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Document 52002SC0994

    Avis de la Commission sur la demande de modification de l'article 51 du Statut de la Cour de justice, présentée par la Cour en réponse à la déclaration n°12 au traité de Nice, relative à l'article 225 du traité CE, modifié par le traité de Nice

    /* SEC/2002/0994 final - CNS 2002/0226 */

    52002SC0994

    Avis de la Commission sur la demande de modification de l'article 51 du Statut de la Cour de justice, présentée par la Cour en réponse à la déclaration n°12 au traité de Nice, relative à l'article 225 du traité CE, modifié par le traité de Nice /* SEC/2002/0994 final - CNS 2002/0226 */


    AVIS DE LA COMMISSION sur la demande de modification de l'article 51 du Statut de la Cour de justice, présentée par la Cour en réponse à la déclaration n°12 au traité de Nice, relative à l'article 225 du traité CE, modifié par le traité de Nice

    2002/0226 (CNS)

    AVIS DE LA COMMISSION sur la demande de modification de l'article 51 du Statut de la Cour de justice, présentée par la Cour en réponse à la déclaration n°12 au traité de Nice, relative à l'article 225 du traité CE, modifié par le traité de Nice [1]

    [1] « La Conférence invite la Cour de justice et la Commission à procéder dans les meilleurs délais à un examen d'ensemble de la répartition des compétences entre la Cour de justice et le Tribunal de première instance, en particulier en matière de recours directs, et à présenter des propositions appropriées, afin qu'elles puissent être examinées par les instances compétentes dès l'entrée en vigueur du présent traité »

    La proposition de la Cour de justice

    La Cour de justice propose de modifier l'art. 51 du Statut comme suit [2] :

    [2] Doc. n° 10790- JUR 232- du Conseil du 1.10.2001

    « Par exception à la règle énoncée à l'art.225 1 du traité CE et de l'art.140A 1 du traité CEEA, sont réservés à la Cour de justice les recours, visés aux articles 230 et 232 du traité CE et 146 et 148 du traité CEEA, qui sont formés par un Etat membre ou une institution des Communautés ou par la Banque centrale européenne et dirigés contre un acte ou une abstention de statuer du Parlement européen ou du Conseil ou de ces deux institutions statuant conjointement.

    Sont également réservés à la Cour, les recours visés aux mêmes articles, qui sont formés par une institution des Communautés ou par la BCE contre un acte ou une abstention de statuer de la Commission ainsi que par une institution des Communautés contre un acte ou une abstention de statuer de la BCE. »

    Il résulte du dispositif ainsi proposé que

    * la Cour conserverait à sa compétence exclusive [3] les recours en annulation et en carence

    [3] outre les recours en manquement -- non visés par la proposition de la Cour (mais dont le transfert est envisageable sur la base de la 2ème phrase du premier alinéa de l'art. 225 1) -- ainsi que les compétences préjudicielles et compétence d'avis

    - formés contre le Conseil et le PE ou les deux conjointement, par les Etats membres, les institutions et la BCE,

    - et contre la Commission et la BCE, uniquement si le recours est formé par une autre institution ou par la BCE ;

    * le Tribunal de première instance (ci-après TPI) verrait ajouter à ses compétences actuelles les recours en annulation et en carence formés par les Etats membres contre la Commission et la BCE.

    La proposition de la Cour est fondée sur « un examen statistique et matériel des recours présentés par des institutions et des Etats membres pendant les cinq dernières années (1996-2000) » [4] (Doc. n°10790, note explicative, p. 4, avant-dernier alinéa)

    [4] voir Doc. n° 5604/02- JUR 26- du Conseil du 24.01.2002

    Appréciation de la proposition de la Cour

    Observations liminaires

    a) La proposition de la Cour n'aborde pas l'examen d'un éventuel transfert de compétences préjudicielles vers le TPI, au sens de l'art.225 3 du traité de Nice.

    La Commission partage cette approche dans la mesure où l'innovation première du traité de Nice consiste à faire du TPI le Tribunal de droit commun en matière de recours directs et où il n'envisage le transfert de compétences préjudicielles que dans des matières spécifiques qu'il conviendra de déterminer en effet dans un deuxième temps, le cas échéant dans le cadre d'une réflexion plus globale liée à l'instauration de Chambres juridictionnelles spécialisées, au sens de l'art.225 2 du traité de Nice.

    b) La proposition vise la mise en oeuvre du volet de la réforme prévu à la première phrase de l'art.225 1, la Cour estimant que « les possibilités ouvertes par la dernière phrase de l'article 225 1, premier alinéa, du traité n'ont pas lieu d'être exploitées à ce stade » (Note explicative, p. 4 al. 4)

    La Commission partage également cette approche, le transfert au Tribunal des recours autres que ceux visés à la première phrase, en l'occurrence des recours en manquement, n'étant pas une priorité à ce stade.

    c) Il ressort de la Note explicative accompagnant sa proposition, que la Cour a cherché à définir une ligne de partage simple et dépourvue d'ambiguïté, afin que l'architecture du système demeure lisible et que les notions utilisées ne se prêtent pas à des interprétations divergentes (p. 4 al. 1).

    Cet objectif, essentiel en effet, doit toutefois aller de pair avec une restructuration des compétences conforme aux termes et à l'esprit du traité de Nice.

    d) La Cour déclare à cet égard que dans le cadre du traité de Nice « les hypothèses dans lesquelles (elle) conservera une compétence exclusive doivent répondre à une justification particulière ».

    Elle ajoute que le « fil conducteur » retenu dans sa proposition consiste à « confirmer le rôle quasi constitutionnel (qui lui est) imparti » et que, « dans cet esprit, devraient rester (à son) seul ressort le contrôle de l'activité normative de base et la solution des conflits interinstitutionnels » (p. 3, in fine).

    La Commission souscrit totalement à cette analyse. Le but du traité de Nice vise en effet à réserver à la Cour de justice les contentieux d'importance, de manière à ce qu'à l'avenir elle puisse se concentrer sur son triple rôle de Cour constitutionnelle (compétence d'avis, manquements, recours directs d'importance), de Cour de cassation des arrêts de première instance rendus par le Tribunal, et de Juge suprême de l'interprétation par la voie des questions préjudicielles et de la procédure de réexamen des arrêts du Tribunal [5].

    [5] instaurée par les art. 225 2 et 3 (derniers alinéas) du traité de Nice

    Parmi les recours directs d'importance figurent indubitablement les recours interinstitutionnels ainsi que les recours formés par les Etats membres ou les institutions contre des actes normatifs de base.

    Ces contentieux interpellent directement le fonctionnement de la Communauté dans l'équilibre des compétences et des pouvoirs prévus par les traités entre les institutions et les Etats membres, d'une part, et entre les institutions, d'autre part. Comme tels, ces recours doivent en effet être réservés à la compétence exclusive de la Cour, au sens du traité de Nice.

    e) La Commission observe cependant que :

    i] s'agissant des recours interinstitutionnels, la proposition de la Cour ne vise que ceux formés entre le Parlement européen, le Conseil, la Commission et la BCE. De l'avis de la Commission, la compétence de la Cour doit s'étendre à tout litige d'ordre interinstitutionnel et couvrir par conséquent également

    * les recours formés entre les institutions et les organes et organismes [6] qui, selon la formulation de l'article 286, paragraphe 1, du traité CE sont « institués par le traité ou sur la base de celui-ci » [7] ,

    [6] voir article 1 3 du règlement n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil du 25.05.1999 relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude - OLAF- (JO L 136, p.1)

    [7] ex. : C-15/00 Commission /BEI ; organes créés par le traité (CER, CES) ou par le droit dérivé, tels que l' agence européenne pour l'évaluation des médicaments (règlement n° 2309/93 du 22.07.1993) ou l'agence européenne pour la reconstruction (règlement n° 2454/1999 du 15.11.1999)

    * ainsi que tout litige mettant en cause des règlements intérieurs ou des dispositions régissant le fonctionnement d'une institution ou d'un organe de la Communauté. Il en est ainsi notamment des recours formés par des parlementaires européens contre des dispositions du règlement intérieur de leur institution ou des décisions approuvant des accords-cadre conclus entre les institutions (voir infra, sous II.B).

    ii] la Commission estime également que le critère de répartition des compétences entre la Cour et le TPI, proposé par la Cour -- en l'occurrence la qualité du défendeur qui viendrait s'ajouter à celle du requérant pour définir la nouvelle ligne de partage des compétences - ne répond pas exactement à l'objectif visé par le traité de Nice, dans la mesure où ce critère conduit

    * à conserver et à réserver à la compétence de la Cour des contentieux dont le maintien à son ressort exclusif n'est plus justifié au sens du traité de Nice,

    * et à transférer et à maintenir à la compétence du TPI le contrôle d'actes devant relever du ressort exclusif de la Cour.

    I. Le critère du défendeur - en l'occurrence lorsqu'il s'agit du Conseil - conduit à réserver à la Cour des contentieux qui devraient à présent être transférés à la compétence du TPI

    En proposant de réserver à son contrôle tout acte du Conseil et du PE, la Cour vise, comme elle le précise d'ailleurs (Note explicative [8], p.5, al 3), les actes adoptés en codécision ainsi que les actes intervenant dans le cadre des pouvoirs propres à chacune de ces deux institutions.

    [8] Doc. n° 10790, mentionné en foot-note 1

    Or, dans le cadre de ses pouvoirs propres, le Conseil adopte nombre d'actes qui ne sauraient tous être « réservés » au contrôle de la Cour, au sens du traité de Nice.

    A. Les décisions en matière d'aides d'Etat prises par le Conseil au titre de l'article 88 2 du traité CE

    Dans la logique du traité de Nice, la Cour de justice appelée, comme la Cour le reconnaît elle-même, à se concentrer sur son rôle quasi constitutionnel ne devrait plus se voir attribuer ce type de contentieux.

    Il convient de rappeler que, dans sa proposition de 1998, la Cour avait proposé le transfert de ce contentieux à la compétence du TPI, afin précisément de remédier « au morcellement des compétences dont ce contentieux est potentiellement le plus affecté, pour des recours contre un même acte selon la qualité du requérant » [9].

    [9] Doc. n° 5713/99 -JUR 54- du Conseil du 25.02.1999 (Exposé des motifs, p.4)

    Le contentieux des aides d'Etat devrait, dans sa globalité, revenir à présent à la compétence du TPI, quels que soient le requérant et le défendeur, à l'exception des règlements pris par le Conseil au titre de l'art.89 (ex 94), eu égard à leur nature d'acte normatif de base (voir infra).

    B. Les mesures de défense commerciale, dont notamment les règlements par lesquels le Conseil impose des droits antidumping ou compensateurs définitifs [10].

    [10] règlements pris au titre d'une disposition d'un acte de base, tel l'art.12 du règlement n° 2423/88 du Conseil du 11.7.1988 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la CE (JO 1988 L 209), après intervention du règlement de la Commission instituant un droit antidumping ou compensateur provisoire (art.11)

    Pour les mêmes raisons que celles indiquées ci-dessus, les recours formés par les Etats membres contre ce type de mesures devraient être transférés à la compétence du TPI, comme la Cour l'avait d'ailleurs également proposé en 1998.

    C. Les mesures exécutives d'un acte normatif de base adopté en vertu d'une disposition du traité

    Dans la Note explicative accompagnant sa proposition, la Cour déclare (p. 5) :

    « Quant aux 30 recours dirigés contre le Conseil (au cours de la période de référence 1996-2000 choisie par la Cour), il est apparu que pour une majorité d'entre eux la balance penchait dans le sens d'une attribution exclusive à la Cour. Le nombre d'affaires ne se prêtant pas à cette appréciation est apparu trop faible pour que l'on songe à introduire un sous-critère qui serait cause de confusion non justifiée par un réel avantage statistique.... »

    Selon la note d'analyse des recours soumis à la Cour au cours de la période de référence (Doc. n° 5604, p. 11-15, ci-après la « note »), les 30 recours dirigés contre le Conseil s'articulent comme suit :

    « 14 concernent l'activité normative de base du Conseil,...

    3 recours s'inscrivent dans le cadre de la gestion d'une organisation commune des marchés et ne semblent pas, a priori, devoir être du ressort de la Cour

    Pour les 13 recours restants, l'attribution peut donner lieu à doute. Il s'agit de 4 recours concernant des mesures prises dans le cadre de la politique commerciale commune et de 9 recours concernant des mesures prises dans le cadre de la politique commune de la pêche. »

    Il convient de relever les doutes que la Cour elle-même exprime ici quant au maintien de ces contentieux à sa compétence.

    En effet, de l'avis de la Commission, l'examen des différentes mesures attaquées dans le cadre de ces 30 recours conduit à considérer que le critère du défendeur proposé ne devrait pas servir tel quel de règle de répartition des compétences entre la Cour et le Tribunal, au sens du traité de Nice.

    Il ressort en effet de l'examen de ces 30 recours que seuls 13 d'entre eux visent des actes normatifs de base, adoptés en vertu d'une disposition du traité.

    Il s'agit

    - de 12 affaires mentionnées (note p. 11 à 13) dans la première série des 14 affaires qui concernent en effet des actes normatifs de base (litiges de bases juridiques, hormis les aff. C-93/00 et C-445/00),

    - et d'une des quatre affaires de politique commerciale commune, mentionnées dans la Note (p.14), en l'occurrence l'aff.C-149/96 [11] visant une décision du Conseil prise au titre des articles 113 et 228 2 du traité CE.

    [11] Recueil 1999, p. I-8427

    Les 17 autres affaires concernent non pas une activité normative de base, mais des mesures prises par le Conseil sur habilitation d'un acte adopté en vertu du traité.

    Voir à titre d'exemples les 2 affaires mentionnées (note p. 13) dans la première série des 14 affaires, en l'occurrence

    - l'aff. C-445/00 Autriche/Conseil, qui vise un acte du Conseil adopté au terme d'une procédure comitologie de réglementation, instituée par l'art. 16 du Protocole n° 9 de l'Acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède,

    - et l'aff. C-93/00 Parlement/Conseil, qui vise le règlement n° 2772/1999 prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine, pris par le Conseil, statuant à la MQ sur proposition de la Commission, conformément à l'art. 19 6 du règlement n° 820/97 [12].

    [12] règl. n° 820/97 du Conseil établisssant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine (JO 1997 L 117, p.1). Aux termes de l'art. 19 6 « D'ici le 1er.01.2000, le Conseil, statuant à la MQ sur proposition de la Commission, décide si l'indication obligatoire d'autres données que celles prévues au 2 et si l'extension du champ d'application du présent règlement à d'autres produits que ceux indiqués à l'art.2, premier tiret, sont possibles et souhaitables »

    1. S'agissant des mesures arrêtées dans le cadre des procédures de comitologie [13],

    [13] définies initialement dans la décision n° 87/373 du Conseil du 13.07.1987 (JO 1987 L 197, p.33), remplacée par la décision 1999/468 du Conseil (JO 1999 L 184, p.23)

    il convient de rappeler que ces procédures prévoient l'intervention du Conseil en cas d'avis négatif, parfois en l'absence d'avis, du comité des représentants des Etats membres [14] ou, dans le cadre de la procédure comitologie de sauvegarde, lorsqu'un Etat membre soumet la décision de la Commission au Conseil [15] et qu'au terme de la procédure la mesure en cause est arrêtée soit par le Conseil, soit par la Commission lorsque le Conseil n'a pas statué dans le délai prévu.

    [14] comme le soulignent d'ailleurs les points 16, 23 et 24 de l'ordonnance de la Cour du 23.2.2001, intervenue dans l'aff. C-445/00, Autriche/Conseil (Rec. 2001, p. I - 1464) ; voir également C-352/96, répertoriée par la Cour dans les affaires de politique commerciale et visant le règl. n° 1552/96 (JO 1996 L 190, p.1 : saisine du Conseil après avis négatif du comité de gestion)

    [15] voir autres affaires de politique commerciale répertoriées par la Cour : C-110/97 visant le règl. n°304/97 (JO 1997 L 51, p.1 : acte de la Commission soumis au Conseil par UK) ; C-301/97 visant le règl. n° 1036/97 (JO 1997 L 151, p.8 : acte Commission soumis au Conseil par Esp et UK)

    Il en résulte que tant du point de vue du fond, du champ d'application que de leurs effets, les mesures prises au terme d'une procédure de comitologie sont, quels qu'en soit l'auteur, de même nature [16].

    [16] comparaison utile notamment avec l'aff. C-89/96 Portugal/Commission visant le règl. n°3053/95 pris par la Commission au titre des art. 17 et 19 du règl. 3030/93 du Conseil, après avis favorable du comité textiles (JO 1995 L 323, p.1) ou avec les affaires C-159/96 Portugal/Commission, C-289/96 Danemark/Commission, C-293/96 Allemagne/Commission, C-299 France/Commission, mentionnées par la Cour, dans la liste des recours contre la Commission.

    Départager ces mesures entre le Conseil et la Commission et les soumettre au contrôle de la Cour ou du TPI selon que l'acte attaqué est pris par le Conseil ou par la Commission, apparaît dès lors artificiel.

    2. Les autres mesures prises par le Conseil sur habilitation d'un acte législatif de base

    En vertu de l'art.202 (ex 145) du traité, le Conseil peut en effet, dans des cas spécifiques, se réserver d'exercer lui-même les compétences d'exécution.

    Ces cas plutôt rares, si l'on considère l'ensemble des mesures d'exécution prises en droit communautaire [17], interviennent essentiellement dans des secteurs, tels notamment que la PAC et la politique commune de la pêche, qui appellent nombre de mesures techniques, nécessaires à la mise en oeuvre de la législation de base.

    [17] en vertu de l'art.1er de la décision 1999/468, les compétences d'exécution reviennent en principe à la Commission, « à l'exception des cas spécifiques et motivés où l'acte de base réserve au Conseil le droit d'exercer directement certaines compétences d'exécution

    Au cours de la période de référence choisie par la Cour, les mesures techniques ainsi prises par le Conseil sont illustrées par l'aff. C-93/00, déjà mentionnée [18], par les 3 affaires intéressant des organisations communes de marché et les 9 affaires relevant de la politique commune de la pêche.

    [18] voir foot-note 6

    Deux séries d'arguments conduisent à considérer que l'ensemble de ces mesures devraient relever du contrôle du TPI :

    a) leur technicité

    Le règlement n°2772/1999 [19], en cause dans l'aff. C-93/00 Parlement/Conseil, prévoit - par un article unique qui se borne d'ailleurs à renvoyer aux dispositions du règlement de base n°820/97 -, les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine.

    [19] JO 1999 L 334, p.1

    Les règlements du Conseil visés par les 3 affaires relatives à des organisations de marché (p.13) ont tous pour objet de fixer le prix d'intervention de certains produits agricoles à appliquer au cours de campagnes de commercialisation.

    Ceux visés par les 9 affaires relevant de la politique commune de la pêche (p.14 et 15) ont pour objet de fixer des mesures techniques telles notamment que les totaux admissibles de captures (TAC) pour certains stocks de poissons [20].

    [20] notamment le règl. n° 3074/95 (JO 1995 L 330, p.1)

    Compte tenu du rôle imparti à la Cour par le traité de Nice, le contrôle de telles mesures ne devrait pas lui être « réservé » en première et dernière instance.

    b) leur contexte

    Les règlements du Conseil visés par les 13 recours mentionnés ci-dessus ont tous été adoptés selon la même procédure [21], conformément à la disposition prévue à cet effet par l'acte législatif de base.

    [21] le Conseil statuant à la MQ, sur proposition de la Commission

    Il convient cependant de relever que tous les actes législatifs de base en cause, qui ont mis en place cette procédure, prévoient en outre des procédure de comitologie et prescrivent par ailleurs le renvoi aux procédures du traité pour l'adoption de certaines mesures complémentaires.

    Ainsi par exemple, pour le domaine de la pêche, le règlement n° 3760/92 du Conseil [22] prévoit tout à la fois

    [22] JO 1992, L 389, p.1

    - en son art.8 4, la procédure par laquelle le Conseil a adopté les différents actes attaqués dans les 9 affaires précitées (statuant à la MQ sur proposition de la Commission),

    - en son art.15, une procédure portant délégation de pouvoirs à la Commission (sans intervention d'un comité), et au Conseil qui peut prendre une décision différente dans un délai d'un mois à compter de sa saisine par un Etat membre.

    - et en ses art. 17 et 18 une procédure comitologie classique de gestion [23]

    [23] Il en est de même du règlement n° 1785/81 portant OCM du sucre (JO 1981 L 177, p.4, modifié au JO 1996 L 206, p43) qui a été à la base des actes visés par les aff. C-340/98 et C-357/99 et adoptés selon la procédure susmentionnée, prévue par les art. 3 5, 5 5 et 8 4 de ce règlement.

    i) or les mesures prises par le Conseil seul, sur habilitation d'un acte de base, ne peuvent être distinguées, en ordre d'importance, de celles qu'il ou que la Commission adoptent dans le cadre des procédures de comitologie mises en place par le même acte de base

    Il convient en effet de souligner qu'en vertu de l'art.2 de la décision 1999/468 du Conseil [24], la Commission et le Conseil sont appelés, à prendre

    [24] précitée, foot-note 11

    « a) des mesures relatives à l'application de la politique agricole commune et de la politique commune de la pêche ou celles relatives à la mise en oeuvre de programmes ayant des incidences budgétaires notables »,

    de même que

    « b) des mesures de portée générale visant à mettre en application les éléments essentiels d'un acte de base, y compris les mesures (sensibles) concernant la protection de la santé ou de la sécurité des personnes, des animaux ... »

    ou encore

    « à adapter et à mettre à jour » des actes normatifs de base adoptés en vertu du traité.

    Les mesures prises par la Commission et par le Conseil interviennent ainsi

    * en tous domaines, le cas échéant complexes et impliquant des choix politiques sensibles.

    Voir par exemple les différentes décisions de la Commission et du Conseil relatives à certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalite spongiforme bovine, énumérées dans l'ord. C-514/99 de la Cour du 21.6.2000 [25] (aff. citée dans la Note de la Cour, p.9) ;

    [25] C-514/99 France/Commission, Rec. 2000, p I-4706 ; voir également C-180/96 Royaume-Uni/Commission, note de la Cour p.6

    * et selon des modalités qui peuvent, comme la Cour le relève pour le règlement 2772/1999 du Conseil visé par l'aff.C-93/00, dépasser la simple exécution, ou qui peuvent être assimilés à des actes quasi-législatifs [26].

    [26] voir Note d'analyse de la Cour p.11, les affaires mentionnées sous « Adaptation de normes arrêtées par le Conseil »

    Voir par exemple

    - points 6 et 19 de l'arrêt 25/70 Köster par lequel la Cour a admis que la Commission pouvait être habilitée à compléter les mesures fragmentaires contenues dans un acte de base (Rec.1970, p.1161, spéc.p 1172-1175),

    - point 41 de l'arrêt 240/90 Allemagne/Commission, aux termes duquel « dès lors que le Conseil a fixé dans son règlement de base les règles essentielles de la matière envisagée, il peut déléguer à la Commission le pouvoir général d'en arrêter les modalités d'application, sans avoir à préciser les éléments essentiels des compétences déléguées. Uns disposition rédigée dans des termes généraux fournit une base d'habilitation suffisante » (Rec. 1992, p.5434)

    Il résulte des considérations qui précèdent que les mesures d'exécution d'un acte de base ne peuvent être distinguées selon leur auteur ou leur procédure d'adoption : elles forment un tout destiné à la mise en oeuvre de cet acte, et il serait artificiel de les dissocier.

    ii) Cette constatation se trouve confirmée, en l'occurrence, par les termes des règlements de base examinés qui prévoient tous, aux côtés des différentes procédures mentionnées ci-dessus, le renvoi à la procédure législative prévue par le traité [27] pour l'adoption de certaines mesures complémentaires expressément définies.

    [27] Ainsi le règlement n° 3760/92 renvoie-t-il à la procédure de l'art.43 du traité, pour l'adoption des mesures visées en ses art. 4 1, 5 1 et 8 3 ;

    Autrement dit, dans le cadre des actes de base en cause, le législateur a lui-même fait le tri entre les différentes mesures à prendre au niveau exécutif et celles devant être adoptées au niveau législatif pour compléter le système mis en place.

    iii) Il convient de relever enfin que cette constatation ne se limite pas aux secteurs évoqués ici.

    A titre d'exemples, seront citées ici

    * les mesures de surveillance adoptées par le Conseil, statuant à la MQ sur proposition de la Commission [28], de telles mesures étant parfois parallèles à des mesures de sauvegarde prises par la Commission ou le Conseil, selon une procédure de comitologie [29], mesures dont la Cour avait d'ailleurs également proposé le transfert au contrôle du TPI en 1998 ;

    [28] ex. : art. 17 du règlement n° 3285/94 du Conseil du 22.12.1994 relatif au régime commun applicable aux importations etabrogeant le règlement n°518/94 (JO L 349 du 31.12.1994, p.53)

    [29] art. 16 du règlement 3285/94, précité ;

    * les mesures de politique commerciale prises par le Conseil ou par la Commission dans le cadre de la procédure comitologie de sauvegarde instituée par l'art.14 du règlement n° 3286/94 [30], ou encore par le Conseil au titre de l'art.13 3 de ce règlement, aux termes duquel le Conseil statue à la MQ, sur proposition de la Commission, conformément à l'art.113 du traité.

    [30] règlement n° 3286/94 du Conseil du 22.12.1994 arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d'assurer l'exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l'égide de l'OMC (JO L 349 du 31.12.1994, p.71)

    c) Il résulte des considérations qui précèdent que, de l'avis de la Commission

    i) Les mesures exécutives d'un acte législatif adopté sur la base d'une disposition du traité forment un ensemble qui devrait être soumis au contrôle d'un même juge, en l'occurrence le TPI ;

    ii) devraient en revanche être réservés à la Cour, les recours en annulation et en carence formés par les Etats membres, les institutions et la BCE contre les actes adoptés ou les abstentions de statuer en vertu d'une disposition du traité, hormis les décisions intervenant notamment en matière de concurrence et d'aides d'Etat (voir infra)

    La solution ainsi proposée rencontre le double objectif de la Cour, qui vise tout à la fois à réserver à sa compétence le « contrôle de l'activité normative de base des institutions » (Note explicative, p.4 in fine) et à « opérer des transferts quantitatifs significatifs » en direction du TPI (Note explicative, p 4, avant-dernier alinéa)

    A cet égard, il est souligné qu'en termes quantitatifs, par rapport à la proposition de la Cour, la présente solution reviendrait à transférer 17 recours supplémentaires [31] à la compétence du TPI, étant toutefois entendu que certains recours dirigés contre la Commission seraient en revanche maintenus à la compétence de la Cour, en l'occurrence les 4 affaires visant les directives prises au titre de l'art.86 3 (ex 90 3) du traité CE (note de la Cour, p.10-11).

    [31] 13 affaires sur les 30 recours dirigés contre le Conseil au cours de la période de référence - en l'occurrence les 9 aff. politique de pêche, les 3 aff. politique commerciale et la C-93/00 - devant être réservées à la compétence de la Cour

    II. La proposition de la Cour conduit à transférer et à maintenir à la compétence du TPI le contrôle d'actes devant relever du ressort exclusif de la Cour

    A. Les actes dont le contrôle ne peut être transféré à la compétence du TPI

    1. Les actes normatifs adoptés par des institutions autres que le Conseil et le Parlement

    Il convient de mentionner notamment

    - les directives prises par la Commission au titre de l'art.86 3 (ex90 3) du traité CE,

    - ainsi que les règlements adoptés par la BCE au titre de l'art. 110 1 du traité, dont la qualité d'acte normatif de base ne peut faire l'objet de doute.

    Il suffit en effet de se référer au paragraphe 2 de l'art.110 qui reproduit presqu'à l'identique les termes de l'art.249 (ex189) du traité.

    De tels actes correspondent à l'activité législative telle que définie par le Conseil à l'article 7 de son règlement intérieur [32]. Aux termes de cette disposition,

    [32] JO L 149 du 23.06.2000, p.1

    « Le Conseil agit en sa qualité de législateur au sens de l'art.207 3, second alinéa, du traité CE, lorsqu'il adopte des normes juridiquement obligatoires dans ou pour les Etats membres par des règlements, des directives, des décisions-cadres ou des décisions sur la base des dispositions pertinentes du traité ».

    2. Les actes non normatifs, relevant par nature de la compétence de la Cour

    Il en est ainsi notamment des décisions prises par la Commission au titre des articles 11 2 et 3 du traité CE, en matière de coopérations renforcées, qui devront être réservées au contrôle de la Cour, afin de maintenir la cohérence du contrôle sur les décisions prises à cet égard par la Commission et le Conseil.

    Comme indiqué plus haut, le contrôle des actes normatifs et des actes non normatifs pris sur la base d'une disposition du traité doit être réservé au contrôle exclusif de la Cour [33].

    [33] Les recours tels que celui formé dans l'aff. C-100/99 Italie/Conseil et Commission (DOC. n°5604/02, p.15) qui visait à la fois un acte adopté au titre d'une disposition du traité, en l'occurrence le règl. n° 2800/98 du Conseil relatif aux mesures transitoires pour l'introduction de l'euro dans la politique agricole commune, adopté au titre des art. 42 et 43 du traité CE, et un règlement d'exécution pris par la Commission sur la base de l'art. 9 (procédure comitologie) du règlement n°2799/98 du Conseil, en l'occurrence le règl. n° 2808/98 portant modalités d'application du régime agrimonétaire de l'euro dans le secteur agricole, relèveraient de la compétence de la Cour.

    Il ne s'agit pas pour autant de revenir sur le transfert déjà opéré en direction du TPI pour les recours formés en matière de concurrence et d'aides d'Etat. Les décisions prises à cet égard tant par la Commission que par le Conseil sur la base des dispositions du traité devront relever du contrôle du TPI et former par conséquent une exception à la règle de répartition des compétences ainsi proposée.

    B. Les actes dont le contrôle ne devrait plus être maintenu à la compétence du TPI

    Dans la mesure où le traité de Nice tend à une redistribution d'ensemble des compétences entre la Cour et le TPI, la Commission est d'avis que l'ensemble des recours visant l'annulation de dispositions d'un règlement intérieur d'une institution ou de décisions régissant le fonctionnement interne d'une institution devrait désormais être réservé à la compétence de la Cour.

    La Commission observe à cet égard que, selon la proposition de la Cour, les résolutions et décisions internes du Parlement ne seraient soumises à son contrôle que si le recours est formé par un Etat membre [34]. Or, tout recours en annulation ou en carence intervenant en cette matière vise le fonctionnement du système institutionnel et devrait, de l'avis de la Commission, être réservé à sa compétence exclusive.

    [34] Ex. : l'aff. C-267/96 France/PE, mentionné dans la note p. 15 in fine, visant l'annulation d'une délibération du PE fixant le calendrier des sessions, qui aurait été adoptée en violation de la décision prise de commun accord entre les Etats membres à Edimburg en 1992 sur le siège du PE.

    S'agissant du Parlement européen, il convient de citer notamment les affaires

    - T-222/99 Martinez-De Gaulle/PE, T-327/99 Front national/PE et T-329/99 Bonino e.a/PE. : recours en annulation de la décision du PE du 14.9.99 relative à l'interprétation de l'art.29 1 du Règlement Intérieur du PE et portant dissolution du Groupe technique des députés indépendants (arrêt du 2.10.2001)

    - T-236 Stauner e.a./PE visant l'annulation de l'accord-cadre approuvé par le PE le 5.7.00, en ce qu'il porterait atteinte au droit des parlementaires de poser des questions à la Commission en vertu de l'art.197.3 du traité CE (ord. du 17.01.2002)

    - T-17/00 Rotley/PE visant l'annulation d'une décision du PE portant modification de son R. Intérieur à la suite de l'accord interinstitutionnel du 25.05.1999 entre le PE, le Conseil et la Commission, relatif aux enquêtes internes effectuées par l'OLAF ; cette décision violerait la procédure législative, leur immunité en tant que parlementaires et l'indépendance de leur mandat (arrêt du 26.02.2002).

    * * *

    Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, la Commission propose de modifier l'article 51 du Statut, comme indiqué en annexe

    Annexe

    Proposition d'amendement du projet de la Cour

    (les modifications par rapport au texte de la Cour sont indiquées en caractères gras)

    Article 51

    Par exception à la règle énoncée à l'article 225 1 du traité CE et à l'article 140A 1 du traité CEEA, sont réservés à la Cour de justice les recours visés aux articles 230 et 232 du traité CE et aux articles 146 et 148 du traité CEEA, qui sont formés par un Etat membre, une institution des Communautés ou par la BCE contre un acte fondé sur une disposition du traité CE ou du traité CEEA ou contre une abstention de satuer en vertu du traité CE ou du traité CEEA, à l'exclusion

    - des décisions prises par la Commission ou par le Conseil au titre de l'art. 88 2 du traité CE,

    - et des décisions prises par la Commission au titre de l'article 38, de l'article 76 2, des articles 81, 82, 85, 86 3 et de l'article 134 du traité CE.

    Sont également réservés à la Cour de justice les recours visés aux mêmes articles

    i) formés entre [35] les institutions, la BCE, les organes et organismes institués par le traité CE ou sur la base de celui-ci [36],

    [35] recours interinstitutionnels

    [36] formulation reprise de l'art. 286 1 du traité CE

    ii) ainsi que ceux formés [37] contre tout acte régissant le fonctionnement d'une institution, de la BCE, d'un organe ou organisme communautaire.

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