EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62021CO0085

Unionin tuomioistuimen määräys (yhdeksäs jaosto) 15.3.2022.
WY vastaan Steiermärkische Landesregierung.
Landesverwaltungsgericht Steiermarkin esittämä ennakkoratkaisupyyntö.
Ennakkoratkaisupyyntö – Unionin tuomioistuimen työjärjestyksen 53 artikla 2 kohta – Unionin kansalaisuus – SEUT 20 ja SEUT 21 artikla – Soveltamisala – Jäsenvaltion kansalaisuuden automaattinen menettäminen ennen kyseisen valtion liittymistä unioniin – Unionin tuomioistuimen toimivallan selvä puuttuminen.
Asia C-85/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:192

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

15 mars 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Citoyenneté de l’Union – Articles 20 et 21 TFUE – Champ d’application – Perte automatique de la nationalité d’un État membre avant l’adhésion de cet État à l’Union – Incompétence manifeste de la Cour »

Dans l’affaire C‑85/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche), par décision du 3 février 2021, parvenue à la Cour le 11 février 2021, dans la procédure

WY

contre

Steiermärkische Landesregierung,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. C. Lycourgos (rapporteur), président de la quatrième chambre, et M. J.–C. Bonichot, juge,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour WY, par Me M. Fister, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch ainsi que par Mmes J. Schmoll et A. Kögl, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes S. Grünheid et E. Montaguti, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 21 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant WY à la Steiermärkische Landesregierung (gouvernement régional de Styrie, Autriche) au sujet de la perte de la nationalité autrichienne de WY.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 20, paragraphe 1, TFUE, « [i]l est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ».

4        Selon l’article 21, paragraphe 1, TFUE, tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application.

 Le droit autrichien

5        L’article 27, paragraphe 1, du Bundesgesetz über die österreichische Staatsbürgerschaft (loi fédérale sur la nationalité autrichienne) (BGBl. 311/1985, ci-après la « loi sur la nationalité ») prévoit :

« Quiconque acquiert une nationalité étrangère à sa demande, du fait d’une déclaration de sa part ou de son consentement exprès, perd la nationalité autrichienne pour autant qu’il ne lui a pas été expressément accordé au préalable le droit de conserver celle–ci. »

6        L’article 28 de cette loi dispose :

« (1)      Un ressortissant national doit se voir accorder, en cas d’acquisition d’une nationalité étrangère (article 27), le maintien de sa nationalité si

1.      ce maintien est dans l’intérêt de la République en raison des services déjà fournis par ce ressortissant national et encore à attendre de lui ou pour un motif particulièrement digne de considération, et si – pour autant que la réciprocité existe - l’État étranger, dont il souhaite obtenir la nationalité, accepte le maintien et que les exigences prévues à l’article 10, paragraphe 1, points 2 à 6 et 8 sont dûment remplies, ou

2.      dans le cas des mineurs, ce maintien est dans l’intérêt de l’enfant.

(2)      Il en va de même pour les ressortissants nationaux ayant acquis la nationalité par filiation lorsqu’il existe dans leur vie privée et familiale un motif particulièrement digne de considération en faveur du maintien.

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

7        WY, qui est d’origine turque, a obtenu la nationalité autrichienne par décision du gouvernement régional de Styrie du 31 mars 1992. Dans ce cadre, un document de déchéance de la nationalité émanant de la République de Turquie avait été présenté aux autorités autrichiennes, dont il ressortait que WY avait perdu la nationalité turque à compter de la date de délivrance de ce document.

8        À la suite de la transmission, par le Bundesministerium für Inneres (ministère de l’Intérieur, Autriche) au gouvernement régional de Styrie, d’une « liste électorale » turque au cours de l’année 2017, dans laquelle figurait le nom de WY, ce gouvernement régional a engagé une procédure de constatation de la nationalité.

9        Par courrier du 27 juin 2017, le gouvernement régional de Styrie a demandé à WY de lui transmettre un extrait de registre d’état civil turc actualisé, avec des données relatives à la nationalité, afin de déterminer s’il avait recouvré la nationalité turque.

10      WY a informé ce gouvernement qu’il n’était pas en mesure de fournir l’extrait de registre d’état civil demandé, et a finalement transmis l’extrait de registre d’état civil de sa fille, qui contenait des données relatives à la nationalité de WY et d’où il ressortait que ce dernier avait recouvré la nationalité turque.

11      Lors de l’acquisition de cette nationalité d’un État tiers, WY n’a ni demandé ni obtenu le maintien de la nationalité autrichienne conformément à l’article 28 de la loi sur la nationalité.

12      Par décision du 13 décembre 2018, le gouvernement régional de Styrie a constaté que WY avait, en vertu de l’article 27, paragraphe 1, de la loi sur la nationalité, perdu la nationalité autrichienne le 3 février 1994, date à laquelle il a recouvré la nationalité turque. Par arrêt du 7 mai 2019, le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche) a confirmé cette décision.

13      Le recours formé par WY devant le Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle, Autriche) a été rejeté par décision du 26 juin 2019. Cependant, sur demande de WY, cette juridiction a renvoyé le recours de celui-ci, aux fins de décision, au Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche).

14      Par arrêt du 6 juillet 2020, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a annulé l’arrêt du Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie) du 7 mai 2019, pour autant qu’il concernait les constatations relatives à la perte de la nationalité autrichienne de WY au titre de l’article 27 de la loi sur la nationalité, et a renvoyé l’affaire devant cette dernière juridiction. Cette annulation a été, en substance, fondée sur le fait que la juridiction de renvoi n’avait pas effectué un examen de proportionnalité de la perte de nationalité, en application des critères dégagés dans l’arrêt du 12 mars 2019, Tjebbes e.a. (C‑221/17, EU:C:2019:189).

15      En l’occurrence, WY fait valoir que la perte éventuelle du statut de citoyen de l’Union et les limitations corrélatives dans l’exercice de sa liberté de circulation sont susceptibles d’entraîner des restrictions importantes dans sa vie familiale et professionnelle.

16      À cet égard, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la conformité au droit de l’Union de l’article 27, paragraphe 1, de la loi sur la nationalité.

17      Dans ces conditions, le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 21 TFUE doit-il être interprété en ce sens que, en cas de perte ex lege de la nationalité en vertu du droit national et de perte subséquente du statut de citoyen de l’Union, cette disposition doit être prise en considération dans le cadre de l’examen de la proportionnalité au cas par cas selon les principes dégagés par la Cour dans l’arrêt du 12 mars 2019, Tjebbes e.a. (C‑221/17, EU:C:2019:189), et est susceptible de constituer un obstacle à la perte de la nationalité lorsqu’un ressortissant a recouvré sa nationalité antérieure par une déclaration de réintégration et que le risque de perte du statut de citoyen de l’Union a des incidences importantes sur sa vie professionnelle et familiale ? »

 Sur la compétence de la Cour

18      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

19      Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

20      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il convient de tenir compte de cet article dans le cadre de l’examen de proportionnalité prévu par le droit de l’Union lorsqu’une personne, qui a obtenu son unique nationalité d’un État membre par naturalisation, perd de plein droit, en vertu de la législation de cet État membre, cette nationalité, et donc la citoyenneté de l’Union, du fait qu’elle a recouvré, à sa demande, la nationalité d’un État tiers, et si ledit article s’oppose à une telle perte de la nationalité de cet État membre eu égard aux conséquences importantes que la perte de la citoyenneté de l’Union entraîne sur la vie professionnelle et familiale de cette personne.

21      Il ressort d’une jurisprudence constante que, si la définition des conditions d’acquisition et de perte de la nationalité relève, conformément au droit international, de la compétence de chaque État membre, le fait qu’une matière ressortit à la compétence des États membres n’empêche toutefois pas que, dans des situations relevant du droit de l’Union, les règles nationales concernées doivent respecter ce dernier (arrêts du 2 mars 2010, Rottmann, C‑135/08, EU:C:2010:104, points 39 et 41, ainsi que du 14 décembre 2021, Stolichna obshtina, rayon « Pancharevo », C‑490/20, EU:C:2021:1008, point 38).

22      Il convient, dès lors, d’examiner si, eu égard aux éléments qui ressortent du dossier, la situation en cause au principal relève du droit de l’Union, en particulier des dispositions relatives à la citoyenneté de l’Union.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 20, paragraphe 1, TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union, lequel a vocation, selon une jurisprudence constante, à être le statut fondamental des ressortissants des États membres [arrêt du 18 janvier 2022, Wiener Landesregierung (Révocation d’une assurance de naturalisation), C‑118/20, EU:C:2022:34, point 38]. L’article 21, paragraphe 1, TFUE prévoit, quant à lui, que tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application.

24      Or, s’agissant des dispositions relatives à la citoyenneté de l’Union, la Cour a déjà jugé que ces dispositions sont applicables dès leur entrée en vigueur et doivent être appliquées aux effets actuels de situations nées antérieurement (arrêts du 11 juillet 2002, D’Hoop, C‑224/98, EU:C:2002:432, point 25 ; du 21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja, C‑424/10 et C‑425/10, EU:C:2011:866, point 58, ainsi que du 6 octobre 2016, Paoletti e.a., C‑218/15, EU:C:2016:748, point 37).

25      L’application desdites dispositions est cependant exclue lorsque le litige au principal a pour objet une situation ayant produit tous ses effets avant l’adhésion de l’État membre concerné à l’Union (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2016, Paoletti e.a., C‑218/15, EU:C:2016:748, point 41).

26      En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier que, en application de l’article 27, paragraphe 1, de la loi sur la nationalité, WY a été informé, par la décision du gouvernement régional de Styrie du 13 décembre 2018, de la perte de plein droit de la nationalité autrichienne du fait de l’acquisition, le 3 février 1994, de la nationalité turque. Dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi indique qu’elle « a constaté sur le fond que [WY] a recouvré la nationalité turque le 3 février 1994 et qu’il a donc perdu la nationalité autrichienne en vertu de [cet] article 27, paragraphe 1 ».

27      Le 11 novembre 2021, la Cour a adressé une demande d’informations à la juridiction de renvoi dans laquelle elle a invité cette juridiction à donner des indications supplémentaires sur la date à laquelle est intervenue, conformément à l’article 27, paragraphe 1, de la loi sur la nationalité, la perte de la nationalité autrichienne de WY. Ladite juridiction a répondu à cette demande le 3 décembre 2021. Elle a confirmé que la décision du gouvernement régional de Styrie du 13 décembre 2018 était purement déclaratoire et que, en recouvrant la nationalité turque le 3 février 1994, WY a perdu de plein droit la nationalité autrichienne à cette date, conformément à l’article 27, paragraphe 1, de la loi sur la nationalité.

28      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les effets d’une telle perte, à savoir que WY a cessé d’être un citoyen autrichien, se sont produits le 3 février 1994, soit avant l’adhésion, le 1er janvier 1995, de la République d’Autriche à l’Union, qui correspond à la date d’entrée en vigueur, pour cet État membre, des dispositions sur la citoyenneté de l’Union. Ladite perte a ainsi fait naître une situation juridique totalement et définitivement acquise avant ladite adhésion.

29      N’ayant plus la nationalité autrichienne à la date d’entrée en vigueur, en Autriche, des dispositions sur la citoyenneté de l’Union, WY n’a jamais obtenu la citoyenneté de l’Union. En effet, il ne remplissait pas à cette date, et n’a jamais rempli depuis, son unique nationalité étant celle de la République de Turquie, la condition prévue à l’article 20 TFUE, selon laquelle est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre.

30      À cet égard, la circonstance que la constatation par les autorités compétentes de la perte de la nationalité autrichienne soit intervenue des années plus tard, au cours de l’année 2018, ce qui a eu pour conséquence que WY a pu bénéficier, de fait, des droits découlant de la citoyenneté de l’Union, ne saurait modifier cette conclusion dès lors que les dispositions sur la citoyenneté de l’Union ne peuvent pas être applicables à cette personne qui, à aucun moment depuis l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union, n’a répondu, conformément au droit national, à la définition de ressortissant de cet État et, par extension, à celle de ressortissant d’un État membre, au sens de l’article 20 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 20 février 2001, Kaur, C‑192/99, EU:C:2001:106, point 25).

31      Par conséquent, à l’instar du gouvernement autrichien, il y a lieu de relever que la perte de la nationalité autrichienne, constatée au cours de l’année 2018, mais dont les effets se sont définitivement produits le 3 février 1994, n’a pas pu entraîner la perte de la citoyenneté de l’Union.

32      Dans ces conditions, la situation de WY ne relève pas du champ d’application de l’article 20 TFUE ni, en conséquence, de celui de l’article 21 TFUE.

33      Partant, il y a lieu, en application de l’article 53, paragraphe 2, de son règlement de procédure, de constater que la Cour est manifestement incompétente pour répondre à la question posée par le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie), par décision du 3 février 2021.

 Sur les dépens

34      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre à la question posée par le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche), par décision du 3 février 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

Top