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Document 62022CO0091

Order of the Court (Tenth Chamber) of 1 March 2023.
Edison Next SpA v Ministero della Transizione Ecologica and Others.
Request for a preliminary ruling from the Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio.
Reference for a preliminary ruling – Article 53(2) and Article 94 of the Rules of Procedure of the Court of Justice – Requirements to set out the factual context of the dispute in the main proceedings and the reasons justifying the need for an answer from the Court to the questions referred for a preliminary ruling – Lack of sufficient information – Manifest inadmissibility.
Case C-91/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:161

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

1er mars 2023 (*) 

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Exigences de présentation du contexte factuel du litige au principal ainsi que des raisons justifiant la nécessité d’une réponse de la Cour aux questions préjudicielles – Absence de précisions suffisantes – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑91/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), par décision du 25 janvier 2022, parvenue à la Cour le 9 février 2022, dans la procédure

Edison Next SpA, anciennement Fenice – Qualità per l’ambiente SpA,

contre

Ministero della Transizione ecologica,

Ministero dello Sviluppo economico,

Comitato nazionale per la gestione della direttiva 2003/87/CE e per il supporto nella gestione delle attività di progetto del protocollo di Kyoto,

en présence de :

Hera SpA,

FCA Italy SpA,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. M. Ilešič et Z. Csehi (rapporteur), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Edison Next SpA, par Mes L. G. Ferrua Magliani et R. Montanaro, avvocati,

–        pour FCA Italy SpA, par Mes M. Condinanzi et C. Vivani, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

–        pour le Parlement européen, par M. W. D. Kuzmienko et Mme L. Stefani, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme A. Maceroni et M. A. Norberg, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. B. De Meester, G. Gattinara et G. Wils, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte, d’une part, sur la détermination de la compétence du Tribunal de l’Union européenne au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ainsi que, d’autre part, sur l’interprétation de l’article 3, sous u), de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018 (JO 2018, L 76, p. 3) (ci-après la « directive 2003/87 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Edison Next SpA, anciennement Fenice – Qualità per l’ambiente SpA, au Ministero della Transizione ecologica (ministère de la Transition écologique, Italie), au Ministero dello Sviluppo economico (ministère du Développement économique, Italie) et au Comitato nazionale per la gestione della direttiva 2003/87/CE e per il supporto nella gestione delle attività di progetto del protocollo di Kyoto (Comité national pour la gestion de la directive 2003/87/CE et pour le soutien à la gestion des activités de projets relevant du protocole de Kyoto, Italie) (ci-après le « comité national »), au sujet de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour la période allant de l’année 2021 à l’année 2025.

 Le cadre juridique

3        L’article 94 du règlement de procédure de la Cour dispose :

« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :

a)      un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;

b)      la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;

c)      l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »

4        Aux termes de l’article 3 de la directive 2003/87, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

u)      “producteur d’électricité”, une installation qui, à la date du 1er janvier 2005 ou ultérieurement, a produit de l’électricité destinée à la vente à des tiers et dans laquelle n’a lieu aucune activité énumérée dans l’annexe I, autre que la “combustion de combustibles”. »

5        L’article 10 bis de cette directive, intitulé « Règles communautaires transitoires concernant la délivrance de quotas à titre gratuit », dispose, à son paragraphe 3 :

« Sous réserve des paragraphes 4 et 8, et sans préjudice de l’article 10 quater, aucun quota n’est alloué à titre gratuit aux producteurs d’électricité, aux installations de captage de CO2, aux pipelines destinés au transport de CO2 ou aux sites de stockage de CO2. »

6        L’article 11, de ladite directive, intitulé « Mesures nationales d’exécution », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Chaque État membre publie et présente à la Commission [européenne], au plus tard le 30 septembre 2011, la liste des installations couvertes par la présente directive qui se trouvent sur son territoire, ainsi que les quotas gratuits alloués à chaque installation située sur son territoire, calculés conformément aux règles visées à l’article 10 bis, paragraphe 1, et à l’article 10 quater.

La liste des installations couvertes par la présente directive pour la période de cinq ans débutant le 1er janvier 2021 est présentée le 30 septembre 2019 au plus tard, et les listes pour chaque période ultérieure de cinq ans sont présentées tous les cinq ans par la suite. Chaque liste contient des informations relatives à l’activité de production, aux transferts de chaleur et de gaz, à la production d’électricité et aux émissions au niveau des sous-installations au cours des cinq années civiles précédant sa présentation. Des quotas ne sont alloués à titre gratuit qu’aux installations pour lesquelles ces informations sont fournies. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

7        La requérante au principal est une société exerçant des activités dans le domaine environnemental et des énergies alternatives. À cette fin, elle exploite l’installation de production d’énergie située à Mirafiori (Italie) (ci-après l’« installation de Mirafiori »), qui relève du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre établi par la directive 2003/87.

8        Par une note du 21 octobre 2020, le comité national a indiqué à la requérante au principal que, conformément au résultat de l’instruction menée en accord avec la Commission, l’installation de Mirafiori serait qualifiée de « producteur d’électricité », au sens de l’article 3, sous u), de la directive 2003/87, et, partant, ne serait pas susceptible de bénéficier des quotas d’émission à titre gratuit dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre établi par cette directive.

9        Par la décision no 42/2021, publiée le 12 avril 2021, le comité national a mis à jour la liste nationale des installations couvertes par la directive 2003/87, visée à l’article 11, paragraphe 1, de celle-ci, et n’a alloué aucun quota d’émission gratuit à l’installation de Mirafiori.

10      La requérante au principal a saisi le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) d’un recours tendant à l’annulation de ces actes. Le ministère de la Transition écologique s’est constitué partie à l’instance et a conclu au rejet de ce recours.

11      La juridiction de renvoi expose, dans la décision de renvoi, qu’elle a soulevé d’office une fin de non‑recevoir du recours pour défaut de compétence.

12      Elle invoque également, s’agissant de l’interprétation des normes de droit de l’Union en cause, l’importance des intérêts en jeu et la complexité des questions soulevées.

13      Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Eu égard à la procédure d’adoption de la décision prise par le [comité national] concernant l’inclusion des installations dans la liste d’allocation de quotas CO2 et, en particulier, au mécanisme d’interaction avec la [Commission] prévu en la matière dans le [règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission, du 19 décembre 2018, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2019, L 59, p. 8)], une telle décision peut-elle faire l’objet d’un recours autonome devant le Tribunal de l’Union européenne au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE lorsque l’acte attaqué produit des effets juridiques contraignants et qu’il concerne directement l’opérateur économique requérant ?

2)      Si tel n’est pas le cas, un opérateur économique privé ayant subi un préjudice directement lié à son exclusion de l’allocation de quotas de CO2 sur le fondement de l’instruction menée de concert par la [Commission] et par le [comité national] peut-il attaquer la décision prise par la [Commission] de rejeter l’inscription de l’installation sur la liste, au sens de l’article 14, paragraphe 4, du règlement délégué [2019/331], devant le Tribunal de l’Union européenne au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ?

3)      La notion de “producteur d’électricité”, au sens de l’article 3, sous u), de la [directive 2003/87], telle qu’elle résulte de l’arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:518), ayant pour objet une demande de décision préjudicielle adressée à la Cour en vertu de l’article 267 TFUE par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne), par décision du 28 novembre 2017, s’étend-elle également à des situations dans lesquelles une installation qui dispose de plusieurs sources d’énergie thermique autres que la cogénération et qui est pourvue des caractéristiques lui donnant droit à des quotas d’émission gratuits, produit, pour une partie minime, de l’électricité par cogénération, sans que celle-ci soit à haut rendement ?

4)      Une telle interprétation de la définition de la notion de “producteur d’électricité” est-elle compatible avec les principes généraux du droit de l’Union de respect des conditions de concurrence entre opérateurs en cas d’octroi d’incitants et de proportionnalité de la mesure, lorsqu’une installation caractérisée par de multiples sources d’énergie est totalement exclue sans distinction des valeurs d’émission en fonction des sources de chaleur autres que la cogénération, celles-ci étant pleinement éligibles à bénéficier des avantages prévus ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

14      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

15      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

16      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

17      Dès lors que la décision de renvoi sert de fondement à cette procédure, la juridiction nationale est tenue d’expliciter, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et de fournir les explications nécessaires sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis [voir en ce sens, notamment, arrêt du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal), C‑430/19, EU:C:2020:429, point 23 et jurisprudence citée].

18      À cet égard, il importe de souligner également que les informations contenues dans les décisions de renvoi doivent permettre, d’une part, à la Cour d’apporter des réponses utiles aux questions posées par la juridiction nationale et, d’autre part, aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés d’exercer le droit qui leur est conféré par l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de présenter des observations. Il incombe à la Cour de veiller à ce que ce droit soit sauvegardé, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Irish Ferries, C‑570/19, EU:C:2021:664, point 134 et jurisprudence citée).

19      Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, que la juridiction de renvoi est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnance du 3 juillet 2014, Talasca, C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 21, ainsi que arrêt du 9 septembre 2021, Toplofikatsia Sofia e.a., C‑208/20 et C‑256/20, EU:C:2021:719, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Elles sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1).

20      En l’occurrence, la décision de renvoi ne répond manifestement pas aux exigences posées à l’article 94, respectivement, sous a) et c), du règlement de procédure.

21      En effet, en premier lieu, en ce qui concerne les première et deuxième questions, l’exposé, dans la décision de renvoi, des faits pertinents du litige dont la juridiction de renvoi est saisie est trop lacunaire pour permettre à la Cour de comprendre les raisons pour lesquelles l’article 263, quatrième alinéa, TFUE serait applicable aux actes auxquels cette juridiction se réfère.

22      En second lieu, la décision de renvoi ne comporte pas l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur la compétence du Tribunal en ce qui concerne les actes en cause du comité national et ceux de la Commission ainsi que sur l’interprétation de l’article 3, sous u), de la directive 2003/87, mais se borne, en substance, à exposer les arguments des parties au principal à cet égard, sans faire état de sa propre appréciation et sans indiquer dans quelle mesure elle entend ou non s’approprier ces arguments.

23      À cet égard, il convient de rappeler que la simple reproduction par la juridiction de renvoi des arguments qui lui ont été soumis ne saurait constituer une référence suffisamment précise aux raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation des dispositions figurant dans les questions préjudicielles (voir, par analogie, ordonnance du 1er juin 2022, Petróleos de Portugal – Petrogal, C‑706/21, non publiée, EU:C:2022:418, point 31).

24      En outre, à supposer que la quatrième question porte sur la validité de l’article 3, sous u), de la directive 2003/87, ce qui ne ressort pas clairement de la formulation de cette question, il y a lieu de rappeler qu’il est important que la juridiction nationale indique les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et qu’elle expose les motifs d’invalidité qui, par voie de conséquence, lui paraissent pouvoir être retenus (arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 63 ainsi que jurisprudence citée). Or, la décision de renvoi ne contient pas de précisions sur les raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur la validité de l’article 3, sous u), de la directive 2003/87 au regard des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

25      Dans ces conditions, la décision de renvoi ne respecte pas les exigences découlant de l’article 94, sous a) et c), du règlement de procédure.

26      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la présente demande de décision préjudicielle est, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, manifestement irrecevable.

27      Il convient cependant de rappeler que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle en fournissant à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle-ci de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, Călin, C‑676/17, EU:C:2019:700, point 41 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

28      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), par décision du 25 janvier 2022, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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