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Document 32009D0402
2009/402/EC: Commission Decision of 28 January 2009 on the contingency plans in the fruit and vegetable sector implemented by France (C 29/05 (ex NN 57/05)) (notified under document number C(2009) 203)
2009/402/CE: Décision de la Commission du 28 janvier 2009 concernant les plans de campagne dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France [C 29/05 (ex NN 57/05)] [notifiée sous le numéro C(2009) 203]
2009/402/CE: Décision de la Commission du 28 janvier 2009 concernant les plans de campagne dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France [C 29/05 (ex NN 57/05)] [notifiée sous le numéro C(2009) 203]
JO L 127 du 26.5.2009, p. 11–20
(BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
In force
26.5.2009 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
L 127/11 |
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 28 janvier 2009
concernant les «plans de campagne» dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France [C 29/05 (ex NN 57/05)]
[notifiée sous le numéro C(2009) 203]
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(2009/402/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,
après avoir, conformément à l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, du traité, mis les intéressés en demeure de lui présenter leurs observations et vu ces observations,
considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) |
À la suite d'une plainte, la Commission a adressé, le 31 juillet 2002, une lettre à la France pour demander des renseignements sur des aides nationales non notifiées dans le secteur des fruits et légumes que la France serait en train de payer depuis plusieurs années dans le contexte de dispositifs dénommés «plans de campagne», «plans stratégiques» ou «plans conjoncturels» (ci-après les «plans de campagne»). |
(2) |
Une réunion a eu lieu entre les autorités françaises et les services de la Commission le 21 octobre 2002. |
(3) |
Par lettre du 26 décembre 2002, enregistrée le 2 janvier 2003, la France a fourni des informations confirmant que de telles aides avaient été octroyées jusqu’à l’année 2002. |
(4) |
Par lettre du 16 avril 2003, la Commission a demandé à la France de lui fournir un inventaire complet des aides octroyées au titre des «plans de campagne», ventilées par mesure et par production, comprenant le montant d’aide destinée à chaque mesure et la durée précise des régimes. Par lettre du 30 avril 2003, la France a demandé une extension du délai de réponse à la demande de renseignements de la Commission. Par lettre du 22 juillet 2003, enregistrée le 25 juillet 2003, la France a transmis des informations concernant la nature des actions financées ainsi que des tableaux reprenant la répartition des crédits publics affectés aux différentes productions pour la période 1998-2002. |
(5) |
La mesure a ensuite été incluse dans le registre des aides non notifiées sous le numéro NN 57/05. |
(6) |
La décision de la Commission d’ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (1). La Commission a invité les autres États membres et les tiers intéressés à présenter leurs observations sur les aides en cause. |
(7) |
La France a demandé un délai supplémentaire de réponse par lettre du 5 août 2005, enregistrée le 9 août 2005. La France a envoyé ses commentaires par lettre du 4 octobre 2005, enregistrée le 6 octobre 2005. |
(8) |
Par lettre du 22 octobre 2005, enregistrée le 24 octobre 2005, la Commission a reçu des observations de la part d’un tiers intéressé, la Fédération des Comités économiques Agricoles rattachés à la filière de production des fruits et légumes (ci-après la FEDECOM), et qui rassemble les comités économiques agricoles et les fédérations spécialisées en fruits et légumes. Ces observations ont été envoyées aux autorités françaises par lettre du 1er décembre 2005. Les autorités françaises ont répondu à leur tour par lettre du 28 décembre 2005, dans laquelle elles ont donné leur accord à la transmission des lettres du 26 décembre 2002 et du 22 juillet 2003 à la FEDECOM. Par le même courrier, les autorités françaises ont transmis un rectificatif aux tableaux financiers fournis antérieurement. Par lettre du 18 janvier 2006, lesdites lettres ont été transmises à la FEDECOM. |
II. DESCRIPTION
(9) |
À la suite d'une plainte anonyme, la Commission est entrée en possession de nombreux documents attestant de l’existence en France d’aides étatiques octroyées dans le secteur des fruits et légumes. Des fonds publics de l’Office National Interprofessionnel des Fruits, des Légumes et de l’Horticulture (ci-après l’ONIFLHOR) auraient été attribués aux producteurs par le biais des comités économiques agricoles pour la réalisation d’actions de soutien du marché des fruits et légumes. |
1. Actions de soutien du marché des fruits et légumes
1.1. Les comités économiques agricoles — composition, mission et modalités de financement
(10) |
Les comités économiques agricoles rassemblent les groupements de producteurs agricoles d’un secteur donné. Ils sont institués par la loi française (2) et sont régis par les dispositions de l’article 552-1 et suivant du Code Rural. |
(11) |
La mission des comités économiques est d’édicter des règles communes à leurs membres afin d’harmoniser les disciplines de production, de commercialisation, de prix et de mise sur le marché des produits (3). |
(12) |
Bien que constitués sous des formes sociales relevant du droit privé, les comités doivent être agréés par le Ministre de l’agriculture et sont étroitement surveillés par les pouvoirs publics. Notamment, le préfet de la région du siège du comité assiste à toutes les réunions décisionnelles des organes et en vise toutes les délibérations. |
(13) |
Pour assurer les frais de leur fonctionnement, les comités économiques perçoivent auprès des groupements de producteurs un droit d’inscription et des cotisations assises sur la valeur de la production commercialisée (4). Ces cotisations sont obligatoires pour les parties en cause exclusivement en vertu du contrat passé entre les adhérents et le comité (cotisations contractuelles). |
(14) |
En outre, les comités économiques agricoles agréés peuvent élaborer des disciplines de production et de mise sur le marché, dont ils peuvent demander l’extension à tous les producteurs de leur circonscription territoriale. L’extension se fait par un arrêté du Ministre de l’agriculture. La décision d’extension emporte obligation pour les producteurs restés indépendants de verser aux comités des cotisations, dites cotisations d’extension des règles. |
1.2. Les «plans de campagne»
(15) |
Huit comités économiques agricoles (Rhône-Méditerranée, Grand Sud-Ouest, Corse, Val de Loire, Nord, Nord-Est, Bretagne et Normandie) ont bénéficié pendant de nombreuses années de fonds publics, fournis notamment par l’ONIFLHOR, et utilisés pour le financement de dispositifs d’aides dénommés «plans de campagne», comportant des actions sur les marchés intra et extracommunautaires visant à faciliter la commercialisation de produits agricoles récoltés en France, surtout en période de crise. |
(16) |
Selon les plaignants, la mise en place de ces dispositifs est antérieure à la réforme de l’OCM fruits et légumes de 1996. La France a assuré que depuis le 1er janvier 2003, aucune action n’a plus été financée dans le cadre de ces dispositifs. |
(17) |
En ce qui concerne la nature exacte des actions, dans leur lettre du 26 décembre 2002, les autorités françaises ont expliqué qu’elles visaient à prévenir ou, en cas de crises, à atténuer les effets d’excédents momentanés de l’offre par rapport à la demande en agissant à trois niveaux: marchés extérieurs, marché intérieur et transformation. |
(18) |
Sur les marchés extérieurs, l’objectif était de maintenir les parts de marché des produits français en permettant aux exportateurs de se positionner sur les marchés stratégiques et de faire face à la concurrence sur les prix. |
(19) |
Sur le marché intérieur, les actions financées visaient à dégager le marché soit en proposant des prix plus attractifs, soit en détruisant une partie de la récolte en surnombre ou en l’orientant vers la transformation. Les autorités françaises mentionnent aussi des actions de stockage temporaire de produits en cas de saturation du marché, ainsi qu’un soutien permettant aux entreprises de transformation d’assainir le marché du frais. |
(20) |
La lettre des autorités françaises du 22 juillet 2003 fournit des tableaux chiffrés qui indiquent les montants d’aide publique affectés aux mesures de «transformation», «dégagement», «qualité», «contractualisation», «marchés extérieurs» et «stockage». |
(21) |
Les documents et informations dont la Commission dispose fournissent des indications plus précises, quoique limitées à certains produits, sur la nature des actions susceptibles d’avoir été financées dans le cadre des «plans de campagne». |
(22) |
Par exemple, pour ce qui est de la production de pommes, une lettre parvenue à la Commission en avril 2002 fait référence à un soutien à l’exportation en dehors de la Communauté qui aurait été octroyé sous couvert d’une aide à la promotion. La mesure consisterait en réalité en l’octroi de rabais à l’acheteur, payés par les autorités françaises par caisse de pommes achetée. De plus, d’après d’autres documents, le comité économique fruits et légumes du bassin Rhône Méditerranée (BRM) aurait financé en 2000 des actions telles que «coûts de production», «prix de vente», «politique de transformation», «export structurel», «valorisation export», «export lors d’un pic de production», «marchés émergents», «valorisation marché intérieur». Dans les secteurs de la pêche et de la nectarine, ces aides semblent avoir été accordées sur base de la quantité produite. |
(23) |
Certains documents en possession de la Commission indiquent que les autorités françaises étaient informées de la nature douteuse de ces actions au regard du droit communautaire. Elles mêmes qualifiaient ces actions de «largement anti-communautaires» et signalaient la «menace d’une obligation de faire rembourser par les producteurs les sommes indûment versées» (5). Un compte-rendu du BRM rappelle aussi «le caractère confidentiel des plans stratégiques et le besoin de discrétion nécessaire compte tenu du principe anti-communautaire de ceux-ci» (6). |
1.3. Mécanisme de financement
(24) |
Dans la lettre du 26 décembre 2002, la France a expliqué que le financement des actions a été assuré par les secteurs concernés à raison de 30 % ou 50 %, la part restante étant financée par les pouvoirs publics. |
(25) |
La FEDECOM a expliqué de façon détaillée le mécanisme de financement des «plans de campagne» ainsi que le rôle joué par les comités. Ces explications n’ont pas été contestées par la France. |
(26) |
Selon la FEDECOM, les mesures à appliquer étaient déterminées exclusivement par l’ONIFLHOR, et les comités économiques étaient tenus de les appliquer. L’ONIFLHOR prenait, au moment de chaque campagne et pour chaque espèce végétale, une décision concernant les mesures à réaliser et chargeait la section nationale concernée de les mettre en œuvre. L’ONIFLHOR décidait aussi des sommes allouées au plan en cause, ainsi que du montant des cotisations que devaient apporter les comités économiques. |
(27) |
Les mesures étaient financées à partir d’un fonds opérationnel géré par les comités économiques. Ce fonds fonctionnait sur la base des mêmes principes que ceux applicables aux aides communautaires prévues à l’article 15 du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil du 28 octobre 1996 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (7), en ce qu’il était alimenté en partie par l’aide publique, et en partie par des contributions financières des producteurs associés (dénommées parts professionnelles), assises sur les quantités ou la valeur des fruits et légumes commercialisées. Les parts professionnelles n’étaient pas composées de cotisations d’extension de règles. Elles n’étaient donc pas obligatoires en vertu d’un décret ministériel. |
(28) |
Les parts professionnelles étaient appelées par les comités économiques agricoles et l’ONIFLHOR les abondait d’une aide publique. Toutefois, les organisations de producteurs avaient la possibilité de ne pas adhérer à l’initiative. Le non paiement des parts professionnelles équivalait à un refus de recevoir les aides ONIFLHOR. En ce cas, l’aide publique restait bloquée au niveau du comité économique et l’ONIFLHOR en demandait ex-post le remboursement. En effet, certaines organisations de producteurs, par exemple Roussillon Méditerranée, Rambertfruits et Vallée de l’Eyrieux, ont refusé de payer les parts professionnelles et n’ont donc pas bénéficié des aides au titre des «plans de campagne». |
1.4. Montant des aides
(29) |
Le tableau ci-dessous fournit un résumé des montants payés, en euros, par l’ONIFLHOR au titre des «plans de campagne» de 1992 à 2002 (8). Ces montants sont ventilés par année et par actions. Or, pour les années 1992 et 1993, seul le montant global de l’aide figure dans le tableau. La France a expliqué que les archives de l’ONIFLHOR ne permettent plus, pour ces deux années, de fournir une ventilation détaillée.
|
2. Arguments soulevés par la Commission dans le cadre de l’ouverture de la procédure d’examen
(30) |
La Commission a ouvert la procédure d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité car elle nourrissait de sérieux doutes quant à la compatibilité de ces aides avec le marché commun et estimait, à première vue, qu’elles devaient être qualifiées de pures aides au fonctionnement. De plus, de telles mesures semblaient interférer gravement avec les mécanismes de l’organisation commune de marché dans le secteur des fruits et légumes. |
III. OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR DES TIERS
(31) |
Le plaignant n’a pas transmis d’observations dans le cadre de la procédure formelle d’examen. |
(32) |
La FEDECOM a transmis un document qui décrit la composition et les modalités de financement de ces comités ainsi que le rôle joué par ces derniers dans le cadre des «plans de campagne». |
(33) |
La France n’a pas contesté la véracité de ces explications. |
(34) |
Sur la base des informations fournies (qui figurent aux sections 1 et 3 du document visé au point 32), la FEDECOM soutient que: |
(35) |
Les comités économiques agricoles n’ont pas été bénéficiaires des sommes allouées dans le cadre des «plans de campagne». Les comités se sont bornés à recevoir les fonds et à les répartir ensuite aux destinataires (les organisations de producteurs, et, au travers de ces dernières, les producteurs membres de la filière). |
(36) |
Le paiement de la «part professionnelle» était un acte volontaire des organisations de producteurs, dont le principe était soumis à l’approbation des sections nationales concernées qui se sont prononcées selon un processus démocratique. Aucun texte ne faisait obligation aux organisations de producteurs de solliciter le bénéfice d’une aide communautaire. Dès lors, selon la FEDECOM, les parts professionnelles ne peuvent pas être considérées comme constituant des ressources d’État, étant donné leur nature privée et volontaire. |
(37) |
Selon la FEDECOM, les mesures réalisées dans le cadre des «plans de campagne» ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité, étant donné que le critère du financement par des ressources d’État n’est pas rempli en l’espèce. |
IV. OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LA FRANCE
(38) |
Par lettre du 4 octobre 2005, la France a présenté ses observations sur la décision de la Commission d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité à l’encontre de l’aide non notifiée. |
(39) |
La France n’a pas apporté de précisions quant à la nature exacte des mesures financées dans le cadre des «plans de campagne», et elle n’a pas contesté non plus l’analyse préliminaire de la Commission concernant l’incompatibilité de ces aides avec le marché commun au regard de la législation communautaire. |
(40) |
Toutefois, concernant la nature des contributions professionnelles affectées au financement des «plans de campagne», la France a indiqué que ces contributions constituaient la contrepartie des secteurs concernés aux actions financées dans le cadre des «plans de campagne» et ne bénéficiaient pas de l’extension des règles telle que prévue à l’article 18 du règlement (CE) no 2200/96 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes. D’après les autorités françaises, il s’agissait de contributions volontaires non étendues par les pouvoirs publics et dont les comités économiques pouvaient disposer librement. Elles n’avaient aucun caractère obligatoire. La France conclut que ces contributions ne peuvent être assimilées à des ressources d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE. |
(41) |
La France a fourni un tableau avec les montants des crédits «plans de campagne» tirés du budget de l’ONIFLHOR pour les années 1994 à 2002, ventilés par production et par mesure (voir plus haut). Ces montants n’incluent pas les «parts professionnelles» payées par le secteur. Un rectificatif de ce tableau concernant l’année 2002 a été transmis à la Commission par lettre du 28 décembre 2005. |
V. APPRÉCIATION
(42) |
La Commission constate que les articles 92, 93 et 94 du traité (devenus articles 87, 88 et 89) étaient applicables à la production et au commerce des fruits et légumes, en vertu de l’article 31 du règlement (CEE) no 1035/72 du Conseil du 18 mai 1972 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (9), et de l’article 43 du règlement (CE) no 2200/96, qui étaient applicables au moment de l’octroi des aides. |
1. Présence d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité
(43) |
L’article 87, paragraphe 1, du traité prévoit que, sauf dérogations prévues par le traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. |
(44) |
Pour qu’une mesure tombe dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, du traité, les quatre conditions suivantes doivent être cumulativement remplies: 1) la mesure doit être financée par l’État ou par le biais de ressources d’État et être imputable à l’État; 2) elle doit concerner de façon sélective certaines entreprises ou secteurs de production; 3) elle doit comporter un avantage économique pour les entreprises bénéficiaires, 4) elle doit affecter les échanges intracommunautaires et fausser ou menacer de fausser la concurrence. |
(45) |
En premier lieu, il faut constater que les mesures réalisées dans le cadre des «plans de campagne» ont bénéficié de façon exclusive (sélective) aux producteurs de fruits et légumes des départements français concernés. |
(46) |
En ce qui concerne la définition des bénéficiaires, il convient de prendre en compte les effets de l’aide pour déterminer qui en sont les bénéficiaires. Les bénéficiaires des aides sont ceux qui en ont eu la jouissance effective (10) et qui ont vu leur situation concurrentielle s’améliorer à la suite de l’octroi de l’aide. |
(47) |
Dans le cas d’espèce, il résulte de la nature même des actions entreprises dans le cadre des «plans de campagne» (voir points 17 et suivants de la présente décision) qu’ elles étaient destinées à faciliter l’écoulement de la production française, en permettant aux producteurs de bénéficier d’un prix de vente (ou d’une rémunération liée à la vente) supérieur au coût réel exposé par l’acquéreur de la marchandise. Il apparaît donc que les producteurs sont les bénéficiaires finaux de ces aides. |
(48) |
Cependant il résulte aussi des explications données par le FEDECOM et non contestées par les autorités françaises que les fonds utilisés dans le cadre des plans de campagne ont été dans un premier temps répartis par les comités économiques agricoles entre les organisations de producteurs, qui avaient adhéré à l’initiative des plans de campagne et payé les parts professionnelles, le bénéfice de ces aides étant transféré ensuite aux producteurs par les organisations professionnelles. |
(49) |
Or, la Commission observe que les organisations de producteurs peuvent exister sous différentes formes juridiques en vertu de l’article L 551-1 du Code rural, qui correspondent à des liens sociaux plus ou moins étroits entre les membres de ces organisations. Aussi, il ne peut être exclu, dans certains cas exceptionnels, que le bénéfice de l’aide n’ait pas été transféré par l’organisation de producteurs à ses membres, de sorte que, dans ces cas très particuliers, le bénéficiaire final de l’aide sera l’organisation de producteurs. |
(50) |
En second lieu, les producteurs en question ont bénéficié d’un avantage économique sous forme de financement de différentes actions de soutien au marché. Cet avantage a amélioré leur position concurrentielle. Selon une jurisprudence établie de la Cour de Justice, l’amélioration de la position concurrentielle d’une entreprise résultant d’une aide d’État indique, en règle générale, une distorsion de concurrence vis-à-vis d’autres entreprises qui ne reçoivent pas le même soutien (11). |
(51) |
En troisième lieu, au moment de l’octroi des aides, le secteur des fruits et légumes était pleinement ouvert à la concurrence et caractérisé par des échanges intracommunautaires intenses (12). L’existence d’une organisation commune de marché dans le secteur témoigne d’ailleurs de l’importance des échanges intracommunautaires de fruits et légumes ainsi que de la volonté d’assurer des conditions de concurrence non faussées sur le marché commun. Les mesures en question, qui visaient à manipuler les prix et les quantités mises sur le marché, étaient donc de nature à affecter les échanges et à fausser la concurrence. En ce qui concerne les mesures visant les marchés extracommunautaires, la jurisprudence de la Cour indique que, compte tenu de l’interdépendance entre les marchés sur lesquels opèrent les producteurs communautaires, il n’est pas exclu qu’une aide puisse fausser la concurrence intracommunautaire par renforcement de la position concurrentielle des opérateurs même si l’aide bénéficie à des produits pour l’exportation en dehors de la Communauté (13). Les critères concernant l’affectation des échanges et la distorsion de la concurrence sont donc pleinement remplis. |
(52) |
En ce qui concerne, en quatrième lieu, le critère du financement par l’État au moyen de ressources d’État, il convient de réaliser une analyse approfondie en se penchant, entre autres, sur les arguments de l’État français ainsi que de la FEDECOM concernant la nature de ressources d’État des contributions du secteur. |
(53) |
Conformément à la jurisprudence de la Cour, pour qu’un avantage puisse être qualifié d’aide d’État, il faut en premier lieu qu’il soit accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d’État, et en second lieu qu’il soit imputable à l’État (14). |
(54) |
La Commission constate que l’ONIFLHOR est un organisme public. Dès lors, les apports financiers de l’ONIFLHOR aux «plans de campagne» constituent manifestement des ressources d’État. Les mesures réalisées dans le cadre des plans sont en outre imputables à l’État, car c’était l’ONIFLHOR qui, pour chaque campagne, établissait les mesures à prendre, chargeait la section nationale concernée de les mettre en œuvre et décidait des sommes allouées ainsi que du montant des cotisations du secteur. |
(55) |
À la lumière de la jurisprudence de la Cour (15), la Commission estime que le fait qu’une mesure imputable à l’État soit financée partiellement par des contributions prélevées sur les entreprises concernées ne peut pas lui enlever son caractère d’aide d’État, étant donné que celui-ci dépend des modalités et des effets du régime. Le caractère obligatoire ou volontaire de ces contributions ne joue aucun rôle dans l’application de ce principe. Par conséquent, l’allégation de la FEDECOM selon laquelle les mesures mises en œuvre dans le cadre des «plans de campagne» ne seraient pas des aides en raison de la nature privée des contributions du secteur doit être rejetée. |
(56) |
La Commission peut ainsi constater que les mesures réalisées dans le cadre des «plans de campagne» étaient financées par l’État ou par le biais de ressources d’État et étaient imputables à l’État. |
(57) |
Toutefois, la Commission a entendu vérifier que l’éventuelle applicabilité au cas d’espèce de la jurisprudence récente de la Cour en matière de ressources d’État ne remettait pas en cause ce raisonnement. Il convient à cet effet de rappeler brièvement les considérations principales de la Cour dans l’affaire Pearle (16). Dans son arrêt, la Cour indique que le revenu d’une cotisation obligatoire pour toutes les entreprises d’un secteur d’activité, collectée par un organe intermédiaire public, ne peut être considéré comme ressource d’État si les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies: a) les actions financées par les cotisations obligatoires sont déterminées par le secteur concerné; b) le financement provient à 100 % des cotisations des entreprises du secteur; c) les cotisations sont affectées obligatoirement au financement de la mesure, sans possibilité pour l’État d’intervenir en déterminant ou modifiant l’utilisation de ces ressources; d) les sujets qui paient les cotisations sont aussi les bénéficiaires de la mesure. |
(58) |
Dans le cas qui nous occupe, le financement ne provenait pas à 100 % des cotisations des entreprises du secteur. De toute évidence, les critères de Pearle ne sont pas remplis. Il faut noter cependant que, dans l’arrêt Pearle, la Cour a statué sur une autre situation de fait et dans un but différent. La Cour a notamment voulu identifier des critères permettant d’établir dans quelles circonstances le rôle joué par l’État dans la mise en place d’une mesure entièrement financée par le secteur bénéficiaire est tellement marginal que ladite mesure est considérée ne pas remplir tous les critères de l’article 87, paragraphe 1, du traité. |
(59) |
Dans le cas d’espèce, le rôle de l’État était manifestement central à tous les stades de la mise en œuvre des plans (du choix des mesures jusqu’à leur cofinancement). Les deux situations (le présent cas et le cas de l’arrêt Pearle) sont donc difficilement comparables. |
(60) |
Le Tribunal de Première Instance a par ailleurs statué plus récemment sur le rôle notoire que l’État français a joué dans un autre régime d’aides dans le secteur agricole et qui a conduit le Tribunal à considérer que les revenus d’une cotisation sectorielle étaient des ressources étatiques, entre autres raisons parce qu’elles ont nécessité l’adoption d’un acte de l’autorité publique pour produire leurs effets (17). |
(61) |
En l’espèce, le principal choix qui s’offrait aux organisations de producteurs était d’adhérer ou non à l’initiative de l’État. Encore, si elles décidaient de ne pas y adhérer, les producteurs concernés perdaient-ils le bénéfice des fonds alloués aux plans de campagne par l’ONIFLHOR, ce qui constituait une forte incitation à adhérer à cette initiative. |
(62) |
Au vu des considérations développées ci-dessus, la Commission constate qu’une analyse à la lumière des quatre critères de l’article 87, paragraphe 1, du traité permet d’établir de façon indiscutable la nature d’aide d’État des mesures liées aux «plans de campagne». |
2. Illégalité des aides
(63) |
La Commission constate que les autorités françaises n’ont pas notifié à la Commission les dispositifs instaurant les aides en l’espèce comme l’exige l’article 88, paragraphe 3, du traité. Les mesures constituent donc des aides illégales au sens de l’article 1er, point f), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (18). |
(64) |
Il importe de noter que l’examen de la Commission ne porte ici que sur la période commençant le 31 juillet 1992 jusqu’à la date actuelle, et ceci en vertu de l’article 15 du règlement (CE) no 659/1999, qui indique que le délai de prescription en matière de récupération des aides est de 10 ans. Au cas où la Commission conclurait que les aides illégales ici en cause sont incompatibles, elle ne pourrait en ordonner la récupération pour la période prescrite. La période de prescription peut être interrompue par toute mesure prise par la Commission à l’égard de l’aide illégale. Dans le cas d’espèce, le délai de prescription a été interrompu par un courrier de la Commission à la France du 31 juillet 2002. La période précédant le 31 juillet 1992 n’a par conséquent pas été prise en compte par la Commission. |
3. Examen de la compatibilité des aides
(65) |
L’article 87 du traité connaît des exceptions au principe général de l’incompatibilité des aides d’État avec le traité. |
(66) |
La Commission observe tout d’abord que les autorités françaises n’ont avancé aucun argument tendant à démontrer la compatibilité des aides examinées avec le marché commun. |
(67) |
Ensuite, il y a lieu de constater que certaines des dérogations prévues par le traité ne sont manifestement pas applicables en l’espèce, notamment celles prévues à l’article 87, paragraphe 2, qui visent notamment les aides à caractère social, les aides visant à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ainsi que les aides liées à la réunification de l’Allemagne. Il en va de même pour les dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 3, points a), b), d) du traité, étant donné que les aides en question n’étaient ni destinées à favoriser le développement économique d’une région dans laquelle le niveau de vie est anormalement bas ou dans laquelle sévit un grave sous-emploi, ni destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie de l’État, ni aptes à promouvoir la culture ou la conservation du patrimoine. |
(68) |
La seule dérogation potentiellement applicable en l’espèce est celle prévue à l’article 87 paragraphe 3, point c), du traité, qui prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Pour pouvoir bénéficier de la dérogation visée audit point, les aides doivent être conformes aux règles communautaires applicables en matière d’aides d’État. |
3.1. Détermination des lignes directrices applicables aux aides illégales
(69) |
D’après la Communication de la Commission sur la détermination des règles applicables à l’appréciation des aides d’État illégales (19), toute aide illégale au sens de l’article 1er, point f), du règlement (CE) no 659/1999 doit être examinée conformément aux règles et aux lignes directrices en vigueur au moment où l’aide est accordée. |
(70) |
Ainsi, les aides octroyées entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002 (date à laquelle les aides ont cessé) doivent être examinées à la lumière des règles reprises dans les lignes directrices pour les aides d’État dans le secteur agricole (20). En revanche, toute aide octroyée avant cette date devra être appréciée à la lumière des dispositions et de la pratique applicable avant le 1er janvier 2000. |
3.2. Incompatibilité des aides
(71) |
D’après les informations dont dispose la Commission, les «plans de campagne» prévoyaient des mesures destinées à faire face à des crises causées par un excès d’offre de produits français sur le marché communautaire, notamment par le biais d’un subventionnement des prix de vente, de subventions pour le stockage ou la destruction d’une partie de la récolte, ainsi que d’incitations financières à la transformation du produit frais. Sur les marchés hors Union européenne, des subventions à l’exportation auraient également contribué à l’écoulement des produits français excédentaires et pouvaient renforcer la position concurrentielle des opérateurs. Ces aides semblent avoir été octroyées sur la base du prix et de la quantité produite. |
(72) |
Ces soutiens ne sont prévus ni par les lignes directrices susmentionnées, ni par d’autres règles communautaires en la matière. Ils constituent manifestement des aides au fonctionnement qui avaient pour but de faciliter l’écoulement des produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités offertes sur les marchés. De telles interventions sont fermement interdites par la réglementation communautaire en matière d’aides d’État. |
(73) |
Il convient de rappeler ainsi que, tel que l’ont jugé la Cour de Justice et le Tribunal de Première Instance, les aides au fonctionnement, c’est-à dire les aides qui visent à soulager les entreprises de coûts qu’elles devraient normalement assumer dans la gestion ordinaire de leurs activités, faussent, en principe, la concurrence dans la mesure où d’une part, elles ne facilitent le «développement» d’aucun secteur économique et, d’autre part, elles procurent au bénéficiaire un support financier artificiel qui fausse de façon durable le jeu de la concurrence et affecte les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (21). |
(74) |
En particulier, les marchés agricoles dans l’Union européenne sont réglementés de façon exhaustive par le biais d’organisations communes de marché (OCM). Les OCM ont pour tâche, inter alia, d’assurer une concurrence loyale entre les opérateurs du secteur concerné à l’intérieur de l’Union européenne. Des mesures de soutien au marché telles que celles introduites et financées par la France, basées sur les prix et les quantités produites, contredisent les buts de l’OCM des fruits et légumes, et sont de nature à interférer gravement avec son fonctionnement. Dans le cas d’espèce, l’OCM concernée était l’OCM des fruits et légumes basée, pour la période 1992-2002, respectivement sur les règlements (CEE) no 1035/72 et (CE) no 2200/96. |
(75) |
Ainsi que la Cour de Justice l’a souligné à maintes reprises (22), toute intervention d’un État membre dans les mécanismes de marché, à l’exclusion de celles qui sont spécifiquement prévues par un règlement communautaire, risquent d’interférer avec le fonctionnement des organisations communes de marché et de créer des avantages injustifiés pour certains groupes économiques dans la Communauté. En particulier, dans sa jurisprudence plus récente (23), la Cour a encore une fois rappelé que, dans les domaines couverts par une organisation commune, à plus forte raison lorsque cette organisation est fondée sur un régime commun des prix, les États membres ne peuvent plus intervenir, par des dispositions nationales prises unilatéralement, dans le mécanisme de la formation des prix régis, au même stade de production, par l’organisation commune. |
(76) |
Il convient de relever que les mécanismes nationaux d’aides aux prix tels que ceux en cause en l’espèce compromettent le régime commun des prix et plus généralement la finalité des mécanismes créés par les règlements communautaires portant organisation commune de marchés, même lorsqu’ils ont pour objet de faciliter l’écoulement des produits nationaux sur les marchés tiers. En effet, ces règlements appréhendent également l’écoulement des produits communautaires sur les marchés tiers et harmonisent à cet égard les conditions de concurrence entre les producteurs communautaires. |
(77) |
À la lumière des considérations exposées ci-dessus, la Commission conclut que les mesures d’aides décrites ne peuvent bénéficier d’aucune dérogation prévue par le traité, en ce qu’elles faussent la concurrence et ne sont pas justifiées au regard de l’intérêt commun. |
VI. CONCLUSION
(78) |
Les aides d’État que la France a mises à exécution sous forme de «plans de campagne» en faveur des producteurs français de fruits et légumes entre les années 1992 et 2002 sont incompatibles avec le marché commun. |
(79) |
La Commission regrette que la France ait mis à exécution lesdites aides en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité. |
(80) |
En cas d’incompatibilité des aides illégales avec le marché commun, l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 prévoit que la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire. Ce remboursement est nécessaire en vue de rétablir la situation antérieure en supprimant tous les avantages financiers dont le bénéficiaire de l’aide octroyée de façon illégale a pu indûment bénéficier depuis la date d’octroi de cette aide. |
VII. PROCÉDURE DE RÉCUPÉRATION
(81) |
Comme indiqué au point 64, l’article 15 du règlement (CE) no 659/1999 prévoit que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Or, toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription, chaque interruption faisant courir de nouveau le délai. Étant donné que la première action de la Commission a eu lieu le 31 juillet 2002, la date limite à laquelle peut remonter la Commission aux fins d’une récupération dans le cas d’espèce est le 31 juillet 1992. |
(82) |
Les taux d’intérêt applicables à la récupération des aides jugées incompatibles ainsi que les modalités d’application de ces taux sont spécifiés dans le Chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (24), tel que modifié par le règlement (CE) no 271/2008 de la Commission (25). |
(83) |
Les aides doivent être remboursées en conformité avec les procédures prévues par la législation française, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. |
(84) |
L’aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l’aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l’aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l’aide ne leur ait pas été transféré par l’organisation de producteurs. La récupération de l’aide doit donc s’effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l’État membre pourra démontrer que l’aide ne leur a pas été transférée par l’organisation de producteurs, auquel cas la récupération s’effectuera auprès de cette dernière. |
(85) |
En ce qui concerne la quantification de l’aide, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’est pas tenue de quantifier exactement l’aide à récupérer (26). En l’espèce, il résulte de la nature même des actions entreprises dans le cadre des «plans de campagne» (voir notamment points 17 et suivants de la présente décision) qu’en substance elles consistaient à permettre aux producteurs de bénéficier d’un prix de vente (ou d’une rémunération liée à la vente) supérieur au coût réel exposé par l’acquéreur de la marchandise. Le montant à récupérer consiste donc dans la différence entre ces deux montants. Dans le cas des aides à la destruction d’une partie de la récolte, le montant à récupérer est l’intégralité des montants versés en échange de cette destruction. Dans certains cas, en particulier dans le cas spécifique des actions de stockage temporaire des produits, les actions conduites ont également pu consister à libérer les bénéficiaires de coûts qu’ils auraient normalement dû supporter (notamment les coûts de stockage). Le montant de l’aide correspond alors aux coûts dont les bénéficiaires de l’aide ont été libérés. |
(86) |
Il revient à la France, dans le cadre de ses obligations communautaires, de procéder à la récupération des montants en question. Dans l’hypothèse où la France rencontrerait des difficultés imprévues lors de la récupération, il y a lieu de rappeler qu’elle peut soumettre ces problèmes à l’appréciation de la Commission. La Commission et l’État membre doivent, dans un tel cas, conformément au devoir de coopération loyale, exprimé notamment à l’article 10 CE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et notamment de celles relatives aux aides, |
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Les aides d’État octroyées dans le cadre des «plans de campagne» aux producteurs de fruits et légumes que la France a illégalement mises à exécution en violation de l’article 83, paragraphe 3, du traité, entre les années 1992 et 2002 sont incompatibles avec le marché commun.
Article 2
1. La France prend les mesures nécessaires pour récupérer les aides incompatibles visées à l’article 1er auprès de leurs bénéficiaires.
2. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à la date de leur récupération.
3. Les intérêts sont calculés sur une base composée en conformité avec les dispositions prévues au Chapitre V du règlement (CE) no 794/2004.
4. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision.
Article 3
1. La récupération de l’aide visée à l’article 1er est immédiate et effective.
2. La France veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans un délai de quatre mois à compter de sa notification.
Article 4
1. Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la France soumet à la Commission les informations suivantes:
a) |
la liste des bénéficiaires qui ont reçu une aide dans le cadre du régime visé à l’article 1er et le montant total d’aide reçu par chacun d’eux; |
b) |
le montant total (principal plus intérêts de récupération) à récupérer auprès des bénéficiaires; |
c) |
une description détaillée des mesures déjà prises ou prévues pour se conformer à la présente décision; |
d) |
des documents démontrant que les bénéficiaires se sont vu ordonner de rembourser l’aide. |
2. La France informe la Commission des progrès faits suite aux mesures nationales adoptées pour mettre en œuvre la présente décision, et cela jusqu’à ce que la récupération de l’aide visée à l’article 1er soit achevée.
3. Après la période de deux mois visée au paragraphe 1, la France soumet, sur simple demande de la Commission, un rapport concernant les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Ce rapport fournit également des informations détaillées sur les montants d’aide et les intérêts de récupération déjà récupérés auprès des bénéficiaires.
Article 5
La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 28 janvier 2009.
Par la Commission
Mariann FISCHER BOEL
Membre de la Commission
(1) JO C 233 du 22.9.2005, p. 21.
(2) Notamment la loi du 6 octobre 1982, puis la loi no 2001-6 du 4 janvier 2001.
(3) Loi no 99-574 du 9 juillet 1999 art. 59 III, IV (JORF du 10.7.1999).
(4) Décret no 90-879 du 28 septembre 1990, art. 4 (JORF du 30.9.1990).
(5) Compte-rendu de la réunion Fruits et Légumes du 11 avril 2001, éléments de langage du Ministre de l’agriculture, pièce annexe no 19.
(6) Compte-rendu de l’Assemblée Générale de l’OP Pêches du 31 août 2000 à Nîmes, Pièce annexe no 20.
(7) JO no L 297 du 21.11.1996, p. 1.
(8) Ce tableau tient compte du rectificatif transmis par les autorités françaises par lettre du 28 décembre 2005.
(9) JO L 118 du 20.5.1972, p. 1.
(10) Arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, (C-303/88, Rec.1991, p. I-1433), point. 57
(11) Arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission (Affaire 730/79,, Rec. 1980, p. 2671), points 11 et 12).
(12) A titre d’exemple, en 2000, les échanges intracommunautaires de légumes s’élevaient à 6 727 000 tonnes, ceux de fruits à 5 609 000 tonnes. La France est, depuis toujours, un pays producteur de fruits et légumes parmi les plus importants de l’Union européenne, avec 3 681 000 tonnes de fruits et 7 989 000 tonnes de légumes produits en 2000.
(13) Arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, (C-142/87, Rec. 1987, p. 2589), point 35, Rec. 1987, p. 2589.
(14) Arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, (C-303/88, Rec. I-1433), point 11, Arrêt de la Cour du 16 mai 2002, France/Commission (C-482/1999, Rec. 2002, p. I-4397), point 24 ainsi que l’arrêt de la Cour du 20 novembre 2003, GEMO, (C-126/01, Rec.2003, p. I-13769), point 24.
(15) Arrêt de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig (78/76, Rec.1977, p. 595) et arrêt de la Cour du 11 novembre 1987, (259/85, France/Commission, Rec. 1987, p. 4393), point 23.
(16) Arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C-345/02, Rec. 2004, p. I.-7139). La mesure litigieuse était une campagne publicitaire en faveur du secteur de l’optique, financée entièrement par une «contribution affectée obligatoire» prélevée sur les entreprises du secteur. Cette charge était imposée par un organisme professionnel de droit public. Cet organisme ne pouvait à aucun moment disposer librement des contributions ainsi récoltées.
(17) Arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Salvat Père & Fils e.a./Commission (T-136/05, Rec. p. II-4063).
(18) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(19) JO C 119 du 22.5.2002, p. 22.
(20) JO C 28 du 1.2.2000, p. 2.
(21) Arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission (T-459/93, Rec. II-1675), points 48 et 77.
(22) Voir, par exemple, l’arrêt de la Cour du 29 novembre 1978, Redmond (dit arrêt «Pigs Marketing Board»), (83/78, Rec. 1978, p. 2347), point 60.
(23) Arrêt de la Cour du 26 mai 2005, Kuipers (C-283/03, Rec. 2005, p. I-3761); points 42, 49 et 53.
(24) JO L 140 du 30.4.2004, p. 1.
(25) JO L 82 du 25.3.2008, p. 1.
(26) Arrêt de la Cour du 27 octobre 2007, Commission/France (C-441/06, non encore publié au Recueil), point 29.