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Document 62019CJ0733

    Euroopa Kohtu otsus (esimene koda), 15.4.2021.
    Madalmaade Kuningriik versus Euroopa Liidu Nõukogu ja Euroopa Parlament.
    Tühistamishagi – Ühine kalanduspoliitika – Määrus (EL) nr 1380/2013 – Kalavarude kaitse ja säästev kasutamine – Mereökosüsteemide kaitse – Määrus (EL) 2019/1241 – Tehnilised meetmed – V lisa, D osa – Elektriimpulsstraaliga kalapüügi keeld – Proportsionaalsuse põhimõte – Ettevaatuspõhimõte.
    Kohtuasi C-733/19.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:272

    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    15 avril 2021 (*)

    « Recours en annulation – Politique commune de la pêche – Règlement (UE) no 1380/2013 – Conservation et exploitation durable des ressources halieutiques – Protection des écosystèmes marins – Règlement (UE) 2019/1241 – Mesures techniques – Annexe V, partie D – Interdiction de la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel – Principe de proportionnalité – Principe de précaution »

    Dans l’affaire C‑733/19,

    ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 4 octobre 2019,

    Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. K. Bulterman, M. L. Noort et P. Huurnink, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    contre

    Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Naert et Mme A. Maceroni, en qualité d’agents,

    Parlement européen, représenté par MM. R. van de Westelaken et I. Liukkonen ainsi que par Mme K. Zejdová, en qualité d’agents,

    parties défenderesses,

    soutenus par :

    République française, représentée par Mme A.-L. Desjonquères et M. J.-L. Carré, en qualité d’agents,

    partie intervenante,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteure), MM. M. Safjan et N. Jääskinen, juges,

    avocat général : M. M. Szpunar,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par sa requête, le Royaume des Pays-Bas demande à la Cour :

    –        à titre principal, d’annuler l’annexe V, partie D, point 1, point 2, premier alinéa, en ce qu’y figure la période transitoire, et second alinéa, sous a), et points 3 à 5, du règlement (UE) 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques, modifiant les règlements (CE) no 2019/2006 et (CE) no 1224/2009 du Conseil et les règlements (UE) no 1380/2013, (UE) 2016/1139, (UE) 2018/973, (UE) 2019/472 et (UE) 2019/1022 du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant les règlements (CE) no 894/97, (CE) no 850/98, (CE) no 2549/2000, (CE) no 254/2002, (CE) no 812/2004 et (CE) no 2187/2005 du Conseil (JO 2019, L 198, p. 105, ci-après les « dispositions litigieuses »).

    –        à titre subsidiaire, d’annuler l’annexe V, partie D, du règlement 2019/1241 dans son intégralité ainsi que l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, en tant qu’il n’autorise la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel « que dans le cadre des dispositions spécifiques visées dans l’annexe V, partie D » ;

    –        à titre infiniment subsidiaire, d’annuler le règlement 2019/1241 dans son intégralité.

     Le cadre juridique

     Le règlement de base

    2        L’article 2 du règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) no 1954/2003 et (CE) no 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) no 2371/2002 et (CE) no 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil (JO 2013, L 354, p. 22, ci-après le « règlement de base »), qui énonce les objectifs de la politique commune de la pêche (ci-après la « PCP »), est ainsi libellé :

    « 1.      La PCP garantit que les activités de pêche et d’aquaculture soient durables à long terme sur le plan environnemental et gérées en cohérence avec les objectifs visant à obtenir des retombées positives économiques, sociales et en matière d’emploi et à contribuer à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire.

    2.      La PCP applique l’approche de précaution en matière de gestion des pêches et vise à faire en sorte que l’exploitation des ressources biologiques vivantes de la mer rétablisse et maintienne les populations des espèces exploitées au-dessus des niveaux qui permettent d’obtenir le rendement maximal durable.

    [...]

    3.       La PCP met en œuvre l’approche écosystémique de la gestion des pêches afin de faire en sorte que les incidences négatives des activités de pêche sur l’écosystème marin soient réduites au minimum et vise à faire en sorte que les activités d’aquaculture et de pêche permettent d’éviter la dégradation du milieu marin.

    [...]

    5.       La PCP vise en particulier à :

    a)      éliminer progressivement les rejets au cas par cas compte tenu des meilleurs avis scientifiques disponibles, en évitant et en réduisant autant que possible les captures indésirées et en faisant en sorte progressivement que les captures soient débarquées ;

    [...]

    f)      contribuer à garantir un niveau de vie équitable aux personnes qui sont tributaires des activités de pêche, en tenant compte de la pêche côtière et des aspects socioéconomiques ;

    [...]

    i)       promouvoir les activités de pêche côtière en tenant compte des aspects socioéconomiques ;

    j)      être cohérente avec la législation environnementale de l’Union [...] ainsi qu’avec d’autres politiques de l’Union. »

    3        Aux termes de l’article 3 du règlement de base, intitulé « Principes de bonne gouvernance » :

    « La PCP est sous-tendue par les principes de bonne gouvernance suivants :

    [...]

    c)      établissement de mesures conformément aux meilleurs avis scientifiques disponibles ;

    [...]

    h)      cohérence avec les autres politiques de l’Union ;

    i)      utilisation d’analyses d’impact, le cas échéant ; 

    [...] »

    4        L’article 4 de ce règlement, intitulé « Définitions », énonce :

    « 1.      Aux fins du présent règlement, on entend par :

    [...]

    8)      “approche de précaution en matière de gestion des pêches”, [...] une approche selon laquelle l’absence de données scientifiques pertinentes ne devrait pas servir de justification pour ne pas adopter ou pour reporter l’adoption de mesures de gestion visant à conserver les espèces cibles, les espèces associées ou dépendantes, les espèces non cibles et leur environnement ;

    9)      “approche écosystémique en matière de gestion des pêches”, une approche intégrée de la gestion des pêches dans des limites écologiquement rationnelles visant à gérer l’utilisation des ressources naturelles, en tenant compte de la pêche et des autres activités humaines, tout en maintenant aussi bien la richesse biologique que les processus biologiques nécessaires pour garantir la composition, la structure et le fonctionnement des habitats de l’écosystème concerné, en tenant compte des connaissances et des incertitudes concernant les composantes biotiques, abiotiques et humaines des écosystèmes ;

    [...]

    20)      “mesures techniques”, des mesures visant à réglementer la composition des captures par espèce et par taille, ainsi qu’à réguler les incidences des activités de pêche sur les composantes des écosystèmes, en instaurant des conditions pour l’utilisation et la structure des engins de pêche et des restrictions d’accès aux zones de pêche ;

    [...]

    2.      Aux fins du présent règlement, les définitions suivantes des zones géographiques s’appliquent :

    a)       “mer du Nord”, les zones CIEM [(Conseil international pour l’exploitation de la mer)] IIIa et IV ;

    [...] »

    5        La partie III du règlement de base, relative aux « [m]esures pour la conservation et l’exploitation durable des ressources biologiques de la mer », comprend, notamment, un titre I, intitulé « Mesures de conservation », qui contient les articles 6 à 8 de ce règlement.

    6        L’article 6 dudit règlement, intitulé « Dispositions générales », prévoit, à son paragraphe 2 :

    « Dans le cadre de l’application du présent règlement, la Commission consulte les organismes consultatifs et les organismes scientifiques compétents. Les mesures de conservation sont adoptées en tenant compte des avis scientifiques, techniques et économiques disponibles, y compris, le cas échéant, des rapports établis par le [Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP)] et d’autres organismes consultatifs, d’avis émanant des conseils consultatifs et des recommandations communes présentées par les États membres en vertu de l’article 18. »

    7        Aux termes de l’article 7 du même règlement, intitulé « Types de mesures de conservation » :

    « 1.      Les mesures pour la conservation et l’exploitation durable des ressources biologiques de la mer peuvent inclure, entre autres :

    [...]

    j)      des mesures techniques visées au paragraphe 2.

    2.      Les mesures techniques peuvent inclure entre autres :

    [...]

    c)       les limitations ou les interdictions dont font l’objet l’utilisation de certains engins de pêche et les activités de pêche dans certaines zones ou durant certaines périodes ;

    [...]

    e)      les mesures spécifiques destinées à réduire au minimum les incidences négatives des activités de pêche sur la biodiversité marine et les écosystèmes marins, y compris les mesures visant à éviter et à réduire, dans la mesure du possible, les captures indésirées. »

    8        L’article 34 du règlement de base, intitulé « Promotion de l’aquaculture durable », qui figure dans la partie VII de ce règlement, énonce, à son paragraphe 1 :

    « Afin de promouvoir la durabilité et de contribuer à la sécurité et à l’approvisionnement alimentaires, à la croissance et à l’emploi, la Commission établit des lignes directrices stratégiques de l’Union non contraignantes relatives aux priorités et objectifs ciblés communs pour le développement des activités d’aquaculture durables. Ces lignes directrices stratégiques tiennent compte des positions de départ et des situations respectives dans l’ensemble de l’Union, constituent la base des plans stratégiques nationaux pluriannuels et visent à :

    a)       améliorer la compétitivité du secteur de l’aquaculture et à favoriser son développement, ainsi qu’à soutenir l’innovation ;

    [...] »

     Le règlement 2019/1241

    9        Le 11 mars 2016, la Commission a présenté la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques, modifiant les règlements du Conseil (CE) no 1967/2006, (CE) no 1098/2007, (CE) no 1224/2009 et les règlements (UE) no 1343/2011 et (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant les règlements du Conseil (CE) no 894/97, (CE) no 850/98, (CE) no 2549/2000, (CE) no 254/2002, (CE) no 812/2004 et (CE) no 2187/2005 [COM (2016) 134 final], à l’origine du règlement 2019/1241. L’article 7, sous b), de cette proposition interdisait la capture ou la récolte des espèces marines « au moyen du courant électrique, sauf en ce qui concerne la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel, comme indiqué à l’article 24 et à la partie E de l’annexe V ».

    10      Cette partie E de l’annexe V autorisait, dans la mer du Nord, la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel dans certaines zones et sous certaines conditions portant sur les caractéristiques du courant électrique impulsionnel utilisé.

    11      Le 16 avril 2019, le Parlement a arrêté sa position en première lecture sur la proposition de règlement, après avoir adopté des amendements en faveur de l’interdiction de principe de la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel. Le Conseil a confirmé son accord le 13 juin 2019.

    12      Le règlement 2019/1241 a été adopté le 20 juin 2019 sur le fondement de l’article 43, paragraphe 2, TFUE, conformément à la procédure législative ordinaire. Il est entré en vigueur, en vertu de son article 40, le vingtième jour suivant celui de sa publication dans le Journal Officiel de l’Union européenne, soit le 14 août 2019.

    13      Les considérants 11 à 13, 30, 38 et 40 du règlement 2019/1241 énoncent :

    « (11)      Certains engins ou méthodes de pêche destructeurs qui utilisent des explosifs, du poison, des substances soporifiques, du courant électrique, des marteaux pneumatiques ou autres instruments de percussion, des dispositifs traînants et des grappins pour la récolte du corail rouge ou d’autres types de coraux, et certains fusils à harpon devraient être interdits. Il devrait être interdit de vendre, d’exposer ou de mettre en vente des espèces marines capturées au moyen de ces engins ou méthodes lorsqu’ils sont interdits au titre du présent règlement.

    (12) L’utilisation de chaluts associés au courant électrique impulsionnel devrait rester possible pendant une période transitoire s’étendant jusqu’au 30 juin 2021 et dans certaines conditions strictes.

    (13)       À la lumière de l’avis du [CSTEP], certaines règles communes définissant les restrictions applicables à l’utilisation d’engins traînants et à la construction des culs de chalut devraient être établies afin d’empêcher les mauvaises pratiques qui engendrent une pêche non sélective.

    [...]

    (30)      Sur la base d’une évaluation de l’incidence des engins innovants, l’utilisation ou l’accroissement de l’utilisation de ces engins innovants pourrait figurer en tant qu’option dans les recommandations communes des groupes régionaux d’États membres. L’utilisation d’engins de pêche innovants ne devrait pas être autorisée lorsque l’évaluation scientifique indique que leur usage est susceptible d’avoir des effets néfastes importants sur les habitats sensibles et les espèces non ciblées.

    [...]

    (38) Au plus tard le 31 décembre 2020 et tous les trois ans par la suite, la Commission devrait faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre du présent règlement, sur la base des informations fournies par les États membres et les conseils consultatifs compétents et à la suite de l’évaluation par le CSTEP. Ce rapport devrait permettre d’évaluer dans quelle mesure les mesures techniques adoptées tant au niveau régional qu’au niveau de l’Union ont contribué à la réalisation des objectifs généraux et des objectifs spécifiques du présent règlement.

    [...]

    (40)       Le rapport de la Commission devrait également faire référence aux avis du CIEM concernant les progrès réalisés ou les incidences des engins innovants. Le rapport devrait tirer des conclusions quant aux avantages ou aux inconvénients pour les écosystèmes marins, les habitats sensibles et la sélectivité. »

    14      Selon l’article 3 de ce règlement, intitulé « Objectifs généraux » :

    « 1.      En tant qu’instruments destinés à soutenir la mise en œuvre de la PCP, les mesures techniques contribuent à la réalisation des objectifs de la PCP énoncés dans les dispositions applicables de l’article 2 du règlement [de base]. 

    2.      Les mesures techniques contribuent notamment à la réalisation des objectifs généraux suivants :

    [...]

    c)      veiller, en recourant notamment à des mesures incitatives appropriées, à ce que les incidences environnementales néfastes de la pêche sur les habitats marins soient réduites au minimum ;

    [...] »

    15      L’article 7 du règlement 2019/1241, intitulé « Engins et méthodes de pêche interdits », qui figure dans le chapitre II de celui-ci, relatif aux « [m]esures techniques communes », dispose, à son paragraphe 1 :

    « Il est interdit de capturer ou de récolter des espèces marines en utilisant les méthodes suivantes :

    [...]

    b)      au moyen du courant électrique, à l’exception du chalut associé au courant électrique impulsionnel, qui n’est autorisé que dans le cadre des dispositions spécifiques visées dans l’annexe V, partie D ;

    [...] »

    16      L’article 24 de ce règlement, qui figure dans le chapitre III de celui-ci, ce dernier étant intitulé « Régionalisation », prévoit, à son paragraphe 1 :

    « La Commission peut adopter des actes d’exécution établissant ce qui suit :

    [...]

    b)      des règles détaillées concernant les spécifications de l’engin de pêche décrit à l’annexe V, partie D, relatives aux restrictions applicables à la construction des engins, et les mesures de contrôle et de suivi à adopter par l’État membre du pavillon ;

    [...] »

    17      L’article 25 dudit règlement, intitulé « Recherche scientifique », qui figure dans le chapitre IV de celui-ci, lui-même intitulé « Recherche scientifique, repeuplement direct, et transplantation », énonce, à son paragraphe 1 :

    « Les mesures techniques prévues par le présent règlement ne s’appliquent pas aux opérations de pêche menées à des fins de recherche scientifique, dans les conditions suivantes :

    [...]

    f)      en cas d’utilisation de chalut associé au courant électrique impulsionnel, les navires effectuant une recherche scientifique doivent suivre un protocole scientifique spécifique s’inscrivant dans un plan de recherche scientifique examiné et validé par le CIEM ou le CSTEP, ainsi qu’un système de suivi, de contrôle et d’évaluation. »

    18      Intitulé « Révision et rapport », l’article 31 du même règlement dispose, à son paragraphe 1 :

    « Au plus tard le 31 décembre 2020 et tous les trois ans par la suite, sur la base des informations fournies par les États membres et les conseils consultatifs compétents et à la suite de l’évaluation par le CSTEP, la Commission présente un rapport au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre du présent règlement. Ce rapport évalue dans quelle mesure les mesures techniques adoptées tant au niveau régional qu’au niveau de l’Union ont contribué à la réalisation des objectifs généraux énoncés à l’article 3 et à celle des objectifs spécifiques énoncés à l’article 4. Le rapport fait également référence aux avis du CIEM concernant les progrès réalisés ou les incidences des engins innovants. Le rapport tire des conclusions quant aux avantages ou aux inconvénients pour les écosystèmes marins, les habitats sensibles et la sélectivité. »

    19      L’annexe V du règlement 2019/1241, intitulée « Mer du Nord », comporte, notamment, une partie D, intitulée « Utilisation de chalut associé au courant électrique impulsionnel dans les divisions CIEM 4b et 4c » qui est libellée comme suit :

    « 1.      La pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel est interdite dans toutes les eaux de l’Union à compter du 1er juillet 2021.

    2.      Au cours de la période transitoire expirant le 30 juin 2021, la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel dans les divisions CIEM 4b et 4c continue d’être autorisée dans les conditions énoncées dans la présente partie et dans les conditions définies conformément à l’article 24, paragraphe 1, point b), du présent règlement, en ce qui concerne les caractéristiques du courant électrique impulsionnel utilisé et les mesures de suivi du contrôle en place au sud d’une ligne de rhumb reliant les positions suivantes, qui sont mesurées selon le système de coordonnées WGS 84 :

    –        un point de la côte est du Royaume-Uni à 55° N,

    –        à l’est jusqu’à 55° N, 5° E,

    –        au nord de 56° N,

    –        à l’est jusqu’à un point de la côte ouest du Danemark à 56° N.

    Les conditions suivantes s’appliquent :

    a)      5 % au maximum de la flotte de chalutiers à perche de chaque État membre a recours au chalut associé au courant électrique impulsionnel ;

    b)      la puissance électrique maximale, exprimée en kW, par chalut à perche n’excède pas la longueur de la perche, exprimée en mètres, multipliée par 1,25 ;

    c)      la tension effective entre les électrodes n’excède pas 15 V ;

    d)      le navire est équipé d’un système de gestion informatique automatisé qui enregistre la puissance maximale utilisée par perche ainsi que la tension effective entre les électrodes pendant les cent derniers traits au moins. Seul le personnel autorisé peut modifier ce système de gestion informatique automatisé ;

    e)      il est interdit d’utiliser une ou plusieurs chaînes gratteuses devant la ralingue inférieure.

    3.      Aucune nouvelle licence de pêche n’est accordée à un navire pendant cette période.

    4.      Jusqu’au 30 juin 2021 dans les eaux situées à moins de 12 milles marins des lignes de base relevant de leur souveraineté ou de leur juridiction, les États membres peuvent prendre des mesures non discriminatoires pour limiter ou interdire l’utilisation du chalut associé au courant électrique impulsionnel. Les États membres informent la Commission et les États membres concernés des mesures mises en place au titre du présent point.

    5.      Si l’État membre côtier en fait la demande à l’État membre du pavillon, le capitaine du navire utilisant le courant électrique impulsionnel accueille à bord, conformément à l’article 12 du règlement (UE) 2017/1004 du Parlement européen et du Conseil[, du 17 mai 2017, relatif à l’établissement d’un cadre de l’Union pour la collecte, la gestion et l’utilisation de données dans le secteur de la pêche et le soutien aux avis scientifiques sur la politique commune de la pêche et abrogeant le règlement (CE) no 199/2008 du Conseil (JO 2017, L 157, p. 1)], un observateur de l’État membre côtier pendant les opérations de pêche. »

     Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

    20      Le Royaume des Pays-Bas demande à la Cour :

    –        à titre principal, d’annuler les dispositions litigieuses ;

    –        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour déclarerait irrecevables les conclusions principales, d’annuler l’annexe V, partie D, de ce règlement ainsi que l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, en tant qu’il n’autorise la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel « que dans le cadre des dispositions spécifiques visées dans l’annexe V, partie D » ;

    –        à titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour déclarait irrecevables les conclusions principales et subsidiaires, d’annuler l’intégralité dudit règlement, et

    –        de condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

    21      Le Conseil demande à la Cour :

    –        de rejeter le recours ;

    –        à titre subsidiaire, en cas d’annulation du règlement 2019/1241 ou des dispositions de ce règlement autres les dispositions litigieuses, de maintenir les effets dudit règlement jusqu’au 30 juin 2021 ou, dans le cas où l’arrêt de la Cour serait prononcé après cette date, pendant une période de trois mois à compter du prononcé de cet arrêt, et

    –        de condamner le Royaume des Pays-Bas aux dépens.

    22      Le Parlement demande à la Cour :

    –        de rejeter le recours ;

    –        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de tout ou partie du règlement 2019/1241, d’ordonner le maintien des effets de celui-ci pendant une période raisonnable pour permettre la mise en place des mesures nécessaires, et

    –        de condamner le Royaume des Pays-Bas aux dépens.

    23      Par décision du 13 mars 2020, la République française a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil et du Parlement.

     Sur le recours

     Sur les premier et troisième moyens, tirés d’une violation de l’obligation de se fonder sur les meilleurs avis scientifiques disponibles ainsi que d’une violation du principe de précaution

     Argumentation des parties

    24      Par ses premier et troisième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que les dispositions litigieuses ont été prises en violation des dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 3, TUE, de l’article 11 TFUE, de l’article 191, paragraphe 2, premier alinéa, et paragraphe 3, TFUE, de l’article 2, de l’article 3, sous c), h) et i), et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2019/1241, en ce que le législateur de l’Union ne s’est pas fondé, pour prendre les mesures techniques énoncées par ces dispositions litigieuses (ci-après les « mesures techniques litigieuses »), sur les meilleurs avis scientifiques disponibles, en particulier sur l’avis du CIEM du 30 mai 2018, portant sur la comparaison des incidences écologiques environnementales entre la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel et la pêche traditionnelle au chalut à perche dans l’exploitation de la sole de la mer du Nord. Ce faisant, le législateur de l’Union aurait également procédé à une application erronée du principe de précaution.

    25      À l’appui de ces moyens, le Royaume des Pays-Bas avance, en premier lieu, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, malgré la portée limitée de son contrôle dans les domaines techniques, celle-ci doit vérifier que les auteurs de l’acte attaqué soient en mesure d’exposer, de façon claire et non équivoque, les données de base dont il a été tenu compte pour fonder les mesures en cause et dont dépendait l’exercice de leur pouvoir d’appréciation.

    26      Selon cet État membre, le CIEM, organisme international actif dans le domaine des sciences de la mer et qui compte 20 pays adhérents, serait, aux côtés du CSTEP, le conseiller de référence du législateur de l’Union dans le domaine de la PCP, ainsi qu’il ressortirait du considérant 40, de l’article 25, paragraphe 1, sous f), ainsi que de l’article 31 du règlement 2019/1241. En effet, le CIEM jouerait un rôle déterminant dans l’établissement des différentes politiques dans ce domaine, en ce qui concerne, notamment, l’établissement des totaux admissibles des captures (ci-après les « TAC »), les mesures de conservation dans le cadre des plans pluriannuels ainsi que la question de la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel.

    27      Or, dans son avis du 30 mai 2018, le CIEM aurait conclu que non seulement la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel permet de respecter les TAC, mais que, en outre, ses incidences écologiques et environnementales sont moindres que celles de la pêche traditionnelle au chalut à perche, et ce pour trois raisons.

    28      En effet, en premier lieu, le chalut associé au courant électrique impulsionnel causerait moins de lésions mécaniques aux poissons plats que la pêche au chalut à perche, car la vitesse de remorquage serait plus réduite. Si le chalut associé au courant électrique impulsionnel peut causer des lésions aux poissons ronds, en particulier au cabillaud, son incidence sur la mortalité totale par pêche de cette espèce serait insignifiante, cette méthode de pêche n’étant responsable que de 1 % de la capture totale en mer du Nord.

    29      En deuxième lieu, la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel provoquerait moins de remous dans les fonds marins que la pêche traditionnelle au chalut à perche, au motif que les électrodes se dissiperaient à 1,8 cm dans les fonds marins, alors que les chaînes, plus grosses et plus lourdes, du chalut à perche pénétreraient de 4 cm dans ces mêmes fonds. De ce fait, le chalut associé au courant électrique impulsionnel aurait une incidence moindre sur l’écosystème benthique (jusqu’à 50 % en moins).

    30      En troisième lieu, la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel consommerait 46 % de carburants en moins, grâce à une vitesse de remorquage moins élevée et à un poids de l’engin à impulsion électrique plus faible, ce qui serait de nature à réduire les émissions de CO2.

    31      Le Royaume des Pays-Bas conclut que, eu égard aux dispositions de l’article 2, de l’article 3, sous c), h) et i), et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base, le législateur de l’Union aurait dû, sur la base de l’avis du CIEM du 30 mai 2018, qui a confirmé les conclusions d’un rapport du CSTEP établi au mois d’avril 2012, autoriser la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel.

    32      Dès lors, les mesures techniques litigieuses, en ce qu’elles ont soumis cette méthode de pêche à des conditions restrictives pendant la période transitoire et prévu son interdiction à compter du 1er juillet 2021, iraient à l’encontre du meilleur avis scientifique disponible, en l’occurrence l’avis du CIEM du 30 mai 2018, celui-ci pouvant également être qualifié d’« étude d’impact » au sens de l’article 3, sous i), du règlement de base.

    33      De surcroît, le législateur de l’Union se serait écarté dudit avis sans fournir la moindre explication en ce sens. De même, la motivation des amendements adoptés par le Parlement serait sommaire et reposerait sur des informations inexactes et non soutenues par des avis scientifiques. Quant à la position du Conseil, elle ne fournirait aucune explication à cet égard.

    34      S’agissant, en second lieu, du principe de précaution, le Royaume des Pays-Bas précise, à titre liminaire, que le législateur de l’Union n’a pas mentionné explicitement, dans le règlement 2019/1241, ce principe. Néanmoins, à supposer que les dispositions litigieuses aient également été fondées sur ledit principe, il rappelle que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, en cas d’identification des conséquences potentiellement négatives pour l’environnement et d’une évaluation complète du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale, le législateur de l’Union peut, en application du principe de précaution, adopter des mesures de protection sans devoir attendre que la réalité et la gravité des risques soient pleinement démontrées.

    35      Or, ainsi qu’il résulterait de l’avis du CIEM du 30 mai 2018, il n’y aurait pas de preuve scientifique que la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel a des incidences négatives sur l’environnement, de sorte que, à supposer même que le législateur de l’Union ait également entendu se fonder sur le principe de précaution pour adopter les dispositions litigieuses, il aurait violé le droit de l’Union.

    36      Le Conseil et le Parlement, soutenus par la République française, concluent au rejet des premier et troisième moyens.

    37      Le Conseil et le Parlement font, tout d’abord, valoir que, à la lumière de la hiérarchie des normes, la validité des dispositions de droit dérivé ne saurait être appréciée, en principe, à l’aune des normes de même ordre hiérarchique.

    38      S’agissant de l’obligation invoquée par le Royaume des Pays-Bas de tenir compte des données scientifiques et techniques disponibles, le Conseil allègue, ensuite, qu’une telle obligation doit être appréhendée en relation avec le pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union et le principe de proportionnalité, et non en tant que principe autonome par rapport auquel la validité d’une disposition pourrait être examinée.

    39      Selon cette institution, si les avis scientifiques présentent une importance indéniable, ils ne constituent qu’un des éléments que le législateur de l’Union doit prendre en considération dans le processus décisionnel. À cet égard, le Conseil fait valoir que, analysées dans leur ensemble, les conclusions des avis émis par le CIEM entre les années 2006 et 2018, des rapports publiés par le Working Group on Electrical Trawling (WGELECTRA), groupe de travail spécialisé dans la pêche au chalut à perche utilisant l’électricité et qui fonctionne dans le cadre du CIEM, notamment celui émis au cours de l’année 2015, ainsi que des avis du CSTEP, notamment celui émis au mois d’avril 2012, ne plaideraient pas en faveur d’une autorisation sans limite de la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel. Bien que recensant certains éléments positifs, ces avis et ces rapports exposeraient de manière itérative des réserves à l’égard de cette technique de pêche, portant notamment sur la mortalité des espèces non ciblées, la détermination des paramètres essentiels du courant électrique impulsionnel en vue de la fixation de seuils garantissant la durabilité environnementale, les effets à plus long terme de l’utilisation du chalut associé au courant électrique impulsionnel ainsi que l’incidence sur l’écosystème.

    40      Enfin, l’avis du CIEM du 30 mai 2018 ferait également état des changements dans la répartition des efforts de pêche, dus à la présence des chalutiers de pêche par courant électrique impulsionnel.

    41      Dès lors, de l’avis du Conseil, en prévoyant l’interdiction, à compter du 1er juillet 2021, de la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel, tout en assortissant cette interdiction d’une exception importante en faveur de la recherche scientifique, le législateur de l’Union aurait adopté une approche raisonnable, justifiée par les préoccupations persistantes à ce sujet, et qui ne serait pas incompatible avec les avis scientifiques et le principe de précaution. En ce qui concerne, enfin, la période transitoire, celle-ci aurait été fixée pour tenir compte des investissements réalisés par les professionnels en matière de pêche par courant électrique impulsionnel.

    42      De son côté, le Parlement rejoint l’argumentation du Conseil et avance, en outre, que l’argument tiré de la violation de l’obligation de fonder le règlement 2019/1241 sur le meilleur avis scientifique manque de substance juridique. Dans le cas où, par cet argument, le Royaume des Pays-Bas entendrait faire valoir une violation du principe de proportionnalité, le Parlement souligne que le législateur de l’Union n’a pas excédé les limites de son large pouvoir d’appréciation et que, en particulier, il a lui-même, dans l’exercice de ce pouvoir, dûment tenu compte de tous les éléments factuels ainsi que des données techniques et scientifiques disponibles lors du vote du 16 janvier 2018 en séance plénière.

     Appréciation de la Cour

    43      À l’appui du premier grief des premier et troisième moyens, tiré de la méconnaissance par le législateur de l’Union, lorsqu’il a adopté les mesures techniques litigieuses, de l’obligation de se fonder sur les meilleurs avis scientifiques, le Royaume des Pays-Bas invoque les dispositions de l’article 3, paragraphe 3, TUE, de l’article 11 TFUE, de l’article 191, paragraphe 3, TFUE, de l’article 2, de l’article 3, sous c), h) et i), et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2019/1241.

    44      À titre liminaire, il y a lieu de faire observer, ainsi que le font également valoir le Conseil et le Parlement dans leurs mémoires en défense respectifs, que la validité des dispositions du droit dérivé ne saurait être examinée au regard des normes de même rang. Par conséquent, le Royaume des Pays-Bas ne peut utilement soutenir que les dispositions litigieuses, qui figurent à l’annexe V, partie D, du règlement 2019/1241, méconnaissent l’article 2, l’article 3, sous c), h) et i), et l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2019/1241.

    45      S’agissant des dispositions de droit primaire invoquées à l’appui de ce premier grief, il convient de rappeler que, selon l’article 3, paragraphe 3, TUE, l’Union promeut le progrès scientifique et technique. En ce qui concerne en particulier la PCP, l’établissement de mesures conformément aux meilleurs avis scientifiques disponibles constitue, selon l’article 3, sous c), du règlement de base, l’un des principes de bonne gouvernance qui sous-tendent cette politique.

    46      Eu égard aux exigences liées à la protection de l’environnement qui, selon l’article 11 TFUE, doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de l’Union, au nombre desquelles figure la PCP, il y a lieu de faire observer que, en ayant indiqué à l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement 2019/1241 que les mesures techniques édictées par celui-ci doivent contribuer, notamment, à l’objectif qui consiste à veiller, en recourant notamment à des mesures incitatives appropriées, à ce que les incidences environnementales néfastes de la pêche sur les habitats marins soient réduites au minimum, le législateur de l’Union a exprimé son intention de prendre en compte ces exigences environnementales, au sens de l’article 11 TFUE.

    47      Il convient de souligner que l’article 43, paragraphe 2, TFUE, sur le fondement duquel le règlement 2019/1241 a été adopté, figure dans le titre III, intitulé « L’agriculture et la pêche », de la troisième partie du traité FUE, relative aux politiques et actions internes de l’Union. Ce règlement relève donc de la PCP et non de la politique environnementale de l’Union, qui fait l’objet du titre XX de cette même troisième partie du traité FUE.

    48      En tout état de cause, la circonstance que l’article 11 TFUE énonce que « [l]es exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable », ne signifie pas qu’une mesure s’inscrit nécessairement dans le cadre de la politique environnementale de l’Union en raison du seul fait que, comme en l’espèce, elle tient compte de ces exigences et poursuit un objectif environnemental (voir, par analogie, arrêt du 24 novembre 1993, Mondiet, C‑405/92, EU:C:1993:906, points 26 et 27).

    49      Il ressort de ce qui précède qu’il n’est possible de déduire ni de l’article 3, paragraphe 3, TUE ni de l’article 11 TFUE une obligation qu’aurait le législateur de l’Union, selon le Royaume des Pays-Bas, de fonder son choix législatif concernant les mesures techniques prévues par le règlement 2019/1241 uniquement sur les avis scientifiques et techniques disponibles.

    50      Par ailleurs, dans ce domaine de la pêche, le législateur de l’Union jouit d’un large pouvoir d’appréciation, qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 40 à 43 TFUE lui attribuent. Par conséquent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si ce législateur n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. En effet, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que ledit législateur entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 27 et jurisprudence citée].

    51      Or, l’ensemble des arguments utilement présentés à l’appui du premier grief ne démontrent pas le caractère manifestement inapproprié des mesures techniques litigieuses.

    52      En tout état de cause, il ne saurait être déduit de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base, qui, de l’avis du Royaume des Pays-Bas, reflète le principe selon lequel la prise de décision du législateur de l’Union doit se fonder sur les meilleurs avis scientifiques, que le législateur de l’Union serait tenu de se conformer aux résultats de ces avis, lorsqu’il adopte des mesures de conservation. Il appartient, au contraire, à celui-ci de prendre ces mesures à l’issue d’une mise en balance des différents intérêts en cause et à la lumière de l’ensemble des éléments pertinents, au nombre desquels figurent de manière non exclusive lesdits avis.

    53      En effet, l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base se limite à établir une obligation de « tenir compte » des avis scientifiques, techniques et économiques disponibles lors de l’adoption des mesure de conservation, mais n’empêche pas le législateur de l’Union de procéder à l’adoption de telles mesures de conservation même en l’absence d’avis scientifiques, techniques et économiques concluants (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil, C‑128/15, EU:C:2017:3, point 49).

    54      Par ailleurs, dans le cadre des appréciations qu’il doit porter sur des situations économiques complexes relevant de la PCP, le pouvoir discrétionnaire dont jouit le législateur de l’Union porte non pas exclusivement sur la détermination de la nature et de la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la constatation des données de base (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil, C‑128/15, EU:C:2017:3, point 46).

    55      Or, en l’espèce, ainsi que le font observer le Conseil et le Parlement, si les avis scientifiques émis par le CIEM et le CSTEP au cours des années 2006 et 2018 ont recensé certains avantages de la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel par rapport à la pêche au chalut à perche, ces avis ont également relevé qu’un certain nombre de risques résiduels afférents à la première de ces méthodes n’avait pas encore été pleinement évalué.

    56      En ce qui concerne le deuxième grief des premier et troisième moyens, tiré du défaut de motivation du règlement 2019/1241, en ce que le législateur de l’Union n’aurait pas suffisamment exposé les raisons pour lesquelles il s’est écarté, en adoptant les dispositions litigieuses, des avis scientifiques du CIEM et du CSTEP, il ressort d’une jurisprudence constante que la portée de l’obligation de motivation exigée à l’article 296, paragraphe 2, TFUE dépend de la nature de l’acte en cause et que, s’agissant d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il propose à atteindre. Dans ce contexte, la Cour a précisé, notamment, qu’il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution (arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 59 et jurisprudence citée).

    57      Or, en l’espèce, le règlement 2019/1241 répond aux exigences ainsi énoncées. En effet, celui-ci indique, à son article 3, paragraphe 2, que, parmi les objectifs généraux à la réalisation desquels les mesures techniques litigieuses ont vocation à contribuer, figure celui consistant à « veiller, en recourant notamment à des mesures incitatives appropriées, à ce que les incidences environnementales néfastes de la pêche sur les habitats marins soient réduites au minimum ». En outre, ce même règlement expose la situation d’ensemble ayant conduit à l’adoption des mesures techniques litigieuses, en soulignant, à son considérant 13, que, « [à] la lumière de l’avis du CSTEP, certaines règles communes définissant les restrictions applicables à l’utilisation d’engins traînants [...] devraient être établies afin d’empêcher les mauvaises pratiques qui engendrent une pêche non sélective » et, à son considérant 30, que « [l]’utilisation d’engins de pêche innovants ne devrait pas être autorisée lorsque l’évaluation scientifique indique que leur usage est susceptible d’avoir des effets néfastes importants sur les habitats sensibles et les espèces non ciblées ».

    58      Par ailleurs, ainsi que le Parlement l’a fait observer dans son mémoire en duplique, alors que la proposition de règlement mentionnée au point 9 du présent arrêt autorisait, sous certaines conditions, la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel, les amendements adoptés par cette institution et qui ont conduit à l’interdiction de principe de cette méthode de pêche ont été motivés, en substance, par le caractère non sélectif de celle-ci ainsi que par la modification de l’équilibre de l’écosystème marin que ladite méthode de pêche était susceptible d’entraîner, aspects qui ont également été relevés par les différents avis scientifiques rendus en l’occurrence.

    59      S’agissant du troisième grief des premier et troisième moyens, tiré de la violation du principe de précaution, il y a lieu de rappeler que l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base dispose que « la PCP applique l’approche de précaution en matière de gestion des pêches », cette approche devant être comprise, conformément à l’article 4, paragraphe 1, point 8, de ce règlement, comme signifiant que « l’absence de données scientifiques pertinentes ne devrait pas servir de justification pour ne pas adopter ou pour reporter l’adoption de mesures de gestion visant à conserver les espèces cibles, les espèces associées ou dépendantes, les espèces non ciblées et leur environnement ».

    60      À cet égard, il convient de faire observer que les mesures techniques litigieuses ont été édictées au vu des conclusions mitigées des avis scientifiques du CIEM et du CSTEP et après une mise en balance des différents aspects en cause, conformément à l’article 2 du règlement de base.

    61      Or, aucun élément ne permet de conclure que, en ayant adopté les mesures techniques litigieuses, le législateur de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation.

    62      En outre, si les études scientifiques et techniques disponibles contiennent des appréciations parfois divergentes sur l’étendue des incidences négatives de la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel, aucune d’entre elles n’énonce, en revanche, contrairement à ce que soutient le Royaume des Pays-Bas, qu’une telle modalité de pêche serait dépourvue d’incidence négative sur l’environnement. Partant, le troisième grief ne saurait être retenu.

    63      Par conséquent, les premier et troisième moyens du recours doivent être rejetés.

     Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de favoriser l’innovation et le développement technologique

     Argumentation des parties

    64      Par son deuxième moyen, le Royaume de Pays-Bas fait valoir que les dispositions litigieuses méconnaissent les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 3, TUE, de l’article 11 TFUE, de l’article 173, paragraphes 1 et 3, TFUE, de l’article 2, de l’article 3, sous h), et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2019/1241, en ce qu’elles ont été adoptées en violation de l’obligation de favoriser l’innovation et le développement technologique.

    65      À l’appui de ce moyen, le Royaume des Pays-Bas soutient que l’article 173, paragraphes 1 et 3, TFUE impose au législateur de l’Union de favoriser, au moyen de la politique de l’industrie, l’innovation, la recherche et le développement technologique. Dans cette perspective, l’article 3, sous h), du règlement de base prescrit une exigence de cohérence de la PCP avec les autres politiques de l’Union, parmi lesquelles figurent le développement technologique et l’innovation. Au regard de cette exigence de cohérence, l’article 34, paragraphe 1, sous a), de ce règlement rappellerait la nécessité de promouvoir la durabilité en améliorant la compétitivité du secteur de l’aquaculture et en favorisant son développement, ainsi qu’en soutenant l’innovation.

    66      Or, de l’avis du Royaume des Pays-Bas, la pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel constitue un procédé innovant dont les avantages incontestables ressortent de l’avis du CIEM du 30 mai 2018, avis injustement ignoré par le législateur de l’Union lors de l’adoption des dispositions litigieuses.

    67      Le Conseil et le Parlement, soutenus par la République française, concluent au rejet du deuxième moyen.

    68      Ces institutions font observer que l’article 173, paragraphes 1 et 3, TFUE ne constituait pas une source d’obligations positives pour le législateur de l’Union dans la présente affaire. Ils ajoutent que plusieurs dispositions du règlement 2019/1241, notamment les articles 25 et 31 de celui-ci, témoignent de la volonté du législateur de l’Union de favoriser l’innovation.

    69      La République française ajoute que l’article 173 TFUE invoqué par le Royaume des Pays-Bas ne concerne que la compétitivité de l’industrie et non celle d’autres secteurs de l’économie.

     Appréciation de la Cour

    70      À titre liminaire, ainsi qu’il a été exposé au point 44 du présent arrêt, les dispositions litigieuses de l’annexe V du règlement 2019/1241 ne peuvent méconnaître les dispositions du même règlement ni celles, de même rang dans la hiérarchie des normes, du règlement de base. Il s’ensuit que le Royaume des Pays-Bas ne peut utilement se fonder sur l’article 2, l’article 3, sous h), et l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base, ainsi que sur l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2019/1241.

    71      S’agissant des dispositions de droit primaire invoquées à l’appui de ce moyen, il convient de faire observer, en premier lieu, que, s’il est vrai que l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, dernière phrase, TUE énonce que l’Union « promeut le progrès scientifique et technique », il ne saurait être déduit de cet objectif de l’Union une obligation pour le législateur de transposer dans un acte législatif, en l’occurrence le règlement 2019/1241, toute technique nouvelle, au seul motif qu’elle serait innovante.

    72      En deuxième lieu, l’article 11 TFUE, selon lequel les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de l’Union, n’énonce aucune obligation de favoriser l’innovation et le développement technologique. Cet article est donc invoqué sans pertinence à l’appui du deuxième moyen.

    73      En troisième lieu, il convient de faire observer que l’article 173 fait partie du titre XVII, intitulé « Industrie », de la troisième partie du traité FUE, relative aux politiques et actions internes de l’Union. À son paragraphe 1, cet article énonce que l’Union et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de l’Union soient assurées et précise que, à cette fin, leur action vise, notamment, à favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d’innovation, de recherche et de développement technologique. Quant au paragraphe 3 du même article, il souligne que l’Union contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 au travers des politiques et des actions qu’elle mène au titre d’autres dispositions des traités.

    74      Or, ainsi qu’il a été relevé tant par le Parlement et le Conseil que par la République française, si l’article 3, sous h), du règlement de base mentionne, au titre des principes de bonne gouvernance qui sous-tendent la PCP, l’exigence de cohérence de cette dernière avec les autres politiques de l’Union, une telle exigence ne saurait impliquer de regarder l’article 173, paragraphe 3, TFUE comme étant une source d’obligations positives autonomes dans le domaine de la PCP.

    75      En tout état de cause, le chapitre IV du règlement 2019/1241, intitulé « Recherche scientifique, repeuplement direct et transplantation », témoigne de la préoccupation du législateur de l’Union en matière d’innovation. En atteste, notamment, l’article 25, paragraphe 1, sous f), de ce règlement, qui prévoit expressément que les mesures techniques prévues par celui-ci, dont relèvent les mesures techniques litigieuses, ne s’appliquent pas aux opérations de pêche menées à des fins de recherche scientifique.

    76      Dans ces conditions, le deuxième moyen doit être rejeté.

    77      Aucun des moyens avancés par le Royaume des Pays-Bas à l’appui du présent recours n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son ensemble.

     Sur les dépens

    78      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil et le Parlement ayant conclu à la condamnation du Royaume des Pays-Bas aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par ces deux institutions.

    79      Conformément à l’article 140, paragraphe 1, de ce règlement, la République française supporte ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

    1)      Le recours est rejeté.

    2)      Le Royaume des Pays-Bas est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen.

    3)      La République française supporte ses propres dépens.

    Signatures


    *      Langue de procédure : le néerlandais.

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