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Document 62024TO0217(01)
Order of the General Court (Third Chamber) of 24 January 2025.#YU v European Commission.#Case T-217/24.
Auto del Tribunal General (Sala Tercera) de 24 de enero de 2025.
YU contra Comisión Europea.
Asunto T-217/24.
Auto del Tribunal General (Sala Tercera) de 24 de enero de 2025.
YU contra Comisión Europea.
Asunto T-217/24.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:103
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)
24 janvier 2025 (*)
« Recours en indemnité – Aides d’État – Plaintes – Règlement (UE) 2015/1589 – Notion de “partie intéressée” – Absence d’illégalité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑217/24,
YU, représenté par Me B. Maréchal, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky, I. Barcew et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de Mme P. Škvařilová‑Pelzl, présidente, MM. I. Nõmm (rapporteur) et R. Meyer, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’ordonnance du 22 juillet 2024, YU/Commission (T‑217/24 R, non publiée, EU:T:2024:508), par laquelle le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et réservé les dépens,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 268 TFUE, le requérant, YU, demande réparation du préjudice qu’il aurait subi en raison de l’absence d’examen, par la Commission européenne, des plaintes déposées dans les affaires SA.46963 et SA.52275 concernant de prétendues aides d’État accordées par les autorités françaises.
Antécédents du litige
2 Le 10 octobre 2016, le requérant a adressé à la Commission une plainte, enregistrée sous la référence SA.46963, concernant de prétendues aides d’État non notifiées octroyées par la République française, par une convention du 9 mai 2012, sous forme de mesures fiscales et d’autres aides bénéficiant à un fond d’investissement géré par une société de droit privé (ci-après la « plainte SA.46963 »). Le 22 octobre 2018, le requérant a adressé à la Commission une seconde plainte, enregistrée sous la référence SA.52275, concernant de prétendues aides d’État non notifiées octroyées par la République française, sous la forme de garanties et de contre-garanties en faveur de cette même société et d’une participation à sa capitalisation (ci-après la « plainte SA.52275 »). Le 5 mai 2023, le requérant a adressé un courrier à la Commission lui demandant d’adopter, avant le 5 juillet 2023, une décision à la suite de ses plaintes SA.46963 et SA.52275.
3 Le 14 juillet 2023, la Commission a adressé au requérant un courrier explicitant les raisons pour lesquelles elle estimait que sa plainte SA.46963 était irrecevable. Elle a indiqué, dans ce courrier, que les sociétés sous le contrôle du requérant ne disposaient pas de la qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9). La Commission a fait valoir qu’il n’existait pas de relation de concurrence, même potentielle, entre ces sociétés et le fonds d’investissement bénéficiaire de la prétendue aide. Elle a également souligné que la circonstance qu’un consortium comprenant certaines desdites sociétés se soit vu refuser une demande de co-financement à la suite d’un appel à candidatures présenté par les autorités françaises était dénuée de pertinence au motif, notamment, que ce refus était antérieur à la création du fonds prétendument bénéficiaire desdites aides. Enfin, elle a retenu que l’allégation du requérant, tirée de ce que le fonds aurait été créé en s’appuyant sur des informations fournies par ledit consortium, ne relevait pas du contrôle des aides d’État. La Commission a laissé au requérant un délai de trente jours pour présenter ses observations.
4 Le 20 juillet 2023, la Commission a adressé au requérant un courrier explicitant les raisons pour lesquelles elle estimait que sa plainte SA.52275 était irrecevable. La Commission a souligné que la société contrôlée par le requérant ne disposait pas de la qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h, du règlement 2015/1589. Elle a souligné que le requérant ne démontrait pas l’existence d’une relation de concurrence avec l’entreprise qu’il présentait comme étant la bénéficiaire de l’aide alléguée. La Commission lui a laissé un délai de trente jours pour présenter ses observations.
5 Par deux courriers du 25 juillet 2023, le requérant a présenté ses observations sur la recevabilité de ses plaintes SA.46963 et SA.52275. Il estimait disposer de la qualité de « partie intéressée » en alléguant agir en tant que mandataire de l’État français et lanceur d’alerte.
6 Le requérant a introduit un recours sur le fondement des articles 263 et 265 TFUE demandant au Tribunal, à titre principal, de constater que la Commission s’est illégalement abstenue de prendre position sur les plaintes déposées dans les dossiers SA.46963 et SA.52275 concernant de prétendues aides d’État accordées par les autorités françaises et, à titre subsidiaire, l’annulation des décisions qui figureraient dans les lettres des 14 et 20 juillet 2023 que la Commission lui a adressées. Par une ordonnance du 5 mars 2024, YU/Commission (T‑529/23, non publiée, EU:T:2024:157), ce recours a été rejeté comme étant manifestement irrecevable. Le pourvoi introduit contre cette dernière ordonnance a été rejeté comme étant manifestement non fondé par une ordonnance du 15 juillet 2024, YU/Commission (C‑233/24 P, non publiée, EU:C:2024:625).
Conclusions des parties
7 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts d’un montant de 87 000 000 euros, à titre d’indemnisation de son préjudice moral ;
– condamner la Commission au paiement des intérêts sur la somme de 10 038 973 802,36 euros à compter du 25 août 2023 et jusqu’à la date d’adoption de décisions dans les affaires SA.46963 et SA.52275 ;
– condamner la Commission à lui verser la somme de 14 000 euros au titre des frais de justice et, dans l’hypothèse où l’action en recouvrement des aides en cause serait prescrite, une somme de 72 000 euros ;
– condamner la Commission aux dépens.
8 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
9 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
10 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.
11 Par son recours, le requérant demande la réparation des préjudices prétendument subis du fait du comportement de la Commission dans les affaires SA.46963 et SA.52275.
12 L’article 340, deuxième alinéa, TFUE prévoit que, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union européenne doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.
13 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 32).
14 Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union (arrêt du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, EU:C:1999:498, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81). En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir arrêt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 42 et jurisprudence citée).
15 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier le bien-fondé de la demande du requérant.
16 Le Tribunal estime opportun d’examiner d’emblée la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle relative à l’illégalité du comportement reproché, au sens de la jurisprudence citée au point 13 ci-dessus.
17 Aux fins de démontrer l’illégalité du comportement de la Commission, lequel tiendrait dans « [l’absence de correction] des erreurs qu’elle a commises dans ses lettres des 14 et 20 juillet 2023, à la suite des réponses du 25 juillet 2023 », le requérant soutient que la Commission n’a pas eu « le comportement d’une administration normalement prudente et diligente », en méconnaissant « le principe du respect de la légalité et son devoir de loyauté, qui pèsent sur elle aux fins d’une application effective des “droits et recours” prévus par la directive [(UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO 2019, L 305, p. 17)], […] le respect de l’identité constitutionnelle nationale qui s’attache au quasi-contrat ratifié de gestion d’affaires et […] les articles 107 et 108 TFUE, ainsi que les principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime [ ; c]es violations [seraient] notamment caractérisées par une limitation arbitraire, volontaire et délibérée d[e son] droit […] à un recours effectif ».
18 Force est de constater que l’argumentation du requérant repose sur le postulat que la Commission, à la suite de ses plaintes et de ses courriers, aurait dû ouvrir la phase préliminaire d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE à l’égard des prétendues aides d’État non notifiées qui auraient été octroyées par la République française.
19 À cet égard, il découle de la lecture combinée de l’article 15, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2015/1589 et de l’article 24, paragraphe 2, première phrase, dudit règlement que seul le dépôt d’une plainte par une « partie intéressée » a pour effet de déclencher l’ouverture de la phase préliminaire d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE impliquant l’obligation pour la Commission d’adopter une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce même règlement.
20 Aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, il faut entendre par « partie intéressée » tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 63 et jurisprudence citée).
21 Or, force est de constater qu’aucun des arguments du requérant ne permet d’établir qu’il s’apparente à une « partie intéressée », au sens de la disposition citée au point 20 ci-dessus.
22 Cela est ainsi le cas, premièrement, de l’argumentation du requérant fondée sur l’existence d’un mandat au titre de la théorie de la gestion d’affaires en application de l’article 1301 du code civil français et reposant sur le postulat qu’il interviendrait dans l’intérêt de l’État français aux fins de lui permettre d’obtenir la récupération d’aides illégales, pour les motifs exposés au point 48 de l’ordonnance du 15 juillet 2024, YU/Commission (C‑233/24 P, non publiée, EU:C:2024:625).
23 De même, deuxièmement, l’argumentation du requérant, tirée de ce qu’il disposerait du statut de « lanceur d’alerte » au sens de la directive 2019/1937, n’est pas de nature à lui attribuer la qualité de « partie intéressée » pour les motifs exposés au point 25 de l’ordonnance du 5 mars 2024, YU/Commission (T‑529/23, non publiée, EU:T:2024:157).
24 Enfin, troisièmement, s’agissant des développements figurant dans la partie liminaire de la requête portant sur les représailles, dont le requérant aurait fait l’objet à la suite de ses signalements portant sur la violation des règles de l’Union en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que ceux-ci ne sont pas susceptibles de démontrer sa qualité de « partie intéressée ». En effet, de telles représailles, à les supposer avérées, ne sont pas de nature à établir que ses intérêts sont affectés d’une manière suffisamment directe par les mesures dénoncées dans ses plaintes, les représailles ne découlant pas de ces mesures, mais d’éventuels comportements autonomes et distincts (ordonnance du 15 juillet 2024, YU/Commission, C‑233/24 P, non publiée, EU:C:2024:625, points 49 à 54).
25 Il découle de manière évidente de ce qui précède que le requérant n’est pas à même d’établir qu’il relève de la qualification de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/2195, de sorte que la Commission n’était pas tenue d’ouvrir la phase préliminaire d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE et, par voie, de conséquence, d’adopter une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce même règlement.
26 En outre, pour autant que le requérant soutienne que le statut de « lanceur d’alerte » impliquerait, en substance, que la Commission examine ses plaintes dans l’éventualité même où il ne disposerait pas de la qualité de « partie intéressée », une telle argumentation devrait être rejetée pour les motifs exposés aux points 42 à 45 de l’ordonnance du 15 juillet 2024, YU/Commission (C‑233/24 P, non publiée, EU:C:2024:625).
27 Les allégations du requérant, relatives à l’illégalité du comportement de la Commission, ne peuvent dès lors être accueillies, en ce qu’elles reposent sur un postulat erroné en droit.
28 L’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir l’illégalité du comportement reproché, faisant manifestement défaut, le recours doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, y compris en ce qu’il tendrait à la condamnation de la Commission à des frais de justice distincts des dépens, sans qu’il y ait lieu d’examiner la recevabilité du recours, que la Commission estime non établie. Dans ces conditions, il n’y a pas non plus lieu d’examiner les demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par le requérant.
Sur les dépens
29 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux de la procédure en référé T‑217/24 R, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
2) YU est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé T‑217/24 R.
Fait à Luxembourg, le 24 janvier 2025.
Le greffier |
La présidente |
V. Di Bucci |
P. Škvařilová-Pelzl |
* Langue de procédure : le français.