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Document 62018CJ0731

Euroopa Kohtu otsus (seitsmes koda), 25.6.2020.
Bank for Development and Foreign Economic Affairs (Vnesheconombank) versus Euroopa Liidu Nõukogu.
Apellatsioonkaebus – Piiravad meetmed, mis on võetud seoses Venemaa Föderatsiooni tegevusega, mis destabiliseerib olukorda Ukrainas – Hageja nime kandmine ja seejärel jätmine nende üksuste loetelusse, kelle suhtes kohaldatakse piiravaid meetmeid – Põhjendamiskohustus – Ilmne hindamisviga – Õigus tõhusale kohtulikule kaitsele – Võimu kuritarvitamine – Omandiõigus – Võrdne kohtlemine.
Kohtuasi C-731/18 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:500

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

25 juin 2020 (*)

« Pourvoi – Mesures restrictives prises eu égard aux actions de la Fédération de Russie déstabilisant la situation en Ukraine – Inscription puis maintien du nom de la requérante sur la liste des entités auxquelles s’appliquent des mesures restrictives – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Droit à une protection juridictionnelle effective – Détournement de pouvoir – Droit de propriété – Égalité de traitement »

Dans l’affaire C‑731/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 novembre 2018,

Bank for Development and Foreign Economic Affairs (Vnesheconombank), établie à Moscou (Russie), représentée par Mes J. Viñals Camallonga et J. Iriarte Ángel, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Florindo Gijón et Mme P. Mahnič, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée initialement par Mmes S. Pardo Quintillán et A. Tizzano ainsi que par M. C. Zadra, puis par Mme S. Pardo Quintillán et M. J. Roberti di Sarsina, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb (rapporteur), président de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Bank for Development and Foreign Economic Affairs (Vnesheconombank) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 septembre 2018, Vnesheconombank/Conseil (T‑737/14, non publié, ci-après l'« arrêt attaqué », EU:T:2018:543), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation, d’une part, de la décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 13), telle que modifiée par la décision 2014/659/PESC du Conseil, du 8 septembre 2014 (JO 2014, L 271, p. 54) (ci-après la « décision litigieuse »), et, d’autre part, du règlement (UE) no 833/2014 du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 960/2014 du Conseil, du 8 septembre 2014 (JO 2014, L 271, p. 3) (ci-après le « règlement litigieux »), en ce que ces actes la concernent (ci-après, ensemble, les « actes litigieux »).

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige, qui figurent aux points 1 à 22 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

3        Le 20 février 2014, le Conseil de l’Union européenne a condamné le recours à la violence en Ukraine, a appelé à l’arrêt immédiat des violences et au respect des droits de l’homme et a décidé d’instaurer des mesures restrictives contre les responsables. Le 3 mars 2014, le Conseil a condamné les actes d’agressions commis par les forces armées russes sur le territoire ukrainien et appelé la Fédération de Russie à respecter ses engagements internationaux, avant d’adopter, le 5 mars suivant, des mesures restrictives de gel de fonds et de récupération des fonds détournés appartenant à l’État ukrainien. Les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de l’Union européenne, réunis de manière extraordinaire le 6 mars 2014, ont condamné la violation, par la Fédération de Russie, sans qu’il y ait eu de provocation, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ils ont entériné les mesures proposées par le Conseil visant à suspendre les pourparlers bilatéraux menés avec la Fédération de Russie sur les visas ainsi que sur le nouvel accord global de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre l’Union et ses États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, et déclaré que toute autre mesure de la Fédération de Russie qui serait de nature à déstabiliser la situation en Ukraine entraînerait des conséquences, d’une portée considérable, pour les relations entre, d’une part, l’Union et ses États membres et, d’autre part, la Fédération de Russie, et ce dans un grand nombre de domaines économiques.

4        Le 31 juillet 2014, eu égard à la gravité de la situation en Ukraine malgré l’adoption, au mois de mars 2014, de restrictions en matière de déplacements ainsi que d’un gel des avoirs visant certaines personnes physiques et morales, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/512, afin d’introduire des mesures restrictives ciblées dans les domaines de l’accès aux marchés des capitaux, de la défense, des biens à double usage et des technologies sensibles, notamment dans le secteur énergétique.

5        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement no 833/2014, qui contient des dispositions plus détaillées pour donner effet, tant au niveau de l’Union que dans les États membres, aux prescriptions de la décision 2014/512.

6        L’objectif déclaré de ces mesures restrictives était d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise. À cette fin, la décision 2014/512 a établi, en particulier, des interdictions d’exportation de certains produits et de technologies sensibles destinés au secteur pétrolier en Russie ainsi que des restrictions à l’accès au marché des capitaux de l’Union, notamment dans le secteur énergétique.

7        Par la suite, le Conseil a adopté, le 8 septembre 2014, la décision 2014/659 et le règlement no 960/2014, afin d’étendre l’interdiction portant sur certains instruments financiers qui avait été décidée le 31 juillet 2014 et d’imposer des restrictions supplémentaires relatives à l’accès au marché des capitaux.

8        La requérante, Vnesheconombank, est une banque russe établie à Moscou (Russie), qui exerce une activité sur le marché national russe ainsi que sur le marché international.

9        L’article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse est rédigé en ces termes :

« Sont interdits l’achat direct ou indirect ou la vente directe ou indirecte, la fourniture directe ou indirecte de services d’investissement ou l’aide à l’émission ou toute autre opération portant sur des obligations, actions ou instruments financiers similaires dont l’échéance est supérieure à 90 jours s’ils ont été émis après le 1er août 2014 et jusqu’au 12 septembre 2014, ou dont l’échéance est supérieure à 30 jours, s’ils ont été émis après le 12 septembre 2014 par :

a)      les principaux établissements de crédit ou institutions financières de développement établis en Russie, détenus ou contrôlés à plus de 50 % par l’État à la date du 1er août 2014, dont la liste figure à l’annexe I ;

b)      toute personne morale, toute entité ou tout organisme établi en dehors de l’Union qui est détenu à plus de 50 % par une entité figurant à l’annexe I ; ou

c)      toute personne morale, toute entité ou tout organisme agissant pour le compte ou sur les instructions d’une entité de la catégorie visée au point b) du présent paragraphe ou figurant à l’annexe I. »

10      Le nom de la requérante figure au point 4 de l’annexe I de la décision litigieuse.

11      L’article 5, paragraphe 1, du règlement litigieux se lit comme suit :

« Sont interdites les opérations, directes ou indirectes, d’achat, de vente, de prestation de services d’investissement ou d’aide à l’émission de valeurs mobilières et d’instruments du marché monétaire dont l’échéance est supérieure à 90 jours, émis après le 1er août 2014 jusqu’au 12 septembre 2014, ou dont l’échéance est supérieure à 30 jours, émis après le 12 septembre 2014, ou toute autre transaction portant sur ceux-ci, par :

a)      un établissement de crédit principal ou tout autre établissement principal ayant un mandat explicite pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe et sa diversification et favoriser les investissements, établi en Russie et détenu ou contrôlé à plus de 50 % par l’État à la date du 1er août 2014, figurant à l’annexe III ; ou

b)      une personne morale, une entité ou un organisme établi en dehors de l’Union, dont plus de 50 % des droits de propriété sont détenus, directement ou indirectement, par une entité figurant à l’annexe III ; ou

c)      une personne morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte ou selon les instructions d’une entité visée au point b) du présent paragraphe ou figurant sur la liste de l’annexe III. »

12      Le nom de la requérante figure au point 4 de l’annexe III du règlement litigieux.

13      Par lettre du 15 septembre 2014, la requérante a demandé à avoir accès aux documents et aux éléments de preuve la concernant figurant dans le dossier du Conseil.

14      Par lettre du 16 octobre 2014, le Conseil a répondu à la demande de la requérante et lui a transmis des éléments de preuve et des documents relatifs à la décision d’inscrire son nom sur la liste des entités visées par les mesures restrictives en cause. La requérante a reçu cette lettre le 21 octobre suivant.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 octobre 2014, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des actes litigieux en tant qu’ils la concernent, en invoquant six moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen porte sur l’erreur manifeste d’appréciation des faits sur lesquels sont fondés l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la décision litigieuse et l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement litigieux (ci-après les « dispositions pertinentes des actes litigieux »). Le troisième moyen est relatif à la violation du droit à une protection juridictionnelle effective. Par son quatrième moyen, la requérante soutient que le Conseil a commis un détournement de pouvoir. Enfin, les cinquième et sixième moyens sont tirés, respectivement, de la violation du droit de propriété ainsi que de la liberté d’entreprise et de la violation du principe d’égalité de traitement.

16      Par décision du 29 octobre 2015, le président de la neuvième chambre du Tribunal a décidé, après avoir entendu les parties, de suspendre l’affaire T‑737/14 jusqu’à la décision de la Cour dans l’affaire C‑72/15. La procédure a repris après le prononcé de l’arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236).

17      Après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du recours, opposée par le Conseil, le Tribunal a rejeté chacun des six moyens soulevés par la requérante et a, par conséquent, rejeté le recours dans son ensemble.

 Les conclusions des parties devant la Cour

18      La requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de statuer définitivement sur le litige en annulant les dispositions pertinentes des actes litigieux en ce qu’elles la concernent et de supprimer son nom des annexes des actes litigieux, et

–        de condamner le Conseil aux dépens de la procédure devant la Cour et le Tribunal.

19      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant non fondé, et

–        de condamner la requérante aux dépens.

20      La Commission européenne demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

21      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque quatre moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

22      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 71 à 87 de l’arrêt attaqué, en considérant que le Conseil avait motivé de manière suffisante les mesures restrictives prévues par les dispositions pertinentes des actes litigieux.

23      La requérante souligne que le Tribunal l’a reconnu lui-même, lorsqu’il a estimé, au point 78 de cet arrêt, que « des motifs plus détaillés auraient été préférables » et a admis, au point 81 dudit arrêt, que certaines versions linguistiques de ces dispositions étaient ambiguës et pouvaient être confuses, que la motivation des dispositions pertinentes des actes litigieux était stéréotypée et insuffisante. Or, l’adoption de sanctions ambiguës et imprécises serait contraire aux principes de légalité et de sécurité juridique.

24      En outre, la requérante conteste chacun des quatre motifs sur le fondement desquels le Tribunal a jugé, dans l’arrêt attaqué, que les dispositions pertinentes des actes litigieux étaient suffisamment motivées.

25      Premièrement, la requérante conteste l’appréciation effectuée par le Tribunal selon laquelle, dès lors que les objectifs des mesures restrictives découlant de ces dispositions, à savoir le fait d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie en raison des événements survenus en Ukraine et de promouvoir une résolution pacifique de la crise, ressortaient des considérants des actes litigieux, il y aurait lieu de considérer que ces mesures sont suffisamment motivées.

26      La requérante ajoute que le fait de la sanctionner ne permettait pas de parvenir à ces objectifs, ni même de les promouvoir. Ainsi qu’elle l’aurait démontré, le Conseil n’ayant rapporté aucune preuve contraire, elle ne serait responsable d’aucune des obligations de la Fédération de Russie et cet État ne serait responsable d’aucune des obligations de la requérante. En outre, elle n’aurait aucun lien avec les événements survenus en Ukraine. Au contraire, elle indique qu’ayant collaboré intensément et très positivement à l’économie de l’Ukraine, le fait de la sanctionner ne permettait pas d’accroître les coûts de la Fédération de Russie ni d’encourager une résolution pacifique de la crise. Partant, c’est à tort que le Tribunal aurait considéré les mesures restrictives en cause comme étant suffisamment motivées en raison de leurs objectifs.

27      En outre, la requérante soutient que les motifs figurant au point 123 de l’arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236), relatifs à la motivation des actes litigieux, ne sont pas transposables en l’espèce, dès lors que la requérante au pourvoi, qui est une entité bancaire, et la requérante dans l’affaire ayant donné lieu cet arrêt, qui est une entreprise pétrolière, sont des entreprises de secteurs économiques et commerciaux distincts, qui relèvent de dispositions partiellement distinctes.

28      Deuxièmement, le Tribunal aurait déduit, à tort, le caractère suffisant de la motivation des dispositions pertinentes des actes litigieux du fait que le nom de la requérante est mentionné à l’annexe de ces dispositions parce qu’elle remplit les critères posés par celles-ci. Une telle motivation, outre qu’elle serait tautologique, serait également générale et stéréotypée et ne préciserait ni n’individualiserait les motifs concrets et particuliers qui pourraient justifier les sanctions imposées à la requérante. Cette motivation serait contraire aux conditions posées par la jurisprudence de l’Union.

29      Troisièmement, la requérante soutient que le Tribunal a estimé, à tort, que la lettre du Conseil du 16 octobre 2014, reçue par les avocats de cette dernière le 21 octobre 2014, avait complété et précisé la motivation de ces dispositions, alors que, contrairement à ce que le Tribunal a exposé, cette lettre avait été reçue tardivement.

30      Quatrièmement, la requérante fait valoir que le Tribunal a jugé, à tort, au point 85 de l’arrêt attaqué, que les différences rédactionnelles existant entre les termes des dispositions pertinentes des actes litigieux n’affectaient pas le caractère suffisant de la motivation des mesures restrictives en cause. La requérante soutient que le Tribunal a reconnu, au point 81 de cet arrêt, que le libellé de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement litigieux et celui de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la décision litigieuse différaient sensiblement et que l’ambiguïté qui en découlait ne permettait pas de savoir à quels types d’entreprises les sanctions s’appliquaient. Le Tribunal aurait toutefois commis une erreur lorsqu’il a présenté ces divergences rédactionnelles comme étant un problème de divergences entre des versions linguistiques différentes, alors qu’il s’agirait en réalité d’un problème de rédactions différentes de ces dispositions dans une même langue. Ces divergences rédactionnelles auraient empêché la requérante de connaître les accusations contre lesquelles elle devait se défendre. Les conditions tenant à la précision et au caractère concret exigées des sanctions ne seraient donc pas remplies. La requérante ajoute que, contrairement à ce que semble avoir exigé le Tribunal dans l’arrêt attaqué, elle n’était pas tenue d’expliquer en quoi les divergences rédactionnelles l’ont empêchée de comprendre les raisons pour lesquelles elle a été sanctionnée. En outre, la requérante soutient que le constat fait par la Cour au point 141 de l’arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236), sur les divergences rédactionnelles en cause dans cette affaire entre les termes de la décision litigieuse et ceux du règlement litigieux, n’est pas pertinent en l’espèce, car il ne porte pas sur les dispositions pertinentes des actes litigieux.

31      Le Conseil et la Commission contestent l’argumentation de la requérante.

 Appréciation de la Cour

32      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 71 à 87 de l’arrêt attaqué, en considérant que le Conseil n’avait pas manqué à son obligation de motivation.

33      En ce qui concerne la recevabilité de ce moyen, contestée par la Commission, il y a lieu de relever que la requérante indique clairement les passages de l’arrêt attaqué qu’elle considère comme entachés d’une erreur de droit ainsi que les arguments juridiques invoqués au soutien de sa position. Ainsi, les arguments de la requérante ne visent pas à obtenir un simple réexamen de la requête introductive d’instance, mais sont dirigés en réalité contre l’arrêt attaqué et permettent, en conséquence, à la Cour d’effectuer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 48).

34      Cependant, certains des arguments exposés au point 26 du présent arrêt, invoqués par la requérante dans le cadre de ce moyen, visent en réalité à contester l’appréciation portée par le Tribunal non pas sur la motivation des actes litigieux, mais sur l’adéquation des mesures restrictives en cause à leurs objectifs. Ces arguments relèvent donc du deuxième moyen du pourvoi et seront examinés ci-après.

35      En ce qui concerne le bien-fondé du premier moyen, il convient de rappeler que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive, telle que celles en cause en l’espèce, doit, ainsi que l’a indiqué à juste titre le Tribunal au point 69 de l’arrêt attaqué, identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52).

36      Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53).

37      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54).

38      Or, le Tribunal a considéré, à juste titre, au point 72 de l’arrêt attaqué, que les actes litigieux indiquaient le contexte dans lequel ils avaient été adoptés, contexte connu de la requérante, ainsi que les objectifs généraux qu’ils se proposaient d’atteindre.

39      En effet, d’une part, les considérants 1 à 8 de la décision litigieuse rappellent les éléments pertinents du contexte politique dans lequel les mesures restrictives en cause ont été adoptées et notamment le caractère insuffisant des mesures déjà adoptées par le Conseil. D’autre part, le considérant 2 du règlement litigieux énonce que l’objectif des mesures restrictives en cause est d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise. Le considérant 6 du règlement no 960/2014 indique que les restrictions d’accès au marché des capitaux à certains établissements financiers, et dont la Russie est l’un des actionnaires, ont été adoptées afin d’exercer une pression sur le gouvernement russe.

40      De plus, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 74 de l’arrêt attaqué, que « les “raisons spécifiques et concrètes” pour lesquelles le Conseil a[vait] estimé, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que la requérante devait faire l’objet de telles mesures [...] correspond[ai]ent, en l’espèce, aux critères qui [étaient] fixés dans les dispositions pertinentes des actes [litigieux] », parmi lesquels figure celui d’être détenues ou contrôlées à plus de 50 % par l’État russe.

41      En effet, aux points 119 à 125 de l’arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236), la Cour a estimé que les mesures restrictives à portée individuelle en cause dans cette affaire, comparables à celles qui ont été prises en l’espèce à l’égard de la requérante en application des dispositions pertinentes des actes litigieux, étaient suffisamment motivées, notamment au regard de la circonstance que ces actes indiquaient la situation d’ensemble qui a conduit à leur adoption et les objectifs généraux qu’ils se proposaient d’atteindre.

42      En outre, eu égard aux objectifs consistant à accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et à promouvoir un règlement pacifique de la crise et d’exercer une pression sur le gouvernement russe, la requérante, en sa qualité d’établissement financier détenu ou contrôlé à plus de 50 % par le gouvernement russe, ne pouvait ignorer les raisons pour lesquelles le Conseil a adopté des mesures ciblées à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 124).

43      Au demeurant, le Tribunal ne s’est pas uniquement fondé sur les dispositions pertinentes des actes litigieux pour estimer que le moyen tiré du défaut de motivation devait être rejeté. Il a également retenu à cet égard la motivation complémentaire fournie par le Conseil, postérieurement à l’adoption de ces actes. Au point 77 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ainsi relevé que, en réponse à une lettre de la requérante du 15 septembre 2014, le Conseil avait précisé, par lettre du 16 octobre 2014, que c’était bien en sa qualité d’établissement principal ayant un mandat explicite pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe et sa diversification et favoriser les investissements, établi en Russie et détenu ou contrôlé à plus de 50 % par l’État à la date du 1er août 2014, que son nom avait été inscrit sur les listes figurant en annexe des actes litigieux. Le Conseil avait annexé à ladite lettre un extrait de la loi fédérale russe no 82-FZ, du 17 mai 2007, sur les banques de développement, dont l’article 3 précisait que la requérante était une société publique, établie par la Fédération de Russie pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe.

44      C’est également à bon droit que le Tribunal a estimé, au point 78 de cet arrêt, que, dès lors que les motifs exposés dans cette lettre ne visait qu’à compléter ceux des actes litigieux et qu’ils se fondait sur des éléments qui étaient connus de la requérante à la date d’adoption de ces actes, cette motivation complémentaire, qui permettait à la requérante de connaître de manière suffisamment précise la justification des mesures restrictives la visant et de la contester, ne pouvait être considérée comme étant tardive.

45      Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante relative au fait qu’elle a reçu le 21 octobre 2014 cette lettre du Conseil, soit seulement quelques jours avant l’expiration du délai de recours, est sans incidence sur l’effectivité de son droit de recours. En tout état de cause, la requérante n’a pas exposé les arguments supplémentaires qu’elle aurait pu faire valoir dans son recours devant le Tribunal si elle avait reçu, plus tôt, la lettre du Conseil du 16 octobre 2014.

46      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les différences rédactionnelles entre les dispositions pertinentes des actes litigieux l’auraient empêché de connaître les accusations contre lesquelles elle devait se défendre, il convient de constater que l’article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse et l’article 5, paragraphe 1, du règlement litigieux ne sont effectivement pas rédigés dans des termes identiques.

47      Cependant, dès lors que le règlement litigieux a pour objectif, conformément à l’article 215 TFUE, l’adoption des mesures nécessaires pour donner effet à la décision litigieuse, les termes de ce règlement doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions de cette décision (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 141).

48      Or, la requérante n’expose pas les raisons pour lesquelles l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement litigieux, à la lumière de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse, retenue par le Tribunal aux points 80 à 84 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, en substance, la condition prévue à cet article 5, paragraphe 1, tenant au fait d’avoir reçu « un mandat explicite pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe et sa diversification et favoriser les investissements » ne concernait pas les « établissement[s] de crédit principal », mais s’appliquait uniquement à « tout autre établissement principal », serait erronée. Elle n’indique pas davantage la ou les conditions, prévues à ces dispositions, qu’elle n’a pu contester en raison de cette différence rédactionnelle.

49      L’argument de la requérante est donc insuffisamment étayé et doit être rejeté.

50      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentations des parties

51      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 97 et 98 de l’arrêt attaqué, en estimant que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits sur lesquels reposent les dispositions pertinentes des actes litigieux. Elle soutient que cette erreur serait également constitutive d’un détournement de pouvoir.

52      Le Tribunal aurait considéré, à tort, que les dispositions pertinentes des actes litigieux étaient étayées par des preuves suffisantes, alors que le fait de sanctionner la requérante serait manifestement inapproprié aux fins d’atteindre les objectifs poursuivis par le Conseil en ce qui concerne le conflit en Ukraine. À cet égard, la requérante soutient que la sanctionner n’accroît pas les coûts de l’État russe et ne promeut pas une résolution pacifique du conflit. Elle souligne qu’elle a même rapporté la preuve que, soutenant l’économie ukrainienne, les sanctions à son égard portaient, au contraire, préjudice à l’Ukraine et étaient, de ce fait, inappropriées. Elle estime que le Conseil n’a, quant à lui, rapporté aucune preuve de ce qu’il n’est pas manifestement inapproprié de sanctionner la requérante, dès lors qu’il n’a pas démontré que les sanctions qui ont été infligées à cette dernière accroissaient les coûts de la Russie ou promouvaient une résolution pacifique du conflit en Ukraine. Or, selon une jurisprudence constante de l’Union, il appartiendrait à l’autorité compétente de l’Union, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus contre la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs.

53      La requérante soutient également que, en vertu de la jurisprudence, il y a lieu de sanctionner non pas toutes formes d’appui à certains gouvernements ou certains pays tiers objets de restrictions, mais uniquement celles qui, par leur importance quantitative ou qualitative, contribuent aux activités pour lesquelles ce pays ou ce gouvernement a été sanctionné. Or, en l’espèce, aucun appui de la requérante au gouvernement russe ou aux personnes qui déstabilisent prétendument la situation en Ukraine n’aurait été démontré.

54      La requérante souligne, enfin, que la présomption d’innocence, qui est garantie par l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne coïncide avec l’article 6, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et que la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que cette présomption s’étendait aux sanctions administratives. Or, la requérante aurait été sanctionnée de manière stéréotypée et imprécise, sans qu’un comportement justifiant la sanction ait pu lui être imputé au regard des objectifs poursuivis par les sanctions.

55      Le Conseil et la Commission soutiennent que ce moyen est irrecevable et, en tout état de cause, dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

56      À titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent tant le Conseil que la Commission, la requérante ne se borne pas à réitérer les arguments avancés en première instance. Partant, ce moyen doit être considéré comme recevable pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 33 du présent arrêt.

57      En ce qui concerne le bien-fondé de ce moyen, qui vise à contester les points 97 et 98 de l’arrêt attaqué, il convient de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur de l’Union dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels celui-ci est appelé à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée dans ces domaines, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 146 et jurisprudence citée). 

58      Aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les mesures restrictives en cause cherchaient à accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et à promouvoir un règlement pacifique de la crise et visaient, ainsi, à exercer une pression sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine. Il a estimé que, au vu notamment de l’insuffisance des mesures précédemment adoptées, il n’était pas manifestement inapproprié de la part du Conseil d’adopter des mesures visant à exercer une pression supplémentaire sur la Fédération de Russie, en limitant l’accès au marché des capitaux de l’Union des principaux établissements de crédit et des autres établissements principaux ayant un mandat explicite pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe, établis en Russie et détenus ou contrôlés à plus de 50 % par l’État russe, et ce indépendamment de toute implication des établissements concernés dans les actions de l’État russe qui déstabilisent la situation en Ukraine. Enfin, au point 98 de cet arrêt, le Tribunal a souligné que, la requérante ne contestant pas le fait d’être détenue à plus de 50 % par l’État russe ni, par ailleurs, d’avoir reçu un mandat explicite pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe, les arguments qu’elle invoquait au soutien du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation des faits sur lesquels sont fondés les dispositions pertinentes des actes litigieux étaient dépourvus de pertinence pour évaluer si elle remplissait les conditions prévues à ces dispositions. Il a, par voie de conséquence, rejeté ces arguments comme étant inopérants.

59      En l’espèce, aucun des arguments soulevés par la requérante au pourvoi qui permettraient de caractériser une erreur de droit du Tribunal ne peut être retenu.

60      Premièrement, contrairement à ce que la requérante soutient, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en n’exigeant pas du Conseil qu’il apporte la preuve que les sanctions qui lui ont été infligées accroissaient les coûts de la Russie. Au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le Tribunal a, d’une part, vérifié, aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, que les faits allégués dans l’exposé des motifs d’inscription sur une telle liste, figurant dans les actes litigieux, étaient étayés de manière suffisamment précise et concrète. D’autre part, il a estimé, au terme d’un examen circonstancié que, au vu notamment de l’insuffisance des mesures précédemment adoptées, les mesures restrictives en cause, limitant l’accès au marché des capitaux de l’Union des principaux établissements de crédit et des autres établissements principaux ayant un mandat explicite pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe, établis en Russie et détenus ou contrôlés à plus de 50 % par l’État russe, n’étaient pas manifestement inappropriées aux fins d’atteindre les objectifs poursuivis par le Conseil en ce qui concerne le conflit en Ukraine. Par suite, dès lors que la requérante ne conteste pas être un établissement principal de crédit, est détenue à plus de 50 % par l’État russe et dispose d’un mandat explicite pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé que le Conseil avait, à juste titre, estimé qu’elle remplissait les conditions fixées aux dispositions pertinentes des actes litigieux pour pouvoir être inscrite sur les listes litigieuses.

61      Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel les mesures restrictives en cause ont des conséquences négatives sur l’économie ukrainienne est sans incidence à cet égard. En effet, à supposer que ces mesures puissent également avoir de telles conséquences, il n’en demeure pas moins que lesdites mesures ne sont pas manifestement inappropriées eu égard aux objectifs poursuivis par le Conseil.

62      Troisièmement, c’est en vain que la requérante soutient qu’elle n’a apporté aucun appui au gouvernement russe ou aux personnes qui déstabilisent la situation en Ukraine et que la présomption d’innocence a été méconnue la concernant, dès lors qu’il ressort clairement des actes litigieux que les mesures restrictives en cause n’ont pas été adoptées par le Conseil en raison d’un quelconque comportement de la requérante.

63      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré d’un détournement de pouvoir, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, qu’il a été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles pour lesquelles le pouvoir en cause a été conféré ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par les traités pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 135 et jurisprudence citée). Or, il suffit de relever que la requérante n’a pas fourni de tels indices.

64      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

65      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 105 et 117 à 125 de l’arrêt attaqué, en jugeant que, dès lors que les dispositions pertinentes des actes litigieux étaient suffisamment motivées, qu’elle avait été entendue en temps ainsi que dans les formes voulues et qu’elle n’avait pas eu accès au dossier de façon tardive, le droit à la protection juridictionnelle effective avait été respecté.

66      En ce qui concerne le défaut de motivation, la requérante renvoie aux arguments qu’elle a développés dans le cadre du premier moyen.

67      En outre, elle soutient que le droit à une protection juridictionnelle effective a été violé au motif, d’une part, que le Conseil lui a imposé une sanction sans qu’elle ait pu être entendue au préalable et, d’autre part, qu’elle a reçu le dossier du Conseil tardivement, de sorte que les droits de la défense ont été « radicalement » limités. À cet égard, elle fait valoir qu’elle a demandé l’accès à ce dossier le 15 septembre 2014, dès qu’elle a su, par la publication au Journal officiel de l’Union européenne, qu’elle faisait l’objet de mesures restrictives adoptées par le Conseil. Or, la requérante expose que le Conseil n’a accédé à sa demande que le 16 octobre 2014 et que le dossier n’est parvenu à ses avocats que le 21 octobre 2014, soit seulement trois jours avant l’expiration du délai imparti pour déposer la requête en annulation devant le Tribunal. Elle estime, par conséquent, que c’est à tort que le Tribunal a jugé, sans motiver son appréciation à cet égard, que le délai de cinq semaines pris par le Conseil pour répondre à la demande d’accès au dossier n’était pas déraisonnable. En outre, le Tribunal aurait considéré à tort que la requérante avait, par son comportement, contribué à la réduction du délai dont elle disposait pour déposer la requête introductive d’instance. Elle souligne que, étant établie hors de l’Union, elle n’avait pas connaissance des diverses voies de recours disponibles pour contester la sanction dont elle faisait l’objet et qu’elle a eu des difficultés à trouver un cabinet d’avocats spécialisé dans le domaine en cause, qui accepte de la représenter en justice. Au vu de ces circonstances, son temps de réaction aurait été très court et son comportement ne saurait justifier la mise à disposition tardive du dossier par le Conseil. En revanche, par son comportement, le Conseil, qui aurait utilisé la voie postale pour transmettre le dossier et refusé que les avocats de la requérante se déplacent à Bruxelles (Belgique) pour le récupérer, aurait inutilement rallongé son temps de réponse à la demande d’accès au dossier, dont il devait disposer avant l’imposition des sanctions.

68      La requérante fait enfin valoir que si elle avait eu accès au dossier avant l’imposition de la sanction, elle aurait pu formuler ses allégations et conduire le Conseil à réexaminer la sanction qu’il lui avait imposée, ou au moins à la rendre moins onéreuse, et aurait pu commencer à préparer son recours en annulation. En outre, si elle avait accédé plus tôt au dossier, ce qui aurait été parfaitement possible si le Conseil avait agi de manière différente, elle aurait pu mieux préparer sa défense, notamment en démontrant l’inadéquation de la sanction qui lui avait été infligée.

69      Dans la réplique, la requérante soutient que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, elle n’a pas soulevé d’arguments nouveaux dans le cadre de ce moyen. Elle aurait, en effet, détaillé dans la requête introductive d’instance les préjudices causés par le long retard pris par le Conseil pour lui communiquer le dossier relatif aux sanctions la concernant.

70      Le Conseil et la Commission contestent l’argumentation de la requérante.

 Appréciation de la Cour

71      Le troisième moyen de pourvoi, tiré de l’erreur de droit du Tribunal quant à l’appréciation portée sur le droit à une protection juridictionnelle effective et les droits de la défense, est dirigé contre les points 105 et 117 à 125 de l’arrêt attaqué.

72      En ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle le Tribunal a estimé à tort que, dès lors notamment que les dispositions pertinentes des actes litigieux étaient suffisamment motivées, le droit à une protection juridictionnelle effective avait été respecté, il y a lieu de relever que celle-ci réitère les arguments qu’elle a invoqués dans le cadre du premier moyen du pourvoi. Il convient, par conséquent, de les rejeter pour les mêmes motifs que ceux exposés en réponse au premier moyen.

73      Quant à l’argumentation de la requérante selon laquelle le Tribunal aurait dû considérer que le droit à une protection juridictionnelle effective avait été violé dès lors que, d’une part, le Conseil a imposé une sanction à la requérante sans qu’elle ait pu être entendue au préalable et, d’autre part, elle a reçu le dossier du Conseil tardivement, de sorte que ses droits de la défense auraient été radicalement limités, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, pour qu’une violation des droits de la défense entraîne l’annulation de l’acte en cause, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, notamment, ordonnance du 1er décembre 2015, Georgias e.a./Conseil et Commission, C‑545/14 P, non publiée, EU:C:2015:791, point 51 et jurisprudence citée), ce qu’il appartient à la personne qui se prévaut d’une telle violation de démontrer (voir, notamment, arrêt du 16 juin 2016, SKW Stahl-Metallurgie et SKW Stahl-Metallurgie Holding/Commission, C‑154/14 P, EU:C:2016:445, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

74      Or, la requérante n’avance aucun argument permettant de démontrer que, contrairement au constat figurant aux points 118 et 120 de l’arrêt attaqué, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si elle avait été entendue préalablement à l’adoption des mesures en cause ou si les motifs concernant l’application de ces mesures lui avaient été communiqués préalablement. La requérante n’a pas non plus démontré que le Tribunal a considéré, à tort, au point 125 de cet arrêt, qu’elle était restée en défaut d’expliquer quels étaient les arguments et les éléments qu’elle aurait pu faire valoir si elle avait eu accès au dossier plus tôt.

75      Partant, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’irrecevabilité du présent moyen soulevée par la Commission, il convient de le rejeter comme en partie non fondé et en partie inopérant.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

76      Par son quatrième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 146 à 158 et 162 à 165 de l’arrêt attaqué, en estimant que le droit de propriété, de même que les principes de proportionnalité et d’égalité, avaient été respectés en l’espèce.

77      Le Tribunal aurait considéré à tort que, en l’espèce, les conditions nécessaires pour que la limitation d’un droit fondamental, tel que le droit de propriété, soit légitime au regard du droit de l’Union étaient réunies. En premier lieu, la condition selon laquelle la limitation doit avoir une base juridique ne serait pas remplie, dès lors que les dispositions litigieuses seraient dénuées d’une motivation adéquate. En deuxième lieu, la condition tenant à ce que la limitation du droit fondamental poursuive un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union, ne serait pas davantage remplie, les objectifs des mesures en cause ne pouvant être atteints par les sanctions infligées à la requérante. En troisième lieu, la condition selon laquelle la limitation du droit fondamental ne doit pas être excessive ne serait également pas remplie. La restriction au droit de propriété de la requérante serait clairement excessive, dès lors qu’elle ne serait pas nécessaire au regard de l’objectif poursuivi. Elle serait également disproportionnée pour des raisons identiques.

78      Par ailleurs, la requérante soutient que la sanction est arbitraire, une personne ne pouvant être sanctionnée qu’en raison de ses actions et de ses activités, c’est-à-dire pour ce dont elle est responsable, et non en raison de son appartenance à une classe ou à une catégorie d’entreprises, définie en l’occurrence par le Conseil lui-même dans les dispositions pertinentes des actes litigieux.

79      Dans la réplique, la requérante soutient que, contrairement à ce qu’affirme le Conseil, l’argument tiré de la discrimination qu’elle a subie a déjà été soulevé en première instance. Elle souligne en effet que, aux points 43 à 45 de la requête introductive d’instance, elle avait invoqué un moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, auquel le Tribunal a d’ailleurs répondu aux points 159 à 165 de l’arrêt attaqué.

80      Le Conseil et la Commission contestent l’argumentation de la requérante.

 Appréciation de la Cour

81      Le quatrième moyen est tiré de ce que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 146 à 158 et aux points 162 à 165 de l’arrêt attaqué, en estimant que le droit de propriété de la requérante, de même que les principes de proportionnalité et d’égalité, avaient été respectés.

82      Aux points 154 à 158 et 162 à 165 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment examiné les arguments de la requérante tirés de la violation de son droit à la réputation et du principe d’égalité de traitement. La requérante n’a pas exposé, dans le cadre du pourvoi, les raisons pour lesquelles ces points des motifs de l’arrêt attaqué seraient entachés d’une erreur de droit. Or, il n’appartient pas à la Cour de rechercher quelle erreur de droit le Tribunal aurait pu commettre (voir, notamment, arrêts du 6 septembre 2018, Basic Net/EUIPO, C‑547/17 P, non publié, EU:C:2018:682, point 43 ; du 23 janvier 2019, Deza/ECHA, C‑419/17 P, EU:C:2019:52, points 93 et 94, ainsi que du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 33). Le quatrième moyen est donc irrecevable en ce qu’il vise lesdits points de l’arrêt attaqué.

83      Ce moyen est, en revanche, recevable en ce qu’il vise les points 146 à 153 de l’arrêt attaqué, qui portent sur le droit de propriété et le principe de proportionnalité.

84      À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, s’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, la Cour a jugé, comme cela a été rappelé au point 57 du présent arrêt, que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée dans les domaines mentionnés à ce point, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure. 

85      D’autre part, les droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne sont pas des prérogatives absolues et leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union, à condition que de telles restrictions répondent effectivement auxdits objectifs d’intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 148 ainsi que jurisprudence citée).

86      La Cour a également rappelé, au point 149 de cet arrêt, que les mesures restrictives comportent, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles, causant ainsi des préjudices à des parties qui n’ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des sanctions et que tel est a fortiori l’effet des mesures restrictives ciblées pour les entités visées par celles‑ci.

87      Elle a ajouté, au point 150 dudit arrêt, que l’importance des objectifs poursuivis par les actes litigieux, à savoir la protection de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine ainsi que la promotion d’un règlement pacifique de la crise dans ce pays, qui s’inscrivent dans l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, était de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs.

88      Or, d’une part, le Tribunal a estimé, à juste titre, au point 151 de l’arrêt attaqué, que, dans la mesure où l’objectif poursuivi par le Conseil en adoptant les mesures restrictives en cause était, notamment, d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, l’approche consistant à cibler des banques publiques russes répondait, de manière cohérente, audit objectif et ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme étant manifestement inappropriée au regard de l’objectif poursuivi.

89      D’autre part, eu égard à l’importance des objectifs poursuivis par les actes litigieux et à l’évolution progressive de l’intensité des mesures restrictives adoptées par le Conseil en réaction à la crise en Ukraine, le Tribunal a considéré à juste titre, au point 153 de l’arrêt attaqué, que l’ingérence dans le droit de propriété de la requérante n’était pas disproportionnée.

90      Il résulte de ce qui précède qu’il y lieu d’écarter le quatrième moyen et, partant, de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

91      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

92      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

93      Le Conseil ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

94      Conformément à l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Bank for Development and Foreign Economic Affairs (Vnesheconombank) est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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