COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 8.10.2018
SWD(2018) 433 final
DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION
accompagnant le document:
Proposition de décision du Conseil
relative à la signature, au nom de l'Union, de l'accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc, de son protocole de mise en œuvre ainsi que d'un échange de lettres accompagnant ledit accord
{COM(2018) 677 final}
RAPPORT D'EVALUATION SUR LES BENEFICES POUR LA POPULATION DU SAHARA OCCIDENTAL DE L'ACCORD DE PÊCHE DURABLE ENTRE L'UNION EUROPEENNE ET LE ROYAUME DU MAROC ET SON PROTOCOLE DE MISE EN OEUVRE
ET SUR LA CONSULTATION DE CETTE POPULATION
Synthèse
1.
L'économie du Sahara occidental et le nécessaire soutien à l'instauration d'une pêche responsable
La pêche et la transformation des produits de la pêche représentent un atout économique substantiel à valoriser en vue du développement économique et social du territoire du Sahara occidental, lequel, bien qu'encourageant, demeure fragile.
Dans cette optique, les accords de pêche successifs signés entre l'Union européenne et le Maroc depuis 1988 ont eu pour finalité première une gestion durable et responsable des ressources halieutiques, soucieuse des intérêts des générations futures. L'Accord de Partenariat dans le domaine de la Pêche Durable (APPD) paraphé en juillet 2018 s'inscrit dans le prolongement direct des accords précédents, tout en renforçant le souci de gestion maîtrisée de la ressource ainsi que le principe directeur d'équité dans la répartition des bénéfices.
En veillant à pérenniser la ressource disponible, ces accords marquent la volonté de réserver l'avenir, sans hypothéquer aucune forme de développement ultérieure. Ce souci de préservation s'avère tout particulièrement pertinent dans le cas de territoires non-autonomes comme le Sahara occidental, dont le statut final reste à déterminer et pour lesquels il importe donc de prévenir toute exploitation non-durable des ressources actuellement disponibles.
Il découle de l'arrêt de la Cour dans l'affaire C-266/16
que l'accord actuel n'était pas juridiquement applicable au Sahara occidental. Il n'en reste pas moins que dans la pratique, des activités de pêche ont bien eu lieu au large du Sahara occidental et une partie substantielle de la contrepartie financière a été utilisée au bénéfice des populations de ce territoire. Par conséquent, les données recueillies dans le cadre de son application fournissent des renseignements importants sur les retombées possibles de l’APPD, dont le champ d'application quant à lui couvrirait les eaux adjacentes au Sahara occidental.
Ces retombées seraient même renforcées en raison des modifications introduites par rapport aux accords précédents. A ce titre, trois avancées sont particulièrement à noter, portant respectivement sur la substance de l’accord, le suivi de sa mise en œuvre et la portée de ce suivi.
En premier lieu, un cadre rénové et actualisé de gouvernance juridique, environnementale, économique et sociale, conforme aux dispositions établies par le règlement de base de la politique commune de la pêche (PCP) constitue en effet désormais la solution retenue par l’APPD pour assurer une exploitation durable des ressources évoluant dans les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental. En outre, s’agissant du bénéfice et des avantages socio-économiques pour les populations concernées, le nouvel accord établit un cadre et une procédure appropriés permettant aux parties de s'assurer, par un suivi régulier, d'une répartition de la contrepartie financière proportionnelle aux activités de pêche. Enfin, cette répartition proportionnelle entre captures et retombées couvrira désormais explicitement toutes les composantes de la contrepartie financière, les droits liés à l'accès, l'appui sectoriel, ainsi que les redevances payées par les armateurs.
2. Conclusions générales tirées des précédents accords de pêche et applicables à l'APPD
A la lumière des précédents accords et de leur évaluation régulière, il apparaît clairement que l'appui de l'Union européenne à la mise en œuvre d'une pêche responsable tel que prévu à l'APPD permet d'assurer l'utilisation durable des ressources de la pêche en harmonie avec l'environnement. De même, compte tenu de l'état des stocks et des efforts de pêche déployés, la mise en place de moyens de contrôle, de surveillance et de suivi garantissent une exploitation conforme aux objectifs de gestion poursuivis. En outre, les données recueillies dans le cadre de ce rapport ont également démontré qu’une partie importante de la contrepartie financière correspondant à l’appui sectoriel (pour lequel le suivi était prévu) bénéficie au développement économique et social de la région. Enfin, sur la base des analyses présentées par les autorités marocaines, il apparaît que l’ensemble de la contrepartie financière pour l’accès et des redevances payées par les armateurs (pour lequel à l’époque le suivi n’était pas prévu) contribue à assurer le développement de l’économie des pêches dans la région, bénéficiant ainsi aux populations concernées.
Dans ce contexte, l'impulsion donnée notamment à travers la stratégie Halieutis mise en œuvre par le Maroc depuis 2009 et financée partiellement par l’accord de pêche devrait être de nature à atténuer la logique de rente et de dépendance aux subventions du pouvoir central, favorisant ainsi un développement socio-économique plus endogène au Sahara occidental. Autre avantage général induit par l’APPD, une meilleure gouvernance économique introduite dans un secteur aussi prégnant que la pêche au Sahara occidental ne devrait pas manquer de diffuser ses effets au-delà du seul secteur concerné, contribuant ainsi par capillarité à une meilleure gouvernance dans l’économie du territoire.
A contrario, la non-conclusion d'un accord de pêche avec le Maroc priverait ce dernier d’un soutien financier essentiel à l’instauration d’une pêche durable, puisque l’accord permet de couvrir les dépenses publiques dans le secteur à hauteur d’environ 20%. Quantitativement significatif, cet apport l’est plus encore sur le plan qualitatif. En effet, de nombreux exemples comparables montrent le rôle essentiel joué par un accompagnement financier extérieur significatif pour améliorer la gouvernance et la pérennité des actions menées.
3. Résultats concrets attendus de l'APPD
L'APPD s'inspire de la logique de ses prédécesseurs, tout en s'employant à en optimiser les effets et à en affiner l'impact dans un souci d'équité et en proportion des bénéfices.
Il est prévu qu’en cas de non-conformité entre la programmation de l’appui sectoriel et les réalisations, y compris concernant la répartition géographique et sociale, les paiements puissent être révisés ou, le cas échéant, suspendus partiellement ou totalement.
L'analyse ex post et ex ante de l'accord de pêche actuel que l'Union a menée, complétée par les évaluations et projections établies par les autorités en charge de la politique des pêches au Maroc, permettent d'avancer les observations suivantes quant à l'impact prévisible de l'APPD paraphé en juillet 2018:
a)
Gouvernance des pêches
La contrepartie financière, dans ses trois composantes (accès, appui sectoriel et redevances armateurs), contribuera notamment à l’évaluation des ressources et à la définition de modalités et conditions d’accès à celles-ci pour l’ensemble des flottes autorisées à opérer dans la zone de pêche, y compris les eaux adjacentes au Sahara occidental. Une proportion importante de la contrepartie financière contribue à la réalisation d’objectifs communs des parties en vue d’instaurer une pêche durable et de lutter contre la pêche illégale, non régulée et non réglementée. C’est ainsi que l'accord de pêche prévoit de contribuer au financement :
- de l’amélioration des avis scientifiques par la poursuite de la coopération dans le domaine scientifique ;
- de la coopération administrative entre les Parties pour assurer l’efficacité des mesures de conservation et de gestion visant à garantir la durabilité de l’exploitation des stocks concernés;
- des dépenses liées au suivi, à la surveillance et au contrôle des activités de pêche tout en permettant une augmentation de la production de la matière première (débarquements accrus);
- des initiatives visant à promouvoir la coopération entre opérateurs économiques, y compris d’actions telles que la formation de marins, d’inspecteurs et autres professions de la mer.
b)
Pêche, débarquement et valorisation des produits de la pêche
L'embarquement des marins et les débarquements obligatoires de tout ou partie des captures effectuées par les navires de l’Union continueront d'avoir un impact positif sur le développement économique des zones concernées et des populations locales. La contrepartie financière versée par l’Union et les redevances payées par les armateurs alimentent de manière substantielle le programme Halieutis qui soutient notamment la création d’infrastructures à terre, des services sociaux de base, la création d’entreprises, la formation professionnelle, des projets de développement et de modernisation du secteur de la pêche, tout en s'assurant que ces projets bénéficient aux populations concernées de façon proportionnelle aux activités de pêche.
c)
Secteur de transformation des produits de la pêche
Comme le précise le rapport sur l’extension des préférences tarifaires aux produits originaires du Sahara occidental
, il existe au Sahara occidental une importante industrie de transformation des produits de la pêche. Les exportations de produits de la pêche du territoire se sont élevées en 2015 et 2016 à une somme moyenne de 150 millions d’euros environ. Le nombre d’emplois dépendant de ces exportations, directement ou indirectement, était d’environ 45.000.
Dans ce contexte, l'accord de pêche se fixe les objectifs suivants:
- une augmentation de la production de la matière première (débarquements accrus) ;
- une hausse des emplois liés notamment à la transformation ;
- un développement des infrastructures (6 nouvelles conserveries en construction sur les fonds de l’appui sectoriel, avec plusieurs milliers d’emplois à la clef) ;
- une amélioration de la qualité des produits ainsi que de leur valorisation;
- une augmentation des compétences professionnelles et du niveau de sécurité des gens de mer ainsi qu’une meilleure représentation et organisation des associations (halles de nouvelle génération ; formation des marins, inspecteurs et autres professions de la mer…)
4.
L’association des populations concernées
Afin de veiller à la bonne association des populations concernées par l’accord de pêche, un processus de consultation impliquant l’ensemble des parties intéressées, à savoir les institutions, les opérateurs privés et les ONG, a été mené, tant par les autorités marocaines que par la Commission européenne et le Service Européen d’Action Extérieure.
Conformément à leur ordre juridique interne, les autorités marocaines ont mené à bien un large exercice de consultation institutionnel embrassant l'ensemble des organes nationaux, régionaux et locaux intéressés afin de les sensibiliser et de recueillir leur assentiment et observations éventuels. Ce processus, basé sur les textes du nouvel accord et du nouveau protocole résultant des négociations, a permis de constater un large consensus d'opinions favorables à la conclusion d'un nouvel accord de pêche durable et au renouvellement du dernier protocole.
Enfin, le Front Polisario, qui compte parmi les interlocuteurs des Nations unies en tant que partie au processus de paix onusien concernant le Sahara occidental, ainsi que certaines associations de la société civile s’opposant à l’extension de l’APPD aux eaux adjacentes au Sahara occidental ont été invités à faire partie des consultations mais ont décliné l’invitation.
Parmi le monde associatif consulté et les opérateurs socio-économiques, une majorité claire des interlocuteurs qui se sont exprimés ont fait valoir l'impact positif en faveur de la population qui dépend de l'exploitation et la valorisation des ressources halieutiques évoluant dans les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental. L'effet de levier déterminant qu'aurait un tel accord a été particulièrement souligné. Selon ces mêmes acteurs, le maintien et la modernisation de l'accord de pêche seraient de nature à améliorer le climat des affaires, y compris inciter les investissements directs européens, confortant ainsi le développement durable du Sahara occidental. A contrario, le non renouvellement de l'accord et des bénéfices qu'il apporte serait facteur d'insécurité juridique concernant l'exploitation des ressources situées dans les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental et risquerait d'entraver le développement d'activités économiques locales au point de compromettre le développement du Sahara occidental.
Ces interlocuteurs se sont aussi exprimés sur la nécessité de la mise en place de mécanismes de répartition et de suivi de la contrepartie de l’APPD, notamment pour favoriser une redistribution équitable des bénéfices liés à l’exploitation et la valorisation des produits de la pêche.
Les organisations qui n’ont pas souhaité s’exprimer dans le cadre de la consultation s’opposent à l’extension de l’APPD aux eaux adjacentes au Sahara occidental, opposition principalement motivée par des considérations politiques plus larges dont la portée va au-delà de l’accord de pêche à proprement parler et qui sont liées à la question du statut final du Sahara occidental.
5.
Conclusion
Suivant le processus de consultation, il existe des indications suffisantes permettant de conclure que l'activité économique générée par l'accord de pêche entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc se réalise au bénéfice du développement économique de l'industrie des pêches et en faveur de l'emploi local et par conséquent, au bénéfice des populations locales.
En outre, des externalités positives liées à l’APPD ont pu être identifiées en matière d’investissements étrangers et de gouvernance économique, de nature à encourager un développement plus endogène du territoire. Enfin, par accompagnement de la stratégie nationale Halieutis, l’APPD apparaît comme le garant de la poursuite d’une stratégie responsable, cohérente et de long terme dans un secteur clé.
Cet impact positif est clairement mis en avant par les parties intéressées ayant pris part à la consultation. Il serait compromis si l'accord n'était pas renouvelé et adapté aux nouvelles conditions de la PCP.
Contents
1INTRODUCTION
1.1
Contexte
1.2
Champ de l’évaluation et questions méthodologiques
1.2.1
Champ de l’étude
1.2.2
Contraintes méthodologiques
1.3
Consultations des populations concernées
2IMPLICATIONS DE L’ACCORD DE PECHE SUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE AU SAHARA OCCIDENTAL
2.1
Importance du secteur des pêches dans l’économie du Sahara occidental
2.2
L’accord de pêche entre l’Union et le Maroc
2.3
Implications de l’accord de pêche et de l’APPD sur le développement durable au Sahara occidental
2.3.1
Les objectifs : exploitation et développement durables
2.3.2
Résultats
3CONSULTATIONS DES PERSONNES CONCERNEES PAR LA CONCLUSION DE L’ACCORD DE PARTENARIAT DANS LE DOMAINE DE LA PECHE DURABLE
3.1
Portée et objectif du processus de consultation
3.2
Consultations menées par les autorités marocaines
3.3
Consultations menées par la Commission et le SEAE au Sahara occidental et au Maroc
3.4
Consultations avec le Front Polisario et organisations sympathisantes
4CONCLUSION
1INTRODUCTION
1.1Contexte
Le Sahara occidental est un territoire du nord-ouest de l’Afrique, limitrophe du Maroc, de l’Algérie et de la Mauritanie. Il était sous administration espagnole jusqu’en 1976. Le 14 décembre 1960, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté la résolution 1514 (XV) sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. En 1963, à la demande du Royaume du Maroc et à la suite d’une transmission de renseignements par le Royaume d’Espagne en application de l’article 73, point e), de la charte des Nations unies, l’ONU a inscrit le Sahara occidental sur sa liste des territoires non autonomes. Il y figure toujours.
Tant le Royaume du Maroc que le Front populaire pour la libération de la Sakia-el-Hamra et du Río de Oro (ci-après « Front Polisario ») le revendiquent et l’ONU œuvre depuis longtemps en vue d’une résolution pacifique de ce différend. L’Union européenne et ses États membres s’abstiennent de toute intervention et de prise de parti dans ce différend et, le cas échéant, accepteront toute solution décidée conformément au droit international, sous l’égide de l’ONU. Ils soutiennent les efforts déployés par le Secrétaire général de l’ONU en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental.
Depuis que l’Espagne a mis fin à sa présence et le retrait de la Mauritanie, le Royaume du Maroc a, de fait, administré seul la partie du Sahara occidental sous son contrôle. Le Royaume du Maroc considère que le Sahara occidental fait partie de son territoire. L'Union européenne considère que le Maroc exerce une puissance administrative de fait sur ce territoire non-autonome. Dans la suite de ce rapport l’expression « Sahara occidental » fait référence à la partie du territoire administrée de fait par les autorités marocaines.
Depuis 1988, des accords de pêche entre l’Union européenne et le Maroc ont été mis en œuvre, et interprétés et appliqués comme couvrant notamment les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental. L’accord actuel, intitulé « Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc », est en vigueur depuis le 28 février 2007, son dernier protocole de mise en œuvre étant arrivé à échéance le 14 juillet 2018. Toutefois, le 27 février de la même année, la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé, dans l’affaire C-266/16
, que ni cet accord de partenariat ni son protocole ne sont applicables aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental, suivant le même raisonnement qui l’avait amené à préciser dans son arrêt C-104/16 P
du 21 décembre 2016, que l’accord d’association entre l’Union européenne et le Maroc et l’accord de libéralisation le modifiant ne s’appliquaient pas au Sahara occidental
.
Vu les jugements de la Cour de Justice européenne en matière d’accords bilatéraux entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc il est nécessaire de préciser la couverture géographique de l’accord de pêche, pour que les activités de pêche de la flotte de l’Union puissent se poursuivre dans les eaux adjacentes au Sahara occidental. Afin que ce territoire puisse continuer à bénéficier des aides et redevances il y lieu également d’y introduire des améliorations afin d'optimiser les retombées et les bénéfices pour les populations locales des zones concernées, dans le respect des principes de gestion durable des ressources halieutiques et d'équité.
A cette fin, le 16 avril 2018, le Conseil a autorisé la Commission européenne à négocier, au nom de l’Union, une modification de l’accord et le renouvellement du protocole de mise en œuvre. Le nouvel accord, désormais intitulé « Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD), doit, en outre, prendre en compte les évolutions en matière de gestion des pêches adoptées par l’Union européenne lors de la dernière réforme de sa Politique commune de la Pêche, intervenue depuis la conclusion de l’accord de 2007 et qui consacre les principes de bonne gouvernance, respect des droits de l’homme, durabilité et base scientifique de l’exploitation, transparence des activités et non-discrimination entre différents acteurs.
Le Conseil a cependant assorti son autorisation de deux conditions: d'une part, avant la signature du nouvel accord, la Commission européenne aura évalué les répercussions potentielles de celui-ci sur le développement durable du Sahara occidental, en mettant notamment en exergue les avantages pour les populations locales et l'impact de l'exploitation des ressources naturelles sur les territoires concernés; d'autre part, les populations concernées par l'accord auront été associées de manière appropriée.
Le présent rapport a pour objectif de répondre à ces demandes du Conseil. Il a été rédigé sur la base :
·des rapports d’évaluation rétrospective et prospective des protocoles à l’Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, en particulier celui relatif au protocole 2014 – 2018 (évaluateur indépendant)
;
·des rapports annuels de mise en œuvre de l’appui sectoriel dans le cadre des protocoles à l’Accord de partenariat dans le secteur de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, présentés et discutés en commission mixte, et du projet de rapport final sur la mise en œuvre de l’appui sectoriel du protocole 2014 – 2018 (Ministère de la Pêche) ;
·des rapports et statistiques marocains sur la pêche maritime et le secteur de transformation des produits de la pêche ;
·des informations échangées entre l'Union européenne et le Maroc ;
·des consultations effectuées avec un large éventail de représentants des milieux socio-économiques et politiques de la population du Sahara occidental, notamment par le biais d’entretiens avec des organisations représentant la société civile, des parlementaires et agents publics du Sahara occidental et des opérateurs économiques ;
·des observations formulées par le Front Polisario dans le cadre de ses recours et par Western Sahara Campaign dans le contentieux national qui a donné lieu à l’affaire C-266/16, six organisations ayant refusé de prendre part au processus de consultation ;
·des rapports annuels du Secrétaire général des Nations unies sur la situation concernant le Sahara occidental et du site internet de la Mission des Nations unies pour l'organisation d’un référendum au Sahara occidental
;
·d’informations disponibles dans le domaine public.
1.2Champ de l’évaluation et questions méthodologiques
1.2.1Champ de l’étude
L’objet de la présente évaluation est de déterminer les répercussions potentielles de l'accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’UE et le Maroc (APPD) sur le développement durable du Sahara occidental, notamment en ce qui concerne les avantages pour les populations concernées et l'exploitation des ressources naturelles des territoires concernés - en l’occurrence, les ressources halieutiques - tel que demandé par le Conseil de l’Union européenne.
Ces bénéfices socio-économiques attendus découlent d’abord du volet pêche de l’accord, qui est financé par la compensation financière de l’Union européenne pour l’accès à la zone de pêche et par les redevances payées par les armateurs. L’activité de pêche exercée dans le cadre de l’accord requiert l’embarquement de marins locaux à bord des navires de l’UE et implique le débarquement d’une partie des captures dans les ports du territoire du Sahara occidental, ainsi que diverses activités portuaires, le paiement de taxes, etc. A cela s’ajoutent les activités de transformation et d’exportation des produits débarqués, qui impliquent une importante création de main d’œuvre.
En outre, d’importants bénéfices socio-économiques sont susceptible de découler de l’ensemble des projets réalisés dans le cadre du volet « appui sectoriel » de l’APPD, volet qui a pour but précisément de développer le secteur halieutique du partenaire, et ce sur l’ensemble des territoires concernés. Les projets peuvent inclure la construction d’infrastructures, la formation, la recherche scientifique, des actions générant de l’emploi, l’amélioration du contrôle de la pêche et des conditions de travail des gens de mer, la commercialisation et la transformation, etc.
C’est sous ces 2 volets que les implications potentielles de l’accord de pêche sur le développement durable vont être examinées dans le présent rapport.
1.2.2Contraintes méthodologiques
Les contraintes méthodologiques sont de différentes natures et tiennent:
·à la nature et la qualité des informations disponibles,
·à la définition même du champ de l’évaluation,
·à la difficulté pour l’Union en tant que partie tierce d’évaluer l’impact de l’accord et notamment ses bénéfices pour les populations concernées.
Les informations disponibles
Les données disponibles concernent principalement l’accord actuel, dont l’abrogation et le remplacement par l’APPD font l’objet de textes législatifs proposés par la Commission. En effet, il découle de l'arrêt de la Cour dans l'affaire C-266/16 que l'accord actuel n'était pas juridiquement applicable au Sahara occidental. Il n'en reste pas moins que dans la pratique, des activités de pêche ont bien eu lieu au large du Sahara occidental et une partie substantielle de la contrepartie financière a été utilisée au bénéfice des populations de ce territoire, et par conséquent les données recueillies dans le cadre de son application fournissent des renseignements importants sur les effets potentiels de l'APPD paraphé. N’ont été retenues que les informations relatives au dernier (2014 – 2018) protocole de mise en œuvre de celui-ci, arrivé à échéance le 14 juillet 2018, bien que les protocoles précédents soient, eux aussi, susceptibles d’avoir contribué à l’exploitation durable des ressources naturelles et au développement durable des populations concernées.
C’est donc par extrapolation à partir des observations et conclusions obtenues pour la période 2014 - 2018 que les implications potentielles du nouvel accord seront évaluées. L’APPD reprend en effet les principales dispositions de l’accord échu.
En outre, les dispositions visant à assurer que les impacts de l’APPD bénéficient bien aux populations concernées ont été renforcées, les montants de la compensation financière pour l’accès et des redevances devant désormais, au même titre que l’appui sectoriel, faire l’objet d’une répartition géographique et sociale permettant d’accroître encore les bénéfices pour les populations concernées. On peut donc présumer que les effets positifs obtenus le cas échéant dans le passé seront non seulement maintenus, mais renforcés.
Etant donné que le territoire du Sahara occidental ne coïncide pas exactement avec le découpage administratif du territoire des « Provinces du Sud » par les autorités marocaines (régions de Laayoune-Sakia el Hamra, de Dakhla - Oued ed Dahab et de Guelmim-Oued Noun, cette dernière n’étant que très partiellement située sur le territoire du Sahara occidental), les informations fournies par les institutions marocaines (dont le Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts) relatives à ce territoire ne sont pas toujours homogènes. Toutefois, cette faiblesse est à relativiser étant donné que l’activité et les réalisations découlant de l’accord dont il est question dans le présent rapport se concentrent dans les régions de Laayoune-Sakia el Hamra et de Dakhla-Oued ed Dahab.
Bien que le rapport utilise parfois, pour simplifier, des références à des « régions » selon la terminologie du Royaume du Maroc, cela se fait uniquement aux fins de présentation de l'information, et n'implique nullement une reconnaissance de la légalité ou légitimité d'un tel découpage administratif.
La définition du champ de l’évaluation.
L’expression « populations concernées » est sujette à interprétations différentes voire divergentes. Elle peut renvoyer aux populations habitant le territoire ; c’est l’interprétation marocaine, qui ne fait pas de distinction entre les habitants sur une base ethnique/communautaire. Elle peut aussi renvoyer à des habitants déterminés, notamment sur une base ethnique/communautaire (Sahraouis) ; dans ce cas, les populations concernées peuvent être au moins en partie des personnes habitant en dehors du Sahara occidental (réfugiés). C’est l’interprétation retenue en particulier par le Front Polisario. Si on retient une définition ethnique/communautaire de la population concernée, il convient de rappeler trois faits : (1) la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) a œuvré pendant 13 ans, entre 1991 et 2004, pour définir les personnes pouvant participer à l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, sans parvenir à un résultat conclusif ; (2) les populations se définissant comme sahraouies sont établies sur un espace beaucoup plus vaste que le Sahara occidental, qui inclut notamment le sud du Maroc, la Mauritanie, une partie de l'Algérie, ainsi que des groupes significatifs en Europe et en Amérique du Nord, etc. ; (3) ces populations sahraouies, traditionnellement nomades, ont des liens familiaux qui dépassent les frontières de la région. Cela montre les difficultés auxquelles doivent faire face les services de la Commission européenne, n’ayant aucun moyen précis et fiable pour déterminer qui appartient à la « population concernée ».
Même si le présent rapport a été établi de la manière la plus objective possible, l’exercice a ses limites naturelles : d’une part, les positions des parties au différend sur le Sahara occidental et son statut sont radicalement divergentes et d’autre part, il n’existe pas d’analyse indépendante mandatée par les Nations Unies des bénéfices des accords internationaux sur le Sahara occidental. Par ailleurs, l'Union européenne n'a pas de compétence ni de moyens directs d'enquête sur le territoire du Sahara occidental.
Ainsi, pour répondre à la demande du Conseil, les services de la Commission européenne ont donc croisé l'ensemble des données à leur disposition. Bien qu'incomplètes, ces informations permettent cependant d’obtenir une approximation de l’impact de la conclusion d’un APPD ou, dit autrement, d’apprécier l’impact de la non-conclusion d’un tel accord pour l’économie du territoire, le développement durable et les populations concernées.
A noter qu’il résulte de l’examen de l’activité économique du Sahara occidental, réalisé par les services de la Commission et présenté dans le « Rapport sur les bénéfices pour la population du Sahara occidental, et sur la consultation de cette population, de l’extension des préférences tarifaires aux produits originaires du Sahara occidental »
que le secteur de la pêche est, avec l’agriculture, un des deux secteurs contribuant de manière significative aux exportations vers l’Union.
1.3Consultations des populations concernées
L'une des directives de négociation du nouvel accord de pêche chargeait la Commission de veiller à ce que, avant la signature et la conclusion de l’APPD et dans le respect des arrêts de la Cour de Justice, "les populations concernées par ce dernier aient été associées de manière appropriée". En l'absence de toute alternative concevable permettant de consulter directement la population du Sahara occidental, les services de la Commission européenne et le SEAE ont tenu des consultations avec un large éventail d'organisations représentatives de la société civile sahraouie, des parlementaires, des opérateurs économiques et des organisations et ce, aussi bien à Dakhla (territoire du Sahara occidental) qu’à Rabat. Ces consultations se sont déroulées du 31 juillet au 3 août 2018.
Les consultations se sont concentrées sur l'objectif principal d'échanger positions et commentaires sur l'intérêt que pourrait revêtir pour les populations du Sahara occidental et l’économie du territoire la conclusion d’un accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union et le Maroc et d’un protocole de mise en œuvre.
Bien que le Front Polisario ait été invité par le SEAE et la Commission pour tenir des consultations à Bruxelles, aucune réponse positive n'a été reçue. Le SEAE a néanmoins transmis sa disponibilité à avoir un échange avec le Front Polisario à une date ultérieure. De la même manière, des organisations de la société civile qui se sont exprimées contre l'extension de l'APPD aux eaux adjacentes au Sahara occidental ont été invitées à Bruxelles, mais aucune n’a accepté l’invitation.
Par ailleurs, les autorités du Maroc ont procédé à leurs propres consultations des instances nationales, régionales et professionnelles concernées par l’APPD.
Le déroulement et les résultats de ces deux processus de consultations sont décrits au chapitre 3 du présent rapport.
2IMPLICATIONS DE L’ACCORD DE PECHE SUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE AU SAHARA OCCIDENTAL
2.1Importance du secteur des pêches dans l’économie du Sahara occidental
Le Sahara occidental est caractérisée par une économie de marché de taille réduite dont l’activité s’articule principalement autour de la pêche et la transformation des produits de la pêche, les mines de phosphate et l’agriculture. Le gouvernement central marocain a actuellement un poids prépondérant dans la politique de développement de l’économie du Sahara occidental et joue un rôle important en matière d’emploi, de développement des infrastructures et de redistribution sociale sur le territoire. Les investissements étrangers sont demeurés assez peu significatifs eu égard à leur potentiel.
Le secteur de la pêche et de la transformation des produits de la mer est le premier secteur pourvoyeur d’emplois dans le territoire mais aussi le premier secteur à l’exportation
. Pourtant, l’activité de pêche demeure concentrée sur l’amont en raison de l’insuffisance des installations de transformation permettant une meilleure valorisation des produits. Il figure donc parmi les secteurs à fort potentiel de croissance et d’emplois au Sahara occidental.
Le Maroc et le Sahara occidental comptent, sur le littoral Atlantique, 16 ports de pêche et environ 80 sites de débarquement pour la pêche artisanale. La flotte de pêche concernée, de près de 20100 unités, se décompose en 3 catégories : les navires de pêche hauturière (navires de plus de 150 TJB), côtière (entre 2 et 150 TJB) et artisanale (embarcations de moins de 2 TJB, non pontées). Au Sahara occidental, le secteur de la pêche est concentré à Laayoune, Boujdour et Dakhla. Plusieurs villages de pêcheurs (VDP) et points de débarquement aménagés (PDA) sont répartis le long de sa côte. La flotte hauturière au Sahara occidental représente 10% du total national (46 unités), la flotte côtière 3% (81 unités) et la flotte artisanale environ 36% (6100 unités).
La production nationale dépassait légèrement 1,3 millions de tonnes en 2015, pour une valeur proche du milliard d’euros. A lui seul, le port de Dakhla, spécialisé sur les petits pélagiques, concentre 85% des débarquements en volume. En ce qui concerne la pêche côtière et artisanale (900 000 tonnes débarquées sur la façade Atlantique en 2015, soit près de 95% des débarquements totaux en volume et 88% des débarquements totaux en valeur), les débarquements au Sahara occidental représentent 73% en volume et 66% en valeur du total des débarquements sur la côte Atlantique, Laayoune et Dakhla étant en 2015 les deux premiers ports de débarquement en volume de la pêche artisanale et côtière de l’ensemble du littoral atlantique et méditerranéen, avec respectivement 35% et 24% du total.
L'importance du secteur de la pêche est plus tangible dans la transformation des produits de la pêche en vue de leur exportation. Selon des informations transmises par le Maroc, il y a 141 entreprises de transformation de produits de la pêche dans les 3 villes précitées, qui emploient directement ou indirectement plusieurs dizaines de milliers de personnes et transforment les produits pour une valeur estimée à environ 450 millions d’euros, dont environ 240 millions d’euros seraient destinés à l’exportation (dont environ 60 % sont destinés à l’Union). En tonnage, les exportations de produits de la pêche du Sahara occidental s’élèvent à 44.891 tonnes pour 2015 et 54.637 tonnes pour 2016. Les exportations vers l’Union doivent provenir d’établissements « autorisés » de transformation/stockage. Environ 50 % de la production de ces établissements est destinée à l’Union. On peut donc en conclure qu’une partie significative de cet emploi, de l’ordre de 45.000 emplois, dépend directement ou indirectement des exportations vers l’Union européenne.
Le secteur de l’aquaculture marine (moins de 500 tonnes par an) est encore marginal au Maroc et au Sahara occidental, malgré la forte volonté politique de développement depuis la fin des années 2000. Le Sahara occidental dispose pourtant de sites particulièrement favorables pour la conchyliculture, comme la baie de Dakhla et la lagune de Knefiss. Malgré ces conditions favorables, l’aquaculture a des difficultés à décoller en termes de production. Suite notamment à la mise en opération en 2013 de l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA), il est probable que le secteur se développe fortement ces prochaines années. A titre d’exemple, l’appel à manifestation d’intérêt lancé par l’ANDA en 2015 pour l’installation d’unités aquacoles dans la zone de Dakhla a suscité la soumission de plus de 1300 dossiers d’investisseurs potentiels.
Un argument majeur des opposants à la couverture du Sahara occidental par l’accord de pêche est le fait que le Maroc exploiterait les ressources halieutiques évoluant dans ces eaux et multiplierait, par le biais notamment de l’appui sectoriel, les investissements structurants dans le territoire avec comme but politique l’annexion par la transformation de l’identité du territoire. Il aurait à cette fin mis en œuvre une pratique administrative et économique d’ensemble
. Dans ce sens, le Front Polisario qualifie l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental sous contrôle marocain de « spoliation économique dont le but est la modification de la structure de la société sahraouie »
.
Dans le même sens, en ce qui concerne la population, il est soutenu que le Maroc a poursuivi une politique d’installation de personnes provenant du Maroc au Sahara occidental au moyen de divers incitatifs. Ainsi, depuis 1975, des milliers de Marocains se seraient installés au Sahara occidental avec pour résultat que le peuple sahraoui serait devenu une minorité sur son territoire. L’inclusion ou non de cette population dans la notion de « peuple du Sahara occidental » ou « population locale » ne serait pas sans incidence sur un futur référendum sur le statut du Sahara occidental
.
Le premier argument ne concerne pas en fait l’objet du présent rapport : il porte sur un aspect de politique générale, mais pas directement sur la question de l’inclusion des eaux adjacentes au Sahara occidental dans la zone de pêche couverte par l’accord. Lors de la consultation d’opérateurs économiques du Sahara occidental en juillet-août 2018, plusieurs interlocuteurs ont fait valoir que la population avait un droit au développement et qu’il n’était pas raisonnable d’attendre une solution au différend dans le cadre onusien pour permettre un tel développement. Une telle approche reviendrait en effet à un gel de toute activité sur le territoire ou dans les eaux adjacentes à celui-ci et serait assimilable à une sanction contre les populations locales. Il est vrai que toute activité de pêche implique l'utilisation des ressources naturelles; toutefois, cela ne peut pas entraîner a priori l’interdiction de toute activité économique car sinon, c’est toute possibilité de développement économique qui serait prohibée.
En ce qui concerne le second argument, il est vrai que, en raison de l´impasse traversée par le processus de négociation, les populations du Maroc se sont mélangées avec la population originaire du Sahara occidental, ce qui naturellement modifie la structure de la population du territoire. Toutefois, cela ne permet pas de préjuger de la population qui pourrait effectivement être consultée lors d’un référendum sur le statut du territoire. Par ailleurs, s’il est incontestable qu’une partie non-négligeable de la population sahraouie vit en dehors du territoire du Sahara occidental, il est également incontestable qu’une partie importante de cette population vit sur ce territoire. Cette population a le droit de revendiquer sa participation au processus de développement économique.
2.2L’accord de pêche entre l’Union et le Maroc
Le partenariat dans le domaine de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, qui couvre une période de 30 ans, a été mis en œuvre par le biais d’une série d’accords bilatéraux, le premier datant de 1988. Ces instruments ont permis d’une part, à des armateurs de l’Union européenne d’exercer leur activité de pêche dans des eaux situées en dehors de l’Union moyennant le paiement d’une contrepartie appelée « compensation financière pour l’accès » et d’autre part, de contribuer financièrement au développement du secteur local de la pêche via « l’appui sectoriel ». Ces accords ont évolué en fonction des développements des relations entre les Parties, en fonction de l’évolution du Droit de la mer et en fonction des développements de la Politique commune de la pêche (PCP).
Depuis la dernière réforme de la PCP en 2014, les accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) constituent le cadre de gouvernance juridique, environnemental, économique et social pour les activités de pêche des navires de l’Union dans les eaux de pays tiers. Ils permettent d’accéder au surplus disponible dans les eaux du pays partenaire et consacrent l’engagement de l’Union à contribuer à l’instauration d’une pêche durable mais aussi à lutter contre la pêche illégale, non régulée et non réglementée (INN) et de développer plusieurs axes de coopération (économique et financière, scientifique, entre opérateurs et entre administrations) pour renforcer le dialogue entre les parties. Enfin, ils mettent l’accent sur la conservation des ressources et la durabilité environnementale, économique et sociale du secteur de la pêche et de l’aquaculture.
En ce qui concerne le Maroc et le Sahara occidental, les protocoles successifs de 2007 à 2018 de mise en œuvre de l’accord ont notamment permis d’appuyer la stratégie « Halieutis »
qui est articulée autour de 3 axes stratégiques : durabilité, performance et compétitivité du secteur de la pêche. Sur cette période, l’accord a pu ainsi contribuer à hauteur de 123,5 M€ au renforcement des capacités scientifiques et de contrôle, à la construction d’infrastructures portuaires, y compris la création et l’aménagement de quais de débarquement, de villages de pêcheurs et de halles au poisson. Des actions de formation et de sensibilisation des pêcheurs ont également été financées. Le dernier protocole de mise en œuvre de cet accord a expiré le 14 juillet 2018.
Le 24 juillet 2018, l’Union européenne et le Royaume du Maroc ont paraphé un nouvel accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) et un protocole de mise en œuvre, ce dernier d’une durée de 4 ans.
L’APPD établit les principes généraux du partenariat dans le domaine de la pêche, tels que la durabilité de l’exploitation des ressources, la transparence, le suivi et le contrôle des activités, la non-discrimination entre flottes opérant dans la zone de pêche et le respect des droits de l’homme et des valeurs démocratiques. Ce nouvel accord est donc désormais parfaitement en ligne avec les dispositions du règlement de base de la PCP et respecte les arrêts de la Cour, conformément au mandat du Conseil.
Quant au nouveau protocole, son annexe et ses appendices définissent quels sont les stocks pouvant être exploités, selon quelles modalités, et quel niveau d’effort ou de volume des captures sont autorisés, et ceci pour l’ensemble des 6 catégories de pêche. Sont également précisés, pour chacune des catégories, les obligations d’embarquement des marins locaux, les modalités du débarquement local obligatoire d’une partie des captures, le mode de transmission des données de capture, ainsi que les montants de la compensation financière pour cet accès à la ressource et ceux destinés à l’appui sectoriel.
A la différence des accords et protocoles antérieurs, l’APPD paraphé le 24 juillet 2018 prévoit notamment que les parties examinent la répartition géographique et sociale équitable des avantages socio-économiques découlant de l’ensemble de l’accord, notamment en termes d’infrastructures, de services sociaux de base, de création d’entreprises, de formation professionnelle, de projets de développement et de modernisation du secteur de la pêche, afin de s’assurer que celle-ci bénéficie aux populations concernées de façon proportionnelle aux activités de pêche. Cette obligation est reprise dans le protocole qui stipule que la compensation financière pour l’accès et les redevances font l’objet d’une répartition géographique et sociale équitable des avantages socio-économiques permettant de s'assurer que celle-ci bénéficie aux populations concernées, tandis que l'appui sectoriel contribue au développement et à la mise en œuvre de la politique sectorielle dans le cadre de la stratégie nationale de développement du secteur.
Il est également prévu qu’en cas de non-conformité entre la programmation ou la méthode de mise en œuvre de l’appui sectoriel et les réalisations, y compris concernant la répartition géographique et sociale, les paiements peuvent être révisés ou, le cas échéant, suspendus partiellement ou totalement.
2.3Implications de l’accord de pêche et de l’APPD sur le développement durable au Sahara occidental
2.3.1Les objectifs : exploitation et développement durables
L'accord de pêche et le protocole de mise en œuvre définissent les conditions d’accès des navires de pêche de l'Union à certaines zones de pêche en vue d'une exploitation durable des ressources de pêche qui s'y trouvent. En outre, ces instruments déterminent les moyens financiers et axes de coopération qui contribuent à l’instauration d’une pêche durable en partenariat avec un Etat côtier. Cette approche et les moyens mis en œuvre visent précisément à garantir un niveau d’exploitation des ressources halieutiques capable d’assurer le renouvellement de cette ressource, sans porter atteinte à ce qui sera disponible pour les générations futures, notamment au Sahara occidental, et ceci indépendamment du statut que pourrait avoir ce territoire à l'avenir.
Par le biais du volet appui sectoriel, d’un montant annuel de 14 M€ sur un total de 30 M€, le protocole 2014 - 2018 a contribué à la mise en œuvre de la politique sectorielle de la pêche menée par les autorités du Maroc. L’affectation et la gestion de ces fonds ont été réalisées par le Maroc, sur base d’objectifs et d’une programmation approuvée conjointement par la commission mixte instituée par l’accord et composée de représentants du Maroc et de l’Union, et d’une estimation de l’impact attendu des projets. Le Maroc a présenté des rapports réguliers sur la mise en œuvre des projets, incluant leurs retombées économiques et sociales attendues, notamment les effets sur l’emploi, les investissements, ainsi que leur distribution géographique.
Bien que non prévues au titre du protocole, le Maroc a également fourni des informations sur l’affectation des montants de l’accès à la ressource versés par l’UE et des redevances payées par les armateurs (voir paragraphe 2.3.2.3). Cela permet de donner des indications utiles permettant de démontrer que l’impact de l’APPD sur le Sahara occidental va au-delà du simple appui sectoriel et s’étend à l’ensemble des fonds versés.
A noter enfin que les protocoles antérieurs à 2014 ont également financé d’importants projets visant le développement durable et l’exploitation durable des ressources naturelles, tels que l’élimination complète des filets maillants dérivants dans les pêcheries au Maroc et dans les eaux adjacentes au Sahara occidental, le renforcement des moyens de recherche scientifique ainsi que de la gestion opérationnelle et commerciale des ports de pêche, des actions de formation, etc.
Au titre des principales nouveautés qui distinguent l’APPD de ses prédécesseurs on notera que désormais c’est non seulement l’appui sectoriel, mais l’entièreté de la contribution financière de l’Union (c'est-à-dire, la compensation financière pour l’accès et les montants de l’appui sectoriel) ainsi que des redevances payées par les armateurs dans le cadre de l’APPD qui fera désormais l’objet d’une répartition géographique et sociale visant à assurer le développement durable de l’ensemble des populations concernées.
Il peut être dès lors considéré avec raison que les résultats attendus en matière de développement durable des populations concernées et de gestion durable des ressources naturelles des territoires concernés du nouvel APPD seront au moins équivalents à ceux obtenus par le protocole échu. Ces résultats sont décrits ci-après.
2.3.2Résultats
2.3.2.1Bénéfices pour les populations concernées
2.3.2.1.1Activité de pêche et activités connexes
Embarquement de marins : le protocole 2014- 2018 prévoyait l’embarquement de marins locaux à bord des navires de l’UE pour chacune des 6 catégories de pêche. Dès les 3 premières années du protocole, près de 1 000 contrats de travail concernant l’embarquement de marins locaux sur des navires UE ont été conclus, principalement sur les chalutiers pélagiques industriels et les navires de pêche démersale, catégories opérant majoritairement dans les eaux adjacentes au Sahara occidental et dont les membres d’équipage locaux sont embarqués dans le port de Dakhla.
Tous les marins sont sélectionnés à partir de la liste des lauréats des écoles nationales de formation maritime. Pour la période 2011 - 2016, les lauréats étaient au nombre de 1470, dont 967 formés au Sahara occidental (Centre de Qualification Professionnelle Maritime de Dakhla et Institut de Technologie des Pêches Maritimes de Laayoune). Ces derniers ont été recrutés à bord notamment des navires de l'Union européenne qui pêchent dans le cadre de l'accord. L’embarquement de marins locaux a permis de créer environ 200 nouveaux postes tout en contribuant à élever leurs niveaux de compétences. Sur la période 2014 – 2016, près de 956 contrats d’embarquement ont été conclus entre les navires de l’Union et des marins locaux. Les principaux pourvoyeurs d’emploi étaient les navires de la catégorie 6, avec 585 contrats, et de la catégorie 4, avec 198 contrats. Ces catégories opèrent presqu’exclusivement dans les eaux adjacentes au Sahara occidental et embarquent une partie de leur équipage à Dakhla et Laayoune.
Il existe des allégations, formulées entre 2011 et 2013, selon lesquelles cette activité ne bénéficierait pas aux populations locales (voir différents rapports de Western Sahara Resource Watch
). Toutefois, il n'y a pas d'indices, ni d'informations dans le domaine public, confirmant ces pratiques ou indiquant qu'elles auraient continué après cette période. En tout état de cause, ces allégations ne constituent pas une preuve que des marins du Sahara occidental seraient effectivement exclus de l’emploi dans le secteur de la pêche.
Par ailleurs, au cours des entretiens menés en juillet et août 2018, les interlocuteurs ont régulièrement insisté sur le caractère bénéfique de l’accord de pêche pour l’emploi, tout en reconnaissant que traditionnellement, la population du Sahara occidental était plus encline à travailler dans l’élevage que dans la pêche.
Le nouvel APPD prévoit une augmentation du nombre de marins locaux par navire (de 2 à 3 pour les navires de pêche démersale ; de 8 à10 pour les chalutiers pélagiques à jauge entre 1500 et 5000 GT).
Il est également prévu que la Déclaration de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les principes et droits fondamentaux au travail soit pleinement applicable à tous les marins embarqués à bord des navires de l'Union, notamment en ce qui concerne la liberté d'association et la négociation collective des travailleurs, ainsi que l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.
Débarquement des captures : les opérations de transbordement et débarquement obligatoire d’une partie des captures des navires de l’Union dans les ports de Dakhla (45800 tonnes par an en moyenne, par les chalutiers pélagiques industriels) et Laayoune (1650 tonnes par an en moyenne, par les navires de pêche démersale), permettent l’emploi de main d’œuvre locale. Ces opérations génèrent en outre des services et prestations portuaires tels que pilotage, mouillage, amarrage, stationnement, manutention, (débarquement et stockage, gardiennage et surveillance, nettoyage des quais, consignation, etc. Bien que limité et difficilement quantifiable, l’impact socio-économique de ces activités est réel.
Par ailleurs, plusieurs de ces activités impliquent le paiement de taxes ou perceptions (droit d'entrée et de séjour, perceptions pilotage et amarrage, usage d'installations, frais d'agence, etc.) à différents organismes (Agence Nationale des Ports, Office National des Pêches, Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires, …) ce qui représente un apport supplémentaire bénéficiant au secteur des pêches au Sahara occidental, étant donné qu’une partie de ces taxes est redistribuée au niveau des mêmes régions telles que définies par le Maroc (Dakhla - Oued Eddahab et Laayoune-Sakia El Hamra).
En outre, l'impact économique peut être accru en cas de vente locale des produits. Ce fut le cas sous le protocole 2007 – 2011 pour les sardines et sardinelles capturées au frais par des navires de l’Union, vendues et mises en conserve dans une usine de transformation à Dakhla. Pour l’avenir, des opérateurs de l’UE ont déjà manifesté leur intention de débarquer, en vue de leur transformation à Dakhla, les captures de petits pélagiques qu’ils effectueront au moyen des navires à senne tournante, modalité de pêche nouvellement introduite dans l’APPD.
Secteur de transformation : le secteur de transformation des produits de la pêche au Sahara occidental a été décrit plus haut (voir 2.1.). L’activité de la flotte opérant sous l’accord de pêche contribue, en fonction du débarquement et de la vente de ses captures, dans une proportion significative à l’emploi direct ou indirect dans ce secteur au Sahara occidental. En ce qui concerne les établissements de transformation de produits de la pêche et de l’aquaculture autorisés à exporter vers l’Union, ils se trouvent dans les trois localités côtières suivantes: Dakhla, Laayoune et Boujdour. Selon des informations marocaines, le nombre d'emplois directs dans ces établissements, y compris un certain nombre de navire-usine, est de l’ordre de 10.000 unités (données 2015 et 2016).
2.3.2.1.2Retombées socio-économiques de l’appui sectoriel
L’appui sectoriel fourni par le biais de l’accord de pêche s’inscrit dans le cadre de la « Stratégie Halieutis » qui vise à renforcer, de manière durable, la contribution du secteur des pêches et de l’aquaculture au développement économique et social du Maroc. La stratégie a été adoptée en septembre 2009 et est mise en œuvre jusqu’en 2020. Halieutis est articulé autour de 3 axes stratégiques : durabilité, performance et compétitivité. Ces orientations stratégiques sont mises en œuvre à travers la promotion de 16 projets (11 projets structurants et 5 projets de nature transversale).
L’appui sectoriel fourni sous le protocole 2014 -2018, d’un montant annuel de 14 M€ (56 M€ sur la durée totale du protocole), a représenté en moyenne 20% du budget d’investissement cumulé des 4 principales entités concernées par la mise en œuvre de la stratégie. Cet appui s’est concrétisé par la réalisation de 36 projets (voir annexe 1), relevant des catégories suivantes :
Catégorie
|
Nombre
|
Montant financé par l’appui sectoriel (M€)
|
Infrastructures de commercialisation
|
7
|
9,9
|
Infrastructures de pêche
|
3
|
3
|
Autres infrastructures
|
5
|
12
|
Recherche
|
5
|
11
|
Aquaculture
|
3
|
4,3
|
Equipement de formation maritime
|
2
|
1,6
|
Matériel
|
9
|
11,8
|
Autres
|
2
|
2,4
|
Total 2014 - 2018
|
36
|
56
|
Les catégories non spécifiées dans le tableau incluent les actions liées au contrôle des activités liées à la pêche, le renforcement de la gestion opérationnelle et commerciale des ports de pêche, l’appui à la modernisation de la flotte côtière et artisanale via notamment l’amélioration des conditions de vie et de travail des marins locaux, les programmes de formation et de gestion des carrières, ainsi que l’appui aux associations socio-professionnelles.
Les entités bénéficiaires étaient, par ordre d’importance décroissant, l’Office National des Pêches (ONP), l’Institut National de Recherche Halieutique (INRH), le Département des Pêches Maritimes (DPM), l’Agence Nationale de Développement de l’Aquaculture, et d’autres entités.
Pertinence pour le Sahara occidental
La région administrative de Dakhla- Oued Eddahab est celle qui a reçu le plus de financement de l’appui sectoriel avec 47% des budgets prévus, soit 25,3 M€. La seconde région est celle de Laayoune-Sakia El Hamra avec 19% des budgets (10,6 M€). En effet, la majeure partie (approximativement 80%) des projets de l’appui sectoriel du protocole 2014 – 2018 se situe dans le territoire du Sahara occidental (notamment à Dakhla, Laayoune, Aftiessat, Lamhiriz, Amégriou, Boujdour, Labouirda et Baie de Cintra). Parmi les 15 projets d’infrastructure, 12 ont été réalisés en totalité ou partiellement au Sahara occidental. Les projets de recherche (campagnes de prospection et d’échantillonnage) ont concerné l’ensemble de la zone de pêche, c'est-à-dire y compris les eaux adjacentes au Sahara occidental. Les projets d’aquaculture sont également situés tous trois au Sahara occidental.
Critères et indicateurs socio-économiques
Le projet de rapport final sur la mise en œuvre de l’appui sectoriel du protocole 2014 – 2018 inclut pour chacun des projets, qu’il soit achevé ou toujours en cours d’exécution, des indications sur les retombées socio-économiques obtenues ou attendues de l’action. Les indicateurs utilisés sont, en fonction du type de projet : le nombre de bénéficiaires (pêcheurs, mareyeurs, étudiants, stagiaires et autres populations bénéficiaires), l’emploi créé (emplois directs et indirects), la hausse de la valorisation des produits commercialisés, l’augmentation de prélèvements en faveur de la région concernée, etc.
Impacts des projets
1)Projets d’infrastructures
a.Halles aux poissons de nouvelle génération
Conscient du rôle joué par les infrastructures de commercialisation dans la valorisation des produits de la pêche, l’Office National des Pêches (ONP) a mis en place un programme de construction de 10 halles de nouvelle génération pour un investissement total d’environ 500 MDH. Ces halles s’inscrivent dans le cadre de l’axe « Performance » de la stratégie Halieutis qui vise à assurer une qualité optimale des produits de la pêche et garantir ainsi une meilleure valorisation des captures, tout en assurant la transparence des transactions commerciales. 3 d’entre elles ont été construites sur le territoire du Sahara occidental :
La nouvelle halle de Dakhla, dont la construction a été motivée par l’augmentation continue des débarquements (actuellement, 196.000 tonnes par an) nécessitant une infrastructure de commercialisation adaptée, représente une amélioration significative en termes de normes sanitaires et traçabilité des produits. Le projet a eu un énorme impact en fortifiant la position de Dakhla comme plaque tournante régionale de l’industrie du poisson (le nombre de navires débarquant au port a augmenté de 70 à 120, certains en provenance d’autres régions). Il a permis de créer 55 emplois directs et de mieux valoriser les captures commercialisées, avec une hausse de 29% en 2017 par rapport à l’année de référence (2013). Il a également contribué à augmenter les recettes de la région, issues des prélèvements sur les produits de la vente, de 8,0 MDH en 2017 par rapport à l’année de référence.
D'autres projets de halles aux poisons à Amégriou, au nord de Laayoune, ainsi qu'à Lamhiriz, ont été menés permettant d'améliorer les infrastructures existantes et d'accroitre la valeur du poisson commercialisé. Ces projets ont entrainé la création de plusieurs dizaines de nouveaux emplois.
b.Autres projets d'infrastructure
Le Département de la Pêche Maritime a mené à bien plusieurs projets avec l'aide de l'appui sectoriel de l'accord de pêche. Ainsi, en 2015, la réalisation d’unités de transformation et de valorisation du poisson a été lancée au sein de la zone industrielle du port de Dakhla. Les six projets retenus représentent un investissement global estimé de 431 MDH dont 30,00 MDH (2,78 M€) proviennent des financements de l’appui sectoriel. Ces projets contribueront à la valorisation des captures débarquées à Dakhla ainsi qu’à la création de près de 4.000 emplois directs à terre et en mer. L’augmentation significative du volume d'activité généré par ces investissements accroîtra, par conséquent, à son tour le PIB régional.
Des projets permettant la création de villages de pêcheurs au Sahara occidental ont également été réalisés, avec la contribution de l’appui sectoriel, dans le cadre des efforts menés pour la promotion de la pêche artisanale. Ces infrastructures incluent non seulement une zone de pêche mais aussi des équipements socio-collectifs et de l'habitat pour les pêcheurs. Au total, ce sont environ 6000 marins pêcheurs qui devraient en bénéficier et dont les conditions de vie et de travail seront améliorées.
En outre, il convient de mentionner la construction, à Dakhla ainsi qu'à Laayoune, de Comptoirs d’Agréage du Poisson Industriel (CAPI) facilitant la première vente du poisson pélagique destiné aux industries de transformation. Ces projets assurent la transparence des transactions et la valorisation des produits de petits pélagiques débarqués et commercialisés, permettant ainsi d’accroitre les revenus des marins pêcheurs. L’appui sectoriel a permis l'achèvement de ces projets qui ont entrainé la création d'une cinquantaine d'emplois directs et l'augmentation des recettes de la région. Il existe également un projet encore en cours à Boujdour, cofinancé à hauteur de 1,9 M€ par l’appui sectoriel, qui consiste en l’implantation d’infrastructures et d'équipements dédiés à la pêche artisanale devant profiter directement à près de 700 marins pêcheurs.
L’acquisition à Dakhla et Laayoune de tunnels de lavage des contenants normalisés (caisses en plastique remplaçant le bois et les débarquements en vrac afin d’améliorer la qualité des captures et la compétitivité des opérateurs, programme à impact considérable financé à hauteur de 11,7 M€ par l’UE sous les protocoles précédents) permet le traitement de près de 120.000 caisses par jour. Enfin, la construction de murs de clôture et de locaux de stockage dans plusieurs ports de pêche, dont ceux de Laayoune et Boujdour, profite à l’ensemble des populations actives dans ces sites (marins pêcheurs, mareyeurs, manutentionnaires, …) dans la mesure où elle permet de contrôler les accès aux différentes enceintes et de sécuriser les différentes opérations de débarquement et de commercialisation des produits de la pêche.
En résumé, l’impact sur l’emploi, direct et indirect, des projets d’infrastructure financés sous le protocole 2014 – 2018 dans les régions de Dakhla et de Laayoune s’est traduit par la création de près de 200 emplois directs, auxquels s’ajoutent 4000 emplois attendus dans le développement de la zone industrielle de Dakhla, ainsi que 180 emplois attendus dans le secteur de l’aquaculture, et 20 observateurs scientifiques à recruter dans le cadre du projet d’installation d’un réseau d’observateurs de la pêche artisanale (voir paragraphe 2.3.2.2.2).
La population totale bénéficiaire des infrastructures et équipements réalisés dans le cadre des projets d’appui sectoriels au Sahara occidental est estimée à plus de 18000 personnes (hors emplois directs crées présentés ci-dessus).
2)Appui aux associations socio-professionnelles
Une enveloppe de 1,99 M€ a été réservée par l’appui sectoriel à l’appui des associations socioprofessionnelles. Neuf associations socioprofessionnelles sont soutenues financièrement depuis l’entrée en vigueur du protocole 2014- 2018:
-La confédération nationale de la pêche artisanale
-La confédération marocaine de la pêche côtière
-La confédération nationale de la pêche côtière
-La confédération Générale des Entreprises du Maroc
-La fédération des Chambres Maritimes
-La chambre des pêches maritimes de la Méditerranée
-La chambre des pêches maritimes de l’Atlantique Nord
-La chambre des pêches maritimes de l’Atlantique Centre
-La chambre des pêches maritimes de l’Atlantique Sud
Compte tenu de la portée nationale de certaines associations (confédération de la pêche artisanale, de la pêche côtière, nationale, CGEM, fédération des chambres maritimes), il est difficile de calculer de façon précise la part de l’enveloppe qui a été dédiée aux régions de Dakhla et de Laayoune. Toutefois, en raisonnant par prorata, il est estimé que les régions de Dakhla et de Laayoune ont profité de 25% de l’enveloppe totale dédiée à cette action. La chambre des pêches maritimes de l’Atlantique Sud, installée à Dakhla, couvre 1000 kms de territoire côtier comprenant 4 ports, 10 villages de pêcheurs artisanaux et 9 fermes d’aquaculture. Elle a bénéficié d’un appui sous le protocole précédent pour la réalisation d’une salle de conférences.
3)Formation et amélioration des conditions de travail des pêcheurs
L’Institut de Technologie des Pêches Maritime (ITPM) de Laayoune s’est vu doté de deux équipements qui ont sensiblement renforcé les compétences dans le secteur :
§L’acquisition d’un simulateur de pêche et de navigation (0,37 M€) permettant la formation de 120 étudiants par an. Il contribuera à la facilitation de l’insertion des jeunes diplômés dans la vie active ;
§L’acquisition d’un navire école (1,28 M€) qui permettra d’assurer une formation professionnelle de qualité dans les métiers de la pêche. Il est attendu que ce navire bénéficie à la formation de près de 150 stagiaires et marins par an.
Par ailleurs, un projet financé en partie (0,05 M€) par l’appui sectoriel met à niveau 17 antennes de santé, par l’acquisition de matériel et d’équipements ainsi que la réalisation de travaux de rénovation. Cette mise à niveau contribuera à la préservation de la santé des marins pêcheurs, la prévention contre les maladies professionnelles et l’hygiène à bord des navires de pêche, en conformité avec la réglementation internationale en matière de sécurité du travail (OIT). Le projet a déjà assuré un meilleur suivi santé de 63802 marins pêcheurs, dont 22865 marins (36%) au Sahara occidental.
Aucune des retombées socio-économiques décrites ci-avant n’aurait pu bénéficier aux populations du territoire du Sahara occidental sans l’appui sectoriel provenant de l’accord de pêche entre l’Union et le Maroc. De même, la non-conclusion de l’APPD paraphé, comprenant d’importants moyens de financement du secteur (entre 17,9 et 20,5 M€ d’appui sectoriel par an), priverait ces populations de possibilités de développement précieuses, en l’absence d’alternatives viables.
2.3.2.2Utilisation des ressources naturelles et gouvernance
2.3.2.2.1Activité de pêche et activités connexes
Les accords de pêche et de manière plus prononcée encore les APPD constituent, en tant qu’instruments mettant en œuvre les principes de la Politique commune de la pêche et son volet externe, un cadre de gouvernance offrant des garanties d’exploitation durable des ressources halieutiques et donc, de leur préservation. Ils offrent une sécurité juridique aux opérateurs et impliquent un engagement de la part des deux partenaires à œuvrer dans ce sens.
En ce qui concerne la durabilité de l'exploitation des stocks auxquels un accès est donné aux navires de l'Union dans la zone de pêche couverte par l'accord, le Maroc, qui exerce de facto l’administration des eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental et la gestion de ses ressources, dispose du cadre juridique nécessaire, des capacités scientifiques appropriées ainsi que des moyens de contrôle pour assurer celle-ci. De fait, le Royaume du Maroc est la seule entité avec laquelle un accord dans le domaine de la pêche durable couvrant les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental puisse être conclu, compte tenu du fait qu'aucune autre entité, en ce compris le Polisario, ne pourrait garantir le caractère durable de l'exploitation de ces ressources. En outre, la conclusion d’un tel accord permet d’assurer le contrôle et le suivi pour éviter la surexploitation et dégradation des stocks.
Ainsi, le Maroc a mis en place un cadre législatif et réglementaire, basé sur l'adoption de plans de gestion, tant pour ce qui concerne les ressources démersales (poulpe, merlus) que pour ce qui concerne les ressources en petits pélagiques. Pour ce qui est des grands migrateurs (thonidés, espèces apparentées et associées), le Maroc est partie contractante de la Commission Internationale pour la Conservation des thonidés de l'Atlantique, qui est le principal cadre international de gestion pour ces ressources.
De même, sur le plan scientifique, le Maroc dispose sans conteste des capacités et de l'expertise nécessaires pour l'évaluation de ses stocks. Ainsi, l'Institut National de Recherche Halieutique (INRH) conduit chaque année des campagnes acoustiques d'évaluation d'abondance des petits pélagiques. D'autre part, dans le domaine du contrôle, le Maroc a développé une capacité de suivi en temps réel de la position des navires de pêche présent dans ses eaux. En faisant usage de ces données scientifiques et des résultats des contrôles, l'INRH a pu conclure ces dernières années que "l'état d'une majorité des grands et principaux stocks exploités au Maroc est globalement satisfaisant", tout en observant "une stabilisation de l'état du stock des céphalopodes et plus particulièrement du poulpe, une amélioration de celui des petits pélagiques comme la sardine, ainsi que celui de certains grands pélagiques comme le thon rouge qui connaît une augmentation très marquée de son abondance ces dernières années".
Le caractère durable de l’APPD récemment paraphé est garanti par son article 3 qui stipule que les navires de l'Union pêchent uniquement le reliquat du volume admissible des captures. Celui-ci est établi de façon claire et transparente sur la base des avis scientifiques disponibles et pertinents et des informations pertinentes échangées entre les parties concernant l'effort de pêche total exercé sur les stocks concernés dans la zone de pêche. En ce qui concerne les stocks chevauchants ou les stocks de poissons grands migrateurs, les parties prendront dûment en compte, pour la détermination des ressources accessibles, les évaluations scientifiques réalisées au niveau régional ainsi que les mesures de conservation et de gestion adoptées par les organisations régionales de gestion des pêches compétentes.
Par ailleurs, la clause d’exclusivité qui interdit l'octroi des licences dites "licences privées" directement aux opérateurs économiques constitue un élément qui renforce la gouvernance des activités de pêche dans la zone concernée et notamment, au large des eaux du Sahara occidental, en ce qu'il empêche l’émission et l’utilisation de licences qui ne donneraient pas les mêmes garanties que celles couvertes par l’accord et son protocole.
L’APPD est un instrument permettant un niveau approfondi de coopération avec un acteur important dans la gouvernance des océans à l’échelle locale (eaux marocaines proprement dites et eaux adjacentes au Sahara occidental), mais aussi à l’échelle sous régionale, voire au-delà, si l’on considère le niveau d’implication élevé du Maroc dans la coopération sud-sud.
Dans le cadre du protocole 2014 – 2018, une importante partie des captures a été effectuée dans les eaux adjacentes au Sahara occidental. Elles étaient constituées de petits pélagiques : chinchards, maquereaux, sardines et sardinelles, appartenant à ce qui est appelé le stock C. Or, les études scientifiques menées notamment par l'INRH ont démontré que le stock C était sous-exploité, le potentiel exploitable durable étant estimé entre 950 000 et 1 000 000 tonnes, tandis que le quota effectivement exploité par les navires marocains et étrangers (non compris ceux de l'Union) était de 577 970 tonnes (données pour 2013, illustratives pour la période concernée). Comparé à ce niveau, le quota annuel de 80 000 tonnes attribué à l'Union ne constituait qu'une petite partie du surplus exploitable, dont il reste une part non utilisée. Ainsi, aussi bien le niveau total de l'exploitation que l'accès couvert par le protocole sont restés bien en deçà des limites maximales de l'exploitation durable. L’APPD quant à lui permettra la capture de petits pélagiques à hauteur de 85 000 à 100 000 tonnes par an, un niveau toujours en deçà du surplus exploitable.
2.3.2.2.2Impact de l’appui sectoriel sur la gestion des ressources
Comme indiqué plus avant, l’appui sectoriel de l’accord de pêche s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de développement du secteur Halieutis, une stratégie de développement ambitieuse, axée sur la préservation de la ressource halieutique et son exploitation durable, et sur la performance des infrastructures et la compétitivité des produits.
Outre les bénéfices socio-économiques qu’ils génèrent pour les populations, bon nombre des projets d’appui sectoriel ont un impact favorable sur l’environnement, en améliorant la préservation des ressources naturelles (halieutiques ou autres) et en favorisant leur exploitation durable. Au Sahara occidental, c’est le cas notamment des projets suivants :
-Les projets de campagnes de prospection en mer (5,4 M€), notamment des fonds rocheux, les projets d’inventorisation, évaluation et classement des ressources littorales (3,6 M€) et d’observation du milieu marin (0,5 M€, avec acquisition et installation d’une bouée dotée de capteurs océanographiques et météorologiques), ainsi que la mise en place d’un réseau d’observateurs scientifiques de la pêche artisanale s’inscrivent dans le cadre de l’axe « durabilité » de la stratégie Halieutis. En contribuant à la collecte de données scientifiques ils ont permis, de manière générale, d’améliorer les connaissances halieutiques sur les ressources et d’assurer un suivi régulier de leur évolution. Concrètement, ils ont mené à l’élaboration et, in fine, l’adoption de deux plans d’aménagement de pêcheries importantes, l’un relatif au merlu, l’autre concernant les petits pélagiques. Ces 2 pêcheries sont pratiquées en particulier dans la région de Boujdour. Les projets de recherche (y compris dans le domaine de l’aquaculture, voir ci-après) sont mis en œuvre par le centre régional de l’INRH à Dakhla, qui opère sur une zone littorale de 600 km et travaille en étroite collaboration avec des opérateurs privés. Son personnel, parmi lequel de nombreuses femmes occupant des postes à responsabilité, est motivé et compétent ;
-Le projet d’harmonisation des systèmes d’exploitation, qui vise à mettre les capacités de pêche nationales en adéquation avec les potentialités des ressources halieutiques dans le cadre des plans d’aménagement mis en place par le Département des Pêches, et le projet de renforcement du contrôle des débarquements au port de Dakhla (3,7 M€) participent également au renforcement de la gestion durable de la ressource halieutique, en particulier celle des petits pélagiques qui est menée suivant un système de quotas par navire. Ce dernier projet consiste à doter le port d’infrastructures et d’équipements à même de permettre un suivi plus pointu des captures ;
-De même, le projet d’acquisition de véhicules par 18 délégations des pêches maritimes dont Boujdour, Laayoune et Dakhla a permis une plus grande efficacité des missions de contrôle et surveillance effectuées dans le cadre de la lutte contre la pêche INN, avec pour corollaire, un impact bénéfique sur la ressource, tandis que l’acquisition de matériel de manutention aux ports de Dakhla, Boujdour et Laayoune (0,3 M€) permet de réduire le volume débarqué en vrac (qui entraîne d’importantes pertes et une mauvaise qualité du produit) et de contribuer à la préservation de la ressource halieutique. Ceci est également le cas pour les projets d’introduction, de stockage et de lavage des contenants normalisés décrits plus haut ;
-L’impact sur le développement durable des projets d’alimentation des Points de débarquement aménagés (PDA) de Lamhiriz et d’Aftiessat en énergie solaire consiste notamment en la fourniture d’électricité gratuite pour l’ensemble des infrastructures et équipements de ces 2 villages de pêcheurs durant toute la journée. De même, ces équipements ont contribué à réduire la facture énergétique de chacun des sites de près de 0,1 MDH par an ;
-Enfin, les projets dans le secteur de l’aquaculture, alternative à l’exploitation des ressources sauvages, contribuent eux aussi à une gestion durable des ressources halieutiques. La construction d’une ferme expérimentale et d’un laboratoire aquacole à Dakhla (2,3 M€) contribuera à l’essor de ce secteur en appuyant les opérateurs dans le volet technologique et en fournissant des naissains et des alevins aux investisseurs. Le point de débarquement pour produits conchylicoles dans la baie de Cintra (150 km au sud de Dakhla), localité enclavée mais propice à l’aquaculture, permettra la création d’environ 180 emplois.
L’appui sectoriel à fournir par le nouvel APPD continuera à s’inscrire, dans un premier temps, dans le cadre de la stratégie Halieutis qui a comme horizon temporel l’an 2020. Bien que les orientations futures de la politique de développement du secteur des pêches ne soient pas encore connues, il est probable que Halieutis sera poursuivi selon des axes similaires. Néanmoins, une évolution des priorités actuelles - parmi lesquelles figure au premier plan les infrastructures -vers d’autres domaines tels que l’aquaculture est d’ores et déjà prévisible. Enfin, quelle que soit la forme adoptée par la future stratégie, elle a vocation à être articulée avec, et complétée par la stratégie de développement de l’économie bleue appelée « Ceinture Bleue ». Cette dernière initiative a été lancée en 2016 lors de la COP22 et vise à transformer l’utilisateur des océans, qu’il soit pêcheur ou aquaculteur, en un utilisateur durable et respectueux de l’environnement à travers la revue des outils de production et des méthodes d’exploitation.
2.3.2.3Affectation de la compensation financière pour l’accès et des redevances armateurs
Au titre du protocole entré en vigueur en juillet 2014, les montants versés par l’Union européenne pour l’accès et les redevances payées par les armateurs s’élevaient respectivement à 64 millions d’euros (16 M€ par an) et 34,4 millions d’euros (en moyenne, 8,6 M€ par an), soit un total de 98,4 M€. Selon des estimations du Ministère de la Pêche, qui a pu retracer l’utilisation de ces fonds versés directement au Trésor National, les montants ont été affectés à 25 projets, dont 14 mis en œuvre sur le territoire du Sahara occidental, pour une valeur totale de 75,4 M€ (soit, 76,6%). Il s’agissait de programmes de restructuration de quartiers et de relogement de ménages, de projets de construction de divers instituts de formation et d’un programme d’équipement de barques artisanales en caissons isothermiques. En termes d’impact, ces projets ont bénéficié, selon des informations transmises par les autorités marocaines, à une population estimée à 11639 ménages et à 1800 étudiants formés par an, tandis que 6003 barques ont été équipées de caissons. Ces projets ont donc, eux aussi, contribué à la gestion durable des ressources et représenté un bénéfice socio-économique pour les populations du territoire.
2.3.2.4Conséquences de la conclusion de l’APPD sur la situation des droits de l’homme au Sahara occidental
Selon certaines organisations de la société civile et organisations non-gouvernementales, des manquements concernant la situation des droits socio-économiques ainsi que des droits civils et politiques seraient plus souvent invoqués au Sahara occidental qu’au Maroc
. Cet aspect est développé au paragraphe « droits de l’homme » de la section 3.3.
Toutefois, de manière générale, en ce qui concerne l'impact attendu de la conclusion d’un APPD sur la situation des droits de l'homme au Sahara occidental, il convient de raisonner par analogie avec l'effet de l'accord d'association UE-Maroc sur la situation des droits de l'homme au Maroc. Dans la mesure où l’APPD induit un développement de l’activité économique dans divers domaines liés à la pêche, il contribue à réaliser le droit au développement économique et social de la population du Sahara occidental. L'on constate un effet indirect positif, en ce qui concerne notamment les conditions de travail et la législation du travail.
Ce développement qu'induit la conclusion de l’APPD, en permettant notamment le débarquement, la transformation et l’exportation des captures effectuées par les navires de l’Union, en plus des projets sectoriels de formation et d’amélioration des compétences et des conditions de sécurité des gens de mer et d’appui aux associations professionnelles, ne devrait pouvoir que favoriser d’autres droits socio-économiques comme l'accès à l´emploi ou aux prestations sociales. A cet égard, le protocole 2014 – 2018 a créée l'obligation pour le Maroc de faire rapport sur les avantages économiques et sociaux (sur l'emploi, les investissements, et autres impacts quantifiables) et la répartition géographique de tous les projets d'appui sectoriel. Ce mécanisme permet de veiller à ce que le protocole serve les intérêts de toutes les populations locales, y compris celle du Sahara occidental.
Enfin il est important de noter que le protocole 2014-2018 comporte une clause relative au respect des droits de l’homme. De la même manière, le nouvel APPD prévoit que sa mise en œuvre se fasse dans le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux. En outre, les parties s'y engagent à ce que la Déclaration de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les principes et droits fondamentaux au travail soit pleinement applicable à tous les marins embarqués à bord des navires de l'Union, notamment en ce qui concerne la liberté d'association et la négociation collective des travailleurs, ainsi que l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.
3CONSULTATIONS DES PERSONNES CONCERNEES PAR LA CONCLUSION DE L’ACCORD DE PARTENARIAT DANS LE DOMAINE DE LA PECHE DURABLE
3.1Portée et objectif du processus de consultation
Les directives du Conseil de l'Union européenne à la Commission du 16 avril 2018 pour la négociation d'un nouvel Accord de partenariat de pêche durable (APPD) et du protocole correspondant précisent que la Commission devrait veiller à ce que les populations concernées par l'accord aient été associées de manière appropriée.
La Commission européenne et le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) ont mené une vaste consultation avec les populations concernées, et ceci le long de trois axes. Premièrement, la Commission s'est appuyée sur le gouvernement marocain qui, en tant que responsable de la négociation de l'APPD, a entrepris une consultation des institutions et des représentants régionaux élus en vertu de ses dispositions constitutionnelles. Deuxièmement, la Commission et le SEAE ont effectué une mission au Sahara occidental (Dakhla) et à Rabat afin de consulter le plus grand nombre possible d’acteurs représentant les populations concernées par l’Accord et d’évaluer les avantages de l’ancien Accord de partenariat de pêche (APP) UE-Maroc et du protocole y-afférant. Troisièmement, le SEAE a invité le Front Polisario, l’une des parties au processus de l’ONU concernant le Sahara occidental, à tenir des consultations sur l’APPD à deux reprises, invitations restées toutefois sans réponse positive à ce jour. Le SEAE a également invité les organisations de la société civile qui se sont exprimées ouvertement contre l'extension de l'APPD aux eaux adjacentes au Sahara occidental à se réunir à Bruxelles. Toutefois, ces organisations ont décliné les invitations pour des raisons politiques. L’objectif de cette approche tripartite était d’être aussi inclusif, substantiel et crédible que possible, dans un contexte politique et juridique extrêmement complexe.
Dès le départ il a été précisé que le processus de consultation ne visait pas à déterminer le statut politique et constitutionnel définitif du territoire du Sahara occidental, mais à vérifier si les populations concernées par l'accord étaient favorables à l'extension de l'APPD aux eaux adjacentes au Sahara occidental. Les consultations se sont déroulées sans préjudice de la position de l’UE vis-à-vis du Sahara occidental, qui consiste à soutenir les efforts des Nations unies en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le contexte d’arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies.
3.2Consultations menées par les autorités marocaines
Le premier volet de l'exercice a porté sur les consultations menées par les autorités marocaines, auxquelles ont participé des institutions nationales, régionales et professionnelles concernées par l'APPD. En particulier, le gouvernement marocain a consulté plusieurs Conseils régionaux –dont ceux de de Laayoune-Sakia El Hamra et de Dakhla-Oued Eddahab– et Chambres de Pêches Maritimes, ainsi que la Commission des Affaires Etrangères, des Frontières, de la Défense Nationale et des Territoires marocains occupés de la Chambre des Conseillers du parlement marocain.
Les Conseils régionaux sont les principaux organes de décision de chaque région et leurs membres sont élus au suffrage universel pour une période de six ans. En particulier, dans la région de Laayoune-Sakia El Hamra, le Conseil compte 39 membres, tous d'origine sahraouie et issus des tribus locales, selon les autorités marocaines. Le taux de participation aux élections régionales de septembre 2015 était de 57,66%, la moyenne nationale étant de 53,67%. Le Conseil de la région de Dakhla-Oued Eddahab est quant à lui composé de 33 membres, tous issus de tribus locales, selon les autorités marocaines. Le taux de participation aux élections régionales de septembre 2015 pour cette région était de 52,14%. Outre les Conseils régionaux de Laayoune-Sakia El Hamra et de Dakhla-Oued Eddahab, les autorités marocaines ont consulté ceux de Sous-Massa et de l'Oriental.
Lors des consultations, les Conseils ont exprimé leur appui au renouvellement de l'Accord de pêche entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc, ainsi que leur attachement au partenariat historique et multidimensionnel entre les deux parties. Il convient de noter que ce soutien a été exprimé à l'unanimité par les élus des Conseils régionaux de Laayoune-Sakia El Hamra et de Dakhla-Oued Eddahab. Les Conseils ont montré aussi leur satisfaction quant aux retombées économiques positives et aux impacts sociaux du nouvel APPD, notamment les clauses relatives à l'amélioration des bénéfices pour la population locale et aux mécanismes prévus pour le renforcement de la coopération et l'échange d'informations dans le cadre de ce nouvel accord.
Pour leur part, les Chambres de Pêches Maritimes sont des plateformes composées de membres élus par les opérateurs et les professionnels du secteur des pêches maritimes (côtière, hauturière, artisanale et littorale). Elles défendent les intérêts de leurs membres et assurent un rôle de coordination avec les autorités gouvernementales au niveau local, régional et national. Elles ont aussi des responsabilités en tant qu'intermédiaires entre les opérateurs marocains et leurs homologues étrangers. Les consultations du gouvernement marocain ont concerné les Chambres de Pêches Maritimes de l'Atlantique Sud (18 membres), de l'Atlantique Centre (35 membres) et de la Méditerranée (35 membres), qui ont exprimé leur appui au nouvel accord de pêche et mis l'accent sur l'amélioration des bénéfices socio-économiques au profit des professionnels et des régions concernées.
Finalement, le gouvernement marocain a consulté la Commission des Affaires Etrangères, des Frontières, de la Défense Nationale et des Territoires marocains occupés, qui s'insère dans la Chambre de Conseillers du Parlement marocain
. La Commission est composée de 16 membres, dont 8 sont issus des tribus locales du Sahara, selon les autorités marocaines, y compris son Président, Mohammed Errazma. Cette Commission a exprimé son soutien aux relations historiques et multidimensionnelles entre le Royaume du Maroc et l'Union européenne, y compris dans le secteur de la pêche maritime, et a assuré son soutien à la poursuite du partenariat de pêche en raison de sa cohérence avec les stratégies sectorielles nationales, notamment le "Plan Halieutis". Elle a salué aussi l'impact économique positif et les bénéfices sociaux importants du renouvellement de l'accord de pêche, tout en accueillant favorablement les mécanismes d'échange d'informations qui seront mis en place dans le nouveau cadre de l'APPD.
3.3Consultations menées par la Commission et le SEAE au Sahara occidental et au Maroc
La Commission et le SEAE ont effectué une mission au Sahara occidental (Dakhla) et à Rabat du 30 juillet au 3 août 2018, pour s'assurer que les populations concernées par l'inclusion des eaux adjacentes au Sahara occidental dans le nouvel APPD ont été associées de manière appropriée. A cet effet, de vastes consultations avec un large éventail d’acteurs socio-économiques et politiques de la population du Sahara occidental ont eu lieu
, y compris avec des élus régionaux et locaux à Laayoune et Dakhla, avec des membres d’organisations de la société civile indépendantes et locales –dont des ONG actives dans le domaine des droits de l'homme–, avec des opérateurs économiques et des associations professionnelles du secteur de la pêche au Sahara occidental et avec des antennes régionales d’institutions nationales marocaines.
Une grande majorité des interlocuteurs consultés s’est identifiée comme d'origine sahraouie. Cependant, les consultations ont révélé la difficulté de différencier les populations vivant au Sahara occidental selon des critères ethniques, qui se sont dans une certaine mesure estompés en raison de la culture nomade traditionnelle du peuple sahraoui et du mélange des populations autochtones et non autochtones.
Beaucoup d’interlocuteurs ont remis en question le point de vue selon lequel le Front Polisario serait le seul et unique représentant légitime du peuple sahraoui. Certains ont affirmé que près des deux tiers des Sahraouis vivent à présent dans le territoire situé à l’ouest de la berme
, principalement à Laayoune et à Dakhla, alors qu’il existe également des communautés sahraouies importantes dans certaines régions du Maroc, ainsi qu’en Algérie (notamment dans les camps de réfugiés de Tindouf) et en Mauritanie. Par contre, les interlocuteurs consultés ont souligné le rôle représentatif des élus issus des élections marocaines régionales et locales de septembre 2015 – 95% des élus aux régions de Laayoune et Dakhla d'origine sahraouie –, qui d'après les personnes consultées, ont été considérées comme démocratiques et équitables par les observateurs internationaux
.
Principaux résultats
Au cours des consultations, les interlocuteurs ont montré un très fort soutien à l'inclusion des eaux adjacentes au Sahara occidental dans l'APPD. Plusieurs observations ou réserves ont été signalées, mais toutes concernaient des aspects de mise en œuvre du partenariat, comme la nécessité d'augmenter le soutien de l’UE au secteur de la pêche et les avantages pour la population locale, plutôt que le partenariat lui-même. Aucune objection à l'APPD n'a été formulée pour des raisons politiques ou juridiques et aucun des interlocuteurs ne s'est opposé à l'inclusion des eaux adjacentes au Sahara occidental dans l'APPD.
L’opinion générale était que l'APPD n’est pas une question politique, mais de développement économique et social, qui doit donc demeurer séparée et indépendante du sujet du statut du Sahara occidental, à déterminer dans le cadre du processus et des paramètres fixés par l’ONU.
Plusieurs interlocuteurs, dont des ONG de défense des droits de l’homme, ont invoqué le droit au développement économique et social des personnes vivant au Sahara occidental, "inscrit dans le droit international", et exigé que la population soit "perçue en termes humains et non politiques". L'exclusion des eaux adjacentes au Sahara occidental du partenariat de pêche avec l'UE empêcherait effectivement la population vivant au Sahara occidental, quelle qu'en soit l'origine, de profiter d'une opportunité significative de développement international et de bénéficier de l'un des rares atouts économiques de la région.
La plupart des interlocuteurs ont estimé que l'APP et les protocoles précédents avaient eu un impact positif en termes de retombées sociales et économiques, tout en saluant leur alignement sur la stratégie nationale de pêche « Halieutis ». Ils ont mis en exergue des actions visant l'appui du secteur de la pêche (123,5 M€ de 2007 à 2018), comme la construction d'une nouvelle halle aux poissons dans le port de Dakhla, qui avait créé de l’emploi et avait augmenté la valeur des captures, ou la construction d'un laboratoire spécialisé en aquaculture, un secteur à fort potentiel dans la baie de Dakhla. Plusieurs interlocuteurs ont souligné les avantages directs supplémentaires en termes de contribution de l’APP à la durabilité régionale des pêcheries et aux emplois directs fournis aux marins locaux embarqués à bord des navires européens, insistant sur la nécessité d'une augmentation des embarquements de marins locaux afin de multiplier les possibilités économiques pour les populations locales.
Certains des acteurs consultés, principalement au niveau technique et institutionnel, ont également mentionné d'autres effets positifs indirects du partenariat, tels que la création de services ou d'industries associés –notamment dans le conditionnement–, l'amélioration de la gouvernance des biens publics, y compris par la lutte contre la pêche illégale, le développement d'une communauté de recherche naissante basée sur le Sahara occidental ou le déblocage du potentiel inexploité de «l'économie bleue» en tant que possibilité de développement pour le territoire. De nombreux interlocuteurs ont estimé que l’extension de l'APPD spécifiquement au territoire et aux eaux au large du Sahara occidental créerait la sécurité juridique nécessaire pour stimuler les investissements privés, principalement dans l’industrie de transformation du poisson, ce qui pourrait avoir un effet important sur la création d'emplois pour la population locale.
Dans la même ligne, lors des visites sur le terrain à Dakhla, les représentants du secteur industriel ont établi un lien direct entre l'amendement des Protocoles 1 et 4 de l'Accord d'association UE-Maroc, qui comprend des mesures de libéralisation en matière de poissons et de produits de la pêche, et l'extension du nouvel APPD aux eaux adjacentes au Sahara occidental.
De nombreux interlocuteurs ont souligné que le soutien apporté par l'UE est modeste par rapport à ce que le gouvernement marocain investit dans la région par le biais de plans régionaux très ambitieux. Ils ont préconisé un soutien élargi de l'UE aux villages de pêcheurs artisanaux
et à la construction d'industries de transformation du poisson sur terre. Certains d'entre eux ont également insisté sur la nécessité d'accroître les captures débarquées par les navires de l'Union dans la région, ce qui permettrait à l'industrie locale de se développer davantage et de créer des emplois pour la population locale, tout en amortissant l'impact sur l'emploi résultant de la croissante migration subsaharienne dans le territoire.
Plusieurs interlocuteurs ont noté que la pêche n’était pas une activité traditionnelle dans la société sahraouie, qui a toujours été plus encline aux activités économiques pastorales et tournée vers le désert. Par conséquent, ils ont fait valoir que le nouvel APPD devrait viser à rendre le secteur plus attrayant, en particulier pour les jeunes, notamment grâce au développement des compétences.
Droits de l'homme
Pendant les consultations, la situation des droits de l’homme au Sahara occidental a été considérée comme largement similaire à celle du Maroc, même s’il existe des circonstances particulières liées au différend politique concernant la liberté d’expression, la liberté d’association ou le droit de manifester. Il convient de noter sur ce point, par contre, que le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation concernant le Sahara occidental (S/2018/277)
, rendu public le 10 avril 2018, souligne que certains groupes sahraouis pour la défense des droits de l'homme continuent à subir des difficultés pour mener leurs activités à cause de différentes entraves administratives. De même, le rapport fait état d'allégations selon lesquelles certains Sahraouis continueraient à faire face à des discriminations dans l'exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels.
En revanche, selon les interlocuteurs consultés, dans le secteur de la pêche il n'existerait aucune preuve de discrimination fondée sur des motifs ethniques ou d'autres problèmes spécifiques dans le domaine des droits de l'homme.
Au cours des consultations, les ONG et les institutions de défense des droits de l’homme ont invariablement invoqué le droit au développement économique et social des populations vivant au Sahara occidental et se sont généralement félicitées de tout accord susceptible de contribuer au bien-être du territoire. Tout en appréciant le solide effort d’investissement du gouvernement marocain, certains interlocuteurs ont souligné que c’était précisément l’investissement international dans les ressources locales qui pourrait le mieux contribuer au développement durable du Sahara occidental et à sa résilience économique.
Plusieurs ONG ont exprimé des réserves similaires à celles déjà mentionnées, soulignant que le partenariat devrait maximiser la contribution au développement du Sahara occidental et les avantages pour la population locale. Certaines d'entre elles ont également demandé à être inclues dans un mécanisme de suivi qui supervise la mise en œuvre et assure les avantages pour la population locale. Il convient de noter qu'aucune ne s'est opposée à l'extension de l'APPD aux eaux adjacentes au Sahara occidental.
Les interlocuteurs se sont félicités du fait que le nouvel APPD comporte plusieurs clauses susceptibles d'avoir un impact positif sur les droits de l'homme, telles que l'obligation pour les parties de respecter la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail pour tous les marins embarqués sur des navires de l'UE. Cette déclaration comprend la liberté d'association et la négociation collective, ainsi que l'élimination de la discrimination, parmi d'autres.
3.4Consultations avec le Front Polisario et organisations sympathisantes
Selon la procédure suivie pour les consultations sur la modification des Protocoles 1 et 4 de l’Accord d’association avec le Maroc, une invitation pour une réunion a été adressée au Front Polisario afin de connaître son avis sur l’extension de l'APPD UE-Maroc aux eaux adjacentes au Sahara occidental. Le SEAE a contacté le Front Polisario à deux reprises en indiquant qu'il était prêt et disposé à procéder à un échange de vues sur le partenariat de pêche. Aucune réponse positive n'a été reçue. Le SEAE a néanmoins transmis sa disponibilité à avoir un échange avec le Front Polisario à une date ultérieure.
Afin de garantir le caractère inclusif des consultations, le SEAE et la Commission ont également invité pour tenir des consultations à Bruxelles des organisations de la société civile qui se sont exprimées contre l'extension de l'APPD aux eaux adjacentes au Sahara occidental. Aucune de ces organisations n’a accepté l’invitation. Elles n’ont toutefois avancé aucun argument économiques ou technique spécifique contre l’extension de l'APPD et du Protocole UE-Maroc aux eaux adjacentes au Sahara occidental. Par conséquent, le refus de l'invitation semble être lié à des réserves de nature politique liées à la question du statut final du Sahara occidental.
4CONCLUSION
En ce qui concerne les consultations, le premier volet, consistant en des consultations menées par les autorités marocaines, a permis de constater un large consensus dans le soutien du nouveau partenariat de pêche durable, y compris de son extension aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental. Il convient de noter que ce soutien a été exprimé à l'unanimité par les élus des Conseils régionaux de Laayoune-Sakia El Hamra et de Dakhla-Oued Eddahab, tous d'origine sahraouie selon les autorités marocaines, et dans une très large mesure par les Chambres de Pêches Maritimes, et la Commission des Affaires Etrangères, des Frontières, de la Défense Nationale et des Territoires marocains occupés de la Chambre des Conseillers du Parlement marocain.
En ce qui concerne les résultats des consultations menées par le SEAE et la Commission, un soutien très fort à l'extension de l'APPD UE-Maroc aux eaux adjacentes au Sahara occidental a également pu être constaté, bien que plusieurs acteurs aient formulé des observations et des recommandations sur certains aspects de la mise en œuvre de l’accord de pêche en vue de maximiser les bénéfices pour la population locale.
Les organisations de la société civile et les ONG ont demandé à jouer un rôle plus important dans le suivi de l'APPD et du Protocole, pour lequel il existe déjà une commission conjointe prévue dans le projet d'APPD qui doit se réunir au moins une fois par an.
Les parties prenantes consultées n’ont soulevé aucune question spécifique relative aux droits de l’homme concernant le partenariat de pêche et aucune preuve de discrimination fondée sur des motifs ethniques n’a été trouvée. Les interlocuteurs se sont félicités de l'existence d'une clause générale relative aux droits de l'homme et de dispositions spécifiques sur la non-discrimination et les droits du travail, conformément aux normes de l'OIT dans l'APPD et le protocole. De leur côté, le Front Polisario et plusieurs autres acteurs sensibles à sa cause ont refusé de prendre part au processus de consultation sans apporter d’argument contre le nouvel APPD.
Il convient enfin de noter que l'Accord de partenariat de pêche UE-Maroc ne préjuge pas de la position de l’UE vis-à-vis du statut politique du Sahara occidental et du processus mené par l’ONU. L'UE soutient les efforts déployés par l'ONU en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du Sahara occidental dans le contexte d’arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.
En ce qui concerne les bénéfices, il ressort des informations disponibles que tant les activités de pêche que les investissements faits à partir de l'aide sectorielle dans le cadre du protocole 2014 – 2018 de l’accord de pêche en vigueur ont largement bénéficié aux populations du Sahara occidental.
L'aide sectorielle, inscrite dans le cadre de la stratégie nationale Halieutis qui couvre également le territoire du Sahara occidental et s'adresse à l'ensemble des acteurs du secteur (y compris la population du Sahara occidental), est investie pour la plus grande partie (80%) dans le territoire du Sahara occidental où elle devrait permettre la création de plusieurs milliers d’emplois, et a contribué au développement des activités de transformation des produits de la pêche et à l’amélioration de la compétitivité du secteur.
Les activités de pêche des navires de l'Union quant à elles ont été strictement limitées à un niveau garantissant leur caractère durable, tel que cela ressort des avis scientifiques, préservant ainsi les stocks de poissons pour les générations futures des populations locales. Les marins qui sont embarqués à bord des navires de l'Union, dont ceux du Sahara occidental, jouissent d’une protection sociale et sont assurés de conditions de travail justes et équitables, en renvoyant aux normes et principes de l'OIT. Le débarquement et la transformation des produits sont une source d’emploi certaine dans un secteur à forte potentialité au Sahara occidental.
En ce qui concerne l’avenir, la conclusion d’un APPD avec renouvellement de protocole apparaît clairement comme le scénario le plus à même d’assurer la durabilité du développement du secteur des pêches au Sahara occidental et dès lors, la durabilité du développement des populations de ce territoire.
En effet, l’APPD prendra en compte les objectifs et prescriptions de la Politique Commune de la Pêche de l’UE concernant notamment la limitation de l’accès des navires de l’UE à un surplus établi sur des bases scientifiques et à la recherche de la réduction des captures d’espèces non-désirées.
L’appui sectoriel continuera à contribuer à la stratégie nationale de développement du secteur en tenant compte des besoins des populations concernées, par le biais d’une répartition géographique et sociale équitable et proportionnelle de cet appui. A cette fin, une programmation détaillée sera soumise aux parties lors de la première commission mixte.
En outre, représentant une nouveauté par rapport à l’accord précédent, c’est non seulement l’appui sectoriel mais l’entièreté de la contribution financière de l’Union (compensation financière pour l’accès et montant de l’appui sectoriel) et des redevances payées par les armateurs dans le cadre de l’APPD qui fera désormais l’objet d’une répartition géographique et sociale visant à assurer le développement durable de l’ensemble des populations concernées, y inclus celle du Sahara occidental.
Dans le cadre du nouvel APPD, une attention particulière devra être apportée aux débarquements locaux, dont l’accroissement devrait avoir un impact bénéfique significatif sur tous les secteurs en aval (transformation, exportation) en favorisant emploi et compétitivité.
L’absence d’un APPD compromettrait l’emploi dans un secteur clé pour le développement du territoire du Sahara occidental, et provoquerait la diminution des activités de débarquement et de transformation ou leur transfert vers le Maroc. Ceci serait contraire aux objectifs de l’UE de soutenir le développement de ce secteur économique essentiel pour le Sahara occidental, et donc pour sa population.
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ANNEXE 1
Liste des projets de l’appui sectoriel (programmation 2014-2018)
Projet
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Montant de l’appui (M€)
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Campagnes de prospection en mer
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5.50
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Travaux dans les VDP de la région de Dakhla Oued-Eddahab
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5.43
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Construction de la halle de nouvelle génération de Dakhla
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4.13
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Inventaire, évaluation et classement des ressources littorales
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3.67
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Renforcement du contrôle des débarquements à Dakhla
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3.67
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Construction de la halle de nouvelle génération de Tan-Tan
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2.76
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Travaux de mise à niveau de la zone industrielle de Dakhla
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2.75
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Construction du PDA d’Imourane (Province d’Agadir)
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2.72
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Acquisition d’une vedette de sauvetage (Tanger)
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2.29
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Construction du marché de gros de poisson d’Inezgane
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2.20
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Création d’un point de débarquement aquacole (baie de Cintra)
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2.02
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Appui aux associations socio-professionnelles
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2.02
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Construction de locaux pour pêcheurs au port de Boujdour
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1.89
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Construction laboratoire spécialisé en aquaculture à Dakhla
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1.83
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Construction de locaux de stockage des contenants normalisés
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1.47
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Réalisation de murs de clôture des ports
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1.44
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Acquisition de tunnels de lavage des contenants normalisés
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1.28
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Acquisition d’un navire-école
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1.28
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Observation océanographique du milieu marin
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1.10
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Prospection des fonds rocheux (Cap Spartel - Cap Boujdour)
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0.73
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Alimentation du PDA d’Aftiessat en énergie solaire
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0.64
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Réseau d’observateurs scientifiques de la pêche artisanale
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0.64
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Alimentation du PDA de Lamhiriz en énergie solaire
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0.55
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Harmonisation des systèmes d’exploitation
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0.55
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Acquisition de véhicules pour le renforcement du contrôle
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0.46
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Construction d’une ferme aquacole expérimentale à Dakhla
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0.46
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Travaux de finition du centre régional de l’INRH à Agadir
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0.46
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Acquisition d’un simulateur de pêche, navigation et manœuvre
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0.37
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Mise à niveau des antennes de santé des gens de mer
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0.37
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Acquisition de matériel de manutention
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0.3
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Construction de la halle d’Amégriou
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0.28
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Construction du CAPI de Layoune
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0.19
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Construction du CAPI de Dakhla
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0.17
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Mise à niveau de la halle de Lamhiriz
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0.14
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Construction du PDA de Tibouda
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0.09
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Construction du PDA de Tiguert
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0.09
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ANNEXE 2
Liste des parties prenantes consultées
·Conseil régional de Laayoune-Sakia El Hamra
·Conseil communal de Dakhla
·Conseil Provincial de Smara
·Commission régionale des droits de l'homme (CRDH) Laayoune
·Commission régionale des droits de l'homme (CRDH) Dakhla
·Forum Sakia El Hamra et Oued Eddhab pour la Démocratie et le Développement
·Commission Indépendante pour les droits de l'Homme (CIDH)
·Observatoire du Sahara pour la paix et la démocratie (OSPDH)
·Conseil national des droits de l'homme (CNDH)
·Chambre des Pêches Maritimes de l'Atlantique Sud
·Association N'Tirift des professionnels de la pêche artisanale de la région de Dakhla
·Fédération de la pêche maritime et de développement social de la région de Dakhla
·King Pélagique Group
·Agence du Sud
·Conseil Economique Social et Environnemental (CESE)
·Haut-Commissariat au Plan
·Institut National de Recherche Halieutique
·Office National de Sécurité Sanitaire des Produits alimentaires
·Office Nationale des Pêches
·Centre de qualification professionnelle maritime de Dakhla
·Ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime du Maroc
Les interlocuteurs suivants ont été invités mais ont décliné l’invitation:
·Front Polisario
·Association Sahraouie des Victimes des Violations Graves des Droits de l'Homme (ASVDH)
·Association marocaine des droits humains (AMDH)
·Association El Ghad
·Western Sahara Campaign
·Western Sahara Resource Watch
·Independent Diplomat