EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62015CS0001

Euroopa Kohtu määrus (kümnes koda), 21.9.2015.
La Chaine hôtelière La Frontière, Shotef SPRL versus Euroopa Komisjon.
Taotlus anda luba Euroopa Ühenduste Komisjoni valduses oleva vara arestimiseks tagatismeetmena.
Kohtuasi C-1/15 SA.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:632

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

21 septembre 2015 (*)

«Demande d’autorisation de pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la Commission européenne»

Dans l’affaire C-1/15 SA,

ayant pour objet une demande d’autorisation de pratiquer une saisie‑arrêt entre les mains de la Commission européenne, introduite le 12 janvier 2015,

La Chaîne hôtelière La Frontière, Shotef SPRL, établie à Goma (République démocratique du Congo), représentée par Me J.‑Y. Steyt, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Aresu, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Vajda, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa requête, La Chaîne hôtelière La Frontière, Shotef SPRL (ci-après «Shotef»), société de droit congolais, demande à la Cour l’autorisation de pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la Commission européenne sur les sommes que l’Union européenne devrait verser à la République démocratique du Congo.

 Les faits à l’origine du litige

2        Dans sa requête, Shotef produit un jugement rendu le 24 mai 2005 par le tribunal de grande instance du Nord Kivu (République démocratique du Congo) condamnant la République démocratique du Congo à lui payer les sommes de 1 032 973 dollars des États-Unis (USD), à titre principal, ainsi que de 400 000 USD, à titre de dommages et intérêts. Elle ajoute que ce jugement, qui est passé en force de chose jugée en République démocratique du Congo, a fait l’objet d’une ordonnance d’exequatur, rendue par le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique) le 18 juin 2009, également annexée à sa requête.

3        Le 20 octobre 2014, Shotef a fait signifier à la Commission un acte de saisie‑arrêt des sommes ou des objets appartenant ou revenant à la République démocratique du Congo.

4        La Commission a informé Shotef qu’elle s’opposait à cette saisie-arrêt au motif que la mise en œuvre de cette voie d’exécution serait de nature à constituer une entrave au bon fonctionnement et à l’indépendance de l’Union, ce que l’article 1er du protocole (n° 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, annexé aux traités UE, FUE et CEEA (ci-après le «protocole»), a pour but d’éviter.

 Les conclusions des parties

5        Shotef demande à la Cour de l’autoriser à pratiquer, en vertu de l’article 1er du protocole, une saisie-arrêt entre les mains de la Commission sur les sommes que l’Union devrait verser à la République démocratique du Congo et de condamner la Commission aux dépens.

6        La Commission conclut au rejet de la requête présentée par Shotef et à la condamnation de celle-ci aux dépens.

 Sur la demande

 Argumentation des parties

7        Au soutien de sa demande, la requérante fait valoir que le préambule du traité UE ainsi que les articles 2 TUE et 21, paragraphes 1 et 2, sous b), TUE confirment l’attachement de l’Union à l’État de droit et à ses principes, lequel s’exprime tant dans le fonctionnement interne des institutions de l’Union que dans les relations internationales que l’Union entretient avec les États tiers. La requérante ajoute que, en ne payant pas les sommes que la République démocratique du Congo lui doit, celle-ci ne se comporte pas comme un État de droit. Dès lors, la saisie de ces sommes entre les mains de la Commission devrait être autorisée.

8        Tout d’abord, la Commission fait valoir que Shotef a produit un mandat de représentation donné à son avocat postérieurement au dépôt de sa requête. Ensuite, elle fait part de ses doutes sur la réalité de la créance de la requérante à l’égard de la République démocratique du Congo. Elle ajoute qu’il résulte des pièces versées aux débats que Shotef ne justifie de son inscription au registre du commerce et des sociétés de la République démocratique du Congo qu’à la date du 9 janvier 2015. Il en résulterait que, en vertu de l’article 98 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, adopté le 17 avril 1997 par l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) à laquelle a adhéré la République démocratique du Congo, Shotef ne serait dotée de la personnalité morale que depuis le 9 janvier 2015. La Commission en conclut que ces éléments rendraient très incertain le principe même de la créance dont se prévaut Shotef, qui serait née au cours de l’année 2005.

9        Enfin, la Commission fait valoir que la mise en œuvre de la saisie‑arrêt poursuivie par Shotef aurait pour effet de remettre en cause les différents programmes d’aide au développement en faveur de la République démocratique du Congo et nuirait, en définitive, aux relations que l’Union entretient avec cet État, ainsi qu’avec tous les États de la région de l’Afrique subsaharienne. Cela serait dès lors susceptible de créer des obstacles au bon fonctionnement et à l’indépendance de l’Union.

 Appréciation de la Cour

10      À titre liminaire, il convient de relever que le mandat de représentation conféré par Shotef à son avocat, postérieurement au dépôt de la requête initiale, est de nature à régulariser de manière rétroactive cette requête, de telle sorte que le moyen présenté à cet égard par la Commission est dépourvu de fondement.

11      À supposer que, ainsi que le relève la Commission, Shotef ne justifie avoir été inscrite au registre du commerce et des sociétés de la République démocratique du Congo qu’à compter du 9 janvier 2015, il demeure que la procédure de saisie-arrêt en cause a été menée en exécution d’un jugement émanant d’une juridiction de la République démocratique du Congo et que ce jugement a fait l’objet d’une ordonnance d’exequatur rendue par le tribunal de première instance de Bruxelles. Ces éléments justifient que la Cour examine si les conditions prévues à l’article 1er du protocole sont remplies pour autoriser ou non la saisie litigieuse.

12      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 1er du protocole, «[l]es biens et avoirs de l’Union ne peuvent être l’objet d’aucune mesure de contrainte [...] judiciaire sans une autorisation de la Cour de justice». Cette disposition a pour but d’éviter que ne soient apportées des entraves au fonctionnement et à l’indépendance de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance Antippas/Commission, C‑1/02 SA, EU:C:2003:187, point 12 et jurisprudence citée).

13      Une telle immunité n’est pas absolue, dès lors qu’une mesure de contrainte peut être ordonnée lorsqu’elle ne risque pas d’entraver le fonctionnement de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance Tertir‑Terminais de Portugal/Commission, C‑1/04 SA, EU:C:2004:803, point 11).

14      Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que le fonctionnement de l’Union peut être entravé par des mesures de contrainte qui affectent le financement des politiques communes ou la mise en œuvre de programmes d’action établis par l’Union (voir ordonnance Tertir-Terminais de Portugal/Commission, C‑1/04 SA, EU:C:2004:803, point 14 et jurisprudence citée).

15      En l’occurrence, la mise en œuvre de la saisie-arrêt serait non seulement de nature à remettre en cause une partie de la politique d’aide menée par l’Union en Afrique subsaharienne, mais risquerait également de nuire aux relations que l’Union entretient avec la République démocratique du Congo et, de manière générale, avec l’ensemble des États de cette région.

16      Les éléments exposés au point précédent étant suffisants pour considérer que la mise en œuvre de la saisie-arrêt serait de nature à entraver le bon fonctionnement de l’Union, il y a lieu de rejeter la demande présentée par Shotef.

 Sur les dépens

17      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Shotef et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne:

1)      La demande est rejetée.

2)      La Chaîne hôtelière La Frontière, Shotef SPRL, est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.

Top