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Document 62012CJ0596

Sentencia del Tribunal de Justicia (Sala Segunda) de 13 de febrero de 2014.
Comisión Europea contra República Italiana.
Incumplimiento de Estado - Despidos colectivos - Concepto de «trabajadores» - Exclusión de los «dirigenti» - Directiva 98/59/CE - Artículo 1, apartados 1 y 2 - Infracción.
Asunto C-596/12.

European Court Reports 2014 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:77

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

13 février 2014 (*)

«Manquement d’État – Licenciements collectifs – Notion de ‘travailleurs’ – Exclusion des ‘dirigenti’ – Directive 98/59/CE – Article 1er, paragraphes 1 et 2 – Violation»

Dans l’affaire C‑596/12,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 20 décembre 2012,

Commission européenne, représentée par M. J. Enegren et Mme C. Cattabriga, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.-C. Bonichot (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en excluant la catégorie des «dirigenti» du champ d’application de la procédure de mobilité prévue par les dispositions combinées des articles 4 et 24 de la loi n° 223, relative aux normes en matière de chômage technique, à la mobilité, aux allocations de chômage, à la mise en œuvre de directives communautaires, au placement de main-d’œuvre et aux autres dispositions relatives au marché du travail (legge n. 223 – Norme in materia di cassa integrazione, mobilita’, trattamenti di disoccupazione, attuazione di direttive della Comunita’ europea, avviamento al lavoro ed altre disposizioni in materia di mercato del lavoro), du 23 juillet 1991 (supplément ordinaire à la GURI n° 175, du 27 juillet 1991), dans sa version applicable à la présente affaire (ci-après la «loi n° 223/1991»), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 225, p. 16).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        Les considérants 2 et 3 de la directive 98/59 énoncent:

«(2)       considérant qu’il importe de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté;

(3)       considérant que, malgré une évolution convergente, des différences subsistent entre les dispositions en vigueur dans les États membres en ce qui concerne les modalités et la procédure des licenciements collectifs ainsi que les mesures susceptibles d’atténuer les conséquences de ces licenciements pour les travailleurs».

3        Figurant dans la section I, intitulée «Définitions et champ d’application», l’article 1er de cette directive prévoit:

«1.      Aux fins de l’application de la présente directive:

a)      on entend par ‘licenciements collectifs’: les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix effectué par les États membres:

i)      soit, pour une période de trente jours:

–         au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs,

[...]

ii)      soit, pour une période de quatre-vingt-dix jours, au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les établissements concernés;

b)      on entend par ‘représentants des travailleurs’: les représentants des travailleurs prévus par la législation ou la pratique des États membres.

[...]

2.      La présente directive ne s’applique pas:

a)      aux licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, sauf si ces licenciements interviennent avant le terme ou l’accomplissement de ces contrats;

b)      aux travailleurs des administrations publiques ou des établissements de droit public (ou, dans les États membres qui ne connaissent pas cette notion, des entités équivalentes);

c)       aux équipages de navires de mer.»

4        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/59 dispose:

«1.      Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord.

2.      Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés.

[...]»

5        L’article 5 de ladite directive prévoit:

«La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs ou de permettre ou de favoriser l’application de dispositions conventionnelles plus favorables aux travailleurs.»

 Le droit italien

6        L’article 2095 du code civil italien distingue quatre catégories de travailleurs, à savoir les dirigeants («dirigenti»), les cadres («quadri»), les employés («impiegati») et les ouvriers («operai»).

7        La directive 98/59 a été transposée par la loi n° 223/1991. La procédure de licenciements collectifs est prévue comme suit à l’article 4 de ladite loi, intitulé «Procédure de déclaration de mobilité»:

«1. Au cas où l’entreprise admise au régime extraordinaire de complément des salaires estime, au cours de la mise en œuvre des programmes visés à l’article 1er, ne pas être en mesure de garantir la réintégration de tous les travailleurs suspendus et ne pas pouvoir recourir à des mesures alternatives, elle a la faculté d’engager la procédure de licenciement collectif au titre du présent article.

2.      Les entreprises qui souhaitent exercer la faculté figurant au paragraphe 1 sont tenues d’en informer préalablement par écrit les représentants syndicaux de l’entreprise constitués au titre de l’article 19 de la loi n° 300, du 20 mai 1970, ainsi que les organisations professionnelles compétentes. [...]

3.      L’information visée au paragraphe 2 doit contenir l’indication des motifs qui provoquent la situation d’excédents, des motifs techniques, d’organisation ou de production, pour lesquels elle estime ne pas pouvoir adopter des mesures propres à remédier à la situation précitée et à éviter, en tout ou en partie, le licenciement collectif, du nombre, de la place dans l’entreprise et des profits professionnels du personnel excédentaire, ainsi que du personnel habituellement employé, des délais de mise en œuvre du programme de réduction des effectifs, des éventuelles mesures programmées pour faire face aux conséquences sur le plan social de la mise en œuvre du programme lui-même, de la méthode de calcul de tous les versements autres que ceux déjà prévus par la législation en vigueur et par la convention collective. [...]

[...]

5.      Dans un délai de sept jours à compter de la date de réception de l’information visée au paragraphe 2, à la demande des représentants syndicaux de l’entreprise et des associations correspondantes, il est procédé à un examen conjoint entre les parties, dans le but d’examiner les causes qui ont contribué à provoquer des sureffectifs et les possibilités d’utilisation autres de ce personnel, ou d’une partie de celui‑ci, dans le cadre de la même entreprise, et y compris par le biais de contrats de solidarité et de formes flexibles de gestion de travail. Au cas où il ne serait pas possible d’éviter la réduction des effectifs, la possibilité de recourir à des mesures sociales d’accompagnement visant, en particulier, à faciliter la requalification et la reconversion des travailleurs licenciés, est examinée. Des représentants syndicaux des travailleurs peuvent se faire assister, s’ils le jugent opportun, par des experts.

[...]

9.      Une fois parvenu à l’accord syndical [...], l’entreprise a la faculté de licencier les employés, les ouvriers et les cadres en sureffectif, en notifiant par écrit le licenciement à chacun d’entre eux, dans le respect des délais de préavis. [...]

[...]»

8        L’article 24 de la loi n° 223/1991, intitulé «Normes en matière de réduction du personnel», dispose à son paragraphe 1:

«Les dispositions visées à l’article 4, paragraphes 2 à 12 et 15 bis et à l’article 5, paragraphes 1 à 5, s’appliquent aux entreprises employant plus de 15 salariés et qui, à la suite d’une réduction ou d’une transformation d’activité ou de travail, souhaitent effectuer au moins 5 licenciements, dans un délai de 120 jours, dans chaque unité de production, ou dans plusieurs unités de production dans le cadre du territoire de la même province. Ces dispositions s’appliquent à tous les licenciements qui, au cours du même délai et dans le même champ géographique sont en toute hypothèse rattachés à la même réduction ou transformation.»

 La procédure précontentieuse

9        Par lettre du 29 mai 2008, la Commission a invité la République italienne à présenter ses observations au sujet de sa législation mettant en œuvre les procédures de protection des travailleurs en cas de licenciement collectif prévues par la directive 98/59. Selon la Commission, l’exclusion du champ d’application de la procédure de licenciement collectif prévue aux articles 4 et 24 de la loi n° 223/1991 d’une catégorie de travailleurs, désignée par le terme «dirigenti» par la législation italienne, n’est pas conforme à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 98/59.

10      Par lettre du 7 août 2008, la République italienne a soumis des observations à la Commission. N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a engagé la procédure prévue à l’article 226 CE. Par lettre du 26 juin 2009, elle a mis en demeure la République italienne de présenter des observations et, par lettre de mise en demeure complémentaire du 30 septembre 2011, a étendu la portée des griefs à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/59.

11      N’étant toujours pas convaincue par les réponses de la République italienne, la Commission a, le 22 juin 2012, émis un avis motivé invitant la République italienne à s’y conformer dans un délai de deux mois.

12      Par lettre du 3 août 2012, la République italienne a demandé la prolongation de ce délai. La Commission n’a pas fait droit à cette demande au motif que les conditions prévues en la matière n’étaient pas réunies. Par la suite, aucune autre communication n’étant parvenue à la Commission, celle-ci a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

13      La Commission reproche, en substance, à la République italienne d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/59 en ce que les articles 4 et 24 de la loi n° 223/1991 excluent une catégorie de travailleurs du champ d’application de la procédure de licenciement collectif prévue à l’article 2 de cette directive.

14      La Commission soutient que la directive 98/59, dont le champ d’application s’étend à tous les travailleurs sans exception, n’est pas correctement transposée par la législation italienne en cause, qui n’accorde le bénéfice des garanties qu’elle prévoit qu’aux ouvriers, aux employés et aux cadres, à l’exclusion des dirigeants. Elle considère que la réglementation et les conventions collectives italiennes spécifiques aux dirigeants ne comblent pas cette lacune.

15      La République italienne considère que les dispositions de la réglementation italienne en cause en l’espèce constituent des dispositions «plus favorables» au sens de l’article 5 de cette directive.

16      Il convient de rappeler que, en harmonisant les règles applicables aux licenciements collectifs, le législateur communautaire a entendu, tout à la fois, assurer une protection comparable des droits des travailleurs dans les différents États membres et rapprocher les charges qu’entraînent ces règles de protection pour les entreprises de la Communauté (voir arrêts du 8 juin 1994, Commission/Royaume-Uni, C-383/92, Rec. p. I‑2479, point 16, et du 12 octobre 2004, Commission/Portugal, C‑55/02, Rec. p. I‑9387, point 48). Dès lors, la notion de «travailleur» visée à l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/59 ne peut pas être définie par un renvoi aux législations des États membres, mais a une portée communautaire (voir, en ce sens, arrêt Commission/Portugal, précité, point 49).

17      À cet égard, ladite notion doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et des devoirs des personnes concernées. Dans ce contexte, la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération (voir, par analogie, arrêt du 11 novembre 2010, Danosa, C‑232/09, Rec. p. I‑11405, point 39 et jurisprudence citée).

18      En l’espèce, il n’est pas contesté, d’une part, que la catégorie des «dirigenti» comprend des personnes placées dans une relation de travail telle que celle décrite au point précédent et, d’autre part, que l’article 4, paragraphe 9, de la loi n° 223/1991 ne se réfère qu’aux ouvriers, aux employés et aux cadres, à l’exclusion des «dirigenti». Par conséquent, la législation italienne en cause peut être lue, ainsi que le soutient la Commission dans sa requête, comme n’imposant pas à l’employeur de suivre la procédure de licenciement collectif s’agissant de certains travailleurs.

19      Il ressort, en effet, des pièces du dossier soumis à la Cour qu’une telle lecture est retenue en Italie aussi bien par l’administration que par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), ce que la République italienne ne conteste pas.

20      Cette dernière fait toutefois valoir que la réglementation et les conventions collectives spécifiques aux dirigeants, qui leur garantissent une protection de nature économique en cas de licenciement, constituent des règles plus favorables aux travailleurs au sens de l’article 5 de la directive 98/59, ce dont il résulte qu’elle n’aurait pas manqué à ses obligations.

21      Il suffit, pour écarter cet argument, de rappeler que la directive 98/59 a pour objet de rapprocher les dispositions nationales relatives à la procédure à suivre lors de licenciements collectifs (arrêt du 10 décembre 2009, Rodríguez Mayor e.a., C‑323/08, Rec. p. I‑11621, point 51). À cette fin, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive prévoit l’obligation pour l’employeur de procéder en temps utile à des consultations avec les représentants des travailleurs lorsqu’il envisage d’effectuer des licenciements collectifs. Ces consultations doivent porter, notamment, sur la possibilité d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs envisagés (arrêt du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a., C‑44/08, Rec. p. I‑8163, points 39 et 47).

22      La directive 98/59 serait donc en partie privée d’effet utile en l’absence de mise en œuvre de la procédure de consultation à l’égard de certains travailleurs, quelles que soient, par ailleurs, les mesures sociales d’accompagnement qui seraient prévues en leur faveur pour atténuer les conséquences d’un licenciement collectif.

23      Il en va d’autant plus ainsi que la directive 98/59 n’ouvre pas, à l’exception des cas limitativement prévus à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci, ni expressément ni implicitement, de possibilité quelconque pour les États membres d’exclure telle ou telle autre catégorie de travailleurs de son champ d’application.

24      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de constater que, en excluant, par l’article 4, paragraphe 9, de la loi n° 223/1991, la catégorie des «dirigenti» du champ d’application de la procédure prévue à l’article 2 de la directive 98/59, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle‑ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      En excluant, par l’article 4, paragraphe 9, de la loi n° 223, relative aux normes en matière de chômage technique, à la mobilité, aux allocations de chômage, à la mise en œuvre de directives communautaires, au placement de main-d’œuvre et aux autres dispositions relatives au marché du travail (legge n. 223 – Norme in materia di cassa integrazione, mobilita’, trattamenti di disoccupazione, attuazione di direttive della Comunita’ europea, avviamento al lavoro ed altre disposizioni in materia di mercato del lavoro), du 23 juillet 1991, la catégorie des «dirigenti» du champ d’application de la procédure prévue à l’article 2 de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.

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