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Document 52017AE5265

Avis du Comité économique et social européen sur «L’avenir du travail — L’acquisition des connaissances et compétences nécessaires pour répondre aux besoins des futurs emplois» (avis exploratoire à la demande de la présidence bulgare)

EESC 2017/05265

OJ C 237, 6.7.2018, p. 8–18 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

6.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 237/8


Avis du Comité économique et social européen sur «L’avenir du travail — L’acquisition des connaissances et compétences nécessaires pour répondre aux besoins des futurs emplois»

(avis exploratoire à la demande de la présidence bulgare)

(2018/C 237/02)

Rapporteure:

Mme Cinzia DEL RIO (IT/II)

Corapporteure:

Mme Milena ANGELOVA (BG/I)

Demande de la présidence bulgare du Conseil

Lettre du 5.9.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

23.2.2018

Adoption en session plénière

15.3.2018

Session plénière no

533

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

218/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’introduction progressive et très rapide de nouvelles technologies, la numérisation et la robotisation dans les entreprises, mais aussi dans le secteur public, ont un impact majeur sur les systèmes de production, les conditions de travail et les modèles d’organisation du marché du travail et de la société en général.

1.2.

La nouvelle révolution industrielle peut potentiellement améliorer la productivité ainsi que la qualité de la vie et du travail, à condition d’être dûment assortie d’une combinaison intelligente de politiques allant dans le sens d’une croissance inclusive et durable fondée sur l’innovation. L’impact sur les emplois sera significatif: de nouveaux métiers seront créés, certains seront transformés et d’autres seront rapidement remplacés. Une instruction de base de qualité ainsi qu’une formation de haut niveau et efficace, un apprentissage tout au long de la vie, un perfectionnement et une reconversion seront autant d’outils nécessaires pour saisir les opportunités d’emploi de demain et pour favoriser la compétitivité des entreprises.

1.3.

Afin de se préparer et de répondre à ces changements technologiques et numériques accélérés, le CESE demande, en tenant compte du principe de subsidiarité, à la Commission européenne et aux États membres de concevoir des politiques ciblées et de prendre des mesures concrètes afin d’améliorer et d’adapter comme il se doit leurs systèmes éducatifs et de formation, de mettre au point conjointement des stratégies nationales en matière de compétences, et de reconnaître le droit à une formation adaptée à tous les groupes d’âge et de travailleurs, et dans tous les secteurs, visant notamment à:

veiller tout d’abord à l’égalité d’accès de tous les citoyens européens à une éducation de la petite enfance de qualité;

établir de nouveaux critères communs en matière d’éducation et de formation afin de réduire les écarts entre les pays de l’Union et de renforcer la cohésion;

réorienter l’enseignement et la formation, et renforcer les systèmes de formation professionnelle afin d’assurer l’acquisition rapide des compétences nécessaires;

soutenir la négociation collective et le dialogue social, conformément aux mécanismes nationaux de concertation sociale, afin de pouvoir anticiper et adapter les compétences aux évolutions technologiques et numériques, ainsi que développer la formation en cours d’emploi;

encourager l’interaction entre les établissements d’enseignement et les entreprises;

lancer une offensive de qualification en vue d’étayer la numérisation croissante de nos marchés du travail;

élaborer de nouvelles dispositions, telles que des mesures d’incitation fondées sur les résultats, la mise en place de nouveaux mécanismes de suivi pour évaluer les résultats obtenus en ce qui concerne les bénéficiaires de la formation numérique et de la formation tout au long de la vie, l’échange des meilleures pratiques nationales — en matière d’accès et de participation à la formation ou de congés de formation par exemple — et l’extension du recueil de celles-ci au niveau de l’Union, afin que chacun puisse trouver sa place dans les programmes de formation, aussi bien les demandeurs d’emploi que les travailleurs, en accordant une attention toute particulière aux travailleurs peu qualifiés et aux travailleurs adultes;

Garantir à tous la possibilité d’accéder et de participer à l’apprentissage tout au long de la vie d’une manière qui, à la fois, améliore les performances de l’entreprise et le développement personnel et professionnel des travailleurs, et étende son champ d’application aux emplois atypiques (1); idéalement, il conviendrait d’examiner plus avant si ce droit à la formation individuelle devrait être transférable, ce qui signifie que les personnes devraient avoir la possibilité de le transférer lorsqu’elles changent d’employeur et de pays;

prendre des mesures afin de vérifier quelles dispositions sont nécessaires pour établir les droits à un congé de formation rémunéré et envisager l’adoption de mesures au niveau de l’UE pour faire en sorte que les bonnes pratiques en matière de normes minimales en ce qui concerne les droits à un congé de formation de certains États membres deviennent la norme (2);

mettre en place un système européen homogène d’évaluation et de validation de l’apprentissage non formel et informel;

investir au niveau européen avec des fonds spécifiques et ciblés pour accompagner la transition et soumettre leur allocation à de nouveaux critères fondés sur les résultats;

encourager les échanges d’emplois entre entreprises afin de soutenir les possibilités d’«échanges de cerveaux» et aussi créer des plateformes d’information et d’échange de bonnes pratiques.

1.4.

La complémentarité des compétences, non seulement des compétences numériques, mais aussi des compétences de base, techniques et non techniques, nécessitant des systèmes scolaires efficaces et des enseignants bien préparés est la clé des succès à venir. Cependant, dans les «nouvelles formes de travail», qui se caractérisent par l’intégration des processus de production matériels et des technologies numériques, il importe qu’une approche centrée sur la dimension humaine soit préservée.

1.5.

Enfin, le CESE demande à la Commission et aux États membres de veiller à ne pas laisser sur le bord de la route mais bien d’accompagner les personnes vulnérables qui ne seront pas en mesure de répondre aux changements et de satisfaire aux demandes croissantes de la nouvelle ère technologique.

2.   Introduction

2.1.

La numérisation, l’automatisation et les nouveaux modèles économiques, tels que l’industrie 4.0, l’économie circulaire et l’économie du partage ont donné naissance à de nouvelles formes de travail qui se caractérisent par l’intégration des processus de production matériels et des technologies numériques, exécutés à la fois hors ligne et en ligne, et qui exercent un impact significatif sur les processus de production des entreprises, les modèles d’organisation du marché du travail, les conditions de travail, la durée des contrats de travail, la couverture de la protection sociale et la relation de travail.

2.2.

Les nouvelles technologies et la numérisation peuvent permettre d’améliorer les conditions de vie personnelle et professionnelle, ainsi que l’équilibre qui existe entre elles, d’augmenter la productivité et de créer dans l’ensemble de meilleurs emplois, à condition d’accompagner les processus à l’œuvre d’une approche équitable de la transition et d’une combinaison intelligente des politiques, dans l’optique d’une croissance inclusive et durable fondée sur l’innovation. Certains emplois et domaines d’activité existants vont évoluer, certains métiers traditionnels disparaîtront et de nouvelles activités seront créées. Trois phénomènes peuvent être observés: la création, la transformation et le remplacement — avec des combinaisons et une intensité variables dans tous les secteurs (3).

2.3.

Le débat portant sur la question de savoir si ce nouveau contexte de travail entraînera des pertes ou des gains en matière d’emplois est actuellement en cours. Selon l’OCDE, les bouleversements de l’emploi et des modèles économiques seront importants dans certains secteurs (industrie manufacturière, transport, santé, hôtellerie, finances et éducation). 9 % des emplois risquent d’être déplacés, sachant que plus de 70 % des tâches qu’ils impliquent peuvent être automatisées. Il suffirait que la moitié des tâches concernées soient automatisées (4) pour que 25 % d’emplois supplémentaires soient transformés. Dans le même temps, la numérisation est susceptible de créer de nouveaux emplois non seulement en dehors du secteur de la production industrielle, mais également dans le secteur des services. L’issue du processus dépendra de la mise en place d’un programme politique intégré, de décisions publiques, ainsi que des politiques qui seront mises en œuvre pour relever les défis que posent les nouveaux processus de production et les nouveaux modèles commerciaux, en ce qui concerne notamment l’acquisition des compétences nécessaires pour les jeunes, et la formation, le perfectionnement et la reconversion professionnels des personnes à la recherche d’un emploi et de la main d’œuvre existante. La réponse à la question de savoir si la numérisation et les processus nouveaux évoqués précédemment permettront à terme d’augmenter le niveau d’emploi dépendra de la capacité des entreprises et des travailleurs européens à s’adapter aux évolutions technologiques, de la façon dont l’introduction et l’usage des technologies de même que les modifications des structures organisationnelles seront traitées conjointement par les partenaires sociaux, ainsi que de la manière dont la formation des travailleurs sera mise en œuvre. Elle dépendra aussi de la capacité de l’Union européenne et des États membres à créer un environnement politique et réglementaire favorable à la sauvegarde des intérêts des entreprises ainsi que de ceux des travailleurs (5). Le rôle et l’expertise des partenaires sociaux seront cruciaux dans ce processus, et le dialogue social ainsi que la négociation collective, menés conformément à la législation et aux pratiques nationales, auront un rôle clé à jouer.

2.4.

Le défi que posent les nouvelles formes de travail n’est plus lié à la nécessité «d’innover et de numériser», mais à celle de s’assurer que chacun bénéficie d’une éducation et d’une formation appropriées et de qualité élevée, qui soient conçues de manière à permettre aux travailleurs d’assimiler rapidement des connaissances, des compétences professionnelles et des savoir-faire nouveaux. La question est de savoir comment établir une complémentarité entre les robots et l’intelligence humaine, et comment concilier une approche centrée sur la personne humaine face à l’intelligence artificielle et l’introduction du numérique dans tous les secteurs économiques, y compris au fil des chaînes de valeur des entreprises (6).

2.5.

Par conséquent, il apparaît primordial de répondre à la question de savoir comment réorienter l’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie, d’une part, en tenant compte des besoins des employeurs et du marché de l’emploi, d’autre part, en progressant vers une employabilité meilleure et plus élevée, et ce, dans un environnement de marché du travail caractérisé par des changements rapides. Il convient enfin de s’interroger sur la manière d’adapter le contenu des parcours de formation et d’éducation dans l’optique du développement des compétences et de la requalification, notamment des travailleurs adultes. Il s’agit là d’un défi qui se pose aussi bien aux employeurs qu’aux employés, ce qui incite les uns et les autres, et aussi les institutions du marché du travail, à consacrer davantage d’efforts à la prévision, à la planification, au financement et à la stratégie.

2.6.

Le CESE souhaite inviter la Commission européenne et les États membres à s’attaquer au problème sérieux que constitue le nombre toujours plus important de personnes dénuées de la formation nécessaire et qui, partant, ne sont pas en mesure de suivre le rythme du changement et risquent donc d’être marginalisées.

3.   État des lieux

3.1.

La question des compétences — tant celles issues de l’éducation et de la formation initiales que celles développées dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie — a bénéficié dernièrement d’une attention considérable de la part des institutions européennes et des organisations internationales, et elle a été récemment examinée sous différents angles, dans un scénario de mutations rapides en cours dans le monde du travail. Dans le présent avis, seules les données issues de leurs tout derniers documents sont utilisées.

3.2.

Plusieurs desdits documents étudiés ci-après explorent la question de la productivité, et mettent l’accent sur deux des facteurs qui la conditionnent: les compétences et les nouveaux modèles d’organisation du travail. Tous s’accordent à dire que l’un des principaux défis que posera la quatrième révolution industrielle au marché du travail résidera dans la définition des nouvelles compétences dont les travailleurs ont besoin. Certaines suggestions et pratiques exemplaires utiles ont été récemment étudiées. Le CESE salue la campagne «e-Skills for Jobs» (compétences numériques pour l’emploi) de 2015-2016 et le «e-Skills Manifesto» (programme relatif aux compétences numériques) lancé alors par la Commission européenne. Il recommande les dix principes essentiels qui sont considérés comme de bonnes orientations pour les futures politiques numériques (7), et il rappelle les conclusions de ses avis (8) récents en la matière. La nouvelle stratégie pour les compétences en Europe (9) a par ailleurs donné lieu à une révision du cadre des compétences clés de l’Union européenne et du «e-Skills Manifesto» de décembre 2016, et elle est assortie du réexamen et de la mise à jour des compétences numériques qui constituent des éléments importants au sein de ce processus. Le CESE se réjouit de l’adoption récente par la Commission européenne de deux initiatives importantes: la proposition de recommandation du Conseil sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie et la communication sur le plan d’action en matière d’éducation numérique (10). Il espère que les lignes directrices qu’elles contiennent seront mises en œuvre rapidement.

3.3.

Deux rapports récents de l’OCDE (11) mettent en évidence le lien entre inégalité salariale et usage de l’outil informatique, autrement dit, l’impact positif des mutations technologiques sur les salaires des travailleurs qualifiés — ce qui entraîne toutefois un creusement de l’écart salarial avec les travailleurs peu qualifiés –, en témoignent divers exemples d’exigences nouvelles en matière d’emploi et de compétences, et la demande croissante notamment pour les compétences dans le domaine des TIC plus spécifiquement spécialisées dans la programmation, ainsi que les compétences génériques et complémentaires dans le domaine des TIC. Le CESE juge également de manière positive le récent rapport de l’OCDE intitulé Key issues for digital transformation in the G20 (questions clés pour la transformation numérique dans le cadre du G20) pour son analyse globale des enjeux politiques et des recommandations formulées à cet égard (12), et tient à souligner l’importance de pratiques saines en matière de relations de travail pour la réussite des politiques adoptées au sein du G20 ainsi qu’au niveau de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle le CESE rappelle également les conclusions et recommandations de ses études et avis récents, en particulier ceux qui ciblent les effets de la numérisation sur les entreprises et les industries traditionnelles (13), la nécessité d’un changement dans les relations professionnelles (14), la question des conditions de travail des travailleurs atypiques (15), l’impact de l’économie «à la demande» (16), le rôle des gouvernements dans les mesures politiques et l’importance pour l’avenir de l’apprentissage tout au long de la vie (17). L’OCDE travaille à sa nouvelle stratégie pour l’emploi qui sera lancée l’an prochain, et qui comportera un chapitre consacré aux compétences et à la fracture numérique. Le CESE exprime plusieurs inquiétudes quant à l’absence d’une réelle valeur ajoutée, dans le texte à l’examen, pour ce qui est de l’élaboration de recommandations politiques adressées aux gouvernements. L’OCDE étant toutefois encore dans la phase préparatoire de sa stratégie pour l’emploi, le CESE suivra le débat dans le cadre de la stratégie sur les compétences, notamment dans la perspective du sommet de l’OCDE sur les compétences qui se tiendra en juin prochain, et invite la Commission à explorer de nouvelles initiatives communes.

3.4.

Le Forum économique mondial, tout en apportant son soutien à la quatrième révolution industrielle, met en garde contre le risque potentiel de voir, d’après certaines prévisions, quelque cinq millions d’emplois disparaître d’ici 2020 dans quinze grandes économies développées et émergentes, sans qu’aucune solution de substitution ne soit prévue à l’heure actuelle, et il soulève certains points de discussion en ce qui concerne la stabilité des compétences, l’écart entre les genres dans l’économie et les stratégies de travail (18).

3.5.

Lors du sommet social tripartite de mars 2016, les partenaires sociaux européens ont demandé à la Commission européenne de soutenir la transformation numérique des économies et des marchés du travail, et d’avoir la possibilité de collaborer avec elle pour garantir que les politiques du marché du travail et des compétences soient conçues à la fois pour les entreprises et les travailleurs (19).

3.6.

Le CESE soutient la résolution du Parlement européen du 16 février 2017, qui contient des recommandations adressées à la Commission sur la question des règles de droit civil sur la robotique (20), en particulier celles portant sur les principes éthiques (sûreté, santé et sécurité des personnes, liberté, respect de la vie privée, intégrité et dignité, autonomie et non-discrimination, protection des données à caractère personnel et transparence; ces recommandations font également valoir la nécessité de mettre à jour le cadre juridique de l’Union européenne en y intégrant des principes éthiques adaptés à la complexité des robots), ainsi qu’en matière d’éducation et d’emploi (l’appel lancé à la Commission pour qu’elle soutienne de manière significative le développement des compétences numériques dans tous les groupes d’âge et indépendamment des statuts professionnels); la nécessité d’encourager davantage de femmes à s’engager dans une carrière liée au numérique, d’entamer une analyse et un suivi plus étroits des tendances professionnelles à moyen et long terme, de mettre en évidence l’importance d’anticiper les changements sociétaux — notamment du point de vue de l’emploi et de la flexibilité des compétences; y figure enfin la demande d’une reconnaissance du potentiel immense de la robotique et de l’intelligence artificielle dans plusieurs domaines).

3.7.

La note d’information du Cedefop«Humains, machines, robots et compétences» (21) suggère qu’avant de formuler des conclusions sur l’avenir, il est important de comprendre les différentes manières dont la technologie transforme le monde du travail: substitution, création et transformation d’emplois. L’analyse par secteur des salariés adultes ayant fait l’expérience de changements technologiques au travail au cours de la période 2009-2014 — soit, globalement, 43 % des salariés adultes — est importante pour comprendre l’ampleur du défi actuel.

3.8.

Le CESE souhaiterait attirer à nouveau l’attention sur deux de ses récents avis (datant de juillet dernier) relatifs aux nouvelles formes de travail (22), où il insiste en particulier sur l’importance de la sécurité sociale pour ceux qui pratiquent de nouvelles formes de travail, comme les microtravailleurs (crowdworkers), ou sur les nouveaux types d’environnement de travail, la pertinence de l’apprentissage tout au long de la vie et les compétences nécessaires à l’avenir, le rôle fondamental des partenaires sociaux et de la négociation collective, conformément à la législation et aux pratiques nationales, et enfin le rôle de la société civile en général pour limiter les effets négatifs et renforcer les aspects positifs de ces mutations rapides.

3.9.

Le rapport d’Eurofound publié le mois dernier intitulé «Non-standard forms of employment: recent trends and future prospects» (23) (les formes d’emploi atypiques: tendances récentes et perspectives d’avenir) est important pour analyser les nouveaux modes de travail, mais aussi, et surtout, tirer le signal d’alarme sur les questions de la protection sociale, des revenus, du temps de travail et sur le flou qui entoure le statut des personnes exerçant dans le cadre de contrats atypiques: le CESE approuve les propositions d’Eurofound, et demande aux décideurs d’être attentifs à ces questions déjà évoquées par le CESE dans les documents susmentionnés.

4.   L’avenir c’est maintenant: a) actions et propositions

4.1.

Dans le nouveau contexte de travail en mutation rapide, il est difficile de définir de façon théorique les contours des nouvelles professions et des compétences qu’elles induisent. Habituellement, le marché du travail — souvent avec le concours des entreprises et des partenaires sociaux —, anticipe la définition de nouveaux profils professionnels en fonction de ses besoins. La négociation collective à tous les niveaux, conformément à la législation et aux pratiques nationales, et les mécanismes de participation des travailleurs au niveau de l’entreprise représentent des outils pertinents pour faire face à l’évolution des besoins en matière de compétences et de formation, ainsi que pour aider à anticiper ces changements et accroître l’innovation.

4.2.

En outre, le CESE souligne l’existence de nouvelles méthodes telles que l’analyse des mégadonnées, qui peuvent aider à obtenir des signaux rapides de l’évolution des besoins sur le marché du travail: ces techniques complètent les outils traditionnels de prévision et les autres instruments d’anticipation des compétences, et peuvent contribuer à mieux comprendre l’évolution rapide de la demande de compétences dans un contexte d’adoption rapide de technologies nouvelles.

4.3.

La prolifération de formes d’emploi atypiques dans le secteur de l’économie numérique souligne la nécessité de niveaux appropriés de réglementation, afin que la protection sociale et l’accès à la formation et à la qualification des compétences doivent également être garantis à tous, y compris aux travailleurs atypiques (24). Il convient d’examiner plus avant si un tel droit à la formation individuelle devrait être transférable, ce qui signifie que les personnes devraient avoir la possibilité de le transférer lorsqu’elles changent d’employeur et de pays.

4.4.

Le CESE estime qu’il est également essentiel d’améliorer la participation des travailleurs à la formation tout au long de la vie et d’établir, en collaboration avec les entreprises, le contenu de la formation en cours d’emploi, de manière à ce que les travailleurs et les entreprises en retirent des bénéfices. L’égalité d’accès des travailleurs à la formation à l’emploi ainsi qu’à la formation professionnelle continue devrait être garantie par un investissement dans différents programmes et outils. Le potentiel offert par les plateformes d’apprentissage numérique en ligne pourrait aussi être exploité. Leur utilisation devrait toutefois être approuvée par les partenaires sociaux et se faire dans le respect des dispositions relatives au temps de travail et du temps libre des travailleurs. Il importe de reconnaître que l’apprentissage tout au long de la vie peut être formel, non formel ou informel. Toutes les formes d’apprentissage peuvent être porteuses de valeur ajoutée si elles sont bien conçues par les acteurs concernés. La validation de l’apprentissage non formel et informel est importante pour renforcer les aptitudes et les compétences du travailleur concerné et lui permettre de s’en prévaloir.

4.5.

La participation des travailleurs à des programmes favorisant l’usage correct de la technologie dans l’entreprise est fondamentale. C’est elle qui permettra de garantir que ceux-ci disposent des outils et de la formation leur permettant de gérer la technologie propre à leur domaine, mais aussi de participer au processus d’innovation, ce qui contribuera, ce faisant, à la prise de conscience qui transformera leurs craintes du changement en opportunités de développement personnel et professionnel.

4.6.

Le CESE souligne qu’il importe de prendre des mesures concrètes pour aider les systèmes nationaux d’éducation et de formation à adapter leurs programmes le plus rapidement possible afin que les cursus d’enseignement et les systèmes de formation par le travail correspondent mieux aux besoins du marché du travail, et de veiller à ce que les systèmes de formation et d’éducation soient efficaces pour que tous puissent être concernés, y compris les travailleurs menacés d’exclusion du fait des nouvelles formes d’emploi dépendantes du numérique, telles que les personnes peu qualifiées, les personnes handicapées et les populations rurales, situées dans les zones où la pénétration du haut débit est beaucoup plus faible que dans les aires métropolitaines. Il est donc essentiel de simplifier les procédures administratives correspondantes dans les États membres où elles sont contraignantes. Pour atteindre ces objectifs, le CESE invite la Commission et les États membres à adopter, dans le cadre du processus du Semestre européen, des mesures concrètes, et notamment les suivantes: mettre en place de nouveaux mécanismes de suivi au niveau de l’Union afin de recueillir et d’évaluer les données collectées sur les résultats obtenus au niveau national en ce qui concerne les bénéficiaires de la formation numérique et de la formation tout au long de la vie; établir de nouveaux critères de référence afin de parvenir à de nouveaux niveaux communs d’éducation de base et à des référentiels de compétences numériques au niveau européen, et éviter ainsi que se creuse l’écart entre pays européens; renforcer les synergies entre pays par la participation à des réseaux d’infrastructures en ligne; fixer de nouveaux critères solides, fondés sur les résultats, pour l’allocation de financements ou d’incitations en vue d’améliorer la cohésion entre États membres sur le plan de leurs systèmes d’éducation et de formation.

4.7.

Le CESE exprime son inquiétude pour l’avenir des personnes peu qualifiées et, plus généralement, pour celui des groupes vulnérables en Europe. Il redoute que l’action proposée dans le cadre de la nouvelle stratégie en matière de compétences, intitulée «Parcours de renforcement des compétences», puisse ne pas suffire à résoudre le problème. Comme le Cedefop l’a montré récemment (25), la définition de ce large groupe, qui se compose d’un éventail de catégories différentes de personnes défavorisées, est complexe et mal comprise, et ce, alors même que les indicateurs sont inquiétants: par exemple, en 2015, un adulte européen sur quatre âgé de 25 à 64 ans (soit environ 64 millions d’adultes) ne possédait encore que de qualifications peu élevées, tandis que la part de la population adulte ayant de faibles capacités cognitives en lecture, écriture et calcul était respectivement de 18 % et 20 %. Les données du Cedefop ont montré que ce groupe était moins susceptible de participer à des activités de formation. L’étude ayant démontré que l’investissement dans les compétences portait ses fruits, le CESE attend de la Commission qu’elle agisse davantage pour que les groupes vulnérables, tels que les personnes vieillissantes aient la possibilité, et soient encouragées, à participer aux initiatives de formation pour adultes afin d’éviter qu’elles ne se marginalisent sur le marché du travail. Il convient également d’atteindre le groupe des travailleurs âgés de 55 à 64 ans, sachant qu’ils sont souvent les moins susceptibles de participer à la formation tout au long de la vie. Le CESE souligne en outre combien il importe d’adapter les machines et les logiciels de nouvelles technologies afin qu’ils puissent aussi être utilisés par les personnes handicapées.

4.8.

Il conviendrait également d’accorder une attention particulière à des mesures spécifiques à la dimension de genre qui seraient propres à combler les écarts numériques. Des différences persistantes entre les hommes et les femmes dans le domaine d’études peuvent avoir pour conséquence de désavantager les femmes face à de nouvelles possibilités d’emploi concernant des professions liées aux secteurs des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. Une plus grande flexibilité professionnelle peut accroître l’emploi des femmes mais aussi avoir un impact négatif sur la qualité de l’emploi occupé (26).

4.9.

Dans cette situation de changement rapide et continu, il est essentiel d’offrir à chacun des possibilités d’apprentissage nombreuses et variées qui puissent déboucher sur l’acquisition de compétences validées (utilisables) sur (pour) le marché du travail, en phase avec la dimension numérique du monde nouveau, tout en écartant le risque que quiconque se trouve exclu du marché du travail ou relégué à des formes de travail précaires. Les attentes des travailleurs et les besoins des marchés du travail devraient se traduire dans les dispositifs d’éducation et de formation disponibles, de sorte que les entreprises puissent prospérer et que chacun ait la possibilité de s’épanouir au travail — qu’il s’agisse d’un emploi nouveau ou existant —, en fonction de ses qualifications, de ses attentes et de ses compétences. La participation active des travailleurs aux programmes d’apprentissage tout au long de la vie et aux dispositifs de formation sur le lieu de travail est une condition sine qua non de la croissance et de la compétitivité des entreprises, de l’employabilité des travailleurs et de la garantie d’emplois de qualité.

4.10.

Le CESE souligne également l’importance d’accroître les possibilités d’accéder et de participer à l’apprentissage tout au long de la vie dans le but d’améliorer les performances des entreprises ainsi que le développement personnel et professionnel des travailleurs. Des mesures concrètes devraient être adoptées afin de garantir à tous, sur la base des besoins recensés, la possibilité d’accéder et de participer à l’apprentissage tout au long de la vie (27). Cet apprentissage devrait être fourni sur une base correcte en termes de partage des coûts et de gestion entre les pouvoirs publics, les employeurs et les travailleurs, et en collaboration avec les organismes publics et privés et les partenaires sociaux. Le CESE tient à préciser à cet égard qu’il convient de prendre des mesures afin de vérifier quelles dispositions sont nécessaires pour établir les droits à un congé de formation rémunéré et qu’il faudrait envisager l’adoption de mesures au niveau de l’UE pour faire en sorte que les bonnes pratiques en matière de normes minimales en ce qui concerne les droits à un congé de formation de certains États membres deviennent la norme (28). Le CESE insiste sur la nécessité d’une offensive de qualification en vue d’étayer la numérisation croissante de nos marchés du travail, afin d’encourager les investissements tant au niveau des entreprises que dans le secteur public, de promouvoir les investissements publics et privés dans la formation et l’enseignement professionnels.

4.11.

Le CESE souligne en outre la nécessité d’assurer à tous l’égalité d’accès aux services numériques, en particulier aux personnes âgées et handicapées, de sorte que les nouveaux objectifs technologiques ne soient pas un obstacle, mais une chance authentique et majeure pour tous, sans discrimination ni barrières. Il demande à la Commission européenne et aux États membres de trouver des instruments permettant de garantir à chacun un soutien approprié dans cette «société nouvelle» et, dans le même temps, de veiller à ce que le secteur public dispose des ressources nécessaires pour répondre à ces besoins. S’agissant plus particulièrement des travailleurs risquant de perdre leur emploi en raison de l’automatisation, il y a lieu de mettre à leur disposition les formations qui leur permettront d’acquérir de nouvelles qualifications.

4.12.

Le CESE invite la Commission et les États membres à développer des dispositifs — avec la participation des partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile –, permettant d’accorder la gratuité de l’accès à la formation, des bons de formation ou encore un partage des coûts pour ceux qui ne sont pas en mesure d’en supporter la charge financière. Lorsque les travailleurs doivent bénéficier d’un complément de formation, il importe de parvenir à un équilibre entre temps de travail et obligations en matière de temps d’apprentissage qui soit acceptable aussi bien pour le travailleur que pour l’employeur. À cet égard, le CESE rappelle l’importance d’explorer et de partager les expériences quant à la manière dont la formation est organisée et proposée dans les différents États membres, y compris, par exemple, les nombreuses pratiques en vigueur sur le lieu de travail qui visent à assurer l’apprentissage tout au long de la vie dans le cadre de l’emploi et celle relative aux congés de formation, qui parfois sont rémunérés, et qui devraient être encouragées et soutenues dans l’ensemble de l’Union.

4.13.

La qualité des investissements dans la croissance inclusive et la création d’emplois de qualité sont essentielles. C’est pourquoi le CESE insiste sur la nécessité de prévoir des ressources appropriées pour accompagner la transition technologique et la numérisation, en répondant à l’urgence d’acquérir des qualifications et des compétences appropriées, non seulement au niveau du lieu de travail, mais aussi par la mise en place de systèmes de formation efficaces, de manière à garantir une adaptation continue des compétences. Le CESE estime qu’il est prioritaire de définir des lignes de financement spécifiques réservées à cette transition, et d’évaluer de nouveaux critères pour leur allocation qui se fondent sur les résultats obtenus.

4.14.

Pour ce qui est de l’adaptation des compétences, le CESE demande dans ce contexte à la Commission et aux États membres de faire le meilleur usage possible, en tant qu’instruments complémentaires, des Fonds structurels, en particulier du Fonds social européen, dont les priorités pour l’investissement dans le capital humain doivent être confirmées et préservées. Ils devraient également, avec les parties prenantes de la société civile, développer un référentiel commun qui permette la compréhension mutuelle des compétences et des objectifs nouveaux, en tenant compte, d’une part, des différences existantes au sein de l’Union européenne, et de la mobilité, non seulement des personnes physiques, mais aussi du contenu du travail lui-même, ainsi que, d’autre part, de l’exigence d’échelles homogènes de compétences en matière de recyclage et de mise à niveau afin de favoriser la cohésion entre les pays de l’Union.

4.15.

La mise à jour régulière d’instruments tels que le cadre européen des certifications, ainsi que la mise en œuvre de la directive sur les qualifications professionnelles, sont utiles pour la transparence des qualifications obtenues.

4.16.

Il va sans dire que les compétences numériques sont très importantes pour la quatrième révolution industrielle. Dans ce contexte, les compétences de base (notamment en mathématiques, physique, chimie et biologie), qui sont aussi enseignées dans les établissements de formation technique et professionnelle, ainsi qu’un niveau avancé de compétences linguistiques, doivent être à nouveau valorisées: sans elles, il sera impossible de passer au niveau supérieur en matière de compétences technologiques et informatiques hautement spécialisées qui sont nécessaires pour travailler dans des environnements multiculturels où la numérisation et la robotique sont les concepts clés du professionnalisme.

4.17.

Les connaissances de base sont essentielles en ce qu’elles alimentent la réflexion critique nécessaire à la sélection des sources d’information et à la compréhension des nouvelles technologies. Il convient toutefois d’accorder une attention accrue aux compétences techniques et spécialisées ainsi qu’aux compétences non techniques — les premières sont nécessaires dans les processus de production, mais les secondes peuvent aider les travailleurs à gérer des scénarios complexes et changeants. La complémentarité des compétences est en effet la clé des succès à venir. En ce qui concerne tout particulièrement les compétences non techniques, il est également nécessaire de former les enseignants et les prestataires d’enseignements et de formation de façon adéquate, et de sensibiliser les familles à leur importance.

4.18.

Le CESE soutient une approche qui accorde une attention particulière aux compétences non techniques telles que la résolution de problèmes complexes, la réflexion critique, le travail en équipe, la capacité à rechercher du sens, la pensée novatrice et adaptative, la compétence interculturelle, la collaboration virtuelle, la flexibilité cognitive, etc., car elles constituent des éléments essentiels du développement humain et peuvent aider les travailleurs à penser de manière autonome, avant d’avoir à faire preuve de compétence numérique. Le CESE suggère d’accorder une attention particulière au développement de ces compétences lors de la révision du cadre européen des compétences clés.

4.19.

Des informations spécifiques sur le monde du travail ainsi qu’une orientation concernant l’éducation, la formation et les possibilités professionnelles doivent être fournies aux jeunes dans le cadre scolaire afin d’orienter leur évolution et leur cheminement professionnel ultérieurs, mais l’orientation tout au long de la vie jouera également un rôle crucial à l’avenir. Le choix d’une profession est une décision cruciale. Accompagner les jeunes durant cette période en leur montrant la diversité des formations et des parcours professionnels disponibles doit leur permettre de choisir en connaissance de cause.

4.20.

En fonction, d’une part, de leur ancrage dans un territoire, et d’autre part de leur mission, les établissements scolaires, les universités et les institutions de formation offrent une combinaison de nouvelles connaissances et de nouvelles formes d’apprentissage. Le CESE estime qu’il est important d’articuler leur rôle et leurs activités avec les missions des pouvoirs publics et des institutions nationales et locales, ainsi qu’avec le monde du travail. Ce processus doit être encouragé et soutenu, en reconnaissant le rôle central des organisations de la société civile ainsi que du dialogue, lequel doit être développé dès le niveau local et territorial.

4.21.

Le CESE demande à la Commission de poursuivre la mise au point d’un «registre des bonnes pratiques» actualisé, qui peut potentiellement servir à faciliter la tenue d’un débat à l’échelle de l’Union dans l’optique de définir des lignes directrices et des normes fondées sur les bonnes pratiques dans le domaine de la formation professionnelle.

4.22.

Les compétences acquises dans le cadre de parcours d’apprentissage non formel et informel sont de plus en plus importantes. Dans son avis de 2015 (29), le CESE a souligné la nécessité de mettre tout en œuvre pour que les systèmes nationaux de certification soient en mesure de garantir leur validation (conformément à la recommandation du Conseil 2012/C 398/01 (30)), et d’insister sur le rôle crucial de la société civile organisée dans ce processus. Une procédure adéquate de validation (se déclinant en quatre étapes: identification, documentation, évaluation et certification) leur conférera leur valeur ajoutée sur le marché du travail, et contribuera à mettre en évidence la conscience professionnelle individuelle, c’est-à-dire la connaissance que chacun peut avoir de ses propres aptitudes. Il est donc crucial d’encourager les services de l’emploi et les «agences privées/publiques» à devenir bien plus actifs dans ce domaine. Il importe que la validation soit accessible et abordable pour être bénéfique tant pour les travailleurs que pour les employeurs.

4.23.

Le CESE souhaiterait attirer l’attention sur les dix actions prioritaires de la nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe: le parcours de renforcement des compétences, la volonté de faire de l’enseignement et de la formation professionnels un premier choix, le cadre des compétences clés, la coalition en faveur des compétences et des emplois numériques, le cadre européen des certifications, l’outil européen de profilage des compétences des ressortissants de pays tiers, le cadre d’Europass, la collecte des données pour prévenir le risque de fuite des cerveaux, le plan de coopération sectorielle en matière de compétences et enfin la recommandation concernant le suivi des diplômés sont autant d’instruments propres à permettre de doter chacun des compétences appropriées.

4.24.

Dans la perspective d’une transition juste et de politiques actives du marché du travail, il est nécessaire de disposer de services de l’emploi qui soient eux-mêmes efficaces, capables non seulement de gérer la demande et l’offre d’emplois, mais aussi de proposer des services d’orientation et de conseil aux demandeurs d’emplois. Le CESE invite les États membres à investir davantage de ressources dans le renforcement de l’efficacité, de l’efficience mais aussi des capacités des services de l’emploi et de leur personnel, ainsi que dans la conception d’instruments destinés à soutenir ceux qui ne sont pas encore sur le marché du travail. De cette façon, les travailleurs pourraient avoir l’occasion d’entrer en contact avec des entrepreneurs capables d’apprécier leur valeur et leurs compétences dans un cercle vertueux et sain de développement professionnel et de concurrence entre entreprises.

4.25.

En ce qui concerne les possibilités d’emploi, il est très important que l’Union se penche sur la question de la fuite des cerveaux, c’est-à-dire de la perte, dans certains États membres, d’un capital humain hautement qualifié. Idéalement, la mobilité en Europe devrait encourager un échange des cerveaux entre pays, à savoir permettre un enrichissement profitant à tous les États membres. La réalité est toutefois fort différente. Certains pays de l’Union européenne — principalement des pays de l’ouest et du nord de l’Europe — sont bien plus attractifs pour les travailleurs mobiles issus des pays les plus fragiles et les moins structurés, principalement des pays du sud et de l’est de l’Europe, en raison du plus grand nombre d’emplois disponibles, et de leur capacité à offrir des salaires plus élevés. C’est essentiellement l’industrie 4.0, du secteur manufacturier aux services, mais aussi d’autres domaines tels que le secteur de la recherche ou le secteur médical, qui, par définition, alimentent une grande partie de cet exode. Il en résulte un flux sortant important de personnes, de compétences et de talents en provenance des pays d’origine, ce qui se traduit par une perte de compétitivité, ainsi que par une perte d’investissements dans l’éducation ainsi que sur le plan des recettes fiscales nationales (31). Dans certains cas, des personnes mobiles hautement qualifiées ne trouvent pas sur le marché du travail du pays d’accueil d’emplois correspondant à leurs qualifications, et finissent par en exercer d’autres, pour lesquels ils sont surqualifiés. Ce phénomène peut être évité si l’Europe encourage les échanges d’emplois entre entreprises de différents États membres. D’une manière plus générale, des efforts supplémentaires sont nécessaires au niveau de l’Union européenne pour promouvoir une croissance économique inclusive, fondée sur l’innovation et génératrice d’emplois ainsi que sur une cohésion sociale accrue.

4.26.

Il convient également d’aborder la santé et la sécurité des travailleurs qui constituent également une autre question importante. Les innovations technologiques sont susceptibles d’éviter aux travailleurs des travaux pénibles et dangereux, améliorant ainsi la qualité du travail, mais il est possible que de nouvelles pathologies apparaissent, touchant notamment les (télé)travailleurs isolés. Le dialogue social au niveau européen, national et de l’industrie est l’outil indiqué pour examiner si, et dans quelle mesure, la santé et la vie privée des salariés nécessitent une protection supplémentaire en cette époque de communication mobile numérique omniprésente, et déterminer quelles mesures pourraient, le cas échéant, être prises à cet égard. Il est donc nécessaire de définir les moyens de prévention, comme, par exemple, ce que l’on nomme «le droit à la déconnexion», récemment reconnu en France, et appliqué dans certains pays de l’Union à la suite d’accords au niveau sectoriel ou de l’entreprise, mais qui n’a pas encore été évalué au niveau européen. Il y a lieu d’évaluer cela plus en détail à l’échelon européen, en prenant en compte la nécessité de respecter les dispositions relatives à l’horaire de travail et conformément à la nouvelle approche visant un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

4.27.

Dans ce contexte, l’internet des objets, le respect de la vie privée et les mégadonnées constituent par ailleurs des questions d’une importance primordiale lorsqu’il s’agit de se familiariser avec les outils numériques de formation et d’apprentissage en ligne et les enjeux en matière de protection des données. Le rôle des associations de consommateurs devrait également être souligné à cet égard sachant qu’elles peuvent contribuer efficacement à la conception de nouveaux outils permettant de s’attaquer aux grands enjeux liés au besoin de garantir le respect de la vie privée en matière d’achat ou d’utilisation de services de formation en ligne (32).

5.   L’avenir c’est maintenant: b) exemples de bonnes pratiques en matière de requalification et de mise à niveau des travailleurs

5.1.

Les bonnes pratiques reconnues comprennent notamment les ressources éducatives libres (ou REL, à savoir les matériels éducatifs numériques mis à disposition accompagnés de licences qui permettent leur réutilisation, leur modification et leur distribution), ainsi que les formations en ligne ouvertes à tous (FLOT ou MOOC, c’est-à-dire des cours en réseau ouverts, conçus pour l’enseignement à distance). Sans être nouveaux, ces dispositifs sont relativement récents, et il importe d’accroître les activités de conseil et d’information les concernant. Les REL et les FLOT peuvent constituer des outils importants pour ouvrir l’accès à l’éducation et à la formation d’une manière à la fois efficiente sur le plan des ressources, et qui permette à chacun de concilier obligations professionnelles et familiales.

5.2.

Le CESE considère qu’un référentiel européen des e-compétences est un outil utile au niveau européen: il fournit un répertoire de quarante compétences liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC) appliquées au monde du travail. Il recourt à un langage commun pour décrire les compétences, les savoir-faire, les connaissances et les niveaux d’aptitude, qui peut être compréhensible dans l’Europe entière, pour ce qui est, notamment, des compétences et des connaissances requises pour les professionnels des TIC, les professions et les organisations, échelonnées selon cinq niveaux d’expertise. Le référentiel est conçu pour répondre aux besoins des particuliers, des entreprises et autres organisations des secteurs public et privé, en particulier les établissements de formation et les sociétés privées.

5.3.

En matière de formation professionnelle en entreprise, les systèmes de formation professionnelle en alternance dans des pays comme l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas doivent être considérés comme de bonnes pratiques, en raison de la participation des partenaires sociaux à l’adaptation en cours des systèmes de formation professionnelle dans le contexte du nouveau monde du travail numérique (33).

5.4.

Le CESE estime que la Fundación Estatal para la Formación en el Empleo (Fundae) en Espagne, les Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) en France et les Fondi Interprofessionali per la Formazione Continua en Italie constituent des exemples de bonnes pratiques en termes de financement de formations sur le lieu de travail, et considère qu’ils contribuent de manière significative à la mise à jour des compétences numériques des travailleurs.

5.5.

De la même manière, l’utilité d’un certain nombre de systèmes individuels de formation doit être relevée. Il s’agit notamment en France du compte personnel de formation (CPF), du congé individuel de formation (CIF), du congé de bilan de compétences (CBC) et du congé pour acquis de l’expérience (CVAE).

5.6.

En Italie, il existe deux types de congés de formation: le premier vise à permettre d’achever des études scolaires et/ou universitaires, ainsi qu’à suivre des activités de formation autres que celles proposées par les employeurs. Le second s’adresse à la fois aux salariés et aux chômeurs et vise à garantir le droit des travailleurs à bénéficier de la formation tout au long de la vie: le mode de sélection des travailleurs, le temps qu’ils peuvent y consacrer et les revenus qu’ils perçoivent ont été fixés dans le cadre de la négociation collective. Enfin, il existe également en Italie un système de bon de formation (le «voucher formativo»): il s’agit d’une sorte de compte individuel réservé aux activités de formation destiné à améliorer l’employabilité des travailleurs grâce à des sessions de formation professionnelle innovantes.

5.7.

L’Allemagne est l’un des pays où le taux d’activité est le plus élevé au monde et où le taux de chômage est aussi le plus faible: selon une enquête de l’OCDE, le niveau d’emploi n’est pas affecté par une automatisation accrue, sachant que les travailleurs sont formés à l’utilisation de robots et sont accompagnés vers d’autres emplois si le leur est remplacé sous l’effet de la robotisation. Toutefois, dans certaines régions, la demande d’emploi est moins élevée et les actifs entrant sur le marché du travail ne disposent pas toujours de la formation numérique nécessaire pour être réembauchés. Les partenaires sociaux allemands ont décidé de relever le défi de l’innovation et ils ont entamé des négociations pour définir la manière de relever ce défi sur le marché du travail.

5.8.

En France, le droit à la déconnexion figure dans une loi adoptée l’an passé. En Italie, il est reconnu dans certaines conventions collectives, et le débat sur la question est ouvert.

5.9.

Le CESE estime que les jeunes qui en sont aux premières étapes de leur formation scolaire ou de leur apprentissage doivent être non seulement préparés à répondre aux besoins du marché du travail, mais aussi à jouer pleinement leur rôle de citoyens actifs (34). Enfin, une autre bonne pratique qui peut être évoquée est celle de l’inclusion dans de nombreuses écoles élémentaires estoniennes d’un cours de programmation de base.

5.10.

La récente publication de la Commission intitulée Business cooperating with vocational education and training providers for quality skills and attractive future (35) (les entreprises coopérant avec des prestataires d’enseignement et de formation professionnels pour des compétences élevées et un avenir prometteur) répertorie un certain nombre de bonnes pratiques intéressantes mises en œuvre dans plusieurs États membres, qui pourraient, avec les adaptations nécessaires, être utilement reproduites ailleurs:

le projet AQUA (Autriche) qui vise à mettre en adéquation les compétences des chômeurs et les besoins des employeurs, en particulier des PME;

l’école Coop Food (Danemark) qui s’efforce de résoudre la pénurie croissante de travailleurs dans l’industrie alimentaire;

le Tech Partnership (Royaume-Uni), qui dynamise l’offre de main d’œuvre dans les secteurs numériques;

les programmes d’étude en alternance (Allemagne), qui répondent aux pénuries de compétences dans un processus ascendant;

les instituts techniques supérieurs (Italie) qui garantissent, au niveau local, un vivier de compétences stable dans des secteurs stratégiques;

le Techwise Twente (Pays-Bas) qui s’adresse aux instituts de formation professionnelle pour s’assurer que les compétences enseignées sont bien celles dont a besoin le secteur des matériaux de pointe;

l’enseignement coopératif (Serbie et Allemagne), qui vise à améliorer l’offre de main d’œuvre dans certains secteurs qui souffrent de pénuries de compétences;

le projet Educate for Business (Lituanie et Lettonie) qui a permis une mise à jour des programmes d’enseignement et de formation professionnelle pour s’aligner sur le marché du travail;

le Valkeakoski Campus (Finlande) qui, grâce à un dialogue étroit avec les entreprises locales, permet aux étudiants suivant une formation professionnelle d’obtenir des compétences numériques appropriées dans les domaines de l’automatisation et de la robotique;

le projet Step Ahead (Slovaquie, République tchèque et Royaume-Uni), qui cible les professeurs de l’enseignement professionnel pour s’assurer que les compétences développées sont celles dont le marché du travail a besoin;

la fondation professionnelle du secteur de la construction (Espagne), qui s’emploie à améliorer les compétences des travailleurs du secteur de la construction et à proposer des programmes de formation initiale mis à jour;

et, enfin,

l’initiative mondiale YOUth Nestlé, qui développe des possibilités de formation en alternance et qui crée des programmes d’étude en collaboration avec les établissements d’enseignement et de formation professionnelle.

Chacune de ces initiatives se concentre sur un ou plusieurs aspects, tels que la mise en adéquation de l’offre et de la demande, l’apprentissage en milieu professionnel, les compétences numériques et entrepreneuriales, la mobilité et l’insertion sociale.

Bruxelles, le 15 mars 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(2)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(3)  Selon une étude du Cedefop. Voir Cedefop (2017). People, machines, robots and skills (les personnes, les machines, les robots et les compétences). Note d’information

(4)  OCDE (2017). Future of Work and Skills (L’avenir du travail et des compétences professionnelles). Document présenté lors de la 2e réunion du groupe de travail du G20 consacré à l’emploi. Février 2017, (p. 8).

(5)  Déclaration des partenaires sociaux européens sur la numérisation, adoptée lors du sommet social tripartite, le 16 mars 2016.

(6)  Comme le souligne le Cedefop dans une de ses notes d’information (voir note no 1 ci-dessus): «le chômage technologique est un thème récurrent, mais le chômage à l’ère numérique dépendra de l’intelligence humaine et non de l’intelligence artificielle».

(7)  Ceux-ci sont repris dans la déclaration de Riga sur «Des compétences numériques pour l’emploi» de mars 2015 qui a été publiée lors du lancement de la campagne «e-Skills for Jobs» (des compétences numériques pour l’emploi) 2015-2016 et du «e-Skills Manifesto» (programme relatif aux compétences numériques); voir les conclusions de Riga de juin 2015.

(8)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 36; JO C 434 du 15.12.2017, p. 30; JO C 173 du 31.5.2017, p. 45; JO C 303 du 19.8.2016, p. 54; JO C 13 du 15.1.2016, p. 161; JO C 347 du 18.12.2010, p. 1; JO C 128 du 118.5.2010, p. 74; JO C 93 du 27.4.2007, p. 38.

(9)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(10)  COM(2018) 24 et COM(2108) 22.

(11)  T. Berger and C. Frey (2016), Structural Transformation in the OECD: Digitalisation, Deindustrialisation and the Future of Work (La transformation structurelle au sein de l’OCDE: la numérisation, la désindustrialisation et l’avenir du travail), OECD Social, Employment and Migration Working Papers, No. 193, OECD Publishing, Paris; and OECD (2016), New Skills for the Digital Economy, OECD Digital Economy Papers, No. 258, OECD Publishing, Paris.

(12)  OECD (2017). Key issues for digital transformation in the G20 (questions clés pour la transformation numérique dans le cadre du G20). Rapport élaboré dans l’optique d’une conférence conjointe présidence allemande du G20 — OCDE. Pour la liste des recommandations, cf. pp. 145-149.

(13)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(14)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 30.

(15)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 54.

(16)  CESE (2017). «Incidence de la numérisation et de l’économie à la demande sur les marchés du travail, et répercussions sur l’emploi et les relations industrielles.» Une étude réalisée par une équipe de recherche au CEPS.

(17)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(18)  World Economic Forum (2016). The Future of Jobs. Employment, Skill and Workforce Strategy for the Fourth Industrial Revolution (Stratégie en matière d’emploi, de compétences et de main-d’œuvre pour la quatrième révolution industrielle). Global Challenge Insight Report.

(19)  Voir supra, note 1.

(20)  Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique, A8-0005/2017.

(21)  Voir supra, note 3.

(22)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 36 et JO C 434 du 15.12.2017, p. 30.

(23)  Eurofound (2017). Non-standard forms of employment: Recent trends and future prospects (nouvelles formes d’emplois atypiques: tendances récentes et perspectives futures) Eurofound, Dublin.

(24)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 30.

(25)  Cedefop (2017). Investing in skills pays off: The economic and social cost of low-skilled adults in the EU (Il est avantageux d’investir dans les compétences: le coût économique et social des adultes sous-qualifiés au sein de l’Union européenne.

(26)  OCDE (2017). Going Digital: The Future of Work for Women (Le passage au numérique: l’avenir du travail pour les femmes). Policy Brief on the Future of Work.

(27)  Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen «Efficacité et équité des systèmes européens d’éducation et de formation», COM(2006) 481 final.

(28)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(29)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 49

(30)  Recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l'apprentissage non formel et informel.

(31)  Schellinger, A. (2017). Brain Drain — Brain Gain: European Labour Markets in Times of Crisis (Exode des cerveaux: les marchés du travail européens en temps de crise) A Friedrich-Ebert-Stiftung Project 2015–2017, p. 88.

(32)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 102.

(33)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 57; JO C 143 du 22.5.2012, p. 94.

(34)  Voir l’avis du CESE sur la nouvelle stratégie éducative de l’UE, paragraphe 1.2 (JO C 81 du 2.3.2018, p. 167).

(35)  Commission européenne (2017). Business cooperating with vocational education and training providers for quality skills and attractive future (les entreprises coopérant avec des prestataires d’enseignement et de formation professionnels pour des compétences élevées et un avenir prometteur). Luxembourg: Office des publications de l’Union européenne.


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