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Document 62023TO1059
Order of the General Court (Ninth Chamber) of 4 October 2024.#Vossko GmbH & Co. KG v European Commission.#Case T-1059/23.
Üldkohtu määrus (üheksas koda), 4.10.2024.
Vossko GmbH & Co. KG versus Euroopa Komisjon.
Kohtuasi T-1059/23.
Üldkohtu määrus (üheksas koda), 4.10.2024.
Vossko GmbH & Co. KG versus Euroopa Komisjon.
Kohtuasi T-1059/23.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2024:689
DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
4 octobre 2024 (*)
« Recours en annulation – Politique commerciale – Article XXVIII du GATT – Accord entre l’Union et le Brésil – Modification des concessions pour les contingents tarifaires à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union – Viande de volaille cuite – Règlement d’exécution de la Commission – Acte réglementaire comportant des mesures d’exécution – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑1059/23,
Vossko GmbH & Co. KG, établie à Ostbevern (Allemagne), représentée par Mes L. Harings et F. Jacobs, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. M. Konstantinidis, R. Vidal Puig et R. Pethke, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de M. L. Truchot, président, Mmes R. Frendo et T. Perišin (rapporteure), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Vossko GmbH & Co. KG, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2023/1629 de la Commission, du 9 août 2023, modifiant le règlement d’exécution (UE) 2020/761 en ce qui concerne les quantités qui peuvent être importées dans le cadre de certains contingents tarifaires dans le secteur du sucre et de la volaille à la suite de l’accord entre l’Union européenne et la République fédérative du Brésil (JO 2023, L 202, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).
Antécédents du litige
2 La requérante est une société spécialisée dans le domaine de la transformation de la viande et du soja et ayant son siège en Allemagne. Elle fabrique des produits surgelés à base de viande de poulet, de dinde, de porc et de bœuf ainsi que des produits végétariens et végétaliens. Elle possède notamment une usine de production au Brésil, spécialisée dans la fabrication de produits surgelés à base de viandes de poulet cuites, produits qu’elle importe ensuite dans l’Union européenne en vue de leur commercialisation.
3 Le 17 décembre 2013, le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671) a été adopté.
4 Le règlement no 1308/2013 établit des règles concernant la gestion des contingents tarifaires et le traitement spécial à l’importation par les pays tiers. Il confère également à la Commission le pouvoir d’adopter des actes délégués et des actes d’exécution connexes, en vue de garantir la bonne gestion des contingents tarifaires.
5 Le 17 décembre 2019, la Commission a adopté le règlement délégué (UE) 2020/760 complétant le règlement no 1308/2013 en ce qui concerne les règles pour la gestion des contingents tarifaires d’importation et d’exportation soumis à des certificats et complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la constitution de garanties dans le cadre de la gestion des contingents tarifaires (JO 2020, L 185, p. 1).
6 Le règlement délégué 2020/760 établit les critères d’admissibilité qu’un opérateur doit remplir pour présenter une demande de certificat dans le cadre d’un contingent tarifaire.
7 Le même jour, la Commission a également adopté le règlement d’exécution (UE) 2020/761 portant modalités d’application des règlements (UE) no 1306/2013, no 1308/2013 et (UE) no 510/2014 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système de gestion des contingents tarifaires sur la base de certificats (JO 2020, L 185, p. 24).
8 Le règlement d’exécution 2020/761 établit des règles relatives à la gestion des contingents tarifaires d’importation et d’exportation pour les produits agricoles gérés sur la base d’un système de certificats d’importation et d’exportation issus à la suite des demandes adressées aux autorités nationales compétentes.
9 Les quantités de viandes de poulet cuites qui peuvent être importées dans l’Union en provenance du Brésil font l’objet d’un système de contingentement. L’Union et la République fédérative du Brésil ont en effet conclu un accord, au titre de l’article XXVIII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994, limitant notamment les quantités à importer dans l’Union de différents produits agricoles, parmi lesquels se trouvent, sous le numéro d’ordre 09.4214, les « préparations de viandes de volaille autres que de viandes de dinde », parfois également désignées, sous le même numéro d’ordre, comme « viandes de poulet cuites ». Lorsque l’Union comptait 28 États membres, la quantité relative au contingent tarifaire pour les « viandes de poulet cuites » en provenance du Brésil était fixée à 79 477 tonnes.
10 Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié son intention de se retirer de l’Union en vertu de l’article 50 TUE. Par une lettre du 11 octobre 2017, l’Union et le Royaume-Uni ont informé les autres membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qu’il était dans leur intention que le Royaume-Uni, à sa sortie de l’Union, reprenne dans la mesure du possible ses obligations actuelles d’État membre de l’Union dans sa nouvelle liste séparée de concessions et d’engagements concernant le commerce des marchandises. Conformément aux règles de l’OMC, cette répartition des contingents tarifaires inscrits sur la liste de concessions et d’engagements de l’Union devait se faire conformément à l’article XXVIII du GATT de 1994.
11 En vue de procéder à la répartition des contingents tarifaires et dans l’attente de la conclusion d’un nouvel accord entre l’Union à 27 États membres et la République fédérative du Brésil, la méthode suivante a été appliquée. Dans un premier temps, le taux d’utilisation de chaque contingent tarifaire par le Royaume-Uni a été établi. Ce taux d’utilisation, exprimé en pourcentage, était la part du Royaume-Uni dans les importations totales de l’Union au titre du contingent tarifaire en cause, sur une période représentative de trois ans. Ce taux d’utilisation a ensuite été appliqué à la totalité du volume prévu pour le contingent tarifaire pour aboutir à la part revenant au Royaume-Uni dans un contingent tarifaire donné. La part de l’Union correspondait alors au reste du contingent tarifaire en question.
12 C’est ainsi que, par l’adoption du règlement (UE) 2019/216 du Parlement européen et du Conseil, du 30 janvier 2019, relatif à la répartition des contingents tarifaires de la liste OMC de l’Union après le retrait du Royaume-Uni de l’Union, et modifiant le règlement (CE) no 32/2000 du Conseil (JO 2019, L 38, p. 1), il a provisoirement été décidé que la part d’utilisation du contingent tarifaire correspondant aux « viandes de poulet cuites » en provenance du Brésil par l’Union à 27 États membres devait être fixée à 66,3 % du contingent total, soit 52 665 tonnes, les 33,7 % restants représentant la part d’utilisation du contingent tarifaire en cause par le Royaume-Uni avant son retrait de l’Union.
13 Le 25 mai 2023, le Conseil a adopté la décision (UE) 2023/1056 relative à la conclusion, au nom de l’Union, de l’accord entre l’Union européenne et la République fédérative du Brésil en vertu de l’article XXVIII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994 concernant la modification des concessions pour l’ensemble des contingents tarifaires de la liste CLXXV de l’Union européenne à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (JO 2023, L 142, p. 1). Par cette décision, le Conseil a, sur le fondement de l’article 207, paragraphe 4, premier alinéa, en lien avec l’article 218, paragraphe 6, sous a) point v), TFUE, approuvé, au nom de l’Union l’accord entre l’Union européenne et la République fédérative du Brésil en vertu de l’article XXVIII du GATT de 1994 concernant la modification des concessions pour l’ensemble des contingents tarifaires de la liste CLXXV de l’Union européenne à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (JO 2023, L 142, p. 3, ci-après l’« accord modificatif »), signé à Bruxelles le 1er février 2023 et entré en vigueur le 26 mai 2023.
14 À la suite de la conclusion de l’accord modificatif, la Commission a adopté, le 9 août 2023, le règlement attaqué.
15 Tel que prévu par l’accord modificatif, le règlement attaqué fixe désormais la quantité relative au contingent tarifaire pour les « viandes de poulet cuites » en provenance du Brésil à 37 453 tonnes.
Conclusions des parties
16 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué ;
– condamner la Commission aux dépens.
17 Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
18 En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.
19 À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la Commission soulève deux fins de non-recevoir relatives à la qualité pour agir de la requérante, tirées, premièrement, de ce que le règlement attaqué ne produit ses effets à l’égard de la requérante que par l’intermédiaire de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, et, deuxièmement, de ce que ce règlement n’affecte pas individuellement la requérante, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE.
20 La requérante conteste l’argumentation de la Commission et soutient que le règlement attaqué constitue un acte règlementaire ne comportant pas de mesures d’exécution à son égard et que, par conséquent, son affectation directe est suffisante pour établir sa qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE. Par ailleurs, elle fait valoir que, en tout état de cause, elle est directement et individuellement concernée par le règlement attaqué au sens de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE.
21 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.
22 En l’espèce, force est de constater que la requérante n’est pas destinataire du règlement attaqué. Il s’ensuit qu’elle ne dispose pas d’un droit au recours sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, premier membre de phrase, TFUE.
23 Dans ces conditions, il convient d’examiner si la requérante peut fonder sa qualité pour agir sur l’une ou l’autre des hypothèses prévues par l’article 263, quatrième alinéa, deuxième et troisième membres de phrase, TFUE, à savoir, d’une part, si elle est directement et individuellement concernée par celui-ci ou, d’autre part, si ce règlement constitue un acte réglementaire qui la concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.
Sur la qualité pour agir de la requérante au regard de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE
Sur la qualification d’acte règlementaire du règlement attaqué
24 Il convient de relever, comme l’admet la Commission, que le règlement attaqué est un acte réglementaire au sens de l’article 263 TFUE. Ainsi, il a une portée générale, en ce qu’il s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. En outre, le règlement attaqué ne constitue pas un acte législatif dès lors qu’il n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 7 décembre 2022, Sunrise Medical et Sunrise Medical Logistics/Commission, T‑721/21, non publiée, EU:T:2022:791, point 17 et jurisprudence citée). En effet, ledit règlement est un acte de la Commission adopté dans l’exercice de ses compétences d’exécution, sur le fondement de l’article 187, sous a) à e), du règlement no 1308/2013.
Sur l’absence de mesures d’exécution
25 La Commission soutient que le règlement attaqué exige l’adoption de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, afin de produire des effets juridiques à l’égard de la requérante. Selon la Commission, les contingents tarifaires nouvellement fixés par le règlement attaqué ne produisent pas, en tant que tels, d’effets juridiques à l’égard de la requérante, car ledit règlement ne prévoit que la fixation du contingent tarifaire d’importation annuel global. De surcroît, les dispositions de l’article 9, paragraphes 8 et 9, du règlement délégué 2020/760 autoriseraient un écart par rapport aux quantités de référence. Des contingents tarifaires seraient ensuite attribués par les autorités nationales. Ce sont les autorités nationales qui statueraient sur les demandes de certificats d’importation et d’exportation. Le fait que lesdites autorités ne disposent, pour accorder de tels certificats, que d’un pouvoir d’appréciation restreint serait dénué de pertinence en ce qui concerne l’existence de mesures d’exécution. Les requérantes pourraient contester lesdits certificats devant les juridictions nationales et exciper de l’illégalité du règlement attaqué devant celles-ci. Enfin, face à une question d’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, une juridiction d’un État membre pourrait, ou devrait, selon le cas, poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
26 La requérante soutient qu’elle a qualité pour agir, dans la mesure où le règlement attaqué ne comporte pas de mesures d’exécution dotées d’un contenu normatif autonome et susceptibles d’être contestées au moyen de voies de recours nationales.
27 Premièrement, la requérante souligne que le règlement attaqué fixe le contingent tarifaire 09.4214 pour les viandes de volaille cuites comportant plus de 57 % de viande à une quantité de 37 453 tonnes. Compte tenu de la restriction instaurée par l’article 9, paragraphe 1, du règlement délégué 2020/760, qui plafonne la délivrance de certificats à 15 % de la quantité disponible totale, la requérante ne pourrait demander que l’importation d’un volume total de 5 617 tonnes. Selon la requérante, cette restriction quantitative constitue une disposition définitive qui affecte directement sa position juridique et ne comporte pas de mesures d’exécution susceptibles d’être contestées par le biais de voies de recours nationales. Elle soutient, à cet égard, que l’application du règlement attaqué au niveau national a un caractère automatique, puisque ledit règlement ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux autorités nationales.
28 Deuxièmement, la requérante estime qu’elle ne dispose d’aucune voie de recours nationale par laquelle elle pourrait contester de manière incidente la validité du règlement attaqué, dans la mesure où, selon elle, un recours dirigé contre la délivrance d’un certificat d’importation échouerait faute d’intérêt à agir. Elle considère que, afin de contester de manière incidente la validité du règlement attaqué, elle devrait formuler une demande de certificat d’importation non conforme aux dispositions légales afin d’obtenir une décision de refus qu’elle pourrait ensuite contester devant les juridictions nationales. Ce déficit de protection juridictionnelle compromettrait sérieusement, selon elle, son droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
29 À titre liminaire, il convient d’interpréter la notion d’« actes réglementaires [...] qui ne comportent pas de mesures d’exécution », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, à la lumière de l’objectif de cette disposition qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risquerait d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne disposait pas d’une voie de recours direct devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son égard devant les juridictions nationales (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 29 et jurisprudence citée).
30 En revanche, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 30 et jurisprudence citée).
31 Lorsque la mise en œuvre d’un tel acte appartient aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union, les personnes physiques ou morales peuvent introduire un recours direct devant les juridictions de l’Union contre les actes d’application dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et invoquer au soutien de ce recours, en application de l’article 277 TFUE, l’illégalité de l’acte de base en cause. Lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, ces personnes peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de base en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, sur le fondement de l’article 267 TFUE, la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 31 et jurisprudence citée).
32 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il y a lieu, aux fins d’apprécier le point de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 32 et jurisprudence citée).
33 C’est à la lumière de ces précisions qu’il convient d’examiner si le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution à l’égard de la requérante.
34 Le règlement attaqué modifie l’annexe IV relative aux contingents tarifaires dans le secteur du sucre et l’annexe XII relative aux contingents tarifaires dans le secteur de la volaille du règlement d’exécution 2020/761 conformément aux modifications apportées par l’accord modificatif. En ce qui concerne l’annexe XII relative aux contingents tarifaires dans le secteur de la volaille, le règlement attaqué réduit le contingent tarifaire dans le secteur de la volaille sous le numéro d’ordre 09.4214 (préparations de viandes de volaille autres que de viandes de dinde) à 37 453 tonnes.
35 Ainsi qu’il ressort de l’article 1er du règlement d’exécution 2020/761, celui-ci établit les règles communes relatives à la gestion des contingents tarifaires d’importation et d’exportation pour les produits agricoles gérés sur la base d’un système de certificats d’importation et d’exportation. Ces certificats sont délivrés aux opérateurs qui en ont fait la demande par les autorités nationales compétentes conformément aux dispositions du règlement d’exécution 2020/761.
36 Conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement délégué 2020/760, les opérateurs qui demandent un certificat d’importation ou d’exportation dans le cadre d’un contingent tarifaire sont établis et enregistrés dans l’Union aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Ils présentent leur demande de certificat auprès de l’autorité de délivrance des certificats de l’État membre dans lequel ils sont établis et enregistrés aux fins de la TVA.
37 L’article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement délégué 2020/760 prévoit que la quantité de référence d’un opérateur ne peut pas dépasser 15 % de la quantité disponible pour ledit contingent tarifaire au cours de la période contingentaire considérée.
38 Par ailleurs, conformément à l’article 9, paragraphe 8, du règlement délégué 2020/760, la Commission suspend l’exigence de quantité de référence lorsque, à la fin du neuvième mois d’une période contingentaire, les quantités ayant fait l’objet d’une demande au titre d’un contingent tarifaire sont inférieures à la quantité disponible dans le cadre dudit contingent tarifaire pour cette période contingentaire.
39 De surcroît, aux termes de l’article 9, paragraphe 9, du règlement délégué 2020/760, la Commission peut suspendre l’exigence de quantité de référence pour tout contingent tarifaire figurant à l’annexe I du règlement d’exécution 2020/761 lorsque des circonstances imprévisibles et exceptionnelles risquent de provoquer une sous-utilisation dudit contingent tarifaire.
40 Il ressort des considérations qui précèdent que le règlement attaqué ne déploie ses effets juridiques à l’égard de la requérante que par l’intermédiaire d’actes pris par les autorités nationales à la suite du dépôt de demandes de certificats sur le fondement du règlement d’exécution 2020/761 et du règlement délégué 2020/760. Les décisions des autorités nationales portant octroi de tels certificats, qui appliquent à l’égard des opérateurs concernés les contingents tarifaires pertinents, ainsi que les décisions portant refus total ou partiel de tels certificats, constituent dès lors des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 40).
41 Partant, le règlement attaqué ne saurait être qualifié d’acte règlementaire ne comportant pas de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
42 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante tiré du prétendu caractère automatique des mesures prises au niveau national. En effet, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’argumentation relative à l’absence de pouvoir d’appréciation des autorités nationales n’est pertinente que dans le cadre de l’analyse des conditions de l’affectation directe d’une partie requérante. En revanche, la question de savoir si le règlement attaqué laisse ou non un pouvoir d’appréciation aux autorités nationales chargées des mesures d’exécution n’est pas pertinente pour déterminer si ledit règlement comporte des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE (voir ordonnance du 7 décembre 2022, Sunrise Medical et Sunrise Medical Logistics/Commission, T‑721/21, non publiée, EU:T:2022:791, point 28 et jurisprudence citée).
43 Quant à l’argument de la requérante tiré de la violation du principe de protection juridictionnelle effective reconnu à l’article 47 de la Charte, il ressort d’une jurisprudence constante que cette disposition n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union, ainsi qu’il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 43 et jurisprudence citée).
44 Ainsi, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 44 et jurisprudence citée).
45 Cependant, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, ainsi qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, non seulement par la Cour, mais également par les juridictions des États membres. En effet, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277 TFUE, d’une part, et par son article 267 TFUE, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 45 et jurisprudence citée).
46 À ce titre, il convient de préciser que les justiciables ont, dans le cadre d’une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 46 et jurisprudence citée).
47 Il s’ensuit que le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 47 et jurisprudence citée).
48 À cet égard, il importe de rappeler que, lorsqu’une juridiction nationale estime qu’un ou plusieurs moyens d’invalidité d’un acte de l’Union avancés par les parties ou, le cas échéant, soulevés d’office, sont fondés, elle doit surseoir à statuer et saisir la Cour d’une procédure de renvoi préjudiciel en appréciation de validité, cette dernière étant seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 48 et jurisprudence citée).
49 À l’égard des personnes qui ne satisfont pas aux conditions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE pour porter un recours devant la juridiction de l’Union, il incombe donc aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 49 et jurisprudence citée).
50 Cette obligation des États membres a été réaffirmée à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE selon lequel ceux-ci « établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ». Une telle obligation résulte également de l’article 47 de la Charte s’agissant des mesures prises par les États membres mettant en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 50 et jurisprudence citée).
51 En l’espèce, rien dans le dossier ne permet de considérer que la requérante ne disposerait pas d’intérêt à agir à l’encontre des mesures nationales d’exécution du règlement attaqué. En effet, il ne ressort pas de ces mesures qu’il existerait une impossibilité, pour la requérante, d’introduire une demande excédant, le cas échéant, la quantité disponible dans le cadre du contingent tarifaire imposé par le règlement délégué 2020/760.
52 Par la suite, en cas de décision de refus, la requérante peut mettre en cause la validité de la mesure nationale d’exécution devant une juridiction nationale et, dans le cadre de cette procédure, faire valoir l’illégalité de l’acte de base en amenant ladite juridiction, le cas échéant, à interroger la Cour par la voie de questions préjudicielles, sur le fondement de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 18 décembre 2020, Micreos Food Safety/Commission, T‑568/19, non publiée, EU:T:2020:647, point 177).
53 Partant, et à la lumière de la jurisprudence citée aux points 43 à 50 ci-dessus, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré de la violation du principe de protection juridictionnelle effective.
54 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution.
55 Partant, la requérante n’a qualité pour agir contre le règlement attaqué que si celui-ci la concerne directement et individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE.
Sur la qualité pour agir de la requérante au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE
56 La Commission fait valoir que la requérante n’est pas concernée de manière individuelle par le règlement attaqué. Selon la Commission, celle-ci n’est concernée par ledit règlement qu’en sa qualité objective d’importateur de marchandises au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant, effectivement ou potentiellement, dans une situation identique. Le règlement attaqué n’atteindrait pas la requérante en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne.
57 La requérante conteste l’argumentation de la Commission. Elle soutient, en substance, qu’elle est individuellement concernée par le règlement attaqué en raison, premièrement, de l’affectation substantielle de sa position sur le marché, deuxièmement, de la violation de ses droits procéduraux et, troisièmement, de la violation de ses droits fondamentaux.
58 À titre liminaire, il convient de rappeler que les conditions de l’affectation directe, d’une part, et de l’affectation individuelle, d’autre part, prévues par l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE sont cumulatives (voir arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 75 et 76 et jurisprudence citée).
59 Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’examiner d’abord si la seconde condition, tenant à l’affectation individuelle de la requérante, est remplie.
60 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, afin d’être considérée comme individuellement concernée par un acte dont elle n’est pas destinataire, une personne physique ou morale doit être atteinte par cet acte en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; voir, également, arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 93 et jurisprudence citée).
61 Par conséquent, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir arrêt du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C‑204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, point 36 et jurisprudence citée).
62 Une partie ne saurait prétendre être individualisée par une disposition qui s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C‑204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, point 37 et jurisprudence citée).
63 De même, la circonstance qu’un acte normatif puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’est pas de nature à les caractériser par rapport à toutes les autres personnes concernées, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (voir ordonnance du 24 février 2022, Thomas et Julien/Conseil, T‑442/21, non publiée, EU:T:2022:93, point 31 et jurisprudence citée).
64 Cependant, le fait qu’une disposition a par sa nature et sa portée un caractère général, en ce qu’elle s’applique à la généralité des personnes intéressées, n’exclut pas pour autant qu’elle puisse concerner individuellement certaines d’entre elles (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, EU:C:2009:243, point 29 et jurisprudence citée).
65 En effet, lorsqu’un acte affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint de personnes. Il peut en être notamment ainsi lorsque ledit acte modifie les droits acquis par ces personnes antérieurement à son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59 et jurisprudence citée).
66 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier le bien-fondé des arguments de la requérante relatifs à son affectation individuelle par le règlement attaqué.
Sur l’argument de la requérante relatif à l’affectation substantielle de sa position sur le marché
67 La requérante soutient que son affectation individuelle résulte, d’une part, du fait qu’il existe un cercle restreint ou fermé de personnes ou d’entreprises concernées par le règlement attaqué et, d’autre part, du fait que, en tant que plus grand importateur de viande de volaille cuite brésilienne, elle subit un « préjudice anormal ».
68 La requérante souligne que, selon la jurisprudence, afin de vérifier si une partie requérante est individuellement concernée par un acte, le juge de l’Union peut prendre notamment en compte la question de savoir si la position de la partie requérante sur le marché est substantiellement affectée par cet acte.
69 En l’espèce, la requérante avance qu’elle se trouve dans une situation unique qui la distingue des autres acteurs du marché, dans la mesure où, au sein de l’Union, elle est le plus grand importateur de viande de volaille cuite brésilienne. Selon la requérante, l’adoption du règlement attaqué à la suite de la conclusion de l’accord modificatif engendrera une réduction du volume du contingent tarifaire 09.4214 de 52 665 tonnes à 37 453 tonnes, ce qui entraînera pour elle une charge économique de 1,54 million d’euros par an.
70 Par ailleurs, la requérante fait valoir que l’adoption du règlement attaqué la contraindrait à modifier en profondeur sa structure financière, son organisation et son modèle commercial, en compromettant une grande partie de ses investissements importants réalisés sur son lieu de production au Brésil. Elle serait obligée de se séparer d’une partie de son personnel de production et ne serait plus en mesure d’offrir des produits aux prix habituellement pratiqués sur le marché.
71 À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que le champ d’application du règlement attaqué, lu conjointement avec le règlement d’exécution 2020/761 et le règlement délégué 2020/760, est défini sur la base de critères objectifs et abstraits et n’est pas limité à un cercle restreint de personnes. Il a une portée générale et concerne, dès son entrée en vigueur et pour l’avenir, un nombre indéterminé d’opérateurs économiques décrits de manière abstraite.
72 En particulier, ainsi que le fait valoir la Commission et sans que le conteste la requérante, le règlement délégué 2020/760 prévoit des conditions et critères d’admissibilité objectifs définis dans des termes abstraits auxquels un opérateur doit satisfaire pour présenter une demande dans le cadre du contingent tarifaire 09.4214. En effet, l’article 3, paragraphe 1, du règlement délégué 2020/760 dispose ce qui suit :
« Les opérateurs qui demandent un certificat d’importation ou d’exportation dans le cadre d’un contingent tarifaire sont établis et enregistrés dans l’Union aux fins de la TVA. Ils présentent leur demande de certificat auprès de l’autorité de délivrance des certificats de l’État membre dans lequel ils sont établis et enregistrés aux fins de la TVA […] »
73 Par ailleurs, il ressort de la lecture combinée du règlement délégué 2020/760 et du règlement d’exécution 2020/761 que le contingent global de 37 453 tonnes par an s’applique à tous les opérateurs définis de manière abstraite, y compris ceux qui ne devraient utiliser le contingent tarifaire 09.4214 qu’à l’avenir ou ceux qui devraient étendre ou réduire leur utilisation.
74 Par conséquent, il y a lieu de constater que le règlement attaqué a une portée générale, puisqu’il s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite.
75 Deuxièmement, il importe de préciser que la requérante ne conteste pas qu’il existe d’autres opérateurs économiques affectés par la modification du contingent tarifaire 09.4214. Elle soutient uniquement qu’elle occupe une position unique parmi les importateurs sur le marché de l’Union et qu’elle subit, de ce fait, un préjudice économique particulièrement grave du fait de la modification des contingents tarifaires pour les viandes de poulet cuites originaires du Brésil.
76 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il ne suffit pas que certains opérateurs soient économiquement plus touchés par un acte que les autres opérateurs du même secteur pour qu’ils soient considérés comme individuellement concernés par cet acte (voir ordonnance du 3 décembre 2008, RSA Security Ireland/Commission, T‑227/06, EU:T:2008:547, point 61 et jurisprudence citée).
77 Par ailleurs, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 64 et jurisprudence citée).
78 En l’espèce, il y a lieu de relever que, même si le règlement attaqué peut affecter des opérateurs économiques, tels que la requérante, spécialisés dans la transformation de certaines préparations de viandes de volaille, rien dans le dossier ne permet de conclure que la requérante est individuellement concernée comme un destinataire par rapport à d’autres opérateurs économiques concernés. Au contraire, ainsi qu’il ressort des points 71 à 74 ci-dessus, le règlement attaqué concerne de manière générale un cercle de personnes défini de manière abstraite. Même si ce cercle de personnes défini de manière abstraite devait, de fait, inclure dans ses effets la requérante et que celle-ci devait subir le préjudice économique allégué, elle n’est pas concernée individuellement par rapport à d’autres opérateurs économiques au sens de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus.
79 De même, la circonstance, à la supposer avérée, que la requérante serait, au sein de l’Union, le plus grand importateur de viande de volaille cuite brésilienne n’est pas non plus suffisante pour l’individualiser tant qu’il existe d’autres opérateurs importants dans l’Union des « viandes de poulet cuites » en provenance du Brésil et que le nombre et l’identité de ces opérateurs ne sont pas précisés, voire que le groupe desdits opérateurs est susceptible d’être modifié après l’entrée en vigueur de l’accord modificatif (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04, EU:T:2011:760, point 112 et jurisprudence citée).
80 Certes, dans l’arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil (C‑358/89, EU:C:1991:214, point 17), invoqué par la requérante, la Cour a reconnu l’affectation individuelle d’un importateur qui avait prouvé, premièrement, qu’il était l’importateur le plus important du produit faisant l’objet de la mesure antidumping et, en même temps, l’utilisateur final de ce produit, deuxièmement, que ses activités économiques dépendaient, dans une très large mesure, des importations dudit produit et, troisièmement, que ses activités étaient sérieusement affectées par le règlement litigieux, compte tenu du nombre restreint de producteurs dudit produit et du fait qu’il éprouvait des difficultés à s’approvisionner auprès du seul producteur de l’Union, qui était, au surplus, son principal concurrent pour le produit transformé.
81 Toutefois, il y a lieu de relever que, premièrement, la jurisprudence mentionnée au point 80 ci-dessus, a été développée en matière d’antidumping, tandis que la présente affaire s’inscrit dans un contexte différent qui concerne la modification des certains contingents tarifaires à la suite de l’accord modificatif entre l’Union et la République fédérative du Brésil.
82 Deuxièmement, ainsi que le souligne la Commission et sans que la requérante le conteste, en l’occurrence, il existe quinze opérateurs qui importent des viandes de volaille du Brésil dans le cadre du contingent tarifaire sous le numéro d’ordre 09.4214. Même s’il est vrai que la requérante est actuellement le plus important importateur dans le cadre de ce contingent tarifaire, le volume de ses importations ne constitue pas en soi un élément suffisant pour la distinguer d’autres opérateurs. En effet, il ressort du dossier que, pendant la dernière période contingentaire, qui a pris fin le 30 juin 2023, la requérante a obtenu des certificats d’importation pour plus de 7 000 tonnes tandis que trois autres opérateurs ont obtenu des certificats d’importation pour plus de 5 000 tonnes et deux autres pour plus de 3 000 tonnes.
83 Il s’ensuit que la requérante n’est concernée par le règlement attaqué qu’en sa qualité objective d’importateur des marchandises, comme tout autre opérateur économique se trouvant effectivement ou potentiellement dans la même situation. Dès lors, le règlement attaqué n’affecte pas la requérante en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne.
84 D’ailleurs, il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), la Cour a refusé de considérer que la qualité d’importateur de clémentines était de nature à individualiser la partie requérante en jugeant qu’elle était atteinte par la décision en cause en tant qu’importateur de clémentines, c’est-à-dire en raison d’une activité commerciale qui, à n’importe quel moment, pouvait être exercée par n’importe quel sujet et qui n’était donc pas de nature à la caractériser par rapport à la décision en cause d’une façon analogue à celle du destinataire (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 et 224).
85 Il importe enfin de souligner que la présente affaire se distingue de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18, point 30 à 32), invoqué par la requérante. Dans cet arrêt, la Cour a jugé recevable un recours contre une mesure de portée générale introduite par des entreprises titulaires de droits acquis en raison du fait que la mesure en cause portait atteinte à l’exécution des contrats déjà conclus et dont l’exécution tombait dans la période d’application de la mesure en cause.
86 Or, en l’occurrence, la requérante n’a pas soutenu, et encore moins établi, qu’elle était individualisée par des contrats déjà conclus sur la livraison des marchandises concernées et déjà connus par la Commission avant l’adoption du règlement attaqué. Par conséquent, cette jurisprudence ne saurait être transposable dans la présente affaire.
87 Dans ces conditions, l’argument de la requérante tiré de l’affectation substantielle de sa position sur le marché ne suffit pas à l’individualiser et à la caractériser par rapport à d’autres opérateurs économiques au sens de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus.
Sur l’argument de la requérante relatif à la violation de ses droits procéduraux
88 Dans la requête, la requérante fait valoir qu’elle est individuellement concernée par le règlement attaqué en raison du fait que, en vertu de l’article 2, sous b), du règlement 2019/216, elle avait un droit de participation à la procédure et que la Commission aurait dû prendre en compte ses intérêts dans la négociation de contingents tarifaires.
89 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le fait pour une personne d’intervenir dans le processus d’adoption d’un acte de l’Union n’est de nature à l’individualiser en ce qui concerne l’acte en cause que dans le cas où des garanties de procédure ont été prévues au profit de cette personne par la réglementation de l’Union (voir ordonnance du 5 mai 2009, WWF-UK/Conseil, C‑355/08 P, non publiée, EU:C:2009:286, point 42 et jurisprudence citée).
90 Par ailleurs, selon la jurisprudence, une personne physique ou morale disposant de droits procéduraux dans le cadre du processus d’adoption d’un acte de l’Union ne saurait se voir reconnaître par principe, en présence d’une quelconque garantie procédurale, qualité pour agir contre cet acte afin de contester la légalité au fond de celui-ci. En effet, la portée exacte du droit de recours d’un particulier contre un acte de l’Union dépend de la position juridique définie en sa faveur par le droit de l’Union visant à protéger les intérêts légitimes ainsi reconnus (voir arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association, C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 107 et jurisprudence citée).
91 En l’espèce, il y a lieu d’observer qu’aucune des dispositions du cadre juridique applicable n’impose à la Commission de suivre une procédure dans le cadre de laquelle la requérante aurait le droit d’être entendue.
92 En effet, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, qu’il n’existe aucun droit de participation à la procédure qui pourrait conduire à une affectation individuelle. Selon la requérante, un tel droit devrait découler de l’article 2, sous b), du règlement 2019/216. Or, ainsi qu’il ressort de son considérant 6, le règlement 2019/216 concernait la situation dans laquelle, à la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union, aucun accord n’avait encore été conclu sur les contingents tarifaires respectifs avec le membre de l’OMC concerné, alors que le règlement attaqué a été adopté précisément à la suite de la conclusion d’un tel accord. Ainsi, l’article 2, sous b), du règlement 2019/216 n’était pas applicable à la procédure d’adoption du règlement attaqué.
93 Par ailleurs, l’article 2, sous b), du règlement 2019/216 habilite seulement la Commission à adopter un acte délégué modifiant l’annexe afin de tenir compte de « toute information pertinente susceptible de lui parvenir dans le cadre des négociations au titre de l’article XXVIII du GATT 1994 ou par d’autres sources ayant un intérêt pour un contingent tarifaire spécifique ». Ainsi que le relève la Commission, cette habilitation ne lui impose pas de rechercher activement de telles informations ou de tenir compte des informations qu’elle reçoit avant la conclusion d’un accord international.
94 Par conséquent, l’argument de la requérante tiré de la violation de ses droits procéduraux doit être rejeté.
Sur les arguments de la requérante relatifs à la violation de ses droits fondamentaux
– Sur la violation de la liberté d’entreprise et du droit de propriété
95 La requérante soutient qu’elle est individuellement concernée en raison de la violation de sa liberté d’entreprise, reconnue à l’article 16 de la Charte, et de son droit de propriété, consacré par l’article 17 de la Charte.
96 À cet égard, il suffit de relever que l’allégation de la requérante selon laquelle le règlement attaqué viole ses droits fondamentaux ne suffit pas à elle seule à déclarer recevable son recours, sous peine de vider les exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE de leur substance (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C‑565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 48 et jurisprudence citée).
97 Par conséquent, l’argument de la requérante relatif à la violation de sa liberté d’entreprise et de son droit de propriété ne suffit pas à l’individualiser et à la caractériser par rapport à d’autres opérateurs économiques au sens de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus.
– Sur la violation du droit à une protection juridictionnelle effective
98 La requérante se réfère, à l’appui de la recevabilité du présent recours, aux garanties d’une protection juridictionnelle effective tout en s’appuyant sur l’article 47 de la Charte.
99 Toutefois, le principe de protection juridictionnelle effective ne permet pas au juge d’écarter la condition de la qualité pour agir énoncée par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir ordonnance du 11 août 2023, Flynn/BCE, T‑675/22, non publiée, EU:T:2023:477, point 42 et jurisprudence citée).
100 Ainsi qu’il ressort de l’analyse contenue aux points 44 à 53 ci-dessus, la requérante n’est pas dépourvue de protection juridictionnelle.
101 En effet, ainsi qu’il a été observé au point 52 ci-dessus, la requérante est libre d’intenter des recours contre les actes éventuellement adoptés par les autorités nationales devant les juridictions nationales, permettant à ces dernières d’interroger la Cour par la voie de questions préjudicielles, en vertu de l’article 267 TFUE.
102 Dès lors, l’argument de la requérante relatif à la violation de son droit à une protection juridictionnelle effective doit être rejeté.
103 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué. Partant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si cette dernière est directement concernée par ce règlement, il convient de conclure qu’elle n’a pas qualité pour agir sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE.
104 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et, partant, de rejeter le recours comme irrecevable.
105 Conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure, lorsque la partie défenderesse a déposé une exception d’irrecevabilité telle que visée à l’article 130, paragraphe 1, dudit règlement, il n’est statué sur la demande d’intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception au fond. En outre, conformément à l’article 142, paragraphe 2, dudit règlement, l’intervention perd son objet, notamment lorsque la requête est déclarée irrecevable. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention déposée le 24 novembre 2023 par le Conseil de l’Union européenne.
Sur les dépens
106 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
107 Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, le demandeur en intervention, à savoir le Conseil, supportera ses propres dépens afférents à la demande d’intervention. Étant donné qu’il n’y a pas eu d’observations relatives à la demande d’intervention, la requérante et la Commission n’ont pas exposé de dépens à cet égard.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention du Conseil de l’Union européenne.
3) Vossko GmbH & Co. KG est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission européenne.
4) Le Conseil supportera ses propres dépens afférents à la demande d’intervention.
Fait à Luxembourg, le 4 octobre 2024.
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Le greffier |
Le président |
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V. Di Bucci |
L. Truchot |
* Langue de procédure : l’allemand.