontré que Biogam et les membres de la FNAB et du Setrab étaient atteints par la disposition litigieuse en raison de certaines qualités qui leur étaient particulières ou d'une situation de fait qui les caractérisaient par rapport à toute autre personne.

    17 Constatant que la société Danone vendait déjà des yaourts sous la marque «Bio» avant l'adoption du règlement n° 1804/1999, de sorte que la disposition litigieuse ne faisait que maintenir cette situation préexistante jusqu'au 1er juillet 2006 au plus tard, et que ladite disposition prévoit que «la marque [doit] toujours [être] accompagnée d'une mention claire, visible et facilement lisible indiquant que les produits ne sont pas produits selon le mode de production biologique prescrit dans le [règlement n° 2092/91]», le Tribunal a réfuté, aux points 47 et 48 de l'ordonnance attaquée, l'argument des requérants selon lequel la disposition litigieuse affaiblissait leur position concurrentielle ou celle de leurs membres.

    18 Le Tribunal a ajouté, au point 49 de l'ordonnance attaquée, que, même si la disposition litigieuse avait affecté considérablement la position concurrentielle des requérants ou de leurs membres, cette circonstance n'aurait pas été de nature à les caractériser par rapport à tout autre opérateur actif sur le marché des produits biologiques dans la mesure où la disposition litigieuse ne concernait Biogam et les membres de la FNAB et du Setrab qu'en raison de leur qualité objective d'opérateur économique actif sur ce marché, au même titre que tous les autres opérateurs communautaires actifs sur celui-ci.

    19 Enfin, le Tribunal a rejeté, aux points 53 à 56 de l'ordonnance attaquée, l'argument des requérants selon lequel la FNAB était individuellement concernée en raison du fait que sa position de négociatrice aurait été affectée par la disposition litigieuse. À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 55, que le règlement n° 1804/1999 a été négocié et adopté par le Conseil sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social. Même si la FNAB a communiqué des rapports aux instances communautaires et françaises au cours de la procédure qui a conduit à l'adoption de ce règlement, seules les instances communautaires précitées peuvent, selon le Tribunal, être considérées comme étant intervenues dans cette procédure.

    Le pourvoi

    20 Par leur pourvoi, les requérants concluent qu'il plaise à la Cour:

    - annuler l'ordonnance attaquée;

    - déclarer les requérants recevables à agir en annulation partielle du règlement n° 1804/1999;

    - leur accorder le bénéfice de leurs précédentes écritures;

    - condamner le Conseil aux dépens tant de la procédure de première instance que du pourvoi.

    21 À l'appui de leur pourvoi, les requérants font valoir, d'une part, que le Tribunal aurait dû retenir d'office le moyen tiré de la violation par le Conseil d'une forme substantielle et, d'autre part, que la disposition litigieuse est une décision qui les concerne individuellement au sens de la jurisprudence de la Cour.

    22 Premièrement, les requérants soutiennent que la violation des formes substantielles applicables lors de l'adoption du règlement n° 1804/1999 est suffisante pour entraîner la nullité de la disposition litigieuse. Ils affirment que le Conseil a adopté ladite disposition sans consulter à nouveau le Parlement, ce qui rendrait ce règlement invalide.

    23 Tout en admettant qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que celle-ci examine la question de la recevabilité préalablement à la recherche d'une éventuelle violation d'une forme substantielle, les requérants estiment que la gravité de l'atteinte portée par le Conseil au fonctionnement démocratique des institutions, alors que l'évolution politique actuelle de la Communauté consacre une place primordiale au développement de la notion de citoyenneté européenne et à la démocratisation des institutions, conduit à la nécessité de réparer en premier lieu cette atteinte. Par conséquent, le Tribunal aurait dû soulever d'office, et indépendamment de l'examen de la recevabilité de leur recours, le moyen tiré de la violation par le Conseil d'une forme substantielle, comme l'aurait fait la Cour de cassation (France) dans une affaire en matière pénale où des droits fondamentaux étaient en cause.

    24 Deuxièmement, les requérants font valoir que le Tribunal a méconnu la nature de décision, au sens de l'article 249 CE, de la disposition litigieuse. Selon eux, les conditions dans lesquelles la disposition litigieuse a été adoptée démontrent que le Conseil a voulu protéger les intérêts individuels d'un unique opérateur économique déterminé, à savoir la société Danone. Les requérants soutiennent, en outre, que le Tribunal a violé l'article 230 CE en considérant qu'ils n'étaient pas individuellement concernés par la disposition litigieuse.

    25 Le Conseil demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme manifestement irrecevable ou, subsidiairement, comme manifestement non fondé au sens de l'article 119 du règlement de procédure et de condamner les requérants aux dépens. Selon lui, hormis le moyen tiré du refus de soulever d'office la violation alléguée d'une forme substantielle, les requérants se bornent à répéter les moyens et les arguments présentés devant le Tribunal.

    26 Par actes déposés au greffe de la Cour, respectivement, le 22 décembre 2000 pour CLESA SA et Danone SA, sociétés de droit espagnol, et le 28 décembre 2000 pour Compagnie Gervais Danone SA, société de droit français, ces sociétés ont demandé à intervenir à l'appui des conclusions du Conseil.

    Appréciation de la Cour

    27 En vertu de l'article 119 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, le rejeter par voie d'ordonnance motivée.

    Sur la recevabilité

    28 Il résulte des articles 225 CE et 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice que le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l'incompétence du Tribunal, d'irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par ce dernier (voir, notamment, arrêt du 16 mars 2000, Parlement/Bieber, C-284/98 P, Rec. p. I-1527, point 30).

    29 Quant à l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, il précise que le pourvoi doit contenir les moyens et les arguments invoqués.

    30 Il en résulte qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'ordonnance dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l'erreur de droit dont serait entachée l'ordonnance attaquée, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, points 34 et 35).

    31 Un pourvoi peut cependant s'appuyer sur une argumentation déjà présentée en première instance afin de démontrer que le Tribunal a violé le droit communautaire en rejetant les moyens et les arguments que la partie requérante lui avait présentés (arrêt du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C-82/98 P, Rec. p. I-3855, point 23), en sorte que les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d'un pourvoi, dès lors que la partie requérante conteste l'interprétation ou l'application du droit communautaire faite par le Tribunal (arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C-210/98 P, Rec. p. I-5843, point 43).

    32 En l'espèce, il ressort de la requête déposée devant la Cour que le présent pourvoi ne constitue pas une simple reproduction textuelle des moyens et des arguments présentés en première instance et que les requérants ont indiqué de façon précise les éléments critiqués de l'ordonnance dont ils demandent l'annulation ainsi que les arguments sur le fondement desquels ils estiment que l'appréciation juridique du Tribunal est erronée.

    33 Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen d'irrecevabilité soulevé par le Conseil et d'examiner le bien-fondé du pourvoi.

    Sur le fond

    34 Aux termes de l'article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement, la concernent directement et individuellement.

    Sur le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal de l'obligation de soulever d'office la violation des formes substantielles

    35 Les requérants soutiennent qu'ils sont recevables à agir en annulation d'un acte qui porte atteinte au droit fondamental que garantit le principe de la démocratie, indépendamment de la question de savoir s'ils sont directement et individuellement concernés par la disposition litigieuse.

    36 Le Conseil objecte que, si chacun des citoyens des quinze États membres pouvait, sans aucune condition, demander l'annulation d'un acte de nature normative au juge communautaire, le Tribunal et la Cour seraient submergés de recours et ne seraient plus en mesure d'exercer leur mission de contrôle de la légalité.

    37 Les requérants répliquent qu'ils ne soutiennent pas qu'aucune condition de recevabilité n'est exigée dans de telles situations. En effet, la condition de recevabilité serait celle de la gravité exceptionnelle du manquement du Conseil et de l'atteinte particulièrement importante qui en découle quant au respect des droits fondamentaux des particuliers.

    38 Il convient de constater d'abord qu'il n'existe aucun indice, que ce soit dans le traité ou dans la jurisprudence de la Cour, corroborant cette argumentation.

    39 Le critère qui subordonne la recevabilité d'un recours introduit par une personne physique ou morale contre une décision dont elle n'est pas le destinataire à la condition qu'elle soit directement et individuellement concernée par cette décision, fixé à l'article 230, quatrième alinéa, CE, constitue une fin de non-recevoir d'ordre public que les juridictions communautaires peuvent à tout moment examiner, même d'office (voir arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, point 23).

    40 La gravité du prétendu manquement de l'institution concernée ou l'importance de l'atteinte qui en découlerait quant au respect des droits fondamentaux ne permettraient pas, en tout état de cause, d'écarter l'application des critères de recevabilité fixés expressément par le traité.

    41 Ensuite, si, comme l'ont rappelé les requérants, la Cour a souligné, dans l'arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, Rec. p. 9, 44), que l'équilibre des pouvoirs, caractéristique de la structure institutionnelle de la Communauté, constitue une garantie fondamentale accordée par le traité, notamment aux entreprises et aux associations d'entreprises auxquelles il s'applique, cette constatation ne saurait être interprétée comme ouvrant une voie de droit à toute personne physique ou morale qui considère qu'un acte d'une institution communautaire a été adopté en contradiction avec le principe de l'équilibre institutionnel, indépendamment de la question de savoir si cette personne est directement et individuellement concernée par l'acte en cause.

    42 Enfin, c'est à tort que les requérants prétendent se fonder sur l'arrêt du 22 mai 1990, Parlement/Conseil (C-70/88, Rec. p. I-2041), pour démontrer que leur recours doit être déclaré recevable indépendamment de la question de savoir s'ils sont directement et individuellement concernés par le règlement n° 1804/1999. En effet, cet arrêt est fondé sur le besoin d'assurer le maintien de l'équilibre institutionnel et le contrôle juridictionnel du respect des prérogatives du Parlement. Il est donc sans pertinence pour l'examen de la recevabilité d'un recours introduit par une personne physique ou morale.

    43 Le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal de l'obligation de soulever d'office la violation des formes substantielles est donc manifestement non fondé.

    Sur le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal de la nature de décision, au sens de l'article 249 CE, de la disposition litigieuse

    44 Par ce moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a mal apprécié la nature de la disposition litigieuse. Ils soutiennent que ladite disposition n'est pas de nature normative, mais qu'elle est une décision individuelle visant à favoriser les intérêts de la société Danone.

    45 À cet égard, il suffit de constater que le Tribunal a correctement appliqué la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle le critère de distinction entre un règlement et une décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l'acte en question (voir, notamment, ordonnance du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10/95 P, Rec. p. I-4149, point 28) et que la portée générale et, partant, la nature normative d'un acte ne sont pas mises en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l'identité des sujets de droit auxquels il s'applique à un moment donné, tant qu'il est constant que cette application s'effectue en vertu d'une situation objective de droit ou de fait définie par l'acte en relation avec la finalité de ce dernier (voir, notamment, ordonnance du 26 octobre 2000, Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, C-447/98 P, Rec. p. I-9097, point 64).

    46 Le Tribunal n'a donc commis aucune erreur de droit en constatant que la disposition litigieuse participe de la nature réglementaire des autres dispositions du règlement n° 1804/1999.

    47 Le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal de la nature de décision, au sens de l'article 249 CE, de la disposition litigieuse doit donc également être rejeté comme manifestement non fondé.

    Sur le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal de ce que les requérants sont individuellement concernés par la disposition litigieuse

    48 Par ce moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a méconnu qu'ils étaient individuellement concernés par la disposition litigieuse.

    49 À cet égard, il suffit de constater que le Tribunal a correctement appliqué la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle une personne physique ou morale ne saurait prétendre être concernée individuellement que si la disposition en cause l'atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (voir, notamment, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 20, et ordonnance Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, précitée, point 65).

    50 En l'occurrence, la disposition litigieuse ne concerne Biogam et les membres de la FNAB et du Setrab qu'en raison de leur qualité objective d'opérateur économique actif sur le marché des produits biologiques, au même titre que tous les autres opérateurs communautaires actifs sur ce marché.

    51 Le Tribunal n'a donc commis aucune erreur de droit en constatant que les requérants ne sont pas individuellement concernés par ce règlement.

    52 Le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal de ce que les requérants sont individuellement concernés par la disposition litigieuse doit donc également être rejeté comme manifestement non fondé.

    53 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté comme manifestement non fondé en application de l'article 119 du règlement de procédure, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les demandes d'intervention introduites par CLESA SA, Danone SA et Compagnie Gervais Danone SA.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    54 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation des requérants et ceux-ci ayant succombé en leur pourvoi, il y a lieu de les condamner aux dépens.

    55 Conformément à l'article 69, paragraphe 6, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, en cas de non-lieu à statuer, la Cour règle librement les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, CLESA SA, Danone SA et Compagnie Gervais Danone SA, demanderesses en intervention, supporteront leur propres dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR (cinquième chambre)

    ordonne:

    1) Le pourvoi est rejeté.

    2) Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention.

    3) La Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB), le Syndicat européen des transformateurs et distributeurs de produits de l'agriculture biologique (Setrab) et Est Distribution Biogam SARL sont condamnés aux dépens.

    4) CLESA SA, Danone SA et Compagnie Gervais Danone SA supporteront leurs propres dépens.

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